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REMFO N°14 mars 2022 ISSN 2489-205X

Revue D’Etudes en Management et Finance D’Organisation

LECTURE SUR LE PROFIL ENTREPRENEURIAL À PARTIR DE L’APPROCHE


PAR LES TRAITS ET PAR LES FAITS : VERS UN NOUVEAU MODÈLE
CONCEPTUEL
READING ON THE ENTREPRENEURIAL PROFILE BASED ON THE APPROACH
BY FEATURES AND BY FACTS: TOWARDS A NEW CONCEPTUAL MODEL

Khalid KARBOUAI
Enseignant chercheur
Université Hassan II – Casablanca.
FSJES Ain Sebaâ – Laboratoire LIASMAD
k.karbouai@gmail.com

Résumé
De nos jours, l’entrepreneuriat prend de plus en plus une forme dynamique et complexe. Par conséquent,
dans l’analyse de l’entrepreneuriat et de l’entrepreneur, il est de plus en plus opportun d'étudier ces
spécificités individuelles internes et leur interaction avec le contexte externe. Notre recherche étant
inscrite dans cette perspective, nous nous sommes intéressés à deux approches dans le champ de
l'entrepreneuriat : l'approche par les traits et l’approche par les faits. La recherche sur les traits de
personnalité de l'entrepreneur implique divers aspects et renvoie à une perspective internalisée. Quant à
l'approche par les faits, elle permet de clarifier dans une perspective externalisée les comportements et
d'évaluer les compétences des entrepreneurs à partir des initiatives qu’ils prennent et de leurs effets.
Ainsi, en nous basant sur les traits et les faits de l’entrepreneur, nous pourrions cerner et identifier ses
différentes potentialités celles traitées dans le modèle de Gasse (1993). Cela nous conduit vers la
proposition d’un modèle conceptuel des potentialités entrepreneuriales fondé sur l’approche par les traits
et par les faits.
Mots clés : Entrepreneur, potentialités entrepreneuriales, expérience entrepreneuriale, traits-faits-
processus entrepreneuriaux, modèle entrepreneurial.

Abstract
Today, entrepreneurship is increasingly taking on a dynamic and complex form. Therefore, in the
analysis of entrepreneurship and the entrepreneur, it is increasingly appropriate to study these internal
individual specificities and their interaction with the external context. Our research being part of this
perspective, we are interested in two approaches in the field of entrepreneurship: the approach by traits
and the approach by facts. Research on the personality traits of the entrepreneur involves various aspects
and refers to an internalized perspective. As for the facts-based approach, it makes it possible to clarify
behaviors from an outsourced perspective and to assess the skills of entrepreneurs based on the initiatives
they take and their effects. Thus, based on the traits and facts of the entrepreneur, we could identify and
identify his different potentialities those treated in the model of Gasse (1993). This leads us to the
proposal of a conceptual model of entrepreneurial potential based on the approach by traits and by facts.
Key words : Entrepreneur, entrepreneurial potentialities, experience, entrepreneurial facts,
characteristics and processes, entrepreneurial model.
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Introduction
Afin d'analyser, les différences entre les potentialités de l'entrepreneur résident à l'étranger de
retour au pays et celles de l’entrepreneur local, il nous a paru pertinent de traiter les éléments
qui les discriminent l’un par rapport à l’autre. En effet, l’espèce humaine est faite de spécificités.
Il en est de même pour les entrepreneurs dont les particularités individuelles sont confrontées à
la nécessaire adaptation aux différents contextes dans lesquels leurs actions se réalisent. Dans
ce sens, il est opportun dans l'analyse de l'entrepreneuriat d'étudier ces spécificités individuelles
internes et leur interaction avec le contexte externe.
Notre recherche étant inscrite dans cette perspective, nous nous sommes intéressés à deux
approches dans le champ de l'entrepreneuriat : l'approche par les traits et l’approche par les
faits. La recherche sur les traits de personnalité de l'entrepreneur recouvre divers aspects et
renvoie à une perspective internalisée. Quant à l'approche par les faits, elle permet d'identifier
dans une perspective externalisée les comportements et d'évaluer les compétences des
entrepreneurs à partir des initiatives qu’ils prennent et de leurs effets (Toutain, 2006). Dans
notre analyse, en nous basant sur ces deux approches, nous pourrions cerner et identifier les
différentes potentialités de l’entrepreneur comme celles décrites dans le modèle de Gasse
(1993). Nous allons donc, dans cet article, présenter les apports et les limites de l'approche par
les traits et par les faits au niveau de l’analyse des différences en matière de potentialités
entrepreneuriales. A partir de là, nous tenterons d’élaborer un modèle conceptuel combinatoire
des traits et des faits en tenants compte du milieu. Ce modèle devrait enrichir la recherche
puisqu’il tiendra compte des différentes potentialités des entrepreneurs Marocains dont
l’entrepreneur migrant de retour (l’entrepreneur MRE).

1. APPROCHE PAR LES TRAITS : COMPRENDRE LES CARACTÉRISTIQUES


INTRINSÈQUES DE L’ENTREPRENEUR
De nombreux chercheurs en économie, en gestion, en sociologie ou en psychologie se sont
intéressés à la thématique de l’entrepreneuriat et en ont fait leur champ d’analyse et
d’investigation : (Fortin, 2002 ; Verstraete, 2002). A partir des années 2000, ces recherches se
sont accélérées. En 2005, Kuratko (2005) souligne que cette croissance est « la plus éminente
force économique que le monde ait connue durant ces dernières années » (Kuratko, 2005,
pp.577-598).

