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II Plateaux, rue L40, 01BP 12159 Abidjan 01, Tél.

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Site Web: www.iuaci.orgE-mail: iua@iua-ci.org

Année universitaire : 2014-2015


ECONOMIE DE L’ASSURANCE
Support de cours
Chargé de cours : Mlle N’KONGON Y. Jeanne
UFR-SEG, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody-Abidjan.
Cel. (+225) 05 42 28 82 / 01 77 99 60 / 05 40 18 40
22 BP : 1476 Abidjan 22
Email : nyjciptci@yahoo.fr

Descriptif du cours

L’objet de ce cours est de permettre aux auditeurs et étudiants de comprendre et d’analyser le


comportement des compagnies d'assurance et celui des autres agents économiques face aux
contrats proposés par les compagnies d’assurance. Ce cours présente donc l’apport de la
théorie microéconomique (précisément de l’économie de l’incertain et de la théorie des
contrats) dans l’analyse des marchés de l'assurance. Il décrit également les différents
problèmes soulevés par les différents types d’asymétries d’information entre assurés et
assureurs et les mécanismes incitatifs présents dans les contrats d'assurance.
Le but visé est d’apporter des réponses aux questions suivantes : En quoi consiste la
mutualisation ? Quelles en sont les limites ? Comment se manifeste l’aléa inhérent à
l’assurance ? Quelles sont les réactions des parties contractantes face aux asymétries
d’information ? Quels sont les motifs de demande d’assurance ? En quoi consiste l’offre
d’assurance ? Comment se fixe le prix de l’assurance ? Comment se font les arbitrages
prévention-assurance ? Quelle est la forme optimale d’un contrat d’assurance ?
Ce sont là quelques-unes des questions auxquelles nous tenteront de répondre tout au long de
ce cours.

1
Introduction

Le secteur de l’assurance est de nos jours l’un des secteurs d’activités économiques les plus
importants et les plus fleurissants. Le montant mondial des primes d’assurances, toutes
branches confondues, est estimée à plusieurs milliers de milliards de dollar. En 2005, ce
montant était estimé à 3426 milliards de dollar soit environ 7,7% du PIB mondial. Le secteur
de l’assurance dans les pays industrialisés s’est développé très rapidement. Ce phénomène est
également observé dans les pays en développement où l’assurance est en pleine expansion
car, on observe un élargissement du champ de l’assurabilité.
L’assurance fait l’objet parfois de transaction sur des marchés concurrentiels. Elle relève
quelquefois de la puissance publique. Elle est gérée souvent par des entreprises aux statuts
différents [sociétés anonymes, entreprises sans but lucratif, mutuelles, des administrations
sans statut d’entreprise (cas de la sécurité sociale en France)].
Comment pourrait-on définir l’économie de l’assurance ?

A. Définition de l’Economie de l’assurance

Plusieurs définitions sont avancées pour expliquer le concept d’économie. Mais toutes
semblent se résumées à celle-ci : « L’économie est la science de l’allocation des ressources
rares à des fins concurrentes ». Saisie comme telle, on pourrait logiquement définir
l’économie de l’assurance comme la science visant à permettre une meilleure allocation des
ressources dans un contrat d’assurance caractérisé par l’aléa.
Ainsi, pour définir clairement l’économie de l’assurance, il y a lieu de décrire les institutions
gérant le risque, les principales méthodes de gestion de risques, la typologie des risques pris
en charge dans un contrat d’assurance et le principe d’assurance.
1. Institutions gérant le risque
La quasi-totalité sinon la totalité des institutions présentes dans une économie sont obligés
d’exercer dans un environnement risqué. Elles se doivent donc de gérer ce risque. C’est le cas
de la famille qui a besoin de se prémunir contre certains risques (incendie, maladie, accidents,
décès, vieillesse, etc.). Sur les marchés financiers, les acteurs vont également se prémunir
contre certains risques de change.
On remarque que, aussi bien la famille, les Etats (industrialisés comme en développement),
les compagnies d’assurance, les sociétés commerciales et les mutuelles que les institutions
opérant dans la sécurité sociale, sont les principaux acteurs gérant le risque.

2
2. Principales méthodes de gestion des risques
Plusieurs méthodes de gestion du risque existent. Ces dernières partent de l’autoprotection à
l’auto-assurance. La distinction entre ces deux types de prévention est faite par Ehrlich et
Becker (1972) :
 L’autoprotection est ce type de gestion du risque dans lequel les dépenses
d’autoprotection n’affectent pas l’ampleur des dégâts en cas de sinistre, mais agit sur
la fréquence d’occurrence des accidents.
Exemples : modes de vie/assurance-maladie, contrôle technique,…
 Quant à l’auto-assurance, sa spécificité réside dans le fait que les dépenses d’auto-
assurance permettent à l’individu de limiter la part de sa richesse exposée au risque.
Exemples : ceinture de sécurité, installation d’extincteurs automatiques, simulations
d’attaque d’incendie à la SIR…
3. Types de risques pris en charge
a. Assurance des personnes
 en cas de vie
Dans ce cas, l’assureur s’engage à verser un capital ou une rente à la personne désignée
comme le bénéficiaire si l’assuré est en vie à la date prévue au contrat. Le bénéficiaire peut
être, par exemple, l’assuré constituant une épargne pour sa retraite. Par définition, ces contrats
ne versent rien si l’assuré décède avant le terme du contrat. Dans ce type de contrats, les
primes peuvent être périodiques ou uniques.
 en cas décès, de maladies ou d’accident corporel
Dans la plupart des pays, l’assurance maladie et accident corporel est obligatoire et gérée par
des organismes qui ne sont pas toujours des entreprises. En Côte d’Ivoire, la CNPS est une
administration publique qui gère les cotisations obligatoires et les versements des prestations.
 dommages aux biens
Quant à l’assurance des biens, elle couvre (voir Zajdenweber, 2006, pp. 139-140):
 les dommages aux véhicules
 les dommages aux habitations
 les dommages aux biens professionnels
 les risques liés à la construction d’un bien immobilier
 l’assurance de construction comprenant essentiellement l’assurance dommage ouvrage
et l’assurance de responsabilité civile décennale.
 Les catastrophes naturels et le terrorisme.

3
 responsabilité civile
Ce type d’assurance couvre la responsabilité civile et la responsabilité professionnelle.
b. Assurance des entreprises
L’assurance des entreprises couvre le transport, les dommages aux biens des entreprises, la
responsabilité civile professionnelle, les pertes d’exploitation, le crédit et les cautions.
4. Principe d’assurance
L’assurance est une activité d’intermédiation fondée sur l’aversion au risque des agents
économiques. En effet, tout individu est confronté à différents états du monde
(W ¿ ¿ i , qi )i=1 , … , n avec W i ¿ le niveau de richesse de l’individu et q i les quantités de biens
qu’il pourrait consommer. Il se trouve que certains états du monde probables sont
défavorables à l’individu tandis que d’autres lui sont favorables. De ce fait, l’assurance
permet à cet individu par des transferts monétaires, de limiter l’écart entre les divers états du
monde. Ainsi, le rôle de l’assureur est d’assurer la compensation des risques ; et cela de deux
manières possibles :
 Soit par le canal des compagnies d’assurance : les agents économiques échangent des
risques entre eux de façon à en minimiser les conséquences négatives.
 Soit par une indemnisation des sinistres au moyen de l’ensemble des primes
encaissées relativement à un même risque.

B. Economie de l’assurance et Microéconomie habituelle

Pour comprendre l’Economie de l’assurance, il est nécessaire de montrer la spécificité de son


approche par rapport à la microéconomie traditionnelle.
On aborde l’économie de l’assurance en se basant essentiellement sur deux disciplines : les
statistiques et l’économie de l’incertain. Et c’est cette dernière qui différencie l’économie de
l’assurance de la microéconomie traditionnelle.
Habituellement la microéconomie se borne, soit à décrire les choix individuels permettant la
maximisation de la satisfaction ou du profit dans le cadre d’une situation de rareté, soit à
étudier la confrontation et la coordination de ces différentes décisions. Dans cette discipline
(la microéconomie habituelle), on suppose que les agents économiques détiennent toute
l’information relative aux paramètres conditionnant leur choix.
Exemple : Le consommateur a une connaissance parfaite de son revenu futur, il maximise sa
satisfaction (son utilité) par l’acquisition de quantités optimales de biens à consommer compte
tenu de sa contrainte budgétaire. De la même façon, le producteur détermine les quantités à

4
produire susceptible de maximiser son profit en se basant sur les prix de vente futur connus à
l’avance.
Pourtant l’incertitude fait partie intégrante de la vie des agents économiques, il serait donc
regrettable de faire abstraction de cette incertitude. Ce faisant les modèles de base de la
microéconomie se doivent de supposer que le revenu futur du consommateur est entaché
d’incertitude et ils devront intégrer cette modification de l’environnement dans la recherche
d’une allocation optimale. En effet, face à l’incertitude, le comportement de l’individu se
trouve modifier. Ainsi, le producteur exerçant dans un tel contexte est obligé de remanier son
plan de production en raison du caractère aléatoire du prix de vente d’une part et de la
possibilité qui lui est offerte de couvrir une partie de sa production via les marchés à terme
d’autre part.
NB : Sur un marché à terme, les marchandises sont vendues à un prix fixé antérieurement à
leur livraison.
C’est cette approche incertaine de l’économie nécessitant la prise en compte du risque et de
l’incertitude (ce qui n’est pas le cas dans l’économie ordinaire), qui caractérise l’économie de
l’assurance. L’économie de l’assurance nécessite l’application d’un certain nombre de
conditions et d’hypothèses qui en font le noyau dur.

C. L’ambivalence de l’assurance

Le secteur de l’assurance se caractérise aujourd’hui par son ambivalence :


 A l’origine, l’assurance se focalisait sur l’indemnisation des sinistres grâce à la
mutualisation qui est cernée par la célèbre devise de Lloyd’s : « la contribution de tous
aux infortunes de quelques-uns ». Cette fonction originelle de l’assurance s’est
considérablement réduite au fil des ans à tel enseigne qu’elle ne représente aujourd’hui
qu’une petite part du chiffre d’affaire des entreprises d’assurance.
 Aujourd’hui, l’assurance-vie domine les chiffres d’affaires des pays développés à hauteur
de deux-tiers en France, de trois-quarts au Japon et de plus de moitié aux USA. Le
développement de l’assurance-vie conduit les sociétés d’assurance à, en plus d’indemniser
les victimes de sinistres, gérer des placements financiers au même titre que les banques et
les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

D. Les mécanismes de l’assurance

Les sociétés d’assurance procèdent à l’intermédiation auprès de nombreuses personnes


exposées au même risque. Ces sociétés collectent auprès des assurés une somme dite prime ou

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premium ou cotisation dans un premier temps et constituent à l’aide des fonds collectés
(débités des frais de gestion) une caisse commune permettant d’indemniser dans les limites de
l’engagement pris appelé garantie, ceux parmi les assurés qui seront ultérieurement victime de
l’évènement redouté appelé sinistre. Ainsi, l’indemnisation des victimes de sinistre est
financée par les cotisations de l’ensemble des assurés regroupés en une mutuelle gérée par la
compagnie d’assurance. L’assureur doit pour cela fixer un montant des cotisations lui
permettant d’honorer ses engagements. Il doit pour cela tenir compte de :
 La fréquence c’est-à-dire du rapport entre les sinistres déclarés et le nombre
d’assurés.
 Le coût moyen d’un sinistre qui n’est rien d’autre que le coût obtenu en rapportant
le montant total des indemnités au nombre de sinistres.
 Et pour finir la tendance qui mesure l’évolution d’une année à l’autre de la
fréquence et du coût moyen du sinistre.
La prime commerciale est calculée à l’aide de la prime pure déterminée par ces trois éléments
précédents.

E. Typologie des entreprises d’assurance

En fonction de leur statut, on distingue dans la catégorie des entreprises d’assurance, des
sociétés à but lucratif, les sociétés anonymes par action ou sans but lucratif, les Mutuelles.

F. La typologie des contrats d’assurance

1. Définition d’un contrat d’assurance


Un contrat d’assurance est un « contrat par lequel une partie (le souscripteur) se fait
promettre pour son compte ou celui d’un tiers par une autre partie (l’assureur) une prestation
généralement pécuniaire en cas de réalisation d’un risque, moyennant le paiement d’une
prime ou cotisation ».
2. Les différents types de contrats d’assurance
On recense généralement trois grandes catégories de contrat d’assurance :
 Le contrat de pleine assurance est un contrat où l’intégralité du sinistre est
remboursée par l’assurance.
 Le contrat de co-assurance est un contrat ou seulement une part du sinistre est
remboursée par l’assurance.

6
 Le contrat d’assurance avec franchise est un contrat où l’assuré prend à sa charge le
sinistre jusqu’à un certain montant fixé. Au-delà de ce montant, la différence entre la
perte et la franchise est à la charge de l’assurance.
Nous reviendrons plus en détail sur ces différents contrats dans le cours.

G. Plan du cours

INTRODUCTION GENERALE
Première partie : LES MODELES DE DECISION DANS L’INCERTAIN
Chapitre 1 : ANALYSE DE L’INCERTITUDE
Section 1 : Les perspectives conditionnelles de consommation
Section 2 : La théorie de l'espérance d'utilité
A. Fonctions d’utilité et probabilités
B. L’utilité attendue
C. L’axiomatique de von Neuman et Morgenstern
Section 3 : L’aversion pour le risque
A. L’attitude face au risque
B. L’inégalité de Jensen (ou attitude face au risque et propriétés de la fonction d’utilité)
Section 4 : La prudence à travers la diversification et la répartition du risque
A. La diversification
B. La répartition du risque
C. Le rôle de la Bourse
Section 5 : Le théorème d'Arrow-Pratt
A. Le coefficient Pratt-Arrow d’aversion absolue pour le risque
B. Propriétés du coefficient de Pratt-Arrow (voir doc risque p. 64)
Chapitre 2 : QUELQUES CRITERES DE DECISION ET PARADOXES
EN AVENIR INCERTAIN
Section 1 : Critères de décision en avenir incertain
Section 2 : Jeu et Paradoxe de Saint-Pétersbourg
A. Jeu de Saint-Pétersbourg
B. Paradoxe de Saint-Pétersbourg
Section 2 : Paradoxe de Allais
Section 3 : Paradoxe de Ellsberg
Deuxième partie : ECONOMIE DU RISQUE ASSURABLE
Chapitre 3 : ANALYSE DU RISQUE ASSURABLE
A. Coût du risque ou prime de risque
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B. Prix d’achat et prix de vente d’un risque
Chapitre 4 : LA MUTUALISATION DES RISQUES ET DIVERSIFICATION PAR LES
MARCHES FINANCIERS
Section1 : Cas des risques indépendants
Section2 : Cas des risques corrélés
Section3 : la diversification par les marchés financiers
Chapitre 5 : ASSURANCE ET ASYMETRIE D’INFORMATIONS
Setion1 : Assurance optimale et Asymétrie d’information
Section2: Modèle de Rothschild et Stiglitz (1976)
Section3: L’approche économique des mécanismes d’assurance
Section4 : Politiques économiques de lutte contre l’écrémage des risques
Troisième partie: ECONOMIE DE LA DEMANDE ET DE L’OFFRE D’ASSURANCE
Chapitre 6 : LA DEMANDE D’ASSURANCE
Section1 : Modèle d’assurance optimale à deux états
Section2 : Analyse comparative des différents effets de changement
Chapitre 7 : OFFRE D’ASSURANCE ET PRIME D’ASSURANCE
Section1 : Principales caractéristiques d’une prime d’assurance
Section2 : Processus de détermination de la prime et la statistique sinistre
Section3 : Calcul de la prime de risque et estimation de la prime totale
CONCLUSION GENERALE

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Première partie
MODELES DE DECISION DANS L’INCERTAIN
Chapitre 1 : ANALYSE DE L’INCERTITUDE

Le risque est inhérent à l’existence de l’homme. Cela a conduit certaines organisations


financières telles que les marchés d’assurance et le marché des actions à se spécialiser dans la
réduction de certains risques au moins.

Risque versus Incertitude

Knight (1921) distingue le risque de l’incertitude. Pour lui, on parlera de risque lorsqu’il
s’agit d’incertitude mesurable et d’incertitude tout simplement dans le cas contraire. C’est en
cela que l’on parle souvent de risque de perte et de gain incertain.
Ainsi, face aux multiples états possibles de la nature, on parlera de situation risquée et par la
même occasion d’avenir risqué ou mesurable quand il sera possible d’affecter des probabilités
d’occurrence aux divers états du monde. On sera par contre face à une situation incertaine,
soit en avenir non mesurable lorsque l’on ne pourra pas avoir de probabilités d’occurrence ni
de façon subjective ni de façon objective.

Section 1 : Les perspectives conditionnelles de consommation

Dans la théorie classique du consommateur, on raisonne dans un environnement de certitude.


Alors que face à l’incertitude, le consommateur procède autrement. Il se préoccupe
vraisemblablement de la distribution de probabilité d’obtenir différents paniers de biens. Une
telle distribution de probabilité est en fait une liste des résultats (ici ce sont les paniers de
consommation) et des probabilités associés à ces résultats. Ainsi, quand un individu décide du
montant de son assurance ou de tout autre investissement en bourse, il tient compte de la
distribution de probabilités des différentes situations possibles.
Exemple de la Loterie :
Supposons que vous disposez d’un billet de 1000 FCFA. Vous vous demandez si vous devez
acheter le ticket numéro 9 de la LONACI à 300 F. si le numéro 9 est tiré, le porteur du ticket
gagne 2000 F. il y a deux possibilités à l’issue de ce jeu : le ticket est gagnant ou perdant.
Votre richesse initiale (montant possédé en cas de refus d’achat du ticket) est 1000 f que le
ticket numéro 9 est gagnant ou pas. Dès que vous achetez le ticket, vous avez une distribution
de richesse :

9
gagnant 2700

Achat du
ticket
perdant
700 F
On remarque que suite à l’achat du ticket de la LONACI, la distribution de probabilité initiale
de votre richesse dans les différentes situations a été modifiée.
Exemple de l’assurance :
Soit un individu possédant initialement des actifs pour une valeur de 35 millions de FCFA.
Cet individu court le risque de perdre 10 millions de FCFA suite à un évènement malheureux
(guerre, vol, incendie, etc..). Supposons que la probabilité que cet évènement malheureux se
produise est de p =0,01. Cet individu est donc confronté à la distribution de probabilité
suivante : avec une probabilité de 1%, il aura des actifs d’une valeur de 25 millions et avec
une probabilité de 99%, il aura des actifs pour une valeur de 35 millions.
L’intervention des sociétés d’assurance permet de modifier cette distribution de probabilité.
Supposons qu’un contrat d’assurance garantisse le versement de 1 million si la perte se
produit en échange d’une prime de 100 000 FCFA. Cette prime est payée que la perte
survienne ou pas. Si cet individu décide d’acheter une police d’assurance couvrant une perte
de 10 millions, il devra payer 1 million. Dans ce cas, il aura une chance sur 100 d’avoir 34
millions de FCFA (c’est-à-dire 35 millions – 10 millions de perte + 10 millions de versement
de la compagnie d’assurance – 1 million de prime). Cet individu finira avec la même richesse
quels que soient les évènements. Il est complètement assuré contre la perte.
De façon générale, si cet individu achète K FCFA d’assurance et doit payer une prime de γK ,
il est confronté au jeu suivant :
 avec une probabilité de 0,01, il aura : 25 millions + K−γK .
 avec une probabilité de 0,99, il aura : 35 millions−γK .
Il se pose donc la question de savoir pour quel montant, cet individu va-t-il décider de
s’assurer. Evidemment, cela va dépendre de ses préférences. Un individu très prudent va
choisir d’acheter un montant élevé d’assurance ou il peut aimer le risque et n’acheter aucune
assurance. Comme dans la consommation de biens, les individus ont des préférences
différentes à l’égard des distributions de probabilités.
Pour simplifier cette analyse de la prise de décision en présence d’incertitude, considérons
que les montants d’argent disponibles dans les différentes situations sont des biens différents.
Une somme de 1 million de FCFA après une lourde perte peut représenter quelque chose de
fort différent que la même somme quand on n’a subi aucune perte. Cela est pareil pour les
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biens, un sachet d’eau glacée ne procure pas la même utilité selon que l’on est une journée
ensoleillé ou une journée pluvieuse. Un individu accorde donc des valeurs différentes aux
biens en fonction des circonstances dans lesquelles ces biens sont disponibles.
Si nous considérons les différents résultats d’un évènement aléatoire comme étant différents
états de la nature (voir Principe d’assurance dans l’Introduction du cours). Dans cet exemple
de l’assurance, il y a deux états de la nature : la perte se produit ou ne se produit pas. De façon
générale, il peut avoir de nombreux états de la nature.
La perspective conditionnelle de consommation est la description de ce qui sera consommé
dans les différents états de la nature c’est-à-dire dans les différents résultats possibles de
l’événement aléatoire. On dira qu’une chose est conditionnelle à partir du moment où elle
dépend d’une chose qui n’est pas encore certaine. A partir de cet instant, une perspective
conditionnelle de consommation dépend de l’issue d’un événement quelconque. Dans le
domaine de l’assurance, les perspectives conditionnelles de consommation sont définies sur la
base du contrat d’assurance : il s’agit des sommes dont l’individu disposera selon que le
sinistre se produit ou non.
Il est possible d’analyser le problème d’achat d’une police d’assurance à l’aide des courbes
d’indifférences dans le cas de deux états : la perte se produit ou ne se produit pas. Les
consommations conditionnelles correspondent aux montants dont l’individu dispose dans les
différentes situations (voir graphique suivant).

Figure 1.1 :La droite de budget associée à l’achat d’une assurance.

