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Jacques Naitychia
Ancien gestionnaire des risques
dans les réseaux sanitaires
à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris
societe Isagua CONCEPT1
1- jacques.naitychia@wanadoo.fr.
Dossier Prévention et lutte contre les Pseudomonas aeruginosa TH 711 • septembre-octobre 2008
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Les mélanges peuvent également être dus : • les robinetteries à cellule (eau et température) ;
• au vieillissement des matériels ; • les suppresseurs (cavitation, air) ;
• aux chocs thermiques mis en œuvre dans la lutte • les dysconnecteurs qui équipent les appareils de
contre les légionelles. La température détériore les lavage tels que les endoscopes ;
organes de sécurité sanitaire, déforme les clapets et • les becs des robinets de puisage (air, température,
décroche les particules qui se logent dans les clapets tartre) ;
anti retour. Ces microfuites sont, à l’échelle des bac- • la tête des adoucisseurs, les résines ;
téries, équivalentes à un terrain de football pour les • les ballons ou cuves de stockage ouvert ;
humains. • les dégazeurs.
Un lien étroit existe entre développement des micro-
Présence d’oxygène dans les réseaux organismes, présence de Pseudomonas, température
Les bactéries aérobies trouvent de l’oxygène au nez favorable, air, tartre et particules.
des robinets et des points de puisage en général (air Il faut aussi noter que le support joue un rôle impor-
ambiant), mais aussi dans les canalisations car l’eau tant ; par exemple, les flexibles, les matériaux à base
contient de l’air dissout ; lorsque vous puisez de l’eau, de caoutchouc et ses dérivés sont des gîtes privilé-
vous abaissez la pression, qui tend vers zéro (la vitesse giés.
dans les canalisations terminales étant de l’ordre de
un à deux mètres par seconde, cela correspond à une Identification simple
perte de pression importante), le liquide dégaze et des causes des mélanges
crée des micros bulles d’oxygène. Un pourcentage élevé de points positifs est un indi-
cateur de désordre important dans le réseau qu’il est
Plus de résultats positifs en été nécessaire d’identifier avant toute action curative.
La bactérie se décroche du biolfilm lorsqu’elle détecte C’est généralement un passage massif de l’eau chaude
une source importante de chaleur (survie) ou lors- dans le réseau d’eau froide.
qu’elle trouve une température favorable pour se mul- La méthode de recherche est la suivante :
tiplier. • cas n° 1 : contrôler au préalable la pression d’eau
En période hivernale, la température de l’eau de livrai- chaude sur le réseau, couper l’alimentation de la pro-
son est de l’ordre de 10 à 16 °C. La nuit, la tem- duction d’eau chaude, faire chuter la pression. Si la
pérature des canalisations est identique à celle de pression augmente, il y a introduction d’eau froide
l’ambiance. La bactérie ne trouve pas de conditions dans le réseau. Cela peut provenir d’une erreur de réa-
favorables à sa multiplication. Elle peut rester plu- lisation (canalisation de retour d’eau chaude piquée
sieurs années à l’état quiescent dans le biofilm. Les sur l’eau froide pour les travaux neufs, douchettes de
analyses peuvent être néanmoins positives en pré- lavage en cuisine, filtres équipés d’aquastop sans cla-
sence d’une concentration importante. pets sur les piquages) ;
En période chaude, la température de l’eau de livrai- • cas n° 2 : la méthode de contrôle par la pression
son varie en fonction de l’ensoleillement pour les met en évidence une multitude de micromélanges. Il
eaux d’origine de surface, de l’ordre de 20 à 25 °C. La faut alors isoler une à une les boucles d’eau chaude,
nuit, la température des canalisations est identique les vannes d’isolement aller et retour et réaliser un
à celle de l’ambiance, soit 25 °C. La bactérie trouve puisage sur un robinet d’eau chaude du réseau isolé ;
des conditions favorables à sa multiplication et se s’il persiste une pression, rechercher l’origine des
décroche par grappes. C’est la raison pour laquelle il mélanges à chaque point de puisage. Les causes sont
faut plusieurs prélèvements pour confirmer l’absence en général liées à des robinets thermostatiques ou
de Pseudomonas. manuels bloqués par des particules.
