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Le Temps de la Strategie
3.12 La stratégie du Dauphin : Une nouvelle manière de penser pour affronter les
transformations incessantes du monde

1. L'obsolescence des paradigmes


Tout le monde s'accorde à reconnaître
que les règles du jeu qui régissent la vie
des affaires connaissent un réel
bouleversement. Nos modes de penser
ont-ils suivi cette mutation ? Nous sommes
nombreux, y compris parmi les élites, à
faire nos analyses avec des modes de
penser qui relèvent du passé. Nous avons
récemment dénoncé la fiction du slogan "
travailler plus pour gagner plus " en
montrant notamment qu'en 100 ans, le
PIB par habitant avait été multiplié par 5
tandis que la durée annuelle du travail avait diminué de moitié. Dans un autre
article, plus ancien, nous nous sommes largement interrogés sur l'acharnement de
certains décideurs à se crisper exclusivement sur la compétitivité " Prix ", alors que
l'évidence montre, en particuliers en matière d'export, que nos principales
capacités reposent sur des éléments de différenciation (marque, qualité, services,
etc.).

Les difficultés que nous avons à sortir de ce qu'il faut bien finir par appeler " une crise
" et surtout la lenteur que nous mettons à la résoudre, ne sont-ils pas les signes que
nous sommes prisonniers d'un paradigme, à l'évidence aujourd'hui dépassé ?

Pour Dudley Lynch et Paul L. Kordis, auteurs du livre " la stratégie


du dauphin ", nous raisonnons comme des " carpes " ou des " requins ", alors qu'il
s'agit aujourd'hui de fonctionner en " dauphin ". Jean-Marie Descarpentries
ancien PDG de CarnaudMetalBox et de Bull associé à Philippe Korda,
consultant, n'hésitent pas à parler de " panne du management ". (L'entreprise
réconciliée,Albin Michel 2007, 255 p).
" La plupart des grandes entreprises continuent d 'élaborer consciencieusement des
plans à 3 ans, voire 5 ans pour tenter en vain de planifier l'imprévisibilité. Les plans
sont une extrapolation des tendances et des chiffres observés dans le passé récent
et sont fondés sur des hypothèses de relative stabilité de l'environnement; ils
concentrent une somme énorme d'expertise et d'intelligence pour détailler jusqu'à
deux chiffres après la virgule une multitude de données plusieurs années à l'avance
!"

Ces deux auteurs se demandent, comme nous-mêmes d'ailleurs, pourquoi nous


construisons nous encore des projets de développement avec " des méthodes
d'avant hier ".
2. Le monde économique est devenu un vaste océan
La métaphore du dauphin est un symbole
pertinent car il renvoie à un univers
aquatique et marin. C'est bien ce qu'est
devenu l'univers économique : un océan
tourmenté par les courants profonds de la
mondialisation.

Pour Lynch et Kordis, la première


étape d'une réflexion stratégique consiste
à définir " le bassin ": Le bassin, c'est ce qui
est possible. Une entreprise, en effe,t ne
peut répondre à tous les besoins. Elle
répond à des besoins spécifiques liés à sa vocation et ses métiers. Il faut donc se
demander pour commencer " dans quel bassin pouvons-nous jouer ? "
- Quels sont les clients actuels et potentiels qui vivent dans ce bassin et quels sont
leurs besoins fondamentaux auxquels l'entreprise peut répondre ?
- Qui sont les principaux concurrents ?
- Qu'est-ce qui peut marcher dans ce bassin ?
- Y a-t-il d'autres bassins dans lesquels on puisse aussi plonger ?

Cette image du bassin permet de concevoir que nous évoluons dans un nouveau
type d'environnement où l'on doit se déplacer en jouant avec les vagues et les
courants marins. Cela passe assurément par la nécessité de développer de
nouvelles habilités.

3. Le dauphin : l'archétype d'un nouveau modèle de management


Pour réussir dans ce nouveau monde, les
qualités, dont nous devons faire preuve,
changent. Comme le dauphin, il faut faire
preuve d'intuition et de vision globale. A la
rigueur et le sens de l'ordre nous devons
substituer la créativité, l'agilité et l'adresse.
Il faut désormais être capable d'entrer
dans un processus de changement
permanent qui suppose la capacité à
naviguer plutôt qu'à planifier. Il s'agit
assurément d'une véritable révolution "
cognitive " qui passe par l'acceptation de
" l'imprévu et de la surprise ".

