Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
1
Voir J. Irigoin, “Histoire du texte des Œuvres Morales de Plutarque”, dans
Plutarque. Œuvres Morales I, Paris 1987, p. CCCIII-CCCX.
2
Cf. Irigoin, “Histoire du texte”, p. CCXXVIII-CCXXIX.
3
Pour une bibliographie récente des principaux travaux où sont abordées des
questions se rapportant à cette œuvre perdue, voir M. Bonazzi, Academici e Platonici.
Il dibattito antico sullo scetticismo di Platone, Milano 2003, p. 213 n. 1.
4
Cf. Cic. Luc. 69, p. 60, 25-29 Plasberg; sur l’ambiguïté de la première partie de
la phrase, voir J. Barnes, “Antiochus of Ascalon”, dans M. Griffin and J. Barnes
(eds.), Philosophia togata I, Oxford 1997, p. 55 n. 18. Voir par ailleurs C. Lévy, Cicero
Academicus. Recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Roma 1992, p.
196-197.
5
Comme l’atteste le personnage de Cicéron dans les Ac. 13 et 46.
6
Voir Plut. De Stoic. rep. 1037C1-4, et comparer Cic. Luc. 7 et 60.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 64
64 DANIEL BABUT
7
Voir p. ex. G. Boys-Stones, Post-Hellenistic philosophy. A study of its development from
the Stoics to Origen, Oxford 2001, p. 142-143.
8
Voir déjà D. Babut, Plutarque et le stoïcisme, Paris 1969, p. 282. G. Boys-Stones,
“Plutarch on the probable principle of cold. Epistemology and the ‘De primo frigi-
do’”, CQ 47 (1997), p. 227, avec n. 2, sans donner raison à ceux qui s’appuient sur la
fameuse phrase de conclusion du petit traité Sur le principe du froid (Peri; tou` prwvtw"
yucrou`) pour estimer que l’auteur se serait fait l’avocat d’une forme de scepticisme
radical (p. 228, 231), croit pouvoir cependant critiquer l’interprétation de Donini,
laquelle s’inscrit en faux (comme on le verra plus loin) “against an attribution of radi-
cal scepticism to De prim. frig. as a whole”. Sur l’impossibilité d’assimiler purement et
simplement Plutarque aux anciens sceptiques voir p. ex. D. Babut, Parerga. Choix d’ar-
ticles de Daniel Babut (1974-1994), Lyon 1994, p. 550, avec les références de la n. 4, et
570, avec les citations de R.M. Jones, The Platonism of Plutarch, Chicago 1916, et de
P.L. Donini, “Lo scetticismo academico, Aristotele e l’unità della tradizione platoni-
ca secondo Plutarco”, dans G. Cambiano (a cura di), Storiografia e dossografia nella filo-
sofia antica, Torino 1986, p. 223 n. 27 (“si è stravolto il significato dell’intero scritto e
si è inventato uno scetticismo radicale di Plutarco che non ha alcun sostegno nei
testi”).
9
De cap. ex inim. ut. 90C9, et Vit. Pericl. 8, 2.
10
Quaest. conv. VII 1, 700B6-7.
11
Voir Cic. Luc. 70, p. 61, 9-11 Plasberg; Plut. Vit. Luc. 42, 3 (… i[dion ... th`"
∆Akadhmeiva" ejx ajrch`" e[rwta kai; zh`lon e[scen [sc. oJ Leuvkollo"], ouj th`" neva" legomevnh" ...
ajlla; th`" palaia`", piqano;n a[ndra kai; deino;n eijpei`n tovte prostavthn ejcouvsh" to;n
∆Askalwnivthn ∆Antivocon ...), et Vit. Brut. 2, 3 (Kai; th;n nevan kai; mevshn ∆Akadhvmeian ouj pavnu
prosievmeno" [sc. oJ Brou`to"] ejxhvrthto th`" palaia`" kai; dietevlei qaumavzwn to;n ... ∆Antivocon).
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 65
vait inauguré Arcésilas et qui avait joué un rôle si important dans les
débats philosophiques du temps, jusqu’au naufrage de l’École, au dé-
but du Ier siècle avant notre ère?
On pourrait d’abord s’étonner que même les plus enclins, parmi les
historiens modernes de la philosophie hellénistique, à minimiser l’in-
fluence de l’Académie ‘sceptique’ sur la pensée de Plutarque n’aient
pas suivi cette voie,12 et que certains aient paru admettre d’emblée que
le philosophe de Chéronée avait bien pris à ce sujet le parti de Philon,
en reconnaissant la légitimité de l’affiliation à ‘l’Académie issue de
Platon’ de ceux que l’on avait appelés Néo-Académiciens.13 Mais il est
vrai que même si nous n’avons malheureusement rien conservé de l’é-
crit traitant de l’unité de l’Académie que le Catalogue de Lamprias attri-
bue à Plutarque, nous avons toutes les raisons de croire qu’il en était
bien l’auteur.
La plus probante de ces raisons n’est sans doute pas qu’il ait large-
ment recouru à des arguments d’origine néo-académicienne dans une
partie non négligeable de sa production philosophique.14 Car on ne
peut exclure a priori qu’il s’agisse là d’une exploitation circonstancielle
12
Voir p. ex. A. Nikolaidis, “Plutarch and the Old, Middle and New Academies,
and the Academy in Plutarch’s day”, dans Pérez Jiménez, Garcia Lopez y Aguilar
(eds.), Plutarco, Platon y Aristoteles, Madrid 1999, p. 400, qui, prenant pour ainsi dire le
problème à l’envers, estime que “Plutarch’s conviction that the Academy had a con-
tinuous and unitarian tradition is confirmed by the treatises 63 and 64 in the Lamprias
catalogue”.
13
Ainsi P.L. Donini, “Testi e commenti, manuali e insegnamento: la forma siste-
matica e i metodi della filosofia in età postellenistica”, ANRW II 36, 7 (1994), p.
5074-5075, a considéré comme une hypothèse tout à fait plausible que la polémique
de Numénius dans le pamphlet intitulé Sur l’infidélité des Académiciens à Platon (Peri; th`"
tw`n ∆Akadhmai>kw`n pro;" Plavtwna diastavsew") ait visé particulièrement Plutarque et ait
été conçue comme une réponse à son écrit sur l’unité de la tradition académicienne
et platonicienne – hypothèse qu’il a reprise dans “Socrate ‘pitagorico’ e medioplato-
nico”, Elenchos 24 (2003), p. 339, et déjà dans “L’eredità academica e i fondamenti del
platonismo in Plutarco”, voir M. Barbanti, G.R. Giardina e P. Manganaro (a cura di),
ENWSIS KAI FILIA. Unione e amicizia. Omaggio a Francesco Romano, Catania 2002, p. 252,
mais cette fois avec réserve (“Ma finora nessuna dimostrazione ha potuto essere
addotta in favore di una simile ipotesi”).
14
Surtout dans ce qui nous reste de ses essais polémiques visant les Stoïciens et
les Épicuriens.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 66
66 DANIEL BABUT
15
Voir P. De Lacy, “Plutarch and the Academic sceptics”, CJ 49 (1953), p. 79-81.
16
Le nom d’Arcésilas se trouve dans 16 passages des Moralia (si on en exclut 2,
d’authenticité douteuse) et 2 des Vies, et Carnéade est nommé 14 fois dans les Moralia
et 4 fois dans les Vies.
17
Cf. Quaest. conv. VIII 1, 717D4-6, où Florus déclare, à propos des coïncidences,
dont vient de faire état Plutarque, entre des événements historiques importants et la
date de naissance ou de mort de poètes ou d’autres célébrités, que “Carnéade ne lui
semblait pas indigne non plus d’être cité à l’anniversaire de Platon, lui qui fut un si
glorieux sectateur de l’Académie (a[ndra th`" ∆Akadhmeiva" eujkleevstaton ojrgiasthvn, trad.
