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Chapitre I : Les fondamentaux de la Microfinance

Introduction
La microfinance moderne est la résultante d’un long processus, de nombreuses constructions et
recherches successives effectuées dans les différents continents, à tous les niveaux, aussi bien
par les autorités publiques, les institutions et organisations internationales, nationales et locales
que par la société civile et les chercheurs en général, sans oublier les groupements informels et
les philanthropes.

Indépendamment de la divergence d’intérêts des différents intervenants, le résultat final a été


l’ancrage des fondamentaux de la microfinance actuelle au profit des personnes en situation
d’indigence et des artisans et autres micro entrepreneurs, dépourvus du minimum de m oyens
financiers pour améliorer leurs conditions professionnelles. C’est l’objet de la première section
de ce chapitre.

Section 1 : Les fondamentaux de la Microfinance


Le concept moderne de « microfinance » et son implantation dans le secteur financier formel
résultent de l’évolution du secteur financier informel, depuis la tontine du 16 ème siècle. Cette
approche historique, révélatrice de l’importance et de la diversité de la microfinance dans les
secteurs financiers informel et formel, à travers les siècles, est développée dans un premier point
dans le paragraphe (I) de la présente section.
L’impact, de plus en plus important de la microfinance dans le secteur financier, a conduit les
chercheurs à en définir le concept et la substance sous différents angles, particulièrement depuis
le sommet du microcrédit de 1997 (the microcredit summit 1997). Les différentes définitions
de la microfinance feront l’objet du deuxièmes point du premier paragraphe(I) de cette section.

Par ailleurs, l’historique et les différentes définitions de la microfinance ont mis en évidence
les différentes catégories d’institutions de MF et leurs objectifs social et financier, depuis
l’apparition des pratiques de solidarité à coloration d’idée de microfinance jusqu’à la
consécration de l’institution microfinance moderne dans le secteur financier formel.
La diversité d’institutions de microfinance créés au fil des siècles et leurs objectifs, social et
financier, seront présentés en deux points successifs dans le paragraphe deux (II) de la présente
section.

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Enfin, l’évolution de la microfinance au cours de la deuxième moitié du 20 ème siècle, dans les
secteurs financiers formel et informel, a conduit à la diversification des produits et services de
l’IMF grâce, notamment, à la précieuse contribution des autres acteurs de la microfinance. Les
produits et services et les acteurs de la microfinance constitueront les deux repères du troisième
paragraphe (III).

Ainsi, les trois paragraphes de cette première section couvent les constituants principaux de la
microfinance, dont les institutions de microfinance qui représentent l’une des clés de notre étude
portant sur l’impact de la FinTech sur la performance sociale et financières des institutions de
microfinance.

I. Historique et définition de la microfinance


1. Historique de la microfinance
La racine initiale de l’ébauche d’idée de microfinance est européenne et date du 16 ème siècle.
Elle consistait dans les pratiques de finance informelle qui s’appuyaient sur la solidarité, d’une
part, et l’épargne et les prêts, d’autre part. Les pratique de finance informelle se caractérisaient
particulièrement par les relations personnelles et de confiance entre les débiteurs et les
créanciers. Ces pratiques de finance informelle se distinguaient par leur adaptation, leur
souplesse et leur efficacité. Elles se sont imposées, au fil des siècles, dans différents pays
d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud, parallèlement à un secteur financier moderne (banque,
marché financier et autres).

Le concept moderne de finance informelle, couvrant la microfinance, a été consacré dans les
années 1980. Enfin, le terme « microfinance », désignant des services financiers distincts, n’a
réellement émergé que dans les années 1990.

Les étapes, développées ci-après, de l’historique de l’évolution des pratiques de finance


informelle dans le monde, jusqu’à la consécration formelle de la microfinance, sont révélatrices
de son importance dans les secteurs financiers formels et informels.

Le récit habituel de la découverte soudaine de la microfinance par Muhammed Yunus, au


Bangladesh, comme point de départ, n’est pas soutenable et a été remis en question par Mader
(2015).

En réalité, au fil des siècles, la microfinance s’est implantée dans différents continents, sous des
appellations et des formes diverses. La date de son apparition a toujours été source de débat.

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La naissance de la première ébauche d’idée de microfinance date du 16 ème siècle et a eu lieu en
Italie. C’est la tontine.
Il est admis que l’histoire de la microfinance remonte au 16ème siècle. La première ébauche
d’idée de microfinance a été l’œuvre du financier et politicien italien Lorenzo tonti, fondateur
de la tontine, consistant en la mise en place d’une association d’épargnants dans un cadre de
solidarité et de confiance. C’est une pratique de solidarité financière informelle.

C’est la forme première, très approximative, d’idée de microfinance qui s’appuie sur l’épargne
des épargnants eux-mêmes, organisés en association en tant que de structure de gestion. Le
montant global de l’épargne est mis, périodiquement, à la disposition de chaque épargnant, à
tour de rôle. Le terme microfinance n’a pas encore été inventé.

La tontine de Lorenzo Tonti a été mise en œuvre au 16ème siècle en Afrique de l’Ouest. Elle
s’est ensuite étendue à quasiment toute l’Afrique Subsaharienne, sous différentes formes
locales.

D’autres formes plus élaborées de l’idée de microfinance ont succédé à la tontine italienne à
partir du 18ème siècle, en Europe : ce sont les associations caritatives de prêts et les sociétés
d’épargne.

Le bourgeonnement de l’idée de microfinance s’est effectué au 18ème siècle en Irlande et en


Allemagne. C’est l’ébauche d’une formule plus élaborée de l’idée de microfinance s’appuyant
sur les prêts et l’épargne gérés par des associations ou des sociétés.

La microfinance a débuté en Irlande, en 1720, avec la création de Irish Loan Funds qui était
une association caritative qui accordait des prêts sans la réclamation d’aucun intérêt. Cette
formule n’a pas résisté au temps. En effet, en 1823, une loi a instauré les taux d’intérêt sur les
prêts et les dépôts d’épargne. A noter également la création, en 1778, de la première société
d’épargne à Hambourg.

Les ébauches d’idée de la microfinance Irlandaise, de 1720, et Allemande, de 1778, ont


contribué aux fondations de la construction de l’idée de microfinance en instituant les prêts sans
intérêts puis avec intérêts (Irlande), en créant la première société d’épargne à Hambourg et en
effectuant un premier pas d’inclusion financière des catégories sociales dépourvues de moyens
financiers propres.

