Vous êtes sur la page 1sur 16

LES MODES NON PERSONNELS

17. LES MODES NON PERSONNELS


Les modes impersonnels (intemporels) ne possèdent pas de désinences pour distinguer les
personnes : l’infinitif et le participe (et le gérondif). Ces modes ne situent pas non plus le
procès dans le temps. C’est le verbe personnel dont ils dépendent ou le contexte qui assurent le
repérage temporel. On les considère aussi comme des formes nominales du verbe : l’infinitif
possède certaines propriétés du substantif, le second de l’adjectif qualificatif. Le gérondif se
rapproche de l’adverbe.

L’emploi de l’infinitif
L’infinitif est un mode dont la forme ne marque ni le temps, ni la personne, ni le nombre. Ses
deux formes infinitif présent et passé s’opposent sur le plan aspectuel. Il sert de base au
classement des conjugaisons des verbes. Invariable, il est utilisé comme entrée dans les
dictionnaires.
Il est considéré comme la forme nominale du verbe. On répertorie ses emplois selon le
spectre de son double statut verbal et nominal.

A. emploi verbal de l’infinitif


Quand il est centre verbal d’une phrase, il est le nœud verbal :
(1) d’une phrase indépendante (infinitif de narration, délibératif, exclamatif : Fuir ! là-bas fuir !
ou en lieu et place de l’impératif : Peindre d’abord une cage etc…)
(2) en corrélation avec un semi-auxiliaire quand il suit un auxiliaire aspectuel (aller,
commencer à) ou modal (devoir, pouvoir). L’auxiliaire et l’infinitif (comme être et avoir avec le
pp) forment ensemble le groupe verbal. Le premier sert de support aux désinences de temps, de
personne et de nombre, l’infinitif porte la signification et opère la sélection du sujet et des
compléments : Il dut fermer les yeux.
(3) l’interrogative indirecte et la subordonnée relative peuvent comporter un verbe à l’infinitif
quand le sujet de l’infinitif est coréférent à celui de la principale (Elle ne sait plus quoi inventer ;
Elle cherche une salle où fêter son anniversaire).
(4) La proposition subordonnée infinitive : doit être complément d’un verbe appartement à une
série limitée (faire, laisser ou verbes de perception entendre, voire, sentir, de mouvement
emmener, envoyer) et avoir un sujet propre, différent de celui du verbe principal, ce qui lui donne
la structure d’une phrase complète dont les deux termes sont permutables : J’entends les oiseaux
chanter / J’entends chanter les oiseaux.
Cette notion est critiquée car reposant sur une contradiction entre les analyses sémantico-logique
et syntaxique : le « sujet » de l’infinitif est syntaxiquement COD du verbe recteur alors que sur le
plan sémantico-logique, la construction infinitive fonctionne comme une proposition complément
du verbe. On peut le résoudre en considérant faire et laisser comme des semi-auxiliaires, et les
autres verbes comme des verbes à deux compléments directs, le deuxième étant un infinitif.

50
LES MODES NON PERSONNELS

A. Emploi nominal
Il est le centre d’un groupe ayant une fonction nominale : sujet, attribut du sujet, complément du
verbe (directe ou indirecte : Il souhaite vous connaître ; Il apprend à conduire ; parfois deux
constructions sont possibles : demander à parler, demander de les emmener) , de l’impersonnel
(Il s’agit d’administrer) du nom (le désir de voyager), de l’adjectif (incapables de bouger),
apposé, complément circonstanciel (il fit un effort pour s’asseoir ; tu parles sans réfléchir).
Attention, l’infinitif garde les propriétés d’un verbe : il peut prendre une forme
active/passive/pronominale, être modifié par une négation, recevoir les compléments du verbe et
a sémantiquement un sujet.
B. L’infinitif est un nom
Précédé d’un déterminant, il fonctionne comme un nom véritable. Par conversion il passe dans la
catégorie du nom (rire, souvenir, repentir, devoir etc…) et son lien avec le verbe s’est parfois
perdu (loisir). La substantivation de l’infinitif très courante en AF ne se produit presque plus
aujourd’hui (le boire et le manger).

Participes et gérondifs, modes non personnels du verbe

Il s’agit d’un mode impersonnel du verbe. Les participes présent et passé recouvrent deux
types de fonctionnements syntaxiques différents.