Cf

Dotation
35 M

Choix

25 M Cd
Commentaire : la prime d’assurance γ permet à l’individu de renoncer à une certaine
consommation dans l’issue favorable (Cf) afin d’accroitre la consommation dans l’issue
défavorable (Cd).
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La consommation conditionnelle de notre individu est initialement de 25 millions dans l’issue
défavorable c’est-à-dire si la perte se produit et de 35 millions dans l’issue favorable c’est-à-
dire si la perte ne se produit pas. L’assurance lui offre la possibilité de s’éloigner de ce point
de dotation initiale. S’il achète K francs d’assurance, il réduit ses possibilités de
consommation de γK francs dans l’issue favorable en échange d’une possibilité de
consommation supplémentaire de ( K −γK ) francs dans l’issue défavorable. La consommation
à laquelle il renonce en cas d’issue favorable divisée par la consommation supplémentaire
qu’il peut obtenir en cas d’issue défavorable est égale à :
∆ Cf −γK −γ
= = .
∆ C d K −γK 1−γ
Il s’agit de la pente de la droite de budget passant par sa dotation initiale. C’est exactement
comme si le prix de la consommation dans l’issue favorable était de 1−γ et le prix de la
consommation dans l’issue défavorable de γ .

Section 2 : La théorie de l'espérance d'utilité

A. Fonctions d’utilité et probabilités

Comme les choix se font dans un environnement incertain, cela modifie l’analyse. En effet, la
valeur qu’une personne accorde à la consommation dans un état de la nature par rapport à la
consommation dans un autre état, dépend de la probabilité que cet état survienne
effectivement.
Exemple : Le taux auquel je suis disposé à substituer ma consommation en cas de pluie à ma
consommation dans l’éventualité d’une journée ensoleillée dépend d’une certaine façon de la
probabilité que j’attribue au fait qu’il pleuve. Les préférences pour la consommation dans les
différents états de la nature dépendent des estimations de l’individu quant à la probabilité des
différents états. C’est cette raison qui a conduit les économistes à écrire les fonctions d’utilité
comme dépendant non seulement des niveaux de consommation mais aussi des probabilités.
Considérons deux états de la nature mutuellement exclusifs tels que perte ou pas perte
(exemple de la sècheresse). Soit c 1 et c 2 les consommations dans les états 1 et 2 et π 1 et π 2 , les
probabilités que les deux états se réalisent effectivement.
Si les deux états sont mutuellement exclusifs, c-à-d. si un seul état peut se réaliser, on a
π 2=1−π 1 . On conserve les deux probabilités afin de maintenir la symétrie des notations.

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On peut alors écrire la fonction d’utilité à l’égard de la consommation dans les états 1 et 2
comme suit : u( c1 , c 2 ; π 1 , π 2 ). Cette fonction représente les préférences de l’individu à l’égard
de la consommation dans les différents états de la nature.
Exemples de fonctions d’utilité dans le contexte d’incertitude
 Il est possible de pondérer chaque consommation par la probabilité qu’elle se réalise.
La fonction d’utilité devient alors :
u ( c 1 , c2 ; π 1 , π 2 )=π 1 c 1+ π 2 c 2 (1)
Dans le contexte d’incertitude, cette expression est appelée la valeur attendue.
 La fonction de Cobb-Douglas en situation d’incertitude :
u ( c 1 , c2 ; π ,1−π ) =c π1∗c1−
2
π
(2)
On remarque ici que la relation entre l’utilité et les quantités consommées est non linéaire.
En procédant à la transformation monotone de la fonction d’utilité en conservant les mêmes
préférences via une transformation logarithmiques, on obtient :
ln u ( c 1 , c2 ; π 1 , π 2 )=π 1 ln c 1+ π 2 ln c 2 (3)

B. L’utilité attendue

La fonction d’utilité peut revêtir la forme suivante :


u ( c 1 , c2 ; π 1 , π 2 )=π 1 v (c 1 )+ π 2 v ( c2 )
Cette forme est particulièrement intéressante parce qu’elle définit l’utilité comme la somme
pondérée d’une fonction de la consommation de chaque état v ( c1 ) et v (c 2) , les facteurs de
pondération étant les probabilités π 1 et π 2 .
Les deux exemples de fonctions d’utilité présentées ci-dessus se présentent ou pourraient se
présenter sous la forme susmentionnée. Dans l’équation (1), la fonction v ( c ) se ramène dans
ce cas à c . Quant à la fonction Cobb-Douglas de l’équation (2), cette forme n’est pas linéaire
au départ. On l’obtient après transformation logarithmique pour avoir cette forme linéaire
avec v ( c )=ln c .
Si un des états est certain, c’est-à-dire si par exemple π 1=1, la fonction v ( c1 ) correspond à
l’utilité d’une consommation certaine dans l’état 1. De même si π 2=1, v ( c2 ) est l’utilité de la
consommation dans l’état 2. L’expression π 1 v ( c 1) + π 2 v ( c2 ) correspond à l’utilité moyenne
c’est-à-dire à l’espérance mathématique des utilités associées aux différents niveaux de
consommation(c 1 , c2 ). C’est cette espérance mathématique des utilités qui est désignée

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comme « l’utilité attendue » ; elle est appelée fonction d’utilité attendue ou fonction d’utilité
de von Neumann-Morgenstern.

C. L’axiomatique de von Neumann et Morgenstern


 L’axiome de comparativité
∀ p ,q ∈ P soit p>q , soit q> p , soit p q
Cet axiome stipule que deux distributions pourront toujours être comparables.
 Axiome de transitivité
∀ p ,q ,r ∈ P si p> q et q>r , alors p >r
Cet axiome traduit la rationalité et la cohérence de l’individu dans le classement des états de
la nature.
 Axiome d’indépendance forte ou de substitution
∀ p ,q ,r ∈ P ; ∀ ∝ ϵ [ 0,1 ] si p> q alors ∝ p+ ( 1−∝) r >∝ q+ ( 1−∝ ) r
L’introduction des distributions dans des loteries ne modifie en aucun cas les préférences. Cet
axiome peut s’interpréter de la façon suivante :
Si p>q alors L( p , r ;∝ , 1−∝)> L(q , r ; ∝ , 1−∝)
L’attitude d’un individu face aux deux loteries ne devra dépendre que de son attitude face à p
et à q et non pas de la manière d’obtenir p ou q par le biais de ces loteries.
 Axiome de continuité ou d’Archimède
∀ p ,q ,r ∈ P si p> q>r alors ∃∝ βϵ [ 0,1 ] tels que ∝ p+ ( 1−∝) r >q > βq+ ( 1− β ) r
Cette appellation est due à son analogie avec le principe d’Archimède. En effet, quels que
soient les réels positifs z et z ' , il existe toujours un entier naturel k tel que kz ≥ z ' , même si le
premier réel est aussi petit et le second aussi grand que l’on désire.

Section 3 : L’aversion pour le risque

A. L’attitude face au risque

Soit un individu ayant à sa possession une richesse initiale égale à w 0et une loterie ~ x . La
richesse finale de cet individu est égale à ~
w =w + ~
f x . Cet individu doit choisir entre conserver
0

~
w f ou obtenir E( ~
w¿¿ f ) ¿. Sous quelles conditions optera-t-il pour l’une ou pour l’autre ? C’est
ce choix qui déterminera son attitude face au risque :
w¿¿ f ) ¿à ~
 S’il préfère E( ~ w , il sera alors réputé risquophobe.
f

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Un tel individu préfère obtenir de façon certaine l’espérance de sa richesse finale que la
richesse finale : E( ~
w¿¿ f )> ~
w ↔ u ¿ ¿.
f

 S’il préfère~
w f à E(~
w¿¿ f )¿ , il sera réputé risquophile.
Un agent risquophile est celui-là même qui préfère garder sa richesse aléatoire plutôt que
d’obtenir de façon certaine l’espérance de sa richesse finale :
~
w > E( ~
w¿¿ f ) ↔ E u (~
w¿¿ f )> u¿ ¿ ¿
f

w¿¿ f )¿et ~
 S’il est indifférent entre E( ~ w f , alors il sera considéré comme un individu
neutre au risque.
L’agent est neutre face au risque lorsqu’il est indiffèrent entre avoir de façon certaine
l’espérance de la richesse finale et sa richesse finale. E( ~
w¿¿ f ) ~
w f ↔ E u( ~
w¿¿ f )=u ¿ ¿ ¿

B. L’inégalité de Jensen (ou attitude face au risque et propriétés de la


fonction d’utilité)

L’inégalité de Jensen stipule que l’espérance d’une fonction concave (respectivement


convexe) est plus petite (respectivement plus grande) que l’image de l’espérance
mathématique résultant de cette fonction. La formulation mathématique est la suivante :

(∫ )
b b
f concave(f < 0)→∫ f ( x ) dx ≤ f
''
x dx
a a

C’est cette inégalité de Jensen qui permet de relier l’attitude face au risque à la concavité de la
fonction d’utilité. A partir de cet instant, l’individu sera considéré comme :
 risquophobe si et seulement si sa fonction d’utilité est concave
 risquophile si et seulement si sa fonction d’utilité est convexe
 neutre au risque si et seulement si sa fonction d’utilité est linéaire.
Application numérique :
Considérons un étudiant de IUA inscrit en Licence 3 d’Actuariat qui dispose de 1000 F. Ce
dernier décide de participer à un jeu qui lui donne une chance sur deux de gagner 500 F et une
chance sur deux de perdre 500 F. Sa richesse est alors aléatoire ; il aura une richesse de 500 F
avec une probabilité de 50% et de 1500 F avec une probabilité de 50%. La valeur attendue
de sa richesse, c’est-à-dire l’espérance mathématique de sa richesse s’élève à 1000 F et
l’utilité attendue de sa richesse, c’est-à-dire l’espérance mathématique de l’utilité de la
1 1
richesse est égale à : u ( 1500 )+ u (500).
2 2
Figure 1.2 : L’aversion pour le risque

15
Utilité

u(richesse)
u(1500)
u(1000)

0.5u(500) + 0.5u(1500)

u(500)

500 1000 1500 Richesse

La figure ci-dessus illustre cette situation. L’utilité attendue de la richesse est la moyenne des
deux nombresu ( 1500 ) et u(500); elle est indiquée par 0,5 u ( 1500 ) +0,5 u(500) sur la figure.
Nous avons aussi indiqué l’utilité de la valeur attendue de la richesse, à savoir u(1000) . Nous
observons sur la figure que l’utilité attendue de la richesse est moindre que l’utilité de la
valeur attendue. C’est-à-dire que nous avons

u ( 12 1500+ 12 500 )=u ( 1000) > 12 u ( 1500) + 12 u(500)


On dira dans ce cas que l’individu manifeste de l’aversion pour le risque puisqu’il préfère
avoir l’espérance mathématique du gain de la richesse plutôt que de participer effectivement
au jeu.
Evidemment, il peut arriver que les préférences de l’étudiant soient telles qu’il préfère une
distribution aléatoire des richesses plutôt que recevoir la valeur attendue de la richesse, on
dira alors que le consommateur manifeste un goût pour le risque. La figure suivante illustre
bien ce cas :

16
Figure 1.3 : Le goût pour le risque

Utilité
u(richesse)

u(1500)

0.5u(500)+ 0.5u(1500)

u(1000

u(500

500 1000 1500 Richesse


Dans le cas où l’étudiant manifeste un goût pour le risque, l’utilité attendue de sa richesse qui
est égal 0,5 u ( 500 ) +0,5 u(1500) est supérieure à l’utilité de sa valeur attendueu(1000).
La différence entre les deux situations : lorsque l’étudiant manifeste de l’aversion pour le
risque, sa fonction d’utilité est concave et sa pente baisse au fur et à mesure que la richesse
augmente. Tandis que dans le cas où l‘étudiant manifeste un goût pour le risque, sa fonction
d’utilité est convexe et sa pente augmente avec l’accroissement de la richesse de l’étudiant.
Résumé partiel : La concavité ou la convexité de la fonction d’utilité attendue décrit
l’attitude du consommateur à l’égard du risque. Si la fonction est concave, le consommateur
manifeste de l’aversion pour le risque ; si elle est convexe, le consommateur manifeste du
goût pour le risque.

(a) aversion (b) neutralité (c) préférence

Section 4 : La prudence face au risque

La prudence adoptée par un individu face au risque peut revêtir quatre formes :

17
A. La diversification

Une des attitudes adopter face au risque est la diversification. Celle-ci se définie comme « la
stratégie qui consiste à réduire le risque en mettant en commun les risques de plusieurs
actifs dont les rendements évoluent différemment les uns des autres ». Elle consiste
simplement à ne pas « mettre ses œufs dans le même panier ».
Exemple : Une entreprise pourra entrer sur différents marchés pour réduire le risque. Un
agriculteur pourrait planter plusieurs cultures différentes. Si la récolte est mauvaise pour l’une
d’entre elles, elle a des chances d’être meilleures pour les autres.

B. Eviter et atténuer le risque

Le premier et le plus simple des moyens de résoudre le problème du risque est de l’éviter.
Dans le cas d’un jeu, l’individu s’abstient de parier. Mais si tout le monde évite de prendre
des risques, c’est sûr que l’activité économique sera paralysée. Il n’y aura pas
d’investissements, les entreprises n’ébaucheraient pas.
Il n’est pas souhaitable voire impossible d’éviter le risque. Mais les entreprises et les
particuliers disposent de plusieurs moyens pour réduire l’intensité du risque et pour atténuer
son impact.
Exemple : Les entreprises investissent dans la détection des incendies et des équipements
destinés à réduire les dommages occasionnés par le feu. Elles pourraient également faire des
recherches approfondies pour obtenir des informations aussi exhaustives que possibles avant
d’entreprendre un projet d’investissement. Cela limite les risques.

C. Faire en sorte d’avoir toujours le choix

Un individu peut accepter de dépenser de l’argent pour conserver sa liberté de choix. Cette
attitude consiste à faire en sorte d’avoir toujours le choix.
Exemple : Amenan est une jeune fille qui adore la baignade à la plage d’Assinie. Mais
comme nous sommes en saison pluvieuse, le Samedi peut être pluvieux. Amenan aimerait
donc aller à la plage le Samedi à condition qu’il ne pleuve pas. Dans le cas contraire, elle
préférerait aller au concert de DJ Arafat. Mais, d’ici à vendredi, tous les billets pour le concert
seront vendu. Elle doit prendre sa décision avant. Il se peut qu’elle décide d’acheter son billet
Lundi en sachant qu’il y a une chance pour qu’elle ne l’utilise pas. Si elle achète son billet le
Lundi, cela lui laissera le choix. Au contraire, si elle n’achète pas cela lui retirera toute
possibilité d’assister au concert en cas de pluie. Supposons qu’il ne pleuve pas effectivement
le Samedi, Amenan admet que l’achat du billet du concert représente un coût irrécupérable.

18
Même si elle a dépensé cet argent, elle préfère payer 5000 F supplémentaires et aller à la
plage plutôt qu’au concert et prendre un coup de fatigue le lendemain. On remarque que les
incertitudes trouvent d’elles-mêmes leur solution avec le temps à certaines occasions.

D. Le transfert et le partage du risque

Une des attitudes à adopter face au risque est de le transférer ou de le partager. Si un individu
A n’assure pas sa maison et qu’elle est totalement détruite par un incendie, il sera ruiné. Mais,
si un autre individu B qui est plus aisé décide de lui verser 50000 FCFA au cas où sa maison
est réduite en cendres. La perte de 50000 FCFA pour l’individu B a une faible incidence sur la
richesse de l’individu B. L’individu B sera disposé à accepter le risque minime (de verser
50000 FCFA), contre le paiement légèrement supérieur au paiement moyen qu’il pense devoir
verser dans l’éventualité où la maison brûlerait. C’est pourquoi, s’il existe une chance sur cent
que la maison de l’individu A brûle, le « paiement espéré » pour l’individu B qui accepte de
verser 50000 FCFA à l’individu A en cas de réalisation du dommage est le suivant :
paiement espéré =probabilité de perte∗versement dans l ' event ualité d ' une perte
¿ 0.01∗50000=500 FCFA
La prime de risque est le paiement supplémentaire qu’individu ou une entreprise doit accepter
de recevoir pour accepter de courir certains risques. Si un individu était disposé à accepter le
précédent risque contre un versement de 550 FCFA par exemple. La prime de risque serait
alors de : 50 FCFA. L’individu A serait disposer à payer plus de 550 FCFA pour courir ce
risque. L’idéal serait de trouver 1000 personnes de ce type acceptant d’assurer votre maison
pour une valeur de 50.000000 FCFA. Il serait possible pour l’individu A de transférer sur eux
le risque d’incendie.

E. Le rôle de la Bourse

L’expansion des économies s’est accompagné du développement du secteur financier dans


lequel les Bourses de valeurs jouent un rôle important dans le fonctionnement de ce secteur en
particulier et celui de toute l’économie en général.
Les Bourses de valeurs (ou marchés financiers) sont des lieux où se rencontrent la demande et
l’offre de produits financiers. C’est dans ces endroits que s'échangent différents produits
financiers dont les plus connus sont les actions et les obligations. D’autres produits sont les
options, les warrants, les bons de souscription... Notons que les financiers ont la capacité
d’augmenter le nombre de ces produits selon leur imagination.

19
Les fonctions essentielles de la Bourse est de constituer à la fois un lieu de financement pour
les entreprises, les Etats ou les collectivités (émission d'actions ou d'obligations) et un lieu de
placement (investisseurs).
C’est cette raison qui a conduit à la scission du marché boursier en deux sous marchés qui
sont respectivement le marché primaire et le marché secondaire.
 Le rôle du marché primaire est d'organiser la rencontre de sociétés cherchant à
financer leur développement et des détenteurs de capitaux (on peut faire un parallèle
entre le marché primaire et le marché du neuf).
 Le marché secondaire tient plutôt le rôle du marché de l'occasion où les différents
intervenants peuvent s'échanger les titres, c'est ce marché qui est bien sur le plus actif
puisqu'il s'échange des milliards d'euros par jour à la Bourse de Paris.
La bourse joue un rôle primordial dans l'économie contemporaine, les entreprises y trouvent
une partie des capitaux nécessaires à leur expansion tandis que les Etats y financent le déficit
de leurs comptes.
Les personnes autorisées à exercer en Bourse sont limitées à certaines catégories d'opérateurs
que sont les sociétés de bourse qui sont aujourd'hui les intermédiaires obligés pour opérer en
bourse. En effet, un particulier ne peut pas intervenir directement sur le marché, il doit
obligatoirement transmettre ses ordres à un intermédiaire financier (société de bourse,
établissement financier).
Au contraire des marchés de gré à gré sur lesquels les échanges s'effectuent par accord
bilatéral entre un acheteur et un vendeur, la bourse est un marché réglementé qui organise:
 La liquidité, c'est à dire la facilité des échanges par la concentration du plus grand
nombre possible d'ordres d'achat et de vente.
 L'égalité entre tous les intervenants par la transparence et l'accès instantané au
marché.
 La sécurité, par la garantie que les acheteurs seront livrés et les vendeurs payés à date
déterminée.
Enfin, la Bourse en tant qu'instrument de placement, permet aux particuliers de devenir les
associés des plus grandes entreprises privées industrielles et commerciales par le biais des
actions. Elle permet aussi de devenir les créanciers de ces sociétés et de collectivités
publiques comme l'Etat et les grandes entreprises nationales en achetant des obligations.

20
Section 5 : Le Théorème d'Arrow-Pratt

A. Le coefficient Pratt-Arrow d’aversion absolue pour le risque

Définition (coefficient d’aversion absolu pour le risque).


Soit uune fonction d’utilité d’un revenu (ou d’une richesse) certain. Soit w 0 une richesse
certaine. On appelle coefficient d’aversion absolu pour le risque ou coefficient Pratt-Arrow
A
d’aversion absolu pour le risque pour le niveau de richesse w 0noté r u ( w0 ) , l’expression :
''
A −u (w 0 )
r ( w0 ) =
u '
u (w0 )
Interprétation :
En observant la formule du coefficient d’aversion absolu pour le risque, on arrive à en déduire
la signification. Pour un individu présentant une aversion pour le risque, le coût du risque
dépend :
 du montant de la richesse certaine w 0 ;
 de la variance de la richesse. Plus la variance est importante et plus le coût du risque
sera important ;
 de la « psychologie » de l’individu, représentée par la fonction d’utilité u.
Le coefficient d’aversion absolu pour le risque tente d’isoler la seule « composante
psychologique » de la réticence à prendre des risques à un certain niveau de richesse. De plus,
r uA ( w0 )dépend essentiellement de la dérivée seconde de la fonction u, qui caractérise la
A
concavité (ou la convexité) d’une fonction. r u ( w0 ) permet donc d’estimer l’importance de
cette concavité.
B. Les propriétés du coefficient de Pratt-Arrow
Les propriétés les plus intéressantes du coefficient Pratt-Arrow résident dans la capacité de ce
dernier à comparer les aversions (ou les préférences) pour le risque des individus. Pour
exposer ces propriétés, nous allons procéder à l’analyse de deux situations possibles :
 comparaison de deux individus :
Considérons deux individus possédant la même richesse certaine w 0 et confrontés au même
risque (additif) W . Supposons que ces deux individus sont placé dans une situation d’achat
d’action d’une entreprise à un certain prix. On constate pourtant qu’un individu achète
l’action alors que l’autre ne le fait pas. Ce constat amène logiquement à penser que, avec des
revenus et des risques identiques, la différence d’attitude vient certainement de la «
psychologie » des deux individus c’est-à-dire de leur fonction d’utilité.