Frazier)”. On notera dans cette phrase l’emploi quelque peu inattendu (cf. De Lacy,
“Plutarch and the Academic sceptics”, p. 86 n. 8) du mot ojrgiasthv", à rapprocher de
celui que l’on trouve dans un passage du Contre Colotès (1107F2-3 De Lacy-Einarson),
s’agissant d’Aristodème d’Aigion, ami personnel de l’auteur et l’un des protagonistes
du dialogue, qualifié ici d’ a[ndra tw`n ejx ∆Akadhmiva" ouj narqhkofovron ajll∆ ejmmanevstaton
ojrgiasth;n Plavtwno". Bonazzi, Academici e Platonici, p. 216, avec n. 10, remarque judi-
cieusement au sujet de ce texte qu’il fait partie de ceux dans lesquels ‘Académiciens’
(en l’occurrence les membres de l’école animée par Plutarque, cf. Babut, Parerga, p.
562 n. 74) et ‘Platoniciens’ sont étroitement associés – comme c’est implicitement le
cas, ajouterons-nous, dans la phrase de Florus citée ci-dessus (cf. Bonazzi, Academici
e Platonici, p. 218, avec n. 19). Sur Carnéade, voir également Vit. Cat. 22, 3, où, évo-
quant le succès rencontré par les trois philosophes grecs venus plaider la cause
d’Athènes à Rome en 155, Plutarque insiste surtout sur le prodigieux talent de paro-
le de Carnéade, égal à sa réputation, qui lui attira des foules d’auditeurs admiratifs.
“On disait partout qu’un Grec supérieurement doué pour frapper les esprits, ensor-
celant et subjuguant tout un chacun, inculquait aux jeunes gens un extraordinaire
engouement, qui leur faisait écarter tous leurs autres plaisirs et occupations et s’en-
thousiasmer pour la philosophie”. Ailleurs (De Alex. fort. virt. I 4, 328A8-10),
Arcésilas et Carnéade sont nommés aux côtés de Pythagore et de Socrate au nombre
de ceux qui, sans avoir rien écrit, n’en furent pas moins “les plus estimés des philo-
sophes (oiJ dokimwvtatoi tw`n filosovfwn)”. On rappellera aussi les anecdotes édifiantes
rapportées sur Arcésilas et son disciple Lacydès dans le De adulat. 63D-E, et, concer-
nant le premier, la phrase de l’Adv. Col. (1121E9-11 Pohlenz) qui relève que sa répu-
tation chagrinait particulièrement l’Épicurien (to;n ∆Epikouvreion, correction de Crönert
pour ∆Epivkouron, leçon des mss., cf. Bonazzi, Academici e Platonici, p. 221 n. 25), outré
qu’il fût le plus apprécié des philosophes de son temps (ejn toi`" tovte crovnoi"
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 67
mavlista tw`n filosovfwn ajgaphqevnto"). Ajoutons que J. Opsomer (In Search of the Truth.
Academic tendencies in Middle Platonism, Brussel 1998, p. 202 n. 355) tire argument de
ces témoignages uniformément favorables à l’initiateur de l’Académie ‘sceptique’
pour rejeter l’authenticité du fragment 215(a) Sandbach, en faisant remarquer que
“This would be the only instance of Plutarch betraying his loyalty to an Academic”
(pour une interprétation différente, mais peu plausible de la phrase – compte tenu du
contexte de l’ensemble constitué par 215(a)-(c) – voir Bonazzi, Academici e Platonici, p.
231 n. 49, citant également C. Brittain, Philo of Larissa. The Last of the Academic Sceptics,
Oxford 2001, p. 205-206). Enfin, pour le jugement que pouvait porter Plutarque sur
les Néo-Académiciens en général, on tiendra compte des propos tenus par le parte-
naire et élève de Diadouménos, qui manifeste dans le prologue du De comm. not.
l’émotion et l’indignation qu’il a ressenties en entendant des amis stoïciens s’en
prendre violemment à l’Académie (1058F4-1059B1, 1059C4-7, avec les notes 1 et 11
du commentaire de la C.U.F.). Face à cet ensemble de témoignages, on voit mal ce
qui justifie le jugement de J. Dillon, “Plutarch’s debt to Xenocrates”, dans Pérez
Jiménez, Garcia Lopez y Aguilar (eds.), Plutarco, Platon y Aristoteles, p. 305: “As for the
New Academy, despite his retention of some Academic sceptic traits as weapons
against the Stoa, he [Plutarch] reveals no affinity for such figures as Arcesilaus or
Carneades”.
18
1121E9-11, cité dans la note précédente.
19
Sur l’identité de ces ‘sophistes’, voir la note B. Einarson and P.H. De Lacy,
Plutarch. Moralia XIV, Cambridge, Mass. 1967, p. 277, et, renvoyant à E. Bignone,
L’Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, Firenze 1973, p. 42 n. 90, qui s’ap-
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 68
68 DANIEL BABUT
puyait sur un passage de Numénius. (fr. 25, 75-82 des Places) citant lui-même un cer-
tain Dioclès de Cnide (cf. D. Flamand, dans R. Goulet (éd.), Dictionnaire des philosophes
antiques, Paris, II, 1994, D 95, p. 759, et D 114, p. 774-775): par crainte des disciples
de Théodore et de Bion le sophiste, qui s’en prenaient par tous les moyens aux phi-
losophes, Arcésilas, pour se mettre à couvert, “n’aurait avancé aucune opinion
voyante, mais [aurait] lancé devant lui, comme la seiche son encre, la ‘suspension du
jugement’” (trad. des Places). Numénius déclare qu’il n’en croit pas un mot, et on ne
peut lui donner tort. Aussi comprend-on mal que les éditeurs américains de l’Adv.
Col. n’éprouvent aucun doute sur l’identification de ces sophistes contemporains
d’Arcésilas avec les Théodoriens et Bion, d’autant que les textes de Plutarque et de
Numénius n’offrent, tout compte fait, qu’une vague ressemblance. Donini, “L’eredità
academica”, p. 258 n. 91, ne voit pour sa part d’identification possible et raisonnable
pour ces personnages qu’avec les Stoïciens. Mais s’il est vrai que ces derniers pou-
vaient à l’occasion traiter leurs adversaires de sophistes (cf. De comm. not. 1059A9-12),
Plutarque ne semble pas en avoir fait autant pour les Stoïciens, même dans le feu de
la polémique.
20
Cf. Donini, “Socrate ‘pitagorico’ e medioplatonico”, p. 334-335: “non si può
ignorare il fatto che nel testo di Adv. Col. 1122A, immediatamente seguente alla lista
delle autorità cui si sarebbe appellato Arcesilao […] Plutarco non riferisce più la
rivendicazione del filosofo academico, ma la commenta proprio nomine”. Nikolaidis,
“Plutarch and the Old, Middle and New Academies”, p. 409, argue que dans le con-
texte de sa polémique antiépicurienne Plutarque ne pouvait faire moins que de rejeter
l’argumentation de Colotès en prenant parti pour Carnéade et l’Académie sceptique.
Mais pour ce faire il lui suffisait de faire état de la critique adressée à Arcésilas par les
‘sophistes contemporains’: rien ne l’obligeait à ajouter l’allusion, implicite mais trans-
parente, à la thèse qu’avait défendue Philon sur l’unité de l’Académie!
