Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Anesthésie & Réanimation Janvier 2023
Anesthésie & Réanimation Janvier 2023
Twitter : @AccpmJ
Rédacteurs invités
Mette BERGER (Lausanne, Suisse), Jean-Michel CONSTANTIN (Clermont-Ferrand, France), Daniel DE BACKER (Bruxelles,
Belgique), Didier PAYEN (Paris, France), Jean-Charles PREISER (Bruxelles, Belgique), Jean-Louis VINCENT (Bruxelles, Belgique)
Imprimé en France par Dupliprint, 733 rue Saint Léonard, 53 000 Mayenne.
Publication périodique bimestrielle – CPPAP : 1123T92720 – Dépôt légal à date de parution
ISSN : 2352-5800
Sommaire
Vol. 9
No 1
Janvier 2023
Éditorial
SFAR 2023 : restons unis dans un monde en
crise
Pierre Albaladejo
Disponible sur internet le : CHU de Grenoble-Alpes, pôle d'anesthésie-réanimation, 38000 Grenoble, France
15 décembre 2022
PAlbaladejo@chu-grenoble.fr
L' Anesthésie Réanimation Médecine Périopératoire doit relever les défis d'un monde de la
santé en crise, vulnérable et pris de doute. Notre société, la SFAR, dispose de l'énergie, de
l'engagement et des moyens pour affronter ces difficultés. Cette énergie se fonde sur une histoire
récente construite sur des bases solides qui ont conduit l'anesthésie-réanimation aux avant-postes
des spécialités médicales, non seulement par le nombre (12 000 MAR, 11 000 IADE) mais aussi et
surtout par sa capacité à développer une attractivité forte reposant sur une polyvalence d'exercice.
L'engagement de la SFAR pour notre spécialité, repose sur l'investissement de chacun de ses
membres au service du collectif. Cet engagement débute par l'adhésion, se poursuit par la
participation aux nombreuses activités de formations, de recherche et de promotion de la
discipline (congrès, formations, réseaux et manifestations) et doit se poursuivre par un engage-
ment direct dans les comités, groupes de travail et missions de la SFAR. Près de 300 professionnels
de l'Anesthésie Réanimation et de la Médecine Périopératoire sont à pied d'œuvre et travaillent
bénévolement pour enrichir l'offre de la SFAR.
Nos projets pour 2023 sont dictés par l'actualité et par la constante nécessitée de moderniser notre
exercice professionnel.
1
P. Albaladejo
Éditorial
SFAR R&D place de la téléconsultation, l'apport de la télé-expertise en
L'innovation n'attendra pas ! Nous continuerons et amplifierons réanimation ou encore le déploiement du dossier médical par-
notre soutien, en particulier financier, à la recherche. Le comité tagé sont autant de questions sur lesquelles il nous fallait
scientifique, le réseau recherche, le comité d'éthique et les avancer avec un haut niveau d'expertise.
journaux de la SFAR (ACCPM et ANREA) travaillent ensemble
Responsabilité sociale et environnementale
pour créer, organiser, promouvoir, publier et diffuser les travaux
de recherche et d'innovation. C'est un des leviers de la SFAR pour La SFAR et la CFAR ont toujours eu le souci de prendre soin des
maintenir et consolider l'attractivité de notre spécialité, en professionnels de l'anesthésie réanimation. Le Comité Vie Pro-
collaboration étroite avec le CNEAR (Collège national des ensei- fessionnelle-Santé au Travail poursuit le travail du groupe SMART
gnants en anesthésie réanimation) et le CNU (La sous-section du et propose des outils et des formations pour prévenir les risques
Conseil national universitaire, qui évalue et nomme les hospi- psycho-sociaux liées à la pratique de la spécialité (sur le site de la
talo-universitaires en Anesthésie Réanimation). SFAR à l'onglet CVP-ST). Cette information doit-être diffusée car
pour maintenir l'attractivité dans une spécialité à haut niveau de
Référentiels ? Recommandations ? Consensus ? contrainte, le bien-être des professionnels est essentielle.
La SFAR est la société savante qui offre le plus de référentiels La défense de la parité au sein des instances de la SFAR mais
professionnels. Le rôle du Comité des Référentiels Cliniques est également lors de l'organisation de manifestations de la SFAR,
de programmer, organiser et accompagner le développement demeure un engagement fort au sein de notre société pour
ou la réactualisation des référentiels. La médecine périopéra- accompagner l'expression de toutes et tous.
toire et le caractère souvent transversal des sujets à traiter Au-delà de l'engagement de chacun pour préserver l'environ-
impose une collaboration étroite avec les autres sociétés savan- nement, l'attention portée à l'impact de nos activités de soins
tes en recherchant un accord fort avec une méthodologie sur l'environnement repose sur l'investissement du Comité
robuste. Pour 2023–2024, le programme des référentiels est Développement Durable en favorisant la diffusion de référen-
riche : réactualisation en antibioprophylaxie, organisation de tiels pour une pratique vertueuse et durable.
l'anesthésie pédiatrique, optimisation hémodynamique. . .
Pénuries. . .
La SFAR au plus près des professionnels Les pénuries et les tensions d'approvisionnement s'aggravent, non
En 2023, la SFAR sera proche de vous : à Rennes le 27 janvier seulement pour les médicaments, mais aussi pour les dispositifs
2022 pour une journée SFAR exceptionnelle puis pour des médicaux. Le Comité Analyse et Maîtrise du Risque de la SFAR
sessions SFAR lors des nombreux congrès régionaux (ICAR, collabore avec les tutelles pour produire des listes de médicaments
JARCA, le SYMPO, REAGSO, MERPO et JLAR. . .). Ces congrès critiques pour l'anesthésie et les soins critiques afin d'alerter les
régionaux sont les maillons indispensables pour permettre tutelles en amont des difficultés d'approvisionnement.
à la spécialité de se retrouver et de communiquer au plus près Les raisons expliquant les tensions d'approvisionnement des
des professionnels de notre spécialité. dispositifs médicaux sont complexes, liées aux conflits, aux
délocalisations et aux modifications récentes des certifications
SFAR Galaxie : la médiathèque européennes. Une discussion est engagée avec les autres socié-
La SFAR propose depuis septembre 2022, une plateforme de tés savantes et les tutelles pour réduire ces tensions.
formation qui regroupe tous les médias utiles pour aborder les À l'instar de l'Allemagne et des États-Unis, l'idée du « reprocess-
différentes facettes de l'anesthésie réanimation et médecine ing » des dispositifs médicaux à « usage unique » est abordée
périopératoire. SFAR Galaxie héberge plus de 50 parcours créés mais contrariée en France, par la parution d'une ordonnance en
par les comités de la SFAR. Vous y retrouverez également les avril 2022 qui réaffirme l'interdiction de réutilisation des dis-
replays des congrès de la SFAR : eSFAR, congrès national, JMT. . . positifs médicaux à usage unique.
En 2023, les contenus de la plateforme d'enseignement SIDES- En 2023, malgré les incertitudes sur la situation socio-écono-
NG seront disponibles sur SFAR-Galaxie. Il s'agit de mettre à la mique, climatique et globale, les professionnels de l'anesthésie
disposition de tous les adhérents de la SFAR les enseignements réanimation, médecins ou paramédicaux, dans les établisse-
destinés aux internes du DES ARMPO. ments publics ou privés, partout en France, doivent agir
ensemble, au sein de la maison de l'Anesthésie Réanimation.