21
Il est donc logique de supposer que :
 la fonction d’utilité de celui qui refuse le risque « contient plus d’aversion pour le
risque » que la fonction d’utilité du second ou
 ou encore que le coefficient Pratt-Arrow du premier est plus important que celui du
second ;
 ou encore, puisque la richesse et le risque sont les mêmes, que le coût du risque du
premier est plus important que celui du second.
Théorème de Pratt :
Soient u et v deux fonctions d’utilité d’une richesse certainew 0 ∈ R, continues, monotones
croissantes et deux fois différentiables. Soit W un risque additif, les trois propositions
suivantes sont équivalentes :
A A
1. ∀ w 0 , r u ( w0 ) ≥ r v ( w 0 )

2. il existe une fonction concave f telle que ∀ w 0 ,u ( w0 )=f (v ( w0 ) )


3. ∀ W , c w +W , u ≥ c w +W ,v
0 0

 Comparaison entre niveaux de richesse

On pense généralement que les personnes les plus fortunées seraient plus enclines à prendre
des risques. Cette observation n’est pas une vérité absolue, mais c’est une croyance répandue,
tenace et d’ailleurs intuitivement attirante.
Il semble assez « évident » en effet que Monsieur Gbêlêya payé au SMIG sera plus réticent à
parier 50000 F sur un jeu de pile ou face qui rapporte soit 0 F, soit 100000 F que ne le sera
Monsieur Warifatchê ? Cette réticence peut être expliquée par des fonctions u(.)différentes ;
pourtant chacun comprend que les différences de richesses peuvent aussi être une explication.
Il est très simple de formaliser l’idée que l’aversion absolue pour le risque décroît avec le
niveau de richesse. En effet, il suffit de dire que le coefficient Arrow-Pratt est d’autant plus
faible que la valeur de w 0 est importante.

Définition (aversion absolue pour le risque décroissante) :


On dit que la fonction de revenu certain u(.) possède la propriété d’aversion absolue pour le
A
risque décroissante si r u ( w0 ) est une fonction décroissante de w 0 .
PROPRIETES DU COEFFICIENT DE PRATT-ARROW
 Il est invariant par rapport à une transformation affine de u(.)

22
 C’est un indicateur local d’aversion au risque car il varie avec le niveau de richesse de
l’agent.
o Si ∂ r uA /∂ w>0 , l’aversion absolue au risque est croissante avec la richesse

o Si ∂ r uA /∂ w=0, l’aversion absolue au risque est constante avec la richesse

o Si ∂ r uA /∂ w<0 , l’aversion absolue au risque est décroissante avec la richesse

23
Chapitre 2 : QUELQUES CRITERES DE DECISION ET PARADOXES
EN AVENIR INCERTAIN

Rappel : L’incertitude se caractérise par la situation dans laquelle le futur est non prévisible,
se distinguant ainsi du risque qui concerne une connaissance du futur représentable par une
distribution de probabilités (selon Knight).
Du fait de l’incertitude, la prise de décision dans le présent est encore plus difficile.
Cependant, la théorie des jeux1 a permis d’énormes progrès dans la théorie de la prise de
décision en avenir incertain en facilitant la prise de la meilleure décision.

Section 1 : Critères de décision en avenir incertain

Il est possible d’énumérer ou de recenser tous les avenirs possibles (c’est-à-dire les différents
états de la nature) susceptibles de se produire à la suite de la décision sans pour autant être
capable d’attribuer une probabilité à ces situations futures. Pour ce faire, on a recours, selon la
théorie des jeux, à l’un des cinq critères mentionnés ci-dessous pour faciliter la prise de
décision.

1. Critère de Laplace ou Critère de la « raison insuffisante »

Selon le critère de Laplace, pour chaque décision, on calcule la moyenne arithmétique des
gains envisagés et on retient la décision qui présente la plus forte moyenne. Cette démarche
équivaut à la maximisation de l’espérance mathématique avec une probabilité égale pour tous
les états de nature.
La procédure est la suivante :

Max V ( a )=
[ a ( s1 ) + … .+ a ( s i ) +a ( sn ) ]
n
Avec ce critère tous les états sont équiprobables.
Ce critère est critiqué pour son extrême sensibilité à la finesse de la description retenue pour
l’ensemble des états.

1
La théorie des jeux permet de décrire et d’analyser de nombreuses relations économiques et sociales sous la
forme de jeux stratégiques. Ses domaines d’application s’étendent en plus de l’Economie, à la sociologie et aux
sciences politiques. L’objectif de la théorie des jeux en tant que discipline scientifique est de prédire les
équilibres d’un jeu c’est-à-dire les états dans lesquels aucun joueur ne souhaite modifier son comportement
compte tenu du comportement des autres joueurs. Cette discipline a connu un essor considérable depuis la
parution en 1944 de l’ouvrage intitulé « The Theory of Games and Economic Behavior » de John Von Neumann
(1903-1957) (Mathématicien à l’Institute of Advanced Study de Princeton) et Oskar Morgenstern (1902-1977)
(Economiste de l’Université de Princeton).

24
2. Critère de Wald

Encore appelé critère du maximin c’est-à-dire la solution de prudence maximum. La


démarche adoptée est la suivante : pour chaque décision, on retient l’état de nature qui donne
le gain le plus petit (minimum). Face à ces minima, le joueur choisit la décision pour laquelle
le minimum est le plus élevé. Ainsi, il maximise le minimum d’où l’appellation de maximin.
Ainsi la démarche adoptée est la suivante :
i. Conséquence la plus défavorable pour chaque état a :V ( a ) =Mini a ( si ) .
¿
ii. La solution a =argmax ¿ )
Ce critère est critiqué pour son excès de pessimisme.
¿
Exemple : avec ce critère, on est amené à choisir a =a2avec a 1=(0 , 106 , 0) et
−6 −6 −6
a 2=(10 ,10 , 10 ).

3. Critère du minimax

La spécificité de ce critère est de s’appliquer au payeur. On retient pour chaque décision dans
les états de nature, ceux qui entrainent un paiement maximum. Ensuite, on choisit la décision
pour laquelle le maximum à payer est le minimum. En d’autres termes le joueur minimise le
maximum de ses pertes.

4. Critère de Savage ou Critère du Minimax regret

Le critère de Savage ou du minimax regret consiste à établir un tableau des manques à


gagner attachés à chaque décision par rapport à la décision la plus favorable pour chaque état
de nature. La décision à prendre est celle qui minimise le regret maximum.
La démarche adoptée se résume ainsi :
i. M ( s i )=Max a ∈ A a(s i )

ii. Regret d’avoir choisi a si si  se réalise : Ri ( a )=M ( si ) −a(si )


iii. Mina ∈ A =Max i Ri ( a )

Exemple d’application

S1 S2 S3 S4 S1 S2 S3 S4 V(.)
a1 5 4 3 1 a1 0 1 1 2 2
a2 2 5 2 3 a2 3 0 2 0 3
a3 1 2 4 2 a3 4 3 0 1 4
Max a ∈ A a (S i) 5 5 4 3

25
La solution est a1. Ce critère est contesté parce qu’il ne respecte pas l’hypothèse
d’indépendance par rapport aux alternatives non pertinentes. En effet, si on rajoute a4 =
(0,0,0,6), la solution devient a2.

5. Critère de Hurwicz ou Critère “Pessimisme/optimisme”

Pour chaque décision, on calcule la moyenne pondérée des conséquences extrêmes, puis on
choisit la décision avantageuse qui est celle qui maximise cette moyenne.
Application : soit m ( a )=Mini a ( si ) et M ( a ) =Max i a (s i). La solution a ¿ est celle qui maximise
V ( a ) =γm ( a ) + ( 1−γ ) M ( a ) avec γ l ' indice pessimisme/op timisme , γϵ [ 0,1 ] .
γ=1 correspond au critère maximin (Wald).
γ=0 correspond au critère maximax. Un coefficient supérieur à 0.5 correspond à un individu
pessimiste, et dans le cas contraire, à un individu optimiste.
La principale critique formulée à l’endroit de ce critère est qu’il accorde de la valeur
uniquement aux extrêmes.

6. Le critère moyenne-variabilité

En évaluant chaque stratégie par sa moyenne, on ne tient pas compte de son caractère variable
c’est-à-dire sa dimension aléatoire. Ce critère permet l’introduction de la variabilité (écart
entre le meilleur et le pire résultat). L’approche est la suivante : A chaque stratégie, sera
associé un couple composé de sa moyenne et de sa variabilité.
n
1
∀ i=1 , …. , m; on calcule moy ( ai )= ∑ Ri , j et ∆ ( a i ) =R −Inf R i , j
i, j

n j=1
∀ i=1 , …. , m; ai est caracterisée par le couple ¿))
Règles de comparaison entre deux stratégies
Règle 1 : Cette règle est basée sur l’intuition. Elle repose sur l’idée selon laquelle un décideur
apprécie toujours d’être en possession d’une forte moyenne et d’une faible variabilité au
niveau de ses résultats. Mathématiquement, elle s’écrit :

{
moy ( a k ) ≥ moy ( al ) et ∆(a k )< ∆(a l)
a k > al si ou bien
moy ( a k ) >moy ( al ) et ∆ (a k )≤ ∆(a l)

Cette règle de comparaison est fortement critiquée car elle ne prend pas en considération le
fait qu’une forte variabilité compensée par une forte moyenne puisse être intéressante. Ce
constat a amené à considérer une nouvelle règle de comparaison.
Si la règle 1 prouve ses limites, on aura recours à l’une des règles suivantes.

26
Si {
moy ( a k ) >moy ( al )
∆ (ak )>∆ (al )
alors

moy(ak ) moy(al )
Règle 2 : a k > al si >
∆(a k ) ∆(al )
Cette règle 2 compare les stratégies tout en mesurant le pourcentage de moyenne par
variabilité et la meilleure stratégie sera celle qui possèdera le plus fort pourcentage.
moy ( a k )−moy (al )
Règle 2 bis : a k > al si >τ
∆ ( a k )−∆(al )
La règle 2 bis apporte une notion de déplacement mesurée par le taux marginal de substitution
entre la moyenne et la variabilité c’est-à-dire le taux d’échange entre moyenne et variabilité.
Cette règle montre que le déplacement d’une stratégie vers une autre se fera si et seulement si
le taux d’échange est assez élevé.
La solution optimale dans certains cas sera donnée par le programme suivant :
Max a ∈ A moy ( a )−τ ∆(a) .

NB : Ces différents critères ne sont utilisés que lorsqu’il est impossible d’attribuer une
probabilité aux situations futures. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’estimation de
probabilités est réalisable, le critère choisi est la solution de Bernoulli, plus connu sous le
nom de Principe de Bernoulli. Selon ce principe la meilleure décision est celle pour laquelle
l’espérance mathématique du gain est la plus élevée. Pour Bernoulli, il n’y a pas de symétrie
entre les évaluations en termes monétaires et les évaluations en terme d’utilités, d’où le
concept de Paradoxe de Bernoulli ou encore Paradoxe de Saint-Petersbourg.

Section 2 : Jeu et Paradoxe de Saint-Petersbourg

1. Le jeu de Saint-Pétersbourg

Soit le jeu suivant dans lequel une pièce équilibrée est lancée jusqu’à l’obtention de
l’évènement « face ». Si « face » apparait au nième jet, alors le joueur gagne 2k francs CFA.

La probabilité de cet évènement est ()1 k


2
:

()
∞ k
1 k
V ( J ) =∑ 2 =1+1+1+…=∞
k=1 2

27
2. Le Paradoxe de Saint-Pétersbourg

Les agents payent très peu pour participer au jeu alors que l’espérance mathématique est
infinie.
La solution apportée par Bernoulli stipule que le joueur ne maximise pas l’espérance
mathématique du gain, mais l’espérance du logarithme du gain du jeu :

V ( J )=∑ 2−k log ( 2 k )=2 log (2)=log (4)
k=1

Ce dernier affirme que Log(4) correspond à ce que les agents étaient prêts à payer pour le jeu
de Saint-Pétersbourg.
En fin de compte, on remarque que les agents payent très peu pour participer au jeu alors que
l’espérance mathématique est infinie.

Section 3 : Paradoxe de Allais

1. Enoncé du paradoxe

Pour Maurice Allais, l’individu au voisinage de la certitude préfère choisir la sécurité plutôt
que la solution d’un gain nettement plus important comportant le risque de ne rien gagner.
Mais si l’individu est loin de la certitude, c’est alors la différence des probabilités de chaque
évènement qui doit être prise en compte (voir application numérique ci-dessous).

2. Application

Lors d’une expérimentation, Allais a proposé le choix entre diverses loteries fictives dont les
prix sont de 0, 1 million ou 5 millions de $. La loterie 1 est définie par le résultat certain de 1
million de $, la loterie 2 par un gain de 0 avec probabilité de 0.01, un gain de 1 million avec
probabilité de 0.89 et enfin un gain de 5 millions avec une probabilité de 0.1. Compte tenu du
risque de ne rien avoir, la plupart des gens choisissent la première loterie à la deuxième, bien
que l’espérance de gain de la seconde loterie soit de 0.89*1+0.1*5=1.29 ¿1. La raison
supposée est que la seconde loterie a une probabilité positive de gain nul que les individus
souhaitent éviter.
Allais propose ensuite le choix suivant : la loterie 3 donne 0 avec une probabilité de 0.89 et 1
million avec une probabilité de 0.11 ; soit une espérance de gain de 0.11 millions ou 110000
$. La loterie 4 donne un gain de 0 avec une probabilité de 0.9 et un gain de 5 millions avec
une probabilité de 0.1 soit une espérance de gain de 500000 $. Dans ce cas, la plupart des

28
individus préfèrent la loterie 4 : le risque de ne rien avoir est important dans les deux cas, les
individus tentent alors d’obtenir le plus grand gain possible.
Le fait de préférer 1 à 2 et 4 à 3 représente en fait une violation de la théorie de l’utilité de
Von Neumann et Morgenstern. En effet, dans le cas du choix entre les loteries 1 et 2, on peut
en déduire en normalisant u(0) à 0 et en notant ue l’utilité espérée que
ue (loterie 1 )=u ( 1 ) >u e ( loterie2 )=0.89∗u (1 ) +0.1∗u(5)
↔ u ( 1 )∗0.11>u ( 5 )∗0.1 (*)
Le fait de préfère la loterie 4 à la loterie 3 implique au contraire que :
e e
u (loter ie 4 )=0.1∗u (5 )> u ( loterie 3 )=0.11∗u ( 1 )
↔ u ( 1 )∗0.11<u ( 5 )∗0.1 (**)
Les deux inégalités (*) et (**) ne sont pas compatibles.

Section 4 : Paradoxe de Ellsberg

A. Exposé du paradoxe

Dans la théorie de la décision, un phénomène bien particulier est connu sous le nom de
paradoxe d'Ellsberg. Ce paradoxe stipule que lorsque des individus ont à choisir entre deux
options, la majorité de ceux-ci optent pour celle dont la loi de probabilité est connue. Ainsi, ce
constat est contraire au principe de la chose sûre de la théorie de la décision.

B. L'expérience d'Ellsberg

En 1961, Daniel Ellsberg a conduit l'expérience suivante. Dans une urne, on place 90 boules,
dont 30 sont rouges. Les boules restantes sont jaunes ou noires, leur distribution est inconnue.
Les personnes soumises au test parient :
Pari A : Qui tire une boule rouge gagne, les boules jaunes et noires étant perdantes.
Pari B : Qui tire une boule jaune gagne, les boules rouges et noires étant perdantes.
La plupart des gens font le choix du pari A.
Et puis on change les paris de telle manière que dans chacun des cas, soit les boules rouges,
soit les boules jaunes sont désormais perdantes :
Pari C : Qui tire une boule rouge ou noire gagne, les boules jaunes étant perdantes.
Pari D : Qui tire une boule jaune ou noire gagne, les boules rouges étant perdantes.
Dans ce cas, la plupart des gens font le choix du pari D. Cela semble en contradiction avec la
décision précédente de prendre le pari A, étant donné que la boule rouge devient alors
perdante, la probabilité pour que le pari A soit juste est donc l'opposé de celle du pari D (d'où

29
la mention de paradoxe). Ellsberg explique ce résultat par le choix entre le risque et
l'incertitude : dans la notion de risque, la probabilité est connue (Exemple: lancer de dés,
roulette russe, etc.) mais pas dans l'incertitude.
Les personnes soumises au test supposent, d'une manière prudente, que les distributions de
boules jaunes et noires pourraient se révéler à leur désavantage et choisissent les deux fois le
risque connu (1/3 dans le premier passage, 2/3 dans le deuxième).

30
Deuxième partie 
ECONOMIE DU RISQUE ASSURABLE
Pour comprendre le fonctionnement de l’assurance et mesurer le rôle important qu’elle joue
dans toute économie, il faut connaitre le risque assurable.

Chapitre 3 : ANALYSE DU RISQUE ASSURABLE


Section 1 : La notion de risque

A. Quelques notions importantes

Une activité risquée présente fondamentalement deux caractéristiques : le résultat probable


(exemple le rendement prévisible d’un investissement) et le degré de dispersion de tous les
résultats possibles.
Application :
Soit un pari avec 50% de chance de gagner 1000 F et 50% de perdre 1000 F. En moyenne, on
ne gagne pas d’argent en faisant des paris de cette nature : ce sont des jeux équitables.
Un jeu équitable est un jeu où, en moyenne, le profit monétaire sera rigoureusement nul.
Par opposition, le jeu suivant est qualifié d’inéquitable. Si l’individu a 30% de chance de
gagner 1000 F et 70% de perdre 1000 F, alors on est en face d’un jeu inéquitable car en
moyenne, on perd l’argent en acceptant de tels paris. Dans le cas contraire (en permutant les
pourcentages associés au gain et à la perte), le jeu est en moyenne rentable.

2. L’équivalent certain / Prime de risque / Aversion relative pour le risque

Soit une loterie dont les résultats possibles sont R1 , R 2 , … . , R n avec des probabilités
n
p1 , p2 , … . , pn respectivement 0 ≤ p i ≤ 1 pour tous les i telles que ∑ pi =1. L’utilité espérée de
i=1

cette loterie est :


n
U =∑ pi U ( Ri )
e

i=1

L’équivalent certain est la quantité Rc telle que ( Rc ) =U e .


La prime de risque est la différence entre le revenu moyen et l’équivalent certain. Soit Re
l’espérance de revenu.
n
Re =∑ pi Ri
i=1

31
La prime de risque est alors : π=R e−R c.
Pour définir ces différentes notions, nous allons recourir à l’application suivante.
Application numérique
Soit un viticulteur2 dont la fonction d’utilité est représentée par : U ( R )= √ R . Le revenu de ce
viticulteur est de 1000 F avec certitude. Dans ce cas, son utilité sera de :
U ( 1000 )=√ 1000 ≈ 31.6
Nous supposerons maintenant que son revenu présente un caractère incertain. Son revenu
dépendrait des facteurs climatiques. Un été chaud et ensoleillé qui procure un revenu de 1600
F alors qu’un été frais et pluvieux lui procure un revenu de 400 F. Chaque situation survient
avec une probabilité de 0,5.
La première chose à remarquer est son revenu moyen appelé son espérance de revenu ou
revenu espéré que l’on note : Re avec Re =0.5∗400+ 0.5∗1600=1000 F
Pourtant ce viticulteur n’est pas indifférent entre ces deux situations. Sa fonction d’utilité
n’est pas linéaire par rapport au revenu. Si son revenu est de 400 F, son utilité sera de
U ( 400 ) =20. Si son revenu est de 1600 F, son utilité sera U ( 1600 )=40. L’utilité moyenne ou
l’utilité espérée ou l’espérance d’utilité notée U e =0.5∗20+0.5∗40=30 . On note que
e
U ( 1000 ) >U =30. Avec cette fonction d’utilité particulière, l’individu n’aime pas le risque
puisqu’un revenu certain de 1000 F lui procure un bien-être supérieur à celui d’un revenu
aléatoire de 1000 F en moyenne.
L’équivalent certain d’un revenu aléatoire est le revenu qui obtenu avec certitude, procure à
un individu le même niveau d’utilité que ce que lui procure le revenu aléatoire.
Comment détermine-t-on le revenu certain ?
Pour déterminer Rc qui procure U ( R c ) égale à l’espérance d’utilité dans le cas d’un revenu
aléatoire estimé à : U e =0.5∗20+0.5∗40=30 . Il faut Rc =900 sans risque à l’individu pour
qu’il obtienne la même utilité puisque U ( 900 )=30. La différence entre le revenu certain 900
F et l’espérance du revenu 1000 F est ce que l’on appelle la prime de risque.
La prime de risque se définit comme le montant qu’un individu accepte de payer pour
s’assurer contre les fluctuations de son utilité.
Inversement, on peut voir cette prime comme ce que l’on doit payer à l’individu pour qu’il
accepte d’avoir un revenu incertain au lieu d’un revenu certain.