21
On peut se demander si l’intention de Plutarque n’a pas été de suggérer qu’Ar-
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 69
70 DANIEL BABUT
25
Bonazzi, Academici e Platonici, p. 214, avec n. 6, relève qu’à la différence de l’au-
teur anonyme du Commentaire sur le Théétète Plutarque n’emploie jamais l’adjectif
Platwnikov" pour des personnes, mais lui préfère ∆Akadhmai>kov" ou les périphrases oiJ
ajpo; Plavtwno", oiJ ejx ∆Akadhmiva" (cf. déjà J. Glucker, Antiochus and the late Academy,
Göttingen 1978, p. 209, 213; Opsomer, In Search of the Truth, p. 36 n. 34; Nikolaidis,
“Plutarch and the Old, Middle and New Academies”, p. 400 n. 8): “Il mancato impie-
go di Platwnikov"”, ajoute-t-il, “conferma il significato inclusivo di ∆Akadhmai>kov" in
riferimento alla tesi unitaria”.
26
Voir notamment à ce sujet Donini, “L’eredità academica”, p. 248-252. On rap-
pellera en particulier la façon dont Carnéade est étroitement associé à Platon dans
Quaest. conv. VIII 1, où il est appelé th`" ∆Akadhmiva" eujkleevstaton ojrgiasthvn, tout
comme, dans l’Adv. Col. il est dit d’Aristodème d’Aigion qu’il n’était pas un simple
porte-thyrse, parmi les élèves de l’Académie (tw`n ejx ∆Akadhmiva", cf. à ce sujet
Opsomer, In Search of the Truth, p. 26 n. 63), mais un sectateur (ojrgiasthvn) des plus
fanatiques de Platon (voir supra, n. 17). Notons à propos de cette dernière phrase que
les commentateurs auraient pu signaler qu’elle fait écho à plusieurs passages de
Platon: non pas seulement Phd. 69c8, mais 59a9-10, sur Apollodore (oi\sqa gavr pou to;n
a[ndra kai; to;n trovpon aujtou`), et, pour la présentation d’Aristodème d’Aigion, ce qui est
dit dans Symp. 173b1-4 d’un autre Aristodème, Swkravtou" ejrasth;" w]n ejn toi`" mavlista
tw`n tovte. Mérite également d’être souligné le double sens que peut prendre l’expres-
sion oJ ∆Akadhmai>ko;" lovgo" selon les contextes. Dans Adv. Col. 1122A (supra, p.68-69
n.), elle s’applique évidemment au ‘discours de l’Académie’ qui a précédé Arcésilas.
Mais dans le titre de l’œuvre perdue qui porte le no 131 du Catalogue de Lamprias, Peri;
tou` mh; mavcesqai th`/ mantikh`/ to;n ∆Akadhmai>ko;n lovgon, il ne peut évidemment s’agir que de
la question de savoir si la Nouvelle Académie laisse une place à la croyance en la divi-
nation. Mais le texte le plus significatif sur la façon dont l’Académie est associée à
Platon par Plutarque est celui du De def. orac. 430E10-431A3 où, concluant l’exposé
qu’il a consacré à la question de la pluralité des mondes, Lamprias déclare d’abord:
“Que tout cela soit donc dédié en hommage à Platon pour complaire à Ammonios!”,
avant d’ajouter un peu plus loin: “c’est ici l’occasion ou jamais de nous souvenir de
l’Académie pour écarter une confiance excessive (to; a[gan th`" pivstew") et pour nous
contenter, comme étant sur un terrain glissant (sfalerw`/), de garder notre équilibre
(ajsfavleian) sur cette question de l’infinité (th`" ajpeiriva", trad. Flacelière)”. Donini
(“L’eredità academica”, p. 249) a évidemment raison de penser que de tels propos
apporteraient à eux seuls, s’il en était besoin, la preuve qu’aux yeux de l’auteur allé-
geance platonicienne et attachement à l’Académie, loin d’être incompatibles, sont
parfaitement complémentaires. Mais la manière dont ces deux fidélités se conjuguent
n’est pas moins frappante. Car la dernière phrase de Lamprias ne peut se compren-
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 71
dre que d’une façon: même si ce personnage a longuement défendu l’hypothèse pla-
tonicienne selon laquelle il se pourrait bien que le démiurge eût créé cinq mondes (cf.
Tim. 55c-d), il entend ne pas exclure les autres possibilités, y compris celle de l’infi-
nité des mondes (cf., pour 431A2-3, la traduction de A. Rescigno, Plutarco, L’eclissi
degli oracoli, Napoli 1995 “in un terreno, come quello circa l’infinità dei mondi, così
cedevole”. Il est clair en effet que th`" ajpeiriva" ne peut se rapporter qu’à l’infinité des
mondes, cf. 430F2, ouj mh;n ajpeivrou", et F5, ou[t∆ eij" a[peiron, contrairement à ce qu’a
soutenu Z. Plese, Lamprias’ ‘homage to Plato’, in Plutarch’s On the decline of oracles (427
A-431 A), dans Pérez Jiménez, Garcia Lopez y Aguilar (eds.), Plutarco, Platon y
Aristoteles, p. 446 n. 7, qui croit que le mot renvoie à 426D9-E1, soit à une phrase très
éloignée de notre texte, puisqu’elle prend place avant même la section où Lamprias
reprend le problème ejx ajrch`", pour exposer son opinion personnelle (428B4-5). Il est
sûr que th`" ajpeiriva", tout en mentionnant la dernière des trois hypothèses évoquées
en 430F1-5, renvoie en réalité à l’ensemble). Or, tout de suite après avoir placé son
discours sous le signe d’un hommage à Platon et avoir donné un coup de chapeau à
son propre maître Ammonios, Lamprias s’exprime en ces termes: “Quant à moi, je
ne voudrais pas affirmer comme une certitude que tel est bien le nombre des mon-
des, mais l’opinion qui en admet plus d’un et qui, ne voulant pas les multiplier à l’in-
fini, les suppose en nombre déterminé, ne me semble nullement plus déraisonnable
qu’aucune des deux autres (… th;n de; pleivona" me;n eJnov" ouj mh;n ajpeivrou" ajll∆ wJrismevnou"
tw`/ plhvqei tiqemevvnhn dovxan oujdetevra" ejkeivnwn ajlogwtevran hJgou`mai, 430E11-F3, trad.
Flacelière)”. Ce texte rappelle incontestablement un passage du Timée (29c3-d2, cf.
Donini, “L’eredità academica”, p. 249, avec les n. 16 et 17), mais plus encore la
fameuse conclusion du De prim. frig. 955C8-11: “Ces arguments, Favorinus, compa-
re-les à ceux qui ont été formulés par d’autres. Et s’ils ne le cèdent ni ne l’emportent
nettement en vraisemblance sur ces derniers, envoie alors promener les opinions, en
estimant que suspendre son jugement, quand les choses sont obscures, est plus phi-
losophique que de donner son assentiment (ka]n mh; leivphtai th`/ piqanovthti mhvq∆ uJperevch/
poluv, caivrein e[a ta;" dovxa", to; ejpevcein ejn toi`" ajdhvloi" tou` sugkatativqesqai filosofwvteron
hJgouvmeno")”. Ainsi, tandis que Lamprias, dans un premier temps, envisageait de
manière positive (à l’instar de Timée chez Platon) le cas où l’on peut retenir une hypo-
thèse qui n’est ‘nullement plus déraisonnable’ qu’une autre, l’auteur du De prim. frig.
s’arrête pour sa part sur le cas inverse, où il convient d’envoyer promener les opi-
nions, quand aucune, en définitive, ne l’emporte vraiment sur les autres. Mais c’est
bien ce qui ressort également de la dernière phrase de Lamprias, lorsqu’il en appelle
à l’Académie pour prévenir l’excès de confiance qui mène inévitablement aux défail-
lances du jugement. Le vocabulaire auquel il recourt alors tout naturellement (to; a[gan
th`" pivstew", th;n ajsfavleian, ejn cwrivw/ sfalerw`)/ suffirait à montrer que c’est bien à
l’Académie d’Arcésilas et de Carnéade qu’il se réfère à ce moment prioritairement. Et
cette référence se conjugue sans la moindre difficulté, dans son esprit, avec l’homma-
ge qu’il vient de rendre à Platon.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 72
72 DANIEL BABUT
27
Ainsi Nikolaidis, “Plutarch and the Old, Middle and New Academies”, p. 411-
412. Contra Donini, “Lo scetticismo academico”, p. 212 (“La sospensione dell’assen-
so ai dati della percezione sensibile e alle opinioni su questa fondate appare una
costante nella sua opera”; “Plutarco e la rinascita”, p. 46 (“le idee [di Plutarco] su que-
sto punto capitale dell’interpretazione del platonismo [scil. la tesi dell’unità della tra-
dizione platonica] ci risultano chiare dai […] suoi scritti conservatisi e […] mantenen-
dosi a quanto pare costanti per tutta la sua carriera”; “L’eredità academica”, p. 253 n.