Création d'un groupe SFAR Numérique La SFAR, aux côtés des autres acteurs de l'anesthésie réanima-
La SFAR a décidé de mettre en place un groupe spécifique sur la tion au Conseil National Professionnel (qui regroupe les collè-
problématique du numérique en santé et plus particulièrement ges, les syndicats et la SFAR) est engagée pour défendre nos
dans notre spécialité. Les questions sur la protection des don- valeurs pour la santé publique. Les dossiers sensibles sont
nées, la gestion des bases de données, l'apport de l'intelligence nombreux : feuille de route des soins critiques, décret des soins
artificielle, la cybersécurité, la digitalisation des parcours, la renforcés, certification périodique, pratique avancée, fin de vie,
2
Anesth Reanim. 2023; 9: 1–3
Éditorial
maintien de l'attractivité, maisons de naissance et accouche- pour défendre nos valeurs par notre engagement auprès des
ment à domicile, pénuries, situations sanitaires exceptionnelles, autorités sanitaires, pour préserver la santé et le bien-être des
déserts médicaux, épidémies. . .. La liste est longue et s'allonge professionnels et de nos équipes.
encore si l'on considère que les dossiers impactant les autres
Déclaration de liens d'intérêts : l'auteur a de liens d'intérêts avec SANOFI,
spécialités nous touchent par ricochet. BMS, Pfizer, Branchet Solutions.
Alors, en 2023 comme toujours, restons unis pour proposer les
meilleurs soins à nos patients par la formation et la recherche,
3
Anesth Reanim. 2023; 9: 4–5
Éditorial
Anesthésie & Réanimation, en 2023
Disponible sur internet le : 1. Institut Aquitain du Coeur, clinique Saint Augustin, 114 avenue d'Arès, 33
14 décembre 2022 074 Bordeaux Cedex
2. CHU de Nîmes, université de Montpellier-Nîmes, department of anaesthesiology,
critical care and emergency medicine, 30029 Nîmes, France
Correspondance :
Marc-Olivier Fischer, Institut Aquitain du Coeur, clinique Saint Augustin, 114 avenue
d'Arès, 33 074 Bordeaux Cedex
marcolivierfischer@yahoo.fr
Mots clés
N ous sommes presque à un an du lancement du journal Anesthésie & Réanimation dans sa
« nouvelle formule », avec de nombreux changements (nouvelle couverture, nouveau logo,
Anesthésie apparition des dossiers thématiques, nouvelles rubriques : ANREA IADE, ANREA IDE de réanimation
Journal et veille bibliographique par l'équipe Le Masque et de La Plume, mini revues, cas cliniques
Pédagogie commentés) [1].
Réanimation Pour les auteurs, le journal Anesthésie & Réanimation semble plus attractif avec deux fois plus de
Keywords soumissions tous types de manuscrits confondus et trois fois plus de manuscrits en haut niveau de
Anaesthesia priorité comprenant articles originaux, revues, mises au point, recommandations et communi-
Critical care cations courtes. L'équipe éditoriale s'est également réorganisée pour permettre un délai plus court
Education entre la soumission et la réponse éditoriale avec éventuelles acceptation et publication (figure 1).
Journal Le nombre de soumissions augmentant, la qualité des manuscrits attendus l'est aussi avec comme
conséquence une augmentation du taux de manuscrits refusés.
Les lecteurs semblent également trouver un intérêt pour cette nouvelle formule comme en
témoignent l'augmentation record du nombre de téléchargements et les relais sur les réseaux
sociaux avec 750 abonnés au compte Twitter @ANREA_Journal en quelques mois.
Ces faits encourageants poussent ANREA à progresser dans plusieurs directions :
diminution des délais de publication et amélioration de la qualité des articles publiés : l'arrivée
d'un nouvel assistant de rédaction, Mr Alexandre Milman, qui présente un parcours scientifique
valorisé d'un Master 2 et d'un Doctorat de Neurosciences au sein d'une équipe Inserm, devrait
nous permettre une communication plus fluide entre les acteurs de la publications (auteurs,
éditeurs associés, relecteurs et maison d'édition) dans le but de réduire encore les délais et
d'améliorer la qualité des manuscrits ;
Éditorial
Figure 1
Moyenne de réponse éditoriale du journal Anesthésie & Réanimation et des différents temps liés à la publication d'un manuscrit,
depuis 2018 jusqu'à fin octobre 2022 (données fournies par Elsevier)
création d'un forum professionnel : ce forum pourrait regrou- littérature scientifique en santé (LiSSa). Une indexation sup-
per les correspondances en lien avec la vie de tous les soi- plémentaire dans la prestigieuse base Web of Sciences dès
gnants de la spécialité Anesthésie,RéanimationetMédecine 2023 va permettre d'obtenir pour le journal un Impact factor
Péri Opératoire en permettant aux lecteurs et aux Comités pour 2023, valorisant à la fois le journal Anesthésie & Réani-
de la SFAR de réagir aux études originales ou à l'actualité mation et les auteurs qui auront une reconnaissance en points
professionnelle des soins critiques. Ce forum se ferait évidem- SIGAPS de leurs publications dans le journal de la SFAR en
ment après relecture habituelle avant publication ; langue française [3] ;
les dossiers thématiques pour 2023 porteront sur les maladies
pour améliorer ces échanges et la diffusion des travaux publiés
par Anesthésie & Réanimation, une équipe des média sociaux va rares (mars), diabète et hypertension artérielle (mai), pro-
voir le jour pour diffuser plus régulièrement le contenu du journal cessus de publication (juillet), SFAR (septembre), infectieux
Anesthésie & Réanimation sur plusieurs réseaux sociaux [2] ; (novembre) puis obstétrique (janvier 2024). Nous espérons
Anesthésie & Réanimation souhaite développer les échanges que Anesthésie & Réanimation vous apportera satisfaction
avec les pays francophones et lecteurs francophiles. Nous pour 2023 et tout le comité de rédaction se joint à nous pour
encourageons tous nos collègues de pays francophones à par- vous souhaiter tous nos vœux de bonheur pour cette nouvelle
ticiper à la vie du journal Anesthésie & Réanimation. Là année !
encore, ces soumissions seront soumises à une relecture Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
par le bureau éditorial ; liens d'intérêts.
Anesthésie & Réanimation est déjà indexé dans les bases
EMBASE, Emerging sources citation index (ESCI), Hinari et la
Références
[1] Lefrant JY, Fischer MO, Pirrachio R, Benha- [2] Clavier T, Sigaut S, Bounes F, James A, Frasca [3] Yavchitz A, LeGuen M, Sigaut S, Evain JN,
mou D, Njeim R, Ausset S, et al. La revue D, Boisson M, et al. Quel impact de la Mazereaud A, Kerever S, et al. Les missions
Anesthésie & Réanimation (ANREA) : des nou- présence sur les réseaux sociaux pour un et objectifs du Réseau recherche de la Société
veautés et une nouvelle impulsion. Anesth journal médical? L'exemple de l'équipe déd- française d'anesthésie et de réanimation.
Reanim 2022;8:1–3. iée d'Anaesthesia Critical Care and Pain Med- Anesth Reanim 2021;7:454–61.
icine. Anesth Reanim 2021;7:210–7.
5
Anesth Reanim. 2023; 9: 6
Correspondance
Note sur l'eskétamine comme seul anesthésique ou en association avec des
hypnotiques.
Note on esketamine en anesthésie et soulagement de la douleur en médecine
d'urgence.
du contrôle de la douleur liée à la respiration artificielle.