2
Personne qui cultive la vigne.

32
B. Un risque assurable

Est assurable, un préjudice dû à un évènement aléatoire mutualisable, que ni l’assureur ni


l’assuré n’a intérêt à voir se réaliser.
Pour bien cerner cette définition, il faut expliquer les notions de préjudice, un évènement
aléatoire, Mutualisable, Intérêt commun.
1. Un préjudice
Un préjudice est une perte de richesse évaluable au moment de l’évènement qui en est le
générateur (c’est-à-dire la cause). Dans l’assurance-décès, le préjudice résulte du décès
prématuré de l’assuré. Sa valeur est fixée au moment de la signature du contrat d’assurance.
Toutefois, il n’y a pas de préjudice si à la date d’échéance du contrat d’assurance, l’assuré est
toujours en vie.
Concernant les assurances de dommages, le préjudice est variable, il doit être évalué au cas
par cas. Cependant, l’indemnisation ne devra en aucun cas dépasser la valeur du préjudice. La
raison est basée sur le principe de base de toutes les assurances de dommages : l’assuré ne
doit en aucun cas s’enrichir à l’occasion d’un sinistre, ni être incité à spéculer sur
l’éventualité d’un sinistre.
Exemple : En assurant des bijoux de famille, on pourra fixer comme valeur d’indemnisation
le prix d’acquisition de ces bijoux sur le marché (prix de vente) auquel on ajoutera un
préjudice affectif.
En revanche, quant au tableau d’un jeune peintre, il sera dédommagé à la valeur à laquelle un
musé pourra l’acquérir sans spéculer sur la valeur future de ce tableau.
2. un évènement aléatoire
Un principe clair régit le fonctionnement de l’assurance qu’il est cependant très difficile à
mettre en application. Ce principe veut que le sinistre générateur de dommages ne doit pas
être réalisé au moment de la signature du contrat d’assurance.
Qu’entend-t-on par « sinistre réalisé » ?
C’est un sinistre qui a lieu bien avant la signature du contrat et qui n’est connu des
contractants qu’après la signature du contrat.
Exemple : maladies professionnelles.
Supposons un individu exposé à de l’amiante dans l’exercice de ses activités. Cet individu
adhère à une assurance, et quelque temps après apparaissent des symptômes de maladies
causées par son exposition à l’amiante dans un passé plus ou moins récent. Dans ce cas,

33
quelle assurance doit-elle être mise en cause ? Dans ce cas, deux principes sont
contradictoires.
 La clause du « fait dommageable » qui veut que l’assurance qui couvrait la victime au
moment de son exposition aux facteurs de sa maladie ou de son décès prématuré
assure l’indemnisation de la victime.
 La clause de la « base réclamation ». Dans ce cas, l’assurance qui couvre l’individu
au moment de l’apparition des symptômes de maladies ou le décès s doit
d’indemniser l’individu.
Ces deux clauses s’affrontent notamment sur le principe de la « reprise du passé » en
assurance. Ce débat n’est pas tranché de façon nette par la théorie économique. Ainsi, les
systèmes juridiques reposent très souvent leurs décisions sur les jurisprudences en la matière.
Ces décisions varient souvent dans le même système juridique.
Lorsque la victime n’est pas couverte par une assurance couvrant la réclamation, alors la loi
française limite à 5 ans la durée de la période postérieure à la fin du contrat d’assurance,
pendant laquelle l’assureur doit indemniser une victime d’un dommage subi pendant que le
contrat était en cours.
Evidemment, l’aléa ne doit pas être suscité par l’assuré ni par une partie au contrat (exemple
le divorce, le suicide, les fraudes et les crimes).
3. Mutualisable
La mutualisation est au centre de l’activité de l’assurance. Pour s’en convaincre, il faut se
référer à la devise de Lloyd’s. Le principe de fonctionnement est le suivant : le regroupement
dans un seul portefeuille3 d’une multitude de contrats d’assurance indépendants entre eux,
c’est-à-dire dont la réalisation de l’un n’a aucune influence sur la réalisation d’un autre ou qui
n’ont pas de cause communes, permet la compensation statistique des risques.
Si les primes ont été correctement évaluées, l’indemnisation d’un assuré sinistré est compensé
par les primes payées par les nombreux autres assurés n’ayant pas eu de sinistre. Cette
compensation est le résultat de l’application de la loi des grands nombres4 du calcul des
probabilités.
La mutualisation est différente de la répartition intertemporelle des dommages. Celle-ci
consiste pour une entreprise d’assurance à étaler les coûts de règlements des dommages par
des mécanismes comptables de provisions. Cela leur permet de compenser les années de forte

3
Un ensemble de contrats pour une période donnée, généralement une année.
4
Cette loi est connue de façon empirique depuis bien longtemps mais elle a été formellement démontrée par
Jacques Bernoulli (1654-1705).

34
sinistralité par les années de faible sinistralité. Cette technique est un artifice comptable
rassurant les actionnaires ou les régulateurs inquiets de la solvabilité de l’assureur.
4. Intérêt commun
Les différentes parties d’un contrat d’assurance ont un intérêt commun. Aucune des deux
parties n’a intérêt à ce que l’évènement aléatoire se réalise : l’assureur rechigne à indemniser
un sinistre et l’assuré ne veut pas perdre le bien assuré à fortiori sa santé ou sa vie. C’est une
spécificité du contrat d’assurance par rapport aux autres contrats financiers, où les intérêts des
parties divergent quand ils ne sont pas contradictoires.
Exemple : l’acheteur d’un titre en bourse anticipe sa hausse alors que le vendeur anticipe sa
baisse.
Toutefois, le conflit peut naitre entre l’assureur et l’assuré après le dommage, précisément au
moment de l’indemnisation, à cause de la difficulté à évaluer le préjudice. L’assuré
demandant une indemnisation plus élevée que celle propose par l’assureur.
De manière réciproque, l’intérêt commun peut inciter une assurance à imposer à ses assurés
des mesures de sécurité ou de précaution en contrepartie d’une diminution des primes.
L’intérêt commun peut donc conduire à un partage des coûts entre l’assureur et ses assurés.

B. Un risque idéal en assurance

Un risque est qualifié d’idéal en Assurance lorsqu’il possède les 7 propriétés suivantes :
1. Présence d’un grand nombre d’unités homogènes exposées,
2. Indépendance parmi les unités exposées au risque
3. Perte identifiable et calculable monétairement (observation statistique) : Pour calculer
la prime pure (et donc établir la tarification) il faut pouvoir évaluer les pertes.
4. Dommage aléatoire (pas trop de risque moral) : Si l’assuré a trop d’emprise sur le
risque, l’assurance a tendance à augmenter le degré de risque.
Exemple : si l’on est assuré à 100%, la prévention devient inutile et le risque
augmente.
5. Absence d’anti-sélection : Le fait de ne pouvoir sélectionner à priori (alors que l’on est
confronté à une clientèle hétérogène). La présence d’anti-sélection peut désorganiser le
marché voire le supprimer.
6. Vraisemblance économique : L’assurance concerne des pertes relativement
importantes et relativement peu fréquentes (Les petites pertes répétées entraine des
frais de gestion astronomiques).

35
7. Absence de ruine potentielle de l’assureur : Si l’assureur encourt un risque de ruine, il
n’assure pas… Cette condition découle des précédentes pour l’essentiel. En effet, en
cas de très forte corrélation positive entre les assurés, il y a un risque de ruine de
l’assureur (en cas de déclenchement d’épidémies notamment).

C. Le prix d’un risque

1. Le prix de vente d’un risque


Le prix de vente d’un risque est le prix minimal qu’un individu exige pour se débarrasser
d’un risque.
Application numérique
Soit un individu disposant d’une richesse certaine de 100000 FCFA et d’un billet de la
LONACI rapportant 100000 FCFA ou rien avec une probabilité de 0.5. Supposons que cet
individu, dont la fonction d’utilité du revenu certain est u=√ w , veuille vendre le ticket de
LONACI contre une forte somme.
On remarquera nécessairement que l’utilité de sa richesse une fois le ticket vendu ne devra
pas être inférieur à l’utilité qu’il retire de sa richesse quand il possède encore le ticket. Si on
note pv , le prix de vente du billet, on a :
1 1
√ 100000+ pv = 2 √ 100000+100000+ 2 √ 100000+0 → p v =45710.07
De façon générale, le prix de vente représenté par une variable aléatoire X s’ajoutant à une
richesse certaine w 0 vérifie :
u ( w 0 + p v )=∫ u ( w0 + x ) dF (x).
2. Le prix d’achat d’un risque
Le prix d’achat d’un risque est le prix maximal qu’un individu est prêt à payer pour acquérir
un risque.
Application numériqu

Considérons à nouveau qu’un individu ne possède qu’une richesse sure de 100000 FCFA. Il
décide d’acheter un ticket de LONACI rapportant 100000 FCFA (ou rien) avec une
probabilité de 0.5. Quel sera le prix maximal que l’individu est prêt à payer pour obtenir ce
ticket si sa fonction d’utilité du revenu certain est u=√ w ?
Au cas où l’achat a lieu, il est certain que la richesse certaine de l’individu va baisser du prix
d’achat pa du ticket. Il apparait nettement qu’à cette richesse diminuée du prix d’achat du
ticket s’ajoute désormais les gains possibles de ce même ticket. Il faut noter que le ticket ne

36
sera pas acheté si le bien-être de l’individu s’avère en définitive plus faible dans la situation
risquée que dans la situation initiale certaine. Ainsi, le prix d’achat maximal est donnée par
l’égalité suivante :
1 1
√ 100000= √ 100000− p a+100000+ √100000−p a+ 0 → pa =43750
2 2
De façon générale, le prix maximal d’achat d’un risque représenté par une variable aléatoire X
est une solution de l’équation suivante :
u ( w 0 )=∫ u ( w0− p a+ x ) dF (x ).
NB : Il faut noter que le prix de vente et le prix d’achat n’ont aucune raison de coïncider.

Section 2 : Principaux types de contrats d’assurance

Sans être exhaustif, nous allons passer en revue cinq types de contrats d’assurances. A ceux-
ci, nous allons adjoindre les contrats de réassurance.

A. Contrat d’assurance complète

Dans ce type de contrat, les indemnisations se font à hauteur de la perte. Les pertes subies par
l’assuré sont intégralement remboursées par l’assurance. Graphiquement, cela se présente
comme suit :

Indemnité

Assurance complète

Perte
0 L

37
B. Contrat de franchise

1. Définition de la franchise
Une franchise prévue dans un contrat d'assurance est la somme restant à la charge de l'assuré
(donc non indemnisée par l'assureur) au cas où le sinistre survient.
La décision d’assurance consiste donc à déterminer un montant F qui correspond au montant
en dessous duquel le risque incombe à l’assuré et non à l’assureur.
2. Les différentes modalités de la franchise
La franchise en assurance peut s’effectuer sous différentes modalités :
 La franchise relative : dans le cas de la franchise individuelle atteinte, l'assureur
indemnise totalement les sinistres qui dépassent le montant de la franchise. Cette
formule favorise la fraude, puisque l'assuré aura tendance à majorer le coût des petits
sinistres afin de se les voir totalement pris en charge.
 La franchise absolue : dans le cas de la franchise individuelle déduite, plus fréquent,
la franchise est déduite du montant indemnisable.
 La franchise proportionnelle : l'assuré conserve à sa charge une part proportionnelle
du sinistre. Cette franchise est peu utilisée dans les assurances pour les particuliers,
mais plus dans les assurances de professionnels.
 La franchise de sinistre : il peut se faire, dans le cas de la franchise annuelle, que
l'assuré n'est indemnisé que lorsque le montant total de ses sinistres sur une année
atteint un certain montant. Les franchises annuelles peuvent être atteintes ou déduites.
 Franchise cumulée : une même police d'assurance peut comporter différentes sortes
de franchise, par exemple en prévoyant une « indemnisation dès le premier euro des
sinistres de plus de 250 €, à compter de 1 000 € de sinistres dans l'année, dans la limite
de 80 % du montant du sinistre et de 3 millions d'euros par an ». Ce cas correspond
dans l'ordre à une franchise individuelle atteinte de 250 €, une franchise annuelle
atteinte de 1 000 €, une franchise proportionnelle de 20 % avec une limite de
décaissement de 3 millions d'euros. La franchise appliquée est la combinaison des
différentes franchises prévues au contrat.
3. Les justifications du contrat de franchise
Le recours au contrat de franchise repose sur ses gains réalisés en terme de coûts de
transaction (Arrow 1963, 1974), d’aléa moral et d’anti-sélection. Aussi, ce type de contrat
permet-il d’éviter des petites pertes répétitives.

38
4. Représentation graphique

Indemnité

Assurance complète

Contrat de franchise

Perte
0 F L

C. Contrat en limitation de somme

1. Définition du contrat en limitation de somme


Les contrats en limitation de somme sont des contrats dans lesquels les montants versés à
l’assuré en cas de réalisation du sinistre sont limités par des montants précis.
2. Justifications du contrat en limitation de somme
Un des avantages du contrat en limitation de somme est sa capacité à limiter la responsabilité
de l’assureur. Et le recours à ce type de contrat se justifie par l’existence d’une incertitude sur
la distribution des grandes pertes et d’aléa moral.

D. Contrat de coassurance

1. Définition de la coassurance
La coassurance est une opération par laquelle plusieurs sociétés d’assurances garantissent au
moyen d’un seul contrat un même risque ou un même ensemble de risques. Elle est donc une
technique de division des risques permettant aux assureurs (pour qui les sinistres doivent avoir
entre eux un coût prévisionnel comparable) d’éviter qu’un petit nombre d’événements très
dommageables (également appelés « gros sinistres ») ne vienne mettre en péril l'équilibre
financier de la mutualité.
Ainsi, la coassurance est le partage horizontal d'un même risque entre plusieurs sociétés
d’assurance, chacune étant garante de la seule partie qu'elle a acceptée de prendre en charge.

39
Chaque société s’engage donc à prendre une quote-part (en pourcentage) du risque qu’elle
décide de coassurer.
Cette opération implique que chaque assureur percevra un taux de prime s’élevant au même
pourcentage que son taux d’engagement dans la couverture totale du risque. Cela signifie
également que chaque société d’assurance devra payer le coût du ou des sinistres (en cas de
réalisation du risque) toujours en fonction du pourcentage correspondant à son niveau
d’engagement dans  la couverture du risque.
Dans la coassurance, il n’y a pas de solidarité entre les coassureurs : ainsi, si l’un des
coassureurs ne règle pas sa part dans l’indemnisation d’un sinistre, ce ne sont pas les autres
qui la règleront à sa place, chaque coassureur n’étant tenu de régler que la quote-part du
sinistre qu’il s’est engagé à assumer.
Exemple : Trois sociétés d’assurances, A, B et C, coassurent un bâtiment contre l’incendie.
La société A s’engage à assurer 30 % du risque, la société B, 20 % et la société C, 50 %. La
prime totale demandée à l’assuré pour assurer son bien s’élève à 100 $.
Le bâtiment coassuré brûle après la souscription du contrat. Les experts établissent que le
sinistre est bien d’origine accidentelle et que le montant des dommages s’élève à 100 000 $.
Selon les règles de la coassurance, voici le montant de prime que chaque société d’assurance
perçoit au moment de la souscription du contrat :
- L’Assureur A perçoit 30 $ de prime. 
- L’Assureur B perçoit 20 $ de prime.
- L’Assureur C perçoit 50 $ de prime.
Après le sinistre, voici le montant des indemnités que chaque assureur sera obligé de verser à
l’assuré (en partant de l’hypothèse qu’il n’y avait aucun plafond d’indemnisation dans le
contrat de coassurance).
- L’Assureur A doit verser une indemnité de 30 000 $ à l’assuré.
- L’Assureur B doit verser une indemnité de 20 000 $ à l’assuré.
- L’Assureur C doit verser une indemnité de 50 000 $ à l’assuré.

Il importe de présenter le rôle de l’apériteur dans la coassurance. Ce dernier est l’assureur qui
établit et gère la police et les sinistres au nom de tous les autres coassureurs. Il est donc investi
d’un mandat général pour agir au nom des autres coassureurs. Il n’est pas nécessairement
l’assureur qui détient la plus grosse part.

40
2. Fonctionnement de la coassurance
L’opération de coassurance est conduite par l’apériteur qui se charge à la fois de
l’encaissement de la prime et du règlement des sinistres. Sa fonction est décrite de la manière
suivante :
1) L’apériteur encaisse la totalité de la prime, et reverse à chaque coassureur le
pourcentage de prime correspondant à leur quote-part. C’est lui qui sera chargé du
recouvrement de la cotisation et qui devra engager les poursuites contentieuses en cas
de non-paiement.
2) L’apériteur assure la gestion des sinistres et règle généralement la totalité de l’indemnité
due à l’assuré, en exerçant un recours à l’encontre de chaque coassureur à concurrence
de leur quote-part respective (l’apériteur n’est cependant tenu au paiement de
l’indemnité qu’à concurrence du pourcentage qu’il a retenu).
3. Justification et critiques de la coassurance
Le recours à la coassurance se justifie selon certains auteurs notamment Borch (1962, 1990)
par sa capacité à partager le risque. Toutefois, d’autres auteurs ne manquent pas, de façon
théorique, de critiquer son caractère non optimal pour l’assuré

E. Contrats à plafond de remboursement

Dans ce type de contrat les sinistres sont entièrement couverts jusqu’à un certain montant
considéré comme un seuil (S). Au-delà de ce seuil, ils sont couverts à ce montant fixe S.
graphiquement, cela se présente comme suit :

Indemnité

Contrat à plafond de remboursement

Contrat de coassurance

Perte
0 S L

41
F. Contrats réels

On classe dans cette catégorie les contrats multirisques, et tout autre contrat résultant de la
combinaison de différents mécanismes. Dans ces contrats, des clauses supplémentaires faisant
référence à la prévention peuvent être mentionnées.

G. Les contrats de réassurance

1. Définition du contrat de réassurance


Un contrat de réassurance est un contrat de cession entre un assureur (le cédant) et un
réassureur (ou plusieurs), par lequel des risques identifiés sont transférés au réassureur. Celui-
ci s’engage à indemniser l’assureur en cas de réalisation du risque cédé, mais l’assureur reste
débiteur des indemnisations qu’il s’est engagé à verser à ses assurés. Les assurés ignorent
l’existence d’un éventuel contrat de réassurance, qui n’est jamais obligatoire. En cas de litige,
ils doivent poursuivre leur assureur, qui se retournera vers son réassureur, mais il n’y a pas de
transfert de droit des créances des assurés vers le ou les réassureurs.
2. Modes de cession
On distingue deux grands modes de cession :
 Le traité de réassurance (ou “reinsurance treaty” en anglais) qui concerne la cession
des risques d’un portefeuille d’assurés (portefeuille d’automobiles ou portefeuille de
risques multirisques-habitation). Ce traité peut couvrir plusieurs années et il oblige
l’entreprise d’assurance cédante à transférer tous les risques réassurés de son
portefeuille pendant toute la durée du traité. Cette contrainte permet d’éviter l’anti
sélection au détriment du réassureur. En effet, la cédante peut réassurer les contrats les
plus risqués et garder pour elle les contrats les moins risqués.
 Le contrat de réassurance peut concerner uniquement un seul risque (exemple d’une
usine au cours d’une seule année) ou d’un seul évènement ponctuel (exemple des jeux
olympiques). Comme la cession de ces risques se fait « au coup par coup », ces
contrats sont dénommés « cession facultative » ou encore « facultative de
réassurance ». le réassureur doit avoir une connaissance parfaite des risques cédés
dans une « facultative et une bonne connaissance des pratiques de l’assureur cédant
pour éviter l’anti sélection et l’aléa de moralité ex post.
3. Types de couverture
Les réassureurs proposent généralement trois types de couvertures susceptibles de convenir
aux entreprises d’assurance cédantes : il s’agit principalement de :

42
 La couverture proportionnelle qui consiste à partager les risques et les primes entre la
cédante et le réassureur selon un pourcentage prédéfini, par exemple, 50-50, ce qui
revient à partager en deux les contrats cédés (indemnisations et primes). Cette forme
de cession est pratiquée pour permettre à un assureur manquant de capitaux propres de
satisfaire les normes de solvabilité, puisqu’en se réassurant il réduit par le pourcentage
cédé ses besoins en fonds propres.
 La couverture en excédent de sinistre : Dans ce cas, le réassureur prend à sa charge
les montants des sinistres excédents un seuil prédéfini, le point d’attachement qui joue
le même rôle qu’une franchise. La partie conservée par l’assurance en deçà du point
d’attachement s’appelle la rétention.
 La couverture en excédent de perte : Le réassureur n’indemnise pas un sinistre
particulier, mais le total des sinistres s’il vient à dépasser un seuil prédéfini. En
excédent de perte, l’assureur se protège contre une accumulation de sinistre au cours
d’une période donnée, l’année civile par exemple, qui pourrait mettre en péril sa
solvabilité si le total devait dépasser une valeur incompatible avec ses réserves.
Comme l’excédent de sinistre, l’existence d’un seuil de déclenchement qualifie ce
type de couverture de non proportionnelle.

RECAPITULATIF
Le contrat d'assurance fonde l'essentiel des droits et obligations de chaque partie. Il établit les
conditions dans lesquelles le service sera rendu. Il mentionne généralement :
 la prime que l'assuré s'engage à verser ;
 la prestation que l'assureur rendra ;
 l'événement incertain (le risque) ;
 l'intérêt d'assurance (ou l’intérêt commun) : l'assuré ou le bénéficiaire ne doivent pas
avoir d'intérêt à la survenance du risque.

Section 3 : Risques liés au métier de l’assurance

Les risques liés au métier de l’assureur sont de plusieurs ordres. On dénombre :

A. Les risques techniques

Ce sont des risques propres aux entreprises d’assurance. Les risques techniques sont attachés
à la mauvaise évaluation des primes et des facteurs de la sinistralité potentielle des contrats

43
d’assurance (fréquence, sévérité), les asymétries d’information pouvant aggraver la sinistralité
(anti-sélection et aléa moral) et le nombre peu élevé des contrats.
Il faut noter que les capitaux propres de l’entreprise d’assurance, complétés par
éventuellement par les contrats de réassurance, devraient pouvoir couvrir les variations
aléatoires autour du risque moyen.

B. Les risques financiers

Ces risques sont engendrés soit par les fluctuations des valeurs des placements figurant à
l’actif du bilan d’une entreprise d’assurance soit par les options offertes aux assurés.
1. Fluctuations des valeurs de placement
Après avoir collectées les primes, les entreprises d’assurance les investissent dans des
portefeuilles d’obligations et d’actions, dans des investissements immobiliers, des placements
de trésorerie (dépôts, titres de créances négociables) et dans des créances sur des assurés
(prêts). Les trois premières composantes sont à la fois les plus importantes et les plus
volatiles.
Le risque lié aux actions est celui de la baisse généralisée des cours boursiers tels que le
NASDAQ et le CAC 40 entre 2000 et 2003. Egalement, le risque associé aux obligations est
celui de la baisse des obligations causée principalement par la hausse du taux d’intérêt. Apres
avoir enregistré une baisse tendancielle sur plusieurs années, les taux d’intérêt ont brutalement
augmenté en 1994 provoquant ce qu’il a été convenu d’appeler le « mini-krach obligataire ».
Le risque lié à l’immobilier est celui d’une baisse prolongée des valeurs immobilières comme
cela a été en France entre 1990 et 1997.
On considère parfois le risque financier comme plus important que le risque technique. En
théorie et grâce à la loi forte des grands nombres, le risque technique est indéfiniment
diversifiable. La condition nécessaire et suffisante veut que le nombre d’assurés en
portefeuille tende vers l’infini, que les risques assurés aient une espérance et qu’ils soient
indépendants. Cette condition ne s’applique pas au risque financier qui est borné par le risque
de marché, il ne peut donc être indéfiniment diversifiable.
[Pour plus d’informations et des exemples à l’appui, voir Zajdenweber, D. (2006, p. 97)].
2. Options offertes aux assurés
Dans les assurances-vie, la composante épargne du contrat constitue sa valeur intrinsèque.
Ainsi, l’option de rachat s’offre à l’assuré qui désire rompre le contrat. Mais, l’assurance ne
peut ne pas contraindre l’assuré à racheter son contrat ; à condition que ce dernier ne paie plus
les primes. Toutefois, l’épargne reste acquise à l’assuré.

