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Les firmes multinationales (FMN) sont parmi les acteurs les plus puissants de l’espace

mondial. Leur développement est à la fois la conséquence et l’un des moteurs essentiels de la
mondialisation. Face à leurs stratégies globales et à leurs modes de fonctionnement
transnationaux, les États peinent à instaurer un système de gouvernance qui permettrait de
pallier les conséquences sociales et environnementales des activités des FMN.
Par leur poids économique et financier et leur capacité d’influence sur les politiques fiscales
et sociales des États, les firmes multinationales (FMN, aussi nommées firmes transnationales)
sont des acteurs majeurs de l’espace mondial. Une FMN est une entreprise de grande taille
possédant des filiales dans plusieurs pays et concevant son organisation et sa stratégie de
production et de vente à l’échelle globale. Il existe actuellement dans le monde quelque 60
000 FMN, contrôlant plus de 500 000 filiales. Elles sont responsables de la moitié des
échanges commerciaux internationaux, en particulier du fait de l’importance du commerce
intra-firme (entre les filiales d’une même entreprise).

Les 2 000 premières firmes multinationales, 2008-2017

Sources : Forbes Global 2000, www.forbes.com/global2000/list ; World Federation of


Exchanges, 2017 Market Highlights, www.world-exchanges.org
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Commentaire : Sur cette carte de la capitalisation boursière des 2 000 premières firmes
multinationales en 2017, la taille des cercles est proportionnelle à leur poids en termes de
capitalisation boursière. On y voit le poids des firmes états-uniennes (44 %, contre 22 % pour
la somme des firmes européennes). La gamme de couleurs indique les dynamiques au cours
de la dernière décennie : outre la croissance des firmes des États-Unis, on observe une
augmentation de celles des pays émergents asiatiques, alors qu’une partie des firmes
européennes, japonaises et latino-américaines stagnent.
On peut faire remonter l’origine des FMN à la fin du xvi e siècle et à la création des
compagnies commerciales européennes en particulier anglaises et hollandaises et dont l’une
des plus emblématiques, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, fut fondée en 1602
–, chargées d’exploiter les ressources des colonies. Ces compagnies devinrent l’un des piliers
du développement du capitalisme et un vecteur essentiel de l’ impérialisme européen dans le
monde.

De l’internationalisation à la globalisation
C’est dans les secteurs minier, pétrolier et agricole, dont la production est directement liée au
territoire, que les premières FMN de l’ère moderne se sont constituées au xix e siècle lors de
l’avènement du capitalisme industriel. Nombre de compagnies des secteurs extractif et
agricole, plus que centenaires, figurent toujours parmi les plus grandes entreprises mondiales.
L’internationalisation des entreprises s’est accélérée au cours de la seconde moitié du
xx e siècle, en particulier dans le secteur manufacturier. Elle s’est faite en partie afin de
contourner les barrières douanières ou commerciales en installant des filiales au sein même
des marchés consommateurs, comme l’ont fait les constructeurs automobiles européens et
japonais en implantant des usines de montage aux États-Unis pour accéder au marché local.
Mais elle a surtout bénéficié de l’ouverture commerciale des États dans le cadre des accords
du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) puis de l’OMC
(Organisation mondiale du commerce), de la libéralisation financière, qui a permis une
grande mobilité du capital, ainsi que de la baisse tendancielle des coûts de transport et du
développement de l’informatique et des télécommunications.

25 premières firmes multinationales, 2017


Source : Forbes, The World’s Biggest Public Companies 2017 Ranking, www.forbes.com
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Commentaire : Selon le classement annuel des entreprises du magazine économique états-
unien Forbes, ce diagramme montre à la fois le secteur d’activité, la capitalisation boursière,
le chiffre d’affaires (selon lequel le classement est réalisé) et les bénéfices des 25 premières
firmes multinationales en 2017. Les FMN des secteurs énergie/matières premières et
automobile restent les plus nombreuses, mais, en termes de bénéfices, la finance et
l’électronique occupent les premiers rangs. Sept FMN asiatiques figurent dans ce classement,
soit le quart du total en nombre et en capitalisation boursière.
À partir des années 1980, les FMN ont pu délocaliser leur production pour profiter des faibles
coûts de main-d’œuvre et des normes sociales, environnementales et de sécurité très basses
offertes par les pays en développement (PED), en particulier ceux d’Asie du Sud-Est.
Dorénavant, la chaîne de production est éclatée entre de multiples unités réparties dans les
pays où la main-d’œuvre est la moins chère, tandis que les stratégies de communication et de
marketing se font à l’échelle du monde (avec l’émergence de marques et de produits globaux)
et que les profits sont localisés dans des paradis fiscaux afin de minimiser l’impôt. Piliers de
la globalisation des FMN, les flux d’ IDE (investissements directs étrangers) ont été
multipliés par plus de 130 en un demi-siècle (pour passer de 13 milliards de dollars en 1970 à
1 750 milliards de dollars en 2016).

