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TÉMOIGNAGE

« J'étais chef de projet dans les


énergies renouvelables, je suis devenu
paysan-boulanger »
TEMOIGNAGE// Après ses études à l'Essec, Raphaël Lefort, a
exercé dans le photovoltaïque. En mai 2022, il a acheté un
fournil mobile pour faire son pain et le vendre. Pendant
l'été 2022, il s'est posé sur les bords du canal à Pantin, en Seine-
Saint-Denis. A partir de novembre, il s'installe dans une ferme
en Seine-et-Marne pour à terme cultiver ses propres céréales.
Même si Raphaël Lefort a son diplôme d'éco-agriculteur et qu'il fabrique son pain, il ne produit pas encore sa
farine, mais utilise une farine locale venue de Seine-et-Marne. (DR)

Par Marion Simon-Rainaud


Publié le 31 oct. 2022 à 7:59 Mis à jour le 31 oct. 2022 à 9:28

« Après deux années de prépa, je suis entré à l'Essec. En sortant de l'école, je


suis parti en stage en Birmanie exercer dans une entreprise locale qui
développait des projets photovoltaïques. Puis, j'ai passé trois ans dans la même
branche pour une entreprise française à sillonner le pays.

En tant que chargé de développement de projets, j'ai été au contact


d'agriculteurs et agricultrices. Ma mission : initier et mener jusqu'à la
construction des projets de bâtiments intégrant une toiture photovoltaïque
(prospection, rencontre avec les différentes parties prenantes : collectivités,
agriculteurs, acteurs économiques).

Par cette lucarne, j'ai beaucoup appris sur l'agriculture, domaine que je ne
connaissais que très peu avant de faire ce métier. Aucun de mes proches ne
travaille dans le milieu agricole. Ma mère est salariée dans le secteur bancaire et
mon père, prof de théâtre.

Boulanger confiné et autodidacte


Pendant le confinement, j'ai commencé à faire du pain au levain en autodidacte
pour ma consommation personnelle. Petit à petit, l'idée d'une reconversion a
germé dans mon esprit. Ainsi naît le projet de devenir paysan-boulanger :
cultiver les céréales, les transformer en farine puis en pain.

Fin 2020, je décide de reprendre mes études pour changer de vie. En


septembre 2021, je commence une formation à l'école du Breuil, à Paris, en vue
de passer le Brevet professionnel responsable d'exploitation agricole (BPREA).

C'est à ce moment-là que j'annonce la nouvelle à mes parents. Forcément, ils


sont un peu surpris, mais ils ont bien pris la nouvelle (rires) !

Se lancer en collectif
Sur le coup, la perte sèche de salaire les inquiète un peu : mes revenus vont être
quasiment divisés par deux. Comme j'ai obtenu une rupture conventionnelle, je
peux bénéficier du soutien de Pôle emploi en tant que 'stagiaire de la formation'.

LIRE AUSSI :

• « Enseignante, j'ai finalement passé mon CAP boulangerie à distance »

Mais le fait que je ne sois pas seul les rassure et moi aussi ! Depuis la fin de ma
formation, il y a plus d'un an, je suis accompagné par la couveuse d'activités du
'Champ des Possibles'. C'est un peu comme un incubateur de projets agricoles.
Ils m'accompagnent dans le lancement de mon activité : conseils, suivi,
hébergement juridique et comptable….

Je prévois à terme de créer un collectif pour reprendre une ferme. J'aimerais


reprendre l'exploitation avec quatre ou cinq personnes, chacune chargé d'une
activité (maraîchage,, élevage, boulangerie, …) afin d'avoir une production
diversifiée et de pouvoir s'entraider et surtout se relayer (rires).

Le mois prochain, je m'installe à Argentières, en Seine-et-Marne, dans une ferme


:
dont les exploitants partent à la retraite dans deux ans. L'objectif est dans un
premier temps de me focaliser sur la production de pain puis de me mettre à
cultiver les céréales issues de l'agriculture biologique, cultivées et moulues sur
moulin à meules de pierre en Seine-et-Marne chez notre paysan meunier
Geoffroy Gamé, à la ferme du Chaillois.

« J'ai passé trois ans dans le photovoltaïque, à sillonner la France à la rencontre d'agriculteurs et
agricultrices, où devrais-je plutôt dire, de paysannes et paysans : les gens qui font le pays, qui façonnent les
paysages, qui nourrissent la France ! J'ai pris conscience des limites du modèle agricole en place. » (DR)

En attendant, depuis cinq mois, j'ai installé mon fournil sur les bords du canal
de l'Ourcq, à Pantin, en Seine-Saint-Denis, dans le cadre du projet des Grandes
Serres. La société Alios Développement, porteuse du projet, m'a permis
d'occuper de manière éphémère le parvis de cette ancienne usine afin que je
teste mon activité. C'était une sorte de clin d'oeil à la programmation future
avant le démarrage des travaux de réhabilitation puisque cette grande Halle
accueillera une meunerie boulangerie.

Le baptême du feu
:
Entre juin et octobre, je travaille trois jours par semaine, dont les week-ends.
Avant, je n'avais fait qu'un stage en boulangerie, donc pour moi, ça a été le
baptême de feu !

Je produis entre 150 et 200 kg de pain par semaine auxquels s'ajoutent


brioches, fougasses et autres gourmandises. Les week-ends sont très intenses :
j'accueille les clients de midi à 19 h 30 samedi et dimanche, mais je commence
la production dès le vendredi soir et reviens le lundi pour finir de tout ranger. En
milieu de semaine, je fais une fournée pour une AMAP (Associations pour le
maintien d'une agriculture paysanne) de Pantin que je livre à vélo !

Je produis tout seul, le rythme entre production et vente n'est pas simple à
tenir. C'est très intense et physiquement éprouvant, mais comme c'est
temporaire, je sais que c'est soutenable. Une fois installé en Seine-et-Marne, je
ne vais pas gérer la vente et la production en même temps.

LIRE AUSSI :

• « J'ai quitté la banque d'investissement pour lancer ma boulangerie à


New York »

A la ferme, je prévois de produire du matin jusqu'au début d'après-midi et de


vendre sur place en fin de journée. Cela permettra de mieux gérer mon temps,
:
d'être à la fois plus souple et plus efficace à la production et à la vente qu'en
gérant les deux simultanément. Une fois en collectif, le fait d'être plusieurs
permettra de mutualiser les temps d'astreinte, notamment la vente. J'ai pu
constater que mes clients sont prêts à attendre car le pain au levain se garde
bien.

40.000 euros d'investissement perso


Pour financer cette reconversion, j'ai mis toutes mes économies, environ
40.000 euros. Ce pécule m'a permis d'acheter le camion déjà aménagé et équipé
en fours. C'était un ancien véhicule de l'armée suisse, une pièce rare ! Je l'ai
acheté sur Leboncoin à un boulanger à la retraite dans le Puy-de-Dôme et fait
rapatrier à Paris.

Aujourd'hui, je suis très heureux de mon choix. Les retours des clients sur les
produits sont gratifiants. Faire des choses concrètes, promouvoir le bien manger
et créer du lien social ont été le moteur de ma reconversion. Je n'ai aucun
regret. Au contraire, j'ai hâte de poursuivre mon projet et de créer un collectif
avec d'autres agriculteur.trice.s engagé.e.s. Je me sens plus utile à la société en
tant que paysan-boulanger. »

À NOTER
Si vous avez aussi une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n'hésitez pas à nous
contacter : redaction-start@lesechos.fr
Et pour lire d'autres témoignages inspirants, c'est ICI .

Propos recueillis par Marion Simon-Rainaud


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