A. Les formes en -ant


1. Le participe présent et l’adjectif verbal
Sur le plan morphologique : bien qu’ils représentent deux degrés de l’adjectivisation du verbe,
le participe présent et l’adjectif variable s’opposent :
! Le participe présent est invariable et garde des propriétés verbales (complément du verbe,
négation par ne…pas : Le soleil, tombant d’aplomb) alors que l’adjectif verbal variable
constitue une sous-classe des adjectifs qualificatifs.
! En outre, ils sont parfois différents sur le plan orthographique : les verbes en -quer et -
guer conserve leur forme graphique au participe présent mais deviennent -cant et -gant en
adjectif verbal (communiquant/communicant) ; plusieurs adjectifs verbax sont terminés
par -ent (adhérent).

Sur le plan syntaxique :


(1) Ils peuvent exercer l’un et l’autre les fonctions de l’adjectif qualificatif épithète (Le
participe présent équivaut alors subordonnée relative) : Je respire largement, tel Pelléas
sortant du souterrain ; apposé ou attribut du complément d’objet direct.
(2) Seul l’adjectif verbal peut être attribut du sujet (Ce livre est intéressant).
(3) Seul le participe présent peut être noyau verbal d’une proposition subordonnée
participiale. Il est aussi le seul à pouvoir être suivi d’un adverbe, d’un complément
d’objet, circonstanciel etc.

51
LES MODES NON PERSONNELS

Sur le plan sémantique, le participe présent envisage le procès en cours de déroulement et


marque une relation de simultanéité avec le procès principal. L’adjectif verbal fonctionne comme
un adjectif qualificatif, exprimant un état ou une propriété.

2. Le gérondif
Le gérondif est toujours précédé de en et assume les fonctions d’un complément circonstanciel.
Il équivaut à un adverbe : Il me fallut rejoindre en courant mon père.
Comme le participe présent, il est invariable, se termine par -ant et peut recevoir des complément
du verbe. Leur sujet doit être le même que celui du verbe principal quand ils sont en tête de
phrase. Il a les mêmes valeurs aspectuelles que le participe présent (simultanéité du procès,
procès en cours). Il se distingue du pp par l’emploi obligatoire de la préposition en.

NB : c’est Duclos au XVII qui distingue les trois formes en -ant. Le participe présent et l’adjectif
verbal n’ont été distingués qu’au XVIIème par l’Académie française qui a rendu le « participe
actif » invariable. Ils s’opposent alors sur le plan morphologique (invariable/variable) même si
jusqu’au XIX les écrivains continuent d’accorder le participe présent. Le gérondif est issu de
l’ablatif du gérondif latin, étymologiquement distinct du participe présent. Il y a eu ensuite
confusion des formes. L’emploi de en s’est généralisé au XVIII, et l’on peut hésiter dans les
textes antérieurs à la Révolution sur l’analyse des formes en -ant (gérondif ou participe présent).

B. Le participé passé
Forme adjective du verbe, il possède des valeurs verbales dans les formes composées du verbe (Il
a chanté) et des valeurs adjectivales (Des chevaux apeurés).

1. Valeurs verbales
Il forme avec les auxiliaires avoir ou être les temps composés du verbe.
Il est associé à l’auxiliaire être pour former le passif des verbes transitifs.
Il peut composer le centre du groupe verbal d’une proposition subordonnée participiale (Le
spectacle terminé, les comédiens saluent le public).
2. Valeurs adjectivales
Le participe passé sans auxiliaire peut jouer le rôle d’un adjectif qualificatif. Il correspond à une
relative qui contient une forme verbale comportant l’auxiliaire être (Des manifestants venus de
tous les pays = qui sont venus). Il peut être épithète, apposé ou attribut du complément d’objet
direct (Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres). Quand il est attribut du sujet,
sa valeur adjectivale efface sa valeur verbale (Cette montagne est éloignée).
On peut distinguer deux degrés dans la valeur adjectivale du participe passé : il peut jouer le rôle
d’un véritable adjectif (employé sans compléments verbaux) ou garder une double valeur comme
le participe présent (il possède des compléments verbaux).

3. la forme composée du pp
Il s’emploie comme centre verbal d’une subordonnée participe. Il garde un statut verbal et
marque dans tous les cas l’antériorité.

52
MODE, TEMPS ET ASPECT

18. Mode, temps et aspect


La forme verbale varie en fonction de la personne, du nombre, du mode, du temps, de l’aspect et
de la voix qui constituent sa flexion. Le mode, le temps et l’aspect sont étroitement liés à
l’interprétation des formes verbales.

I. Les modes

Les modes constituent des cadres de classement de formes verbales. On en compte 5 :


l’indicatif, le subjonctif, l’infinitif et le participe (auquel on associe le gérondif). Le
conditionnel, considéré traditionnellement comme un mode, est traité aujourd’hui par les
linguistes comme un temps de l’indicatif pour des raisons formelles et sémantiques.