44
Le contrat d’assurance-vie est un contrat d’option dans la mesure où il existe :
 une asymétrie entre l’assureur et l’assuré,
 une valeur de rachat équivalente à la valeur intrinsèque.
Cette option de rachat est une option explicite. Les assureurs ont l’obligation de fournir la
valeur de rachat à tout moment et à la demande de l’assuré. Afin qu’il puisse se décider en
connaissance de cause.
L’option implicite ou option cachée est contenue dans la clause de rentabilité, garantie aux
assurés.
En conclusion, le risque financier est un risque à multiples facettes : il dépend de facteurs
macroéconomiques (les tendances de la bourse, le taux d’intérêt) et de facteurs
microéconomiques (la qualité de la gestion de leurs placements, les comportements
opportunistes de leurs assurés).

C. Les risques commerciaux et cycle des primes

Le secteur de l’assurance dispose des mêmes caractéristiques que tout autre secteur
économique. Le secteur est devenu à ce jour très concurrentiel notamment en Europe où on
assiste à la disparition des monopoles publics et où l’entente sur les primes est rigoureusement
interdite. Ces entreprises sont soumises aux mêmes risques commerciaux que les autres
entreprises. Elles doivent rechercher une nouvelle clientèle (qui pourrait même être celle des
entreprises concurrentes en proposant des tarifs plus avantageux) et maintenir sa clientèle
habituelle (celles-ci sont libres à échéance, de renouveler les contrats d’assurance ou de
changer d’assureur (possibilité de rachat des assurances par les assurés)) tout en facturant des
primes compatibles avec les risques qu’elles prennent. Ces primes sont ainsi déterminées par
le libre jeu de l’offre et de la demande.

D. Les risques opérationnels

Les risques opérationnels regroupent l’ensemble des erreurs et des dysfonctionnements divers
qui peuvent subvenir dans la chaine complexe de traitement et d’exécution des contrats
d’assurance, depuis la souscription d’un contrat jusqu’à son échéance ultime. Celle-ci peut
subvenir plusieurs années après.
Parmi les risques opérationnels, on distingue :
 Les oublis dans le traitement ou l’exécution du contrat pour une raison ou une autre.
 Une information insuffisante : la loi oblige l’assureur à informer l’assuré sur ses
droits.

45
 L’utilisation illicite de l’assurance : Il s’agit d’opération de « blanchiment » qui
consiste à donner une apparence légale à des capitaux provenant de trafics illicites
(drogue, armes, banditisme). La technique utilisée pour « blanchir » des capitaux
« sales » consiste par exemple à souscrire plusieurs contrats d’assurance-vie, auprès de
plusieurs assureurs, en utilisant des prête-noms.

E. Les risques juridiques et jurisprudentiels

Les fondements juridiques de l’assurance reposent sur la distinction nette entre ce qui est
assurable et ce qui ne l’est pas, les délimitations des responsabilités, les droits et les devoirs
des assurés et des assureurs, les modes de calcul des indemnisations, la fiscalité des contrats,
etc. Ceux-ci sont régis par des lois et règlements variables d’un pays à un autre ou d’un Etats
à un autre dans une même fédération.

F. Le risque de crédit

Ce risque n’est pas assez élevé pour les entreprises d’assurance dans la mesure où les prêts ne
sont pas leur principale fonction. En effet, même si les assurances prêtent parfois les montants
épargnés par leurs assurés à d’autres individus, elles ne sont pas exposées de façon directe au
risque de crédit sur ces créances. Les principales créances exposées au risque de non-
paiement ou de retards de paiement sont des créances sur d’autres entreprises d’assurances.
Ces créances peuvent revêtir soit la forme de créances nées à l’occasion d’un pool associant
plusieurs assureurs se partageant les risques d’un contrat (cas de la coassurance avec
l’apériteur), soit la forme de contrats de réassurance où les cédantes sont créancières des
indemnisations des réassureurs. Dans le premier cas, le risque peut etre dû à l’insolvabilité de
certains des assureurs du pool ; et dans le second cas, à l’insolvabilité du réassureur.
Cette insolvabilité de l’un ou de l’autre dénote de l’importance de la notation effectuée par les
agences de notation (exemple : Standards and Poors, Woodys). Cette notation révèle au
marché la capacité des assureurs et des réassureurs à honorer leurs dettes.

46
Chapitre 4 : MUTUALISATION DES RISQUES ET
DIVERSIFICATION PAR LES MARCHES FINANCIERS
Le principe d’assurance date des temps ancestraux. Déjà à près de 1400 ans avant Jésus-
Christ, il existait des fonds d’indemnisation des tailleurs de pierre. Au Moyen-âge, cela s’est
propagé aux artisans. De nos jours, ce sont carrément toutes les catégories sociales qui sont
couvertes. On parle désormais de Mutuelles des étudiants, des enseignants, des fonctionnaires,
des agriculteurs, des agents de santé, etc.
L’idée de cette assurance est de mettre des risques similaires dans un même panier et de
redistribuer le risque agrégé. Cette démarche permet d’abaisser le risque individuel final.

Section 1 : Cas des risques indépendants

Considérons deux agents A et B qui supportent chacun un risque de perdre 2,5 millions de F
CFA avec une probabilité égale à 0,2. Faisons l’hypothèse que les deux risques sont
indépendants c’est-à-dire que le fait que A perde est indépendant du fait que B perde.
 Si chacun garde son risque individuel, alors leur coût attendu (ou espéré) pour chacun
s’élève à :
2,5 M∗0.2=0.5 M FCFA .
Et l’écart-type prend la valeur suivante :
1

[ 0.80∗( 0−0.5 M ) +0.2 ¿ ( 2.5 M −0.5 M ) ] =1 M FCFA .


2 2 2

 Si les deux individus rassemblent leur risque et décident de prendre en charge chacun
la moitié du risque agrégé :
X =( 0 , 2.5 M , 5 M ; 0.64 , 0,32 , 0,04 ) .
Le coût attendu ou espéré pour chacun se chiffre à :
2.5 M∗0.2=0.5 M FCFA (ce montant reste inchangé).
Quant à l’écart-type, il s’élève désormais à : 0,707 euros
L’analyse de ces deux situations conduit à tirer certaines conclusions :
 Le coût attendu pour chacun est resté le même dans les deux situations, mais la
variance de leur risque individuel final a diminué.
 La distribution des probabilités a changé : elle est moins étalée ce qui confirme le fait
qu’il y a moins de poids sur les extrémités et plus de poids autour de la moyenne.
En reprenant cet exercice avec plus de deux personnes, on constatera que la variance baisse et
que le coût attendu reste intact. La distribution sera moins étalée et les probabilités des

47
évènements extrêmes continuent à diminuer. En effet, lorsque le nombre d’agents tend vers
l’infini, la variance individuelle tend vers zéro. Ce résultat s’explique par la loi des grands
nombres :

(| | )
N

∑ xi
i=1
lim Prob −μ > ε =0
N→∞ N

Lorsque le nombre d’agents tend vers l’infini, la distribution des risques individuels tend vers
une distribution normale.
Voir Théorème central limite.

Section 2 : Cas des risques corrélés

Les risques de deux agents A et B sont supposés positivement corrélés si l’un d’entre eux
(agent A ou agent B) subit une perte, les chances que l’autre en subisse également une
augmentent.
On constate que les probabilités des états de la nature concernant l’agent A ne sont pas
indépendantes des probabilités de l’agent B (et vice versa).
La corrélation est parfaite si, lorsque l’agent A subit une perte, l’agent B en subit une avec
certitude. Dans ce cas, on est en présence d’une probabilité conditionnelle égale à 1.
Deux risques sont corrélés négativement si, lorsque l’un prend une valeur à la hausse, les
chances que l’autre prenne une valeur à la baisse augmente par rapport à la probabilité non
conditionnelle.
Exemples
Avec les risques de catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations, ouragans, …),
on constate que les risques des agents d’une même zone géographique sont corrélés
positivement entre eux. C’est pareil pour le risque d’épidémie et le risque d’inflation.
Lorsque les risques sont (imparfaitement) corrélés entre eux, la mutualisation est toujours
possible mais elle devient moins efficace.
Dans ce cas, la variance des risques individuels diminue moins

Section 3 : La diversification par les marchés financiers

Lorsque les risques sont « trop » grands pour un assureur classique (parce que corrélés
positivement), alors ce dernier cherche des couvertures sur les marchés financiers. C’est en
cela, que l’on a fini par obtenir des marchés intégrés mondialement. Ces marchés se
caractérisent ainsi par :

48
 La possibilité de répartir les risques sur une très grande population.
 La possibilité de construire des dérivés financiers adaptés aux risques que l’on
souhaite couvrir (on arrive ainsi à se tailler des actifs sur mesure).
Pour expliquer cette diversification par les marchés financiers, nous allons recourir à deux
exemples :
 Le premier est celui d’une entreprise cherchant à couvrir le risque d’augmentation du
prix du pétrole, matière première qui entre dans son processus de production.
 Le second est celui d’un agriculteur qui cherche à se couvrir contre le risque de
sécheresse.

A. La couverture d’un risque-prix par l’achat d’une option

Considérons une entreprise ivoirienne fictive dénommée « TADJI » dont le profit baisse
lorsque le prix du pétrole augmente. Nous faisons donc l’hypothèse d’une relation linéaire
négative entre son profit et le prix du pétrole. L’Entreprise « TADJI » se doit de gérer des
profits qui varient aléatoirement autour d’une moyenne. Aussi, est-elle incapable de transférer
tout le surcoût sur les prix de vente proposés aux consommateurs.

Profits de l’entreprise
« TADJI » sur 6 mois
en FCFA

1,25 M
Diagramme d’exposition
1M
0,75 M

Prix possibles du pétrole


275 300 325 (milliers de FCFA/baril)

Pour une telle entreprise, réduire le risque revient à aplanir la droite d’exposition. Ainsi, si
nous supposons que « TADJI » ne veuille pas subir les hausses du prix du pétrole au-delà de
300 mille FCFA par baril sur les 6 prochains mois. Dans ce cas, elle a la possibilité de se faire
assurer par une autre entreprise (« DJIGUIYA ») prête à la compenser en cas de hausse de
prix supérieur à 300 mille francs moyennant le paiement d’une prime au moment de la vente
d’un tel contrat (prix contrat).
Supposons que le contrat signé à la date t entre « TADJI » et « DJIGUIYA » contienne les
clauses suivantes :
49
 Si le prix du pétrole dans 6 mois > 300.000 FCFA alors « DJIGUIYA » paie à
« TADJI » : Montant =( prix t +6 mois −300.000 )∗25000000
 Si le prix du pétrole dans 6 mois ≤ 300.000 FCFA, alors « DJIGUIYA » ne paie rien.
 Le prix du contrat payé par « TADJI » à « DJIGUIYA » à la date t est de 10000000
FCFA.

Profit net de
« TADJI »

1,15 M

0,90 M

Prix possibles du pétrole


275 300 325 (milliers de FCFA/baril)
Profit de
« DJIGUIYA »

10000000 FCFA

325
Prix possibles du pétrole
275 300 (milliers de FCFA/baril)

Ce contrat est une option d’achat (call) achetée par « TADJI » et vendue par « DJIGUIYA ».
Avec ce contrat, le détenteur d’une option d’achat a le droit (mais pas l’obligation) d’acheter
le titre support à un prix prédéterminé au moment de la signature du contrat.
Ici, on attend par « actif support » le prix du pétrole. Ce prix est déterminé en t. C’est le prix
auquel il est acheté en (t +6) mois si la compagnie « TADJI » exerce son option = 300.000
FCFA (le prix d’exercice est encore appelé « strike price »). Plusieurs observations sont
réalisées :

50
 Le détenteur d’une option d’achat voit ses pertes limitées (ici à 25 000 000 FCFA si le
prix du pétrole au moment de la signature du contrat est à 275.000 FCFA)
 Le vendeur d’une option d’achat voit ses gains limités au prix de vente de l’option (ici
10 000 000 FCFA), mais ses pertes peuvent être illimitées.
En général, les vendeurs sur un marché sont des acheteurs sur un autre marché par le simple
jeu des opérations de couverture.
Les options de vente seront plutôt utilisées par une compagnie qui cherche à se prémunir du
risque de chute du prix du pétrole (c’est l’exemple des compagnies pétrolières).

B. La couverture du risque climatique supporté par les agriculteurs

Depuis quelques années maintenant aux USA, la couverture du risque climatique en


agriculture est en vogue. Dans ce pays, il existe un marché de gré à gré sur lequel s’échangent
des produits dérivés basés sur les variations climatiques. Ces produits concernent aussi bien
les secteurs énergétiques, le tourisme et l’agroalimentaire que la couverture de catastrophes
naturelles.
Le fonctionnement de ces produits repose sur plusieurs indices. Parmi ceux-ci, on a :
 HDD (Heating Degree Day) : nombre de degrés inférieurs à une température de
référence.
 CDD (Cooling Degree Day) : nombre de degrés supérieurs à une température de
référence
 GDD (Growing Degree Day) : cet indice représente un surplus mensuel de chaleur, sur
une zone géographique, calculé par rapport à l’apport minimum nécessaire au
développement physiologique de la plante.
Il est donc possible pour un agriculteur de se prémunir contre le risque climatique en
cherchant à assurer son risque de rendement agricole. Plusieurs possibilités s’offrent à
lui sur le marché financier du GDD.

1. Achat d’un swap de GDD (contrat d’échange) sur la base de l’indice GDD (côté à 100
par hyp dans notre exemple).
L’agriculteur négocie la valeur du point sur le marché en fonction de son besoin en assurance.
Par exemple : 1 point = 10000 FCFA
Les caractéristiques du contrat passé entre l’agriculteur et le vendeur du swap sont les
suivantes :
 Si année mauvaise avec un GDD<100 , l’agriculteur reçoit
( 100 – GDD observé )∗10000

51
 Si bonne année, avec un GDD ≥100 , l’agriculteur verse au vendeur du swap
(GDD observé – 100)∗10000
Remarque : L’agriculteur équilibre ses pertes (gains) sur le marché physique par des gains
(pertes) sur le marché financier grâce au swap de GDD.

2. Achat d’un put de GDD

Comme exemple, considérons un agriculteur qui achète une option de vente (put) de GDD à
une société de produits dérivés climatiques. Par hypothèse, nous retiendrons que la valeur
d’exercice est : GDD = 100 points et que le prix d’achat de l’option de vente s’élève à : 1 500
Euros.
Le contrat passé entre l’agriculteur et le vendeur du put stipule que
 Prix du point GDD : 1 000 Euros (hyp.)
 Si GDD >100 points, l’option ne prend pas de valeur intrinsèque
 Si GDD<100 à la date de maturité de l’option l’agriculteur exerce son option et touche
(100 – GDD observé )∗1 000
Conclusions
A partir d’indices climatiques existants, il est possible de construire plusieurs types de
produits dérivés qui permettent de gérer des risques liés au climat. Ainsi, on pourra en
fonction des objectifs visés inventés le produit adéquat.
Toutefois, il faudra retenir que l’efficacité de tels contrats dépend de la bonne corrélation
entre la cause climatique et l’effet agronomique (effet possible sur la production agricole).
Pour que le système reste simple (et crédible si possible), il faut qu’il y ait indépendance entre
les différents indices climatiques et consensus sur la manière d’évaluer les gains et les pertes.

52
Chapitre 5 : ASSURANCE ET ASYMETRIES D’INFORMATION
S’il y a un phénomène qui est bien connu par les praticiens de l’assurance depuis ses origines,
c’est bien celui de l’asymétrie d’information. L’identification de ce phénomène par les
économistes est certes bien récente ; mais cependant, elle a permis de réelles avancées dans la
compréhension du fonctionnement des marchés de l’assurance.

Section 0 : Aléa moral versus Antisélection

L’aléa moral (ou aléa de moralité) a trait à l’influence du contrat d’assurance sur le
comportement de l’assuré alors que l’antisélection (ou sélection adverse) survient lorsque
l’assureur ne peut distinguer le degré d’exposition au risque des assurés, alors même que ce
degré diffère d’un assuré à l’autre.

5.0.1. Aléa de moralité

Lorsqu’un agent économique est assuré, son comportement de « gestion du risque » est
évidemment influencé par la couverture d’assurance et il peut en résulter un accroissement de
l’exposition au risque. En effet, l’individu se prémunit contre le risque en investissant
simultanément dans l’assurance et la prévention ; une couverture d’assurance trop généreuse
peut alors rendre la prévention inutile aux yeux de l’assuré, et le contrat d’assurance a pour
effet d’accroître l’exposition au risque.

5.0.2. Antisélection

Dans le cas de l’antisélection, l’assureur, confronté à des individus hétérogènes, se trouve


dans l’incapacité de distinguer les individus selon leur degré de risque et il lui est impossible,
à priori, d’adapter la tarification d’assurance aux caractéristiques individuelles de risque. Il
s’ensuit des dysfonctionnements de l’assurance puisque des individus hétérogènes se trouvent
confrontés à la tarification uniforme (même prime, même indemnisation d’assurance) d’un
assureur qui ne dispose pas de suffisamment d’informations pour réaliser une adéquation
entre les termes du contrat et les risques individuels.
Cette approche économique fondée sur l’asymétrie d’information a été initialement abordée,
en économie de l’assurance, par deux articles fondateurs, l’article d’Arrow (1963)5 et celui de
Rothschild et Stiglitz (1976).

5
Cet article de ce prix Nobel est considéré comme le principal article fondateur de l’économie de la santé.

53
Section 1 : Assurance optimale et Asymétrie d’information

Cette section vise dans un premier temps à faire ressortir les principales caractéristiques de
l’assurance optimale et dans un second temps à présenter les principaux résultats de Arrow
permettant de distinguer l’aléa moral de l’antisélection.

5.1.1. Partage de risque optimal

Arrow (1963) caractérise le partage de risque optimal entre l’assureur et l’assuré. Pour ce
faire, il procède de la façon suivante.
Il suppose qu’un contrat d’assurance se caractérise par la fonction d’indemnisation I (x) qui
décrit l’indemnité d’assurance en fonction du niveau de perte x . Ensuite, il caractérise le
risque de l’assuré à l’aide d’une variable aléatoire ~
x , de fonction de densité f (x), dont les
réalisations sont comprises entre 0 (absence de sinistre) et L (destruction complète du bien). Il
représente graphiquement cette fonction d’indemnisation dans le plan (x , I (x)).
Les résultats d’Arrow dépendent de l’aversion au risque de l’assuré, et de la présence ou non
de coûts administratifs voire de l’aversion au risque de l’assureur.
En effet, en l’absence de coûts liés au niveau d’indemnisation (absence de frais de gestion
proportionnels à I ( x)), il est optimal pour un assuré qui présente de l’aversion au risque de
transférer la totalité du risque à l’assureur dès lors que ce dernier est neutre au risque :

I(x)

45°
0 L x

Figure 1
Dans ce premier cas, l’assuré obtient une couverture complète d’assurance (qui correspond,
graphiquement, à la droite à 45° de la Figure 1 ci-dessus). Ce résultat est intuitif : comme le

54
transfert de risque n’est pas coûteux, il est optimal de transférer tout le risque d’un agent qui
présente de l’aversion au risque, l’assuré, vers un agent qui est neutre au risque, l’assureur.
En présence de frais de chargement (c’est-à-dire de coûts d’assurance proportionnels à
l’indemnisation), il est optimal de recourir à un contrat de franchise. L’intuition d’Arrow est
très pertinente puisqu’il présente son résultat comme l’optimalité d’une couverture complète
au-delà d’une franchise, ce qui traduit bien le fait que l’assuré effectue un arbitrage entre son
désir de certitude (donc de couverture complète) et le fait que le transfert de risque est
coûteux. La solution de cet arbitrage consiste à s’assurer complètement à partir d’un certain
seuil. En deçà d’un montant F (la franchise), les pertes ne sont pas couvertes ; au-delà de F,
toute quantité de risque supplémentaire est couverte à 100% :

I(x)

45° 45°
0
F L x

Figure 2
Le contrat de franchise est représenté en trait gras sur la Figure 2. Il traduit bien l’arbitrage
d’un assuré, qui présente de l’aversion au risque, et qui opte pour la certitude (assurance
complète) au-delà d’une franchise, renonçant par la même occasion à la couverture des petits
sinistres.
Le dernier cas de figure examiné par Arrow (1963) est celui pour lequel l’assureur est
confronté à des frais de chargement et présente, lui aussi, de l’aversion pour le risque. Dans ce
dernier cas, le contrat optimal prend la forme d’une co-assurance (partage proportionnel du
risque entre l’assuré et l’assureur) au-delà d’une franchise F :

55
I(x)

45°

0
F L x
Figure 3
Comme précédemment, l’assuré trouve optimal de s’assurer à partir d’un certain seuil F mais
l’assureur présente aussi de l’aversion au risque et réclame un partage de risque au-delà de la
franchise car il n’est plus prêt à supporter un transfert à 100% du risque au-delà de F.