35 (“Questa simpatia [per lo scetticismo academico] è, a mio avviso, presente in ogni
periodo della sua carriera, anche se […] non è ugualmente fatta sentire in tutte le sue
opere”).
28
Comme le croit Nikolaidis (“Plutarch and the Old, Middle and New
Academies”, p. 409) qui, tirant argument du fait que la Nouvelle Académie “is invari-
ably described [by Plutarch] as ‘so called New Academy’ (th`" neva" legomevnh" ∆Aka-
dhmeiva" [Vit. Cic. 4, 2; cf. Vit. Luc. 42, 3; Vit. Brut. 2, 2])”, pense y trouver la preuve
“that Plutarch accepted only one Academy, apparently the Old”. Mais l’expression hJ
neva legomevnh ∆Akadhmeiva implique simplement, aux yeux de Plutarque, qu’il n’y a au-
cune véritable rupture entre la ‘Nouvelle’ et l’ ‘Ancienne’ Académie, certainement pas
que l’on peut purement et simplement confondre l’une avec l’autre. Cf. F. Ferrari,
“Provnoia platonica e novhsi" aristotelica: Plutarco e l’impossibilità di una sintesi”, dans
Pérez Jiménez, García Lopez y Aguilar (eds.), Plutarco, Platón y Aristóteles, p. 64: “ai
suoi [scil. di Plutarco] occhi lo scetticismo non costituiva un corpo estraneo introdot-
tosi nell’alveo della tradizione platonica, come pensavano Antioco e Numenio, ma
faceva parte integrante di questa tradizione”.
29
Cf. supra, n. 8.
30
Voir à ce sujet Opsomer, In Search of the Truth, p. 213-221, avec les références
des n. 5, 6 et 19.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 73
31
Voir le texte et la traduction supra, n. 26.
32
Voir les références relevées par Boys-Stones, “Plutarch on the probable prin-
ciple of cold”, p. 227 n. 2, et cf. Bonazzi, Academici e Platonici, p. 234 n. 55. Sur les rai-
sons qui permettent d’écarter définitivement cette lecture de l’œuvre, voir supra, p. 64,
avec la n. 8.
33
Ibid., p. 232-238.
34
Cf. Bonazzi, Academici e Platonici, p. 236 n. 61, qui y voit “una dimostrazione
concreta dell’integrazione di tematiche ‘academiche’ e ‘platoniche’”, alors que la
composante néo-académicienne de la pensée de Plutarque, dans cette perspective, est
pratiquement réduite à rien, comme on va le voir, au profit d’une lecture unilatérale-
ment ‘probabiliste’, ne laissant plus de champ, en l’occurrence, à la possibilité même
d’une suspension du jugement.
35
Donini, “L’eredità academica”, p. 270, remarque judicieusement que tau`t∆, w\
Fabwvrine, toi`~ eijrhmevnoi~ uJf∆ eJtevrwn paravballe (955C8-9) fait délibérément écho à
skovpei de; kai; tau`ta parabavllwn ejkeivnoi~ (952C8), formule qui introduit l’argumenta-
tion développée dans les derniers chapitres en faveur de la terre comme principe du
froid. Il en résulte, à l’évidence, que la conclusion a pour fin de tenir la balance égale
entre les trois hypothèses qui ont été successivement examinées.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 74
74 DANIEL BABUT
36
Sur l’orientation philosophique de Favorinus, voir les références que j’ai rele-
vées dans Parerga, p. 549 n. 3 (ajouter E. Bowie, “Hadrian, Favorinus and Plutarch”
et J. Opsomer, “Favorinus versus Epictetus on the philosophical heritage of
Plutarch. A debate on epistemology”, dans J. Mossman (ed.), Plutarch and his intellec-
tual world. Essays on Plutarch, London-Swansea 1997, p. 1-15 et 17-39).
37
Selon Boys-Stones, “Plutarch on the probable principle of cold”, p. 238, “it
seems that the closing remarks of the De prim. frig. in 955C are not an exhortation to
ejpochv after all, but are rather a direct challenge to anyone who is still not convinced,
putting the onus on them to show that absolute doubt can be reasonably upheld”.
L’invraisemblance de cette interprétation est si flagrante que l’on est tenté de dire que
si telle avait été vraiment l’intention de Plutarque, il aurait pu difficilement user d’un
langage qui risquât davantage d’égarer ses lecteurs! L’auteur de l’article semble s’en
être en partie rendu compte, puisqu’il ajoute (ibid., n. 13): “If it should be objected
that Plutarch’s search for an answer that ‘greatly exceeds in plausibility’ (th`/ piqanovthti
uJperevcein poluv: cf. 955C) seems intended for a requirement that he expects not to be
met, we should compare Quaest. conv. 700B. There we find another Platonic theory
(the thesis that drink passes through the lungs) described precisely as being ‘by far
the most likely solution’ to the discussion: eijkovta ga;r makrw`”/ . Il est dommage que
Boys-Stones n’ait pas pensé à citer la suite de ce texte: “Mais la vérité, du moins dans
ce domaine, est peut-être inaccessible (to; d∆ ajlhqe;" i[sw" a[lhpton e[n ge touvtoi"), et il ne
fallait pas montrer tant de présomption à l’encontre d’un philosophe, le premier par
la réputation et l’autorité, sur un sujet obscur et si controversé” (peri; pravgmato" ajdhvlou kai;
tosauvthn ajntilogivan e[conto", 700 B4-8, trad. J. Sirinelli). Même si Plutarque juge la
thèse platonicienne “beaucoup plus vraisemblable” que celle de ceux qui l’ont sévè-
rement critiquée (Eijkovta ga;r tau`ta ma`llon ejkeivnwn) – dont fait partie, il n’est pas inu-
tile de le souligner, le Stoïcien Chrysippe (cf., chez Plut. De Stoic. rep. 1047C-D, et voir
mes observations dans Plutarque et le stoïcisme, p. 52 n. 5) – il n’en est pas moins vrai
que la question reste à ses yeux obscure (ajdhvlou) et controversée (sur ce passage, on
se reportera à l’excellent commentaire de J. Sirinelli, Plutarque de Chéronée. Un philoso-
phe dans le siècle, Paris 2000, p. 387-389). La confrontation de ce passage des Propos de
table avec la conclusion du De prim. frig., aussi bien qu’avec le texte du De def. orac. com-
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 75
menté supra, n. 26, révèle une concordance frappante: dans les trois cas, le degré de
vraisemblance qui est reconnu aux thèses platoniciennes n’empêche pas Plutarque de
souligner que les problèmes dont il s’agit restent obscurs et sujets à controverse, de
sorte qu’il convient d’éviter tout dogmatisme quand on tente d’en proposer une solu-
tion, et même qu’il vaut mieux, le cas échéant, laisser la question ouverte – c’est-à-
dire suspendre son jugement.
38
Cf. “Lo scetticismo academico”, p. 209-212, et “L’eredità academica”, p. 270-
272.
