Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Chapitre I
Chapitre I
Introduction
La microfinance moderne est la résultante d’un long processus, de nombreuses constructions et
recherches successives effectuées dans les différents continents, à tous les niveaux, aussi bien
par les autorités publiques, les institutions et organisations internationales, nationales et locales
que par la société civile et les chercheurs en général, sans oublier les groupements informels et
les philanthropes.
Par ailleurs, l’historique et les différentes définitions de la microfinance ont mis en évidence
les différentes catégories d’institutions de MF et leurs objectifs social et financier, depuis
l’apparition des pratiques de solidarité à coloration d’idée de microfinance jusqu’à la
consécration de l’institution microfinance moderne dans le secteur financier formel.
La diversité d’institutions de microfinance créés au fil des siècles et leurs objectifs, social et
financier, seront présentés en deux points successifs dans le paragraphe deux (II) de la présente
section.
1
Enfin, l’évolution de la microfinance au cours de la deuxième moitié du 20 ème siècle, dans les
secteurs financiers formel et informel, a conduit à la diversification des produits et services de
l’IMF grâce, notamment, à la précieuse contribution des autres acteurs de la microfinance. Les
produits et services et les acteurs de la microfinance constitueront les deux repères du troisième
paragraphe (III).
Ainsi, les trois paragraphes de cette première section couvent les constituants principaux de la
microfinance, dont les institutions de microfinance qui représentent l’une des clés de notre étude
portant sur l’impact de la FinTech sur la performance sociale et financières des institutions de
microfinance.
Le concept moderne de finance informelle, couvrant la microfinance, a été consacré dans les
années 1980. Enfin, le terme « microfinance », désignant des services financiers distincts, n’a
réellement émergé que dans les années 1990.
En réalité, au fil des siècles, la microfinance s’est implantée dans différents continents, sous des
appellations et des formes diverses. La date de son apparition a toujours été source de débat.
2
La naissance de la première ébauche d’idée de microfinance date du 16 ème siècle et a eu lieu en
Italie. C’est la tontine.
Il est admis que l’histoire de la microfinance remonte au 16ème siècle. La première ébauche
d’idée de microfinance a été l’œuvre du financier et politicien italien Lorenzo tonti, fondateur
de la tontine, consistant en la mise en place d’une association d’épargnants dans un cadre de
solidarité et de confiance. C’est une pratique de solidarité financière informelle.
C’est la forme première, très approximative, d’idée de microfinance qui s’appuie sur l’épargne
des épargnants eux-mêmes, organisés en association en tant que de structure de gestion. Le
montant global de l’épargne est mis, périodiquement, à la disposition de chaque épargnant, à
tour de rôle. Le terme microfinance n’a pas encore été inventé.
La tontine de Lorenzo Tonti a été mise en œuvre au 16ème siècle en Afrique de l’Ouest. Elle
s’est ensuite étendue à quasiment toute l’Afrique Subsaharienne, sous différentes formes
locales.
D’autres formes plus élaborées de l’idée de microfinance ont succédé à la tontine italienne à
partir du 18ème siècle, en Europe : ce sont les associations caritatives de prêts et les sociétés
d’épargne.
La microfinance a débuté en Irlande, en 1720, avec la création de Irish Loan Funds qui était
une association caritative qui accordait des prêts sans la réclamation d’aucun intérêt. Cette
formule n’a pas résisté au temps. En effet, en 1823, une loi a instauré les taux d’intérêt sur les
prêts et les dépôts d’épargne. A noter également la création, en 1778, de la première société
d’épargne à Hambourg.
La formule de la tontine italienne a été relativement dépassée en Europe. Les prêts accordés en
Irlande n’exigent pas la qualité d’épargnant du bénéficiaire du prêt. La société d’épargne a
3
remplacé, comme structure d’octroi de prêts, les associations dont les capacités financières
étaient limitées.
L’Europe du début du 19ème siècle a vu la création d’institutions d’épargne et de crédit qui sont
destinées aux pauvres. C’est la Finance au service du social. La France et l’Allemagne ont
creusé les premiers sillages de cette étape.
En France, P.J Proudhon a créé, en 1849, la banque du peuple qui a permis la distribution de
crédits gratuitement (sans intérêts). La gratuité des crédits, et de surcroit par une banque, a été
une forme particulièrement percutante de cette étape de la microfinance, mais difficilement
soutenable.
