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I. Polarisation ou convergence ?
Comme le concept de PED, la dénomination pour ces pays a évolué. Dans les années 1960, on
parle des pays « semi-industrialisés » (notamment pour les pays d’Amérique du Sud, car la
stratégie ISI a conduit à une industrialisation partielle (absence d’industrie lourde) et centrée
sur le marché intérieur (ils ne sont donc pas insérés au commerce inter). Dans les années
1980, l’expression disparaît au profit de celle de Nouveaux Pays Industrialisés (Dragons →
Corée du Sud, Singapour, HK, Taïwan + Jaguars → Chili, Colombie, Mexique), même s’il y a
une forte hétérogénéité entre ces pays (forte croissance des Dragons alors que l’on parle de
« décennie perdue » pour les Jaguars). Années 1990 : ajout des « Tigres » (Thaïlande,
Malaisie, Indonésie, Philippines, Viêt-Nam).
Le concept d’économie émergente se développe au début des années 2000, même s’il s’agit
d’un terme plus ancien : le premier à l’avoir utilisé est Antoine van Agtmael en 1981, qui
parle de marchés émergents, cad « les PED offrant des opportunités aux investisseurs ».
Il existe plusieurs définitions :
- Pour Salama (2014), un pays est émergent si le PIB total est important (ce qui s’explique par
l’importance de la population, cf Chine ou Inde) ou si le revenu par tête est égal à au moins
1/3 de celui des PDEM. Par ailleurs, ils doivent être « relativement industrialisés ».
- Pour Vercueil (2015), il faut 4 critères : des revenus intermédiaires (le RNB/hab en PPA est
compris entre 10% et 75% de celui de l’UE) ; une dynamique de rattrapage (permise par une
croissance économique de LT supérieure à la moyenne mondiale) ; des transformations et une
ouverture (les changements institutionnels leur permettent d’intégrer le club de convergence
et de s’insérer au commerce international) ; un fort potentiel de croissance (étant donné l’écart
restant avec les PDEM, ils doivent pouvoir conserver un sentier de croissance élevée à
moyen/long terme, pour entretenir le rattrapage).
Dans les deux cas, la définition est floue : les Dragons font-ils partie des éco émergentes ? Ou
des PDEM ? Cela dépend des organismes et des critères (le développement financier est
souvent jugé trop faible). Pour limiter les difficultés, on se restreint donc généralement aux
principaux pays émergents, c’est-à-dire les « BRICS » (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique
du Sud, qui représentent 45% de la pop mondiale et 25% du PIB mondial en 2016).
BRIC : terme créé dans une note de Goldman Sachs en 2001, pour évoquer les pays
susceptibles de remettre en cause la domination éco des pays du Nord (les auteurs estimaient
qu’en 2040, le PIB des BRIC égaliserait celui des pays du G6). Cela devient une appellation
internationale en 2009, grâce à la création d’un sommet annuel de ces pays (interdépendance
entre l’économie et la géopolitique). L’Afrique du S les rejoint en 2011 (ce qui est justifié
notamment par la puissance financière de ce pays via le rôle de la Bourse de Johannesburg).
En 1980, le PIB des BRIC représentait 40% du PIB du G7, on est quasiment à 100% en 2010
(cf slide 45). Portent la croissance de la P° actuellement (cf slide 46).
2. B, R ou AfS sont caractérisés par une « reprimarisation » depuis 2000, cad qu’ils sont
revenus à l’ancienne DIT : ils exportent surtout des matières premières ou des biens agricoles,
les produits primaires représentant plus de 60% des exportations de ces pays. Par contre, il y a
des différences par rapport à la DIT des années 1950 : les tk d’extraction ou d’exploitation
agricole sont beaucoup plus sophistiquées et il s’agit de secteurs employant peu de L. Cette
spécialisation conduit à une balance commerciale beaucoup plus volatile (elle dépend de
l’évolution du cours des matières premières). Au B par exemple, la BC est excédentaire entre
2002 et 2007, mais le solde commercial a été divisé par 20 entre 2006 et 2013. En AfS, la BC
a évolué entre - 2,1% du PIB et 4,4% depuis 2000. Par ailleurs, cela ne réduit pas la
dépendance aux importations, notamment en machines (nécessaires à l’exploitation des
ressources) : cela pose la question de la durabilité de cette spécialisation (la balance
commerciale du Brésil est déficitaire entre 2008 et 2016, cela explique notamment la baisse
du PIB en 2015 et 2016). Par ailleurs, le B reste un des pays les plus protectionnistes du G20
(les tarifs douaniers vont jusqu’à 20% dans certaines régions). Le B a demandé son entrée à
l’OCDE, mais cela est compromis sans une plus grande ouverture.
La question de la polarisation renvoie aussi à la capacité des PMA à rentrer dans un processus
de croissance et de convergence. De fait, la majorité des PMA sont des pays d’Afrique
subsaharienne (cf carte de la CNUCED avec les indicateurs de développement).
Empiriquement, on observe un décrochage par rapport à l’Asie depuis 1950 (cf slide 51) : il
existe donc un problème d’enfermement, notamment dans la pauvreté (cf slide 52), 11% de la
population pauvre vivait en Afrique subsaharienne en 1981, alors que cette proportion
atteindra quasiment 100% en 2030 selon la Banque mondiale.