Cette évolution s’est accompagnée par l’intérêt accordé à l’individu entrepreneur, notamment
à ses caractéristiques personnelles. Mount et Barrick (1998) ont identifié plus de 1000 traits de
personnalité. Ceux-ci se rapportent aux modes stables du comportement, de la pensée, de

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l’affect. Ils constituent une disposition à agir d’une certaine façon traduite par le comportement
d’une personne dans un éventail de situations (Pervin, Cervone et John, 2005). En ce sens qu’ils
permettent de distinguer un entrepreneur d’un non-entrepreneur. Les particularités du premier
par rapport au second sont complexes et relèvent de plusieurs dimensions aussi bien d'ordre
sociodémographique que motivationnelle ou en liaison avec l'expérience professionnelle (Baum
et Locke, 2004 ; Rausch et Frese, 2007 ; Frese, 2009). Il est donc important de traiter les
approches caractéristiques de l'entrepreneur. Quelles sont alors ces caractéristiques ?

1.1. Les caractéristiques intrinsèques de l’entrepreneur à partir des trait

L’approche par les traits (appelé également « déterministe ») s’est orientée vers un aspect plus
psychologique. Les traits peuvent être définis comme "des caractéristiques durables de la
personnalité qui se manifestent par un comportement relativement constant face à une grande
variété de situations". ((Janssen et al., 2016, p.46). Il s’agit de comprendre les individus qui
décident de se lancer dans la création d’entreprise. Depuis McClelland (1961), une grande partie
de la discussion sur l'entrepreneuriat a été concentrée sur l’individu. (Carland Jr. et Carland
1997, p.34). La recherche sur l'individu entrepreneur trouve son intérêt dans les travaux de
Dollinger. Ce dernier souligne que lorsqu'un entrepreneur crée une entreprise, il apporte un
ensemble de capital humain à l'entreprise. Par conséquent, l'entreprise devient un élargissement
de l'entrepreneur en tant qu'individu. (Dollinger 1995,p.10-11).
Plusieurs dimensions sur lesquelles repose l'approche par les traits ont été regroupées par
Danjou (2001, p.11) qui a mis en évidence plusieurs caractéristiques en s'inspirant de l'approche
de Mcclelland (1961). Ces caractéristiques que nous développerons dans cette section
concernent :

● Le besoin d'accomplissement ou de réalisation.


● Le contrôle interne et celui de l'environnement
● La propension à la prise de risque.
● La tolérance face aux situations ambiguës.
● L'indépendance ou l'autonomie
● La confiance en soi.

1.1.1. L’entrepreneur a besoin de s’accomplir


L'un des objectifs des recherches sur les traits est de démontrer, par exemple, que l'une des
caractéristiques du comportement entrepreneurial réside dans le besoin d'accomplissement.
Cette caractéristique est considérée comme l’un des éléments psychologiques qui peuvent

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contribuer soit au développement, soit au déclin d’une économie. Elle pousse les individus à
vouloir atteindre des buts qu’ils se fixent à différents niveaux (McClelland, 1987).
McClelland considère que le besoin d’accomplissement se développe dès l’enfance et sous
l’influence de l’entourage de la personne et de ses parents (McClelland, Atkinson, Clark et
Lowell, 1953). Cette théorie démontre que les individus ayant un besoin d’accomplissement
élevé cherchent à l’atteindre dans un contexte de défi, que l’individu cherche à se surpasser.

Le besoin d’accomplissement reste en effet le point commun de toutes les caractéristiques


personnelles de l’entrepreneur. Hernandez souligne que McClelland (1961) fut le premier
chercheur à mettre en exergue cette caractéristique. Ce dernier considère que la clé du
comportement entrepreneurial réside dans la motivation des réalisations. De son côté, Michael
Palmer (1987)1, partisan de l’approche de McClelland, indique que les personnes possédant un
fort besoin d’accomplissement, comparées à celles qui ont une faible motivation, se
caractérisent par une préférence pour des tâches présentant un risque qui les implique, un travail
plus dense dans les tâches requérant une « certaine force mentale », et font le choix de
s'impliquer dans des situations procurant la sensation de s'accomplir. Par ailleurs, ces personnes
aiment obtenir les meilleurs résultats dans des situations permettant une évaluation positive et
précise et ont tendance à penser à long terme. L’auteur considère que suivant les travaux de
McClelland, l’approche du potentiel entrepreneurial est « clairement évidente ». (Palmer, 1987,
p.44).

Une personne qui répond à un besoin d’accomplissement essayera de le réaliser rapidement et


indépendamment, quels que soient les difficultés et les obstacles qu’elle rencontrera. Elle
souhaite augmenter sa satisfaction, par exemple, dans la mise en œuvre de son talent de créateur
d’entreprises, pour entrer en compétition avec les autres dans le but de les dépasser.

1.1.2. Le sentiment de contrôle chez l’entrepreneur

L’internalité décrit un concept de soi qui permet à l’individu d’associer sa performance à sa


propre responsabilité plutôt qu’à celle des autres. Ainsi, il estime qu’il peut influencer son
environnement. Selon Hernandez, il s’agit de détecter la perception que possède ou non un
individu de pouvoir contrôler ce qui lui arrive (Hernandez, 2001). L’auteur distingue deux types

1
Michael Palmer,"The application of psychological testing to entrepreneurial potential" in "Entrepreneurship and
venture management", Clifford M. Baumback et Joseph R. Mancuso - Prentice Hall,1987, Second edition.

