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La théorie de la décision

Introduction
La décision est la partie la plus intangible d’une politique générale d’une organisation. Elle
constitue en effet, l’une de se ses principales ressources puisque à travers elle, la vision, les
idées et les projets de personnes peuvent se transformer en actions stratégiques. Elle peut se
définir par « le processus par lequel une entreprise passe d’une position stratégique à une
autre. La décision constitue bien, un choix en termes de stratégie, de structure ou de
management d’entreprise »1. On peut distinguer plusieurs théories qui ont tenté d’expliquer la
nature de la décision au sein de l’organisation.

1. Typologie des décisions et étapes du processus décisionnel


En fonction de leur nature et de leur objet, les décisions n’ont pas la même incidence sur
le fonctionnement d’une organisation. C’est pourquoi, il est utile de dresser une typologie des
décisions à partir de différents critères (objet, échéance…). Une fois cette typologie bâtie, le
décideur s’engagera dans une démarche générale (processus) qui consiste à formaliser la
décision. Les outils d’aide à la décision et les modèles de comportement permettent aujourd’hui
d’optimiser la prise de décisions.

1.1. Typologie des décisions


Dresser une typologie des décisions revient à cerner les principaux facteurs qui agissent sur la
prise de décision. La direction peut se référer à l’incidence d’une décision ou au processus
décisionnel.

1.1.1 L'incidence de la décision

Plusieurs critères permettent de déterminer l'incidence d’une décision.


a. Le critère de l’objet de la décision
Ce critère proposé par Ansoff (1965), conduit en fait à distinguer les décisions stratégiques,
tactiques et opérationnelles : la décision stratégique concerne les relations de l'entreprise avec
le milieu économique et, porte essentiellement sur des choix de marché et de produits, la
décision tactique, est relative à la gestion des ressources (recherche d’une allocation optimale
des ressources, exemple croissance interne ou externe), la décision opérationnelle, porte sur
l'exploitation courante de l'entreprise (établissement des budgets, gestion des stocks...). Ces
décisions ne sont pas indépendantes, mais hiérarchisées. Les décisions opérationnelles qui sont
les plus nombreuses, concrétisent les décisions tactiques, issues elles mêmes des décisions
stratégiques.

b. Le critère de l’échéance de la décision

1
Plane.J.M (2003), « Théorie des organisations », Edition Dunod (2ième édition), Paris, P 57.
Les décisions sont ici à rapprocher de l’horizon temporel. On distingue : les décisions de
court terme qui sont pour la plupart réversibles (en cas d'erreur, l'entreprise pourra
entreprendre des actions correctrices dont les effets bénéfiques se feront sentir rapidement) ; les
décisions à moyen terme qui engagent l'entreprise sur plusieurs exercices (ces décisions sont
la plupart du temps réversibles, mais les actions correctives deviennent coûteuses et lentes à
entraîner un résultat) ; les décisions à long terme, relatives à l’existence et l’identité de
l’entreprise (elles font partie de la politique générale de l’entreprise, sont en grande partie
irréversibles et échelonnées dans le temps).
c. Le critère Echéance/Champs Ouvert
Cette classification repose sur un double critère : le champ ouvert (la décision peut
concerner quelques personnes, un ou plusieurs sous-systèmes, ou au contraire avoir un champ
d'action très large et affecter la totalité de l'organisation) et l'échéance (la décision peut engager
l'entreprise sur le court terme ou sur plusieurs années). En croisant le critère du champ ouvert
avec le critère de l'échéance de la décision, il est possible de distinguer trois niveaux de
décisions : Les décisions de planification, qui sont des décisions de nature générale concernant
les objectifs d'évolution à moyen et long terme de l'entreprise (fusion, absorption, O.P.A) ; les
décisions de pilotage, qui ont une portée plus limitée, court terme au moyen terme (les
décisions de pilotage reposent sur des objectifs de performance, recherche de parts de marché,
qualité totale, il s'agit d'adapter l'entreprise aux fluctuations de l'environnement, la surveillance
et le contrôle) ; les décisions de régulation concernant le fonctionnement quotidien de
l'entreprise (elles sont généralement répétitives et de court terme : renouvellement des stocks,
gestion de la trésorerie...).

1.2 Le processus décisionnel


Le processus décisionnel comprend huit étapes successives qui s’aplique à toutes sorte de
décision individuelle et collective.