On définit un « mode » par rapport à la notion de modalité. Les modes expriment l’attitude du
sujet parlant à l’égard de son énoncé. Ils manifestent différentes manières d’envisager le
procès. Ainsi l’indicatif l’envisage dans sa réalité par opposition au subjonctif qui l’envisage
dans sa virtualité et l’impératif le présente sous la forme directive d’un ordre ou d’une prière.

Mais les modes et les modalités ne coïncident pas. Un mode peut exprimer plusieurs
modalités, et une modalité peut être exprimée par des modes divers.

On partira donc d’une définition morphologique : les modes sont des séries de formes. On
oppose les modes personnels aux modes impersonnels. Les modes personnels distinguent les
personnes au moyen de désinences spécifiques, totalement (indicatif, subjonctif) ou
partiellement (impératif). Ces trois modes ne situent pas le procès dans le temps de la même
façon : seul l’indicatif situe le procès dans les trois époques, le subjonctif étant limité en
formes temporelles et l’impératif tourné vers le futur.
Les modes impersonnels (et intemporels) ne possèdent pas de désinences pour distinguer les
personnes : l’infinitif et le participe. Ils ne peuvent pas situer le procès dans le temps : c’est le
verbe personnel dont ils dépendent ou le contexte qui assurent ce repérage. L’infinitif et le
participe sont des formes nominales du verbe

53
MODE, TEMPS ET ASPECT

II. Les temps


Le concept de temps et le temps grammatical (ou tiroir verbal) ne coïncident pas. Une même
époque peut être indiquée par des tiroirs verbaux différents, et un même tiroir verbal peut
situer le procès dans des époques différentes.
La chronologie distingue les trois époques du passé, du présent et de l’avenir. On les définit en
fonction 1. Du point d’énonciation qui désigne le moment où le locuteur parle et constitue
l’origine du procès (T0); 2. Du point de l’événement qui est dérivé du premier et désigne le
moment du procès dans le temps (T’). Il peut y avoir coïncidence (en ce moment, je travaille)
ou décalage entre T0 et T’.

La forme verbale peut suffire à situer le texte dans le temps, mais celui-ci peut aussi comporter
d’autres éléments de repérage comme des adverbes (hier demain) et des compléments
circonstanciels (dates, systèmes principale-subordonnée).

III. Les valeurs aspectuelles des verbes


D’un point de vue interne, le procès peut être envisagé en lui-même : c’est l’aspect. Au
contraire de l’aspect, le temps situe le procès dans une chronologie (point de vue externe).
L’aspect grammatical, exprimé par les « temps du verbe », se distingue de l’aspect lexical (ou
modalité d’action), lié au sens lexical des verbes. On peut envisager le procès d’un point de
vue global ou dans ses phases successives (début à fin).

T’ point de l’événement peut être avant, au …….. ……..


début, à la fin ou au-delà de la borne :

I. Aspect grammatical : oppositions aspectuelle


1. Accompli/Inaccompli
L’aspect accompli : T’ est situé au-delà de la borne. Le procès est achevé. L’aspect
inaccompli saisit le procès en cours de développement. T’ est à l’intérieur de la borne. Cette
opposition se manifeste par celle des formes composées et des formes simples du verbe.
Le passé composé a un double statut : il peut fonctionner comme un présent composé et son
aspect est accompli : maintenant, j’ai compris. Il peut aussi être un non accompli du passé : hier,
je suis allé à l’opéra. (on peut alors utilisé le surcomposé pour exprimer l’accompli du passé :
quand j’ai eu tout terminé).
Les formes composées peuvent aussi exprimer l’antériorité (dans le cas des subordonnées).
2. Perfectif/Imperfectif
Cette opposition se manifeste par le sens du verbe. L’aspect perfectif envisage le terme du procès,
et l’imperfectif l’envisage dans son déroulement. Les verbes naître, sortir, entrer, atteindre,
trouve, ouvrir, fermer, casser, réparer sont perfectifs, les verbes marcher, nager, regarder,

54
MODE, TEMPS ET ASPECT

courir, aimer, attendre, durer, exister, parler, ramper, travailler sont imperfectifs, d’autres
peuvent être l’un ou l’autre selon le contexte : écrire, lire.
3. Sécant/non-sécant
Elle s’exprime par les temps du verbe et concerne les temps du passé. Le passé simple et le passé
antérieur indiquent l’aspect borné ou non-sécant/global du procès. Le procès est perçu
globalement, de façon compacte, synthétique. Ses bornes (début et fin) sont représentées comme
précises. Ces temps sont ainsi aptes à signifier la succession chronologique des faits, sans mots de
liaison.
L’imparfait et le plus-que-parfait indique l’aspect non-borné ; la représentation du procès est
sécante, découpée en deux parties, l’une réelle, l’autre virtuelle, comme s’il était perçu de
l’intérieur, en un point de son déroulement.

