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Le Club Méditerranée monte en gamme ses Tridents

En 2000, le Club Méditerranée fête ses cinquante ans d'existence. Il a connu pendant cette
période une croissance forte en profitant du boom du tourisme. Grâce à un concept novateur
inventé par Gérard Blitz et dont Gilbert Trigano a fait le succès: des vacances à l'étranger dans
des villages installés sur des sites de grande beauté, offrant détente, sport et nature dans le
cadre d'une formule tout compris. Formule dont il a été le pionnier. Dès le départ, la notion de
bonheur est placée au cœur de la stratégie. Les villages de cases fleurissent : le premier
s'installe aux Baléares à Alcundia en 1950, le second à Barati en Italie en 1951 puis à Djerba
dès 1954. Les Français découvrent la société de consommation. Depuis 1968, ils jouissent de
quatre semaines de congés payés puis de cinq à partir de 1981. Le pouvoir d'achat progresse.
Les mœurs se libèrent. Le Club s'inscrit dans l'air du temps. À cette époque, les acteurs du
tourisme connaissent de très belles années de croissance. Entre 1997 et 2000, c'est plus de
10% par an.

Au tournant du siècle, la donne change brutalement avec l'arrivée de nouveaux acteurs


notamment sur Internet. Le produit village de vacances a été copié par de nombreuses
marques, le all inclusive héritier du « tout compris » s'est banalisé. Le prix devient un critère
clef. Le marché commence à se bi-polariser. « Le Club est pris à revers, son image reste très
forte mais son style est caricaturé comme dans le film Les Bronzés », se rappelle Henri
Giscard d'Estaing, président du directoire depuis décembre 2002 (mais entré dans le groupe en
1997). Au lendemain de la première guerre du Golfe, les premières difficultés économiques
apparaissent. Le Club Med décide de jouer la carte du volume et de se positionner sur le
moyen de gamme. Cette stratégie, qui aurait pu être gagnante sur un marché en croissance et
avec un modèle économique compétitif, est contrariée par le brutal coup de frein à l'expansion
du tourisme dans le sillage des attentats de septembre 2001 aux États-Unis.

Le groupe en tire les conséquences. Henri Giscard d'Estaing, nommé président du directoire
en décembre 2002, insuffle une nouvelle stratégie car les années de croissance régulière sont
révolues. « Nous avons décidé de nous recentrer sur nos forces, de renouer avec nos racines et
de puiser dans la puissance de notre marque et de sa dimension mondiale », explique Henri
Giscard d'Estaing. Parmi les atouts historiques : de très beaux sites implantés aux quatre coins
du monde, des équipes de GO (Gentils Organisateurs) polyvalents. Et des valeurs fortes
composant l'ADN de l'entreprise : la convivialité, la liberté, la multi-culturalité et « un
concept unique autour du tout compris ». Le Club est le seul à offrir ce cocktail original qui a
été décliné dans tous les segments du marché avec une offre d'un à quatre << Tridents ».
Cette dernière catégorie étant bien représentée au Brésil et en Asie du Sud-Est. Le Club
interroge ses clients et comprend que leurs attentes ont évolué : ils adorent le concept mais
commencent à regretter le manque de confort. Ils veulent du choix mais que rien ne leur soit
imposé. Les générations des années soixante-dix prônant les valeurs du « collectif » sont
remplacées par les adeptes du « moi, nous ». Les enfants et adolescents des années 1990-2000
n'ont plus rien à voir avec ceux des Trente Glorieuses.

Après cet examen de conscience, le management décide de « prendre le grand large » en


faisant du Club un spécialiste mondial du haut de gamme. « C'est une vision à long terme »,
insiste le PDG. Il ouvre plusieurs chantiers en parallèle afin de changer de cap.
La société doit agir vite et sur les cinq continents en même temps afin que son positionnement
haut de gamme soit crédible. Le Club ferme ou vend cinquante-cinq villages qui ne pourront
évoluer - parmi eux le dernier village de cases est fermé en Sardaigne en 2006 - et, dans le
même temps, il rénove et repositionne soixante-dix villages et en ouvre quinze nouveaux. Un
chantier colossal et un investissement de plus d'un milliard d'euros dans la seule rénovation
des villages. Entre 2006 et 2008, le Club engage 400 millions d'euros sur ses fonds propres et
ses partenaires 100 millions.

Ce travail réalisé à marche forcée, tout en continuant d'accueillir des clients, a porté ses fruits.
Aujourd'hui, le groupe est à la tête d'un parc de quatre-vingts villages représentant une
capacité de près de 60 000 lits. L'indicateur de confort, le Trident, a évolué. Trois Tridents
signifient le confort à un excellent niveau de qualité-prix avec trois établissements. Quatre
Tridents, c'est le haut de gamme et le cœur du réacteur avec quarante villages. Cinq Tridents
enfin, c'est le luxe avec La Plantation Albion à l'Île Maurice ouvert fin 2007, le Riad de
Marrakech avec les services attachés ainsi que le voilier Club Med 2 rénové à l'automne 2008.

