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LIBRESOPINIONS

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Y U niversitédeL yonI
Laboratoiredebiom étrie,génétique
etbiologiedespopulations,
uracnrsn °2 43,
43,bddu1 1N ovembre
69100V illeurbanne.

outerecherchedeconnaissances, par l’économ ieetlapolitiquepourqueceuxqui

T quelquevoiequecesoit poseàses
acteursdesproblèm eséthiques:dansle
choixdesobjectifs, danscelui desm
pourlesatteindre,dansceluidesusagesqu’on
oyens
produisentdesconnaissancesetdessavoir-faire
sedésintéressentdel’usagequ’onenfait. I1est
clairqu’entrelesproduitsdelascienceetleur
utilisation, il yaunm aillonsocio-écono­
feradesrésultats. C’estsansdoutepourcela m iquequ’ilnefautpasignorer:ladécision
qu’ilexisteunem oraleprofessionnelleetque d’useroudenepasuserd’unrésultat,ladéci­
touslesm em bresdelacom munautéscienti­ siondel’utiliserdanstelleoutelledirectionne
fiqueettechniquen’ontpas, quellequesoit sontpasaprèspublicationentrelesm ainsdes
leurnotoriété, lam êm eréputation.
I1estbanalderappelerquel’activité
scientifiqueettechniqueadepuislongtem
conduitceuxquilapratiquaientàréfléchirsur
ps
scientifiques. I1n’enrestepasm oinsquelares­
ponsabilitédecesderniersdanscedom
peut êtreexclue, parcequ’ilssont parm
m
ainene
ieuxplacéspourprévoirlesconséquencesde
leursdécouvertes. Tout lem
i les
ondeconnaît-
3
5
cesquestions.M aisdepuisquelquesannées,les
conditionsdanslesquellesonpeut lesexpri­ puisquecelaappartient m aintenant àl’his­
m eret tenterd’yrépondreontétém odifiées toire- leshésitations, lesobjurgations, les
defaçondrastique.Ilyadenom breusesraisons crisesdeconsciencesdesphysiciensnucléaires
àceschangem ents:ledéveloppem entdela àlafindelasecondeguerrem ondiale.
rechercheetl’augm entationdunom bredetra­ M êm esansparlerdequestionsaussi
vailleursscientifiques,l’accum ulation,l’exten­ précises et aussi cruciales, nous avons
sionetl’efficacitédesrésultatsscientifiques, aujourd’huid’innom brablesautresexem ples
l’usagesouventim m édiatdeceux-cigrâceau concernant lesbonsetlesm auvaisusageset
potentiel technologiquedisponible, enfin leursconséquences.L ’em ploim assif,etsouvent
bienentendulecaractèrecollectif de la abusif, denom breuxproduits, qui vont des
recherchescientifiqueet technique. Si les engraisoudespesticidesauxchlorofluorés
contributionsindividuellessontidentifiables conduit àdesdifficultésqu’il est possible
et passiblesd’évaluation, il n’enrestepas d’évalueràl’échelleplanétaire(etc’estpour­
m oinsqu’aucunprogram m ederecherchen’est quoil’onparledeproblèm esglobaux),etqui
plusréaliséparuneseulepersonne. B ienplus, engagentcom plètement laresponsabilitéde
letravaillui-m êm eestorganisédansuncadre touslesacteurs,ycom priscelledestravailleurs
institutionnel;ilestdoncjustifiéetrassurant scientifiques.
quelesgrandsorganism esderechercheetles
instancespolitiquessesoucientdeproblèm es Ilestprobablequedansl’avenir- et
éthiques. ceseraunélém ent delapolitiquescienti­
Précisonsunpeulestroiscatégoriesde fique- l’ém ergenced’unedécouvertes’accom ­
questionsannoncées.Etd’abord,laScienceet pagnerad’unerecherchesurlesim plications
laTechnologiesont tropim pliquéesdans decettedécouverte.

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,1994,2(1)
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Il s’agirad’une véritable et difficile desphasesd’essaissurdesanim auxprochesde seront retenus com m e sujets derecherche
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recherchemettant encauselem oyenoule l’hom m e. Qu’onnepuissel’éviter ne nous effective, puisqu’unepart im portantede la