4. Inchoatif/Terminatif
Ils se situent à l’intérieur des limites du procès. L’inchoatif saisit le procès immédiatement à son
début, alors que le terminatif le saisit juste avant sa limite finale. Ils s’expriment principalement
par des semi-auxiliaires suivis de l’infinitif : se mettre à, commencer à / finir de, cesser de,
achever de.
4. semelfactif/Itératif
Un procès peut être unique (semelfactif) ou se répéter (itératif). L’aspect itératif est indiqué par
des compléments circonstanciels de temps, bien que certains verbes contiennent dans leur sens
l’idée de répétition (répéter, radoter)
5. Aspect progressif
Un semi-auxiliaire peut souligner avec les verbes imperfectifs le développement progressif de
l’action : le mal va croissant. On utilise plus aujourd’hui la périphrase être en train de.

55
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

19. L’indicatif

L’indicatif est un des cinq modes verbaux. C’est un mode personnel et le seul mode
véritablement temporel. C’est le mode le plus riche en temps verbaux, et le seul qui permette
de situer le procès dans les trois époques (présent, passé, futur) définies en fonction du rapport
entre le moment d’énonciation et le moment de l’événement. Il comporte cinq formes simples
exprimant l’aspect inaccompli (présent, imparfait, passé simple, futur, conditionnel présent)
auxquelles correspondent 5 formes composées (passé composé, plus-que-parfait, passé
antérieur, futur antérieur, conditionnel passé) exprimant l’aspect accompli. Ces dernières
peuvent également indiquer l’antériorité par rapport à la forme simple correspondante. On
oppose également les tiroirs verbaux selon qu’ils codent un procès borné (aspect global) ou
non borné (aspect sécant). Enfin, au sein du système énonciatif, certains tiroirs verbaux sont
susceptibles de donner une information sur la manière dont l’énonciateur apprécie et évalue la
relation prédicative de l’énoncé : le tiroir a alors une valeur dite modale.

Une analyse en termes de plans d’énonciation (Benveniste) permet de compléter l’idée que les
tiroirs de l’indicatif forment un système : certains tiroirs (passé simple, passé antérieur) sont
ainsi réservés à l’énonciation historique ; certains à l’énonciation discursive (présent, futur)
alors que les quatre derniers (imparfait, plus-que-parfait, conditionnels) peuvent se rencontrer
dans l’un ou l’autre des systèmes énonciatifs.

I. L’énoncé au présent

Il se caractérise par l’absence de désinence temporelle, par opposition aux temps du futur et du
passé.
Sans indication contraire, un énoncé au présent indique un événement contemporain de
l’énonciation, et ce procès est présenté comme vrai par le locuteur. Il y a alors coïncidence
entre le point de l’énonciation et le point de l’événement. Un énoncé au présent peut
cependant situer le procès dans n’importe quelle époque voire dans toutes les époques (valeur
omnitemporelle). Le procès est alors marqué par une indication de temps comme un adverbe
ou un cc. De la même manière, le bornage et la durée du procès se déduisent du sémantisme
du verbe ou du contexte.

1. le présent indique un moment contemporain de l’énonciation.


2. Un énoncé au présent étendu occupe un espace de temps plus ou moins large (selon le sens
du verbe, des indicateurs temporels : Ces lampes n’éclairent pas) ; notamment le présent
d’habitude dans le cas de répétition du procès.
3. Le présent gnomique, ou permanent englobe le passé, le présent et le futur (valeur
omnitemporelle). La valeur est donnée à la phrase par les GN à valeur générique.

56
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

4. Le présent historique (ou de narration) est employé pour évoquer des événements passés,
réels ou fictifs, dans un texte. L’introduction du présent dans un système temporel au passé
crée un effet d’accélération, voire de dramatisation.
5. Un énoncé au présent peut évoquer le passé ou le futur (je sors à l’instant ; je pars demain ;
si Pierre gagne, il ne mangera pas…). Il est alors marqué par le sémantisme du verbe ou des
indications contextuelles (cc, adverbes).
6. Le présent prophétique (plus rare) évoque des faits à venir (prédictions) : Quelle Jérusalem
nouvelle / Sort du fond du désert brillante de clarté ?