La question du futur de l’Afrique en termes de croissance est posée dès 1962 par R. Dumont,
L’Afrique noire est mal partie (NB : changement de vocabulaire, on parle maintenant
d’Afrique subsaharienne, soit 45 pays pour le FMI). La thèse de Dumont est la suivante : le
développement de l’Afrique s’est fondé sur l’agriculture d’exportation (choisie par les
colonisateurs, cf Acemoglu en 2001). Pour assurer le développement, il est nécessaire de
passer à une culture vivrière et de mettre en place un véritable plan d’industrialisation
indépendamment des pays développés. Le problème est que cette préoccupation n’est pas
partagée par les élites politiques de ces pays : toutes les politiques nécessaires au
développement ne sont pas mises en place (et notamment, on n’anticipe pas les conséquences
des mutations éco et sociales, comme l’exode rural). Cette thèse de Dumont se vérifie pendant
la période 1960-2000, mais commence à être remise en cause progressivement (cf slide 54 et
les différences de croissance entre 1975 et 1995 et depuis 1995).
Changement de discours se voit par exemple dans les articles de The Economist : en 2000,
l’Afrique était « the hopeless continent », est devenu « the hopeful continent » en 2010.
La question posée est celle du caractère durable de cette évolution et elle fait l’objet de
l’ouvrage de Zedillo et ses co-auteurs en 2015 (NB : Zedillo est le président du Mexique entre
1994 et 2000, et dirige en 2015 le centre d’étude sur la mondialisation à Yale). Ils considèrent
qu’il est possible d’analyser :
- soit le chemin parcouru : en 2018, selon la Banque mondiale, les 5 pays qui auront les plus
hauts taux de croissance en 2019 sont des pays africains ; il y a eu d’importants progrès en
termes de développement économique (cf slide 55) ; on a observé une démocratisation (on est
passé de 2 à 23 démocraties électives entre 1989 et 2015 en Afrique subsaharienne) ; les pays
ont commencé la 2ème phase de leur transition démographique (ils vont donc pouvoir
bénéficier d’un « dividende démographique » : hausse de la main d’œuvre dispo mais baisse
du taux de croissance démo) ; le niveau d’éducation a augmenté (le taux de scolarisation dans
le primaire est passé de 50 à 80% entre 1990 et 2015) → verre à moitié plein.
- soit le chemin qui reste à parcourir : la difficile insertion au commerce international (cf slide
56), renforcée par la faiblesse du commerce intrarégional ; une forte instabilité politique (cf
slide 57 qui présente l’état de la gouvernance par rapport aux autres PED) ; la capacité à
résorber le surplus de main d’œuvre dans le secteur traditionnel (cf Lewis) → il faut que la
hausse de la pop se traduise par une hausse de la pop en emploi (cette dernière a augmenté de
10M par an en moyenne entre 2013 et 2017, il faudrait une hausse de 20M pour porter la
croissance selon le FMI en 2018) ; l’état des infrastructures → selon la Banque mondiale, les
dépenses nécessaires en infrastructures se montent à 93 Mds de $/an, elles ont été de 51,4
Mds en 2014 ; il faudrait stabiliser les entrées de K extérieurs (cf slide 58, qui montre la
OMD = Objectifs millénaires pour le développement, qui sont des objectifs à atteindre pour
l’ensemble des pays, afin de limiter les inégalités de développement entre les pays et donc
participer à la convergence. Ils ont été définis en 2000 lors du Sommet du Millénaire
(signature de la Déclaration du millénaire par 189 pays, soit l’ensemble des pays membres de
l’ONU en 2000). Les OMD sont au nombre de 8, et ils étaient à remplir avant décembre 2015.
À chaque objectif correspond une ou plusieurs cibles quanti (l’objectif est atteint si la cible
définie est atteinte) :
1. faire disparaître l’extrême pauvreté et la faim (en diminuant par 2 la proportion de la pop
dont le revenu est inférieur à 1,25$ par jour et la proportion de la pop souffrant de la faim
entre 1990 et 2015), le but étant d’assurer un niveau de vie décent à l’ensemble de la pop.
NB : En octobre 2022, le BM a changé la « ligne de pauvreté » : on est passé à 2,15 $ (cela
permet de prendre en compte l’évolution coût de la vie → 2,15$ en 2022 est l’équivalent de
1,25$ en 1990 en termes réels).
Cet objectif a de fait été rempli, et a notamment été permis par la baisse de la pauvreté en
Asie de l’Est (cf slide 73). La pauvreté a continué à diminuer depuis 2015, mais moins
rapidement, et la crise actuelle va a priori freiner cette évolution (cf slide 74).
2. Garantir à tous une éducation primaire (d’ici 2015, permettre à tous les enfants d’achever le
cycle scolaire primaire). On est passé de 80% à 91% pour les PED (on est au-dessus de 95%
pour toutes les régions, sauf en Afrique Subsaharienne, mais on est passé de 50% à 80%).
3. Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (éliminer les disparités
entre hommes et femmes dans tous les niveaux d’enseignement d’ici 2015)
En 2015 : 50% des femmes de plus de 15 ans sont inactives, contre 23% pour hommes, les
femmes occupent 22% des sièges dans les parlements nationaux (contre 14% en 2000).
→ Le but des objectifs 2 et 3 est de permettre un accès généralisé à l’instruction et d’assurer
une plus grande égalité.
4. Réduire la mortalité des enfants (réduire de 2/3 le taux de mortalité des enfants de moins de
5 ans d’ici 2015) : l’objectif n’a pas été atteint, mais le taux a baissé de 53%.
5. Améliorer la santé maternelle (diminution de 75% entre 1990 et 2015 du taux de mortalité
maternelle) : l’objectif n’a pas été atteint, mais le taux a baissé de 45%, on est passé de 35% à
50% de femmes dans les PED recevant un nombre suffisant de visites prénatales.