 L'identification d'un problème : la première étape avant la prise de décision est


de détecter l'existence d'une différence entre l'état réel de la situation et l'état
souhaité. Cette divergence ou ce problème exerce une pression sur
l'administrateur, qui l'oblige à agir, en raison par exemple, des politiques de
l'organisation, des dates limites, des crises financières, de futures évaluations des
employés, etc. Pour que la situation puisse être considérée comme problématique,
l'administrateur doit disposer de l'autorité, de l'argent, de l'information et de toutes
les ressources nécessaires pour agir. Dans le cas
 L'identification des critères en vue de la prise de décisions : signaler les règles
ou les méthodes qui seront importantes pour résoudre le problème. Chaque
individu chargé de prendre des décisions possède un éventail de critères qui le
guident à cet effet. Il est important de connaître les critères qui seront pris en
compte et ceux qui seront omis puisque ces derniers seront sans importance pour
la personne chargée de prendre la décision.

 L'assignation d'une pondération aux critères : il s'agit de donner les bonnes


priorités aux critères sélectionnés au cours de l'étape précédente, puisqu'ils
n'auront pas tous la même importance lors de la prise de décision dans l'entreprise
finale. Il existe habituellement un critère préférentiel, les autres étant parfois
pondérés par comparaison entre eux et par évaluation par rapport au critère
préférentiel.

 Le développement d'alternatives : cela consiste à être capable d'obtenir et de


présenter toutes les alternatives envisageables pour résoudre cor rectement le
problème.

 L'analyse des risques et stratégies alternatives : le responsable de la prise de


décisions doit étudier avec soin les alternatives qui ont été proposées. Les points
forts et les points faibles de chacune d'elles devront être mis en é vidence
clairement, après comparaison avec les critères choisis et classés pendant la
deuxième et la troisième étape. Bien que certaines évaluations soient
assez objectives, la plupart d'entre elles sont subjectives en raison des jugements
 Le choix d'une alternative : lorsque toutes les possibilités ont été définies et
présentées, puis évaluées par le responsable de la prise de décisions en fonction des
critères définis et hiérarchisés, il faut choisir une unique alternative : la meilleure
parmi celles qui ont été présentées en suivant la procédure établie.

 La mise en place de l'alternative : une fois le choix effectué, l'application de la


décision choisie est d'une importance vitale. Pour appliquer cette décision, il faut
d'abord la communiquer aux personnes concernées et obtenir leur engagement vis-à-
vis de celle-ci. Cela est plus facile si les personnes responsables de l'exécution de la
décision participent au processus. Ces décisions s'appliquent en faisant intervenir une
planification, une organisation et une direction efficaces.
 L'évaluation de l'efficacité de la décision : enfin, il faut évaluer le résultat obtenu
suite à la décision prise et la solution adoptée, et vérifier si le problème a été corrigé.
Si celui-ci persiste, il faudra analyser les phases précédentes pour trouver celle qui
était erronée et prendre une nouvelle décision relative à la décision initiale : soit y
renoncer complètement, soit la modifier à partir de l'une des étapes précédentes.

2. Les modèles de prise de décision

2.1 Le modèle de la rationalité absolue (parfaite)

Le modèle rationnel se confond avec un acteur unique, homogène, rationnel, conscient de lui-
même et de son environnement et doté d’objectifs et/ou de préférences relativement stables. La
décision est assimilée au raisonnement d’un acteur unique qui cherche à maximiser ses fins
avec les moyens qu’il dispose. Dans cette perspective, les objectifs sont clairement définis. Les
préférences sont stables (dans le temps), pertinentes (s’applique facilement aux situations
concrètes), exhaustives (s’applique à toutes les situations) et exogènes(le cours de l’action ne
les modifient pas).
En premier lieu, cette approche a été privilégiée par les spécialistes de gestion financière pour
les choix des investissements. En second lieu, le modèle de Harvard de la formulation de la
stratégie élaboré par les professeurs Learned, Christensen, Andrews et Guth (1969) repose aussi
sur cette conception de la prise de décision56. Le processus de décision se résume par une
succession d’étapes logiquement enchainées : formulation de problème, repérage et explication
de toutes les actions possibles, évaluation de chaque action par des critères dérivés des objectifs
ou des préférences et enfin choix de la solution optimale.
Ce modèle repose sur un certain nombre de postulats:
 le décideur a des préférences claires et reste seul à décider des objectifs à atteindre ; -il
dispose d’une information parfaite sur son environnement et sur les choix qui en
résultent, le cout d’accès à l’information est donc négligeable ;
 la décision précède l’action et aucune décision en provenance de l’action n’est prise en
compte.
 enfin, le changement de système ne dépond que de la volonté délibérée d’un décideur
unique et rationnel. Cette approche de la prise de décision suppose que celle-ci soit
l’adaptation logique d’un acteur unique doté de préférences cohérentes et stables à des
événements extérieures.
Selon ce modèle, il suffit de confronter l’entreprise à son environnement en évaluant les
compétences et ressources de l’entreprise aux contraintes que lui impose cet environnement
pour effectuer un choix stratégique optimal. Ce modèle montre comment faire pour effectuer
un choix mais n’explique pas comment ce choix a été fait ? Ou pourquoi cela s’est-il passé
ainsi ? La prise de décision selon le modèle rationnel repose donc, sur une logique analytique
et ne prend pas en compte les facteurs subjectifs susceptibles d’influencer la décision
stratégique. Il n’envisage pas l’existence de conflits d’intérêts et de pouvoir dans les
organisations ainsi que les stratégies des individus et des groupes par rapport aux événements.