39
La mention du nom de Démocrite dans ce contexte a surpris, car on ne s’at-
tend pas à ce que les atomes soient mis au nombre des ‘principes intelligibles’. Mais
on comprend mal, d’un autre côté, pour quelle raison ce nom du plus connu des pre-
miers atomistes grecs serait venu supplanter dans notre texte celui du Platonicien
Xénocrate (conjecture de Wyttenbach reprise par De Lacy-Einarson). Pour des
explications possibles de cette association de Démocrite avec Platon, voir Donini,
“Lo scetticismo academico”, p. 224 n. 31 (renvoyant à une page du commentaire de
Simplicius au De caelo, cf. Démocr. 68A37 D.-K.), et C. Schoppe, Plutarchs Inter-
pretation der Ideenlehre Platons, Münster-Hamburg 1994, p. 72-73, avec n. 119 (cf. Sext
Emp. Adv. Math. VIII 6), et p. 232-234.
40
Spevrmata a ici la même valeur que chez Plat. Tim. 56b5, où le mot est associé
à stoicei`on.
41
Cf. supra, p. 72-73.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 76
76 DANIEL BABUT
42
Cf. supra, n. 26.
43
C’est à juste titre que Donini, “Il trattato filosofico in Plutarco”, dans I. Gallo
e C. Moreschini (a cura di), I generi letterari in Plutarco, Napoli 2000, p. 143 n. 27, m’a
reproché de n’avoir proposé aucune explication de cette phrase. Mais ce qu’il en dit
lui-même ailleurs (“Lo scetticismo academico”, p. 211-212) ne paraît pas suffisant,
comme on va le voir, pour expliquer la relation du passage avec le chapitre 8 comme
avec ce qui suit jusqu’à la conclusion de l’œuvre.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 77
44
Ainsi P.L. Donini, “Il trattato filosofico in Plutarco”, p. 144 n. 29: “948C: “tut-
tavia è meglio esaminare prima anche queste cose sensibili di qui …”: cioè prima di
occuparsi dei princìpi intelligibili, ai quali si accennava nel cap. 8 come a quelli a cui
avrebbe correttamente dovuto risalire la spiegazione”. On verra ci-dessous pourquoi
cette interprétation de la phrase citée paraît irrecevable.
45
Cf. Donini, “Il trattato filosofico in Plutarco”, p. 144: “la sospensione del
giudizio […] non è infatti che il primo passo e la premessa per un invito ad un altro
tipo di ricerca e di argomentazione, per una risalita alle ragioni e ai diritti dell’intelli-
gibile”.
46
Voir Donini, “Il trattato filosofico in Plutarco”, p. 144: “Se poi nello scritto
pervenutoci l’argomentazione costruttiva in merito all’intelligibile non si legge,
Plutarco avrà avuto le sue ragioni per non scriverla: e su di esse è inutile voler fare
congetture”, avec la n. 30: “La più verisimile [ragione] è comunque, a mio avviso, che
Plutarco non giudicava Favorino come il destinatario adatto a un discorso che sareb-
be stato soprattutto di carattere esegetico (inevitabile sarebbe stata un’accurata inter-
pretazione almeno di passi del Timeo) e metafisico”. L’explication ne paraît cependant
pas plus vraisemblable que celle qui postule que la conclusion de l’opuscule vise à
défier ceux qui ne seraient pas convaincus par le propos de l’auteur de prouver qu’un
doute absolu peut encore être raisonnablement maintenu à ce sujet (voir supra, n. 37).
Si en effet Favorinus n’était pas en mesure de comprendre ce que signifiait le propos
de Plutarque dans cette œuvre, pourquoi celui-ci la lui aurait-il dédiée?
47
Sur le sens de ajpoleiptevon (948A10), méconnu par De Lacy-Einarson, voir
Donini, “Lo scetticismo academico”, p. 223 n. 29.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 78
78 DANIEL BABUT
48
Au début du chapitre 1 étaient en effet envisagées deux possibilités: ou bien il
existe quelque chose qui est la puissance première et l’essence du froid ( “Esti ti" ...
tou` yucrou` duvnami" ... prwvth kai; oujsiva), ou bien la qualité du froid n’est que la priva-
tion (ou la négation) de la chaleur (hJ yucrovth" stevrhsiv" ejsti qermovthto"). Les sept pre-
miers chapitres établissent ensuite que la seconde hypothèse doit être écartée.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 79
49
C’est évidemment à tort que Boys-Stones, “Plutarch on the probable principle
of cold”, p. 227 n. 2, accuse Donini d’avoir confondu les triangles du Timée avec des
entités métaphysiques assimilables aux formes platoniciennes (cf. du reste Tim. 53d4-
8, où la distinction est expressément faite entre les triangles, principes supposés du
feu et des autres éléments, et les principes qui sont au-dessus d’eux, et ne sont con-
nus que de Dieu, ou de ceux d’entre les mortels qu’il “a en amitié”).
50
Voir supra, n. 46.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 80
80 DANIEL BABUT
51
Cf. Tim. 29b4-c2.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 81
52
Voir supra, n. 26 et 37. Il ressort de tout cela que tous les problèmes ‘scientifi-
ques’, en tant qu’ils concernent les ‘choses sensibles’, restent, en un sens, ‘obscurs’
(a[dhla), et peuvent être considérés comme justiciables, le cas échéant, d’une ‘suspen-
sion du jugement’. Il ne faut donc pas penser qu’aux yeux de Plutarque la possibilité
de l’ejpochv est réservée à un nombre restreint de sujets ‘obscurs’. Cf. maintenant
Donini, “L’eredità academica”, p. 271: “Così come la questione del numero dei
mondi nel De def. orac.[…] quella del principio del freddo è pur sempre questione che,
anche se sia trattata correttamente con riferimento all’intelligibile, riguarda il mondo
sensibile e fisico; in questo ambito non si ha la possibilità di attingere la verità né la
scienza, ma si rimane nel dominio della plausibilità e della verisimiglianza: le spiega-
zioni prospettabili rimangono sempre controvertibili e perfettibili”.
53
Des deux formules qui, selon Bonazzi, Academici e Platonici, p. 235, présentent
de manière opposée l’interprétation unitaire de la tradition platonico-académicienne
défendue par Plutarque – celle de Donini, qui y voit “una interpretazione in termini
platonici dell’Academia”; et celle que j’avais avancée dans Parerga, p. 575: “une réin-
terprétation néo-académicienne du platonisme, axée sur les concepts d’ejpochv et de
piqanovn” – aucune n’apparaît, en définitive, appropriée, s’il est vrai que, pour Plu-
tarque, les innovations néo-académiciennes doivent en réalité être comprises comme
un complément qui doit nécessairement être greffé sur la tradition platonicienne de l’É-
cole. On ajoutera que sur le problème du ‘vraisemblable’ ou du ‘problable’, Plutarque
semble s’accorder avec la position de Carnéade, telle qu’elle est rapportée par Cic.
dans Luc. 99, p. 76, 3-22 Plasberg, d’après le premier livre de Clitomaque Sur la suspen-
sion du jugement. Si aucune perception sensible, y expliquait l’Académicien, n’est
susceptible de fournir une appréhension de la réalité, en revanche, on ne peut nier
que, parmi ces perceptions des objets sensibles, il en est de probables, et d’autres qui
ne le sont pas. “Ainsi donc tout ce qui se rencontre et qui, par son aspect, sera pro-
bable, si rien ne s’offre qui soit contraire à cette probabilité, pourra servir au sage, qui
réglera sa vie sur elle”; car le sage, de l’aveu même des adversaires de l’Académie, “se
contente souvent du probable: il n’a saisi ni perçu aucune réalité, il n’a pas donné son
assentiment, mais se fie à la vraisemblance” (ibid., p. 76, 16-22, trad. Appuhn).