5.1.2. Aléa moral et antisélection

Ayant précisé les conditions d’efficience de la couverture d’assurance, Arrow (1963) souligne
les problèmes rencontrés par l’assurance-santé. Son argumentation relève d’une justification
de l’intervention de l’Etat, puisqu’il est socialement efficient de recourir à l’assurance,
lorsque le marché d’assurance est en échec. Selon lui, « le gouvernement devrait se charger
de fournir une assurance dans les domaines où le marché, quelle qu’en soit la raison, n’a pas
répondu à l’appel ».
Il précise notamment l’impact de l’aléa moral qu’il conçoit comme « un effet de l’assurance
sur les motivations ». Il relève que dans le cas de l’assurance, il faut « faire en sorte que
l’évènement contre lequel l’individu s’assure ne soit plus de son ressort ». En d’autres termes,
l’idéal serait que le risque soit purement aléatoire alors que ce n’est généralement pas le cas
dans la réalité. Arrow illustre son propos en faisant prévaloir qu’en assurance-santé, le coût
des soins n’est pas simplement déterminé par la pathologie de l’individu, mais dépend du
médecin choisi et du comportement du patient plus ou moins enclin à recourir aux services
médicaux. On entrevoit même, dans la contribution d’Arrow, la possibilité d’un aléa moral lié
à la position d’expertise du médecin qui peut faire prévaloir ses connaissances scientifiques et

56
l’information privilégiée dont il dispose afin de prescrire avec une relative marge de
manœuvre.
Sa contribution, en matière d’antisélection, est moins connue. Pourtant, son article apporte
également un éclairage limpide de cette imperfection de l’information. En effet, Arrow (1963)
déclare que « l’assurance nécessite, pour avoir un effet social pleinement bénéfique, une
discrimination des risques qui soit la plus grande possible ». Il argumente ainsi, dans le cas
de l’assurance-maladie, que les individus ayant une plus forte probabilité de maladie devraient
payer des primes d’assurance plus élevées, alors que dans les faits, on observe souvent une
tendance à l’égalisation des primes. Ceci dénote l’incapacité des assureurs à adapter les
niveaux de prime d’assurance aux degrés de risque hétérogènes des assurés. Arrow fait
notamment prévaloir que cette tarification imparfaite peut engendrer « une sélection adverse
défavorable des risques », les contrats qui ne discriminent pas suffisamment étant susceptibles
d’attirer principalement les mauvais risques présents sur le marché.
Cette contribution majeure d’Arrow (1963) permet une claire identification des deux concepts
clés de l’économie de l’information : l’aléa moral et l’antisélection.

Section 2 : Modèle de Rothschild et Stiglitz (1976) (ou Anti-sélection et Equilibre)

5.2.1. Un modèle d’équilibre en présence d’antisélection

Pour une meilleure compréhension du fonctionnement des marchés d’assurance, Rothschild et


Stiglitz (1976) tentent de modéliser l’antisélection. Leur résultat majeur met en évidence la
possibilité de mettre en place des mécanismes de sélection des risques même si l’on ne
connaît pas, a priori, le degré de risque de chaque individu.
Les hypothèses de leur modèle rep²osent essentiellement sur l’hétérogénéité de la population
(plusieurs types d’assurés) et l’asymétrie d’information.
Dans ce modèle, les assureurs sont confrontés à deux types d’assurés, « les hauts risques » et
« les bas risques ».
La situation initiale de chaque assuré se caractérise par une richesse initiale W 0 identique, ainsi
que par des préférences identiques [matérialisées par une même fonction d’utilité de la
richesse U (W ), strictement concave (U ’ (W )> 0 ,U ’ ’ (W )<0) ¿. La perte potentielle, x , est la
même pour chacun mais la probabilité de perte d’un assuré à haut risque est supérieure à celle
d’un assuré à bas risque : q H > q B . Les individus à haut risque sont en proportion ν dans la
population totale des assurés (0< ν <1) et les individus à bas risque sont en proportion (1−ν ),
de sorte que la probabilité moyenne de sinistre est égale à : q=v q H +(1−v)q B.

57
En raison de l’asymétrie d’information, l’assureur se trouve dans l’incapacité de déterminer le
type de risque de chacun (chaque individu connaît mieux que tout autre son degré de risque).
Il est évident que le haut risque devrait payer plus cher, à couverture d’assurance donnée, que
le bas risque, ce que l’assureur ne peut réaliser a priori.
Rothschild et Stiglitz se focalisent sur l’étude d’un marché d’assurance concurrentiel
caractérisé par une hypothèse de fonctionnement (qu’on pourrait considérer comme extrême

ou forte) : la libre-entrée des assureurs concurrents jusqu’à épuisement total des opportunités
de profits. Corrélativement, les compagnies d’assurance concurrentielles sont incitées à
maximiser le bien-être des assurés afin de les conserver comme clients. Ainsi, à l’équilibre
concurrentiel, les compagnies d’assurance ne font pas de profit (ou plus exactement, les
contrats d’assurance offerts sont à espérance de profit nulle). Dès lors, et en négligeant les
coûts de transactions, il est possible d’en déduire que les prix d’assurance, s’il existe un
équilibre économique, sont nécessairement actuariels.
Sur la Figure 4, les opportunités d’assurance à prix actuariel sont décrites respectivement par
les droites DH ¿ et DB ¿ pour les hauts risques et les bas risques. La richesse W 1 , mesurée sur
l’axe des abscisses, correspond à la richesse finale atteinte lorsque l’individu ne subit pas de
sinistre tandis que la richesse W 2 , mesurée sur l’axe des ordonnées, correspond à la richesse
finale atteinte lorsque l’individu subit un sinistre 6. La droite à 45° relie toutes les situations de
certitude générant le même niveau de richesse, que le sinistre survienne ou pas. On remarque
bien, sur la Figure 4, attendu que le contrat d’assurance permet d’échanger de la richesse W 1

contre de la richesse W 2 afin d’égaliser les niveaux de richesse selon les circonstances

possibles, que les termes d’échange actuariel sont plus favorables pour les individus à bas
risque que pour les individus à haut risque (ces derniers doivent sacrifier davantage de
richesse W 1 afin d’obtenir un surcroît donné de richesse W 2, comme le montre la comparaison
des droites DB ¿ et DH ¿).
Ainsi, si l’information est parfaitement symétrique, puisque le prix concurrentiel doit être
actuariel à l’équilibre, chaque assuré préfère obtenir une couverture complète. Dans ce cas,
l’équilibre concurrentiel se caractérise, pour le haut risque, par l’obtention de l’allocation de
richesse H* et, pour le bas risque, par l’obtention de l’allocation de richesse B*. Comme le
montre la Figure 4, et dans le cas de l’assuré à haut risque, le point H* correspond au
maximum de bien-être compatible avec la fourniture d’une assurance actuarielle située sur

6
Formellement, W 1=W 0−P et W 2=W 0−P−x+ I , où P et I représentent respectivement la prime de
l’indemnité d’assurance

58
DH*. Le bien-être de l’individu de type H est matérialisé à l’aide de la courbe d’indifférence
V ( q , H ), qui relie toutes les possibilités de richesse finale aléatoire (les couples ( W 1, W 2 ))
H ¿

générant le même niveau de satisfaction. Sur les graphiques présentés ci-après, les courbes
d’indifférence sont convexes par rapport à l’origine ce qui résulte du comportement
d’aversion au risque supposé, le fait que les courbes d’indifférence soient plus pentues pour
les bas risques résulte du fait que ces derniers ont une probabilité d’accident inférieure à celle
des hauts risques. Du point de vue de l’assuré H, on peut faire prévaloir que la problématique
revient à atteindre la courbe d’indifférence la plus élevée possible, compatible avec les
opportunités d’assurance, traduites par la droite d’assurance actuarielle DH*.

W2

B¿

F
¿
H

B'
V (qH , H ¿ )

W 0 −x V (qB , B' )
D

45 °
0 W0 W1

Figure 4 : la proportion des hauts risques dépasse le seuil théorique ( v> v ¿). Solution :
¿
l’équilibre séparateur ( H , B' ¿

Dès lors que l’information est asymétrique et que l’assureur ne sait plus distinguer, a priori,
les hauts risques des bas risques, la solution (H*, B*) n’est plus réalisable car les assurés à
haut risque sont attirés par le contrat B* destiné aux bas risques et que ce contrat devient
déficitaire lorsqu’il est acheté par des individus à haut risque.
Pour étudier le nouvel équilibre susceptible de découler d’une telle situation d’asymétrie
d’information, on peut aborder le problème en relevant qu’il se présente deux possibilités
logiques : soit les assureurs offrent des contrats spécialisés par type d’individu (on parle alors
d’équilibre séparateur, le cas échéant), soit ils n’offrent qu’un seul contrat d’assurance (dans

59
ce cas, il est question d’équilibre de « pooling »). Ces deux possibilités logiques ont été
explorées par Rothschild et Stiglitz (1976) qui sont parvenus à un résultat limpide :
 Lorsque la proportion de hauts risques (ν) dépasse un certain seuil théorique ν*, un
équilibre séparateur s’impose (couple de contrats (H*, B’) sur la figure 4) ;
 Lorsque la proportion de haut hauts risques (ν) reste en deçà du seuil théorique ν*,
l’équilibre n’existe pas (situation représentée sur la Figure 5).
Graphiquement (cf. Figures 4 et 5), les droites DH* et DB* représentent les possibilités
d’assurance à prix actuariel pour les hauts risques et les bas risques respectivement, tandis que
la droite DF matérialise les possibilités d’assurance à prix actuariel moyen (c’est-à-dire
lorsque les deux types de population H et B, en proportions ν et (1−ν ), achètent
conjointement le même contrat d’assurance).
Lorsque la proportion de hauts risques est relativement forte (au-delà d’un certain seuil
théorique ν*), il est possible de mettre en place une sélection des risques en offrant d’une part,
un contrat d’assurance complète au prix actuariel des hauts risques (H*), et d’autre part, un
contrat d’assurance partielle au prix actuariel des bas risques (B’) (voir Figure 4).
En effet, rien ne s’oppose au fait que le type H obtienne une assurance complète (contrat H*)
puisque l’achat d’un tel contrat par un bas risque génèrerait des profits strictement positifs.
Par contre, du point de vue des assurés à bas risque, la présence des hauts risques constitue
une contrainte puisqu’il est impératif que le contrat destiné au bas risque ne soit pas attractif
pour les hauts risques (ce qui le rendrait déficitaire). La seule possibilité est alors d’offrir le
meilleur contrat pour le bas risque, compatible avec un prix actuariel (donc situé sur la droite
DB*) et dominé, en termes de bien-être et du point de vue de l’agent H (donc situé en dessous
ou à la limite sur la courbe d’indifférence du haut risque passant par H*, V(q H, H*)). La
solution plausible désigne alors le contrat B’.
Le couple de contrats (H*, B’) constitue alors un équilibre concurrentiel car le bien-être de
chaque assuré est maximisé, compte tenu du fait que les profits espérés ne doivent pas être
négatifs, et compte tenu d’une contrainte d’auto-sélection (selon laquelle le contrat d’un type
de risque donné ne doit pas attirer l’autre type de risque). Comme la proportion d’individus à
haut risque est forte, les contrats de pooling (situés sur DF) ne s’avèrent guère attractifs 4 et ne
sont pas à même de déstabiliser l’équilibre séparateur (H*, B’).
Lorsque la proportion de hauts risques est relativement faible (en-deçà du seuil théorique
ν*), il est impossible d’obtenir un équilibre concurrentiel ce qui montre que l’antisélection
peut avoir un impact très négatif sur le fonctionnement du marché d’assurance,
compromettant jusqu’à son existence. En effet, dans ce cas, le couple de contrats séparateurs
60
(H*, B’) ne peut plus constituer un équilibre car lorsqu’ils sont offerts, il existe une infinité
d’offres permettant d’attirer simultanément les bas risques et les hauts risques en leur offrant
davantage de satisfaction (c’est le cas, par exemple, du contrat HB de la figure 5, qui se
trouve situé sur des courbes d’indifférence plus élevées que celles atteintes avec (H*, B’), (cf.
les courbes d’indifférenceV ( q H , HB ) et V ( q B , HB )

W2
B'
F
HB
¿A
¿
V (qH , HB)
H
V ¿) )

B'
V ¿)

V ¿)
D

45 °
0 W1

¿
Figure 5 : la proportion des hauts risques est en deçà du seuil théorique ( v< v ¿. Inexistence
de l’équilibre.

L’exploration de la seconde possibilité logique – un équilibre de pooling situé sur DF – ne


débouche pas non plus sur la mise à jour d’un équilibre. En effet, si un équilibre de pooling
existe, les compagnies d’assurance seront incitées à offrir, en tant que contrat de pooling, le
meilleur contrat d’assurance pour les bas risques situé sur la droite DF, à savoir le contrat HB.
Le fait que HB soit le seul candidat à l’équilibre de pooling s’explique par le fait que les
contrats de pooling sont à espérance de profit négative lorsqu’ils sont achetés par les hauts
risques, mais à espérance de profit positive lorsqu’ils sont achetés par les bas risques. Ainsi, il
est absolument impératif pour les compagnies d’assurance, dès lors qu’elles offrent des
contrats de pooling, d’attirer les « bons risques de type B » en leur offrant la meilleure
solution de pooling (contrat HB). Malheureusement, cette solution n’est pas viable puisqu’elle
serait instantanément éliminée par une offre contractuelle écrémant la bonne clientèle du

61
contrat HB (cf. le contrat A de la figure 5 qui est profitable puisqu’il attire les bas risques, qui
préfèrent A à HB, ce qui n’est pas le cas pour les hauts risques, qui préfèrent HB à A).
Ainsi, lorsque la proportion de hauts risques est relativement faible, les deux possibilités
logiques – contrats séparateurs et contrat de « pooling » - ne peuvent déboucher sur un
équilibre puisqu’il existe, dans chaque cas de figure, des possibilités contractuelles permettant
d’éliminer l’éventuel candidat à un équilibre de marché.

5.2.2. Interprétation économique

Le travail de Rothschild et Stiglitz (1976) a incontestablement constitué une rupture dans


l’analyse économique ne serait-ce que par l’accent mis sur le fait que « les offres de ventes, au
moins celles qui survivent au processus concurrentiel, ne spécifient pas un prix auquel les
consommateurs pourraient acheter toute quantité d’assurance désirée, mais indiquent à la
fois un prix et une quantité – soit une quantité particulière d’assurance que l’individu peut
acheter au prix qui est indiqué ». Ainsi, de manière générale, le fonctionnement d’un marché
concurrentiel ne se caractérise pas forcément par le fait que les consommateurs ont la liberté
d’acheter la quantité voulue à un prix unitaire donné. Dans le cas de l’assurance, et afin
d’opérer une sélection des risques, il peut être intéressant de spécifier dans le contrat
d’assurance, à la fois une quantité et un prix. C’est exactement ce qui est réalisé par
l’équilibre séparateur (H*, B’) de Rothschild et Stiglitz puisque les hauts risques paient plus
cher mais obtiennent une couverture d’assurance complète, alors que le prix par unité
d’assurance est moindre pour des bas risques qui n’obtiennent qu’une couverture d’assurance
partielle.
Un point particulièrement important tient à l’interprétation qui peut être faite quant à cet
équilibre séparateur (H*, B’). En effet, ce résultat offre un bel argument pour justifier le rôle
économique des franchises d’assurance. Selon ce modèle, une franchise d’assurance est un
mécanisme de sélection des risques (ou plus exactement, un mécanisme d’auto-sélection car
les assurés se sélectionnent d’eux même) puisque c’est effectivement le caractère partiel du
contrat B’ qui incite les assurés de type H à opter pour une couverture complète mais à prix
unitaire plus élevé. Le résultat est intuitif : l’assuré à risque élevé nourrit davantage de
craintes vis-à-vis d’une franchise d’assurance parce que sa fréquence d’accident est plus
importante ; l’assuré à bas risque est plus enclin à supporter le risque de remboursement
partiel lié à la franchise car sa fréquence de sinistre est moindre. Il est donc possible de jouer
sur cette « asymétrie » dans la crainte des franchises d’assurance pour compenser l’asymétrie
d’information initiale, inhérente au marché d’assurance.

62
Section 3 : L’approche économique des mécanismes d’assurance

De féconds débats scientifiques ont lieu dans la littérature économique sur l’assurance. Ces
derniers ont permis une meilleure compréhension d’un certain nombre de mécanismes de
sélection des risques en vigueur sur les marchés d’assurance. Sans être exhaustives, nous
tentons de présenter ci-dessous quelques éclairages sur la classification statistique des risques,
le mécanisme de bonus-malus ou encore la période probatoires, qui ont résulté des approches
initiés par Arrow (1963) et Rothschild et Stiglitz (1976). Les résultats de ces différents
modèles exposent des mécanismes permettant généralement d’améliorer le bien-être d’assurés
à bas risques, lorsque ces derniers sont confrontés à des assurés à haut risque.

5.3.1. La classification statistique des risques

Les compagnies d’assurance peuvent, sur la base d’indicateurs statistiques corrélés au risque
des individus, établir des catégories de population. Si l’information statistique utilisée est
pertinente, cette procédure aboutit à la constitution de différents groupes de clientèle pour
lesquels la proportion de hauts risques est différente. Une tarification adaptée aux
caractéristiques de chaque catégorie peut alors être mise en place.
Plusieurs contributions montrent que la classification statistique des risques permet
d’améliorer la sélection des risques lors de la souscription du contrat d’assurance et que cela
contribue à diminuer l’intensité de l’antisélection. Un auteur comme Hoy (1982) montre
d’ailleurs sous certaines conditions que la classification statistique aboutit à la constitution de
groupes de moindres risques qui peuvent obtenir de meilleures conditions d’assurance, cela,
sans que les assurés des autres catégories ne soient pénalisés. Différents débats s’en sont
suivis, avec notamment la volonté d’appréhender les conséquences, en termes de bien-être, de
la classification des risques.

5.3.2. Le mécanisme de bonus-malus

Le bonus-malus a également pu être appréhendé selon une approche économique fondée sur
l’asymétrie d’information. En effet, ce mécanisme, qui permet d’ajuster les paramètres des
contrats d’assurance à l’expérience des assurés, observées au cours des périodes précédentes,
se justifie à la fois parce qu’il permet de réduire l’aléa moral et parce qu’il améliore la
classification des risques.
Ainsi, Cooper et Hayes (1987), généralisant le modèle de Rothschild et Stiglitz (1976) à un
cadre multi-périodique, montrent qu’il est possible d’améliorer le bien-être des agents à bas
risque confrontés à un contexte d’antisélection, en instaurant une tarification tenant compte de

63
l’expérience passée. Ainsi, une tarification de type bonus-malus permet d’atténuer les effets
de la sélection adverse.

5.3.3. La période probatoire

Une période probatoire est une clause d’un contrat d’assurance selon laquelle la couverture
prend effet non pas à la signature du contrat mais au-delà d’un certain délai. Là encore, la
prise en compte de l’asymétrie d’information permet de comprendre l’intérêt d’un tel
mécanisme pour la sélection des risques.
Ainsi, Fluet (1991) montre que le fait de recourir à une période probatoire permet à l’assureur
d’obtenir une information supplémentaire quant à la vraisemblance d’avoir affaire à un haut
risque plutôt qu’à un bas risque. En effet, à l’instar de la franchise d’assurance, la période
probatoire, qui s’inscrit dans le temps, est plus insupportable pour le haut risque que pour le
bas risque. L’assureur peut alors jouer là-dessus puisque le haut risque serait prêt à payer plus
cher que le bas risque, afin d’éviter d’endurer cette période probatoire. En conséquence, dans
le cadre d’un marché d’assurance de type Rothschild et Stiglitz (1976), il est possible de
montrer que ce mécanisme de période probatoire permet d’améliorer la situation des bons
risques.

Section 4 : Politiques économiques de lutte contre « l’écrémage des risques »

5.4.1. La pratique de « l’écrémage des risques »


Récurrent dans le domaine de l’assurance-maladie, « l’écrémage des risques » est une
pratique qui consiste à assurer les personnes en bonne santé et à faibles risque (donc peu
coûteuses à assurer) et à refuser de le faire pour les personnes déjà malades ou dont on peut
supposer qu’elles présentent un risque élevé de maladie dans le futur (donc coûteuse à
assurer).
Cette forme de sélection en rajoute aux difficultés déjà présentes dans le secteur de
l’assurance-maladie notamment aux USA où une frange non négligeable de la population
n’est pas couverte par l’assurance-maladie.
5.4.2. Les reformes visant à lutter contre la pratique
Pour lutter contre « l’écrémage des risques », il est possible de conduire les reformes
règlementaire et/ou économique suivantes :
 La mise en place d’une loi interdisant aux compagnies le refus d’assurer des
personnes qui ont des antécédents c’est-à-dire qui ont eu des problèmes médicaux
dans le passé.

64
 Décider de la fixation d’un tarif commun c’est-à-dire d’un mode de fixation de tarifs
obligeant la compagnie d’assurance à demander la même prime indépendamment de
l’état de santé de l’âge ou du sexe de l’assuré.
 Le recours aux « mécanismes d’ajustement au risque » via une politique de taxation
ou subvention de la compagnie selon les risques de ses clients en matière de santé.
Ces mécanismes consistent à faire disparaitre l’intérêt potentiel d’une sélection des
meilleurs risques.
 L’uniformisation des dédommagements contractuels empêchent les compagnies
d’assurance d’attirer les groupes à faible risque en leur offrant des indemnités
avantageuses.
Ces réformes ne permettront pas de venir à bout du problème de sélection car elles ne peuvent
empêcher les compagnies d’assurance de choisir les meilleurs risques. En effet, une
compagnie peut s’installer au 5eme étage d’un immeuble sans ascenseur et obliger les clients
potentiels à venir souscrire personnellement. Elle peut également accorder des conditions
particulièrement attrayantes aux personnes jeunes et en bonne santé en leur proposant des
indemnités très généreuses pour les soins médicaux relatifs au sport par exemple. Une autre
limite de ces reformes est le caractère imparfait de ces réformes dont certaines nécessiteraient
une bureaucratie considérable et coûteuse pour leur élaboration, leur organisation et leur mise
en œuvre.