La formule de la tontine italienne a été relativement dépassée en Europe. Les prêts accordés en
Irlande n’exigent pas la qualité d’épargnant du bénéficiaire du prêt. La société d’épargne a

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remplacé, comme structure d’octroi de prêts, les associations dont les capacités financières
étaient limitées.

L’apparition, en Europe, d’institutions d’épargne et de crédit spécifiquement pour les pauvres


au 19ème siècle et au début du 20ème siècle et leur expansion aux autres continents représentent
la phase de balbutiements de la microfinance moderne, aux plans des services et de l’institution
de gestion.

L’Europe du début du 19ème siècle a vu la création d’institutions d’épargne et de crédit qui sont
destinées aux pauvres. C’est la Finance au service du social. La France et l’Allemagne ont
creusé les premiers sillages de cette étape.

En France, P.J Proudhon a créé, en 1849, la banque du peuple qui a permis la distribution de
crédits gratuitement (sans intérêts). La gratuité des crédits, et de surcroit par une banque, a été
une forme particulièrement percutante de cette étape de la microfinance, mais difficilement
soutenable.

En Allemagne, en 1864, et plus précisément en Rhénanie, Raiffeissen a créé la première


coopérative de crédit mutuel pour les personnes qui ne peuvent accéder aux crédits.

La France a adopté un modèle similaire en créant la première caisse rurale et ouvrière, suivie
de l’institution du crédit agricole.

Le modèle de microfinance de l’Allemand Raifeissen va inspirer de nombreux autres pays dans


le monde, dans divers continents.
Le modèle Raiffeissen de 1864 de la microfinance s’est également implanté, sur les traces de
l’Europe, particulièrement en Amérique du Nord, en Amérique Latine et en Asie.
L’Amérique du Nord a adopté le modèle allemand de coopératives de crédit de Raiffeissen
durant les années 1865.

Mais, c’est au Canada, en 1900 que A. Desjardins a créé la première caisse populaire.

L’Amérique Latine s’est également approprié le modèle Raiffeissen au début des années 1900,
sauf que la population cible, à savoir les agriculteurs à bas revenus, ne bénéficiaient pas de ces
crédits.

En Asie, l’Inde a appliqué le modèle de Raiffeissen comme approche principale de sa


microfinance.

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Toutefois, le plus grand système de MF a été créé en Indonésie, en 1895, et dénommé
l’Indonesian People’s Credit Bank, comprenant près de 9000 succursales.

Consécration de l’idée, du concept et de l’institution de la microfinance dans la deuxième


moitié du 20ème siècle :

L’idée de microfinance a connu, particulièrement à partir de la deuxième moitié du 20 ème siècle,


sa consécration réelle en tant que concept, grâce au microcrédit, puis en tant qu’institution du
secteur bancaire ou en tant qu’institution financière spécifique organisée et réglementée dans
le secteur financier formel ou sous d’autres formes particulièrement en Asie et en Afrique,
continents à forte concentration de population pauvre.

Le Pakistan s’est distingué dans les années 1960 en accordant des crédits à des groupes ruraux.
C’est le modèle Comulla. L’Amérique du Sud a connu l’expérience du Microcrédit avec
l’organisation ACCION. A signaler, parmi les étapes de microcrédit, le Sommet du Microcrédit
de 1997 à Washington et l’année Internationale du microcrédit qui a été organisée en 2005, par
l’ONU. Toutefois, la microfinance a connu des crises notamment au maroc (2007), au Pakistan
(2009), et en Inde (2011).

Le Bangladesh, en Asie, et la Tunisie en Afrique, malgré la différence de leurs choix


économiques et financiers et de leurs modèles d’institutions de microfinance, sont totalement
représentatifs de l’évolution et de la consécration de la microfinance au 20 ème siècle pour lutter
contre la pauvreté et soutenir la double l’inclusion sociale et financière de certaines catégories
de populations démunies et de microentreprises sans capacité financière.

En Asie : le programme pionnier de microfinance est celui de Muhammed Yunus au


Bangladesh.

Au Bangladesh, un programme de microcrédit a été lancé par le professeur M. Yunus, en 1976,


pour améliorer les conditions socio-économiques des pauvres. Ce mouvement de microcrédits
a été pionnier au début de 1980. Ces programmes occupent une place centrale dans les stratégies
axées sur la pauvreté. Depuis 1990, le Bangladesh a connu une croissance rapide et a également
obtenu d'énormes succès dans le développement de modèles de microcrédits innovants, de
services et de diversification. Mr Yunus a obtenu le prix Nobel en 2006.

Au Bangladesh, il existe principalement 4 types d'institutions impliquées dans des activités de


MF à savoir la Grameen Bank, les banques commerciales et spécialisées, environ 1500 ONG
et des programmes de MF parrainés par le gouvernement.

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Les ONG fournissent des microcrédits sans garantie aux femmes pauvres afin d’améliorer leur
situation socio-économique. La BRAC est considérée comme l'une des plus grandes ONG
réussies au monde.

La grameen Bank, ACCION International et Self Employed Women’s Association Bank sont
les premiers pionniers de la microfinance moderne qui ont débuté respectivement au
Bangladesh, en Amérique Latine et en Inde et qui prospèrent jusqu’à aujourd’hui.

Au niveau de l’Afrique : c’est en 1960, en Tunisie, que l’une des premières institutions de la
microfinance, relativement contemporaine, a été mise en place par la création des caisses
locales de crédit mutuel, suivies des programmes de développement financés par des
organismes internationaux et notamment le fonds international de développement agricole
(FIDA). (Le Cameroun a suivi le mouvement, en 1963, en créant une institution de la
microfinance dénommée Camccul « Cameroon cooperative credit union league).

En 1973, l’Etat Tunisien a effectué une seconde intervention, sous la coloration de la


microfinance, en généralisant, sur l’ensemble du territoire, le programme de développement
régional (PDR) qui avait pour objectifs principaux, la création d’emplois et l’amélioration des
conditions de vie des familles déshéritées.

C’est en 1979, que la Tunisie a enregistré l’inclusion d’une composante importante de la


microfinance, à savoir le microcrédit, parmi les vecteurs des projets de développement des
organisations non gouvernementales (ONG) de développement de l’époque telles qu’APPEL,
FTFC, SAVE the children, ASAD ATLAS, Fondation le Kef, UTSS).

