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Négocier l'autorité.

Les micro-pratiques étatiques à la frontière du Sud-Soudan et de la


République démocratique du Congo, Lotje de Vries Dans Politique africaine 2011/2
(N° 122

- Bazi est un village dont la route principale qui le traverse est la frontière entre la
République démocratique du Congo et le Sud Soudan. En effet, le village est divisé en deux
car il est littéralement coupé par la frontière. Une partie du village est donc Sud Soudanaise
et l’autre Congolaise. Ce village fut le lieu de tensions entre les différentes autorités
congolaises et sud soudanaises entre les années 1990 et 2000, avec un acmé le 24 janvier
2008 ou pour la première fois un conflit armé a éclaté entre les représentants locaux des
deux camps. Dans quelles circonstances se conflit a eu lieu et quels furent ses enjeux ?

- Depuis 1983, le Soudan est dans une guerre civil qui opposent rebelles séparatistes
du sud et le gouvernement central. En Parallèle à cette guerre civile, au Sud Soudan dans la
zone comprise entre Morobo au Sud Soudan, Koboko en Ouganda et Ingbokolo en RDC de
nombreuses autorités s’affrontent comme l’Armée/Mouvement populaire de libération du
Soudan (A/MPLS) qui veulent l’indépendance du Sud, les Forces armées du Soudan, les
Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et d’autres forces
armées locales ougandaises et congolaises.
Le 9 mars 1997, dans cette même région le village de Bazi est « libéré » par L’APLS qui
expulse du village la résistances des Forces armées du Soudan et les rebelles ougandais. A
partir de ce jour l’APLS revendique le contrôle de ce territoire car c’est eux qui ont libéré le
village. Cependant ils ont en même temps libéré des territoires qui se trouvent jusqu’à 6km
au-delà de la frontière congolaise. Ces territoires et la ville de Bazi vont donc être réclamés
par la République démocratique du Congo car ils lui appartiennes. Néanmoins les
autorités locales de l’APLS laissent les populations locales circuler se qui laisse alors le
gouvernement central de la RDC peu soucieux de faire partir l’APLS, cette tache est donc
laissée aux autorités locales.

- Durant la période entre 1999 et 2000, des négociations sont entreprises entre les
autorités de la RDC et les autorités locales de l’APLS. Les autorités de la RDC réclament le
retrait de l’APLS des territoires congolais et du village de Bazi. Cependant, les délégations
locales de l’APLS refusent en prétextant le motif hiérarchique, en effet ils affirment que
seul le commandant en chef (qui n’est pas présent) peut décider du retrait des troupes. Ce
motif hiérarchique bloque donc la situation à Bazi.
En janvier 2005 avec la signature de l’Accord de paix global (CPA), la guerre civile se
termine au Soudan et un nouveau cadre politico-administratif émerge au Sud-Soudan. Le
statut du village de Bazi évolue, passant de celui de «zone (stratégique) libérée» à celui de
territoire semi-autonome sous l’autorité du gouvernement du Sud-Soudan (GoSS). Ce
changement d’autorité dans la région permet de nouvelles négociations car les dirigeants
ne sont plus les mêmes. Cependant rien ne bouge.
En 2006 le président de la RDC, Joseph Kabila arrivé au pouvoir lors de la
« libération » de Bazi, rédige une ordonnance présidentielle qui stipule que les frontières
héritées de l’époque coloniale sont intangibles. Désormais, le départ de l’APLS relève du
respect d’une ordonnance présidentielle, néanmoins les autorités congolaises locales n’ont
pas les moyens de la faire appliquer.

- Le matin du 24 janvier 2008, les autorités congolaises locales vont porter une lettre
qui demande aux Soudanais de quitter les territoires congolais mais une nouvelle fois,
sous prétexte de motif hiérarchique les autorités de l’APLS refusent. Cependant, ce matin
là, l’ex brigadier-général de l’APLS était à Bazi pour des raisons personnels, même si
dernier n’est plus en fonction il demeurait le plus haut gradé de l’APLS sur les lieux. Ce
dernier malgré son statut de retraité pris le contrôle de la situation en appelant
directement le chef de l’APLS basé à Yei, mais l’attente d’informations fut trop longue pour
les Congolais qui vers 16h ouvrent le feu, cependant les Congolais sont neutralisés par les
Soudanais. Au bout de quelques heures un commissionner soudanais arrive avec un
message du Gouvernement sud soudanais « il faut trouver une solution à l’occupation
illégale du territoire congolais par l’APLS ».
Ainsi le 2 février 2008, des négociations ont lieux, les gouverneurs des deux camps
s’entendent sur le fait que « la ligne frontière doit être déterminée en respectant le tracé
hérité de la période coloniale ». Depuis ce jours le village de Bazi est coupé par la frontière
avec d’un coté de la route les autorités soudanaises et de l’autre les autorités congolaises.

Quels facteurs ont pu amener à cet accrochage le 24 janvier 2008 ?

- Tout d’abord, la situation de guerre de guerre civile au Soudan entre 1983 et 2005 a
vu une multiplication des acteurs et des groupes armées dans la région de Yei ou se situe
Bazi ce qui limitait les possibilités de négociations des autorités congolaises.
Ensuite, c’est une accumulation de frustration mutuelle qui semble être à l’origine
de l’accrochage entre FARDC et l’APLS. En effet, depuis la « libération » de Bazi par l’APLS
en 1997 les autorités congolaises n’ont cessé d’entreprendre des négociations qui à chaque
fois ont abouties à rien, à cause de motifs hiérarchiques . De plus, depuis cette période de
nombreux incidents ont eux lieux entre les populations congolaises et les autorités de
l’APLS sur place, augmentant la frustration congolaise
Un autre problème et celui rapport personnel qu’ont les dirigeants concernés
homologues. Par exemple, en 2006 le Gouverneur de la RDC a appelé pour négocier
directement avec le gouvernement Soudanais, cependant, parce qu’il négligeait le
gouvernement du Sud Soudan il appela le gouvernement du Nord Soudan, ce qui énerva et
frustra encore une fois l’APLS et les autorités congolaises locales.
Enfin, le facteur qui semble le plus révélateur de cet accrochage, est le passage du
Soudan, de guerre civile avec un mouvement rebelle (APLS) à un gouvernement civil avec
une armée régulière. En effet, les autorités locales qui avant 2005 étaient des groupes.
rebelles deviennent après l’accord de paix, les autorités administratives. Cependant, pour
ses autorités leur nouvelles fonctions administratives sont secondaires, c’est les anciennes
directives de libération de l’APLS qui restent prioritaires. Ainsi le 24 janvier à Bazi, l’ancien
brigadier-général de l’APLS, malgré sa retraite, reprit les armes et son ancien rôle pour
affirmer l’autorité de l’APLS sur le territoires.

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