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de lieux de contrôle : Lieu de contrôle interne2 et lieu de contrôle externe dans le cas inverse.
La notion d’internalité/externalité a été développée par Rotter dans le cadre de sa théorie de
l’apprentissage social par le renforcement. Pour Rotter (1966), le besoin d’accomplissement est
lié à la croyance de contrôle interne.

Ce besoin existe davantage chez les gens susceptibles et capables de maîtriser leur
environnement. L’étude que Borland (1974) a réalisée auprès d’étudiants américains montre
une grande différence d’Internal Locus of Control entre les porteurs de projets et ceux qui ne
pensent pas créer. Ce facteur de contrôle interne a fait l'objet de travaux menés par Brockhaus
(1982). Ce dernier précise que l’individu, ayant un niveau élevé de ce trait, pense qu’il a le
contrôle de son environnement, la chance, et le destin, n’ont aucune influence sur les
événements. Le contrôle de cet environnement s’effectue à travers les actions qu’il entreprend.

Toutefois, certaines études n’ont pas abouti pour déterminer des différences significatives entre
les entrepreneurs et les managers quant à la variable contrôle (Brockhaus et Nord, 1979 ;
Cromie et al. 1992 ; Koh, 1996). Cette incertitude serait due à la petite taille de l’échantillon
utilisé. Selon Aumont et Mesnier : « L’art de saisir des opportunités sans complète
connaissance de cause ne relève pas du hasard. Celui qui en fait usage dans son domaine de
compétence dispose d’expérience et de savoir-faire : Il perçoit globalement des données, des
signaux, des interrelations qui complètent ce que les programmations rationnelles, appuyées sur
l’information, soient incapables de lui fournir ». (Aumont et Mesnier, 1992, p.82).

Gasse (1982) souligne que les entrepreneurs croient détenir un certain contrôle sur leur destin.
Ce contrôle est fonction de la perception qu'ils ont de leur capacité à influencer leur
environnement et à atteindre les objectifs fixés. Plusieurs études montrent que cette
caractéristique devrait se retrouver chez les entrepreneurs en général. L’entrepreneur vit dans
l’incertitude et prend des risques calculés

La notion de risque est aujourd’hui adossée à toute activité entrepreneuriale. Elle semble faire
l’unanimité dans les travaux de recherche sur les entrepreneurs. Danjou considère que ceux-ci
se caractérisent par une double incertitude : « celle qui découle du caractère imprévisible des
réactions du contexte interne et externe de l’entreprise et celle qui provient du degré de capacité
des porteurs de projet, à percevoir, anticiper ces réactions et à composer habilement avec elles

2
Le Lieu de contrôle interne : Si l’individu a le sentiment que par son comportement il peut influencer ce qui lui
arrive. (Hernandez, 2001)

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». (Danjou, 2004, p.58). Elle ajoute que : « toute démarche entrepreneuriale est un espace de
risque » (Danjou, 2004, p.59). Pour Belley (1990), créer une entreprise, c’est prendre des
risques. Ces derniers sont de différents ordres et peuvent influencer l’entrepreneur à plusieurs
niveaux : financier, professionnel, familial, etc. (cité par Hernandez, 1999).

Créer une entreprise repose souvent sur l'équilibre existant entre les potentialités du créateur à
mener son projet et le risque encouru. Les entrepreneurs ayant une bonne connaissance de leurs
capacités et de leurs compétences ont tendance à prendre des risques réduits tandis que d’autres,
peu informés, considèrent que cette décision reste très risquée. Par conséquent, les potentialités
de l'entrepreneur quant à la capacité à prendre des risques et à les gérer peuvent être différentes
d'un entrepreneur à l'autre. C'est le cas également pour les entrepreneurs migrants de retour et
les Locaux.

1.1.3. La tolérant face à l’ambiguïté


L’ambiguïté est inhérente au phénomène entrepreneurial. Rien n’est écrit par avance et les
surprises sont inévitables. Il s’agit d’une caractéristique importante du profil de l’entrepreneur.
Les personnes tolérantes à l’ambiguïté ont la faculté de supporter et de gérer le stress généré
par l’incertitude, de prendre des décisions, même lorsqu’ils ne disposent pas de toute
l’information nécessaire. (Gasse, 2004).
Les entrepreneurs apprécient le fait d’avoir affaire à des situations nouvelles et complexes. Un
environnement mal défini présente un cadre favorable au lancement d’initiatives. Les menaces
qui y sont liées représentent l’occasion pour l’entrepreneur pour développer de nouvelles
affaires. Tandis qu’un environnement trop structuré présente un espace vide pour lancer des
initiatives et développer des opportunités. (Cité par Basso, 2006). Shere (1982) souligne que
les entrepreneurs ont une forte tolérance à l’ambiguïté, car ils ont une capacité à faire face aux
nouveaux défis et à gérer les changements.