La France a adopté un modèle similaire en créant la première caisse rurale et ouvrière, suivie
de l’institution du crédit agricole.
Mais, c’est au Canada, en 1900 que A. Desjardins a créé la première caisse populaire.
L’Amérique Latine s’est également approprié le modèle Raiffeissen au début des années 1900,
sauf que la population cible, à savoir les agriculteurs à bas revenus, ne bénéficiaient pas de ces
crédits.
4
Toutefois, le plus grand système de MF a été créé en Indonésie, en 1895, et dénommé
l’Indonesian People’s Credit Bank, comprenant près de 9000 succursales.
Le Pakistan s’est distingué dans les années 1960 en accordant des crédits à des groupes ruraux.
C’est le modèle Comulla. L’Amérique du Sud a connu l’expérience du Microcrédit avec
l’organisation ACCION. A signaler, parmi les étapes de microcrédit, le Sommet du Microcrédit
de 1997 à Washington et l’année Internationale du microcrédit qui a été organisée en 2005, par
l’ONU. Toutefois, la microfinance a connu des crises notamment au maroc (2007), au Pakistan
(2009), et en Inde (2011).
5
Les ONG fournissent des microcrédits sans garantie aux femmes pauvres afin d’améliorer leur
situation socio-économique. La BRAC est considérée comme l'une des plus grandes ONG
réussies au monde.
La grameen Bank, ACCION International et Self Employed Women’s Association Bank sont
les premiers pionniers de la microfinance moderne qui ont débuté respectivement au
Bangladesh, en Amérique Latine et en Inde et qui prospèrent jusqu’à aujourd’hui.
Au niveau de l’Afrique : c’est en 1960, en Tunisie, que l’une des premières institutions de la
microfinance, relativement contemporaine, a été mise en place par la création des caisses
locales de crédit mutuel, suivies des programmes de développement financés par des
organismes internationaux et notamment le fonds international de développement agricole
(FIDA). (Le Cameroun a suivi le mouvement, en 1963, en créant une institution de la
microfinance dénommée Camccul « Cameroon cooperative credit union league).
Ce mouvement, soutenu par les ONG, a été enrichi, à partir des années 80, par des programmes
et des fonds d’insertion économique de la population urbaine, dont le PDUI (programme de
développement urbain intégré) et le FPAPM (fonds de promotion de l’artisanat des petits
métiers).
L’année 1999 est une date importante dans l’histoire de la microfinance en Tunisie. En effet, le
microcrédit est défini dans l’article premier de la loi organique n 99-67 (du 15 juillet 1999
relative aux microcrédits accordés par les associations), de manière extensive et à travers deux
6
objectifs globaux, à savoir « tout crédit visant soit l’aide à l’intégration économique et sociale,
soit le financement des besoins visant l’amélioration des conditions de vie ».
La performance sociale et financière des associations régies par la loi organique n 99-67 figure
comme l’objectif principal de l’octroi des microcrédits en Tunisie.
L’année 2011 a enregistré l’évolution de la microfinance en Tunisie. Après plus d’une décennie
de microfinance sous la loi organique n 99-67, l’année 2011 a enregistré un évènement de
grande importance en la matière consistant en la publication de décret-loi n 2011-117 du 05
Novembre, portant organisation de l’activité des institutions de microfinance.
Ce décret-loi s’inscrit dans le cadre général des 17 principales mesures d’appui au
développement du gouvernement provisoire issu de la révolution de décembre 2010- 14 janvier
2011.
Ainsi, la Tunisie a connu la plupart des modèles d’institution semi-formelles et formelles de
microfinance.
La microfinance aujourd’hui
2. La définition de la microfinance
Les définitions de la microfinance ont été multiples, hétéroclites et révélatrices de sa diversité.
La microfinance a été perçue sous tous les angles. La microfinance a été notamment considérée
7
comme un mécanisme de financement des pauvres afin de leur permettre d’exercer une activité
indépendante rémunérée et de se dégager ainsi de la pauvreté. La microfinance a été également
perçue comme un outil adéquat pour soutenir les pauvres dans leur lutte contre le chômage et
la pauvreté. La microfinance a été, par ailleurs, définie comme une sorte de méthode dont la
fonction première est le financement du développement dans un but de double inclusion sociale
et financière des pauvres, des artisans et des très petites entreprises.
Ces quelques exemples de définitions ont fait de la microfinance un mécanisme, une méthode
ou un outil de financement.