Ce mouvement, soutenu par les ONG, a été enrichi, à partir des années 80, par des programmes
et des fonds d’insertion économique de la population urbaine, dont le PDUI (programme de
développement urbain intégré) et le FPAPM (fonds de promotion de l’artisanat des petits
métiers).

Le 22 décembre 1997, une institution bancaire d’envergure, la BTS (Banque Tunisienne de


Solidarité), a été créée pour financer la microentreprise en vue d’intégrer les populations
démunies au double plan socio-économique. La BTS a contribué au financement des projets
d’investissement à hauteur de 90% depuis le démarrage de ses activités à partir de mars 1998.

L’année 1999 est une date importante dans l’histoire de la microfinance en Tunisie. En effet, le
microcrédit est défini dans l’article premier de la loi organique n 99-67 (du 15 juillet 1999
relative aux microcrédits accordés par les associations), de manière extensive et à travers deux

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objectifs globaux, à savoir « tout crédit visant soit l’aide à l’intégration économique et sociale,
soit le financement des besoins visant l’amélioration des conditions de vie ».

La performance sociale et financière des associations régies par la loi organique n 99-67 figure
comme l’objectif principal de l’octroi des microcrédits en Tunisie.
L’année 2011 a enregistré l’évolution de la microfinance en Tunisie. Après plus d’une décennie
de microfinance sous la loi organique n 99-67, l’année 2011 a enregistré un évènement de
grande importance en la matière consistant en la publication de décret-loi n 2011-117 du 05
Novembre, portant organisation de l’activité des institutions de microfinance.
Ce décret-loi s’inscrit dans le cadre général des 17 principales mesures d’appui au
développement du gouvernement provisoire issu de la révolution de décembre 2010- 14 janvier
2011.
Ainsi, la Tunisie a connu la plupart des modèles d’institution semi-formelles et formelles de
microfinance.

La microfinance aujourd’hui

Figure : Total monde 2018 & croissance depuis 2009


Source : baromètre de la microfinance 2019
Cette figure issue du baromètre de la microfinance 2018, montre qu’à partir de données
collectées auprès de 916 institutions, les IMF enregistrent une évolution de 9.5% pour atteindre
140 millions de clients dont 80% sont des femmes et 65% d’emprunteurs ruraux. Le total du
portefeuille de crédit est de 124 milliards de dollars qui représente une croissance de 8.5% par
rapport à l’année précédente.

2. La définition de la microfinance
Les définitions de la microfinance ont été multiples, hétéroclites et révélatrices de sa diversité.
La microfinance a été perçue sous tous les angles. La microfinance a été notamment considérée

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comme un mécanisme de financement des pauvres afin de leur permettre d’exercer une activité
indépendante rémunérée et de se dégager ainsi de la pauvreté. La microfinance a été également
perçue comme un outil adéquat pour soutenir les pauvres dans leur lutte contre le chômage et
la pauvreté. La microfinance a été, par ailleurs, définie comme une sorte de méthode dont la
fonction première est le financement du développement dans un but de double inclusion sociale
et financière des pauvres, des artisans et des très petites entreprises.

Ces quelques exemples de définitions ont fait de la microfinance un mécanisme, une méthode
ou un outil de financement.

Le microcrédit summit (1997) et de nombreux chercheurs ont avancé des définitions qui ont
mis en relief d’autres repères ou composantes de la microfinance.

The Microcredit Summit (1997) définit la microfinance comme un programme qui accorde
de petits prêts aux personnes en dessous du seuil de pauvreté afin de s'engager dans des projets
de travailleurs indépendants qui génèrent des revenus, leur permettant ainsi de subvenir à leurs
besoins et à ceux de leur famille.

La MF offre des crédits et fournit des services financiers non seulement aux personnes à revenu
faible mais aussi à toute personne qui ne peut accéder au système formel (voir le portail
microfinance portail FinDev).

La microfinance a généralement été considérée comme un outil important pour la réduction de


la pauvreté. La microfinance est une source efficace pour créer des opportunités d'emploi et
augmenter le nombre d'entreprises nationales et des emplois supplémentaires.

La microfinance apporte la solution à l'accès limité au financement en se concentrant


exclusivement sur les classes pauvres vivant dans les zones rurales et à faible revenu, et en
fournissant des services et des produits financiers aux pauvres à des tarifs abordables.

La microfinance joue un rôle dans la réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
Il confirme que la participation à des programmes de microfinance offre aux pauvres la
possibilité d'augmenter leurs niveaux de revenus, réduisant ainsi l'écart de revenus entre les
classes riches et pauvres. Par ailleurs il y a une relation entre la microfinance et l'inégalité des
revenus et observent une relation négative.

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La microfinance a attiré une attention considérable du public en tant que contributeur important
au renforcement et à l'expansion du système financier formel. Ce système affecte le
développement durable à la fois directement et indirectement.

Le microcrédit fait référence aux petits prêts alors que la microfinance est appropriée lorsque
les ONG et les IMF complètent les prêts par d'autres services financiers (épargne, assurance,
etc.). Par conséquent, le microcrédit est une composante de la microfinance en ce qu'il implique
l'octroi de crédits aux pauvres, mais la microfinance implique également des services financiers
supplémentaires sans crédits.

Le terme microfinance fait référence à la fourniture de services financiers à des clients à faible
revenu par le biais de divers services qui évoluent généralement vers le microcrédit, la micro-
assurance, la micro-épargne et les transferts d'argent.

Il est important de souligner que même si the microcredit Summit (1997) a considéré que la
microfinance est un programme, il a été fait également référence à d’autres éléments importants
tels que les petits prêts, le seuil de pauvreté, l’engagement dans les projets générateurs de
revenus, le travail indépendant et la subsistance de la famille.

D’autres chercheurs ont repris ces repères de la microfinance et les ont enrichis en se référant
aux services et produits financiers assurés aux pauvres à des tarifs très étudiés, à l’amélioration
du niveau d’éducation, à la création et à l’expansion de petites entreprises, à l’accession aux
marchés financiers, au financement du secteur de la microfinance par les privés, à l’aide aux
pauvres des zones rurales, aux dons des organisations non gouvernementale, au renforcement
du secteur financier formel par la microfinance, le micro-crédit, la micro-épargne, la micro-
assurance et les transferts d’argent.

La microfinance moderne s’est ainsi construite à travers l’histoire et s’est forgée un espace
réellement distinctif dans la finance formelle, tout en puisant une grande partie de sa clientèle
dans l’économie et la finance informelles.