Bonazzi, Academici e Platonici, p. 218, déduit à tort de ce qui est dit par Plu. Vit. Luc.
42, 3, au sujet de l’Académie dite nouvelle, ajnqouvsh" tovte toi`" Karneavdou lovgoi" dia;
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 82
82 DANIEL BABUT
57
Voir à ce sujet l’étude de Donini, “Plutarco, Ammonio”.
58
Sur tout ceci, voir Donini, “L’eredità academica”, p. 261-263.
59
Ainsi, c’est la filiation pythagoricienne qui apparaîtrait dans le De virt. mor. et le
De Is., alors que dans l’Adv. Col., Platon procède de Socrate, et Arcésilas est leur héri-
tier légitime.
60
Cf. Donini, “L’eredità academica”, p. 265, qui, après avoir estimé qu’il est légi-
time de voir dans la présentation que Galaxidôros fait de Socrate dans la première
partie du dialogue “il ricordo o l’allusione all’interpretazione neo-academica del filo-
sofo”, ajoute en n. 83: “Ma credo che ci si debba guardare dalla tentazione di identi-
ficare semplicemente Galassidoro con l’Academia nuova; sarebbe bello, ma non è
possibile: Plutarco ha, a mio avviso, evitato di caratterizzare troppo nettamente in
senso filosofico la posizione di Galassidoro”. Voir aussi ce qu’il écrit à ce sujet dans
son essai “Sokrates und sein Dämon”, p. 151 (dernière phrase).
61
Voir sur ce point ses articles “L’eredità academica”, p. 264-265, “Socrate ‘pita-
gorico’”, p. 346-352, et “Sokrates und sein Dämon”, p. 148-152.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 84
84 DANIEL BABUT
62
J’ai proposé dans “Le dialogue de Plutarque ‘Sur le démon de Socrate’. Essai
d’interprétation”, BAGB (1984), p. 51-76, une interprétation de ce dialogue qui est
toujours la mienne aujourd’hui, puisqu’il m’a semblé que mes arguments n’avaient
pas été réfutés – ni même, à vrai dire, pris en considération. J’avais reçu à ce sujet une
approbation particulièrement précieuse de P.L. Donini (“Lo scetticismo academico”,
p. 214, et “Plutarco e la rinascita del platonismo”, dans G. Cambiano, L. Canfora e
D. Lanza [a cura di], Lo spazio letterario della Grecia antica, Roma 1994, vol. I, tom. III,
p. 52-53, avec n. 36), sur laquelle il est cependant revenu par la suite (“Sokrates und
sein Dämon”, p. 148). Je ne désespère pas tout à fait de le convaincre, mais, dans le
cas contraire, j’espère qu’il me convaincra, puisque, comme le dit le Socrate du
Gorgias (458a), il est plus avantageux d’être réfuté que de réfuter un autre.
63
Cf. notamment “Socrate ‘pitagorico’ ”, p. 349 n. 54: “la tesi di Galassidoro è
pienamente demolita dagli interlocutori”; p. 349-350: “le parole di G. […] sono state
scritte da Plutarco precisamente per essere smentite dal complesso del dialogo e […]
di conseguenza, secondo il nostro autore, una contrapposizione di Socrate al pitago-
rismo non aveva alcuna ragione d’essere”; p. 352: “Dato che la contrapposizione isti-
tuita dal nostro personaggio [scil. Galassiodoro], voglio dire l’opposizione radicale tra
Socrate e il pitagorismo, è destinata a essere demolita dal seguito del dialogo”. On
notera cependant que ces assertions s’harmonisent mal avec ce que l’auteur écrit ail-
leurs (“L’eredità academica”, p. 265), quand il suggère que les développements
répondant, dans la suite du dialogue, au portrait d’un Socrate rationaliste précédem-
ment brossé par Galaxidôros ont été destinés à “correggere l’unilateralità di quella presen-
tazione e […] fornire argomenti intesi a integrare quanto nelle parole di Galassidoro poteva
esserci di buono con un’altra interpretazione di Socrate, quella ‘pitagorizzante’ ”. La
phrase qui vient d’être citée – et plus spécialement les expressions que j’y ai mises en
exergue – me paraît en effet se rapprocher sensiblement de l’interprétation que j’ai
défendue dans mon article “La part du rationalisme dans la religion de Plutarque.
L’exemple du De genio Socratis ”, ICS 13 (1988), p. 383-408, et sur laquelle je revien-
drai ci-après, concernant le type de relation qui existe entre l’intervention initiale de
Galaxidôros et celles de Simmias et de Théanor, qui lui répondent.
64
“Socrate ‘pitagorico’ ”: “L’opinione generale di Galassidoro su Socrate non
risulta forse alla fine da essi [scil. Simmia e Teanore] completamente distrutta, ma la
contrapposizione a Pitagora certamente sì”.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 85
65
Pour les appréciations déjà souvent portées par les commentateurs sur les
interventions de Galaxidôros dans la première partie du DgS, voir les références rele-
vées dans mon essai “La part du rationalisme dans la religion de Plutarque”, p. 395-
396 (= Parerga, p. 443-444), n. 50, 52, 55, 56.
66
581E10-1, voir le texte cité ci-dessus.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 86
86 DANIEL BABUT
67
588B1-C3, trad. Hani légèrement modifiée.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 87
68
Galaxidôros a en effet toute chance d’avoir été un des chefs thébains du parti
des adversaires de Sparte, au début du IVè siècle, avec Isménias et Androcleidas
(dont les noms apparaissent respectivement en 576A9 et 596B5 dans notre dialogue).
Car Xenophon (Hell. III 5, 1) nous apprend que ces trois hommes politiques reçu-
rent de l’argent des Perses pour fomenter, avec d’autres cités grecques, une guerre
contre Sparte.
69
Voir supra, n. 60.
70
Alors que, comme on le sait, Platon (Phaed. 61d) dit expressément que, tout
comme Cébès, il fut l’élève de Philolaos à Thèbes, où ce dernier séjourna après la dis-
persion de la communauté pythagoricienne de Métaponte (voir la note de P. Vicaire,
Platon. Phédon, Paris 1983, p. 8, et, dans notre dialogue, 583A3-B4, avec les n. 7 et 9
de J. Hani, Plutarque. Œuvres Morales VIII, Paris 1980, p. 222).
71
Cf. à ce sujet 580D5-6, 581E7-9 et 10, 582C10-1, 588C3-9, 589E1-F2, 592F1-
3 et 5, et voir mon essai “Le dialogue de Plutarque ‘Sur le démon de Socrate’”, p. 57
n. 2, et 59, texte correspondant à la note 1 = Parerga, p. 411 et 413.
72
Cf. aussi 579D10-1 et 585E8-10.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 88
88 DANIEL BABUT
niqué avec un être divin (tou;" ... di∆ o[yew" ejntucei`n qeivw/ tini; levgonta")
étaient des imposteurs, mais que, en revanche, il prêtait attention à
ceux qui disaient avoir entendu une voix (toi`" d∆ ajkou`saiv tino" fwnh`"
favskousi) et qu’il les interrogeait là-dessus minutieusement et avec
beaucoup de sérieux (588C5-8, trad. Hani)”. Or, en 585F8, Théanor
raconte que la nuit qu’il a passée près du tombeau de Lysis pour
apprendre éventuellement de celui-ci où et comment il avait été ense-
veli, il n’eut pas de vision, mais crut entendre une voix qui lui disait de ne
pas déplacer ce qui ne devait pas l’être (ei\don me;n oujdevn, ajkou`sai de;
fwnh`" e[doxa ta; ajkivnhta mh; kinei`n). Et quand Théanor prend une der-
nière fois la parole pour appuyer l’explication que Simmias vient de
proposer sur le phénomène du ‘démon’, il n’est à aucun moment ques-
tion de vision ou d’apparition d’un être divin ou d’un démon, mais
toujours d’une voix, qui se fait parfois entendre à un petit nombre
d’hommes aimés des dieux pour leur vertu.73
Deux autres passages viennent en outre confirmer que l’idée d’ex-
clure radicalement toute possibilité qu’un homme voie jamais de ses
yeux un être divin domine en quelque sorte tout le débat philoso-
phique auquel donne lieu le phénomène du démon de Socrate dans le
dialogue. Car dans le mythe de Timarque, présenté comme l’illustra-
tion et le prolongement, dans un autre registre, des vues exposées par
Simmias dans son discours,74 l’auteur du récit raconte qu’au début de
son aventure “quelqu’un qu’il ne voyait pas s’adressa à lui (eijpei`n tina oujc
oJrwvmenon, 591A3-4)” pour lui demander ce qu’il voulait apprendre.