Le microcrédit summit (1997) et de nombreux chercheurs ont avancé des définitions qui ont
mis en relief d’autres repères ou composantes de la microfinance.
The Microcredit Summit (1997) définit la microfinance comme un programme qui accorde
de petits prêts aux personnes en dessous du seuil de pauvreté afin de s'engager dans des projets
de travailleurs indépendants qui génèrent des revenus, leur permettant ainsi de subvenir à leurs
besoins et à ceux de leur famille.
La MF offre des crédits et fournit des services financiers non seulement aux personnes à revenu
faible mais aussi à toute personne qui ne peut accéder au système formel (voir le portail
microfinance portail FinDev).
La microfinance joue un rôle dans la réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
Il confirme que la participation à des programmes de microfinance offre aux pauvres la
possibilité d'augmenter leurs niveaux de revenus, réduisant ainsi l'écart de revenus entre les
classes riches et pauvres. Par ailleurs il y a une relation entre la microfinance et l'inégalité des
revenus et observent une relation négative.
8
La microfinance a attiré une attention considérable du public en tant que contributeur important
au renforcement et à l'expansion du système financier formel. Ce système affecte le
développement durable à la fois directement et indirectement.
Le microcrédit fait référence aux petits prêts alors que la microfinance est appropriée lorsque
les ONG et les IMF complètent les prêts par d'autres services financiers (épargne, assurance,
etc.). Par conséquent, le microcrédit est une composante de la microfinance en ce qu'il implique
l'octroi de crédits aux pauvres, mais la microfinance implique également des services financiers
supplémentaires sans crédits.
Le terme microfinance fait référence à la fourniture de services financiers à des clients à faible
revenu par le biais de divers services qui évoluent généralement vers le microcrédit, la micro-
assurance, la micro-épargne et les transferts d'argent.
Il est important de souligner que même si the microcredit Summit (1997) a considéré que la
microfinance est un programme, il a été fait également référence à d’autres éléments importants
tels que les petits prêts, le seuil de pauvreté, l’engagement dans les projets générateurs de
revenus, le travail indépendant et la subsistance de la famille.
D’autres chercheurs ont repris ces repères de la microfinance et les ont enrichis en se référant
aux services et produits financiers assurés aux pauvres à des tarifs très étudiés, à l’amélioration
du niveau d’éducation, à la création et à l’expansion de petites entreprises, à l’accession aux
marchés financiers, au financement du secteur de la microfinance par les privés, à l’aide aux
pauvres des zones rurales, aux dons des organisations non gouvernementale, au renforcement
du secteur financier formel par la microfinance, le micro-crédit, la micro-épargne, la micro-
assurance et les transferts d’argent.
La microfinance moderne s’est ainsi construite à travers l’histoire et s’est forgée un espace
réellement distinctif dans la finance formelle, tout en puisant une grande partie de sa clientèle
dans l’économie et la finance informelles.
Son évolution s’est caractérisée par son institutionnalisation dans le secteur financier officiel
des différents pays, à côté des banques, du marché financier et autres. Il ne s’agit plus seulement
de services et de produits de microfinance assurés dans le secteur financier informel mais d’une
institution de microfinance moderne évoluant dans le secteur financier formel, soumise à une
réglementation et à une organisation spécifiques et ayant un double objectif social et financier.
9
II. Les Institutions de Microfinance et leurs objectifs
Contrairement aux banques dont le modèle est bien établi, la microfinance a évolué dans une
multitude de modèles d’institutions.
Les services et les produits de la microfinance ont été assurés par trois catégories d’ins titutions à
savoir :
Il est utile de préciser que les groupements considérés dans certaines études comme des
« institutions » informelles de microfinance ne figurent pas dans notre étude parmi les IMF, car
ce ne sont, en réalité, que des pratiques ancestrales de microfinance et non des institutions.
Certes, « les institutions informelles », à l’instar des tontiniers, des groupes d’entraide, du tirage
au sort et autres, ont été certainement d’une grande utilité dans le secteur financier informel en
asie, en Afrique et en Amérique latine, et le sont encore probablement ; mais leur
règlementation orale, la multiplicité de leurs formes et leur limitation à l’épargne de groupes
particuliers ne contribuent pas à les considérer comme de vraies institutions même informelles,
de microfinance.
