Vous êtes sur la page 1sur 25

ESAM – BACHELOR DROIT ET SCIENCES POLITIQUES

B1 – Cours D’INsTITuTIoNs JuDICIAIrEs

Enseignant: Jean-Dominique Voisin


1
Troisième partie: le fonctionnement de la justice judiciaire

I. Les collaborateurs du service public de la justice


Les auxiliaires de justice
Le ministère public

II. Les principes généraux du procès judiciaire


Les principes applicables à l’action en justice (= saisine du juge)
Les principes applicables à l’instance ( = déroulement du procès)

2
II. Les principes généraux du procès privé
A) Les principes applicables à l’action en justice

3
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe d’égalité devant la justice:
• Est une déclinaison à la justice du principe général d’égalité
devant la loi.
• Bénéficie à tous les justiciables, sans condition de nationalité.
• Implique que:
 Les règles procédurales soient les mêmes pour tous (égalité des armes).
 Les juridictions soient les mêmes pour tous (pas de privilège de
juridiction; égal accès aux tribunaux).
 Le droit appliqué par les juridictions soit le même pour tous (cf. rôle de la
Cour de cassation).

4
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe d’égalité devant la justice:
• Comporte des limites de droit:
 Plusieurs règles de procédure peuvent avantager l’Etat français lorsqu’il
est partie au litige.
 Les Etats étrangers bénéficient par principe d’une immunité de
juridiction.
 L’Etat français bénéficie d’une immunité d’exécution.
• Comporte des limites de fait:
 Inégalités économiques et sociales.
 Palliatifs : confier la défense d’intérêts individuels à des groupements
(syndicats, associations). Création d’actions de groupe.

5
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe de gratuité de la justice:
• Fonctionnarisation des juges = abandon du système des charges
et donc des épices. Les parties ne paient plus les juges.
• Fiscalité insuffisante pour couvrir l’ensemble des coûts du
procès: gratuité totale du procès impossible.
• La charge des coûts du procès influe sur l’égal accès à la justice,
donc l’Etat a l’obligation de mettre en place des règles
équilibrées.
• Suppression des « débours » en 1978 (sauf devant les juridictions
commerciales)….mais remplacement par les « dépens ». Il faut
aussi prendre en compte les « frais irrépétibles ».
6
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe de gratuité de la justice:
• Les « dépens »: frais nécessaires + tarifés.
 Liste limitative (art. 695 CPC).
 Doivent être avancés par chaque partie, mais possibilité de
remboursement par l’adversaire en cas de victoire (dérogation
possible sur décision du juge). Si un auxiliaire accomplit un acte
injustifié ou irrégulier, l’acte reste à sa charge et n’est pas inclus
dans les dépens (frais « frustratoires »).
• Les « frais irrépétibles ».
 Petere = réclamer. Donc frais non réclamables à l’adversaire car
non inclus dans les dépens (ex.: honoraires de l’avocat). Mais
exceptionnellement, possibilité de les mettre à la charge de
l’adversaire (art. 700 CPC).
7
A) Les principes applicables à l’action en justice
 Article 695 CPC:
• Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent :
• 1° Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les secrétariats des juridictions ou l'administration des impôts à
l'exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l'appui des prétentions des
parties ;
• 2° Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
• 3° Les indemnités des témoins ;
• 4° La rémunération des techniciens ;
• 5° Les débours tarifés ;
• 6° Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
• 7° La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
• 8° Les frais occasionnés par la notification d'un acte à l'étranger ;
• 9° Les frais d'interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d'instruction effectuées à l'étranger à la
demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206 / 2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la
coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile et
commerciale ;
• 10° Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072 et 1248 ;
• 11° La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l'article 388-1 du code
civil.
8
A) Les principes applicables à l’action en justice
 Article 700 CPC:

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans
les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale
une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le
bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé
comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la
partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes
considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat
majorée de 50 %.
9
A) Les principes applicables à l’action en justice
 Le principe de gratuité de la justice:
• L’aide juridique: a remplacé l’aide « judiciaire » en 1991.
 Aide juridictionnelle:
o Conditions d’attribution:
 Être de nationalité française ou ressortissant de l’UE. Possible pour les
PM si but non lucratif.
 Position procédurale indifférente, mais attention aux demandes
manifestement irrecevables ou dénuées de fondement et au
demandeur quérulent.
 Prise en compte des ressources: RFR + capital mobilier + capital
immobilier + charges de famille.
 En janvier 2022, pourcentage prise en charge au titre de l’AJ pour
une personne seule varie selon le revenu mensuel, fourchette :
965 euros (100%)  1447 euros (0%).
 Mais attention, AUCUNE aide si les biens mobiliers excèdent 11580
euros ou si les biens immobiliers excèdent 34734 euros.