65
Troisième partie:
ANALYSE DE LA DEMANDE ET
DE L’OFFRE D’ASSURANCE
Chapitre 6 : LA DEMANDE D’ASSURANCE
Section 1 : Modèle d’assurance optimale à deux états

A. Hypothèses du modèle

Considérons un individu dont les caractéristiques sont les suivantes :


 Cet individu est risquophobe c’est dire que sa fonction d’utilité U(.) est strictement
concave (U ¿ ¿ ' ( . ) >0 ; U ' ' ( . )< 0) . ¿
 On considère que ce dernier fait face à un risque purement accidentel ;
 Cet individu est doté d’une richesse initiale W0 et il est confronté à une probabilité q (
0< q<1) de perdre un montant x
 Il est par ailleurs confronté à deux états aléatoires possibles : l’état favorable (W 1) et
l’état défavorable (W2), de probabilités respectives (1−q) et q ;
 L’individu a la possibilité de s’assurer : En échange d’une prime d’assurance P , il a la
possibilité d’obtenir une indemnité I en cas de sinistre ;

Revenu de l’individu
Etats Probabilit Situation de l’assureur
Sans assurance Avec assurance
é
W1 1−q W0 W 0 −P Recette : P
W2 q W 0 −x W 0 −P−x + I Dépense : I −P

 L’individu opère le choix de sa franchise d’assurance F , F ≤ x , en respectant l’égalité


suivante I =x – F .
 Mais, comme on suppose que l’assureur est en situation de certitude 7, alors pour
établir sa tarification, il se fonde sur l’espérance mathématique de coût de l’assuré (ou
la prime pure) : Pour F fixé, E ( I )=qI =q (x – F)
Une fois que la prime actuarielle (ou prime pure) est évaluée, la prime P est donnée par :

7
La loi des grands nombres s’applique pour lui.

66
P= (1+ λ ) E ( I )=( 1+ λ ) qI =(1+ λ) q ( x – F ) où λ> 0 représente le taux de chargement (frais de
gestion, réassurance, taxes, …)
Spécification du contrat d’assurance :
Prime : P=(1+ λ) q( x – F)
Indemnité : I =x – F
Remarque: p=(1+ λ)q=prix d ’ assurance; x – F=quantité d ’ assurance

B. Le problème de l’assuré

Si nous considérons que nous sommes face à un individu rationnel alors ce dernier va
maximiser son espérance d’utilité sous la contrainte du choix de son niveau de franchise F :
EU =(1 – q) U (W 1 )+ qU (W 2 )
EU =(1 – q) U (W 0 −P)+q U (W 0 – P – x + I)
EU =(1 – q) U (W 0 −(1+ λ)q ( x – F ))+qU (W 0 – (1+ λ)q (x – F) – x+ x – F )
EU =(1 – q) U (W 0 −p ( x – F ))+qU (W 0 – p( x – F) – F)
Dans ce cas, le problème qu’il devra résoudre se présente comme suit :
Max EU =( 1−q ) U ( W 0− p ( x−F ) ) +qU (W 0− p ( x−F ) −F)
La condition de premier ordre (CIO) donne :
∂ EU
= p ( 1−q ) U ' ( W 1) −( 1− p ) q U ' ( W 2 )=0
∂F
De cette équation, on établit l’égalité suivante :
p [ ( 1−q ) U ( W 1 ) + q U ( W 2) ]=q U ( W 2 )
' ' '

Cette dernière égalité stipule que le coût marginal d’une unité d’assurance supplémentaire est
égal au bénéfice marginal de cette unité.
La condition de second ordre (CIIO) s’exprime comme suit :
2
∂ EU 2 '' 2 '
2
= p ( 1−q ) U ( W 1 ) + ( 1− p ) q U ' ( W 2 ) <0
∂F
Pour déterminer l’optimum de l’assuré, nous devons considérer quatre situations possibles :
 Au cas où l’assurance est actuarielle (c’est-à-dire en absence de frais de chargement
λ=0 ), le prix de l’assurance est égal à la probabilité de réalisation du sinistre ( p=q ¿.
La CIO permet d’écrire :
U ' ( W 1 )=U ' ( W 2 ) ⇔W 1=W 2
Puisque l’utilité marginale est strictement décroissante. Par conséquent, F = 0 ; l’individu
choisit l’assurance complète.

67
Proposition 1 : Quand le taux de chargement est nul, le contrat d’assurance optimal pour un
individu présentant de l’aversion au risque, offre une couverture complète.
 Au cas où le chargement est strictement positif ( λ> 0 ¿ .
' '
La CIO devient alors : p ( 1−q ) U ( W 1 )=(1− p)qU ( W 2 ).
'
U (W 1) ( 1−p ) q
Le ratio des utilités marginales est égal à : '
=
U (W 2) p(1−q)

U ' (W 1)
Comme p>q et (1−q)>(1−p), il en résulte que : <1⇔ W 1 >W 2 du fait de la
U ' (W 2)
décroissance stricte de U '(W ).
Par conséquent, puisque W 1=W 0− p( x – F)et W 2=W 0− p(x – F) – F , la franchise
d’assurance est strictement positive : F> 0 ;
Proposition 2 : Quand le taux de chargement est strictement positif, l’assuré opte pour une
couverture d’assurance partielle. Dans ce cas, le contrat d’assurance complète
est sous optimal.
 Au cas où λ< 0, l’assurance est subventionnée. On constate donc que l’individu paie
un prix inférieur à son prix actuariel.
L’inégalité ci-dessus est renversée et l’on obtient F< 0 ; autrement dit l’individu se
sur-assure.
 Cas de la tarification d’assurance
Si la prime d’assurance se compose de la prime d’assurance actuarielle et d’un coût
fixe C (dans ce cas de figure, on aurait : P=q(x – F)+C ), deux possibilités se
présentent : soit l’individu souscrit à une assurance complète soit il renonce à s’assurer
(si C est prohibitif)
REMARQUE : Il est possible que la demande d’assurance d’un individu soit nulle. En effet,
de façon simultanée, si on a F=x et le coût marginal de la première unité d’assurance
supérieur à son bénéfice marginal :
p [ ( 1−q ) U ( W 1 ) + q U ( W 2) ] ≥ q U ( W 2 )
' ' '

Par ailleurs, en l’absence d’assurance, W 1=W 0 et W 2=W 0 – x , cette inégalité devient :


'
q U ( W 0−x )
p≥
( 1−q ) U ' ( W 0 ) + q U ' ( W 0−x )
Cette inegalité prouve que le prix doit dépasser un certain seuil afin de dissuader l’individu à
s’assurer. Ainsi, le prix d’assurance doit être supérieur au rapport Bénéfice marginal/Coût
marginal de la première unité d’assurance achetée.

68
Section 2 : Analyse comparative des différents effets de changement

Cette section permet d’analyser la réaction du consommateur face à un changement des


caractéristiques de l’assurance ou de ses propres caractéristiques.

A. Effet d’un changement de richesse initiale

Pour analyser l’effet d’un changement de richesse initiale, nous allons considérer les deux
états auxquels est soumis l’individu : W 1=W 0− p(x – F)et W 2=W 0− p( x – F) – F . Le
consommateur maximise son espérance d’utilité :
max
( 1−q ) U ( W 0− p( x−F) ) +qU ( W 0− p(x – F)– F )
F
Une solution intérieure (avec λ > 0 soit encore p > q) se caractérise par la condition du
premier ordre suivante :
∂ EU ' '
= p ( 1−q ) U ( W 1) −( 1− p ) q U ( W 2 )=0
∂F
Si nous décidons d’appréhender la demande d’assurance par le niveau de franchise F, alors on
pourra identifier l’effet d’un changement dans la richesse initiale à l’aide du signe de la
∂F
dérivée suivante : .
∂W 0
NB : La franchise n’est pas la demande d’assurance, toutefois lorsque la franchise augmente,
la demande d’assurance diminue et quand la franchise diminue, la demande d’assurance
augmente.
Dans cette condition du 1er ordre, l’expression à gauche du signe d’égalité à zéro est une
fonction, d’une part de la variable de décision F, d’autre part de toutes les variables exogènes
du problème (W0, p, q, x). On peut donc écrire :
H ( F , W 0 , p ,q , x ) =p ( 1−q ) U ' ( W 1 )−( 1− p ) q U ' (W 2)
A l’optimum, H = 0. On s’intéresse à l’impact d’un changement de W 0, toutes choses étant
égales par ailleurs, sur le niveau de franchise. En calculant la différentielle totale de H, il est
possible de caractériser la réaction de l’assuré (en termes d’ajustement de la franchise) suite à
un changement dans la richesse initiale :
∂H ∂H
dH = dF+ d W 0=0
∂F ∂W0
Il est aisé de remarquer par intuition que suite à un changement de W 0, le consommateur
rationnel va chercher à réaliser de nouveau l’égalité entre C m et Bm de l’assurance (condition
garantie par H=0). Il va donc ajuster sa demande d’assurance (par le biais de son choix de F)

69
afin de garantir à nouveau cette égalité. Le fait que la différentielle s’annule (dH = 0) décrit
cette réaction de l’assuré.
On en déduit :
∂H

dF ∂W0
=
dW 0 ∂H
∂F
2
∂ H ∂ EU
Etant donné que = < 0, il en resulte que le signe de l’impact recherché n’est ni plus
∂F ∂ F2
∂H
ni moins que celui de .
∂W 0
Ainsi, à parttir de l’expression de H :
H ( F , W 0 , p ,q , x ) =p ( 1−q ) U ' ( W 1 )−( 1− p ) q U ' ( W 2 )

H ( F , W 0 , p ,q , x ) =p ( 1−q ) U ( W 0− p(x−F ))−( 1− p ) q U ( W 0 − p ( x −F )−F )


' '

On obtient :
∂F '' ''
= p (1−q ) U ( W 1) −( 1− p ) q U (W 2 )
∂W 0

( ) ( )
'' ''
∂F '
−U ( W 1) '
−U ( W 2 )
=− p ( 1−q ) U ( W 1 ) + ( 1− p ) q U (W 2 )
∂W 0 '
U (W 1)
'
U (W 2)
'' ''
−U ( W 1 ) −U ( W 2 )
En posant A ( W 1 ) = ' et A ( W 2 ) = ' , on a :
U (W 1) U (W 2)
∂F ' '
=− p ( 1−q ) U ( W 1 ) A ( W 1 ) + ( 1− p ) q U (W 2 ) A ( W 2 )
∂W 0
' '
Et sachant qu’à l’équilibre, on a : p ( 1−q ) U ( W 1 )= (1− p ) q U (W 2) , l’égalité précédente
devient :
∂F
= p (1−q ) U ' ( W 1 ) [−A ( W 1 ) + A ( W 2 ) ]
∂W 0
Et comme p > q, W1 > W2 et A(W1) < A(W2), alors sous l’hypothèse intuitive d’une aversion
∂H ∂F
absolue au risque décroissante avec la richesse, on a par conséquent, > 0 et >0
∂W 0 ∂W 0
Résultat de la démonstration :
La franchise d’assurance augmente avec la richesse initiale. Autrement dit, la demande
d’assurance décroît avec la richesse, ceci sous l’hypothèse d’une aversion absolue
décroissante avec la richesse.
Comme remarque, on observe que l’assurance est un bien inférieur !

70
Par intuition, on observe que lorsque la richesse augmente, l’aversion absolue au risque
diminue et l’individu perçoit un bénéfice marginal de l’assurance moins important dans la
mesure où il a moins peur d’un risque inchangé, ce qui l’emmène à s’assurer de façon
moindre.

B. Effet d’un changement de prix

∂F
En procédant de la même manière, on arrive à calculer . Aussi, la différentielle totale de H
∂p
permet d’écrire :
∂H ∂H
dH = dF+ dp=0
∂F ∂p
∂F ∂H
On arrive ainsi à déduire que le signe de est celui de
∂p ∂p
Une intuition trompeuse pourrait tronquer notre analyse :
En effet, on s’attend à ce qu’un accroissement du prix d’assurance favorise, toutes choses
égales par ailleurs, la rétention de risque et réduise la demande d’assurance.
Ceci n’est pas si simple pour autant.
En partant de l’expression de H :
' '
H ( F , W 0 , p ,q , x ) =p ( 1−q ) U ( W 1 )−( 1− p ) q U ( W 2 )

¿ p ( 1−q ) U ( W 0− p (x−F) )− (1− p ) q U ( W 0− p ( x−F )−F )


' '

Les dérivées de cette fonction par rapport à p donnent les résultats suivants :
∂H
= (1−q ) U ( W 1 )−q U ( W 2) −[ x−F ] [ p ( 1−q ) U ( W 1 )−( 1−p ) q U ( W 2 ) ]
' ' '' ''
∂p
∂H ' ' ∂H
= (1−q ) U ( W 1 )−q U ( W 2) −[ x−F ]
∂p ∂W 0
∂H ' ∂H
=EU − [ x−F ]
∂p ∂W0
Ce résultat permet de mettre en exergue deux effets opposés :
 Un effet de substitution (positif) (EU’) : L’accroissement de p incite l’assuré à
substituer de la rétention de risque à l’assurance (donc la franchise F augmente par cet
effet).
∂H
 Un effet de richesse (négatif) (−[ x−F ] ∂W ) : Une augmentation de p équivaut à un
0

appauvrissement réel. Sous l’hypothèse d’une aversion absolue décroissante avec la


71
richesse, la peur du risque s’accroît. Il en résulte que le bénéfice marginal de la
couverture d’assurance augmente. Par cet effet, l’assurance augmente (donc la
franchise F diminue, d’où l’effet négatif).

C. Effet d’un changement d’aversion au risque

Toujours dans le même contexte de risque et d’assurance, considérons 2 assurés qui ne


diffèrent que par leurs fonctions d’utilité U(.) et V(.). Même richesse initiale, même tarif
d’assurance, même probabilité de sinistre, même perte x .
•Point important : on suppose que p > q – l’assurance n’est pas actuarielle.
Les conditions du 1er ordre s’écrivent respectivement pour les consommateurs U et V :
∂ EU
= p ( 1−q ) U ( W 1 ) −( 1− p ) q U ( W 2 ) =0
' U ' U
U
∂F
∂ EU
= p ( 1−q ) V ( W 1 )− (1− p ) q V ( W 2 ) =0
' V ' V
V
∂F
En supposant que la fonction d’utilité représente un comportement plus « risquophobe » que
la fonction d’utilité U (.) au sens d’Arrow-Pratt, alors on peut considérer V (.) comme une
transformation concave et croissante de U (.) : V (.)=k [U (.)] et V ’(.)=k ’ [U ( .)] U ’( .) avec
k ’ >0 et k ’ ’ <0 .
Les conditions de premier ordre permettent d’obtenir :
U (W 1 ) V ' (W 1V ) (1− p ) q
' U

= =
U ' ( W 2U ) V ' ( W 2V ) p ( 1−q )
En utilisant la relation entre U (.) et V (.), cela implique que :

U ' ( W 1U )
=
[ ) ] U ' ( W ) ( 1− p ) q
k U ' (W1
' V

=
1
V

U ' ( W 2U ) k [ U ' ( W ) ] U ' ( W ) p ( 1−q )


'
2
V
2
V

L’assurance étant partielle, alors V


W 1 >W 2
V
et U ( W 1V ) >U ( W 2V ) . Dans ce cas,

[ ] [ ]
k ' U ( W 1V ) < k ' U ( W 2V ) ; nécessairement, on a : W 1V >W 1U et W 2V >W 2U . On en déduit donc

que l’individu V s’assure davantage.


Résultat des démonstrations :
Toutes choses égales par ailleurs, la demande d’assurance augmente avec l’aversion au risque.

Section 3 : Analyse comparative de l’Auto-assurance et de l’autoprotection

Pour rappel, notons que l’auto-assurance et l’autoprotection sont les deux types de
préventions auxquelles a recours tout individu pour gérer le risque. Ces deux types de
préventions entretiennent des relations singulières avec l’assurance.
72
A. Relation entre auto-assurance et assurance

Le problème auquel est confronté l’individu est de choisir de manière optimale son niveau
d’auto-assurance étant entendu que ce dernier dispose d’une richesse initiale W0 qui est
confronté à une probabilité q de perdre une part x de la richesse finale.
En l’absence de protection contre le risque, l’état de richesse de l’individu est donné par :
W 1=W 0 (état sans sinistre) et W 2=W 0−x (état de perte).
S’agissant de la technologie d’auto-assurance, on suppose que la taille de la perte est une
fonction de a , le montant investi en auto-assurance. Par conséquent, x (a), la taille de la perte,
est une fonction décroissante de a : x ’ (a)< 0. De surcroît, on suppose que x ’ ’(a)> 0, ce qui
implique que les rendements de l’auto-assurance sont décroissants.
Compte tenu de ces éléments, la richesse finale de l’individu dépend de l’évènement survenu
(absence de sinistre ou sinistre) et s’écrit : W 1=W 0−a et W 2=W 0−a−x (a)
Les préférences de l’assuré sont caractérisées par la fonction d’utilité U (W ), strictement
croissante et concave (U ’ (W )> 0 ,U ’’ (W )<0). Ainsi, en l’absence de contrat d’assurance,
l’assuré choisit le niveau d’auto-assurance, a, qui maximise son espérance d’utilité EU (a) :
EU (a ¿ ¿
Max
a )=( 1−q ) u ( W 0−a ) +qu(W 0−x ( a )−a)¿
Le niveau d’autoassurance
∂ EU ( a)
=−( 1−q ) u ( W 0 −a ) −[ 1+ x ( a ) ] q u ( W 0 −x ( a )−a ) =0
' ' '
∂a
On en déduit :
( 1−q ) u' ( W 0−a )+ q u' ( W 0−x ( a ) −a ) =−x ' ( a ) q u ' ( W 0 −x ( a )−a )
Interprétation : L’individu choisit son investissement en auto-assurance de façon à égaliser
le coût marginal de l’auto-assurance à son bénéfice marginal. Ce coût marginal est évalué par
l’espérance d’utilité marginale perdue suite à l’investissement supplémentaire d’une unité
monétaire (terme de gauche), tandis que le bénéfice marginal (terme de droite) est égal au
gain d’espérance d’utilité marginale dans l’état de perte, pondéré par le rendement marginal
de l’auto-assurance.
Combinaison de l’assurance et de l’auto-assurance : une prime P en échange de la garantie
d’une indemnité I en cas de sinistre. Compte tenu de ces éléments et du fait que l’auto-
assurance est disponible dans les mêmes conditions que précédemment, la richesse finale
dépend de l’évènement survenu (absence de sinistre ou sinistre) et s’écrit : W 1=W 0 – P – a et
W 2=W 0 – P – a – x ( a)+ I .

73
On suppose que l’assureur n’observe pas l’activité d’auto-assurance de sorte que le contrat
d’assurance est indépendant de a , la dépense d’auto-assurance. Par convention, nous
supposerons que l’assureur construit sa tarification sur la base du niveau de perte atteint en
l’absence d’auto-assurance : x=x (0).
Le contrat d’assurance spécifie une quantité d’assurance (l’indemnité I), ainsi qu’un prix p par
unité de couverture d’assurance. Si l’on adopte les notations suivantes, respectivement pour la
prime d’assurance et l’indemnité d’assurance : P= p( x−F) et I =x−F , où F représente la
franchise d’assurance et p le prix d’assurance, on obtient :
W 1=W 0− p ( x−F )−a
W 2=W 0− p ( x−F )−a−x ( a )+ x−F
Comme précédemment, les préférences de l’assuré sont caractérisées par une fonction
d’utilité U (W ), strictement croissante et concave (U ’(W )> 0 ,U ’ ’ (W )<0). L’espérance
d’utilité dépend de deux variables de décision, la franchise F et le niveau d’auto-assurance a .
On la note EU ( F , a) et elle s’écrit de la manière suivante :
Eu ( F , a )= (1−q ) U ( W 1 ) +qU (W 2 )

Eu ( F , a )= (1−q ) U ( W 0 −p ( x−F )−a ) +qU (W 0− p ( x−F )−a−x ( a ) + x−F)


L’individu maximise son espérance d’utilité en fixant sa franchise d’assurance, F , ainsi que
son niveau d’auto-assurance a .
•Conditions du premier ordre:
∂ EU
=( 1−q ) pU ' ( W 1) −( 1− p ) qU ' ( W 2) =0
∂F
∂ EU
=− (1−q ) U ( W 1 )− [ 1+ x ' (a) ] U ' ( W 2 )=0
'
∂F
La première condition détermine la franchise F et montre que son niveau s’établit de telle
façon que, pour l’individu, le bénéfice marginal de l’assurance soit égal à son coût marginal :
p [ ( 1−q ) U ' ( W 1 ) + qU ' (W 2 ) ]=qU ' (W 2 )
Les conclusions associées à cette condition du 1er ordre (Smith (1968)) : lorsque l’assurance
est actuarielle ( p=q), l’assuré choisit une couverture d’assurance complète (F=0), par
contre, il opte pour une couverture d’assurance partielle (F> 0) lorsque le prix d’assurance est
supérieur au prix actuariel ( p>q) .
•De façon similaire, la deuxième condition s’écrit en faisant apparaître bénéfice marginal et
coût marginal de l’auto-assurance :
( 1−q ) U ' ( W 1 ) + q U ' ( W 2 )=−x ' ( a ) qU ' (W 2 )

74
En effectuant le rapport de ces deux conditions on obtient la relation suivante :
1
=−x ' (a)
p
D’où la proposition suivante :
•Proposition 1 : En présence d’auto-assurance et d’assurance, l’assuré rationnel choisit son
niveau d’auto-assurance, a , de telle sorte qu’il égalise le rendement marginal de l’auto-

assurance (−x ’( a)) au rendement marginal de l’assurance ( 1p ).