Ce modèle d’institutions comprend notamment les mutuelles, les coopératives et les caisses
d’épargne et de crédit et les organisations non gouvernementales (ONG) nationales qui sont
chargées d’appliquer des programmes financés par des institutions internationales (le PNUD,
la BIT, l’Union Européenne, la banque mondiale, le BERD, les agences de coopération).
C’est un modèle d’institutions qui gravitent dans le secteur financier informel. Leurs activités
sont couvertes par la règlementation générale du pays et, en aucun cas, par la règlementation
financière ou bancaire.
10
Une institution mutualiste ou coopérative est constituée d’un ensemble de personnes et dispose
d’un capital variable. Elle est dotée de la personnalité morale, n’a aucun but lucratif et se base,
par contre, sur le principe d’union et de solidarité.
Elle est gérée par ses propres membres qui en sont les actionnaires.
Les COOPEC peuvent être des caisses mutuelles, populaires ou des caisses villageoises.
Les revenus de la caisse mutuelle sont intégralement mis en réserve, alors que dans la caisse
populaire une partie est rendue aux membres au prorata des intérêts payés sur les emprunts.
« Une coopérative d’épargne et de crédit (COOPEC) est une institution financière, à but non
lucratif. Elle est organisée et contrôlée par ses membres qui s’associent pour regrouper leur
épargne et se faire mutuellement des prêts à des taux raisonnables ».
Ce modèle d’institution, concentré sur l’épargne, s’est implanté quasiment dans le monde
entier. Concernant les mutuelles et les caisses, c’est en Europe, en Allemagne précisément, que
les premières caisses de crédit mutuel ont été implantées par Raiffesen en 1864. En Amérique
du Nord, au Canada (au Québec), Alfonse Desjardins a inventé les caisses populaires en 1900.
En Afrique, et à compter des années 1990, ce modèle de caisse a existé au Sénégal, au Congo
et au Cameroun.
Les ONG se sont concentrées, dans le cadre de programmes, sur l’octroi de microcrédit (directs)
aux femmes pauvres, aux groupes de petits artisans et aux très petites entreprises, sans condition
d’épargne préalable. Les ONG ont également collaboré avec les banques. Leur impact a été très
important en Asie où elles ont joué le rôle d’intermédiaire entre les banques et les group es
d’aide mutuelle, en Indonésie, et entre les banques et les groupes d’entraide, en Inde.
11
Ce modèle a été concurrencé par le secteur bancaire qui a pris conscience de cette catégorie de
clients potentiels, pauvres mais très nombreux et au potentiel intéressant.
Les banques commerciales, postales, de développement du secteur financier formel, soumises
à la règlementation bancaire, et des institutions financières non bancaires (IFNB) ont assuré, en
s’adaptant, un service important de microfinance, à savoir : le microcrédit.
En raison de l’importance de la microfinance, les banques ont développé des stratégies pour
l’exploiter. La première stratégie a été de créer, parmi les structures de la banque, une direction
particulière chargée de la microfinance, mais ce n’était pas une institution. La deuxième
stratégie a consisté à reconvertir la banque exclusivement dans la microfinance. C’est le cas, en
Asie, de la Bank Rakyat Indonesia (BRI). La troisième stratégie des banques, la plus directe, a
résidé dans la création d’une institution totalement nouvelle, « ex-nihilo », dotée, soit d’un vrai
statut de banque, soit d’un statut voisin du domaine financier, dont l’activité unique est de
recevoir des dépôts et d’octroyer directement, sans intermédiaires, des crédits aux pauvres et
de financer les micro-entreprises.
Cette stratégie a été relevée notamment en Europe Centrale et orientale (Albanie, Georgie,
Bosnie-Herzegovine et Kosovo).
La microfinance, au sens moderne du terme, depuis sa création dans les années 1990, ne s’est
réellement institutionnalisée qu’en instaurant son modèle propre intitulé « l’institution de
microfinance ». C’est effectivement ce modèle distinctif qui a consacré définitivement l’IMF
dans le secteur financier formel. L’IMF est ainsi soumise à une réglementation et une
organisation spécifique. Désormais, l’IMF a une forme juridique précise (exemple société
anonyme), un champ d’intervention délimité (au niveau des produits de microfinance) , des
normes de gouvernance et des règles de gestion et de transparence financière à respecter, une
clientèle à protéger (information, conseils, formation) et autres règles impératives. En cas de
violation de la réglementation, des sanctions administratives et pécuniaires sont prévues à
l’encontre des IMF et de leurs dirigeants.
