Vous êtes sur la page 1sur 4

JURIDIQUE

PAR FRANÇOIS-XAVIER AJACCIO

ASSURANCE CONSTRUCTION

QUEL EST L’APPORT DES


DERNIÈRES JURISPRUDENCES?
Le régime de l’obligation d’assurance de responsabilité décennale
et de Dommages-Ouvrage est encadré par des dispositions impératives
qui laissent peu de place à la liberté contractuelle. Depuis, son instauration,
en 1978, ce dispositif a été amélioré, notamment par une délimitation
de son champ d’application (ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005).
De même, l’information des bénéficiaires de la garantie a été réformée par
la modélisation des attestations d’assurance.

I
ndépendamment de ces importantes réformes, François-Xavier Ajaccio, dispositions légales. L’assurance des sous-traitants
la jurisprudence, par touches successives, consultant en assurances – n’est également pas soumise au régime de l’obli-
apporte au praticien des précisions utiles sur la construction. gation d’assurance.
nature et la mobilisation des garanties. 1. Obligation d’assurance, attestation, infraction
pénale
Obligation d’assurance Conformément aux termes de l’article L.241-1 du
de responsabilité décennale Code des assurances, «toute personne physique ou
Le premier volet de l’obligation d’assurance morale, dont la responsabilité décennale peut être
concerne la responsabilité décennale des construc- engagée sur le fondement de la présomption établie
teurs. Mais l’obligation d’assurance de responsabilité par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être
n’est cantonnée qu’au paiement des travaux de ré- couverte par une assurance.»
paration de l’ouvrage à la réalisation duquel l’assuré Ces assujettis à l’obligation d’assurance de res-
a contribué ainsi que des ouvrages existants, tota- ponsabilité décennale doivent, à l’ouverture de tout
lement incorporés dans l’ouvrage neuf et qui en chantier, justifier qu’elles ont souscrit un contrat
deviennent techniquement indivisibles (au sens du d’assurance les couvrant pour cette garantie.
§ II de l’article L.243-1-1 du Code des assurances), La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 a prévu que la
lorsque la responsabilité de l’assuré est engagée justification de la souscription effective de l’obligation
sur le fondement de la présomption établie par les d’assurance prenne la forme d’une attestation
articles 1792 et suivants du Code civil à propos de d’assurance (articleL.243-2 du Code des assurances).
travaux de construction, et dans les limites de cette La forme et le fond de ce justificatif ont été régle-
responsabilité. Les dommages immatériels, la ga- mentés par un arrêté du 5 janvier 2016 (introduisant
rantie de bon fonctionnement, la responsabilité de l’article A.243-2 du Code des assurances) spécifiant
droit commun pour les dommages intermédiaires, les mentions minimales que l’attestation doit
relèvent de garanties facultatives. comporter.
La jurisprudence relative au régime de l’obligation Ce modèle s’impose pour toutes les attestations
d’assurance de responsabilité distingue bien les émises par les assureurs après le 1er juillet 2016 et
deux natures de garanties: obligatoire ou faculta- concerne les opérations de construction dont la
tives ; celles-ci ne répondent pas aux mêmes date d’ouverture de chantier est postérieure www