73
Cf. 593B7-D2, 594A3-6. L’idée selon laquelle un être divin ou un démon ne se
montre pas aux hommes, sauf exceptionnellement, et sous la forme d’un être humain
ou d’un animal, n’est certes pas nouvelle, cf. déjà Il. X 275-6, H. Dem. 111 (Il. I 197-
198, et, dans le chant V, les vers 128 sq., 314 sq. et 815 sq. sont les exceptions qui
confirment la règle), et, chez les tragiques, Soph. Ajax 14-16, Eurip. Hipp. 84-86, et,
dans le Rh. 595-610, particulièrement 608. Chez Plutarque, le texte le plus intéressant
à cet égard se trouve dans le prologue de la Vie de Dion 2, 3-6, passage parfois suspec-
té à tort par les commentateurs d’être un emprunt qui ne refléterait pas les vues per-
sonnelles de l’auteur, alors que, par la forme de l’argumentation aussi bien que par le
contenu, il porte la marque caractéristique de cet auteur (voir à ce sujet Babut,
Plutarque et le stoïcisme, p. 512, avec n. 6, et Parerga, p. 546-547).
74
Cf. 589F6-11, où Plutarque se souvient de Platon, Gorg. 523a et 527a. Voir par
ailleurs De ser. num. vind. 561B6-11, et De Is. 358F4-359 A2, 374E2-4.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 89
75
20, 166-7, et Arist. De Pyth. fr. 3 (Ross) = fr. 175 sq. (Gigon).
76
20, 166-7, p. 82, dans le texte publié par M. Baltes, Apuleius. De deo Socratis, dans
Apuleius. Über den Gott des Sokrates, Eingeleitet, übersetzt und mit interpretierenden
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 90
90 DANIEL BABUT
Essays versehen, von M. Baltes, M.-L. Lakmann, J.M. Dillon, P.L. Donini, R. Häfner,
L. Karfíková, Darmstadt 2004: Credo plerosque vestrum hoc, quod commodum dixi, cunctan-
tius credere et impendio mirari formam daemonis Socrati visitatam. At enim [secundum] Pytha-
goricos mirari solitos, si quis negaret umquam vidisse daemonem, satis, ut reor, idoneus est auctor
Aristoteles. Sur ce texte voir Baltes, Apuleius, p. 114 n. 221 (où il renvoie aussi à 16,
156, tum etiam fortasse coram), et n. 225, 226 (textes parallèles et références).
77
On ne s’en étonnera pas outre mesure si l’on se souvient qu’au début de l’épo-
que impériale, chez les adeptes du ‘Moyen platonisme’, se sont baptisés ‘Pytha-
goriciens’ des Platoniciens qui récusaient l’héritage de l’Académie ‘sceptique’. Cf.
Bonazzi, Academici e Platonici, p. 238 n. 67, citant M. Frede, “Numenius”, ANRW II
36, 2 (1987), p. 1043, et B. Centrone, “Cosa significa essere pitagorico in età impe-
riale. Per una riconsiderazione della categoria storiografica del neopitagorismo”, dans
A. Brancacci (a cura di), La filosofia in età imperiale. Le scuole e le tradizioni filosofiche,
Napoli 2000, p. 137-168.
78
Je ne vois pas ce qui peut justifier le jugement de Donini, “Sokrates und sein
Dämon”, p. 149 n. 21, selon lequel j’aurais minimisé les différences entre les deux
images de Socrate présentées dans le DgS, au point de les faire pratiquement dispara-
ître. Cf. ce que j’écrivais déjà dans Plutarque et le stoïcisme, p. 514-515 (“La thèse de
Galaxidôros n’est ni entièrement vraie, ni entièrement fausse”), et surtout dans “La
part du rationalisme dans la religion de Plutarque”, p. 401 = Parerga, p. 449: “pour
l’auteur du De genio, la théorie de Galaxidôros sur le démon n’est pas fausse, mais
appelle des compléments et des rectifications, qui seront apportés dans la deuxième
phase de la discussion philosophique, en particulier par Simmias, auquel Galaxidôros
passe en quelque sorte ostensiblement le relais”.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 91
79
Cf. dans mon essai “La part du rationalisme dans la religion de Plutarque”, p.
399-401 = Parerga, p. 447-449.
80
Cf. “La part du rationalisme dans la religion de Plutarque”, p. 402-407 =
Parerga, p. 450-455. Comparer ce qu’écrit Donini, “Plutarco e la rinascita del platoni-
smo”, p. 57, à propos de la répartition des rôles entre Lamprias, Lucius et Sylla dans
le De fac. lun.
81
Voir à ce sujet mon article “Le dialogue de Plutarque ‘Sur le démon de
Socrate’”, p. 51-76, que je ne renie pas, du moins tant qu’il n’aura pas été réfuté, et
tant qu’une explication plus plausible de la composition de l’œuvre (qui n’est certai-
nement pas le résultat d’une improvisation désordonnée et fantaisiste) n’aura pas été
proposée.
82
Comparer d’une part 580F8-12 (Galaxidôros): le ‘démon’ est un signe qui res-
sortit à la divination ordinaire, autrement dit il ne détient pas “un pouvoir particulier
et exceptionnel ”, ijdivan tina; kai; peritth;n duvnamin; mais Socrate était plus à même que
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 92
92 DANIEL BABUT
85
Voir à ce sujet mon essai “La composition des ‘Dialogues pythiques’ ”, p. 216-
224 = Parerga, p. 486-494.
86
Donini, “Sokrates und sein Dämon”, p. 151, estime que Plutarque n’aurait pas
été en mesure, dans ce contexte, de reconnaître ouvertement qu’un tel désaveu cor-
respondait bien à sa propre conviction; car du même coup serait apparue au grand
jour l’impossibilité de concilier l’image d’un Socrate pythagoricien avec la thèse de
l’unité de l’Académie qu’il avait faite sienne. Mais comment comprendre dès lors qu’il
ait néanmoins donné son adhésion à cette thèse?
87
Cf. mon livre Plutarque et le stoïcisme, p. 482-483 et 517.
88
Voir Plutarque et le stoïcisme, p. 508-514 et 514-519.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 94
94 DANIEL BABUT
89
38, 1-4. On relèvera dans cette partie du texte deux parallèles remarquables
avec le débat du DgS sur le ‘démon’. Tout d’abord, au § 2, l’auteur estime conceva-
ble qu’une statue puisse “suer, verser des larmes et laisser échapper des gouttes de
sang”, en arguant qu’on peut trouver une explication naturelle à de tels phénomènes.
Et il ajoute alors: “Rien n’empêche de croire que la divinité se sert de ces phénomè-
nes pour signifier certains événements (oi|" e[nia shmaivnein to; daimovnion oujde;n kwluvei)”.