Récemment, est apparu dans l'arsenal thérapeutique une « nou- La littérature est pour le moment encore peu fournie pour juger
velle molécule » : la eskétamine. Initialement, elle était indi- de la plus-value ou non de cette nouvelle formulation. Le coût
quée chez les adultes pour le traitement des épisodes dépressifs est plus important que la kétamine. En outre, s'ajoute à cela le
caractérisés résistants n'ayant pas répondu à au moins deux risque d'erreur médicamenteuse qui existe déjà avec la kéta-
antidépresseurs différents de deux classes différentes au cours mine 50 mg et 250 mg. Ce risque serait potentiellement
de l'épisode dépressif actuel sévère [1]. Nous ne rentrerons pas aggravé par la coexistence d'eskétamine (forme et couleur
dans les détails de l'intérêt de cette thérapeutique dans cette des ampoules). Il pousserait les pharmacies hospitalières
indication. Cependant, de la psychiatrie à l'anesthésie réanima- à complètement substituer la kétamine par l'eskétamine.
tion et médecine périopératoire il n'y a qu'un pas, et il est En résumé, d'autres études sont nécessaires afin de trancher
tentant de s'approprier cette molécule qui nous semble fami- quant au bénéfice par rapport à la formulation de base avant de
lière. Les autorités l'ont fait, en donnant un avis favorable au l'utiliser quotidiennement dans nos institutions.
remboursement dans les indications suivantes : Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
induction et maintien de l'anesthésie générale, comme seul liens d'intérêts.
anesthésique ou en association avec des hypnotiques ;
anesthésie et soulagement de la douleur (analgésie) en
médecine d'urgence ;
contrôle de la douleur liée à la respiration artificielle
Références
(intubation).
[1] Haute Autorité de la santé, « SPRAVATO (eskétamine)AVIS SUR LES MÉDI-
Un avis défavorable a été donné au remboursement pour son
CAMENTS » 07 juillet 2020. [En ligne]. Disponible sur : https://www.has-
utilisation en adjuvant d'une anesthésie régionale ou locale, au sante.fr/jcms/p_3191469/fr/spravato-esketamine.
regard des alternatives disponibles [2]. [2] Haute Autorité de la santé, « ESKETAMINE IDD 5mg/ml et 25mg/ml
Cependant, cette molécule n'apporte pas, pour le moment, de (eskétamine) AVIS SUR LES MÉDICAMENTS » 17 août 2021. [En ligne].
Disponible sur : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3282241/fr/
progrès dans la prise en charge (qui comprend la kétamine),
esketamine-idd-5-mg/ml-et-25-mg/ml-esketamine.
dans l'induction et le maintien de l'anesthésie générale, en
Vincent Minville, Fabrice Ferré
anesthésie et soulagement de la douleur en médecine
Centre hospitalier et universitaire de Toulouse, RESTORE, UMR
d'urgence, et dans le contrôle de la douleur liée à la respiration 1301 Inserm, pôle anesthésie-réanimation, médecine périopératoire,
artificielle. université Paul-Sabatier, université de Toulouse, 1, avenue du Pr Jean-
Poulhès, 31059 Toulouse cedex, France
La Haute Autorité de santé considère le Service médical rendu
Correspondance : Vincent Minville, Centre hospitalier et universitaire de
(SMR) comme insuffisant : « le service médical rendu par Toulouse, RESTORE, UMR 1301 Inserm, pôle anesthésie-réanimation,
ESKETAMINE IDD (eskétamine) est insuffisant dans le traitement médecine périopératoire, université Paul-Sabatier, université de
adjuvant d'une anesthésie locale ou régionale, pour une prise en Toulouse, 1, avenue du Pr Jean-Poulhès, 31059 Toulouse cedex, France
minville.v@chu-toulouse.fr
charge par la solidarité nationale et au regard des alternatives
Disponible sur internet le :
disponibles ». Quant à l'amélioration du Service médical rendu 6 janvier 2023
(ASMR) elle est classée V (c'est-à-dire absence d'ASMR). En https://doi.org/10.1016/j.anrea.2022.12.002
effet, la Commission de la Transparence considère que l'eské- © 2022 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par
tamine n'apporte pas d'amélioration du service médical rendu Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
6
Anesth Reanim. 2023; 9: 7–11
Article spéciale
Le jour d'après ressemblera-t-il au jour
d'avant ? Comment la pandémie COVID
reconfigure l'éthique en réanimation ?
Matthieu Le Dorze 1, Pierre Mora 1, Claire Dahyot-Fizelier 2, Pierre-Gildas Guitard 1, Olivier Langeron 2,
Elodie Brunel 1, Laurent Heyer 2, Clément Gakuba 1, Olivier Joannes-Boyau 2, Pierre-François Perrigault 1,
Yoann Launey 2
Correspondance :
Matthieu Le Dorze, comité éthique de la Société française d'anesthésie-
réanimation, réanimation chirurgicale polyvalente, hôpital Lariboisière, 2, rue
Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France.
matthieu.ledorze@aphp.fr
Will the day after look like the day before? How does the COVID pandemic
reshape ethics in intensive care medicine?
Mots clés
Éthique
Réanimation
Pandémie
7
M. Le Dorze, P. Mora, C. Dahyot-Fizelier, P-G Guitard, O. Langeron, E. Brunel, et al.
Article spéciale
question suivante : en quoi la pandémie COVID reconfigure les priorité donnée à l'individu peut être supplantée par la priorité
dilemmes éthiques spécifiques à la pratique du soin en donnée à la collectivité.
réanimation ? Quels pourraient être alors les modalités et les critères d'alloca-
Ce texte rapporte une partie de ces contributions autour de tion prioritaire en ressources devenues encore plus rares ? Fixer
quatre enjeux en élargissant progressivement le champ réflexif : un cadre opérationnel rationnel basé sur des critères médicaux
la priorisation en soins critiques ; objectifs robustes et pertinents, comme en médecine militaire
les priorisations entre soins critiques, soins urgents et soins ou en médecine de catastrophe, est certainement indispen-
programmés ; sable. La difficulté d'élaborer un tel cadre apparaît de façon
les enjeux liés à la place des proches ; exacerbée lorsque les critères médicaux ne sont plus suffisants.
les enjeux sociétaux de communication et d'information. Des critères non médicaux peuvent alors être mobilisés, tels que
Ces contributions sont essentielles pour accompagner une des critères méritocratiques ou d'utilité sociale (en priorisant par
refondation de l'éthique du soin en réanimation à même de exemple les professionnels de santé), ou encore égalitaristes
renforcer à l'avenir nos capacités d'adaptation face aux boule- (« premier arrivé, premier servi », tirage au sort). Le choix de ces
versements du monde. critères non médicaux engage la société au-delà du cercle des
experts. Les valeurs qui président à ces choix doivent corres-
pondre aux valeurs de la société dans son ensemble. La res-
La priorisation en soins critiques : quel cadre ? (1re ponsabilité de les appliquer est donc politique et devrait susciter
table ronde) des débats démocratiques en dehors des périodes de crise pour
L'expansion rapide de la pandémie a provoqué un afflux pro- finalement prendre force de loi, Et même si parfois, les convic-
longé de patients en état critique faisant courir le risque d'une tions individuelles du médecin pourront entrer en contradiction
rupture de l'équilibre entre les besoins médicaux des patients et avec ces valeurs portées par la société. Dans tous les cas, ne pas
les ressources disponibles en soignants, en matériels, en dis- répondre collectivement à ces questions difficiles, reviendrait
positifs, en médicaments. La tension a été quantitative et à nier l'existence de la question du tri.
qualitative. Le risque de saturation des unités des soins critiques Si fixer un cadre opérationnel semble indispensable, ce n'est
a été le critère décisionnel majeur justifiant l'instauration de certainement pas suffisant. Aucun algorithme, schéma ou score
mesures exceptionnelles visant à freiner la circulation virale. de priorisation ne saura répondre aux exigences éthiques de la
Malgré ces mesures, malgré les stratégies organisationnelles décision médicale quelles que soient les circonstances. Les
rendues possibles par la mobilisation de tous les acteurs (aug- limites de ce cadre doivent pouvoir être franchies pour s'adapter
mentation du capacitaire, transferts interrégionaux, etc.), des à la singularité de chaque patient, en convoquant la collégialité
décisions difficiles ont dû être prises par les réanimateurs au cœur du processus décisionnel. Au moins autant que les
concernant l'instauration ou la poursuite d'une réanimation. stratégies elle-même, le cadre réflexif qui sous-tend leur éla-
Ces décisions ont d'ailleurs souvent été prises en amont, sou- boration doit être explicité.
vent par les médecins urgentistes et les médecins de secteurs Il n'en reste pas moins que penser le tri apparaît insupportable.