JUILLET / AOÛT 2017 • N° 163 • QUALITÉ CONSTRUCTION 25


JURIDIQUE

au 1er juillet 2016. En outre, pour sécuriser les 4. Déclaration contractuelle de chantiers ou de
maîtres d’ouvrage, ces attestations doivent, obli- “La TNC (Technique non courante)
gatoirement, être jointes aux devis et aux factures
des constructeurs.
jurisprudence Certaines polices d’assurance prévoient que l’assuré
doive déclarer annuellement à l’assureur la liste
La jurisprudence considère, par ailleurs, que le considère que des chantiers qu’il a exécutés ou auxquels il parti-
gérant d’entreprise qui n’a pas souscrit d’assurance
décennale commet une faute intentionnelle, consti-
le gérant cipe. En l’absence de déclaration, l’assureur envi-
sage des sanctions comme une absence totale
tutive d’une infraction pénale, assimilable à une d’entreprise qui d’assurance ou l’application d’une règle propor-
faute séparable de ses fonctions sociales qui engage tionnelle de l’indemnité d’assurance. La sanction
sa responsabilité personnelle (C. cass., 3e ch. civ., n’a pas souscrit applicable dépend des dispositions du contrat
10 mars 2016, n° 14-15.326, Bull.). Ainsi, la simple
abstention fautive (c’est-à-dire l’absence de sous-
d’assurance comme le souligne la jurisprudence : « Vu l’ar-
ticle 1134 du Code civil, ensemble l’article L.113-9 du
cription de l’obligation d’assurance) peut suffire à décennale Code des assurances; attendu que, pour dire n’y avoir
engager la responsabilité personnelle du dirigeant lieu à garantie de la part de la compagnie, l’arrêt
qui répondra sur ses fonds propres des dommages commet retient que la société d’architecture ne démontre pas
affectant l’ouvrage qu’il a exécuté!
2. Étendue légale de la garantie
une faute avoir déclaré ce chantier à son assureur pour l’année
2003 et que l’attestation, valable pour l’année 2008,
Le contrat d’assurance souscrit par la personne intentionnelle, ne prouve pas que l’assurance avait été souscrite
assujettie à l’obligation d’assurance est réputé pour le chantier réalisé en 2003; qu’en statuant ainsi,
comporter des garanties au moins équivalentes à constitutive alors que l’article 5-222 du contrat d’assurances ne
celles figurant dans les clauses-types prévues par
l’article A.243-1 du Code des assurances.
d’une infraction sanctionne pas, conformément à l’article L.113-9 du
Code des assurances dont il vise expressément l’ap-
Aussi, l’assureur ne peut envisager de clauses li- pénale, plication, le défaut de déclaration d’activité profes-
mitant la garantie aux seuls dommages affectant la
structure d’un ouvrage comme une piscine. Une telle
assimilable sionnelle par une absence d’assurance, mais par la
réduction proportionnelle de l’indemnité d’assurance,
exclusion de sinistre ferait échec aux règles d’ordre à une faute la cour d’appel a violé les textes susvisés» (C. cass.,
public relatives à l’étendue de l’assurance de res- 3e ch. civ., 7 janvier 2016, n° 14-18.561, Bull.).
ponsabilité obligatoire en matière de construction séparable de L’application d’une règle proportionnelle peut aussi
et devrait, par suite, être réputée non écrite (C. cass.,
3e ch. civ., 4 février 2016, n° 15-12.128, Bull.).
ses fonctions être opposée par l’assureur en cas d’absence de
déclaration de travaux de techniques non courantes