Dans le même temps, la société s'attache à faire évoluer sa clientèle. Celle-ci baissait
mécaniquement au fur et à mesure que l'offre se repositionnait sur le haut de gamme et qu'un
type de clients se substituait à un autre. Logiquement donc, sur le segment des villages en
case et deux Tridents (aujourd'hui inexistants), le Club a perdu de la clientèle. En revanche,
alors que des villages haut de gamme ouvrent ou se rénovent, il était important d'attirer ou de
faire revenir une clientèle séduite par le haut de gamme. Malgré les aléas, le groupe a réussi
cette substitution. « En 2003, 30 % de nos 1,5 million de clients résidaient en villages quatre
et cinq Tridents, devenus le cœur de notre stratégie. En 2008, c'était 62 % sur 1,3 million »,
calcule Henri Giscard d'Estaing qui estime à 300 000 clients le gain net dans les villages
quatre et cinq Tridents.

En matière de communication, le Club fait également évoluer son message. Il veut mettre en
avant sa spécificité haut de gamme en préservant ses valeurs. Avec Publicis, un énorme
travail est réalisé sur la marque. Première étape : janvier 2003, le slogan « Incomparable
Club Med » fleurit partout. Au printemps 2005, ce sera la campagne plus statutaire, dite « des
visages », qui met en vedette les regards des populations. La promesse de bonheur est
également bien présente avec, au printemps 2005, ce message : « Il reste tant de monde à
découvrir ». En 2008, le nouveau Club Med est né ; il peut passer à une nouvelle dimension.
C'est la campagne mondiale « Tous les bonheurs du monde » qui replace le thème du bonheur
au centre de « la promesse » du Club.

Tandis que l'entreprise se remodèle, le corps social est associé à la réflexion puis à la mise en
place de la nouvelle stratégie. Dans tous les villages, les GO sont mis à contribution, font
remonter les desiderata des clients et donnent leur avis. Une conviction s'impose au
management: rien ne se fera sans eux. La direction consulte, écoute, informe et lance le projet
d'entreprise baptisé « Cap sur l'incomparable ». Elle crée le Campus des talents afin de former
les GO à la nouvelle culture haut de gamme. Puis, en 2007, le projet Magellan est mis en
route : il s'agit de faire évoluer en profondeur le modèle économique du Club et de mettre
l'accent sur l'innovation à tous les niveaux : marketing, commercial, opérationnel, etc.

Internet représente un enjeu crucial. Quand le processus est lancé en 2003, le Club ne vend
rien sur Internet et ne dispose d'ailleurs pas de site marchand. En 2008, Internet a représenté
15 % des ventes. En France, le site compte vingt millions de visiteurs uniques, ce qui classe le
Club parmi les tout premiers sites visités. Mais plusieurs pays ont leur propre site conçu dans
la langue locale, tous s'intègrent dans le système de réservations mondial. Le Club a
également créé une carte de fidélité pour ses meilleurs clients baptisés Great Members.

En 2008 et malgré les événements - guerre en Irak, épidémie de grippe aviaire, Tsunami, etc. -
qui ont ralenti le rythme du changement, le Club s'apprêtait à valider la pertinence de son
nouveau modèle économique. Avec deux ans de décalage sur sa feuille de route initiale. «
L'erreur la plus marquante a été de sous-estimer le temps qu'il allait nous falloir pour mener à
bien tous ces chantiers. Ce n'était pas trois ou quatre ans mais cinq à six ans en raison de
l'ampleur de la transformation », estime Henri Giscard d'Estaing. En 2008, le Club estime
avoir atteint son objectif. Les villages sont quasiment tous repositionnés, le haut de gamme
représente plus de 50 % de l'offre et deux tiers des clients optent désormais pour les quatre et
cinq Tridents. « Et malgré la grave crise déclenchée à l'été 2008, nous avons fait progresser la
rentabilité opérationnelle de nos villages sur le premier semestre 2009. Si nous avions eu le
même nombre de clients qu'au premier semestre 2008, nous l'aurions tout simplement doublée
», souligne le PDG pour qui l'effet de levier du développement dans le haut de gamme est
démontré.

Profondément transformé, le Club s'estime bien armé pour repartir à l'issue de la crise
économique. D'ici là, il poursuit la seconde étape de son déploiement mondial. Son potentiel
de nouveaux clients se situe dans les pays émergents (les BRIC: Brésil, Russie, Inde et Chine)
même s'il va continuer à se renforcer sur ses marchés historiques. Il doit installer un premier
village en Chine fin 2010, veut grandir en Afrique du Sud et au Brésil et s'installer en Russie.
Parallèlement, il ne néglige pas le potentiel de développement du marché français qui
représente 45 % de sa clientèle.

Source : Le Figaro économie – 60 stratégies


d’entreprises à la loupe – Editions Dunod

T.A.F :

1. Parmi les catégories étudiées en cours, dans quelle catégorie de service peut-on classifier Le Club
Méd ? Justifiez votre réponse
2. Selon les données disponibles dans le cas, et d’autres informations sur l’entreprise que vous
chercherez par vous-mêmes (site web institutionnel, presse, …), quels sont les facteurs clés de
succès du Club Méd ?
3. Selon vous, que pourrait faire l’entreprise Club Méd pour une meilleure gestion de sa relation
client ?
4. La présence du Club Méd au Maroc est plutôt timide. Que devrait prendre en compte l’entreprise
pour réussir une éventuelle extension dans notre pays ?

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