Son évolution s’est caractérisée par son institutionnalisation dans le secteur financier officiel
des différents pays, à côté des banques, du marché financier et autres. Il ne s’agit plus seulement
de services et de produits de microfinance assurés dans le secteur financier informel mais d’une
institution de microfinance moderne évoluant dans le secteur financier formel, soumise à une
réglementation et à une organisation spécifiques et ayant un double objectif social et financier.

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II. Les Institutions de Microfinance et leurs objectifs

1. Les Institutions de Microfinance

Contrairement aux banques dont le modèle est bien établi, la microfinance a évolué dans une
multitude de modèles d’institutions.
Les services et les produits de la microfinance ont été assurés par trois catégories d’ins titutions à
savoir :

- Les institutions semi-formelles soumises à la réglementation générale,


- Les institutions formelles relevant du secteur bancaire,
- Et l’institution de microfinance (IMF), modèle spécifique en charge de la microfinance,
régie par une règlementation particulière et appartenant au secteur formel.

Il est utile de préciser que les groupements considérés dans certaines études comme des
« institutions » informelles de microfinance ne figurent pas dans notre étude parmi les IMF, car
ce ne sont, en réalité, que des pratiques ancestrales de microfinance et non des institutions.

Certes, « les institutions informelles », à l’instar des tontiniers, des groupes d’entraide, du tirage
au sort et autres, ont été certainement d’une grande utilité dans le secteur financier informel en
asie, en Afrique et en Amérique latine, et le sont encore probablement ; mais leur
règlementation orale, la multiplicité de leurs formes et leur limitation à l’épargne de groupes
particuliers ne contribuent pas à les considérer comme de vraies institutions même informelles,
de microfinance.

a. Le modèle d’institutions semi-formelles

Ce modèle d’institutions comprend notamment les mutuelles, les coopératives et les caisses
d’épargne et de crédit et les organisations non gouvernementales (ONG) nationales qui sont
chargées d’appliquer des programmes financés par des institutions internationales (le PNUD,
la BIT, l’Union Européenne, la banque mondiale, le BERD, les agences de coopération).

C’est un modèle d’institutions qui gravitent dans le secteur financier informel. Leurs activités
sont couvertes par la règlementation générale du pays et, en aucun cas, par la règlementation
financière ou bancaire.

➢ Les coopératives financières ou mutuelles (COOPEC)

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Une institution mutualiste ou coopérative est constituée d’un ensemble de personnes et dispose
d’un capital variable. Elle est dotée de la personnalité morale, n’a aucun but lucratif et se base,
par contre, sur le principe d’union et de solidarité.
Elle est gérée par ses propres membres qui en sont les actionnaires.
Les COOPEC peuvent être des caisses mutuelles, populaires ou des caisses villageoises.
Les revenus de la caisse mutuelle sont intégralement mis en réserve, alors que dans la caisse
populaire une partie est rendue aux membres au prorata des intérêts payés sur les emprunts.
« Une coopérative d’épargne et de crédit (COOPEC) est une institution financière, à but non
lucratif. Elle est organisée et contrôlée par ses membres qui s’associent pour regrouper leur
épargne et se faire mutuellement des prêts à des taux raisonnables ».
Ce modèle d’institution, concentré sur l’épargne, s’est implanté quasiment dans le monde
entier. Concernant les mutuelles et les caisses, c’est en Europe, en Allemagne précisément, que
les premières caisses de crédit mutuel ont été implantées par Raiffesen en 1864. En Amérique
du Nord, au Canada (au Québec), Alfonse Desjardins a inventé les caisses populaires en 1900.
En Afrique, et à compter des années 1990, ce modèle de caisse a existé au Sénégal, au Congo
et au Cameroun.

En Asie, l’implantation de ce genre de caisse a eu lieu aux philippines, au Cambodge, au


Vietnam.
b. Le modèle d’institution formelles

➢ Les organisations non gouvernementales


Ces institutions opèrent, en principe, en tant qu’organisations à but non lucratif dont l’objet
n’est ni commercial ni lucratif mais plutôt social. Elles ont pour objectifs la réduction de la
pauvreté et l’inclusion sociale et financière des pauvres.
Le financement de ces IMF est constitué de cotisations des membres et de donations.
Les ONG offrent des MC à toute personne défavorisée (pauvres, femmes…), exclue du système
bancaire.

Les ONG se sont concentrées, dans le cadre de programmes, sur l’octroi de microcrédit (directs)
aux femmes pauvres, aux groupes de petits artisans et aux très petites entreprises, sans condition
d’épargne préalable. Les ONG ont également collaboré avec les banques. Leur impact a été très
important en Asie où elles ont joué le rôle d’intermédiaire entre les banques et les group es
d’aide mutuelle, en Indonésie, et entre les banques et les groupes d’entraide, en Inde.

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Ce modèle a été concurrencé par le secteur bancaire qui a pris conscience de cette catégorie de
clients potentiels, pauvres mais très nombreux et au potentiel intéressant.
Les banques commerciales, postales, de développement du secteur financier formel, soumises
à la règlementation bancaire, et des institutions financières non bancaires (IFNB) ont assuré, en
s’adaptant, un service important de microfinance, à savoir : le microcrédit.

En raison de l’importance de la microfinance, les banques ont développé des stratégies pour
l’exploiter. La première stratégie a été de créer, parmi les structures de la banque, une direction
particulière chargée de la microfinance, mais ce n’était pas une institution. La deuxième
stratégie a consisté à reconvertir la banque exclusivement dans la microfinance. C’est le cas, en
Asie, de la Bank Rakyat Indonesia (BRI). La troisième stratégie des banques, la plus directe, a
résidé dans la création d’une institution totalement nouvelle, « ex-nihilo », dotée, soit d’un vrai
statut de banque, soit d’un statut voisin du domaine financier, dont l’activité unique est de
recevoir des dépôts et d’octroyer directement, sans intermédiaires, des crédits aux pauvres et
de financer les micro-entreprises.

Cette stratégie a été relevée notamment en Europe Centrale et orientale (Albanie, Georgie,
Bosnie-Herzegovine et Kosovo).

c. Le modèle spécifique d’institution de microfinance : l’IMF

La microfinance, au sens moderne du terme, depuis sa création dans les années 1990, ne s’est
réellement institutionnalisée qu’en instaurant son modèle propre intitulé « l’institution de
microfinance ». C’est effectivement ce modèle distinctif qui a consacré définitivement l’IMF
dans le secteur financier formel. L’IMF est ainsi soumise à une réglementation et une
organisation spécifique. Désormais, l’IMF a une forme juridique précise (exemple société
anonyme), un champ d’intervention délimité (au niveau des produits de microfinance) , des
normes de gouvernance et des règles de gestion et de transparence financière à respecter, une
clientèle à protéger (information, conseils, formation) et autres règles impératives. En cas de
violation de la réglementation, des sanctions administratives et pécuniaires sont prévues à
l’encontre des IMF et de leurs dirigeants.