d'hospitalisation qui n'ont pas proposé pour une admission en Toute réflexion sur le triage suscite beaucoup de réticences dans
réanimation les patients les plus âgés ou ceux ayant de nom- l'opinion publique mais aussi parmi les soignants. Comment
breuses comorbidités. concevoir qu'un patient pourrait être privilégié par rapport à un
Pour aider la décision, des stratégies de priorisation relatives autre ? Comment concevoir qu'un patient ne pourrait pas rece-
à l'instauration ou à la poursuite d'une réanimation ont dû être voir les traitements dont il a besoin ? Des efforts de commu-
envisagées. La question du tri a été sur le devant de la scène nication et d'information doivent être développés, en particulier
médiatique. Au quotidien, en dehors des situations sanitaires pour mieux expliciter le tri comme une pratique habituelle du
exceptionnelles, les équipes d'urgence et de réanimation ont soin. Pour être acceptables par tous, ces stratégies doivent
l'habitude de prioriser, en s'aidant par exemple des scores d'aide impliquer les patients, leurs proches, les représentants des
à la décision. La pandémie est venue rappeler que tout système usagers informés en toute transparence. Ces efforts s'avèrent
de santé possède des limites dans l'allocation des ressources. pertinents en dehors des périodes de crises. La négation de la
Autrement dit, si la rareté est permanente, les situations sani- réalité du tri par les politiques a rendu particulièrement difficile
taires exceptionnelles l'augmentent drastiquement. Dans ces cette réflexion collective pourtant indispensable.
contextes spécifiques, les stratégies de priorisation visent théo-
riquement à sauver le plus de vies (ou le plus d'années de vies) Des priorisations : vers une éthique de
en allouant les ressources disponibles à ceux qui ont le plus de l'organisation des soins ? (2e table ronde)
probabilité d'en bénéficier. Il s'agit bien de choisir entre le La question du tri s'est initialement focalisée sur les critères
patient à qui on décide d'accorder une chance et celui à qui d'admission des patients COVID en soins critiques. Au fur et
on décide de ne pas l'accorder. Le triage rappelle surtout que la à mesure des vagues épidémiques successives, cette question
8
Anesth Reanim. 2023; 9: 7–11
Article spéciale
s'est élargie aux priorisations entre patients COVID et non-COVID, une intelligence collective permettra à nos organisations de
entre soins critiques, soins urgents et soins programmés s'adapter aux crises futures. Pour la rendre possible, des efforts
comprenant également la question des déprogrammations et de communication et d'information sont indispensables.
de reprogrammations. La mobilisation de tous les acteurs a
permis au système de santé de se réorganiser avec des adap- Quelle place pour les proches en réanimation ? (3e
tations qui semblaient jusqu'alors impossibles. Une intelligence table ronde)
collective exceptionnelle a émergé, mue par la réactivité, la La pandémie COVID a réactivé les questionnements sur la place
créativité et la synergie des acteurs du soin, personnels soi- des proches en réanimation. Les restrictions des visites des
gnants, personnels administratifs, personnels techniques et familles dans les services de soins ont été au cœur des pré-
logistiques. Des changements ont pu être observés, notamment occupations. Depuis de nombreuses années, l'ouverture des
une levée des freins financiers et de certains freins réglemen- services de réanimation aux proches était apparue comme
taires. Ces mutations ont donné le sentiment d'un fonctionne- une avancée majeure pour l'accompagnement des patients,
ment plus efficient et plus fluide, replaçant au centre la mission l'aide à la décision médicale, et pour limiter les conséquences
commune primordiale du soin porté à l'autre, supporté par la psychiques sur les personnes impliquées, notamment les pro-
structure essentielle que représente le service de soin. ches, concourant à un impact de santé publique. En effet, si les
La crise a permis de faire émerger une meilleure appréhension symptômes psychiques au décours d'un séjour en réanimation
des situations sanitaires exceptionnelles. Les plans bâtis en concernent ainsi 30 à 40 % des proches, différents leviers de
amont des crises, s'ils ont montré leurs limites opérationnelles prévention efficaces ont été identifiées (les livrets d'accueil, les
face à la réalité de la crise, constituent un socle commun propice journaux de bords, les salles d'accueil des familles, les forma-
à mener une réflexion collective renouvelée pour concevoir une tions d'équipes qui intègrent des psychologues, etc.). Avec les
réponse efficace sur le terrain. Aujourd'hui, différentes néces- restrictions de visites mises en place durant la pandémie, beau-
sités sont prises en compte : la nécessité d'anticiper (par exem- coup de ces leviers de prévention ont été suspendus.
ple en mettant en œuvre une véritable stratégie préventive Un témoignage rend compte de cet impact psychologique. C'est
ambitieuse, ou en renforçant la réserve sanitaire entre les l'histoire de deux sœurs. La première, exposée au Sars-Cov-2 puis
vagues épidémiques) ; la nécessité d'adapter l'offre de soin malade, suspend ses liens familiaux pour protéger ses proches.
à la réalité de la crise (par exemple en augmentant transitoi- Ainsi isolée, alors que la maladie s'aggrave au point d'imposer
rement le capacitaire de soins critiques en convertissant des lits une admission en soins critiques, ce n'est que par téléphone
d'hospitalisation conventionnelle en lits de soins critiques) ; la qu'elle fait ses adieux et transmet ses dernières volontés à sa
nécessité d'intégrer la temporalité d'une crise dans sa gestion sœur. La seconde, dépossédée de l'expression de ses liens
(ici une crise prolongée) ; la nécessité d'une meilleure réparti- affectifs par la mise à distance, vit cet éloignement comme
tion des ressources par une nouvelle approche territoriale (par un abandon de sa sœur souffrante. Les mesures d'isolement
exemple en regroupant un ou plusieurs groupements hospita- séparent les vivants et les malades. Toutes deux, chacune de
liers de territoire avec des établissements privés et des acteurs leur côté, se retrouvent désarmées face à la violence de la
médico-sociaux, ou en organisant une régulation de l'occupa- maladie, de son traitement et de son incertitude. Cette tension
tion des lits de soins critiques à l'échelle d'un territoire, voire se nourrit au fur et à mesure des événements qui émaillent la
d'une région) ; enfin, la nécessité de renforcer la cohérence crise sanitaire avec des promesses de visites avortées ou des
globale des organisations à tous les niveaux (national, régional, évocations de transfert dans d'autres régions. Les modalités
local) pour permettre au système de gagner en agilité. d'échanges par messagerie ou entretiens téléphoniques n'arri-
La pandémie COVID a révélé la nécessité d'une réflexion éthique vent pas à apaiser et répondre aux besoins de liens directs avec
sur l'organisation des soins, au-delà de la réflexion éthique sa sœur malade. Ce désarroi va se prolonger à la phase de
portant plus directement sur le soin. Comment refonder une réhabilitation avec la conviction que l'absence de liens familiaux
organisation des soins éthiquement juste qui prenne en compte fait obstacle à la récupération, elle-même ralentie par une
les facteurs médicaux, économiques et sociétaux, qui respecte phase de délirium ou de soins toujours agressifs. Aujourd'hui,
les principes et les valeurs du soin ? À quelle échelle ces l'histoire n'est toujours pas soldée. Une grande détresse morale
réflexions organisationnelles, structurelles et institutionnelles persiste et affecte la qualité de vie des deux sœurs.