1.1.4. L'indépendance ou l'autonomie


Le statut d'entrepreneur procure à l'individu un épanouissement et un développement personnel
(Albert, Mougenot, 1988) Il lui procure également la possibilité de déterminer les tâches à
effectuer et le planning à respecter pour réaliser les objectifs fixés. Aussi, il lui donne la
possibilité d'agir en fonction de ses propres idées et initiatives (Donckels, 1984). Sweeney
souligne que pour certains entrepreneurs, » l'indépendance est la chose la plus désirable au
monde" (Sweeney, 1982). L'individu qui a choisi la voie de l'entrepreneuriat ne souhaite pas se
conformer aux règles et aux contraintes. Par ailleurs, la création d'entreprise représente pour un

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individu un besoin d'accomplissement et un moyen d'échapper aux conditions de travail trop


pénibles.

1.1.5. La confiance en soi


En entrepreneuriat, la confiance en soi représente une caractéristique essentielle pour réussir. Il
s'agit de la confiance de l'individu en sa capacité à réaliser de façon efficace certaines actions
(Janssen et al, 2016). Malgré son importance, ce trait n'est pas similaire chez tous les
entrepreneurs. Lorsque certains présentent un niveau très élevé de confiance en soi, d'autres
sont plus en proie au doute.

Un individu qui n'est pas convaincu de ses actions, aura du mal à convaincre d'autres. Ce trait
conditionne donc le succès de l'entrepreneur. Créer une entreprise, c'est prendre des décisions
et faire face aux difficultés, c'est une forme et une preuve de courage. Pour Dokou, la confiance
en soi désigne « la confiance en sa capacité à réaliser efficacement certaines actions. Les
individus qui ont une grande confiance en eux sont plus à même de persévérer lorsque les
problèmes apparaissent et d’agir pour résoudre les problèmes. Ils seraient plus intuitifs, auraient
un plus grand espoir de réussite et s'engageraient dans des perspectives à long terme ». (Dokou,
2015, p.23).

Il est vrai que les études centrées sur les traits de caractère des entrepreneurs débouchent sur
des listes de traits plus ou moins longs (Fayolle, 2003, p.63). C'est le cas de Filion (1997) qui a
précisé dans son étude, une panoplie de caractéristiques les plus attribuées à l'entrepreneur.
(voir Tableau:1)

Tableau 1 - L’entrepreneur et ses caractéristiques

Besoin de réalisation Innovateur


Internalité Leader
Confiance en-soi Preneur de risque modéré
Implication à long terme Indépendant
Tolérance à l'ambiguïté et à l’incertitude Créateur
Initiative Énergique
Apprentissage Persévérant
Utilisation des ressources Originaux
Sensibilité envers les autres Optimiste
Agressivité Orienté vers le résultat
Tendances à faire confiance Flexible
Argent comme mesure de performance Débrouillard

Source : Filion,1997

Nonobstant, Filion estime qu’il est difficile d’établir le profil psychologique scientifique absolu
de l’entrepreneur (Filion, 1997, p.138).

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L'approche la moins critiquée reste celle de Gasse. Ce dernier conclut dans ses travaux sur les
caractéristiques psychologiques de l’entrepreneur type : « L’entrepreneur type a un fort besoin
de réalisation personnelle, il a confiance en lui, il veut être autonome, indépendant, il aime les
risques modérés, il est plein d’énergie et de motivation. Il est, certes, évident que l’ensemble de
ces caractéristiques ne se retrouve pas à un degré élevé chez un entrepreneur. Même si ces
dimensions se conjuguent pour produire un effet commun, elles semblent se compléter.

C’est un fait que chaque être humain demeure un être complexe dont la personnalité est unique.
Il n’est pas impératif à la réussite de posséder toutes ces caractéristiques. Cependant, il est
souhaitable d’en favoriser l’émergence et le développement chez les entrepreneurs potentiels
(si on considère qu’elles ont été identifiées chez les entrepreneurs qui ont connu le succès) ».
(Gasse, 2002, p.4).

Après avoir défini les caractéristiques de l'approche par les traits, nous allons maintenant
aborder de façon approfondie les actes de l'entrepreneur ou de l'agir entrepreneurial.

2. L'APPROCHE PAR LES FAITS COMME SOURCE DU FAIT


ENTREPRENEURIAL
Cette approche a pour objectif essentiel de produire de la connaissance quant aux
comportements de l’entrepreneur. Elle est issue de l’interdisciplinarité et son avènement se
justifie par les limites de l’approche par les traits, dominante jusqu’alors. Les critiques faites à
l’encontre de l’approche de personnalité notamment après l’article de Gartner (1988) ont
conduit les chercheurs à chercher d’autres aspects du sujet entrepreneurial.

L'accent est donc mis sur l'action ou ce que nous qualifions de « l’agir entrepreneurial ». C'est-
à-dire ce que l'entrepreneur fait. Comment se comporte-t-il ? Et quelles sont ses compétences ?
Selon Filion : « ... l'agir entrepreneurial sera l'expression, l'aboutissement d'une façon d'être
qu'on se sera donnée au préalable et qui aboutira à des façons de faire. Cet agir sera marqué
d'intuition, de flair, parce qu'il inclut la détection d'occasions d'affaires, mais il implique qu'on
se soit donné au préalable un mode de pensée qui conduit à l'innovation, qui nous amène à
accomplir des choses nouvelles et différentes » (Filion,1991, p.127). Par ailleurs, cette approche
met en jeu aussi bien les capacités entrepreneuriales de l’individu que son aptitude à agir tout
en mettant en évidence une réalité praxéologique qui sera influencée par ses traits intrinsèques.