L’effet de l’adaptation des banques à la microfinance et l’évolution des besoins des clients et
des services de la microfinance ont favorisé la création de ce modèle d’institution spécifique à
la microfinance : l’institution de microfinance (IMF).

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L’évolution de la microfinance et la consécration d’un modèle institutionnel exclusif, l’IMF,
soumis à une règlementation propre dans le secteur financier, reflètent l’importance accordée à
la réduction de la pauvreté dans le monde et l’importance numérique de cette clientèle (les
pauvres et les microentreprises) dans l’économie et les finances.

Toutefois des banques, en particulier, et d’autres groupes financiers, notamment d’épargne,


assurent des services de microfinance, créant ainsi une certaine ambiguïté concernant la
spécificité de l’IMF et de son statut. Leur objectif consiste à attirer cette clientèle nombreuse,
quoique pauvre, ainsi que les très petits entrepreneurs en leur faisant m iroiter le cumul des
services bancaires et de micro-crédits.

Dans tous les cas de figure, et quel que soit le modèle d’institution adopté, les IMF ont un
double objectif social et financier à assurer. Compte tenu des différences de développement
entre les pays et les continents, les différentes catégories d’institution de microfinance, semi
formelles et formelles coexistent dans les secteurs financiers formels et informel. Les pratiques
de microfinance ancrées dans les traditions ne peuvent pas disparaître facilement.

2. Les objectifs de l’IMF et le défi du schisme

Au plan macroéconomique l’objectif indirect de la microfinance a toujours été, au fil de


l’histoire, de favoriser le développement d’un pays et sa croissance économique en procédant
au financement des pauvres pour les dégager de la sphère de la pauvreté, ou tout au moins la
réduire.

Le sommet mondial de la microfinance (1997) a considéré que l’objectif de la microfinance est


l’inclusion sociale des pauvres, particulièrement les femmes non nanties.

Il en a été de même au niveau de l’ONU. Son Assemblée générale de 2015 a fait figurer parmi
les 17 objectifs de son programme de développement, jusqu’à l’année 2030, l’éradication de la
pauvreté et la prospérité universelle.

L’objectif social de la microfinance de lutte contre la pauvreté et le soutien des pauvres figure
toujours parmi les objectifs de l’IMF, sans en être l’objectif unique.

a. Le double objectif social et financier

L’IMF a un double objectif social et financier

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En effet, l’IMF fait, désormais, partie intégrante du secteur financier formel et se doit, en
conséquence, de tenir compte de toutes les règles de la finance et de l’économie. Pour cela, dans
un souci d’organisation fonctionnelle, une institution de microfinance vise, en perm anence, un
double objectif, social et financier, cumulativement, pour garantir sa pérennité et sa viabilité.
La microfinance s’est fortement développée au cours des dernières décennies dans le but
d’atteindre un résultat de viabilité financière et d’impact social.

Le premier objectif social de vulgarisation se concrétise en offrant ses services et produits aux
clients pauvres, surtout les femmes, pour les aider à créer une source de revenus, une activité
économique pour les dégager du cercle vicieux de la pauvreté et du chômage. Cet objectif social
de l’IMF permet l’inclusion sociale des pauvres dans un pays. Pour mieux saisir toute la teneur
de cet objectif social, il aurait été intéressant de présenter des éléments sur la pauvreté, les
inégalités, le chômage, les paramètres du développement, les déséquilibres régionaux, le rôle
de la femme et autres.

Le thème de notre étude ne laisse pas suffisamment d’espace à ce genre de développements


concernant cet objectif social. Toutefois, l’objectif social sera abordé indirectement lors de
l’étude de l’inclusion financière et du schisme de la microfinance, dans la présente section et
dans le chapitre II portant, notamment, sur la performance sociale.

Le second objectif de l’IMF, non moins prioritaire que le premier, est d’ordre financier, c’est
un objectif à double repère. Le premier repère se concrétise quand l’IMF atteint, au plan interne,
son autosuffisance financière pour avoir une plus grande étendue sur la portée de son activité
et l’accessibilité qui est définie, comme la capacité et les instruments permettant d’atteindre les
personnes à faible revenu. Le second repère de l’objectif financier de l’IMF consiste à faciliter
l’inclusion financière graduelle, dans le secteur financier formel, de ses clients, en part iculier
les pauvres et les micro-entrepreneurs du secteur informel qui sont exclus du secteur bancaire.

Compte tenu de l’importance financière pour la viabilité des IMF et du choix du thème de notre
étude, un paragraphe concernant l’inclusion financière sera, ci-après, développé.

Il est, par ailleurs, impératif de signaler que le double objectif, social et financier, pose un
problème considérable aux IMF, au niveau des moyens à mettre en œuvre pour les réaliser. Ce
double objectif, social et financier, que l’IMF doit affronter est une véritable gageure (défi) en
raison de la divergence des positions au niveau des moyens à mettre en œuvre pour le
concrétiser. C’est le schisme de la microfinance qui sera présenté dans un second paragraphe.

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Outre la difficulté de concrétisation de ce double objectif social et financier, l’IMF a constaté
l’apparition de nouveaux défis à affronter dans le secteur de la microfinance, à savoir :
l’écologie et les principes islamiques. C’est la naissance de la microfinance verte et d e la
microfinance islamique. Un troisième paragraphe leur sera consacré dans la présente section.

b. IMF et l’inclusion financière

Les études et les recherches sur l’IMF et l’inclusion financière sont nombreuses et riche en
enseignements.
Il y a un lien entre la microfinance et l'inclusion financière.La microfinance, en tant qu'origine
et pionnière de l'inclusion financière dans les années 90, s'est principalement concentrée sur
certains segments du marché avec des produits ciblés tandis que l'inclusion financière prend en
compte tous les exclus et se concentre sur une large gamme de services.

La Banque mondiale s'est concentrée sur différents aspects et programmes clés visant à
améliorer l'inclusion financière. L'inclusion financière peut être définie comme l' utilisation de
services financiers formels par les pauvres.L'inclusion financière vise à inclure la population et
les groupes non bancarisés dans les systèmes financiers. Elle est considérée comme un
développement financier en évolution et en approfondissement.