3. Activité garantie sociales par l’assuré. Soulignons que la FFA a adopté en
L’assureur apprécie les risques couverts par rapport 2014 (circulaire n° 78/2014 du 23 décembre 2014)
aux activités exercées par l’entreprise assurée. Il qui engage sa une nouvelle recommandation de définition de la
limite donc sa garantie aux seules activités qui lui
ont été déclarées par le constructeur et qui sont
responsabilité notion de technique courante. En tout état de cause,
le contrat d’assurance ainsi que l’attestation ré-
mentionnées au contrat ainsi que dans l’attestation personnelle” glementée doivent indiquer la nature des travaux
d’assurance. de techniques courantes couverts.
Lorsque l’assuré exerce des activités qui n’ont pas 5. Qualité pour agir
été prise en compte, l’assureur peut opposer une L’obligation d’assurance de responsabilité décennale
non assurance, c’est-à-dire que les dommages ne a pour objet de garantir le paiement des travaux de
seront absolument pas couverts. Cette exception de réparation de l’ouvrage à la réalisation duquel l’as-
garantie est aussi opposable au maître d’ouvrage. suré a contribué et qui sont de nature décennale.
Ainsi, une société, assurée pour des activités En cas de dommages, le maître d’ouvrage ou le
d’ingénieur-conseil tous corps d’état et pour des propriétaire de l’ouvrage, après avoir établi l’appli-
missions limitées à l’exécution des travaux sans cation de la responsabilité décennale du constructeur
conception, qui s’est comportée comme une en- (les dommages doivent être d’une certaine gravité
treprise générale, activité exclue de la garantie, et actuels: C. cass., 3e ch. civ., 20 avril 2017, n° 16-
ne peut bénéficier de la garantie prévue dans son 11.724), a la qualité pour agir, par le biais de l’action
contrat d’assurance (C. cass., 3e ch. civ., 10 mars POUR EN SAVOIR PLUS directe (article L.124-3 du Code des assurances), à
2016, n° 14-15.620; C. cass., 3e ch. civ., 20 janvier Ouvrages disponibles l’encontre de l’assureur.
2015, n° 13-24.694; C. cass., 3e ch. civ., 21 janvier La jurisprudence considère ainsi que «sauf clause
• L’assurance construction
2015, n° 13-25.268, Bull.). (Auteurs: François-Xavier contraire, l’acquéreur d’un immeuble a seul qualité
Rappelons que la FFA (Fédération française d’as- Ajaccio, Albert Caston, Rémi à agir en paiement des indemnités d’assurance contre
surance, ex. FFSA) a adopté une nomenclature Porte – Éditions Le Moniteur, l’assureur garantissant les dommages à l’ouvrage,
commune pour les activités du bâtiment et des 2e édition [août 2015], même si la déclaration de sinistre a été effectuée
travaux publics servant de référentiel pour la dé- www.editionsdumoniteur.fr). avant la vente» (C. cass., 3e ch. civ., 15 septembre
• Article «Le point sur les
finition des activités garanties par les assureurs (1). 2016, n° 15-21.630, Bull.).
dernières réformes»
Notons aussi que le nouveau modèle d’attestation paru dans le n° 161 Selon ce même principe, la partie qui, consécuti-
réglementaire prévoit que les activités garanties de Qualité Construction vement à une vente, n’est plus propriétaire de l’ouvrage,
doivent être expressément mentionnées dans ce (mars-avril 2017, page 19). ne peut pas prétendre à percevoir les indemnités
justificatif d’assurance (voir plus loin). allouées pour la réparation des dommages (C.cass.,