Gartner pour qui « La recherche sur l’entrepreneuriat devrait se focaliser sur ce que fait
l’entrepreneur et non sur ce qu’il est » (Gartner,1989, p.57), propose d’étudier le comportement
de l’entrepreneur selon l’approche de Mintzberg sur le comportement managérial : « Je crois

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que la recherche sur les comportements entrepreneuriaux doit être fondée sur le travail
managérial. Les chercheurs doivent observer les entrepreneurs lorsqu’ils sont en train de créer
des organisations. Ce travail doit être décrit en détail et les activités systématisées et classifiées.

2.1. L’approche comportementale


L’étude sur le comportement fait appel aux facteurs internes et externes à la démographie, mais
c’est surtout les caractéristiques de l’individu qui sont mises en exergue pour mieux expliquer
ses comportements. L’analyse de l’individu et de son comportement ne peut pas aboutir sans
évoquer le contexte dans lequel ce dernier vit (la famille, etc.) ou son entourage (quartier,
commune, etc.).
2.1.1. Le comportement comme disposition individuelle
Le comportement de l’être humain résulte d’une dynamique interne qui va amener l’individu à
définir ses propres lois. Herder (1958) souligne que les individus sont considérés comme les
origines de leurs actions. Dans son ouvrage « Psychologie et santé », Giovannini affirme qu’il
est plus simple de concevoir un comportement hostile comme l’expression d’une malveillance
naturelle que de l’interpréter à la lumière des facteurs contingents relatifs à la situation.
(Giovannini, 1986, p.32).

Selon Miller : « La tradition veut que les psychologues se soient limités à considérer l’individu
isolé, s’engageant dans la recherche des traits “génotypiques” qui leur permet de donner des
prévisions sur le comportement de cet individu isolé par rapport à une multiplicité d’autres
individus dans de nombreuses situations. La prédisposition à l’anxiété par exemple a été
considérée comme un trait commun et diffus. Les résultats obtenus par la mesure de ce trait ont
été utilisés pour avancer des prévisions sur la capacité d’une réussite scolaire, de rapport
social et contrôle des mouvements physiques » (Miller, 1963, p.641).

2.1.2. Le comportement de l’entrepreneur comme source d’influence du milieu

Le milieu est considéré comme l’une des variables, qui peut contribuer à expliquer le
comportement de l’individu. En effet, toutes les activités des sujets se déroulent dans un milieu
social. Ledit milieu engendre une influence sur toutes les activités et les expériences.
Contrairement à certains sociologues, anthropologues et psychologues qui ont tenté de montrer
la relation entre l’individu et son comportement, cette approche considère que le milieu social
pousse l’individu à réagir en fonction de la situation dans laquelle il se trouve. Par exemple, le
milieu social et familial peut avoir une influence sur le comportement d’une personne à travers
l’observation des symptômes d’inadaptation de façon déterminante. Les travaux menés par

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Bird, Schjoedt et Baum (2012) portant sur la période 2003-2008 ont identifié les comportements
basiques de l’entrepreneur.

Ceux-ci peuvent être synthétisés dans le tableau 2.

Tableau 2 - Comportements basiques de l’entrepreneur

Comportements Auteurs
Temps passé à développer des liens Greve et Salaff (2003)
Encourager la participation des employés Rauch et al. (2005)
Résolution de problèmes Hite (2005)
Recherche de capitaux Orser et al. (2006)
Obtenir du soutien Hanlon et Saunders (2007)
« Behavior sequences » Detienne et Chandler (2007)
Concevoir produits et services Cloninger et Oviatt (2007)
Approcher l’investisseur Zhang et al. (2008)
Communiquer avec le client DeClerq et Rangarajan (2008)
« Scanning frequencies » Stewart et al. (2008)
Rôle de l’entrepreneur selon les phases Wright et al. (2008)
Rapidité de décision Talaulicar et al. (2005)
Débattre la décision Talaulicar et al. (2005)
Interaction avec les agents externes Grandi et Grimaldi (2005)
Organiser Lichstenstein et al. (2006)
Réseauter Watson (2007)
Planifier (sous-comportements et temps) Gruber (2007)
Improviser Hmielski et Corbett (2008)
Planifier le temps Bluedorn et Martin (2008)
Comportements et phases temporelles Clarysseet Moray(2004)
Transmettre la crédibilité, organiser, tisser des
Zott et Huy (2007)
liens avec l’actionnaire
Acquérir l’information Dyer et al. (2008)
Identifier les idées Fiet et Patel (2008)
Identifier et poursuivre les opportunités Ucbasaran, Westhead et Wright (2008)
Leadership (directif et participatif) Hmieleski et Ensley (2007)

Source : traduit et adapté Bird, Schjoedt et Baum, 2012

En nous inscrivant dans cette voie comportementaliste, nous nous focaliserons sur la question
du développement des compétences entrepreneuriales requises tout au long du processus
entrepreneurial. Toutefois, il est important de souligner que le Maroc a fait de l'entrepreneuriat
un levier de développement de son économie. Ainsi, plusieurs mesures incitatives ont été mises
en place et plusieurs jeunes se sont intéressés à la création d'entreprises. Ce constat n'est pas
étonnant quand on sait que, spontanément, de jeunes diplômés à la recherche d’un emploi, voire
même des salariés en exercice, déclarent rêver de devenir entrepreneurs.