L'inclusion financière est considérée comme une stratégie majeure utilisée pour atteindre les
objectifs de développement durable des Nations Unies. Elle contribue à améliorer le niveau
d'inclusion sociale dans de nombreuses sociétés peut aider à réduire les niveaux de pauvreté au
minimum souhaité), et, enfin, apporter d'autres avantages socio-économiques.

L'inclusion financière est le processus qui garantit que les individus, en particulier les pauvres,
ont accès aux services financiers de base dans le système financier formel.

Les décideurs politiques de plusieurs pays continuent d'engager des ressources importantes pour
accroître le niveau d'inclusion financière dans leurs pays afin de réduire le problème de
l'exclusion financière.La littérature existante sur la relation entre l'inclusion financière et la
pauvreté reste peu concluante. En effet, des études ont révélé que l'inclusion financière améliore
la croissance économique et réduit la pauvreté tandis que d'autres études ont soutenu le
contraire. On a constaté que l'analphabétisme est le principal obstacle à l'inclusion financière
en Afrique subsaharienne.

c. Le schisme de la microfinance

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Les pauvres ont toujours été exclus des systèmes financiers formels, quasi totalement dans les
pays sous-développés du Sud et partiellement dans les pays développés du Nord.
Depuis l’apparition de ce terme dans les années 1990, la microfinance a permis aux pauvres
d’accéder à certains services financiers, le microcrédit, en premier lieu, suivi par la micro -
assurance, la micro-épargne, le micro-leasing.

L’objectif initial de la MF a été l’inclusion sociale des pauvres en soutenant leur activité en vue
de les dégager de la pauvreté, tout en assurant leur intégration graduelle au monde financier
formel dont font désormais partie les IMF.
La question de l’aide aux pauvres et de la diminution de la pauvreté a toujours été un point de
concorde entre les chercheurs sur la microfinance.
Par contre, les moyens d’y parvenir ont été source d’antagonisme, particulièrement entre les
welfaristes et les institutionnalistes.

Deux grands courants de pensée, l’approche welfariste (ou bien-être – une approche de la
pauvreté) et l’approche institutionnaliste (approche de la soutenabilité), ayant en partage le
double objectif financier et social de la MF, à savoir la lutte contre la pauvreté en vue de sa
réduction en offrant des services financiers aux pauvres, s’opposent, néanmoins, au plan des
moyens à mettre en œuvre. Cette opposition relative aux moyens est « schisme de la
microfinance (microfinance schism).

Les Welfaristes, composés d’ONG ou de coopératives, soutiennent que la MF est la clé pour
réduire la pauvreté et l’amélioration des conditions de vie des clients. C’est la mission
essentielle et première de la MF. Les institutionnalistes, essentiellement composés
d’institutions financière et commerciales, considèrent la MF comme étant un produit financier
qui a pour objectif le renforcement du rôle du secteur financier. L’objectif est l’intégration de
la microfinance dans les marchés financiers. Un arbitrage s’impose. Pour cela, un jet de lumière
sur ces deux courants de pensée est utile.

c.1 L’approche Welfariste


Cette approche se focalise particulièrement sur le financement des pauvres.
Les adeptes de cette approche s’intéressent plus à l’amélioration, la plus rapide possible, des
conditions de vie des personnes qu’aux activités bancaires.

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Cette approche est à saisir comme étant une école de mesure de la pauvreté. Elle est constituée
d’ONG ou de coopératives qui considèrent la MF comme étant un outil essentiel pour réduire
la pauvreté.
Les institutions de microfinance qui mettent en œuvre cette approche fixent des taux d'intérêt
bas au profit des plus pauvres et comblent l'écart entre les revenus et les coûts fina nciers et
opérationnels, grâce aux subventions et aux dons.

En outre, selon cette méthode, les IMF peuvent se développer sans même avoir une
indépendance financière grâce aux investisseurs sociaux , qui leur versent des subventions, étant
plus préoccupés par la réduction de la pauvreté que par la recherche du profit. Leur objectif est
d'utiliser ces investissements pour permettre aux bénéficiaires de participer aux programmes
des institutions de microfinance, apportant ainsi des bénéfices positifs en termes d'impact
socio-économique. La performance sociale est le repère essentiel de l’approche Welfariste.

Les welfaristes insistent sur la gestion rationnelle des ressources. L’autonomie financière des
IMF et leur rentabilité ne représentent donc pas un objectif incontournable mais une situation
souhaitable.
Les welfaristes s’appuient sur la théorie de la responsabilité sociale à l’égard de leurs clients en
attente de réponses à leurs besoins.
L’approche Welfariste a fait l’objet de critiques portant sur
sa subjectivité, son faible taux de remboursement, la dépendance à l’égard des donateurs et son
coût. Ces critiques ont créé le lit du réexamen des conditions de succès des institutions de
microfinance et de l’exigence de nouvelles perspectives économiques et financières.
En réponse aux critiques émises sur l’approche welfariste, un second courant de pensée a vu le
jour et s’est développé dans les années 90 : c’est l’approche institutionnaliste.

c.2 L’approche Institutionnaliste


Les nations unies, la banque mondiale et d’autres organismes internationaux ont apporté leur
soutien à l’approche institutionnaliste en considérant que l’intégration de la microfinance dans
le système financier formel est la meilleure démarche pour permettre aux pauvres d’accéder
aux services financiers de leurs pays.

L’approche institutionnaliste, ou approche du marché financier, n’a pas pour principal objectif
l’amélioration du bien-être des pauvres. L’axe central stratégique visé est le développement

17
d’un système parallèle d’intermédiation financière viable qui permet aux personnes à bas
revenus, exclues du système formel, d’accéder aux services financiers.
Pour que l’impact sur la pauvreté soit efficace, la création d’institutions autonomes
financièrement est alors essentielle.
L’IMF n’est considérée comme durable que dès l’instant où elle cherche à atteindre son
autosuffisance financière.
Cette approche se focalise plus sur la performance financière que sur la performance sociale.
Les IMF doivent avoir pour objectif principal la viabilité financière par la maximisation de son
efficience et sa productivité. Le but est l’autonomie financière. Les subventions ne représentent
pas la solution. Le recours aux fonds privés, à l’épargne, au capital-risque, au marché financier,
aux banques est le seul choix financier judicieux.
Les institutionnalistes considèrent que l’autonomie financière représente le seul critère
garantissant la réussite de l’IMF dans sa mission d’ordre social. L’IMF, en tant qu’institution,
s’évalue en termes de viabilité financière et non au niveau du client.