peuvent-elles et doivent-elles être menées (établissement de Durant la pandémie, c'est l'équilibre d'un système fragile qui a
santé, agence régionale de santé, national, européen, interna- été mis à mal. Pour les proches, la rupture a été physique et
tional) ? Une analyse fine des conséquences des déprogram- relationnelle, responsable de symptômes de stress post-trau-
mations sur la santé globale à court et surtout moyen terme sera matique. Privés de repère, ils ne pouvaient plus se rendre
nécessaire. compte de l'évolution de l'état de santé de leur proche. À cela
L'enjeu de cette réflexion est celui de la démocratie sanitaire. s'est ajouté des sentiments d'impuissance, de culpabilité, chez
L'ensemble des citoyens doit participer à cette réflexion. Seule les familles suspendues à d'éventuelles nouvelles. Les situations
9
M. Le Dorze, P. Mora, C. Dahyot-Fizelier, P-G Guitard, O. Langeron, E. Brunel, et al.
Article spéciale
de fin de vie ont été sources de difficultés propres, avec des Au-delà d'une crise de la communication, n'est-ce pas une crise
deuils difficiles au décours. Pour les soignants, les restrictions de de l'autorité scientifique ? Pendant la crise, celle-ci s'est incar-
visite ont été un facteur de survenue de symptômes de stress, née dans quelques individus pas toujours experts des questions
d'anxiété et de dissociation péri-traumatiques. Leur éthique traitées et qui ont souvent joué des nouveaux modes de
professionnelle a été rudement mise à l'épreuve. L'absence communication. La controverse publique a été la manifestation
des proches les a privés d'informations habituellement précieu- de cette lutte pour l'autorité scientifique menée finalement loin
ses, informations relatives aux antécédents médicaux ou encore du débat scientifique. Le conseil scientifique et les sociétés
aux volontés, aux valeurs, aux préférences du patient. Certains savantes n'ont probablement pas joué leur rôle d'autorité poli-
soignants se sont plus directement impliqués dans un type tique. Pourtant, comme tous les espaces sociaux, la science est
d'accompagnement dépassant la relation soignant-soigné habi- un espace de lutte pour l'autorité, lutte souvent première par
tuelle. Ce glissement vers le franchissement de frontières sym- rapport au contenu scientifique lui-même.
boliques, combiné au ressenti de « déshumanisation », a été On pourrait également se poser la question de savoir si, au-delà
source de souffrances psychiques. Et la gestion des émotions et d'être une crise de la communication, ce ne serait pas une crise
l'éventuelle souffrance des soignants n'ont pu être pensées de la relation entre la science et la société ? Face à la tragédie, la
dans le présent de la crise. société était en attente d'une réponse vraie et certaine venant
Des systèmes pour pallier aux restrictions de visites ont été mis d'une science rationnelle et objective qui ne parlerait que d'une
en place par la plupart des équipes (vidéotransmissions, points seule voix. Pourtant, la science, conflictuelle par essence, c'est le
téléphoniques récurrents à horaires et interlocuteurs dédiés doute, c'est l'incertitude, c'est le tâtonnement. Et de temps en
fixes, etc.). Mais la communication avec les familles ne relève temps, les connaissances scientifiques produisent des paliers
pas uniquement de l'information. Sa qualité est primordiale d'adhésion de la communauté scientifique. Face à la situation
pour limiter, par exemple, les symptômes de stress post-trau- sanitaire exceptionnelle rencontrée, la réponse scientifique était
matique : elle est verbale (les mots), para-verbale (le ton, le attendu dans l'urgence et les paliers d'adhésion ont donc sou-
débit) et non-verbale (les gestes, les expressions faciales, etc.). vent été fragiles : le recul temporel permettant d'affirmer leur
Les initiatives prises ont donc été amputées d'un aspect essen- fiabilité a fait défaut. Cette fiabilité fragile a été obtenue en
tiel, c'est-à-dire la relation directe entre les proches, le patient et plaçant le curseur plus proche de la pertinence (c'est-à-dire la
les soignants. La relation de confiance s'est ainsi construite plus prise en compte du contexte spécifique de l'objet scientifique)
difficilement. Heureusement, des transgressions aux recom- que de la robustesse (c'est-à-dire de la prise en compte de la
mandations de restriction des visites ont régulièrement eu lieu, méthodologie et de l'évaluation de l'objet scientifique).
en particulier dans les situations d'accompagnement de fin de L'enjeu est d'expliciter ce que sont la science et sa conflictualité
vie, l'enjeu du lien avec les proches primant sur les mesures pour maintenir un lien de confiance entre la science et la
d'isolement. société. À l'avenir, il s'agit d'informer les citoyens en prenant
Cette crise doit être une source d'enseignement. À l'avenir, il en compte leurs émotions liées à la spécificité du contexte, en
s'agira de prioriser l'essentiel, c'est-à-dire la relation humaine ayant une intention forte de donner du sens à la connaissance
entre les soignants, les patients, et leurs proches. Les acquis scientifique, en assumant de sortir d'une rationalité pure. En
antérieurs restaurés pourront être enrichis des expériences réalité, les citoyens gagneraient à être acculturés à la conflic-
réussies pendant la crise. tualité de la science, à son caractère divers et hétérogène. Cette
acculturation est la condition nécessaire et indispensable pour
Les stratégies de communication (4e table ronde) que chacun puisse comprendre l'information et exercer son
La pandémie COVID a également reconfiguré la communication discernement et son jugement. Dans cet effort d'acculturation,
médicale et scientifique. Différents éléments ont participé à une le monde d'après gagnerait à construire des intermédiaires
crise communicationnelle dont la responsabilité est partagée. entre la parole scientifique et la parole médiatico-politique,
Les acteurs des médias ont participé à une « infodémie » conti- à trouver des espaces de resynchronisations où le débat scien-
nue reléguant parfois au second plan la qualité des intervenants tifique serait public mais selon une temporalité propre à la
ou des informations délivrées. Les scientifiques et les médecins science.
ont participé à une communication confuse basée sur une
production scientifique certes foisonnante mais ne respectant Conclusion
pas toujours les exigences méthodologiques de la recherche Que peut l'éthique face à la tragédie qui nous a frappé ? La
scientifique. Les représentants politiques ont entretenu un effa- pandémie COVID nous a collectivement confronté à nos limites,
cement de la frontière entre communication scientifique et limites liées à la rareté des ressources, aux incertitudes de nos
communication politique. Enfin, l'émergence de nouveaux savoirs, et parfois aux limites de notre humanité. Cette crise
moyens de communication comme les réseaux sociaux a éga- inhabituelle, notamment par sa longévité, nous a poussé
lement participé à cette crise de la communication. à devoir opérer des arbitrages (à prioriser les patients, à redéfinir
10
Anesth Reanim. 2023; 9: 7–11
Article spéciale
Philippe Bizouarn, médecin anesthésiste-réanimateur (CHU de Nantes).
la place laissée aux proches, à décider des moyens de commu-
Table ronde 2 : Benoit Vallet, médecin anesthésiste-réanimateur, Directeur
niquer et d'informer, etc.). Pour mener ces arbitrages, est-on général de l'ARS des Hauts-de-France, ancien Directeur Général de la
amené à mettre en œuvre une éthique d'exception ou une Santé ; François Bérard, Directeur Général Adjoint et Co-pilote de la Cellule
de Crise COVID au CHU de Montpellier. Julien Pottecher, médecin
vigilance particulière ? Finalement, dans ces situations sanitaires anesthésiste-réanimateur (CHU de Strasbourg) ; Pierre Mongiat-Artus,
exceptionnelles, il s'agit surtout d'adapter notre éthique à une chirurgien urologue (Paris). Table ronde 3 : Mme C.B et à sa sœur E.R.
