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Article tiré du magazine Les Affaires, 6 février 2016

David's Tea songe déjà à d'autres marchés que l'Amérique du

Nord
Martin Jolicoeur

David's Tea entame tout juste son implantation en territoire américain, que déjà la
jeune société montréalaise ambitionne d'étendre sa marque dans d'autres régions du
monde.
« Nous sommes convaincus que David's Tea a des ailes, que cette marque pourrait avoir
une empreinte internationale », a dit le président et chef de la direction, Sylvain Toutant,
au cours d'une entrevue exclusive accordée à Les Affaires.
Dans les locaux industriels de la rue Ferrier, aux abords du boulevard Décarie, les 237
employés œuvrent au déploiement du détaillant de thé, chouchouté de part et d'autre de la
frontière canado-américaine, apparemment tant par les X que les Y.
Il est inscrit à l'indice Nasdaq depuis peu, et son introduction à la Bourse de New
York en juin a dépassé toutes les attentes. Au terme de sa première séance, le titre avait
progressé de 43 % (8 $ US) par rapport au cours de 19 $ US à l'ouverture. Cet accueil
traduit à lui seul tous les espoirs que suscite la chaîne au logo bleu sarcelle dans l'arène
mondiale du thé.
Fondée à Montréal en 2008, David's Tea est le produit de l'imagination de David Segal,
cousin trentenaire du riche homme d'affaires Herschel Segal, à qui l'on doit entre autres la
chaîne de vêtement de mode Le Château. Le détaillant de thé compte aujourd'hui 193
boutiques, dont une quarantaine aux États-Unis.
Pas de précipitation
Aucun échéancier précis n'a encore été établi au sujet de l'expansion internationale de
David's Tea hors Amérique. « C'est clair que ça ne se fera pas au cours de la prochaine
année. J'ai probablement encore besoin de 24 mois pour bien asseoir notre plan en
Amérique du Nord. Mais c'est clair qu'il y a des occasions pour plusieurs pays »,
affirme Sylvain Toutant.
Depuis quelque temps, des investisseurs étrangers approchent l'entreprise pour exporter
son concept sur d'autres continents. À défaut d'investir elle-même dans le déploiement
mondial d'un réseau de boutiques détenues en propre uniquement - comme jusqu'à
présent -, David's Tea pourrait procéder par franchisage ou par la vente de licences
(licencing), fait valoir M. Toutant.
« On n'a pas encore défini notre stratégie ni le moment. Mais on sait qu'il y a un attrait.
Cela dit, pas question de mettre la charrue avant les boeufs. On a tellement d'opportunités
qu'il n'y a pas de raison de procéder en catastrophe. »
Le temps ne semble pas être un enjeu pour David's Tea, malgré la concurrence qui
s'organise - en particulier celle de Teavana, propriété de Starbucks, qui ouvre des
magasins au Québec, et de l'australienne T2 Tea, acquise par Unilever, qui commence à
attirer les regards à Londres et à New York. « En combinant notre réseau de magasins et
notre plateforme Internet, j'estime qu'on a quand même pour sept à huit ans de croissance
devant nous », dit M. Toutant.
Âgé de 51 ans, ce gestionnaire vedette de l'industrie du détail a déjà dirigé par le passé les
destinées de Réno-Dépôt, de la Société des alcools du Québec, de Van Houtte et
de Keurig Canada. Il s'est joint à David's Tea en juin 2014.
Au cours de la dernière année, David's Tea a ouvert 27 magasins au Canada et 13 aux
États-Unis. Au cours de la prochaine année, il entrevoit 25 ouvertures au Canada et une
quinzaine aux États-Unis. Son objectif est de tripler la taille de son réseau, pour atteindre
550 boutiques d'ici cinq ans, dont 225 au Canada et 325 aux États-Unis.
Avant de céder à la course aux ouvertures, le détaillant veut se concentrer sur la simple
bonne exécution de son plan d'affaires. Ce dernier se résume pour le moment à la
poursuite de ses projets d'ouvertures, au maintien d'une bonne croissance des ventes et à
l'atteinte de ses objectifs de profitabilité.
L'épicier, son principal concurrent
Le rythme d'une quarantaine de nouveaux commerces par année convient bien à M.
Toutant, qui jure ne prévoir aucune nouvelle émission d'actions pour financer sa
croissance. « On a fini notre troisième trimestre avec 48 millions de dollars dans le
compte de banque. On n'a pas de dette. Et on a accès à une marge de crédit de 20 M$.
Bref, on est complètement autonome [financièrement] ; on peut ouvrir tous les magasins
qu'on veut ».
Actuellement, chaque ouverture requiert des investissements de 300 000 $. La superficie
des magasins varie de 800 à 1 000 pi 2, et leurs ventes annuelles, de 600 000 $ à 800 000
$.
L'entreprise a affiché des ventes de 36,3 M$ au troisième trimestre clos le 31 octobre. Les
ventes comparables ont progressé de 6,3 %. David's Tea prévoit que ses ventes
oscilleront entre 70 et 72 M$ au quatrième trimestre, et atteindront de 175 à 177 M$ pour
l'ensemble de l'exercice 2015.
La vente de thé en vrac représente actuellement 68 % de ses recettes, suivie des
accessoires (tasses, théières, etc.) pour 22 %. Les boissons à emporter ne comptent que
pour 10 % des revenus. Cette particularité le distingue d'une bonne partie de ses
concurrents, souvent apparentés à des bars à thé ou comptoirs de restauration rapide.
En fait, compte tenu de la répartition de ses ventes, M. Toutant considère que les
premiers concurrents sont les thés vendus en épicerie, comme ceux de la française Kusmi
Tea ou de la jeune PME abitibienne TeaTaxi. C'est là, dans les marchés d'alimentation,
que s'abreuve la majorité des amateurs de thé, une boisson encore surtout consommée à la
maison, dit-il.
Mais pas question pour autant d'attaquer les tablettes des épiceries. Pour l'heure, le patron
affirme surtout chercher à solidifier la structure de son organisation, « la doter d'épaules
suffisamment larges » pour lui permettre de supporter la croissance.
Parallèlement, le détaillant travaille à l'amélioration de son réseau de ventes en ligne,
considéré comme sa carte cachée. En 2014, elles ont représenté 8 % du chiffre d'affaires.
En 2018-2019, l'entreprise prévoit qu'elles devraient atteindre les 15 %. Une fois qu'elle
aura profité du plein potentiel de son programme de fidélisation (déjà 1,8 million de
membres), elle sera en mesure, selon les analystes, d'atteindre cet objectif. Déjà, la
facture moyenne du consommateur est passablement plus importante en ligne (autour de
55 à 60 $, comparativement à 15-16 $ en magasin).
La vente de boissons à emporter procure au détaillant des marges plus importantes que la
vente de produits en vrac. Mais en raison des coûts de main-d’œuvre, c'est la vente en
ligne de produits en vrac qui lui garantit la meilleure profitabilité. « C’est là qu'on fait
notre argent », avoue M. Toutant.
Enfin, David's Tea travaille à son positionnement. Elle a signé en décembre une entente
avec le Groupe Germain, puis récemment une autre avec Air Canada. « Être dans les
chambres de Germain partout au Canada, à côté de Nespresso, c'est exceptionnel pour
nous. C'est là que nous voulons nous trouver. C'est du branding d'abord et avant tout.
Mais c'est du marketing payant. »

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