Afin de développer des institutions pérennes, les programmes de MC préconisent


l'autosuffisance financière et la viabilité des institutions, ce qui peut se traduire par des taux
d'intérêts élevés, justifiés par les coûts élevés de transaction relatifs à tout MC.

Cette approche présente 2 tendances.


On peut distinguer L’UPGRADING des programmes de microcrédit (MC) qui est un processus
de réglementation des organisations qui sont spécialisées dans le MC. Cela signifie que les
organisations non gouvernementales abandonnent progressivement leur statut au profit de celui
d’une société anonyme afin de devenir des institutions réglementées. C’est l’une des conditions
de collecte de l’épargne publique. Par contre, le processus de DOWNGRADING veut dire que
les banques commerciales traditionnelles accordent immédiatement des prêts aux micro
entrepreneurs.
De cette manière, recourir à des fonds privés est le seul moyen possible pour la microfinance
de se développer. Cependant, pour obtenir ce financement, une gestion claire est nécessaire
conformément aux « best practices » établies par le CGAP.
Cette approche commerciale s'adresse aux personnes qui ne sont pas si pauvres que ça, et que
grâce à leurs prêts importants, elles pourront développer leur micro-entreprise

Cette approche (institutionnaliste) a connu, à l’instar de l’approche welfariste, de nombreuses


critiques. Les trois principales sont l’exigence de taux d’intérêt élevés, le choix de la population
cible composée principalement de micro-entrepreneurs à la frontière du seuil de pauvreté mais
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exerçant des activités à haut rendement pour garantir l’autonomie financière, la non réalisation
de l’autosuffisance financière et le détournement de la mission sociale de la MF découlant de
l’obsession de réaliser une rentabilité financière.
En comparant globalement les deux méthodes, il est utile de souligner, une seconde fois, que la
méthode welfariste mesure principalement le succès de l'institution de microfinance en
répondant aux besoins des pauvres ou en réduisant la pauvreté, tandis que la méthode
institutionnaliste évalue le succès de l'institution de microfinance en fonction de la viabilité de
l'institution et suppose que ces institutions autonomes apportent une contribution significative
à la croissance des revenus.

Ce tableau présente les principales différences entre ces approches.


Tableau : les principales différences entre les deux approches
Welfariste Institutionnaliste
L’évaluation de la performance du L’évaluation de la performance du point de
Approche point de vue client : vue de l’institution :
-Porté sociale. -Pérennité et viabilité des institutions.
Cibles Personnes très pauvres Micro entrepreneurs
Type
Solidaires (association, ONG) Commerciales (société anonyme)
d’institutions
Méthodes Recours aux subventions Autonomie financière
Viabilité
financière Non Oui
indispensable
Objectif Réduire la pauvreté
Problème de viabilité et de pérennité.
Taux d’intérêt élevé.
Coûts élevés.
Critiques L’autosuffisance est une stratégie de long
Faillites de certaines IMF (taux
terme.
de remboursement <50%).
.

Le schisme de la microfinance est considéré comme un arbitrage, d’une part entre ceux qui la
considère comme l’outil essentiel de réduction de la pauvreté des plus démunis on parle ici des
welfaristes qui mettent l’accent sur la profondeur de la portée ( ou depth of outreach ) et, d’autre
part, ceux qui la considère comme un produit financier ayant pour objectif le renforcement du
secteur financier et là on parle des institutionnalistes qui cherchent la viabilité financière et donc
ils s'attardent plus sur la grandeur de la portée (ou breath of out reach).

Le défi actuel des institutions de microfinance à tendance sociale ou commerciale repose sur le
fait de trouver un équilibre entre le maintien de la mission sociale et la rentabilité financière.
Les deux approches welfariste et institutionnaliste s’appuient, respectivement, dans leur
évaluation de la performance, la première sur le client (portée sociale et étude d’impact) et la
deuxième sur l’amplitude de l’institution et la pérennité et la viabilité des IMF.

19
d. La microfinance islamique et la microfinance verte

d.1 IMF Islamique

La microfinance islamique était une composante manquante de la banque islamique.

La MF islamique offre une alternative à la MF conventionnelle pour répondre aux besoins


financiers des pauvres.

Même si certaines similitudes fondamentales s'appliquent aux instruments ou techniques


financiers, les produits et services fournis par les IMF islamiques sont exempts d'éléments
particuliers puisque leurs activités commerciales doivent adhérer aux principes autorisés
(halal).

Les produits financiers, conformes à la charia, proposés par les IMF islamiques peuvent être
classés en trois grandes catégories :
✓ Les instruments de financement par actions, tels que la Mudaraba et la Musharaka.
✓ Les instruments de crédit ou de financement par emprunt, y compris l'Ijara, l'Istisna, al
Murabaha, Qard el hasan.
✓ D’autres types de microfinancement, tels que les produits de création d'actifs.

Les institutions de microfinance, à la fois conventionnelles et islamiques, ont des objectifs


sociaux et financiers. D'une part, les IMF visent à réduire la pauvreté en fournissant des services
financiers aux pauvres qui ont été exclus du système financier formel. D'autre part, les IMF
elles-mêmes visent à atteindre l'autosuffisance financière, sans avoir besoin de subventions.
Dans la pratique, il reste difficile d'atteindre les deux objectifs, qui peuvent même faire l'objet
d'un arbitrage.
On propose un résumé de 4 grands principes de la microfinance islamique :
✓ L'intérêt est interdit.
✓ Les prêteurs sont récompensés par le partage des bénéfices.
✓ Les IMF ne peuvent pas financer des activités considérées comme pécheresses par
l'Islam, telles que le jeu de hasard (Maysir) et l'alcool ou l'emprunt et le prêt aux IMF
conventionnelles qui facturent des intérêts.
✓ Les termes du contrat doivent être parfaitement clairs et éliminer toute incertitude
contractuelle, due à l'interdiction du Gharar (ou l’incertitude).

d.2 IMF verte

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Un nouveau concept est apparu, il s’agit donc de la « microfinance verte ». C’est une MF qui,
selon le Green Microfinance (2007), intègre les principes de durabilité environnementale et
soutient les pratiques écologiquement rationnelles.
Indépendamment de la microfinance verte et de la microfinance islamique, aux exigences
particulières, les IMF assurent, dans le cadre de leur double objectif social et financier, l’octroi
à leurs clients, personnes physiques sans revenus et micro-entreprises en besoin de financement,
des produits et des services de plus en plus variés.