II. Les temps du passé


1. Des oppositions
a. Le présent vs. Passé composé
Ils s’opposent sur le plan aspectuel, comme toute forme composé vis-à-vis de la forme simple.
b. Le passé simple vs. passé composé
Le passé simple est le temps de l’énonciation historique, celui des faits coupés du présent : de la
distanciation maximale entre le fait rapporté et l’énonciateur qui le rapporte. C’est un passé
autonome. Le passé composé (non accompli du passé) envisage l’événement passé à partir du
moment de l’énonciation, il établit un lien vivant entre eux (de là son emploi dans le discours
oral).
c. L’opposition passé composé/imparfait
Le passé composé peut situer totalement le procès dans le passé, et remplace alors le passé
simple, s’opposant à l’imparfait dans des conditions analogues au passé simple.
d. L’opposition passé simple/imparfait
A la vision bornée du passé simple s’oppose la vision non-bornée, sécante, de l’imparfait.

2. Le passé composé
1. Comme accompli du présent, il envisage un procès comme accompli au moment de
l’énonciation (Nous avons emporté de quoi faire du thé) et s’oppose alors au présent qui évoque
un procès en cours de réalisation.
2. Comme antérieur du présent, dans une structure où il est employé en corrélation avec le
présent, il marqué l’antériorité par rapport à lui : Quand il a déjeuné, César fait la sieste. Il peut
s’employer à la place du présent pour exprimer certaines valeurs (système hypothétique,
évocation d’un futur proche, expression de vérité générale) quand l’idée d’antériorité est
marquée.

57
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

3. L’imparfait

Il dénote un procès situé hors de l’actualité présente du locuteur. Il prend une valeur
temporelle quand le procès est décalé dans le passé et une valeur modale quand il est envisagé
comme possible hors de l’univers réel.

Les emplois de l’imparfait s’expliquent à partir de sa valeur fondamentale : à la différence du


passé simple, sa vision est non-bornée. Il exprime l’aspect sécant (voir valeur aspectuelle).
C’est un temps analytique (aspect sécant) qui envisage l’action de l’intérieur en deux parties,
l’une réalisée, l’autre virtuelle. Il ne peut introduire un repère temporel nouveau, mais s’appuie
sur un repère temporel installé par un verbe antérieur.

De la valeur aspectuelle non bornée de l’imparfait découle le fait que


1. Dans un récit, il présente des actions secondaires : l’imparfait constitue le procès comme un
fait hiérarchiquement inférieur à celui du passé simple, de second plan. Il introduit une rupture
exprimée par le passé simple.
2. Il est également apte à présenter des faits simultanés (description) sans marquer la
succession chronologique, à la différence du passé simple.

A. valeurs temporelles
Dans ses emplois temporels, il s’oppose soit au passé simple, soit au présent ou à divers temps
composés du passé.

L’imparfait descriptif (et passé simple narratif). Son indétermination sur les bornes du procès
confère à l’imparfait sa principale valeur d’emploi, indépendante du contexte : c’est le temps de
la toile de fond, celui qui exprime les faits d’arrière-plan sur lequel se détachent, au premier plan,
les faits au passé simple. Ils indiquent des circonstances préalables à un événement important, ou
un procès simultané au fait au passé simple.

L’imparfait narratif prend la place du passé simple. Le fait est envisagé de l’intérieur, comme
dans un arrêt sur image : le procès passé est unique. Le …., les troupes … envahissaient la
Pologne.

L’imparfait de perspective exprime un fait postérieur au repère temporel indiqué : Une semaine
plus tard, Charles épousait Emma.

L’imparfait d’habitude est associé comme le présent à un complément ou toute indication


contextuelle.

Dans le style indirect l’imparfait est appelé dans la subordonnée par le passé du verbe de la
principale : il transpose le présent du style direct.

58
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

B. valeurs modales
Avec ses valeurs modales, il est associé au conditionnel, dont il peut exprimer certaines nuances :

Dans un système conditionnel, employé après si et associé au conditionnel de la principal : il


exprime un fait possible dans l’avenir ou impossible dans le présent : S’il avait de l’argent, il
achèterait une Mercedes.

L’imparfait contrefactuel équivaut à un conditionnel passé. Encore un peu et on y passait => et


on y serait passé…
Dans un énonce exclamatif ou interrogatif introduit par si, il peut exprimer diverses valeurs
modales (souhait, regret, suggestion : si nous commencions l’examen ?)
Il peut exprimer une demande polie : je voulais vous demander …

4. Le passé simple
Il situe le procès dans le passé, et s’oppose à l’imparfait sur le plan de l’aspect. (voir partie sur
aspect sécant/non-sécant. Le passé simple envisage le procès de façon globale, synthétique et
compacte comme un noyau indivis. Le procès est perçu de l’extérieur, délimité dans son
déroulement. La durée plus ou moins longue ou le caractère ponctuel du procès n’est qu’une
conséquence de cette délimitation. Il s’accorde parfaitement avec les verbes perfectifs qui
comportent en eux-mêmes une limitation du procès.
Il est le plus approprié pour représenter les événements importants, les faits de premier
plan. Et il est apte à introduire un repère temporel nouveau dans un récit au passé.
Dans un récit, l’ordre linéaire des passés simples sert à marquer la succession
chronologique des faits relatés souvent sans l’aide d’indicateurs temporels.
A la différence du passé composé, le passé simple n’est pas mis en relation avec la
situation d’énonciation. Il est plus apte à rapporter des faits passés coupés du présent de
l’énonciateur, ce qui lui confère une grande autonomie.