Investissements directs étrangers (IDE) entrants, 2007-2016

Source : Cnuced, http://unctad.org


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Commentaire : La Cnuced aide les gouvernements à promouvoir et à faciliter
l’investissement ; elle compile, valide et diffuse des données sur les IDE. Cette carte montre à
la fois des stocks (points proportionnels) et des évolutions au cours de la dernière décennie
(dégradé de couleur). Les données sur la dynamique des IDE entrants sont très contrastées et
non corrélées à celles du volume ; certaines économies n’attirent plus les investissements
étrangers (en bleu), alors que d’autres, au contraire, savent les capter en raison de leur
croissance, de facilités fiscales ou parce qu’il s’agit de paradis fiscaux.
Évolution des investissements directs étrangers (IDE), 1974-
2016

Source : Cnuced, http://unctad.org


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Commentaire : La Cnuced aide les gouvernements à promouvoir et à faciliter
l’investissement ; elle compile, valide et diffuse des données sur les IDE mais sa base de
données ne permet pas de croiser des IDE sortants et entrants, qui de plus transitent souvent
par des paradis fiscaux. Même en calculant des moyennes sur cinq ans, les courbes sont très
irrégulières. Pour les IDE entrants, l’Europe reste largement en tête, malgré une baisse
marquée depuis la crise de 2008 ; les États-Unis, en deuxième position, connaissent une
baisse encore plus forte ; alors que les pays émergents bénéficient d’une hausse continue,
jusqu’à rejoindre les volumes investis aux États-Unis. Pour les IDE sortants, la configuration
est assez semblable mais la chute des États-Unis est encore plus forte et une différence nette
apparaît parmi les pays émergents, la courbe d’Asie de l’Est (principalement les
investissements chinois dans le monde) se situant nettement au-dessus de celle de l’Amérique
latine et des Caraïbes.
Afin de profiter au mieux de la division internationale du travail sans supporter les
contraintes juridiques (et morales) liées à la détention de filiales dans des pays où
la protection sociale et les règles environnementales sont bafouées, les FMN tendent à
organiser leur production à travers un réseau de sociétés n’ayant plus de liens capitalistiques
entre elles. De nombreux produits (électronique, textile, etc.) sont dorénavant assemblés ou
confectionnés dans des usines appartenant à des sous-traitants juridiquement indépendants
des donneurs d’ordre. C’est le cas d’Apple, dont les produits sont fabriqués en Chine par un
sous-traitant taïwanais, Foxconn. Les FMN cherchent ainsi à s’exonérer de toute
responsabilité quant aux conditions sanitaires, environnementales et sociales dans lesquelles
leurs produits sont fabriqués, telles les grandes marques de vêtements pour lesquelles
travaillaient les ouvriers des ateliers de confection de l’immeuble du Rana Plaza à Dacca
(Bangladesh), dont l’effondrement en 2013 fit plus de mille morts.

Réseau de filiales de la firme pétrolière BP, 2013

Sources : OpenCorporates, https://opencorporates.com/viz/financial ;