À ce titre, on peut légitimement se demander si créer une entreprise et la développer serait à la


portée de tous. Ne faudrait-il pas certaines aptitudes, prédispositions ou habiletés, comme l’ont

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démontré certains chercheurs des années 60 aux années 80 ? Mais, à la lumière d’une mortalité
encore importante des jeunes entreprises, on devrait plutôt chercher ce qui permet d’expliquer
la pérennité et la réussite. À ce moment-là on pourrait réellement évoquer les compétences d’un
entrepreneur, à l’instar de tout professionnel, qui permettraient la réussite et le développement
de l’entreprise. Pour s’intéresser à l’entrepreneur, on retiendra donc la définition de Gartner
(1990) qui considère l'entrepreneur comme un individu qui engage une quelconque action en
vue de la création ou l’établissement d’une entreprise ou d’une organisation. Si pendant
longtemps, on a focalisé la recherche surtout sur les caractéristiques spécifiques de l'individu,
de nombreux chercheurs ont infirmé cette thèse en montrant que de réelles compétences étaient
nécessaires à l’entrepreneuriat. Quelles sont alors ces compétences ?

2.2. L’approche par les compétences


Depuis une dizaine d’années, le concept de compétence est introduit dans le champ de la gestion
jusqu’à devenir le gage de modernité et la pierre angulaire de renouveau de l’entreprise. Son
contenu a tellement évolué, que la difficulté à le définir croît avec le besoin de l’utiliser. Cette
section s’attache donc à définir la compétence. Elle fera également le point sur les compétences
entrepreneuriales. Les travaux sur les compétences se sont focalisés sur trois types à savoir : les
compétences individuelles, les compétences collectives et les compétences de l’organisation.
Dans cette section, nous nous intéresserons particulièrement aux compétences individuelles et
entrepreneuriales.

2.3. Les compétences entrepreneuriales dans les différentes phases du processus


Les chercheurs Shook, Priem et McGee (2003), en s’intéressant plus précisément au processus
de création des organisations préconisent de tenir compte de la diversité des compétences
entrepreneuriales nécessaires dans chacune des étapes du processus entrepreneurial. Ils
présentent les principales compétences entrepreneuriales, identifiées précédemment par
d’autres auteurs, en les mettant en relation avec les étapes du processus entrepreneurial pendant
lesquelles elles se manifestent. Shook et al. (2003) s’inspirent des travaux de Learned (1992) et
de Shane et Venkatraman (2000) pour représenter le processus de création d’une organisation
en quatre phases :

● L’étape de l’intention,
● L'étape de l’identification,
● L'étape de l’exploration
● L'étape de l’exploitation de l’opportunité.

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2.3.1. La phase de l’intention


En 1997, Kirzner la détermine dans la phase de « l’intention » où l’entrepreneur n’a pas encore
identifié une opportunité, mais où il a déjà la volonté de créer une organisation. La compétence
essentielle que les chercheurs identifient chez l’entrepreneur est sa volonté et son dévouement
à prendre des actes en vue de la création d’une activité.
En 1999, Bird définit cette volonté entrepreneuriale comme étant « l’état d’esprit qui dirige
l’attention de l’individu et qui le mène à l’action » (p.442). Certains auteurs (Shapero, 1982;
Bird, 1988; Ajzen, 1991 ; Kreueger, 1993) concernés par cette étape du processus
entrepreneurial ont étudié les variables personnelles et les facteurs mentaux de l’entrepreneur
pouvant impacter sa volonté de créer une organisation. Ils sont parvenus à identifier trois
variables : « La perception de l’individu quant à la faisabilité, la perception quant à la
désirabilité de la création d’une organisation et la perception du support social qui pourrait
lui être accordé. » (Aouni,Surlemont, 2007, p.7).

2.3.2. La phase de l’identification


En 1989, Timmons indique que pendant l’étape d’identification de l’opportunité, le rôle de
l’entrepreneur consiste à reconnaître les opportunités et de les saisir quand les autres sont
incapables de le faire. Reconnaître les opportunités, c’est de disposer :

● D’un comportement dirigé vers la recherche d’informations.


● D’un esprit permettant la détection de l’opportunité.

2.3.3. La phase de l’exploration


Une fois l’opportunité identifiée, l’entrepreneur doit impérativement l’évaluer pour voir si elle
lui est utile. Donc, ce dernier doit avoir une capacité à prendre des décisions pour faire des
choix face aux opportunités qui se présentent. Cette étape est essentiellement une étape de prise
de décision.

En 2002, une recherche réalisée par Keh et al. (2002) a mis en évidence les facteurs influençant
la décision d’exploiter l’opportunité, dont « l’illusion de contrôle » et « la croyance en la loi des
petits nombres ». Par définition, l’illusion de contrôle est la situation dans laquelle l’individu
surestime la capacité de ses compétences à accroître la performance alors que c’est le facteur
chance décisif qui prédomine. Plus précisément, ces deux auteurs constatent que ces deux
facteurs cognitifs influencent la perception du risque qui affecte par conséquent l’évaluation de
l’opportunité.