Histoire : H. Estienne a introduit au XVIe la loi des 24H. Le passé composé devait évoquer des
événements récents (moins de 24h), le passé simple des faits plus éloignés dans le passé. Ainsi
dans Phèdre le récit de Théramène alterne entre passé composé, imparfait et présent historique.

5. Le plus-que-parfait et le passé antérieur


Comme toutes les formes composées, le pqp et le p.a. possèdent deux valeurs de base : ils
marquent l’aspect accompli et indiquent l’antériorité (valeur temporelle) par rapport à la forme
simple correspondante.
Le plus-que-parfait est la forme composée correspondant à l’imparfait ; il situe le procès par
rapport à une repère temporel passé. Il exprime l’accompli : le procès est achevé au point de
référence passé. Il marque l’antériorité par rapport à un repère passé explicite ou implicite et se
retrouve souvent dans un système principale-subordonnée, en corrélation avec un verbe à
l’imparfait. Ces deux valeurs sont souvent indissociables. Le plus-que-parfait possède des
emplois temporels et modaux symétriques à ceux de l’imparfait (dans un système
hypothétique en corrélation avec le conditionnel passé où la phrase exprime l’irréel du passé ;

59
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

dans un énoncé exclamatif pour exprimer un regret ou un reproche ; dans le style indirect après
un verbe au passé où il transpose le passé composé).

Le passé antérieur est d’un emploi bien plus restreint. Il est réservé à la langue écrite. Il se
rencontre rarement en indépendante où il exprime l’aspect accompli, et dans un système
principale-subordonnée, il exprime l’antériorité par rapport au passé simple.

III. Le futur simple


Il situe le moment du procès dans l’avenir, après le moment de l’énonciation.
A. Les valeurs temporelles
La seule forme verbale au futur suffit, mais le futur peut aussi être indiqué par le contexte. Il est
concurrencé par le présent (je reviens dans une heure) pour l’expression de procès indiscutables,
et par le conditionnel quand il est employé en corrélation avec un temps du passé (j’ai appris que
ce cinéma fermera dans une semaine), notamment le futur d’anticipation (Hugo naquit … ce fils
de général deviendra …)
Il peut marquer la succession chronologique comme le passé simple : j’irai par la forêt, j’irai par
la montagne.
B. Les valeurs modales
Associé à l’avenir, il peut cependant ne pas situer le procès dans une époque postérieure. Il sert à
accomplir trois actes de langage : l’injonction (surtout la deuxième personne), la promesse (la
première personne), la prédiction (employé pour les prophéties). Plus rarement on compte le
futur d’atténuation (Je vous dirai, je ferai remarquer que), le futur d’indignation (Quoi ! Cela
se fera sans moi !), de conjecture (cela sera beau, je l’espère).

C. Auxiliaires et périphrases verbales


Le futur simple est concurrencé dans l’expression de l’avenir par des auxiliaires :
Le futur proche est marqué par l’auxiliaire aller au présent + infinitif. Le procès est plus certain
et plus proche que dans le futur simple. On compte aussi être sur le point de et devoir et pouvoir.

IV. Le futur antérieur


Il exprime l’aspect accompli comme forme composée ou l’antériorité par rapport au futur simple.
Dans une phrase indépendante il exprime l’achèvement d’une action dans l’avenir (Dans … ans
les hommes auront épuisé les ressources sur terre) peut marquer une supposition/conjecture (elle
aura manqué son train), ou l’antériorité dans une subordonnée.

V. Le conditionnel
Le conditionnel serait le mode de la condition. Mais il exprime en réalité surtout une adhésion
limitée du locuteur à l’énoncé, une distanciation. Morphologiquement proche du futur (adjonction
des désinences de l’imparfait et du futur), il peut marquer le futur et est souvent corrélé au passé.
La GMF range le conditionnel parmi les temps de l’indicatif. Les conditionnels présent et passé

60
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’INDICATIF

ont des emplois parallèles (temporels et modaux, qui peuvent se mêler) et s’opposent se le plan
de l’aspect.