III. Les produits et les services et les acteurs de la Microfinance


1. Les produits et les services des IMF

Les institutions de microfinance proposent différents produits et services à leurs clients à faible
revenu. En effet, parmi ces produits financiers, il y a le micro-crédit, la micro-assurance, la
micro-épargne, le micro-leasing, le transfert d’argent.

a. Le Microcrédit

Depuis l’apparition de la Grameen Bank, le micro-crédit (MC) est le produit le plus répandu
des institutions de microfinance, accordé aux personnes pauvres, surtout les femmes, dans le
but de promouvoir leurs activités et de soutenir les microentreprises. Il consiste à attribuer des
crédits aux personnes n’ayant pas d’accès au secteur bancaire formel.
Le MC est connu et prend 2 formes à savoir Le microcrédit solidaire (MS) et le crédit individuel
(CI).
a.1 Le MC solidaire ou de groupe
C’est un crédit dédié à un groupe de personnes qui ont souvent un lien social. Le contrat
comporte une clause de responsabilité collective, entre l’institution de microfinance et les
membres, qui implique qu’en cas de défaut de paiement, lorsque l’un d’eux ne peut rembourser
le prêt, les autres membres se portent garants et s’engagent au remboursement à sa place.
Ces formes de microcrédit permettent aussi de répondre aux problèmes d’asymétrie
informationnelle, d’aléa moral et d’antisélection.

Parmi ses caractéristiques, le microcrédit solidaire concerne exclusivement les femmes pauvres,
en qualité d’emprunteuses, en groupes, avec l’exigence d’une caution solidaire, sans aucune
garantie physique, qui est un élément important pour attirer les pauvres, avec la possibilité de
renouvellement et d’adaptation concernant le montant, la durée de remboursement et l’épargne.

a.2 Le crédit individuel (CI)

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Le CI, contrairement au CS, permet d’accorder un prêt à un seul individu. C’est un outil qui
n’aide pas à lutter contre la pauvreté. Il est plutôt octroyé aux personnes moins pauvres pour
permettre le développement des micro-entrepreneurs. Les institutions de microfinance qui
pratiquent les CI sont les plus rentables.

Le CI présente plusieurs caractéristiques à savoir l’importance de l’instruction du dossier, la


capacité de remboursement du client, l’investissement, les garanties et le suivi de dossier.

b. La Micro-épargne

L’épargne a attiré l’attention des IMF ainsi que celle des entrepreneurs. C’est un besoin réel
des pauvres et une source d’autofinancement pour les IMF. En fait, il existe plusieurs débats
concernant la micro épargne des pauvres. Le premier point de vue soutient que les individus
pauvres ne sont pas aptes à pouvoir épargner en raison d’un manque de moyens financiers. Le
point de vue opposé appuie la capacité de cette catégorie de personnes pauvres d’épargner si
l’occasion se présentait.

Durant les années 90, les programmes d'épargne aux USA étaient sous forme de comptes
individuels de développement qui ont évolué, dans un deuxième temps, sous forme de comptes
d'épargne, dans le but d’aider les familles pauvres à construire un patrimoine pour leurs enfants.

Concernant la micro-épargne, les IMF peuvent proposer deux produits, à savoir : l’épargne
obligatoire et l’épargne volontaire.

➢ L’épargne obligataire c’est une caution, généralement entre 5 et 10% du montant du


crédit, que l’emprunteur devrait verser au préalable. C’est une sorte d’assurance pour les
investisseurs en cas de non-remboursement du crédit.
➢ L’épargne volontaire consiste en un dépôt à terme. L’épargne ainsi versée est bloquée
durant une durée bien déterminée. Elle constitue une forme d’assurance pour le micro-
entrepreneur.

c. La micro-assurance

Le micro-crédit et la micro-épargne peuvent s’avérer insuffisants pour faire face aux imprévus.
Pour cela, la micro-assurance est considérée comme un produit qui les complète. Elle a été
développée par les IMF comme un mécanisme d'adaptation au risque et un outil important dans
la protection sociale et la réduction de la pauvreté.
Elle vise un double objectif, à savoir la protection des clients et la réduction de leur
vulnérabilité, en premier lieu, et la réduction de leurs risques d’impayés, en second lieu.

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Les IMF octroient, par ailleurs, des services d’information, de conseils et de formation à leurs
clients, dans le domaine de leur activité, y compris en matière de gestion. Ce sont des services
quasiment personnalisés, propres aux IMF.
Cette ascension importante des IMF dans le secteur des finances résulte tout d’abord, de son
double rôle social et économique et des produits et services proposés mais, également, de la
collaboration et du soutien des autres acteurs de la microfinance à son activité.

2. Les acteurs de la microfinance

L'évolution significative de la microfinance au cours des 30 dernières années se traduit


également par la dynamique du marché et de ses acteurs. Ces acteurs ont contribué à produire
et développer des institutions viables et pérennes. Parmi eux, il y a lieu de citer, principalement,
l’Etat, les bailleurs de fonds, les banques commerciales et d’autres intervenants.

a. L’Etat

L’État joue un rôle important dans le développement du secteur de la microfinance. Il fixe le


cadre réglementaire, légal, fiscal de l’IMF, dans le but d’assurer sa viabilité financière.

b. Les bailleurs de fonds

Les bailleurs de fonds des organisations ont pour but de soutenir des actions de développement.
Ils se composent de 3 catégories : les bailleurs nationaux, les bailleurs multilatéraux et les
fondations privées

c. Les banques commerciales

Le CGAP (2004) a réalisé un inventaire des institutions financières formelles qui ont commencé
à adhérer à des activités dans le secteur de la microfinance. Cette étude a montré que 227
banques sont déjà présentes en microfinance.

Il existe différents types d’interventions : soit la banque commerciale investit dans une IMF,
soit elle accorde un prêt à une IMF, comme elle peut distribuer ses produits par l’intermédiaire
d’une IMF partenaire et, enfin, elle a la possibilité d’intervenir par la mise en place d’un
département spécialisé en microfinance.

A la lumière des fondamentaux de la microfinance, l’IMF du modèle formel fait, désormais,


partie intégrante du secteur financier formel. Néanmoins, contrairement aux banques, le double
objectif social et financier de l’IMF lui impose la réalisation de performance sociale et
financière soumises à évaluation.

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