Remerciements à Frédéric Pochard, psychiatre, groupe FAMIREA (Paris) ;
situation exceptionnelle sans pour autant devenir une éthique Nancy Kentish-Barnes, sociologue, groupe FAMIREA (Paris) ; Clément
d'exception. Tarantini, anthropologue, CESP (Paris). Table ronde 4 : Jean-Michel
À travers les échanges organisés par les comités éthiques et Constantin, médecin anesthésiste-réanimateur (Pitié-Salpétrière, Paris) ;
Margault de Frouville, journaliste (BFM, Paris) ; Jérôme Grosjean,
réanimation de la SFAR, la nécessité d'un recours à des instances biologiste, @BioHospitalix ; Léo Coutellec, épistémologue, CESP (Paris).
intermédiaires pour rendre les arbitrages éthiquement accepta- Merci à Fabrice Gzil, philosophe, professeur à l'École des hautes études en
Santé publique, Directeur adjoint de l'Espace éthique Île-de France,
bles par tous est apparue très clairement. Les comités éthiques membre du Comité consultatif national d'éthique (Paris).
devraient être à l'avenir renforcés et légitimés pour devenir des
espaces de médiation indispensables à la construction de la Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
liens d'intérêts.
confiance.
Contributions des auteurs : tous les auteurs ont participé au travail de
Remerciements : Table ronde 1 : Nicolas Donat, médecin miliaire synthèse des verbatim issus de la Journée Monothématique de la SFAR.
anesthesiste-réanimateur (Percy, Clamart) ; Mathias Wargon, médecin MLD et YL ont coordonné le travail.
urgentiste (Hôpital Delafontaine, Saint-denis) ; Daniel Szeftel, économiste,
co-fondateur de SEMEIA et de Care Factory (Paris) ; Marie Citrini, Financement : la retranscription des verbatim enregistrés au moment de
représentante des usagers au conseil de surveillance de l'AP–HP (Paris) ; la journée monothématique de la SFAR a été financé par la SFAR.
11
Anesth Reanim. 2023; 9: 12–13
Éditorial
Éditorial
Disponible sur internet le : 1. Nîmes University Hospital, Université Montpellier, UR-UM103 IMAGINE, Division of
22 décembre 2022 Anesthesia Critical Care, Pain and Emergency Medicine, Nîmes, France
2. Clinique Juge, Marseille, France
3. Lapeyronie University Hospital, Department of Anesthesiology and Critical Care
Medicine, 34295 Montpellier cedex 5, France
4. Montpellier University, Montpellier NeuroSciences Institute, Inserm Unit 1298,
34295 Montpellier cedex 5, France
Correspondance :
Philippe Cuvillon, Nîmes University Hospital, Université Montpellier, UR-UM103
IMAGINE, Division of Anesthesia Critical Care, Pain and Emergency Medicine, Nîmes,
France.
philippe.cuvillon@chu-nimes.fr
Editorial
D ans ce numéro dédié à l'anesthésie locorégionale, nous avons souhaité partager avec vous
l'expertise d'une quinzaine de praticiens et universitaires sur des thématiques qui ont fait la une de
l'actualité ces cinq dernières années : les blocs distaux (main, pied, face) et de paroi, la WALANT, la
fracture de l'extrémité supérieure du fémur, le bloc pudendal, le bloc au canal des adducteurs, les
cathéters périnerveux et l'oncologie [1–3].
Plutôt qu'un numéro exhaustif sur les nouveaux blocs et voies d'abord qui passent rarement le
filtre de la pratique, nous proposons aux abonnés une lecture focalisée sur le concept rationnel et
universel de l'anatomie appliquée. Chaque article et analyse de cas fait ainsi l'objet d'illustrations
anatomiques originales et met en avant les dernières avancées analgésiques et anesthésiques qui
faciliteront votre pratique quotidienne.
Depuis 2003 et sous l'égide de la plupart des auteurs de cette revue, la SFAR a publié des
recommandations basées sur une analyse critique de la littérature. Véritable « Graal », ces
recommandations doivent être considérées comme un socle commun que les dernières publi-
cations devront actualiser. Rédigées à l'aube du 21e siècle, certaines de ces recommandations
n'avaient pas pris en compte la révolution conceptuelle de la réhabilitation améliorée. Cette
dernière a bouleversé la prise en charge de bon nombre de chirurgies majeures [2]. En 2023, la
pratique de l'ALR doit s'inscrire dans cette dynamique, favorisant les blocs distaux, les solutions
anesthésiques moins concentrées et plus ciblées, ainsi que les dispositifs innovants comme les
pompes électroniques pilotées et programmables à distance [1,3].
Éditorial
Sacrifiés sur l'autel de l'ambulatoire à tout prix, les cathéters 3]. Nous pourrions résumer cette attitude par « la bonne tech-
périnerveux reviennent sur le devant de la scène, là où la nique pour le bon patient pour la meilleure des chirurgies ». En
douleur chirurgicale persiste après l'appel du lendemain et où d'autres temps, nous aurions discouru de « bénéfices vs risque ».
l'Evidence Based Medecine doit ramener le balancier du pen- À l'heure de l'anglicisme en ALR, nous évoquerons les notions
dule au point d'équilibre. En ce sens, les articles publiées promues par la HAS de Proms et Prems. . .
récemment par nos équipes mettent en lumière le bénéfice
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
d'une stratégie individualisée plutôt qu'une approche générique liens d'intérêts.
basée sur une chirurgie ou des habitudes organisationnelles [1–
Références
[1] Maurice-Szamburski A, Grillo P, Cuvillon P, [2] Capdevila X, Macaire P, Bernard N, Biboulet [3] Avis G, Gricourt Y, Vialatte PB, Meunier V,
Gazeau T, Delaunay L, Auquier P, et al. P, Cuvillon P, Choquet O, et al. Remote Perin M, Simon N, et al. Analgesic efficacy of
Comparison of continuous with single-injec- transmission monitoring for postoperative erector spinae plane blocks for lumbar spine
tion regional analgesia on patient experience perineural analgesia after major orthopedic surgery: a randomized double-blind con-
after ambulatory orthopaedic surgery: a ran- surgery: a multicenter, randomized, parallel- trolled clinical trial. Reg Anesth Pain Med
domised multicentre trial. Br J Anaesth group, controlled trial. J Clin Anesth 2022. http://dx.doi.org/10.1136/rapm-
2022;129(3):435–44. http://dx.doi.org/ 2022;77:110618. http://dx.doi.org/ 2022-103737 [rapm-2022-103737].
10.1016/j.bja.2022.05.039. 10.1016/j.jclinane.2021.110618.
13
Anesth Reanim. 2023; 9: 14–21
Mise au point
Le plexus lombal et ses branches
Fabien Swisser 1, Matthias Herteleer 2,3, Olivier Choquet 1, Nathalie Bernard 1, Xavier Capdevila 1
Disponible sur internet le : 1. CHU de Montpellier, Hôpital Lapeyronie, Département d'anesthésie réanimation,
5 janvier 2023 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France
2. Université de Lille, Faculté de médecine, Laboratoire d'anatomie, 1, place de
Verdun, 59045 Lille cedex, France
3. CHU de Lille, Pôle anesthésie–réanimation, Lille, France
Correspondance :
Fabien Swisser, CHU de Montpellier, Hôpital Lapeyronie, Département d'anesthésie
réanimation, 371, avenue du Doyen-Gaston-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France.
f-swisser@chu-montpellier.fr
Keywords Summary
Surgery
Orthopedic Lumbar plexus: Anatomy, branches and regional anesthesia
Arthroplasty
The lumbar plexus innervates the anteromedial part of the upper lower limb. Knee and hip
Pain
surgery are functional surgeries with potentially severe post-operative pain and a high incidence
Rehabilitation
of chronic pain. Multimodal analgesia, insufficient to ensure postoperative rehabilitation alone,
Locoregional anesthesia
must generally be associated with regional analgesia involving the lumbar plexus and its
Lumbar plexus
branches. The classical plexus and trunk approaches, such as the femoral nerve block, have
been deleted in favor of infiltrative or interfascial techniques. Among the more distal blocks, the
PENG block, the adductor canal block, and surgical infiltration of the surgical site have the
advantage of reducing the incidence of quadriceps motor block induced by the more proximal
classical nerve blocks. The major disadvantage of the more distal approaches remains a lower
quality of analgesia, particularly beyond the first few hours, and the absence of continuous
Mise au point
postoperative injection. Each team must agree, for each type of surgical procedure, on a
combination of techniques that can combine patient comfort, surgical requirements, and
rehabilitation.