(1) Document téléchargeable à l’adresse suivante : www.c2c-assurance.fr/professionnels/nomenclature-ffsa.

26 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 163 • JUILLET / AOÛT 2017


3e ch. civ., 10 novembre 2016, n° 14-25.318, Bull.). 2. Formation du contrat
Le bénéficiaire exclusif des indemnités versées Le contrat d’assurance est un contrat qui se forme
au titre de la garantie décennale, en cas de suc- par l’échange des consentements. Ainsi, lorsque
cession de propriétaires en cours d’instance, est l’assuré a accepté les offres émises par l’assureur,
donc le propriétaire effectif à la date de la décision a adressé trois chèques en règlement des primes,
de condamnation. il a été considéré que le contrat s’était formé par
cet échanges. La connaissance et l’acceptation des
Obligation d’assurance conditions générales et particulières conditionnent
de Dommages-Ouvrage seul leur opposabilité à l’assuré et non la formation
Le second volet de l’obligation d’assurance concerne du contrat (C. cass., 3e ch. civ., 20 avril 2017, n° 16-
la garantie de Dommages-Ouvrage. Celle-ci est 10.696, Bull.).
particulièrement encadrée par des clauses-types 3. Bénéficiaire de la garantie
impératives qui prévoient un en semble de La garantie d’assurance de Dommages-Ouvrage
dispositions visant à permettre une indemnisation bénéficie au maître d’ouvrage ou aux propriétaires
rapide du maître d’ouvrage ou des propriétaires successifs de l’ouvrage (annexe II, article A.243-1
successifs. Après indemnisation des dommages, du Code des assurances). Le bénéficiaire de la
la jurisprudence actuelle tend à favoriser le recours garantie est ainsi le propriétaire de la construction
subrogatoire de l’assureur de Dommages-Ouvrage au moment du sinistre: «Un maître d’ouvrage n’a
à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs pas qualité pour faire une déclaration de sinistre
de responsabilité décennale, conformément aux auprès de l’assureur Dommages-Ouvrage à une date
intentions du législateur. où, n’étant plus propriétaire de l’ouvrage déjà récep-
1. Obligation d’assurance tionné, ni des parties privatives vendues, les garanties
La souscription d’une assurance de Dommages- ont été transférées au syndicat des copropriétaires
Ouvrage s’impose à «toute personne physique ou et aux acquéreurs, et est irrecevable à former, ensuite,
morale qui, agissant en qualité de propriétaire de à l’encontre de l’assureur, des demandes au titre de
l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire ces garanties» (C. cass., 3e ch. civ., 17 décembre
de l’ouvrage, fait réaliser des travaux de construction» 2014, n° 13-22.494, Bull.).
(article L.242-1 du Code des assurances). 4. Procédure réglementaire de gestion et d’in-
Elle a pour objet, en dehors de toute recherche des demnisation
responsabilités, de garantir le paiement de la totalité L’assurance Dommages-Ouvrage a la particularité
des travaux de réparation des dommages de la d’être régie par une procédure réglementaire de
nature de ceux dont sont responsables les construc- déclaration, de gestion et d’indemnisation des
teurs (au sens de l’article 1792-1 du Code civil), les sinistres (article L.242-1 et annexe II à l’article A.243-
fabricants et importateurs ou le contrôleur technique 1 du Code des assurances).
sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. La Ainsi, l’assureur a un délai maximal de soixante
responsabilité décennale des constructeurs étant jours – courant à compter de la réception de la
mobilisée pour des travaux constitutifs d’un «ou- déclaration du sinistre – pour notifier à l’assuré sa
vrage» (au sens de l’article 1792 du Code civil), il décision quant au principe de la mise en jeu des
apparaît primordial de connaître les contours de garanties prévues au contrat. Lorsqu’il accepte la
cette notion pour savoir s’il y a, ou pas, application mise en jeu des garanties, l’assureur présente dans
de la garantie décennale. un délai maximal de 90 jours – courant à compter
Toutefois, en l’absence de définition légale, il est de la réception de la déclaration du sinistre – une
revenu à la jurisprudence de préciser la nature des offre d’indemnité, revêtant le cas échéant un ca-
travaux qui sont constitutifs d’un tel «ouvrage». ractère provisionnel et destinée au paiement des
Dès lors que les travaux neufs ou de rénovation sont travaux de réparation des dommages.
constitutifs d’un ouvrage, il faut, par la suite, se En cas d’acceptation par l’assuré de l’offre qui lui
référer à l’articleL.243-1-1 du Code des assurances
pour déterminer si cet ouvrage est, ou pas, soumis
“L’assurance a été faite, le règlement de l’indemnité par l’assureur
intervient dans un délai de quinze jours. Lorsque
à l’obligation d’assurance de Dommages-Ouvrage. Dommages- l’assureur ne respecte pas l’un des délais prévus
En effet, cette obligation de Dommages-Ouvrage ci-dessus ou propose une offre d’indemnisation
(comme l’obligation d’assurance de responsabilité Ouvrage a la manifestement insuffisante, l’assuré peut, après
décennale) est limitée à l’assurance de certains ou-
vrages, selon le principe du «tout sauf» énoncé par
particularité l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses
nécessaires à la réparation des dommages. L’in-
l’article L. 243-1-1 du Code des assurances. Ce der- d’être régie par demnité versée par l’assureur est alors majorée
nier texte donne une liste des ouvrages qui ne sont de plein droit d’un intérêt égal au double du taux
pas soumis aux obligations d’assurance de res- une procédure de l’intérêt légal.
ponsabilité décennale ou de Dommages-Ouvrage.
Ainsi, par exemple, ont été considérés comme
réglementaire Cette procédure vise une indemnisation rapide et
efficace des dommages. Dès lors que l’assuré est
« ouvrage», des travaux de rénovation importants de déclaration, indemnisé, l’assureur peut exercer un recours su-
(C. cass., 3e ch. civ., 20 avril 2017, n° 16-13.259). De brogatoire à l’encontre des constructeurs tenus des
la même manière, la souscription d’une assurance de gestion et dommages. Les sanctions prévues ne s’appliquent
Dommages-Ouvrage s’est imposée pour la réalisation
de travaux de reprise de dommages d’une certaine
d’indemnisation que pour la garantie obligatoire relative au paiement
des dommages matériels affectant l’ouvrage: «Vu
ampleur (C.cass., 3e ch. civ., 4février 2016, n°14-11.878). des sinistres” l’article L.242-1, alinéa 5, du Code des www