C. Le conditionnel temporel
De même que le futur simple exprime l’avenir par rapport au présent, le conditionnel exprime
l’avenir par rapport au passé (futur du passé) : Elle pensait qu’il viendrait. Le procès temporel
est repéré par rapport à un repère temporel antérieur (et non le point d’énonciation).
Il est alors surtout employé en subordonné, relié à une indication explicite du passé dans la phrase
principale à un temps du passé (Je savais que vous arriveriez). Dans le style indirect libre il
transpose le futur du discours direct.

D. Le conditionnel modal
a. Le « futur hypothétique »
Surcharge d’incertitude. La valeur d’hypothèse : dans une subordonnée introduite par si
(imparfait avec conditionnel présent, plus-que-parfait avec conditionnel passé). Le conditionnel
exprime le potentiel (si je pouvais laisser ma dépouille, ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes
yeux) si le locuteur considère le procès comme possible, et irréel si le locuteur sait que le procès
n’est pas réalisable dans le monde réel (Si le siècle rendait justice aux beaux esprits / En carrosse
doré vous iriez par les rues).
A partir de sa valeur hypothétique de base, le conditionnel exprime la demande ou le conseil
atténués, une opinion illusoire, une éventualité (elle cherche une théorie qui expliquerait
l’univers), l’imaginaire (je serais Robin des Bois).
b. Le conditionnel sans condition
Il délivre une information incertaine : Une navette spatiale partirait bientôt pour Mars, ou
exprime une interrogation oratoire (Il habiterait à Strasbourg ?)

61
MODE, TEMPS ET ASPECT : LE SUBJONCTIF

20. Le subjonctif

Le subjonctif est, comme l’indicatif, un mode personnel : il comporte les marques des 6
personnes. Comme l’infinitif, il ne possède pas de marques de temps. Il oppose certes deux
formes simples à deux formes composées mais l’imparfait et le plus-que-parfait ne s’emploie
plus aujourd’hui que dans un registre très soutenu essentiellement à la 3ème personne.
L’opposition entre les formes simples et les formes composées n’est en réalité pas d’ordre
temporel, mais d’ordre aspectuel (inaccompli/accompli).

Il apparaît comme un mode de la dépendance, apparaissant souvent dans une subordonnée.


Son étymologie le suggère dans la mesure où subjonctif vient du latin classique subjungere
signifiant « mettre sous la dépendance de ».

On peut voir le subjonctif comme un mode mécaniste. Mais une définition sémantique montre
que le subjonctif s’emploie quand l’interprétation l’emporte sur la prise en compte de
l’actualisation du procès (expression du sentiment, de la volonté). L’indicatif voit le procès
comme actuel (certain ou probable) tandis que le subjonctif est le mode du virtuel, présentant
le procès comme possible ou potentiel. Ainsi, le subjonctif est particulièrement porteur de sens
dans les cas où il commute avec l’indicatif (où il fait l’objet d’un choix).

La concordance des temps est observée jusqu’au 19e siècle :


-un verbe principal au présent ou au future appelle un verbe au présent ou au passé du
subjonctif dans la subordonnée.
-un verbe principal à un temps du passé ou au conditionnel appelle un verbe à l’imparfait ou
au plus-que-parfait du subjonctif dans la subordonnée.

I. En phrase indépendante
Surtout employé dans des phrases de type injonctif (Qu’elle chante ! que étant obligatoire), il
supplée l’impératif aux personnes que ce dernier ne possède pas. Plusieurs expressions figées
expriment le souhait (Vive le roi ! Que le ciel vous protège !) ; il peut exprimer la supposition
(Moi, Seigneur, que je fuie !).

62
MODE, TEMPS ET ASPECT : LE SUBJONCTIF

II. En proposition subordonnée


Il y est conditionné par un élément de la principale.

1. En subordonnée conjonctive complétive

a. Il est obligatoire quand :


Le procès est inscrit dans l’univers du possible, voire du moins que possible avec les verbes de
sentiment, d’ordre, et certains adjectifs :
(1) la complétive est en tête de phrase (Que Charles soit aimable, Emma le pense), son
antéposition suspendant sa valeur assertive ;
(2) le verbe de la principale exprime une volonté ou un sentiment (Je doute qu’il vienne) ;
(3) dans les complétives compléments de constructions personnelles (Je fus surpris qu’elle
m’appelât son cousin) ;
(4) dans les séquences impersonnelles (Il est urgent qu’il parle).

b. Il s’oppose à l’indicatif :
On choisit le subjonctif plutôt que l’indicatif. On donne à la phrase une signification différente en
basculant du probable (indicatif) au possible (subjonctif) Des facteurs comme la négation,
l’interrogation, certains adverbes, expliquent cette opposition.
(Je dis qu’il viendra demain -- Je dis qu’il vienne demain)