Une conséquence immédiate de cette égalité est la substituabilité de l’assurance et de
l’auto-assurance (Ehrlich et Becker (1972)). En effet, d’après cette équation, lorsque le prix
d’assurance augmente, son rendement diminue et l’assuré, afin d’égaliser les rendements de
l’assurance et de l’auto-assurance, s’ajuste en investissant davantage en auto-assurance.
1
=−x ' (a)
p

B. Relation entre assurance et autoprotection

L’objectif de l’autoprotection, abusivement assimilée souvent à la « prévention » est de


diminuer la probabilité de survenance du sinistre. Ainsi, grâce à des dépenses
d’autoprotection b , l’assuré peut agir sur q :
q=q (b) ; q ’( b)< 0 ; q ’’ (b)>0
(hypothèse de rendements décroissants dans l’activité d’autoprotection)
En présence d’autoprotection, la richesse finale prend la forme suivante :

~
{
W f = W 1=W 0 −x ; probabilité 1−q(b)
W 1 =W 0−x−b ; probabilité q(b)

Dès lors, l’espérance d’utilité s’écrit comme suit :


~
EU ( W f )=( 1−q ( b ) ) U ( W 1) + q ( b ) U (W 2)

EU (~
W f )=( 1−q ( b ) ) U ( W 0−b ) +q ( b ) U (W 0−x−b)

La condition du premier ordre


~
∂ EU ( W f )
∂b
[ ' W 1 '
]
=−q ( b ) [ U ( W 1 )−U ( W 2 ) ]− ( 1−q ( b ) ) U ( ) +q ( b ) U ( W 2 ) =0
'

Interprétation :

Dans cette égalité, le terme de gauche est le bénéfice marginal de l’autoprotection et celui de
droite représente le coût marginal de l’autoprotection.
75
On remarque qu’en cas d’égalité entre W 1=W 2 , le bénéfice marginal est nul.

La présence conjointe d’assurance et d’autoprotection permet d’écrire la richesse finale sous


la forme suivante :

~
{
W f = W 1=W 0− p ( x−F )−b ; probabilité 1−q(b)
W 1 =W 0− p ( x−F )−b−F ; probabilité q (b)

On en déduit l’expression de l’espérance d’utilité (hypothèses identiques) :

~
EU ( W f )=( 1−q ( b ) ) U ( W 1) + q ( b ) U (W 2)

~
EU ( W f )=( 1−q ( b ) ) U ( W 0− p ( x−F )−b ) + q ( b ) U (W 0− p ( x −F )−b−F )

Ces résultats laissent entrevoir deux possibilités (ou cas) selon la capacité (ou l’intérêt) des
assureurs à répercuter l’effort d’autoprotection dans la tarification. On peut donc énoncer
deux hypothèses alternatives :
 Le prix d’assurance est indépendant de b . Dans ce cas, la prime d’assurance est
indépendante de b .
 Le prix d’assurance est influencé par le niveau de prévention de b . Dans ce cas, la
prime d’assurance peut s’écrire : P= p ( b )( x−F )=( 1+ λ ) q (b)(x−F)
Remarque sur l’observation de b
A priori, il n’est pas possible d’observerb . L’individu choisit son niveau d’investissement b et
ne le divulgue pas nécessairement. Cependant, l’assureur peut contrôler le choix de
prévention b à l’aide d’une clause de prévention inscrite dans le contrat d’assurance. C’est en
cela que l’hypothèse 2 n’est pas irréaliste.
Les résultats observés sont à l’origine de la proposition de Erlich et Becker (1972) :
 L’assurance et l’autoprotection sont complémentaires lorsque la prime d’assurance
dépend du degré de prévention.
 Elles sont substituables si la prime est indépendante du niveau de prévention.

76
77
Chapitre 7 : OFFRE ET DEMANDE D’ASSURANCE
L’objet de ce chapitre est d’analyser l’offre d’assurance et de présenter différentes méthodes
de calcul de la prime d’assurance.

7.1. Principales caractéristiques d’une prime d’assurance

7.1.1. Durée du contrat d’assurance

La durée du contrat est le laps de temps pendant lequel l’événement assuré doit se produire
pour que l’indemnité devienne exigible. Ainsi les polices peuvent :
 Etre à durée fixe : l’événement assuré doit se produire pendant un laps de temps
spécifique (tel que la durée d’un prêt, un an ou dix ans) pour déclencher le paiement.
Ce type de couverture est généralement appelé assurance temporaire.
 S’étendre sur la vie entière : l’assureur est couvert pendant toute la durée de sa vie.
Toutefois, les contrats d’assurance de longue durée supposent que soient respectées des
promesses financières qui, étant faites à long terme, sont nécessairement affectées d’une
certaine incertitude.
Dès lors, la science actuarielle s’intéresse à la prévision et la gestion de cette incertitude.
Elles tentent par le biais de méthodes assez complexes de calcul de valeurs de garantir la
solvabilité à long terme des assureurs.
D’ailleurs, pour surmonter les difficultés qu’implique le long terme, il est possible de
proposer des polices temporaires renouvelables, qui assurent une couverture de courte
durée, mais sont renouvelables lorsqu’elles arrivent à terme. Ces polices permettent à
l’assureur de modifier les conditions s’il perd de l’argent.
Ce type de contrat est particulièrement intéressant pour certaines catégories d’assureurs à
savoir :
 Les nouveaux assureurs,
 les assureurs n’ayant pas accès pour une raison ou une autre à des informations de
qualité,
 Les assureurs qui sont confrontés à des conditions macroéconomiques imprévisibles.
Aussi, la science actuarielle offre la possibilité d’agir sur la durée du contrat par le biais
d’options. Ces options permettent au titulaire de police de modifier les caractéristiques de
leur couverture à certains moments prédéfinis. Une des options les plus courantes est la
prolongation, qui permet à l’assuré de prolonger la couverture au delà du terme prévu du
contrat.

78
7.1.2. Couverture obligatoire versus couverture volontaire

L’assurance peut être volontaire ou obligatoire et chacune d’elle à ces avantages et ses
inconvénients.
a. Couverture obligatoire
Il est possible que les employeurs exigent à tous leurs employés de souscrire à leur plan
d’assurance maladie. Une société de crédit peut faire de même en imposant à ses clients qu’ils
se rendent acquéreur d’une assurance solde restant dû. Un gouvernement peut obliger les
propriétaires de véhicules à détenir une assurance de responsabilité civile. La couverture
obligatoire prive l’assuré de certains choix quand au moment et la quantité d’assurance qu’il
acquiert. L’employé est automatiquement inscrit dans le plan d’assurance-maladie de son
entreprise au moment de la signature de son contrat de travail. Le montant de son indemnité
peut également être prédéterminé ce qui peut être problématique, notamment lorsque les
niveaux de couverture prévu sont très élevés et que les individus concernés sont forcés
d’acheter un niveau de protection dont ils n’ont pas besoin ou ne veulent pas. Le décalage
entre les intérêts de l’assureur et de l’assuré peut faire naitre un certain ressentiment et même
amplifier le risque moral ou de fraude, les assurés tentant à tout prix de rentabiliser leur
investissement. Les régimes obligatoires peuvent également donner lieu à des prix abusifs, les
clients étant pour l’assureur des « otages captifs ». L’assurance obligatoire comparée à
l’assurance volontaire présente trois avantages significatifs :
 Contrôle de l’antisélection : le risque de voir des individus acheter une police
d’assurance juste au moment où ils savent qu’elle leur sera utile est réduit lorsque le
moment de l’achat est lié à un événement. De plus, les personnes présentant un risque
faible n’ont pas la possibilité de quitter le pool de risque.
 Réduction des coûts administratifs : la gestion des régimes obligatoires est plus
facile et moins couteuse, les procédures administratives à mettre en place étant plus
simples que celles qu’exigent des produits d’assurances volontaires et flexibles.
 Frais de vente limités : en évitant à l’assureur de devoir vendre des polices
individuelles, l’assurance obligatoire leur permet de toucher un grand nombre de
personnes sans coût d’acquisition et d’entrée important.
b. Couverture volontaire
L’approche volontaire permet aux consommateurs (individus) de choisir la quantité, la durée
et le type d’assurance qu’il souhaite.

79
Cependant, l’un des inconvénients de cette approche est qu’il est très probable que seuls ceux
qui s’attendent à voir survenir un événement s’en protège en achetant une police (effet
contraire du contrôle de l’anti sélection avec l’approche obligatoire).

7.2. Processus de détermination de la prime et la statistique sinistre

a. Primes : le paiement de l’assurance


La prime est à l’assurance ce que le taux d’intérêt est au prêt. Elle représente le montant payé
par le client pour bénéficier de la couverture.
Nous aborderons les différentes manières de structurer les primes et la présentation des
grandes lignes du processus actuariel de calcul des primes. Malgré la complexité du calcul
actuariel, il est important pour les micro-assureurs d’en comprendre les principes même s’ils
peuvent naturellement confier à d’autres la responsabilité du calcul des prix.
i. La typologie de la prime
Il existe trois types de prime :
 Les primes uniques sont généralement versées lors de la souscription du contrat et
couvre toute sa durée. Elles sont faciles à gérer et n’impliquent aucun risque de défaut
de paiement. Par contre, le client peut trouver le montant de la prime unique
inabordable, surtout s’il s’agit d’un contrat d’assurance de longue durée. L’assureur
n’a pas non plus la liberté d’adapter le niveau de la prime si le montant de l’indemnité
s’avère plus élevé que prévu.
 Les primes périodiques sont payer régulièrement chaque année ou chaque mois par
exemple, pendant toute la durée du contrat. La collecte régulière des primes
impliquent des coûts de transaction supplémentaires tant pour l’assureur que le client,
mai celui-ci peut trouver le montant à verser plus en accord avec ses possibilités
financières. Toutes choses étant égale par ailleurs, les primes périodiques sont plus
chères que les primes uniques pour deux raisons :
 L’assureur doit faire face à des coûts administratifs plus élevés, dus au
processus de collecte des primes ;
 Ils renoncent à une partie des revenus en intérêt dont ils pourraient jouir si la
prime était unique. Dans le cas des polices de longue dure, les primes
temporaires peuvent être calculées sur la base d’un taux variable, pour
permettre aux assureurs de procéder aux ajustements qui pourraient s’avérer
nécessaire.

80
Avec les primes périodiques, l’assureur court le risque de voir le client faillir à son obligation
de payer la prime et être déchu de son droit à la garantie de l’assurance.
La déchéance de la couverture est la résiliation d’une police suite au défaut de paiement des
primes par l’assuré. Généralement, l’assureur résilie le contrat au terme d’un délai de grâce
pendant lequel le client peut payer les sommes dues. Beaucoup de coûts d’une police
d’assurance étant connus à l’avance les frais qu’implique une déchéance de couverture
peuvent donner lieu à certaine difficultés. En effet, si les polices ne sont pas d’une durée
suffisante, l’assureur peut ne pas être en mesure de répercuter ses frais dans les primes futures
et risque donc de perdre de l’argent.
 La prime unique périodique (une combinaison des deux précédentes) est utilisée
dans le cadre des polices à échéance renouvelable. Elle est payée à chaque période
successive de couverture c’est-à-dire chaque année ou mois (ou toute autre période).
Ni les taux ni les indemnités payables ne sont définis au delà de la période couverte
par la prime unique. Si l’assuré désire prolonger la couverture, celle-ci est proposée au
prix et aux conditions applicables à la date du renouvellement du contrat.
ii. Les taux des primes
Les primes sont couramment exprimées sous la forme d’un taux ou d’un pourcentage. Il est
difficile de comparer les taux des primes si deux facteurs fondamentaux ne sont pas
identiques :
 Le laps de temps pendant lequel la couverture est garantie et auquel la prime
s’applique.
 L’unité à laquelle le taux est appliqué pour obtenir le montant à payer.
iii. La détermination des primes
La détermination des primes encore appelées tarification ressemble à la fixation des taux
d’intérêt de prêt. Tout comme le taux d’intérêt dans un prêt, la prime dit couvrir quatre types
de coûts (voir section 7.3 à la suite) :
 Les coûts opérationnels
 Les pertes sur prêt
 Le coût des fonds et
 Le taux de capitalisation.
Cependant, la prime diverge du taux d’intérêt : l’équivalent de la provision pour les pertes sur
prêt est la prime de risque, c’est-à-dire le coût des sinistres attendus pour la période.
iv. La prime de risque

81
La variabilité et la rentabilité d’un produit d’assurance dépendent de la capacité de la prime
de risque à couvrir le coût des sinistres. La prime de risque théorique doit donc être égale au
coût attendu des sinistres. Ce coût est estimé actuariellement sur la base de deux éléments :
 Le montant de l’indemnité à payer (à savoir la prestation) et
 La probabilité que l’évènement survienne.
La prime de risque, ou le coût attendu des sinistres est le produit de ces deux éléments :
'
Prime de risque=Montant de la prestation∗Probabilit é que l évènementsurvienne
Les primes sont souvent exprimées sous la forme d’une proportion de l’indemnité ou d’un
taux, plutôt qu’en chiffre absolu et s’appliquent à une période spécifique. Celle-ci affecte la
prime en agissant sur la probabilité que l’évènement survienne.

7.3. Calcul de la prime de risque et estimation de la prime totale

a. Autres éléments constitutifs de la prime


La prime totale est déterminée par la prime de risque et trois autres éléments (les coûts
opérationnels, la contribution au bénéfice et aux excédents et les revenus de placements).
 Les coûts opérationnels comprennent les charges administratives les coûts
d’acquisition, les services actuariels, les coûts de collecte des primes de réassurance et
de souscription, ainsi que ceux liés au contrôle des sinistres et aux versements des
indemnités (les indemnités elles-mêmes ne font pas partie des coûts opérationnels
mais de la prime de risque). Ils peuvent être ventilés en coûts permanents et en coûts
de premier établissement. Ce dernier est généralement le plus élevé parce qu’il est
souvent plus couteux de lancer une nouvelle police d’assurance que de la maintenir en
activité.
 Les assureurs à but lucratifs doivent intégrés une marge bénéficiaire dans leur prime.
Ils peuvent également vouloir intégrés une contribution aux excédents ou au capital si
cela est nécessaire pour soutenir l’activité et, par exemple, permettre de mettre à jour
des systèmes informatiques ou d’étendre les opérations à d’autres régions.
 Dans le calcul du taux d’intérêt d’un prêt, le coût du capital doit être financé par le
taux d’intérêt que paient les emprunteurs. Dans l’assurance, la situation inverse est
possible si des fonds sont provisionnés à des fins d’assurance, le revenu tiré du
placement de ces fonds peuvent servir à réduire le taux de prime. Cette source de
revenu est un facteur plus important dans le cas des polices à long terme ou à prime
unique.

82
Application 1 : Exemple simplifié de calcul de la prime de risque
Prenons l’exemple d’un assureur qui propose une police d’assurance-décès d’un an avec
paiement d’un capital-décès de 50$. Un individu achète cette police. Le risque de voir cet
individu mourir dans l’année est de 2%. La prime de risque pour cette indemnité et cette durée
de couverture est donc équivalente à 2% de 50$, soit 1$.
Si l’assureur a 100 clients qui courent le même risque de décès et ont acheté une police
prévoyant le versement d’une même indemnité, il percevra 100 primes de risques de 1$, soit
100$. Si 2% des clients meurent (soit 2 clients), deux indemnités de 50$ chacune seront
versées, soit un montant de 100$. Le coût attendu des sinistres est donc équivalent à celui de
la prime de risque.
Pour l’ensemble du groupe, la prime de risque est de 100 $ et le montant total des prestations
garanties de 5000 $ (100 polices à 50 $ par police). Le taux de prime pour le groupe est donc
de :
100
t= =2 %
5000
Toutes choses étant égales par ailleurs (ce qui est rarement le cas !), l’assureur pourrait exiger
le paiement d’une prime équivalente à 2% de l’indemnité, pour tout niveau de couverture, ce
qui reviendrait à 2 $ pour une indemnité de 100 $.
Application 2 : Méthodologies de fixation des prix : comparaison de l’approche
individuelles et collective
Considérons trois personnes qui veulent souscrire à une police d’assurance funéraire
prévoyant le versement d’un capital fixe de 100 $. Leur probabilité de décès dans l’année est
respectivement de 1%, 2% et 5%. Le coût attendu de sinistres pour ce groupe est donc :
¿¿
En adoptant l’approche individuelle, on détermine les montants dus respectivement par ces
personnes à savoir 1$, 2$ et 5$. Ainsi, le total des primes perçues sera de 8$.
Avec l’approche collective, le taux est calculé pour l’ensemble des membres du pool de
risques. Si nous supposons par exemple que le coût attendu des sinistres est de 8$. Le capital
assuré total est de :
3 x 100 $=300 $
Le taux de prime est donc de :
8 '
=2,67 % pour l ensembledu groupe
300

83
Chaque personne devra donc payer la prime obtenue par la multiplication du taux de prime et
le montant de son indemnité (100$) :
2,67 %x100 $=2,67 $
(Dans ce cas, la prime totale reçue est de 8,01$, le cent supplémentaire étant dû à l’erreur
d’arrondi.)
Remarque : l’assureur perçoit la même prime totale dans les deux cas et ce montant est
équivalent au montant attendu des sinistres. Seule différence, dans le deuxième cas de figure
les personnes présentant un risque faible subventionnent les personnes à risque élevés.
b. Les sinistres
Le calcul de la prime de risque étant basé sur la probabilité de sinistre elle est évidemment
une estimation. L’assureur prend un risque et espère que la prime demandée sera suffisante
pour couvrir les sinistres. C’est que l’on appelle la prise en charge du sinistre.
Les sinistres qui se réalisent constituent la statistique sinistre de l’assureur. Si leur coût est
plus élevé que prévu, le porteur du risque perdra de l’argent et la statistique sinistre sera
naturellement considérée comme mauvaise.
Lorsqu’on évalue la statistique sinistre, il importe de comparer les primes avec les prestations
qui leur correspondent, c’est-à-dire toutes celles intervenues pendant la période couverte par
la prime. En effet, une demande d’indemnité peut intervenir des mois (ou même des années)
après la fin de la période couverte. Pour cette raison, la rentabilité d’une police ne peut être
évaluée qu’après un certain temps, lorsque tous les sinistres ont été portés à l’attention de
l’assureur. L’outil principale de mesure de la statistique sinistre est le ratio sinistre à prime,
c’est-à-dire le coût avéré des sinistres divisés par leur coût attendu (ou la prime de risque).
Les assureurs préfèrent généralement que le ratio des sinistre à prime soit inferieur à 100%
c’est le coût avéré des sinistre soit inferieur au coût attendu. L’assurance étant un secteur
d’activité basé sur la probabilité, le fait qu’un produit donne lieu à une perte financière ne
signifie pas nécessairement que son coût soit incorrect, même si cette possibilité existe. Les
pertes peuvent être dues à une série d’évènements malheureux qui ont provoqué une hausse
soudaine du nombre de sinistres. Si par contre, un produit est associé à des pertes à long
terme, on peut alors supposer à juste titre que son prix est inadéquat.
Selon la loi des grands nombres, plus le nombre de personnes composant le pool de risque
sera grand, moindre sera la variation du ratio sinistre à prime. La statistique sinistre des
groupes importants est statistiquement plus fiable que celle de groupe plus restreints. Si un
pool de risque composé de très nombreuses personnes est associé à une perte relativement

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importante, cela signifie probablement que le produit est vendu à un prix incorrect, alors
qu’une perte issue d’un petit pool peut elle s’expliquer par des fluctuations aléatoires. Si le
portefeuille d’assurance est petit, un sinistre en plus peut faire la différence entre un bénéfice
et une perte.
Le risque covariant c’est-à-dire le fait qu’un évènement donne lieu à des sinistres multiples,
est particulièrement dangereux pour les petits portefeuilles (voir application ci-dessous).
Application 3 :
1er cas : Supposons que 100 personnes souscrivent à une assurance-décès qui leur garantit un
capital de 50$ et que parmi eux 5 décèdent dans un accident de circulation. Si aucun autre
sinistre n’est enregistré pendant l’année, le total des indemnités à verser sera de 250$ c’est-à-
dire de 250% du coût attendu des sinistres.
Le ratio sinistre à primes pour l’année est de 250%.
2eme cas : Imaginons qu’il y ait 10000 assurés. La prime de risque totale (et le coût attendu des
sinistres) sera de 10000$. Si les 5 mêmes personnes décèdent, et sont les seuls à mourir sur la
période, le total des indemnités versées sera de 250 $, soit 2,5% du coût attendu des sinistres.
On constate que l’impact sur le ratio sinistre à primes est dans ce cas minime.

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Régime 1 Régime 1
Petit pool de risque Grand pool de risque
100 assurés 1000 assurés

5 assurés décèdent 5 assurés décèdent

Total indemnités Total indemnités


5*50=250$ 5*50=250$

Ratio sinistre à primes Ratio sinistre à primes


250% 2,5%
250 250
100 10000

Références bibliographiques

Jokung-Nguéna, O. (2001), Microéconomie de l’incertain, Risques et décisions, Manuel et


Exercices corrigés, DUNOD, deuxième édition. Disponible à la bibliothèque de IUA.
Pindyck, R. et D. Rubinfeld (2009), Microéconomie, Pearson. Disponible à la bibliothèque de
IUA. (Chapitre 17, pp. 691-725).
Pradier, P.-C. (2006), La notion de risque en Economie, Collection Repères, Edition la
découverte, Thèses et débats
Varian H. (2005), Introduction à la microéconomie, De Boeck, Prémisses Disponible à la
bibliothèque de IUA. (Chapitre 12, pp. 231-251).
Zajdenweber, D. (2006), Economie et Gestion de l’Assurance, Economica, Paris. Disponible à
la bibliothèque de IUA.

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