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SUR L'ASPECT DANS LE VERBE EN ARABE CLASSIQUE*

PAR

H. FLEISCH, S.J.

a beaucoup 6crit au sujet de l'aspect. Ici je me contenterai de


Orr citer un auteur qui a fait une revision g6n6rale de la question :
11. Benveniste, dans son enseignement au College de France, d'apres le
Rapport qu'il a publié dans l' Annuaire (61e ann6e, 1962, p. 260).
P. Benveniste venait de parler de 1'etude du temps dans le syst6me
de deux langues, membres de la famille linguistique amerindienne
uto-azteque. Il continue : « Après cette analyse qui nous a fait consta-
ter que l'aspect primait le temps, nous avons abord6, dans ses termes
les plus g4n6raux, le probl6me de l'aspect. Il nous est apparu que, dans
la tradition des etudes linguistiques, la notion d'aspect était g6n6rale-
ment definie par rapport aux donn6es slaves. C'est le verbe slave qui a
fourni a la theorie de l'aspect son cadre et ses oppositions. Or, quand on
envisage les syst6mes aspectuels hors du monde indo-europ6en, on
s'apergoit que Ie slave ne repr6sente nullement un type commun; au
contraire c'est un type exceptionnel, fortement grammaticalis6, ou
aspect et temps sont 6troitement associ6s. La realite de 1'aspect se
voit bien plus clairement en s6mitique ou les classes formelles du verbe
repr6sentent des modes d'action, admettent toutes la distinction
d'aspect, dont elles sont formellement ind6pendantes, et cette distinc-
tion d'aspect, non encore temporalis6e, se realise comme une corr6la-
tion ».
Nous avons donc le champ libre pour 6tudier l'aspect en arabe en
tant que correlation; d'autre part, il sera n6cessaire de le presenter
dans des oppositions binaires, selon les exigences des faits linguistiques.
Quand je me suis mis a 6tudier l'aspect en arabe, je me suis aperqu
qu'il fallait que je complete les divisions du verbe arabe que j'avais
donn6es dans mes pr6c6dentes publications, en les regroupant sous une
double division g6n6rale : I.-Verbe d'action, II-Verbe de qualit6.
Verbe d'action, ce verbe comprend ce que j'ai appel6 : agentif,
agentif moyen, maghül, Formes fa'ala, fa'ila (en partie) et fu'ila.

* Communicationau XXIXe Congrès Intern. des Orientalistes, Paris, juillet 1973.


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C'est lui qui regoit ou peut recevoir la correlation d'aspect. Quant au


verbe de qualit4, il en est exclu, celui de Formefa'ula, par ex. : karuma
« devenir ou etre gEn4reux » et de Forme quand il exprime une
qualit6, comme hazina « devenir ou etre triste ». Dans ces verbes le
devenir ou 1'etat risultant du devenir sont des donn6es lexicales : elles
font partie de la definition de ces verbes, enregistree dans les dictionnai-
res, et pour la F. fa'ula et pour la F. fa'ila. 11 suffit, pour s'en convain-
cre, d'ouvrir le Lexicon de Lane qui s'est applique a donner des defini-
tions exactes, par exemple a la lettre s : sabihat al-ard, « la terre 6tait)>»
ou « devint salee », sabiluta « etre on « devenir longs et plats, non
crepus (cheveux) », sahi/uma « etre » ou « devenir noir », sahita « etre »
ou « devenir m6content, irrite », etc.
Nous n'avons done a nous occuper, au sujet de l'aspect, que du verbe
d'action. Nous ne pouvons exposer ici que les traits essentiels, comme
nous les voyons, en attendant des analyses exhaustives de textes bien
choisis. Ce que nous dirons de l'accompli et de l'inaccompli vaudra
pour la Ie Forme et les Formes d6riv6es (agentif et agentif moyen),
comme forme libre, non engagee dans une subordonn6e, sauf rare excep-
tion, pour éviter les complications de la syntaxe en cette position. Nous
ne pouvons pas non plus entrer ici dans l'expose des effets de la particule
qad.
Une nuance d'aspect, tres g6n6rale, qui reste fondamentale dans le
syst6me, se trouve dans l'opposition : accompli/inaccompli; accompli,
l'action est consideree comme finie, conduite a son terme; inaccompli,
l'action est consideree comme non finie, non conduite a son terme,
c'est-a-dire : en cours de realisation 1. Cette opposition donne leur
valeur aux deux paradigmes verbaux, distingues par la position des
marques personnelles dans la conjugaison : suffix6es dans l'un : accom-
pli ; pr6fix6es dans l'autre : l'inaccompli.

1. W. REUSCHEL (Studia Orientalia in Memoriam Caroli Brockelmann,Halle/Saale,


1968, p. 149, l. 6 a.f. sqq.), se référant à l'Arabische Grammatikde C. BROCKELMANN,
14e éd., Leipzig, 1960, p. 118, § 90a), estime qu'il faut dire : constatif/cursif; constatif
(Grundfunktion)pour la Perfektform, c'eat-à-dire : constater simplement l'existence du
procès; cursif pour l'Imperfektform, c'eat-à-dire :décrire le procès en cours. L'opposition
ne nous semblepas suffisammentadéquate, ni apte à rendre compte des faits d'une maniè-
re satisfaisante : constater est une solution trop facile, qui n'entre pas dans la réalité
des faits, et que ne pourrait-on pas constater, pourrait penser le lecteur des pages 118-119
de l'Ar. Gr. de Brockelmann !D'autre part, W. Reuschel veut rattacher à l'aspect une
valeur temporelle qui lui est étrangère. L'aspect de lui-mêmeest une corrélation qui de-
mandera à être située dans le temps, mais qui par elle-mêmen'implique pas de temps.

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