Les notions de jeu et de plaisir sont également capitales pour le dauphin. Le


dauphin est considéré comme un animal intelligent et habile capable de mobiliser
des compétences multiples pour réussir. Le dauphin symbolise " l'aptitude à penser
d'une façon constructive et créative ". Les dauphins sont également adaptables. "
Quand ils n'obtiennent pas ce qu'ils veulent, ils sont capables de modifier
promptement et adéquatement leur comportement, souvent de façon ingénieuse,
pour atteindre leur but ".
Les " managers dauphins " sont à la recherche opiniâtre " de ce qui marche ". Ils sont
à la recherche de solutions utiles pour eux-mêmes et pour l'humanité. Voici
quelques-unes de leurs qualités selon Lynch et Kordis :
" Les dauphins ont une vision claire de ce qu'ils souhaitent que ce soit pour
l'entreprise, l'organisation et le monde, mais cela ne les rend pas kamikazes pour
autant ".

" Les dauphins agissent presque toujours en fonction de la situation globale, mais ils
sont capables de se concentrer sur le moindre détail quand c'est nécessaire ".

" Les dauphins agissent aussi bien en groupe qu'individuellement ".

" Quand quelque chose ne va pas, ils sont capables de changer de but pour aller
vers autre chose, quelque chose qui marche." Ils sont capables d'acharnement et
en même temps de détachement quand c'est nécessaire ".

4. La carpe, le requin ou le dauphin : il faut choisir


Dans " le bassin ", nous avons trois attitudes
possibles :
- La carpe,
- Le requin,
- Le dauphin.

Il est évident que l'attitude idéale de


dauphin que nous avons définie plus haut
est rarement spontanée. Elle est le fruit
d'un travail sur soi-même. Les attitudes "
spontanées " relèvent généralement de la
métaphore de la " carpe " ou de celle du "
requin ".

L'attitude " carpe " comme l'imagerie populaire la représente est celle d'une
certaine discrétion. La carpe est souvent muette et immobile. Elle traduit une
tendance à fuir l'engagement et à entrer dans un comportement d'évitement. Les
carpes sont assez dépendantes de l'opinion d'autrui à qui elles souhaitent offrir une
bonne image. Elles ont du mal à prendre des décisions et à passer à l'action
offensive. Elles préfèrent la fuite. Elles sont davantage enclines à subir les
événements qu'à les affronter ou les anticiper.

L'attitude " requin " à l'inverse est une attitude constamment offensive, voire
belliqueuse qui recherche les conflits. Le requin a de l'appétit et une ambition sans
limite et sans éthique. Il est toujours prêt à dévorer son prochain pour gagner. Il ne
fait aucune concession. Il est impitoyable. Il est prêt à tout pour arriver à ses fins
(faims !). Le requin est un prédateur. Il aime dominer et asservir autrui à sa propre
volonté. Il a une soif immodérée du pouvoir et jouit de s'emparer du bien d'autrui.

Devant toute situation nous avons le choix soit d'être une carpe, un requin ou un
dauphin.

5. Les vagues du changement se succèdent de plus en plus vite


Nous pouvons devenir des dauphins à
partir du moment où nous décidons de
concentrer notre attention sur les grands
processus de changement auxquels nous
sommes confrontés et que, par confort,
nous avons la plupart du temps tendance
à sous-estimer, banaliser ou pire encore
nier.

Aujourd'hui les vagues du changement


sont beaucoup plus rapprochées et
fréquentes que par le passé. Cela se
vérifie aisément dans le cycle de vie des produits. Ils sont de plus en plus courts et
violents mais nous avons encore trop souvent tendance à considérer que nous
avons l'éternité à les traiter.