2. En subordonnée circonstancielle,
Le choix du mode n’est pas possible. Le subjonctif ou l’indicatif s’impose selon le sémantisme de
la subordonnée ou de la conjonction de subordination.

a. les subordonnées temporelles


Les subordonnées temporelles sont pour la plupart à l’indicatif, mais au subjonctif quand
introduits par avant que, jusqu’à ce que, en attendant que.

b. les subordonnées de but


Elles sont logiquement au subjonctif puisqu’elles manifestent une intention. (Orphée chante pour
que le soleil paraisse)

c. les subordonnées concessives


Introduites par quoique, bien que, etc. elles expriment un procès à la cause possible mais
inopérants (Elle reste bien qu’il lui ait demandé de rentrer). Il en est de même des subordonnées
d’opposition -> la chatte est sortie sans que je m’en aperçoive

d. les subordonnées conditionnelles


se partagent entre l’indicatif et le subjonctif. Elles sont à l’indicatif quand introduites par
si, au subjonctif quand introduite par pourvu que, à moins que

63
MODE, TEMPS ET ASPECT : LE SUBJONCTIF

3. la subordonnée relative déterminative


Les relatives adjectives sont en général à l’indicatif, mais les relatives déterminatives qui opère
une restriction sur la séquence et diminue ainsi la probabilité de l’événement, peut requérir le
subjonctif. Le locuteur a le choix du mode indicatif ou subjonctif. On préfère le subjonctif
quand :
(1) l’antécédent est indéfini ou indéterminé (Je cherche un guide qui connaisse le grec)
(2) l’antécédent est sélectionné parmi un ensemble de possibles que parcourt la subordonnée (le
cas des superlatif relatifs) "(C’est la plus grande chambre que j’aie à vous proposer).
A. l’emploi du subjonctif
Le subjonctif n’apporte plus d’indication temporelle (si ce n’est l’antériorité liée à son aspect
accompli), parce que l’imparfait et le plus-que-parfait ne sont plus utilisés en français courant.

Le subjonctif présent situe le procès dans le présent ou l’avenir, et marque la simultanéité ou la


postérité du procès par rapport au verbe principal quand il est employé dans une subordonnée, de
même que le subjonctif passé en marque l’antériorité.

L’imparfait et le plus-que-parfait, très employés dans la langue classique, ont été remplacés par
le présent/passé du subjonctif (valeurs temporelles) et par le conditionnel (valeurs modales de
potentiel et d’irréel). Ainsi en proposition indépendante, on rencontrait les valeurs modales :
l’éventualité dans un système hypothétique, et l’irréel du passé (Qui l’eût cru ?) ou le regret. En
proposition subordonnée, il marquait la concordance des temps (Elle souhaitait que sa fille lui
écrivît) mais pouvait aussi marquer une valeur modale. Dans les systèmes hypothétiques ils
étaient couramment employés en ancien français sur le modèle du latin, mais ont été remplacés
par le conditionnel dans la principale, et l’indicatif dans la subordonnée.

64
MODE, TEMPS ET ASPECT : L’IMPÉRATIF

21. L’impératif
Sur le plan morphologique, il s’agit d’un mode personnel et non temporel restreint en personne
(1ère personne du pluriel, 2ème personne du singulier et pluriel) complété par le subjonctif aux
autres personnes dans la phrase injonctive. Il ne possède pas de formes propres, ses personnes
correspondant à celles du subjonctif (avoir être savoir vouloir) et de l’indicatif (le reste).
L’impératif présent et passé s’oppose sur le plan aspectuel seulement.
Sur le plan syntaxique, il s’emploie sans sujet explicite, les pronoms personnels compléments et
pronoms réfléchis se placent après le verbe à l’impératif positif (dites-le-moi ; souviens-toi),
avant à l’impératif négatif (Ne lui parle plus).
Sur le plan de ses valeurs modales, l’impératif a une valeur directive : il exprime un ordre, une
exhortation, un conseil, une suggestion, une prière (Parlons paisiblement). Il exprime la défense
dans une phrase négative (ne nous énervons pas), la demande polie (veuillez agréer), ou
l’hypothèse dans des propositions juxtaposées (Frappez, et l’on vous ouvrira).
Sur le plan des valeurs temporelles, l’impératif présent situe le procès dans l’avenir,
postérieurement au point d’énonciation. L’impératif passé est plus rare : il exprime un procès
accompli, et l’antériorité en subordonnée.

65

Vous aimerez peut-être aussi