JUILLET / AOÛT 2017 • N° 163 • QUALITÉ CONSTRUCTION 27


JURIDIQUE

assurances; attendu que, pour appliquer à l’assureur l’assureur Dommages-Ouvrage avait versé la somme
Dommages-Ouvrage la sanction du doublement du “On observe de 109508,78 euros et qu’il résultait des investigations
taux d’intérêt au titre du préjudice immatériel, l’arrêt
retient, par motifs propres et adoptés, que l’articleL.242-
que le régime effectuées par l’expert que les consorts X… ne justi-
fiaient de l’exécution de travaux de reprise que pour
1 n’opère aucune distinction entre préjudices matériels de l’obligation un montant de 73392,72 euros, a pu les condamner
et préjudices immatériels et que la police d’assurance
couvre expressément ce préjudice immatériel; qu’en
d’assurances de à payer à la société A. la somme de 36116,06 euros»
(C. cass., 3e ch. civ., 4 mai 2016, n° 14-19.804, Bull.).
statuant ainsi, alors que l’article L.242-1, alinéa 5, du responsabilité Le Conseil d’État a, de la même façon, considéré
Code des assurances, qui sanctionne le retard ou le que «si l’assuré est tenu, en application des dispo-
défaut, par l’assureur, de mise en œuvre de la garantie, décennale et sitions de l’article L.121-17 du Code des assurances
est inapplicable aux dommages immatériels qui ne
relèvent pas des garanties d’assurance obligatoires,
de Dommages- précitées, d’utiliser l’indemnité versée par l’assureur
en réparation d’un dommage causé à un immeuble
la cour d’appel a violé le texte susvisé» (C. cass., Ouvrage reste bâti pour procéder à la remise en état effective de cet
3e ch. civ., 19 janvier 2017, n° 15-26.441; C. cass., immeuble ou pour la remise en état de son terrain
3e ch. civ, 27 avril 2017, n° 16-10.691). très technique. d’assiette, la méconnaissance de cette obligation, qui
5. Faute de gestion de l’assureur et recours contre
les constructeurs
Pour autant, ne concerne que la relation entre l’assureur et son
assuré, est dépourvue d’incidence sur la recevabilité
Une éventuelle faute de l’assureur dans sa gestion les objectifs du comme sur le bien-fondé de l’action subrogatoire de
ne le prive pas de son recours contre les construc- l’assureur à l’encontre du tiers responsable du dom-
teurs: «Le dépassement des délais légaux ne rendait législateur […] mage, régie par l’article L.121-12 de ce Code» (CE,
pas impossible l’exercice d’un recours subrogatoire
par l’assureur de Dommages-Ouvrage contre les au-
sont atteints 7e & 2e ch. réunies, 10 février 2017, n° 397630).
8. Exclusion des risques inhérents
teurs du dommage quel que soit le fondement juridique et pérennisés Le contrat d’assurance est un contrat aléatoire;
donné à cette action» (C. cass., 3e ch. civ., 5 mai 2015,
n°14-11.150). Ainsi, le recours subrogatoire de l’as-
par la en conséquence, les risques prévisibles sont en
dehors du champ de l’assurance. En présence d’un
sureur Dommages-Ouvrage, qui a indemnisé son jurisprudence risque certain, l’assureur peut envisager une clause
assuré après interdiction – à titre de sanction pour contractuelle pour écarter ces sinistres probables.
inobservation du délai légal de soixante jours–d’op- qui veille au La jurisprudence a validé cette pratique, pour autant
poser un refus de garantie, n’est pas limité à la ré-
paration des seuls désordres de nature décennale
maintien des que l’exclusion soit parfaitement portée à la
connaissance des acquéreurs de l’ouvrage: «Mais