Le futurologue Alvin Toffler rappelle que la première vague du changement a


été celle de l'agriculture. Elle a duré environs 6000 ans. Elle est survenue après celle
du nomadisme de la chasse et de la cueillette. Les êtres humains ont disposé de
plusieurs générations pour s'adapter. la deuxième vague a été celle de l'ère
industrielle. Elle s'est développée sur environ 300 ans. Elle est aujourd'hui, en
occident, en tout cas en voie de désintégration. La troisième vague a été l'ère de
l'information avec l'avènement des ordinateurs. La quatrième a été celle de la
productivité découlant directement de la précédente. Aujourd'hui nous entrons
dans la 5° vague celle de l'imagination. qui met en évidence que la réussite des
individus et des entreprises reposent essentiellement sur leurs capacités à innover.
Pour reprendre l'expression de Joël de Rosnay, " le futur ne se prévoit plus, il
s'invente".

6. L'art de surfer sur les vagues


Chaque grande vague historique
s'accompagne d'un système de pensées,
de visions du monde, de croyances
adaptées. Pour bien s'adapter, il convient
d'être capable de se situer sur la vague
du changement et de prendre les bonnes
décisions pour ne pas se faire noyer et
disparaître.

On peut distinguer dans toute vague,


c'est-à-dire dans tout changement, 3
phases :
- 1 phase d'émergence.
- 1 phase de développement.
- 1 phase de déclin.

En tant que dauphin il nous faut désormais exercer notre attention pour pouvoir se
situer avec pertinence sur le moment clé de la vague et savoir la quitter quand
c'est nécessaire. " Les dauphins sont des êtres qui réussissent à survivre parce qu'ils
savent tirer le meilleur parti de la vague avec un minimum de stress stéril ".
Toute organisation ou tout individu est confronté au changement. Une des
difficultés est de repérer la phase " d'émergence du changement ". Cette absence
de conscience commence souvent par un malaise diffus qui se manifeste pour
commencer dans le corps. Cette phase est sûrement la plus stratégique car elle
permet d'anticiper les événements avant que la puissance de la vague prennent le
dessus.

La plupart du temps, nous négligeons les signaux avant-coureurs. Nous faisons "
comme si " il n'y avait rien. La première attitude face au changement est, en effet,
souvent le déni ou la minimisation. Cette réaction est sans doute liée à la peur du
vide, car changer c'est être confronté à la chute de nos représentations. Changer
nous met en face de l'inimaginable, surtout s'il s'agit d'un changement de niveau II,
dit changement de rupture.

Dans la mesure où changer c'est " mourir à ce qui nous conçoit " (Denis Vasse),
cette situation réveille toujours une angoisse de mort. Nous nous souvenons des
propos tenus dans les années 1998 par les membres d'un comité de direction à
propos de la crise économique qui s'annonçait : " non, ce n'est pas grave, il s'agit
d'un processus conjoncturel ". L'histoire a montré qu'il en était tout autre. Nous
sommes non seulement dans un changement structurel mais bien dans une rupture
de paradigme. D'autres auteurs parleraient à ce propos de " disruptures ".

Le dauphin saura déceler les premiers signes avant coureurs du changement


(Insight). Cela suppose sûrement une certaine intolérance à la souffrance et au
masochisme. Quand quelque chose ne marche pas, le dauphin saura changer de
bassin. Il saura éviter " le sort qui fait mal ", alors que la carpe et le requin auront
tendance à persister en niant la réalité. En s'aveuglant, ils risquent de tomber dans
une situation irréversible de destruction. L'intelligence suppose de savoir sortir des
eaux troubles de l'échec avant que celui-ci ne se produise. C'est bien en ce sens là
que nous posons l'hypothèse que le dauphin, face au danger, saura davantage
privilégier les pulsions de vie que de mort.

Tandis que la carpe et le requin joueront, chacun à leur façon la carte de


l'aveuglement, sans se rendre de compte des risques réels qu'ils encourent, le
dauphin cessera de s'accrocher à ce qu'il faisait et saura créer l'occasion de faire
autre chose. " Quand ils se rendent compte que ce qu'ils font ne marche pas, les
dauphins cessent de le faire et concentrent leur attention sur ce qui marche ".