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longterm e, alorsquenoussom m eshabitués donnepasdedroitsillim ités, ni n’effaceune recherche est uneréponse àunedem ande
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par lejeum êm edenossystèm essocio-éco­ séried’interrogations. Il yad’ailleurs des sociale (ausens large) et quecelle-ci n’est
nom iquesànegérerquelecourtterm e1,alors réponsesencoursdediscussionetdem iseen pas quelconque dans ses liaisons avec le
aussi quenousprofessonssansdouteencore œuvre. D’une part réponses réglem entaires contexte économ ique et politiques, enfin
cettenaïveconfiancedatantdelafindusiècle quant auxconditions de l’expérim entation puisqu’onsaitbienqu’iln’yapasàuneques­
dernieret selonlaquellenouspourronstou­ et auxcom pétences des expérim entateurs. tiondonnéeuneseuleréponseetqu’unchoix
joursaprèscoupcorrigernoserreurs. D’autre part réponses techniques par une serafaitparm icesréponses. D ansl’exercicede
Cette recherche des conséquences dim inutiontrès im portante des besoins en tousceschoixquisontplussouventdesdéci­
d’uneinnovationnesauraitévidem m entpas expérim entationanim ale. A insilesprogrèsen sions de vitessed’exécutionqued’accepta­
êtreexhaustive, m aisl’histoirem êm edeces bio log ie c ellu laire et m o lé culaireperm ettent tionoude refus deprogram m e, les m éca­
dernièresdécenniesnousoffred’innom brables deréaliserdenom breuxtravauxsurdescul­ nism eséconom iqueset politiquesont étéle
exem ples decas oùnous aurions puéviter tures cellulaires et nonsur des organism es plussouvent décisifs, m aisdescom posantes
deséchecs,desdégâtsetdesdépensesinutiles. entiers. Ainsi encore par une toute autre éthiquespeuvents’exprim eretcom m encent
Enfincette recherche pourrait être approche, lesprogrèsenbiom étrieperm ettent àlefaire.
l’unedescaractéristiquesessentiellesdecette de c on stru ire d es “m o dè les m ath ém a tiq ues” Ainsileschercheursquicontribuent
nouvellesciencequi estentraindenaître. qu i co nd uise n t àd im inu e rle n om bre d e don­ àunem eilleureconnaissancedelareproduc­
Ladeuxièm ecatégoriedeproblèm es n ée s u tile s, d o nc à éco no m ise r de s e xpé­ tionhum ainen’ignorent pasquelesconsé­
concernelesm oyensdelarecherche. Com m e rien ces , do nc à réd uire po u ru n o bjectif d on né quencesdeleursrésultats, àtraversl’IA D , la

3 es d’activité l’usaged’anim
dans toutes les autres form auxdelaboratoire. FIV ,etc., rem ettentencausedesnotionsfon­
hum aine, lafinjustifie-t-elle les m oyens ? D anscesproblèm es, liésauxm oyens dam entales com m ecelles depaternité, de
D anstouteslesdisciplines, ons’interrogesur utilisésparlarecherche, lesprogrèsontétéen structuredelafam ille, et posent auxjuristes
cequ’il est acceptabledefaire. C’est parce quelques années considérables. Nonseule­ denouveauxetbiendifficilesproblèm es. Àtel
quenouspouvonsfaireàpeuprèsn’im porte m entlasensibilisationdesacteursestdevenue point que certains chercheurs ont décidé
quoi quenousn’avonsplusledroit defaire générale, m ais les institutions scientifiques, d’arrêterleurtravail;etpourtant ladem ande
n’im portequoi. M aispeut-onparlerdedroits? techniquesetpolitiquessesont exprim éeset deshom m esoudesfem m esstériless’exprim e
Surquellesbasespeut-ondéfinirdeslim ites? organisées. L ’existence de com m issions defaçonextrêm em entferm esinonagressive.
Lessociologuessedem andentjusqu’à “éthique”àdesniveauxdiversdel’organisa­ A insi encore, quandlesinstitutions
quel point leursenquêtessont justifiéeset à tiondelarechercheet m êm edelam iseen
internationales préconisent une recherche
quellesconditionsellessont tolérables ; les œ u v re de s es rés ultats en e st la p reuve.
L é gislatio n et rég lem enta tion s se m e tte nt en s’organisant en vue d’un développement
banquesdedonnéesautoriséesparl’inform a­ durable, celasignifieenvued’undéveloppe­
tiquepeuvent-ellesfonctionnerenlibreser­ placedansbeaucoupdepays;onpeutdiscu­ m ent necom prom ettant pas laviede nos
vice?Lesm édecinsconnaîtront-ilsleseffets ter deleursfaiblessesoudeleursoutrances, enfants oudenospetits-enfants. Lessoucis
secondairesd’unm édicam entsansenuser?Et m ais il est parfaitement clair qu’on ne se
économ iques et éthiques m eparaissent se
les biologistes en général ne sont-ils pas c ontenteplusderéfléchir(cequirestenéces­
sa ire), m ais qu’oncherche, avecquelques rejoindrepourunelargepartdanscettenou­
confrontésobligatoirem entausujetbrûlantde velledispositiond’esprit. Etilyapeut-êtrelà
l’expérim entationanim ale?Celui-ciestpar­ tâtonnem ents, àdeveniropérationnel.
l’am orced’unerévisiondenosraisonnem ents,
tiellem entconnudugrandpublicparlebiais Ilesttoutnatureld’aborderàlasuite d’unerem iseencausedenosm entalités.
d’anecdotesscandaleuses. Enréalité, ils’agit ladernièrecatégorie deproblèm es concer­
d’unetrèssérieusequestionquipourraitdon­ nant lechoixdes objectifs. Il est clair que Onpeut doncprévoir quedans les
nerlieuàundébatexem plaire. Q uelquesindi­ dans l’état actuel denosSociétés, cechoix annéesàvenir,c’estdansuncontextebiendif­
cationsseulem ent. n’estplusvraim ent entrelesm ainsdescher­ férentquel’ondiscuteradepolitiquescienti­
D’aborddirequ’onnepeutpasnepas c he urs , m ais ils p articip e nt néanm oins au fique.
expérim enter, etqu’enbiologiecettenécessité m odelagedesobjetsderechercheetserontdes Ceci dit, périodiquement depuis
passepar l’usagede“m odèles biologiques”, acteursplusoum oinsconsentants. quelques décennies, des propositions sont
plantes ouanim aux. Uncas particulier est Onnepeutplusdirenonplusquela faites dans lacom m unautédes travailleurs
celui delam iseaupoint d’unvaccin, d’un science est neutre pour bien des raisons, scientifiques (c’est-à-direchercheurs, ensei­
m édicam ent, d’une opérationchirurgicale puisque, parm i tous les sujets possibles et gnants-chercheurs, ingénieurs, techniciens)de
destinésàl’hom m eetquivadonccom porter accessibles, seulem ent certains d’entre eux soum ettrecesderniersàunesortedeserm ent