L’effet de l’adaptation des banques à la microfinance et l’évolution des besoins des clients et
des services de la microfinance ont favorisé la création de ce modèle d’institution spécifique à
la microfinance : l’institution de microfinance (IMF).
12
L’évolution de la microfinance et la consécration d’un modèle institutionnel exclusif, l’IMF,
soumis à une règlementation propre dans le secteur financier, reflètent l’importance accordée à
la réduction de la pauvreté dans le monde et l’importance numérique de cette clientèle (les
pauvres et les microentreprises) dans l’économie et les finances.
Dans tous les cas de figure, et quel que soit le modèle d’institution adopté, les IMF ont un
double objectif social et financier à assurer. Compte tenu des différences de développement
entre les pays et les continents, les différentes catégories d’institution de microfinance, semi
formelles et formelles coexistent dans les secteurs financiers formels et informel. Les pratiques
de microfinance ancrées dans les traditions ne peuvent pas disparaître facilement.
Il en a été de même au niveau de l’ONU. Son Assemblée générale de 2015 a fait figurer parmi
les 17 objectifs de son programme de développement, jusqu’à l’année 2030, l’éradication de la
pauvreté et la prospérité universelle.
L’objectif social de la microfinance de lutte contre la pauvreté et le soutien des pauvres figure
toujours parmi les objectifs de l’IMF, sans en être l’objectif unique.
13
En effet, l’IMF fait, désormais, partie intégrante du secteur financier formel et se doit, en
conséquence, de tenir compte de toutes les règles de la finance et de l’économie. Pour cela, dans
un souci d’organisation fonctionnelle, une institution de microfinance vise, en perm anence, un
double objectif, social et financier, cumulativement, pour garantir sa pérennité et sa viabilité.
La microfinance s’est fortement développée au cours des dernières décennies dans le but
d’atteindre un résultat de viabilité financière et d’impact social.
Le premier objectif social de vulgarisation se concrétise en offrant ses services et produits aux
clients pauvres, surtout les femmes, pour les aider à créer une source de revenus, une activité
économique pour les dégager du cercle vicieux de la pauvreté et du chômage. Cet objectif social
de l’IMF permet l’inclusion sociale des pauvres dans un pays. Pour mieux saisir toute la teneur
de cet objectif social, il aurait été intéressant de présenter des éléments sur la pauvreté, les
inégalités, le chômage, les paramètres du développement, les déséquilibres régionaux, le rôle
de la femme et autres.
Le second objectif de l’IMF, non moins prioritaire que le premier, est d’ordre financier, c’est
un objectif à double repère. Le premier repère se concrétise quand l’IMF atteint, au plan interne,
son autosuffisance financière pour avoir une plus grande étendue sur la portée de son activité
et l’accessibilité qui est définie, comme la capacité et les instruments permettant d’atteindre les
personnes à faible revenu. Le second repère de l’objectif financier de l’IMF consiste à faciliter
l’inclusion financière graduelle, dans le secteur financier formel, de ses clients, en part iculier
les pauvres et les micro-entrepreneurs du secteur informel qui sont exclus du secteur bancaire.
Compte tenu de l’importance financière pour la viabilité des IMF et du choix du thème de notre
étude, un paragraphe concernant l’inclusion financière sera, ci-après, développé.
Il est, par ailleurs, impératif de signaler que le double objectif, social et financier, pose un
problème considérable aux IMF, au niveau des moyens à mettre en œuvre pour les réaliser. Ce
double objectif, social et financier, que l’IMF doit affronter est une véritable gageure (défi) en
raison de la divergence des positions au niveau des moyens à mettre en œuvre pour le
concrétiser. C’est le schisme de la microfinance qui sera présenté dans un second paragraphe.
14
Outre la difficulté de concrétisation de ce double objectif social et financier, l’IMF a constaté
l’apparition de nouveaux défis à affronter dans le secteur de la microfinance, à savoir :
l’écologie et les principes islamiques. C’est la naissance de la microfinance verte et d e la
microfinance islamique. Un troisième paragraphe leur sera consacré dans la présente section.
Les études et les recherches sur l’IMF et l’inclusion financière sont nombreuses et riche en
enseignements.