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La mesure de la biomasse active est un indicateur idéal pour • cas 1 : l’eau est de « bonne » qualité du comp-
optimiser les programmes de désinfection. L’adénosinetriphosphate teur d’eau froide jusqu’au niveau du piquage sur la
(ATP) est présente chez tous les microorganismes. En présence d’une colonne. Les résultats d’un prélèvement au niveau
enzyme issue de l’abdomen de la luciole, on obtient un effet
éclairement qu’on mesure avec un luminomètre, et on transforme le d’un robinet (mélangeur mono commande ou robi-
résultat en « équivalent bactéries ». Cette méthode constitue un net classique) sont qualifiés de « mauvais » au
système d’alarme général idéal pour détecter les dérives microbiennes premier jet et les deux prélèvements effectués en
et les recroissances dans les lignes de distribution.
Elle ne se substitue pas aux méthodes d’analyse réglementaires. amont du robinet sur l’eau chaude et froide donnent
des résultats « acceptables ». En puisant de l’eau à
Biomasse équivalent micro-organismes
55 °C pendant 30 minutes, les résultats deviennent
< 500…………………...bon « bons ». La contamination se situe donc unique-
ment au niveau du robinet, les analyses bactériologi-
< 500 à 1500….…acceptable
ques confirment le résultat. L’action curative consiste
500 à 10 000.........préventif © Aqua Tools à faire couler de l’eau chaude sur le(s) point(s) de
puisage pendant une heure (un filet d’eau suffit).
> 10 000 …......…correction
Si persistance, précéder à une désinfection thermo-
chimique ;
• cas 2 : le prélèvement au niveau d’une douche équi-
Figure 2 – Importance de la biomasse
pée d’un robinet thermostatique donne un résultat
qualifié de « bon » en amont sur l’eau froide, « pré-
d’utilisation. Cette méthode permet de réaliser des ventif » en amont sur l’eau chaude, « préventif » au
analyses sur le terrain en quelques minutes et d’orien- premier jet et « mauvais » après un puisage de 30
ter les recherches en fonction des résultats. Une bio- minutes à 45 °C. Tous les robinets de cet établisse-
masse élevée (en équivalents micro-organismes) est ment ont de mauvais résultats ATP, une flore totale
un risque fort d’avoir des bactéries pathogènes, et son élevée. L’origine en est une flore thermorésistante sur
évolution est un indicateur permettant d’orienter la le réseau d’eau chaude sanitaire qui a contaminé l’en-
recherche et les éventuelles causes des désordres. On semble des points de puisage. La cause : un adoucis-
constate une relation entre la flore totale, l’ATP (adé- seur dont la qualité bactériologique se dégrade en
nosine triphosphate) et les Pseudomonas, sans pour quinze jours malgré une désinfection mensuelle. Une
autant affirmer qu’une faible biomasse montrerait l’ab- chloration du réseau d’eau chaude a permis de revenir
sence de Pseudomonas (on retrouve ces bactéries dans à des résultats acceptables au niveau de l’eau chaude
une eau osmosée !). et des robinets de puisage. Dans ce cas, la chloration
On qualifie les résultats ATP selon quatre catégories : ponctuelle du réseau d’eau chaude ne sert pas pour
bon, acceptable, préventif et mauvais (Figure 2). la lutte contre les légionelles mais pour le traitement
Les cas les plus courants d’installations ayant des des points terminaux ;
analyses bactériologiques positives sont les suivants • cas 3 : l’eau est de mauvaise qualité bactériologi-
(Tableau I) : que au niveau des lave-mains. Après une désinfection
thermique à 50 °C, le problème persiste sur un seul
Tableau I - Résultats d’analyses bactériologiques les plus courants
lave-mains. Le bouclage d’eau chaude qui alimente
Point de prélèvement Résultat ce robinet est stagnant (défaut d’équilibrage), c’est
Compteur livraison Bon l’eau chaude qui pollue le robinet, les micro-orga-
Surpresseur Acceptable nismes « s’installent » ; l’élément thermostatique ne
Canalisations Bon permettant pas un écoulement supérieur à 50 °C, le
Adoucisseurs Acceptable terrain est favorable pour les Pseudomonas et est une
Retour eau chaude sanitaire Bon barrière aux actions thermiques ;
Robinet lavabo • cas 4 : présence de Pseudomonas après les diffé-
• premier jet à 30 °C Préventif rentes actions curatives thermiques. Les bactéries se
situent en amont du robinet sur la canalisation d’eau
• puisage + 1 minute d’eau froide Bon
froide, il est nécessaire de faire une désinfection ther-
• puisage + 1 minute à 50 °C Correction
mochimique de l’antenne terminale.