15
F. Swisser, M. Herteleer, O. Choquet, N. Bernard, X. Capdevila
Mise au point
insuffisante pour assurer seule la réhabilitation postopératoire,
doit être associée à une analgésie régionale, les concepts de
réhabilitation rapide après chirurgie ont favorisé l'émergence de
techniques plus distales et plus simples que le bloc des nerfs
fémoral/ischiatique/obturateur, afin de ne pas entraver la
mobilisation du patient [5]. Des techniques analgésiques,
comme le PENG (Pericapsular Nerve Group) block, le bloc au
canal fémoral (des adducteurs) et l'infiltration chirurgicale du
site opératoire sont utilisées afin de réduire le bloc moteur induit
par les blocs proximaux, en injection unique ou en perfusion
continue.
L'arthroplastie de la hanche est classiquement peu douloureuse
en postopératoire et répond bien à une analgésie multimodale
classique. Dans cette indication de PTH simple, les blocs de type
fémoral, PENG ou du carré des lombes (QLB) n'ont pas démontré
de réel intérêt en terme d'épargne morphinique à 48 h. Leur
bénéfice peut apparaître sur des terrains de fragilité.
Pour l'analgésie après chirurgie majeure de la hanche (reprise
de prothèse de hanche, ostéotomie complexe. . .), le bloc ple-
xique lombal par voie postérieure est probablement le plus
adapté mais reste sous pratiqué du fait de ses complications
potentielles (extension périmédullaire, courbe d'apprentissage
longue, ponction vasculaire non compressible). L'utilisation des
blocs plexiques pour la chirurgie de la fracture de hanche
traumatique chez la personne âgée est rapportée depuis des
Figure 1 années. Le bi-bloc plexique/lombo-sacral est une alternative
Plexus lombal et ses branches : Côté droit du sujet : plexus lorsque l'anesthésie générale ou rachidienne est à risque ou
lombal et ses rapports avec les éléments musculaires suivants : contre-indiquée.
Muscle diaphragme en haut (1) ; Muscles de la paroi abdominale
postérieure (muscle ilio-psoas, muscle carré des lombes) (2) ; Blocs tronculaires et cathéters périnerveux
Muscle transverse de l'abdomen (3) ; Muscles de la paroi pour le genou
abdominale antéro-latérale (de dedans en dehors : muscle Dans les années 1990, deux études prospectives randomisées
transverse de l'abdomen, muscle oblique interne de l'abdomen,
avaient démontré la supériorité du cathéter périnerveux fémo-
muscle oblique externe de l'abdomen) (4). Côté gauche du
ral comparativement à la morphine intraveineuse et à l'analgé-
sujet : constitution du plexus lombal au sein du muscle grand
sie péridurale [6,7]. Ces résultats ont ultérieurement été
psoas. De haut en bas, on retrouve les nerfs suivants : Nerf
subcostal (TH12) (5) ; Nerfs ilio-hypogastrique (TH12, L1) et ilio- confirmés par plusieurs études et méta-analyses. Un cathéter
inguinal (L1) (6) ; Nerf génito-fémoral (L1, L2) [uniquement fémoral postopératoire permet d'obtenir plus rapidement la
représenté du côté gauche], avec ses deux branches de division flexion du genou et une incidence réduite d'effets adverses
(branche génitale en dedans, branche fémorale en dehors) (7) ; [8]. Plusieurs études ont montré que l'adjonction d'un bloc
Nerf cutané latéral de la cuisse (L2, L3) (8) ; Nerf fémoral (L2, L3, ischiatique améliorait la qualité de l'analgésie postopératoire
L4) (9) ; Nerf obturateur (L2, L3, L4) (10) des premières heures [9,10]. L'adjonction d'un bloc obturateur
à un bloc fémoral et ischiatique réduit les scores de douleur
postopératoire et la consommation de morphine, prolongeant le
privilégiant la prise orale. Les opiacés à limiter dans le temps et délai de la première demande antalgique [11]. L'apport du bloc
à éviter en première intention. Ce rationnel est approuvé par les obturateur après chirurgie du genou est mineur. Il reste une
sociétés savantes [2,3]. alternative en cas d'insuffisance d'analgésie localisée dans le
Les fondamentaux de l'analgésie postopératoire multimodale territoire postéro-médial du genou après un bloc combiné
ont considérablement évolué depuis 20 ans [4]. L'analgésie fémoro-ischiatique. Il est difficile de déterminer chez quels
rachidienne morphinique et péridurale fréquente il y a quelques patients adjoindre un bloc ischiatique et/ou obturateur au bloc
années, mais accompagnée d'une incidence d'effets secondai- fémoral. La conséquence de cette association est une majora-
res trop importante, est peu utilisée actuellement en chirurgie tion du bloc moteur, à l'encontre des tendances actuelles en
d'arthroplastie simple. S'il reste admis que l'analgésie balancée, matière de récupération rapide après chirurgie (déambulation
16
Anesth Reanim. 2023; 9: 14–21
Mise au point
précoce). La parésie du muscle quadriceps liée au bloc fémoral, opératoire augmente [16]. Du fait de ces inconvénients, des
s'accompagne d'une parésie des muscles de la dorsiflexion du anesthésistes ont proposé de reprendre la main et de réaliser
pied en relation avec le bloc ischiatique, limitant encore d'avan- eux-mêmes sous échographie les infiltrations autour du genou.
tage la mobilisation. Par ailleurs, il est toujours délicat de
déculpabiliser l'anesthésie lorsqu'une sidération du muscle qua- Quels blocs en pratique ?
driceps ou un déficit ischiatique postopératoire est constaté Le bloc du fascia iliaca supra-inguinal
[12]. Quelques auteurs se focalisent sur la gêne à la marche L'injection d'anesthésiques locaux est réalisée sous le fascia
et le risque de chute liés au bloc moteur fémoral et surtout iliaca dans le compartiment ilio-fascial. Elle a pour objectif de
ischiatique. Un bloc fémoral d'intensité trop marquée diffuser vers le nerf fémoral et le nerf cutané latéral de la cuisse.
s'accompagne d'une faiblesse du muscle quadriceps fémoral Contrairement à sa description initiale par Winnie, le bloc ne
[13], à l'origine d'une déficience fonctionnelle et associée s'étend que rarement au nerf obturateur [17]. Il est indiqué pour
à une augmentation du risque de chute post-opératoire [14]. l'analgésie de la chirurgie programmée et traumatique de la
En conclusion : hanche et du fémur [18]. Une approche plus récente, supra-
pour la chirurgie mineure et PTG simple du genou, la tendance
inguinale, est décrite avec les même indications [19]. Ce bloc
actuelle est d'entreprendre des techniques d'analgésie régio- partage cependant les mêmes écueils que les blocs de compar-
nales au plus près du genou, pour permettre aux patients de se timents en termes de volume et que le bloc fémoral en termes
mobiliser précocement et de démarrer rapidement la kinési- d'atteinte quadricipitale. Cette technique reste intéressante
thérapie, sans compromettre l'analgésie ; dans l'analgésie des fractures de l'extrémité supérieure du
à l'inverse, pour la chirurgie lourde du genou, l'analgésie par
fémur (dont les fractures du col fémoral), avec l'avantage de
cathéter nerveux fémoral est recommandée car le cathété- ne pas mobiliser le patient traumatisé. L'analgésie qu'il procure
risme périnerveux permet de prolonger l'analgésie au-delà en préopératoire permet d'installer confortablement le patient
des 24 premières heures postopératoires. Il permet aussi la pour une anesthésie neuraxiale ou des blocs plexiques
mobilisation articulaire précoce lors des séances de rééduca- postérieurs.