Il y a un lien entre la microfinance et l'inclusion financière.La microfinance, en tant qu'origine
et pionnière de l'inclusion financière dans les années 90, s'est principalement concentrée sur
certains segments du marché avec des produits ciblés tandis que l'inclusion financière prend en
compte tous les exclus et se concentre sur une large gamme de services.
La Banque mondiale s'est concentrée sur différents aspects et programmes clés visant à
améliorer l'inclusion financière. L'inclusion financière peut être définie comme l' utilisation de
services financiers formels par les pauvres.L'inclusion financière vise à inclure la population et
les groupes non bancarisés dans les systèmes financiers. Elle est considérée comme un
développement financier en évolution et en approfondissement.
L'inclusion financière est considérée comme une stratégie majeure utilisée pour atteindre les
objectifs de développement durable des Nations Unies. Elle contribue à améliorer le niveau
d'inclusion sociale dans de nombreuses sociétés peut aider à réduire les niveaux de pauvreté au
minimum souhaité), et, enfin, apporter d'autres avantages socio-économiques.
L'inclusion financière est le processus qui garantit que les individus, en particulier les pauvres,
ont accès aux services financiers de base dans le système financier formel.
Les décideurs politiques de plusieurs pays continuent d'engager des ressources importantes pour
accroître le niveau d'inclusion financière dans leurs pays afin de réduire le problème de
l'exclusion financière.La littérature existante sur la relation entre l'inclusion financière et la
pauvreté reste peu concluante. En effet, des études ont révélé que l'inclusion financière améliore
la croissance économique et réduit la pauvreté tandis que d'autres études ont soutenu le
contraire. On a constaté que l'analphabétisme est le principal obstacle à l'inclusion financière
en Afrique subsaharienne.
c. Le schisme de la microfinance
15
Les pauvres ont toujours été exclus des systèmes financiers formels, quasi totalement dans les
pays sous-développés du Sud et partiellement dans les pays développés du Nord.
Depuis l’apparition de ce terme dans les années 1990, la microfinance a permis aux pauvres
d’accéder à certains services financiers, le microcrédit, en premier lieu, suivi par la micro -
assurance, la micro-épargne, le micro-leasing.
L’objectif initial de la MF a été l’inclusion sociale des pauvres en soutenant leur activité en vue
de les dégager de la pauvreté, tout en assurant leur intégration graduelle au monde financier
formel dont font désormais partie les IMF.
La question de l’aide aux pauvres et de la diminution de la pauvreté a toujours été un point de
concorde entre les chercheurs sur la microfinance.
Par contre, les moyens d’y parvenir ont été source d’antagonisme, particulièrement entre les
welfaristes et les institutionnalistes.
Deux grands courants de pensée, l’approche welfariste (ou bien-être – une approche de la
pauvreté) et l’approche institutionnaliste (approche de la soutenabilité), ayant en partage le
double objectif financier et social de la MF, à savoir la lutte contre la pauvreté en vue de sa
réduction en offrant des services financiers aux pauvres, s’opposent, néanmoins, au plan des
moyens à mettre en œuvre. Cette opposition relative aux moyens est « schisme de la
microfinance (microfinance schism).
Les Welfaristes, composés d’ONG ou de coopératives, soutiennent que la MF est la clé pour
réduire la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie des clients. C’est la mission
essentielle et première de la MF. Les institutionnalistes, essentiellement composés
d’institutions financière et commerciales, considèrent la MF comme étant un produit financier
qui a pour objectif le renforcement du rôle du secteur financier. L’objectif est l’intégration de
la microfinance dans les marchés financiers. Un arbitrage s’impose. Pour cela, un jet de lumière
sur ces deux courants de pensée est utile.
16
Cette approche est à saisir comme étant une école de mesure de la pauvreté. Elle est constituée
d’ONG ou de coopératives qui considèrent la MF comme étant un outil essentiel pour réduire
la pauvreté.
Les institutions de microfinance qui mettent en œuvre cette approche fixent des taux d'intérêt
bas au profit des plus pauvres et comblent l'écart entre les revenus et les coûts fina nciers et
opérationnels, grâce aux subventions et aux dons.
En outre, selon cette méthode, les IMF peuvent se développer sans même avoir une
indépendance financière grâce aux investisseurs sociaux , qui leur versent des subventions, étant
plus préoccupés par la réduction de la pauvreté que par la recherche du profit. Leur objectif est
d'utiliser ces investissements pour permettre aux bénéficiaires de participer aux programmes
des institutions de microfinance, apportant ainsi des bénéfices positifs en termes d'impact
socio-économique. La performance sociale est le repère essentiel de l’approche Welfariste.