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2.3.4. La phase de l’exploitation de l’opportunité

Dès que l’entrepreneur décide d’exploiter l’opportunité, il sera confronté à des contraintes
liées à un degré de doute. En 2001, Ravasi et Turati indiquent que pendant cette phase,
l’entrepreneur possède généralement de très peu de ressources en matière de temps, d’attention
et de financement. (Ravasi et Turati, 2001). Dans ce genre de situation, l’entrepreneur doit avoir
la force de faire face aux contraintes de la nouveauté afin de diminuer l’incertitude et
l’ambiguïté de son projet de création d’entreprises. Ses efforts seront orientés principalement
vers la recherche des ressources importantes pour l’émergence de son organisation (Newbert,
2005). En effet, l’acquisition des ressources aussi bien tangibles (information, capital humain),
qu’intangibles (capital social, physique, financier et organisationnel) demeure la principale
préoccupation des entrepreneurs naissants durant cette phase du processus (Ucbasaran et al,
2001).

2.4. L’obtention des compétences entrepreneuriales

En 2001, les chercheurs Minniti et Bygrave ont montré que les connaissances et les
compétences entrepreneuriales ne peuvent être acquises que par l’apprentissage, par l’action
(learning by doing) ou par intuition directe. Cette remarque est acceptée par d’autres confrères
(Cope, 2005, Politis, 2005) qui reconnaissent l’utilité de l’apprentissage par l’action ainsi que
l’apprentissage à travers l’expérience du processus d’acquisition de connaissances par les
acteurs entrepreneuriaux.

2.4.1. Le processus d’apprentissage par l’action


L’apprentissage par l’action a souvent été désigné comme étant la façon dont les entrepreneurs
acquièrent des compétences entrepreneuriales. En 2001, Minniti et Bygrave précisent ainsi que
« l’apprentissage (entrepreneurial) est un processus qui implique l’expérimentation. Celui-ci
permet d’augmenter la confiance de l’entrepreneur en certaines actions et améliore ainsi le
contenu de son stock de connaissances ». C’est alors que le processus d’apprentissage
entrepreneurial est envisagé en tant que processus de transformation de l’expérience en
connaissance et de compétences qui contribuent à améliorer le niveau de préparation du chef
d’entreprise.

2.4.2. L’apprentissage entrepreneurial : un processus cumulatif

L’apprentissage entrepreneurial est expliqué comme étant « un processus continu et cumulatif »
dans la mesure où « ce qui est appris à une période vient s’ajouter à ce qui a été appris à une
période précédente » (Minniti et Bygrave, 2001, p.7). Ceci présuppose bien évidemment que

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chaque entrepreneur entre dans le processus entrepreneurial avec un « stock de connaissances »


en fonction de ses connaissances préalables/antérieures. Pour expliciter ce stock de
connaissances entrepreneuriales, Harvey et Evens suggèrent, en 1995 le concept de « degré de
préparation entrepreneuriale ». Celui-ci fait référence aux habilités et capacités apportées par
l’entrepreneur au processus entrepreneurial. Il dépend de la façon avec laquelle il voit et
expérimente l’apprentissage (Cope, 2005).
Les connaissances acquises via ses anciennes expériences ont de ce fait un pouvoir
d’autorenforcement qui permet au processus d’apprentissage de se renouveler au fur et à mesure
de l’acquisition et d’assimilation de nouvelles connaissances. Selon Politis, le type des savoir-
faire entrepreneuriaux développés est conditionné par le type d’expérience préalable. Ce dernier
influence ainsi le niveau de préparation entrepreneuriale des individus. (Politis, 2005).
L’expérience managériale permet d’avoir les capacités entrepreneuriales permettant de faire
face aux exigences relatives à la nouveauté. Par exemple, le pouvoir de négociation, le pouvoir
de prise de décision, de l’organisation, de la communication, etc.

3. VERS UN MODÈLE CONCEPTUEL DES POTENTIALITÉS


ENTREPRENEURIALES FONDÉ SUR L'APPROCHE PAR LES TRAITS ET PAR
LES FAITS
Le potentiel entrepreneurial représente l’ensemble des traits psychologiques et
comportementaux que doit posséder tout individu qui souhaite se lancer dans la création et/ou
la reprise d'entreprise. Ces traits vont permettre à l'individu de réaliser certaines tâches
nécessaires au bon fonctionnement de son projet entrepreneurial : capacité d'adaptation,
autonomie, esprit d'initiative, confiance en soi, prise de risque, persévérance, prise de décision.
Plusieurs raisons poussent les individus à se lancer dans l’entrepreneuriat. La décision est
individuelle et dépend des caractéristiques personnelles de chacun et du milieu dans lequel il a
évolué. Au Maroc, les mesures d’incitation à l’entrepreneuriat ne concernaient pas uniquement
les Marocains résidents au Maroc, mais également les migrants de retour. Dans ce cadre,
l’analyse des facteurs d’influence du milieu de l’individu joue un rôle primordial dans la
décision de créer : les éléments d’ordre économique, social, culturel et institutionnel peuvent
favoriser la création et la réussite du projet de l’entrepreneur. Les antécédents sont également
indispensables dans l’étude du profil de l’entrepreneur et certains déclencheurs vont amener
l’individu à passer plus rapidement à l’acte.

3.1. Modèle conceptuel retenu


Le modèle conceptuel que nous tentons de proposer pour notre recherche devrait nous permettre
de répondre à notre question de recherche ainsi que les sous-questions qui en découlent.

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À cet effet, et afin de cerner au mieux les dimensions théoriques et pratiques de ce travail, le
modèle de Gasse constitue pour notre recherche une base pour notre modèle conceptuel.