(C.cass., 3e ch. civ., 13juillet 2016, n°15-22.961, Bull.). principes avec attendu qu’ayant constaté que la police stipulait que
6. Défaut de communication du rapport d’expertise le maître d’ouvrage reconnaissait que le niveau du
Depuis la réforme des clauses-types de l’assurance la plus grande sous-sol inondable ne comportait pas, pour sa partie
Dommages-Ouvrage, opérée en novembre 2009,
l’assureur peut notifier le rapport préliminaire
efficacité tant enterrée, de dispositifs aptes à s’opposer à toute re-
montée d’eau ou toute infiltration d’eau, renonçait à
d’expertise préalablement ou, au plus tard, lors la pour les tout recours contre l’assureur pour toute conséquence
notification de sa position sur l’application de la dommageable qui pourrait résulter de l’infiltration
garantie dans le délai de soixante 60 jours courant assurés que d’eau dans ces locaux et s’engageait, en cas de vente
à compter de la réception de la déclaration du si-
nistre réputée constituée (annexe II à l’article A.243-
pour les de l’ouvrage assuré, à répercuter ces dispositions
dans l’acte de vente et se portait garant vis-à-vis de
1 du Code des assurances). Auparavant, ce rapport assureurs” l’assureur de toute réclamation pouvant émaner de
devait être communiqué préalablement. Aussi, la ce fait de l’acquéreur, la cour d’appel en a déduit, à
jurisprudence continue-t-elle pour les contrats bon droit, qu’en application de cette stipulation claire
souscrits avant 2009 à sanctionner l’assureur qui du contrat, le maître d’ouvrage devait garantir et re-
ne respecte pas cette formalité: «En l’absence de lever indemne l’assureur de Dommages-Ouvrage des
notification du rapport préliminaire préalablement à condamnations prononcées contre elle au bénéfice
sa prise de position sur la garantie, la sanction de du syndicat des copropriétaires» (C. cass., 3e ch. civ.,
l’assureur Dommages-Ouvrage, qui l’oblige à garantir 15 septembre 2016, n° 12-26.985, Bull.).
les désordres déclarés, est limitée à l’objet assuré
par les stipulations contractuelles» (C. cass., 3e ch. En conclusion
civ., 30 juin 2016, n° 14-25.150, Bull.). On observe que le régime de l’obligation d’assu-
7. Affectation de l’indemnité rances de responsabilité décennale et de Dom-
L’indemnité de dommages doit être affectée à la mages-Ouvrage reste très technique. Pour autant,
réparation effective des dommages. Elle ne peut les objectifs du législateur (permettre une indem-
être utilisée ou conservée à d’autres fins. À défaut, nisation des dommages graves affectant l’ouvrage
l’assureur peut engager à l’encontre de l’assuré dans les dix ans suivant la réception des travaux et
une action en répétition d’indu : « Mais attendu de façon rapide, par ce système de double détente
qu’ayant exactement retenu, sans inverser la charge prévoyant un préfinancement par la DO puis un re-
de la preuve, qu’il incombait aux consorts X… de dé- cours contre les constructeurs) sont atteints et pé-
montrer qu’ils avaient réalisé les travaux nécessaires rennisés par la jurisprudence qui veille au maintien
à la réparation des dommages et d’établir quel en des principes avec la plus grande efficacité tant
avait été le coût, l’assureur étant en droit d’obtenir la pour les assurés que pour les assureurs. ■
restitution de ce qu’il avait versé au-delà de ce que François-Xavier Ajaccio
l’assuré avait payé, la cour d’appel, qui a constaté que Consultant en assurances – construction

28 QUALITÉ CONSTRUCTION • N° 163 • JUILLET / AOÛT 2017

Vous aimerez peut-être aussi