Les welfaristes insistent sur la gestion rationnelle des ressources. L’autonomie financière des
IMF et leur rentabilité ne représentent donc pas un objectif incontournable mais une situation
souhaitable.
Les welfaristes s’appuient sur la théorie de la responsabilité sociale à l’égard de leurs clients en
attente de réponses à leurs besoins.
L’approche Welfariste a fait l’objet de critiques portant sur
sa subjectivité, son faible taux de remboursement, la dépendance à l’égard des donateurs et son
coût. Ces critiques ont créé le lit du réexamen des conditions de succès des institutions de
microfinance et de l’exigence de nouvelles perspectives économiques et financières.
En réponse aux critiques émises sur l’approche welfariste, un second courant de pensée a vu le
jour et s’est développé dans les années 90 : c’est l’approche institutionnaliste.
L’approche institutionnaliste, ou approche du marché financier, n’a pas pour principal objectif
l’amélioration du bien-être des pauvres. L’axe central stratégique visé est le développement
17
d’un système parallèle d’intermédiation financière viable qui permet aux personnes à bas
revenus, exclues du système formel, d’accéder aux services financiers.
Pour que l’impact sur la pauvreté soit efficace, la création d’institutions autonomes
financièrement est alors essentielle.
L’IMF n’est considérée comme durable que dès l’instant où elle cherche à atteindre son
autosuffisance financière.
Cette approche se focalise plus sur la performance financière que sur la performance sociale.
Les IMF doivent avoir pour objectif principal la viabilité financière par la maximisation de son
efficience et sa productivité. Le but est l’autonomie financière. Les subventions ne représentent
pas la solution. Le recours aux fonds privés, à l’épargne, au capital-risque, au marché financier,
aux banques est le seul choix financier judicieux.
Les institutionnalistes considèrent que l’autonomie financière représente le seul critère
garantissant la réussite de l’IMF dans sa mission d’ordre social. L’IMF, en tant qu’institution,
s’évalue en termes de viabilité financière et non au niveau du client.
Le schisme de la microfinance est considéré comme un arbitrage, d’une part entre ceux qui la
considère comme l’outil essentiel de réduction de la pauvreté des plus démunis on parle ici des
welfaristes qui mettent l’accent sur la profondeur de la portée ( ou depth of outreach ) et, d’autre
part, ceux qui la considère comme un produit financier ayant pour objectif le renforcement du
secteur financier et là on parle des institutionnalistes qui cherchent la viabilité financière et donc
ils s'attardent plus sur la grandeur de la portée (ou breath of out reach).
Le défi actuel des institutions de microfinance à tendance sociale ou commerciale repose sur le
fait de trouver un équilibre entre le maintien de la mission sociale et la rentabilité financière.
Les deux approches welfariste et institutionnaliste s’appuient, respectivement, dans leur
évaluation de la performance, la première sur le client (portée sociale et étude d’impact) et la
deuxième sur l’amplitude de l’institution et la pérennité et la viabilité des IMF.
19
d. La microfinance islamique et la microfinance verte
Les produits financiers, conformes à la charia, proposés par les IMF islamiques peuvent être
classés en trois grandes catégories :
✓ Les instruments de financement par actions, tels que la Mudaraba et la Musharaka.
✓ Les instruments de crédit ou de financement par emprunt, y compris l'Ijara, l'Istisna, al
Murabaha, Qard el hasan.
✓ D’autres types de microfinancement, tels que les produits de création d'actifs.
20
Un nouveau concept est apparu, il s’agit donc de la « microfinance verte ». C’est une MF qui,
selon le Green Microfinance (2007), intègre les principes de durabilité environnementale et
soutient les pratiques écologiquement rationnelles.
Indépendamment de la microfinance verte et de la microfinance islamique, aux exigences
particulières, les IMF assurent, dans le cadre de leur double objectif social et financier, l’octroi
à leurs clients, personnes physiques sans revenus et micro-entreprises en besoin de financement,
des produits et des services de plus en plus variés.