OpenOil, http://openoil.net
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Commentaire : La firme pétrolière BP se compose de centaines de filiales qui possèdent
elles-mêmes des filiales. Le graphe de réseau montre que la majorité des filiales relèvent du
droit états-unien ou britannique et néerlandais pour BP Europe. La carte montre que ces
filiales, distribuées dans toutes les régions du monde, ne correspondent pas nécessairement
aux lieux d’extraction d’hydrocarbures. En revanche, BP domicilie nombre de ses filiales
dans des paradis fiscaux (Caraïbes, Pays-Bas, Suisse, Golfe, Singapour, Hong Kong, etc., et,
bien sûr, Royaume-Uni).
Une impossible régulation ?
L’internationalisation des FMN a certes permis le rattrapage économique de certains pays
du Sud, comme la Chine dont le développement est fondé sur l’accueil des IDE et sur son
insertion dans la mondialisation. Mais elle contribue également au creusement
des inégalités internes : en mettant en concurrence les salariés des pays riches avec ceux des
pays en développement, elle participe à l’augmentation du chômage dans les pays
développés, qui se désindustrialisent, tout en favorisant l’apparition de classes de nantis dans
les pays du Sud. Souvent en position de force face aux États, les FMN mettent ceux-ci en
concurrence pour l’attractivité de leurs territoires (équipements, subventions, voire
assouplissement des normes fiscales, sociales et environnementales).
La globalisation des FMN les soumet néanmoins à une surveillance accrue des organisations
de la société civile, qui les pressent d’adopter des comportements responsables, notamment
quant aux normes sociales et environnementales qu’elles appliquent. En réponse, les FMN
élaborent, de manière volontaire, des codes de conduite (éventuellement au niveau sectoriel)
et des politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) relatives à la protection de
l’environnement, à la défense des droits humains et sociaux et à la lutte contre la corruption.
Souvent limitées à un effet d’affichage (greenwashing), ces pratiques cherchent autant à
répondre aux critiques des ONG militantes sur leurs pratiques et sur les conséquences
négatives de leurs activités qu’à dissuader les autorités politiques d’adopter des législations
contraignantes sur ces sujets. En cela, les firmes sont aussi des vecteurs de diffusion des
normes (comptables, managériales, sociales et environnementales) partout dans le monde.

Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de quelques firmes multinationales peut être


supérieur au produit national brut (PNB) de certains États, ce qui équivaut pour elles
à disposer d’une véritable puissance économique et financière. Même si la qualité
de sujet de droit international ne leur est pas reconnue, ce poids économique leur
permet désormais de s’imposer comme de véritables acteurs des relations
internationales.
Leur expansion dépassant très souvent le cadre de leur État d’origine, les stratégies
économiques qu’elles développent peuvent ne pas coïncider avec les intérêts de ce
dernier. En outre, les enjeux économiques sous-jacents à certains contrats qu’elles
peuvent conclure avec des États ou leur implantation sur le territoire de l’un d’entre
eux les conduisent parfois à négocier de gré à gré directement avec les plus
hauts responsables politiques. De même, les enjeux technologiques et/ou de
sécurité liés aux domaines où certaines d’entre elles interviennent (technologies de
communication, armement…) peuvent mobiliser l’attention de ces derniers.
À l’instar des États, elles peuvent être tentées d’employer divers moyens plus ou
moins légaux pour peser sur la situation politique nationale ou l’orientation de
la législation de l’État où elles se sont implantées. Leur stratégie peut ainsi
consister à contribuer au développement d’un État (construction d’infrastructures,
éducation par exemple). À l’extrême, cela peut aboutir dans certains cas à de
la corruption pour renforcer une position et/ou éliminer la concurrence potentielle,
voire conduire au maintien d’un régime politique favorable à leurs intérêts.

Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de quelques firmes multinationales peut être


supérieur au produit national brut (PNB) de certains États, ce qui équivaut pour elles
à disposer d’une véritable puissance économique et financière. Même si la qualité
de sujet de droit international ne leur est pas reconnue, ce poids économique leur
permet désormais de s’imposer comme de véritables acteurs des relations
internationales.

Leur expansion dépassant très souvent le cadre de leur État d’origine, les stratégies
économiques qu’elles développent peuvent ne pas coïncider avec les intérêts de ce
dernier. En outre, les enjeux économiques sous-jacents à certains contrats qu’elles
peuvent conclure avec des États ou leur implantation sur le territoire de l’un d’entre
eux les conduisent parfois à négocier de gré à gré directement avec les plus
hauts responsables politiques. De même, les enjeux technologiques et/ou de
sécurité liés aux domaines où certaines d’entre elles interviennent (technologies de
communication, armement…) peuvent mobiliser l’attention de ces derniers.

À l’instar des États, elles peuvent être tentées d’employer divers moyens plus ou
moins légaux pour peser sur la situation politique nationale ou l’orientation de
la législation de l’État où elles se sont implantées. Leur stratégie peut ainsi
consister à contribuer au développement d’un État (construction d’infrastructures,
éducation par exemple). À l’extrême, cela peut aboutir dans certains cas à de
la corruption pour renforcer une position et/ou éliminer la concurrence potentielle,
voire conduire au maintien d’un régime politique favorable à leurs intérêts.

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