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TÉS,1994,2(1)
d’H ippocrateadaptéàleurcas.Jusqu’àprésent collective, pluslaresponsabilitéindividuelle
sanssuccès. doit êtrem arquée. Penseràunserm entn’est
Car il est clair que lasituationdu peut-êtrequ’unefaçonm aladroitedelesou­
m édecinvis-à-visdesonpatient n’estpasdu ligner.
toutcom parableàcelleduscientifiquevis-à- Lasituationdanslesprofessionsscien­
visdelasociété. Tousdeuxontdesresponsa­ tifiqueset techniquessedétériore, enpartie
bilités,certes. M aissipourleprem ierellessont sous lapressiondeconditionssocio-écono­
clairem entindividuelles,pourlesecondelles m iquesdifficiles ; il yalieude trouver les
sonttrèslargem entcollectivesetsurtouttrès m oyensdelaprotéger, sicen’estdel'assainir.
indirectespuisquelescientifiquenedétient, I1fautluttervigoureusem entcontrel’affairism e
personnellem ent, aucunpouvoirdedécision. dans lessciences, d’autant plus qu’il serait
Etparsuiteuneréflexion, etpourquoipasde faciledelepratiqueraum oinsdansunprem ier
véritablesrecherches,dansledom aineéthique tem ps. Le développement scientifique et
constitueraituneoccasionévidentedepluri­ l’audiencedesesconclusionssont fondéssur
disciplinarité, sicen’estd’interdisciplinarité. lapublicitédesrésultats, l’honnêtetédespro­
Si laform ed’unserm entparaîtdonc cédures, laconfiancedanslesdonnéeset leur
biendérisoire(voircequi s’est passéenbio­ interprétationetpourfinirsurlecontrôlede
technologie pour les m anipulations géné­ lapratique. Les écarts àces divers points
tiques dès qu’il est apparuqu’elles étaient serontvitedécouverts, m aisilvaudraitm ieux
sourcesdeprofit possibles), il n’enrestepas qu’iln’yenait point.
m oinsquelefait delaproposerexprim eun Ilyatoujourseudem auvaism om ents
souci professionnel réel et undoutesurdes
solutionsquiseraientseulem
im
entjuridiqueset
personnelles. Et defait, plusl’activitéest
dans l’histoirepolitiquede nos sociétés. I1
seraittrèssouhaitablequelarecherchescien­
tifiquenereflètepasm om ents-là.
5

1. R econnuparA lgoredanssonrécent
livre:Sauverlaplanète(traduction
française).A
lbinM ichel,Paris, 1993.

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TÉS,1994,2(1)

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