Les institutions de microfinance proposent différents produits et services à leurs clients à faible
revenu. En effet, parmi ces produits financiers, il y a le micro-crédit, la micro-assurance, la
micro-épargne, le micro-leasing, le transfert d’argent.
a. Le Microcrédit
Depuis l’apparition de la Grameen Bank, le micro-crédit (MC) est le produit le plus répandu
des institutions de microfinance, accordé aux personnes pauvres, surtout les femmes, dans le
but de promouvoir leurs activités et de soutenir les microentreprises. Il consiste à attribuer des
crédits aux personnes n’ayant pas d’accès au secteur bancaire formel.
Le MC est connu et prend 2 formes à savoir Le microcrédit solidaire (MS) et le crédit individuel
(CI).
a.1 Le MC solidaire ou de groupe
C’est un crédit dédié à un groupe de personnes qui ont souvent un lien social. Le contrat
comporte une clause de responsabilité collective, entre l’institution de microfinance et les
membres, qui implique qu’en cas de défaut de paiement, lorsque l’un d’eux ne peut rembourser
le prêt, les autres membres se portent garants et s’engagent au remboursement à sa place.
Ces formes de microcrédit permettent aussi de répondre aux problèmes d’asymétrie
informationnelle, d’aléa moral et d’antisélection.
Parmi ses caractéristiques, le microcrédit solidaire concerne exclusivement les femmes pauvres,
en qualité d’emprunteuses, en groupes, avec l’exigence d’une caution solidaire, sans aucune
garantie physique, qui est un élément important pour attirer les pauvres, avec la possibilité de
renouvellement et d’adaptation concernant le montant, la durée de remboursement et l’épargne.
21
Le CI, contrairement au CS, permet d’accorder un prêt à un seul individu. C’est un outil qui
n’aide pas à lutter contre la pauvreté. Il est plutôt octroyé aux personnes moins pauvres pour
permettre le développement des micro-entrepreneurs. Les institutions de microfinance qui
pratiquent les CI sont les plus rentables.
b. La Micro-épargne
L’épargne a attiré l’attention des IMF ainsi que celle des entrepreneurs. C’est un besoin réel
des pauvres et une source d’autofinancement pour les IMF. En fait, il existe plusieurs débats
concernant la micro épargne des pauvres. Le premier point de vue soutient que les individus
pauvres ne sont pas aptes à pouvoir épargner en raison d’un manque de moyens financiers. Le
point de vue opposé appuie la capacité de cette catégorie de personnes pauvres d’épargner si
l’occasion se présentait.
Durant les années 90, les programmes d'épargne aux USA étaient sous forme de comptes
individuels de développement qui ont évolué, dans un deuxième temps, sous forme de comptes
d'épargne, dans le but d’aider les familles pauvres à construire un patrimoine pour leurs enfants.
Concernant la micro-épargne, les IMF peuvent proposer deux produits, à savoir : l’épargne
obligatoire et l’épargne volontaire.
c. La micro-assurance
Le micro-crédit et la micro-épargne peuvent s’avérer insuffisants pour faire face aux imprévus.
Pour cela, la micro-assurance est considérée comme un produit qui les complète. Elle a été
développée par les IMF comme un mécanisme d'adaptation au risque et un outil important dans
la protection sociale et la réduction de la pauvreté.
Elle vise un double objectif, à savoir la protection des clients et la réduction de leur
vulnérabilité, en premier lieu, et la réduction de leurs risques d’impayés, en second lieu.
22
Les IMF octroient, par ailleurs, des services d’information, de conseils et de formation à leurs
clients, dans le domaine de leur activité, y compris en matière de gestion. Ce sont des services
quasiment personnalisés, propres aux IMF.
Cette ascension importante des IMF dans le secteur des finances résulte tout d’abord, de son
double rôle social et économique et des produits et services proposés mais, également, de la
collaboration et du soutien des autres acteurs de la microfinance à son activité.
a. L’Etat
Les bailleurs de fonds des organisations ont pour but de soutenir des actions de développement.
Ils se composent de 3 catégories : les bailleurs nationaux, les bailleurs multilatéraux et les
fondations privées
Le CGAP (2004) a réalisé un inventaire des institutions financières formelles qui ont commencé
à adhérer à des activités dans le secteur de la microfinance. Cette étude a montré que 227
banques sont déjà présentes en microfinance.
Il existe différents types d’interventions : soit la banque commerciale investit dans une IMF,
soit elle accorde un prêt à une IMF, comme elle peut distribuer ses produits par l’intermédiaire
d’une IMF partenaire et, enfin, elle a la possibilité d’intervenir par la mise en place d’un
département spécialisé en microfinance.
23