Le modèle de la rationalité absolue est fort éloigné des contraintes réelles de la prise de décision.
En effet, Le type de rationalité que les hypothèses de ce modèle suggèrent ne prend pas en
compte le caractère subjectif et relatif de la rationalité.
L’idéal économique d’un décideur calculateur objectif est ainsi, fortement contesté par les
courants récents qui insistent sur les dimensions psychosociologiques subjectives des individus
et organisations. Les travaux de H.A.Simon sur la prise de décision vont amener
progressivement à substituer au modèle de la rationalité absolue un modèle alternatif, dit de la
rationalité limitée.

2.2 La théorie de la rationalité limitée(A.H.Simon)

A propos de la théorie de la décision, Simon s’oppose aux postulats de rationalité parfaite


développés par les chercheurs de Harvard et propose le concept de rationalité limité ou
procédurale pour analyser le comportement organisationnel et la prise de décision. Selon cette
approche, l’organisation est constituée de multiples acteurs qui évoluent en situation de
rationalité limitée. Plus réaliste, ce modèle part de l’observation des comportements humains
et correspond à une analyse cognitive du décideur. Selon Simon, ce dernier présente trois
caractéristiques fondamentales:
-le décideur n’a pas une vision globale de l’environnement de l’entreprise et ne peut pas traiter
la totalité de l’information disponible.
-l’homme n’a pas de préférences claires, hiérarchisées, mais plutôt des aspirations variables
selon les moments.
-le décideur ne cherche pas à maximiser les conséquences de ses choix, mais est plutôt en quête
d’un certain niveau de satisfaction. Pour Simon, l’optimum est une utopie.
L’homme est donc, rationnel, mais sa rationalité est limitée faute de plusieurs contraintes. Selon
Simon, la décision ne peut pas être envisagée hors d’un cadre de. Elle est toujours prise en
fonction d’un « schéma » simplifié et limité par plusieurs contraintes : capacité intellectuelles
et physiques restreintes, expériences passées, budget et temps restreints…etc. la prise de
décision s’intègre alors, dans un environnement complexe qui restreint la perception des
solutions possibles. Confronté à une situation donnée, l’homme a tendance à rechercher une
solution dans sons passé proche, ce qui fournit par conséquent une décision routine. Si le
contexte est nouveau, il tente de rechercher une solution en lui appliquant un processus de
recherche par étapes, ce que Simon nomme « modèle canonique de prise de décision » (ou
modèle ICS : Intelligence, Conception et Sélection). Ce modèle est un schéma général qui
explique le processus mental qui permet de résoudre un problème en suivant trois étapes :

1) phase d’intelligence qui concerne la compréhension, l’imagination et la découverte des


conditions dans lesquelles se pose le problème.

2) phase de conception qui concerne le recensement des alternatives possibles, leurs avantages
et leurs inconvénients et ce, après avoir construit et analysé les événements que chaque action
peut entrainer.

3) phase de sélection qui suggère le choix d’une solution parmi toutes celles qui ont été
conçues. A chaque étape de ce processus de prise de décision, les limites liées aux capacités
cognitives du décideur interviennent. C’est ainsi que Simon démontre que les processus de
résolution des problèmes obéissent à des solutions satisfaisantes et, en aucun cas, à des solutions
optimales. Nous avons jusqu’ici abordé la décision individuelle dans une situation de rationalité
limité, mais cela n’explique pas suffisamment la nature de la prise de décision dans une
organisation. En effet, celle-ci est constituée de plusieurs acteurs (individu, groupes formels,
groupes informels…) dont chacun sa rationalité limitée, ce qui mène à penser que le processus
décisionnel n’est pas de même nature pour un individu unique que pour une organisation.

Pour Simon, il faut partir des comportements psychologiques individuels pour


comprendre la décision collective. L’organisation s’efforce d’intégrer ces comportements dans
le sens ou elle façonne l’environnement des individus et leur fournit des rétributions en
contrepartie desquelles ils décident de participer. Dès lors, le comportement psychologique de
l’individu est influencé par son organisation (directives et procédures standards, division de
travail, système d’autorité…). Les individus acceptent de participer à l’organisation et donc, de
subir son influence à condition que celle-ci contribue directement ou indirectement à la
réalisation de leurs objectifs personnels.

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