10
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe de gratuité de la justice:
• L’aide juridique: a remplacé l’aide « judiciaire » en 1991.
 Aide juridictionnelle:
o Modalités d’attribution: demande au BAJ. Numérisation facilitée via
FranceConnect; contrôle des conditions d’attribution et droit de
communication; retrait possible en cours d’instance; possibilité de
contester un refus ou un retrait.
o Frais pris en charge: tous les dépens de la partie bénéficiaire de l’AJ,
et l’assistance d’un avocat (choisi par le bénéficiaire…si l’avocat
accepte; sinon, désigné par le bâtonnier). Mais pas les dépens de
l’adversaire si défaite du bénéficiaire ! Pas non plus frais irrépétibles.

11
A) Les principes applicables à l’action en justice
Le principe de gratuité de la justice:
• L’aide juridique: a remplacé l’aide « judiciaire » en 1991.
 Aide à l’accès au droit: prend en charge les frais non juridictionnels
(conseil, rédaction d’actes, négociations amiables…).
• L’assurance de protection juridique: contrat d’assurance ayant
pour finalité, moyennant le paiement d’une prime d’assurance, la
prise en charge des frais de procédure, de la fourniture de
conseil, d’une négociation amiable.

12
A) Les principes applicables à l’action en justice
 Le principe de continuité de la justice:
• Art. L. 111-4 COJ: « La permanence et la continuité du service public de
la justice demeurent toujours assurées. »
 Pas de vacances judiciaires. Art. R. 111-1 COJ: « l'année judiciaire
commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre ».
Evidemment, roulements organisés au sein des juridictions pour que
les magistrats, eux, aient des vacances.
 Pas de droit de grève (cf. statut des magistrats).
 Les juridictions ne siègent pas les jours fériés et chômés. Mais
certains juges ont parfois l’obligation de tenir des audiences mêmes
ces jours-là (juge des référés notamment).
 Exception: juridictions siégeant par sessions (TPBR, cour d’assises).
 Circulaire de 2001 limitant la durée cumulée du travail en
juridiction: 2 sessions de 6 heures, ou une session de 8h continue.
13
II. Les principes généraux du procès privé
B) Les principes applicables à l’instance

14
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de l’instance

 Le droit à la publicité de la justice:


• Signification = le public doit pouvoir assister à un procès pour contrôler la façon dont
la justice est rendue. « Justice must not only be done, it must be seen to be done ».
• Publicité de l’audience + publicité du prononcé du jugement.
• Dérogations admise pour des motifs légitimes. Cf. art. 6 CSDHLF: « le jugement doit
être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la
presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la
moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société
démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des
parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le
tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à
porter atteinte aux intérêts de la justice ».

15
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de
l’instance

 Le droit à la publicité de la justice:


• Dérogation en matière civile = « chambre du conseil »; en matière pénale =
« huis clos ».
• Compromis possible lorsque motif = sécurité ou sérénité =>
vidéotransmission du procès dans une salle ouverte au
public//radiotransmission du procès (cf. attentats de 2015).
• Remarque: en matière civile, les parties peuvent renoncer aux débats. Il n’y a
alors logiquement plus de publicité des débats.

16
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de
l’instance
 Le droit à la publicité de la justice:
• Interdiction de l’enregistrement des débats, sauf à fin de preuve ou en cas de
demande de révision d’un procès.
 Dérogation à des fins mémorielles, mais notion appréciée restrictivement
par les juges.
 Elargissement par loi 2019 (le Parquet peut imposer l’enregistrement des
procès relatifs à des crimes contre l’humanité ou des actes de
terrorisme).
 Elargissement par loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
(enregistrement pour intérêt public d’ordre pédagogique, informatif,
culturel ou scientifique ).
17
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de
l’instance

 Le droit à la publicité de la justice:


• Publicité du prononcé du jugement impérative. Mais peut consister en un
simple dépôt au greffe.
 Open data des décisions de justice.
o Pour limiter les dérives de la justice prédictive au sein des legaltechs:
anonymisation (des parties systématiquement, parfois des juges);
refus possible de communication des décisions en cas de demande
abusive (quantité ou fréquence).
o Décision de tribunaux et de CA facilement accessibles par le public
d’ici à 2025.
18
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de
l’instance

 Le droit à la célérité de la justice:


• Condition d’effectivité et de crédibilité de la justice.
• Exigence d’un délai raisonnable de jugement:
 entre le moment où le juge est saisi et le moment où l’affaire
reçoit sa solution définitive (y inclus, le cas échéant, le règlement
des difficultés d’exécution).
 apprécié au regard de la complexité de l’affaire, du comportement
du requérant et du comportement des autorités nationales.
19
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de
l’instance

 Le droit à la célérité de la justice:


• Les causes des lenteurs dans le jugement des affaires judiciaires:
 Cause première = manque d’investissement budgétaire
 Causes secondaires =
o Diminution du rendement des juges
o Accidents (perte de dossier par ex.)
o Augmentation du nombre d’affaires portées en justice
• Ne pas oublier que tout délai n’est pas un retard: la justice doit aussi
pouvoir prendre son temps sous peine d’être expéditive.
20
II. B) Les principes applicables à l’instance
1° Les droits fondamentaux relatifs au déroulement de l’instance
 Le droit à la célérité de la justice:
• Les principaux remèdes potentiels aux lenteurs de la justice sont:
 Inciter au règlement amiable des litiges (systématique aujourd’hui pour les
« petits litiges », notamment ceux portant sur une somme inférieure ou égale à 5000
euros).
 Déjuridictionnaliser le règlement des litiges (par ex., divorce par consentement mutuel
par acte d’avocat).
 Multiplier les procédures à juge unique (libère 3 fois plus de juges).
 Compliquer l’accès aux voies de recours.
 Recruter davantage de personnel judiciaire.
 Dématérialiser les procédures.
 Multiplier les procédures d’urgence (type référé).
• Lorsque le traitement judiciaire d’une affaire a duré un temps déraisonnable, il ne reste plus
que la réparation du dommage causé au justiciable (accordé par la CEDH, mais avant tout
par le juge national, via l’action en responsabilité de l’Etat pour dysfonctionnement du
service public de la justice).
21
II. B) Les principes applicables à l’instance
2° La responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement
défectueux du service public de la justice

 Responsabilité envers les usagers du service public de la justice:


• Le dysfonctionnement doit avoir eu lieu à l’occasion d’une procédure
concernant cet usager + les voies de recours ne sont pas de nature à
permettre la réparation du préjudice que lui a causé ce
dysfonctionnement.
• Régime différent (sans faute de l’Etat à prouver) pour le tiers au service
public de la justice (ex.: un passant blessé par balle à l’occasion d’une
opération de police judiciaire).
22
II. B) Les principes applicables à l’instance
2° La responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement
défectueux du service public de la justice

 Responsabilité indépendante de la faute personnelle d’un juge:


• Faute lourde:
 Erreur grossière d’un agent du service public de la justice, incompatible
avec l’exercice soucieux de ses devoirs.
 Accumulation de défaillances anormales ayant rendu le service public
de la justice inapte à remplir la mission dont il est investi.
• Déni de justice:
 En raison d’une durée excessive de procédure.
 Parce qu’aucun juge ne s’est reconnu compétent pour statuer sur le
litige.
23
II. B) Les principes applicables à l’instance
2° La responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement
défectueux du service public de la justice

 Responsabilité découlant de la faute personnelle d’un juge:


• Ne peut pas consister en une erreur de jugement de l’affaire (erreur
de fait ou de droit).
• Correspond le plus souvent à une faute statutaire.
• Engage la responsabilité de l’Etat, pas du juge, envers l’usager. L’Etat
dispose ensuite d’une action récursoire envers le juge fautif.

24
II. B) Les principes applicables à l’instance
2° La responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement
défectueux du service public de la justice

 Responsabilité relevant de régimes spéciaux:


• En matière pénale, notamment pour les personnes indûment placée en
détention provisoire ou victime d’une erreur judiciaire ayant donné lieu à
révision de leur procès.
• En matière civile, notamment lorsque le dysfonctionnement d’un
mécanisme de tutelle a causé un préjudice à un majeur protégé ou un
mineur.

25

Vous aimerez peut-être aussi