Les entrepreneurs présentent souvent des caractéristiques différentes les unes des autres. Ces
différences peuvent être dues à leurs expériences vécues ou selon les dispositions particulières
ou des circonstances qui affectent la personne (Solomon et Winslow, 1988). Par ailleurs, ces
différences en matière de caractéristiques intrinsèques de l'entrepreneur peuvent concerner les
motivations qui ont poussé l'entrepreneur à l'acte, mais également le comportement qu'il a
développé au fil du temps.

C'est le sens du modèle de Gasse. Il structure la majorité des caractéristiques et des


comportements entrepreneuriaux que nous avons développés dans la section 1 et 2 Ces traits
caractéristiques sont regroupés par Gasse autour de trois dimensions principales et qui sont la
motivation, l'aptitude et l'attitude (voir explication section 4.2). En plus des traits, le modèle de
Gasse englobe les éléments des faits de l'entrepreneur qui les regroupe en deux dimensions
principales. Il s'agit de l'intérêt et du comportement. Rappelons que ce modèle est appliqué sur
les porteurs de projets et sur les entrepreneurs, créateurs d'entreprises (Gasse,1993). Dokou
l'avait également utilisé dans ses recherches. Par exemple dans son article sur "les
caractéristiques entrepreneuriales et décision du dirigeant-créateur d’entreprise" (Dokou,
2015). Il est donc valable pour notre recherche qui s'intéresse aux entrepreneurs en exercice.

Notre modèle, détaillé à la figure 2, a été adapté au contexte Marocain. Il explicite les
dimensions et les variables en cause. Rappelons que dans son ouvrage « Profession :
entrepreneur », Gasse (1993,2000) a catégorisé plusieurs types d'entrepreneurs : les femmes,
les jeunes, les intrapreneurs, les autonomes et les immigrants.

Le modèle que nous présentons devrait nous permettre d'identifier les potentialités de
l’entrepreneurs à partir de ces caractéristiques, ses comportements et ses logiques d’action. Ces
différences émanent d'abord de la trajectoire de vie de ces entrepreneurs c'est-à-dire, les
expériences vécues, l'âge, le niveau d'études, la présence d'un parent entrepreneur, etc. Par la
suite, nous essayons de comprendre les potentialités de ces deux types d'entrepreneurs selon les
axes développés dans notre modèle. Il s'agit des motivations, aptitudes, attitudes, intérêts et
comportements. Les travaux menés par Dokou sur la base du modèle de Gasse lui ont permis
d'associer les traits aux axes de motivation, aptitude et attitude et les faits aux intérêts et aux
comportements.

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Figure 02 - Modèle conceptuel

Créateur Antécédents
Age
d’entreprise Sexe
Famille
Education
Expérience

Local MRE
E

Facteurs d’influences et de façonnement du Intrinsèques


potentiel entrepreneurial

Extrinsèques

Milieu (Economique, Elements Elements


Social et Culturel, ...) de Traits de Faits

Motivation Aptitude Attitude Intérêt Comportement

Accomplissement Confiance en Attitude face Innovation Affectivité


Pouvoir soi à la Action Cognition
Autonomie Energie concurrence Action
Persévérance Attitude face Désirabilité
Tolérance au au
stress changement
Capacité
conceptuelle

Source : Auteur
Caractéristique et comportements entrepreneuriaux
Clés du potentiel entrepreneurial

À travers ce modèle, nous tenterons de répondre à notre question de recherche en posant une
ou plusieurs sous-questions. En se basant sur les 5 dimensions qui structurent notre modèle, on
peut s'interroger si au niveau des motivations, aptitudes, attitudes intérêts et comportement les
entrepreneurs ont des potentialités différentes et si les antécédents de l'entrepreneur ont une
influence sur ces cinq dimensions.

Conclusion

Dans cet article, nous avons essayé d'identifier les caractéristiques et comportements
entrepreneuriaux en nous basant sur l'approche par les traits et par les faits,
L'approche par les traits qui considère que les facteurs psychologiques sont les seuls
déterminants de la réussite ou de l'échec de l'entrepreneur (Mc Clelland, 1961) nous a permis

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d'identifier un certain nombre de caractéristiques dont peut disposer un


entrepreneur…L'ensemble de ces caractéristiques liées aux traits de l'entrepreneur structure les
dimensions développées dans notre modèle conceptuel.
Face à ses limites, nous avons exploré d'autres travaux de recherche. Une remise en cause de
l'approche par les traits a commencé surtout depuis le célèbre article de Gartner " Who in an
entrepreneur is the wrong question" (Gartner, 1988). Dès lors, les recherches se sont orientées
vers ce que fait l'entrepreneur. Ainsi, l'approche comportementaliste a vu le jour (Verstraete,
1999, Schmitt, 2003). Les compétences sont désormais les meilleurs prédicteurs de la
performance des entrepreneurs (Chandler et Jansen, 1992 ; Herron et Robinson, 1993).
Les recherches qui se sont développées par la suite ont consolidé la posture de l'approche par
les faits, mais en la combinant à l'approche cognitive dans un but processuel. Ces éléments de
faits sont également introduits dans notre modèle conceptuel inspiré du modèle de Gasse
(1993). qui combine les traits et faits, tient compte de l’environnement et de la présence de deux
types d’entrepreneurs au Maroc qui sont les entrepreneurs locaux et les entrepreneurs MRE.

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