Ces deux derniers mots, notons-le en passant, peuvent être rapprochés de ce qu’on
lit dans De def. orac. 420A5-6, C7-10, 423E8, 426A1, cf. mon essai “La composition
des ‘Dialogues Pithyques’”, p. 218, avec n. 105 = Parerga, p. 488). Ensuite, au § 4, l’ex-
plication avancée pour la parole prononcée par la statue est “qu’un phénomène dif-
férent de la perception s’est produit dans la partie imaginative de notre âme et nous
entraîne à croire vraie une apparence, de même que dans le sommeil nous croyons entendre,
alors que nous n’entendons pas, et voir alors que nous ne voyons pas (w{sper ejn u{pnoi" ajkouvein
oujk ajkouvonte" kai; blevpein ouj blevponte" dokou`men, trad. Flacelière et Chambry)”. Cette
fois, c’est le discours de Simmias qui contient une explication du même genre, expri-
mée dans des termes presque identiques: “C’est ainsi” indique-t-il en effet au début
de ce discours “qu’ à réfléchir entre nous, nous en étions venus à supposer que le
démon de Socrate n’était sans doute pas une vision, mais plutôt la perception d’une
voix ou l’intelligence d’une parole qui l’atteignait d’une façon mystérieuse; de même,
dans le sommeil il n’y a pas de voix, mais en éprouvant l’impression ou en ayant l’intelligence de cer-
taines paroles on croit entendre parler (w{sper kaq∆ u{pnon oujk e[sti fwnhv, lovgwn dev tinwn dovxa"
kai; nohvsei" lambavnonte" oi[ontai fqeggomevnwn ajkouvein, 588C9-D4, trad. Corlu légère-
ment modifiée)”.
90
À rapprocher de De E 387F2-3, où ejmpaqw`" présente un contraste semblable
avec timhvsein to; mhde;n a[gan ejn Akadhmeiva/ genovmenon.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 95
est sans commune mesure avec la nôtre (mevga pro;" pivstin ejsti; to; qau-
mavsion kai; mh; kaq∆ hJma`" th`" tou` qeou` dunavmew"). Car elle n’a aucune res-
semblance avec ce qui est humain, ni par sa nature, ni par sa manière
de se mouvoir, ni par ses moyens, ni par sa force, et, qu’elle fasse
quelque chose qui est pour nous infaisable et réalise l’impossible, n’est
pas inimaginable. Mais la plupart des choses divines, selon Héraclite,
échappent à notre connaissance à cause de notre manque de foi ( ∆Alla;
tw`n ... qeivwn ta; pollav, kaq∆ ÔHravkleiton, ajpistivh/ diafuggavnei hJma`", ibid.,
§§ 5-7, trad. Flacelière et Chambry légèrement modifiée)”. Par le che-
minement de sa réflexion, comme par le contenu de celle-ci et son
expression, il apparaît que Plutarque s’accorde tout à la fois avec avec
ce qui nous est présenté successivement dans le DgS par le truchement
de Galaxidôros, de Simmias et de Théanor.
C’est encore ce qu’on rapportait au sujet d’une statue de divinité
qui aurait fait entendre une voix (en réponse, cette fois, à une demande
qu’on lui adressait) qui incite Plutarque à se demander, dans la Vie de
Camille (ch. 6), s’il est raisonnable ou non d’ajouter foi à un tel prodige.
Si l’on compare cependant ce passage avec le texte de la Vie de Coriolan
qui vient d’être cité, on relève deux différences, d’une part dans la
manière dont sont présentés les arguments pouvant faire pencher la
balance d’un côté ou de l’autre, d’autre part dans la conclusion qui en
est tirée. Au lieu d’examiner séparément en effet les raisons de douter
d’un tel prodige, puis celles qui incitent au contraire à prendre au
sérieux ce qui nous est rapporté à ce sujet, Plutarque choisit de faire
alterner les arguments allant dans l’un et l’autre sens. Il signale d’abord
que, selon Tite-Live, ce n’est pas la statue qui aurait répondu à la ques-
tion qu’on lui posait, mais “quelques-uns des assistants”. À quoi il
oppose immédiatement l’argument de ceux qui soutiennent que le
destin miraculeux de Rome, partie de rien pour parvenir “à un si haut
degré de gloire et de puissance”, nous oblige à croire que la ville a
bénéficié, de manière constante et décisive, de l’assistance divine.91
Nombreux sont d’ailleurs les prodiges du même genre qui ont été
signalés dans le passé, mais, renchérit alors Plutarque, même de nos
91
Plutarque invoque lui-même à peu près littéralement le même argument dans
la Vie de Romulus 8, 9. Voir à ce sujet C.P. Jones, Plutarch and Rome, Oxford 1971, p.
69, avec n. 16; 90, avec n. 15; et 99, avec n. 71.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 96
96 DANIEL BABUT
92
Voir les références de passages comparables dans mon livre Plutarque et le stoï-
cisme, p. 523-525, en particulier p. 523 n. 1, et 524 n. 2, 4, 5 et 6.
93
Sur la place de ce thème dans les Vies, cf. Plutarque et le stoïcisme, p. 302-307.
94
Cf. Galaxidôros dans DgS 579F8-9 (tuvfou kai; deisidaimoniva").
95
Cf. derechef Galaxidôros, 580B9-C2.
96
Comparer De def. orac. 431A1 (to; a[gan th`" pivstew"), De E 387F1 (to; mhde;n a[gan),
et De ser. num. vind. 549E6-7 (th`" pro;" to; qei`on tw`n ejn ∆Akadhmeiva/ filosovfwn eujlabeiva").
97
Voir à ce sujet les pages 518-519 de mon livre Plutarque et le stoïcisme.
98
Voir les références de la n. 96.
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 97
99
Cela a paru étonnant à plus d’un historien moderne de la philosophie ancien-
ne, jugeant difficile de concilier le scepticisme apparemment radical d’un Arcésilas
avec l’ontologie platonicienne. Mais que ce jugement soit justifié ou non, ce que nous
devons tenter de comprendre, ce sont les raisons qui ont pu inciter un Platonicien
bon teint comme Plutarque à en prendre le contrepied.
100
Voir supra, p. 81 avec n. 53, et cf. Bonazzi, Academici e Platonici, p. 213-236, en
particulier p. 231, 235-236.
101
Donini, “L’eredità academica”, p. 272 n. 103, estime que l’obscurité et l’incer-
titude de toutes les questions qui touchent à la physique sont dues au fait que leur
objet n’est que la copie imparfaite, soumise au désordre et à un changement perpé-
tuel, d’un paradigme idéal. Il en infère que Plutarque serait principalement influencé
dans ce domaine par le Timée, plutôt que par la critique néo-académicienne de la con-
naissance sensible et par la thèse de la nécessaire suspension du jugement. Mais la
faillibilité de la connaissance sensible n’est-elle pas inséparable de l’inconsistance de
son objet, comme cela ressort aussi bien de ce que dit Ammonios dans le De E (cf.
392E4-5, yeuvdetai d∆ hJ ai[sqhsi" ajgnoiva/ tou` o[nto" ei\nai to; fainovmenon) que de ce qu’écrit
Plutarque dans Adv. Col. 1118B2-10 Pohlenz, cf. Bonazzi, Academici e Platonici, p. 229-
230: “Il ragionamento dell’epoche è lo strumento che ci evita di fondare il giudizio […]
sulle incerte […] basi dei fenomeni sensibili”?
05 BABUT 63-98.qxd 13-10-2006 10:36 Pagina 98
98 DANIEL BABUT
Daniel BABUT
Université Lyon II ( Louis-Lumière)
102
Même Cicéron, Académicien qui ne reniait pas Platon, n’a pas une position
exactement comparable.
103
L’eredità academica, p. 261. Cf. aussi p. 273: “Plutarco è il platonico più fedele e
più vicino al maestro in tutta la storia del platonismo della prima età imperiale”.