• puisage + 10 minutes à 55 °C Acceptable
Douche Préventif
TH 711 • septembre-octobre 2008 Prévention et lutte contre les Pseudomonas aeruginosa Dossier
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ATPmétrie
Bactéries Évolution des micro-organismes
planctoniques en fonction des conditions de température
Utilisation Bactéries
normale et amibes 600 bactéries/ml
Bactéries ciliées
(accrochées)
Bactéries planctoniques
(refuge dans les "bras morts"
+1 mn
Recolonisation latente)
© Isagua Concept
Figure 3 - Les bactéries se décrochent avec l’« effet température »
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chaude. Chaque piquage sur un collecteur (eau froide, • Douches pour patients et lavabo pour patients déso-
eau chaude sanitaire) doit être équipé d’une vanne rientés2 : mélangeur mono commande équipé d’une
d’isolement, d’un clapet de type EA et d’un équili- butée de limite de température et un équilibreur (Twin-
breur de pression. bar : GRK.fr) de pression (brûlure et lutte contre les
• L’alimentation d’une chambre doit être réalisée en Pseudomonas).
série (douche, lavabo, WC…). • Douche ou baignoire pour les nourrissons2 : mitigeur
• Les appareils à chambre de mélange (thermostati- thermostatique équipé d’un bypass pour la désinfec-
ques) sont à éviter (Figure 4). tion et d’un équilibreur de pression en amont (brûlure,
désinfection, lutte contre les Pseudomonas).
Choix de la robinetterie • Lave-mains à commande non manuel2 : mélangeur
• Lavabos patients, douche pour le personnel : mélan- mono commande équipé d’une butée de limite de tem-
geur mono commande équipé d’une butée de limite pérature, de débit et de deux électrovannes.
de température (limite la température et lutte contre • Auges de chirurgien2 : idem.
les Pseudomonas).
Orientations pour améliorer la situation
Principe de distribution dérivée : les postes de puisage sont alimentés les
Il faut privilégier une conception simple qui respecte
uns après les autres par des canalisations de sections décroissantes.
les règles sanitaires et un choix de matériels le plus
Désinfection thermique : en pied ou en haut de colonne pour les simple possible. L’excès de protections, d’automatis-
distributions verticales, à chaque niveau pour les distributions horizonta-
les et dans tous les cas dans un endroit facilement accessible, prévoir la
mes, de sécurité entraîne souvent un résultat contraire
possibilité de réaliser un bypass entre l’eau chaude et l’eau froide à celui recherché. Pour la sécurisation des points de
puisage, des points à risque (lave-mains ou lavabo de
chirurgien, réanimation, nourrissons, douches, service
Le raccordement du
bypass peut être : douche
de brûlés…, une solution technique intéressante est
lavabo
- une vanne équipée de chauffer à la température souhaitée l’eau froide
avec un bouchon de via un micro échangeur au point terminal (présenté à
vidange en 8/13 ;
- un bouchon des Hôpital Expo 2008 par Sogoba). Ce schéma évite tout
équilibreur
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