Les 7 horizons temporels et la vision du but ultime

Dudley Lynch et Paul L. Kordis


insistent pour que chacun accède à la
vision du but ultime.
Cela renvoie à la question: " Qu'est-ce qui
nous amènerait à ressentir, à la fois, le plus
de joie et le plus de fierté à la fin de notre
existence, autant sur le plan professionnel
que personnel ? " Tant que nous ne
pouvons pas répondre clairement à cette
question, c'est que nous n'avons pas la
vision du but ultime.
Si c'est le cas, alors nous pouvons nous poser des questions intermédiaires sur le plan
temporel. Qu'est-ce qui serait une réussite pour nous dans un mois, dans un
trimestre, dans un semestre dans un an, dans deux ans, dans 3 ans, dans 5 ans, dans
10 ans, etc. ?

C'est le même genre de questionnement que nous pouvons mener avec une
équipe de direction. C'est en fonction de la capacité des acteurs à répondre à ces
questions que nous pouvons déterminer ce que Meryem Le Saget et Jean-
louis Servan schreiber ont appelé la compétence temporelle du manager.

Cette notion rappelle les travaux du sociologue Elliott Jaques qui pose
l'hypothèse de 7 strates du temps en mettant en relation la fonction occupée par
les acteurs et leur rapport au temps. Ces travaux sont d'autant plus intéressants qu'ils
confirment les conclusions d'Octave Gelinier qui définit la compétence
managériale comme la capacité à se situer et à situer ses collaborateurs aux
" Stratégie et
différents niveaux de l'espace et du temps. Dans son livre
Motivation des Hommes ", il en distingue 4. C'est lui qui est à l'origine
du concept des 4 Temps du Management
Avoir la vision globale du bassin consiste à repérer les grandes tendances
actualisées et émergentes qui parcourent le marché dans lequel l'entreprise est
inscrite et en même temps avoir une vision des buts à atteindre dans le futur par
l'organisation.

Pour visualiser le tableau des horizons temporels par fonction ou métier, cliquez ici
(Réservé à nos abonnés payants)

8. Encore une leçon de surf

Selon Lynch et Kordis, il est plus facile


de surfer sur les vagues si nous savons où
nous allons. Cela suppose " d'agir à partir
d'une position dans le temps qui
présuppose que la destination est déjà
atteinte ". Pour garder l'équilibre il est
nécessaire d'avoir poser son regard dans
le futur, même si le but n'est pas encore
atteint.

Il s'agit pour cela d'être capable de


formuler un but à atteindre en utilisant le
futur antérieur. Exemple: En décembre 2008, j'aurai pénétré 5 nouveaux marchés. Le
but à atteindre est exprimé comme s'il existait simultanément dans le passé et le
futur. Cette façon de formuler les choses permet de vivre le présent comme s'il était
le passé du futur.

Dans la gestion de la vague, il y a un moment capital c'est le point de bifurcation. "


Au point de bifurcation la vague s'affaisse inexorablement, perd de la puissance et
de la vitesse. C'est " le meilleur moment pour changer ".
La carpe ne voit pas généralement le point où la vague commence à descendre
par fatalisme ou pas refus du changement. Ce manque de discernement est la
conséquence d'une certaine anesthésie de la conscience. " Quand la pente
descendante de la vague devient de plus en plus abrupte et que la hauteur de
chute vers le désastre et la désintégration augmente, la carpe n'abandonne pas et
parfois s'obstine à oeuvrer contre elle-même en toute inconscience ". Le système
d'alerte ne fonctionne pas.

Le changement est rarement voulu; il est la plupart du temps imposé par


l'environnement. Quand le moment crucial du changement arrive, nous avons trois
solutions :
- Ne rien faire.
- Faire la même chose que d'habitude avec encore plus d'intensité.
- Faire quelque chose de différent.

Dans les 3 cas, nous sommes confrontés à la logique de décision. Le 3° type de


décision n'est possible que s'il y a conscience et énergie.

" Le dauphin fait chaque jour un effort délibéré pour éviter les déceptions et les
désastres, en adoptant une attitude qui lui permet de se demander constamment :
Que se passerait-il si...? "

Bibliographie

Le concept de la stratégie du
Dauphin est une création du
groupe Metafor
Le phénomène cognitif comme
éco-systeme chez Piaget
la videothèque du CNRS sur la
cognition
A propos du mot "paradigme"
 

Groupe ESC Clermont Business School


Notez
Source :
https://www.4tempsdumanagement.com

Les 4 Temps du Management

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