tion [3]. L'association à un bloc ischiatique (voire à un bloc En pratique, la ponction se fait dans le plan au-dessus du
obturateur) procure une analgésie optimale et doit être envi- ligament inguinal. Le muscle iliaque identifié, l'aiguille est
sagé en cas de douleur majeure. placée juste en-dessous de son fascia et avancée en direction
sous-ombilicale (figure 2). Le refoulement antérieur de l'artère
L'infiltration du site opératoire
iliaque circonflexe profonde (superficielle au fascia iliaca)
L'infiltration peropératoire d'anesthésiques locaux est venue confirme l'injection au sein du compartiment ilio-fascial.
concurrencer les blocs nerveux périphériques en promettant
une analgésie de qualité sans parésie. L'infiltration périarticu- Le PENG block
laire est la stratégie choisie par de nombreuses équipes dans le Ce bloc périarticulaire vise les branches des nerfs fémoral et
cadre d'une réhabilitation très précoce. Plusieurs études ont obturateur pour la capsule de l'articulation coxo-fémorale, par
montré qu'avec l'infiltration, l'analgésie était meilleure qu'avec une injection en profondeur du muscle ilio-psoas [20]. Il a été
un placebo, équivalente à celle procurée par les blocs nerveux initialement décrit pour l'analgésie de la fracture de l'extrémité
périphériques (BNP) pour les premières heures postopératoires, supérieure du fémur. Les études plus récentes ne retiennent
et que les patients étaient capables de déambuler et de sortir de qu'une efficacité analgésique modérée après une chirurgie
l'établissement de soins plus tôt [15]. Le bloc fémoral est plus prothétique de la hanche comparée au « sham block » ou au
efficace sur la douleur à la mobilisation mais l'infiltration pré- bloc du fascia iliaca supra-inguinal [21,22]. Le principal intérêt
serve mieux la fonction du muscle quadriceps en post-opéra- de ce bloc est qu'il respecte la fonction motrice du muscle
toire précoce. Il existe cependant une très grande hétérogénéité quadriceps fémoral. Cette caractéristique l'intègre potentielle-
des mélanges injectés (anesthésiques locaux, adjuvants, volu- ment dans l'arsenal de l'analgésie multimodale des program-
mes, . . .) et la technique dépend de l'opérateur. La mise en mes modernes de réhabilitation précoce pour la chirurgie
place d'un cathéter intra-articulaire n'est pas recommandée du prothétique de hanche. L'injection d'anesthésique local
fait du risque septique. En injection unique, l'association opti- (20 mL) est réalisée dans le plan en transfixiant le muscle
male d'un anesthésique local de longue durée d'action, d'un ilio-psoas jusqu'au périoste situé entre l'épine iliaque antéro-
anti-inflammatoire, de la clonidine, de l'adrénaline ou de mor- inférieure et l'éminence ilio-pubienne (figure 3). Le refoule-
phine reste à déterminer. Les mélanges actuels procurent au ment du muscle ilio-psoas avec une diffusion horizontale de
mieux 24 heures d'analgésie au repos. Par ailleurs, l'adminis- l'anesthésique local entre le muscle et l'os signe le positionne-
tration de fortes doses d'anesthésique local expose à un risque ment correct de l'aiguille. Une diffusion trop médiale et anté-
de surdosage (toxicité systémique et locale). Le nombre de cas rieure le long du muscle pectiné peut entraîner une parésie
rapportés de toxicité systémique après infiltration du site quadricipitale par atteinte du nerf fémoral.
17
F. Swisser, M. Herteleer, O. Choquet, N. Bernard, X. Capdevila
Mise au point
Figure 2
Bloc Ilio fascial (vue
échographique, sonde
linéaire posée au-dessus de
la ligne inguinale, petit axe
de l'artère iliaque, le trajet
de l'aiguille est de latéral
à médial)
Figure 3
Le PENG bloc (vue
échographique, sonde
convexe posée au-dessus de
la ligne inguinale, petit axe
de l'artère fémorale, le trajet
de l'aiguille est de latéral
à médial))
Le bloc au canal des adducteurs le ligament inguinal, latéralement par le muscle sartorius,
Décrit en 1993 et reconsidéré avec l'échoguidage, le bloc au médialement par le muscle long adducteur. Ce triangle fémoral
canal des adducteurs (canal de Hunter) a alimenté une littéra- représente la partie évasée de « l'entonnoir fémoro-vasculaire »,
ture prolifique [23]. Le canal des adducteurs, long de 10 à et se resserre de plus en plus en distalité pour constituer le canal
12 centimètres, représente le tiers inférieur du canal fémoral fémoral qui se prolonge par le canal des adducteurs, sous la
(figure 4). Le canal fémoral s'étend du sommet du trigone membrane vasto-adductrice (ou fascia subsartorial ou aponé-
fémoral (triangle de Scarpa) en haut, au hiatus tendineux du vrose de Hunter). Cette membrane est une cloison fibreuse,
muscle grand adducteur en bas, entre le muscle vaste médial, le véritable lame de fascia tendue entre le muscle grand adducteur
muscle sartorius, et les muscles longs et grands adducteurs. Le et le muscle vaste médial, transformant l'espace intermuscu-
trigone fémoral est une loge musculo-aponévrotique à la partie laire en canal des adducteurs. Le canal fémoral est parcouru par
antérieure et médiale de la racine de la cuisse, limité en haut par l'artère et la veine fémorale, le nerf saphène, le nerf du vaste
18
Anesth Reanim. 2023; 9: 14–21
Mise au point
Figure 4
Bloc au canal des adducteurs
19
F. Swisser, M. Herteleer, O. Choquet, N. Bernard, X. Capdevila
Mise au point
reste controversé. Le bloc du nerf fémoral, au canal des adduc- tout en améliorant le degré de confort, la satisfaction du patient
teurs, et l'infiltration locale ont fait l'objet d'essais contrôlés et en prenant en compte les impératifs de la rééducation pré-
randomisés. Abdallah et al. [26] proposent d'identifier la moda- coce (durée du bloc moteur limité).
lité d'analgésie régionale qui offre le meilleur équilibre entre Le cathétérisme périnerveux n'est plus la référence en post-
l'efficacité de l'analgésique et les complications potentielles opératoire de la chirurgie orthopédique majeure du membre
associées. Pour les 24 premières heures l'infiltration locale inférieur. Les blocs plexiques proximaux sont délaissés au profit
présente le meilleur équilibre entre l'analgésie et les risques de nouvelles techniques d'infiltrations péri-articulaires et de
associés (recommandation forte, niveau de preuve modéré). Le blocs plus distaux souvent plus faciles à réaliser avec un risque
bloc au canal des adducteurs ou du nerf fémoral est une option moindre de complications. Ils préservent la force motrice au prix
acceptable (recommandation faible, faible niveau de preuve). d'une moindre qualité d'analgésie au-delà des premières heu-
L'association bloc au canal des adducteurs et IPACK est adoptée res en l'absence de dispositif de réinjection. En cas de chirurgie
par notre équipe pour son épargne morphinique lors d'une à haut risque de DCPO ou de patient « fragile » (opiacés au long
chirurgie arthroscopique, bien que le bénéfice clinique soit cours, terrain douloureux, contre-indication à l'analgésie multi-
modéré [27]. modale. . .), le cathétérisme doit être envisagé.
Références
[1] Beswick AD, Wylde V, Gooberman-Hill R, after major knee surgery. Anesthesiology management modalities after total knee
Blom A, Dieppe P. What proportion of 1999;91:8–15. arthroplasty: a network meta-analysis of
patients report long-term pain after total [7] Singelyn FJ, Deyaert M, Joris D, Pendeville E, 170 randomized controlled trials. Anesthesiol-
hip or knee replacement for osteoarthritis? Gouverneur JM. Effects of intravenous patient- ogy 2017;126:923–37.
A systematic review of prospective studies controlled analgesia with morphine, continu- [13] Charous MT, Madison SJ, Suresh PJ, Sandhu
in unselected patients. BMJ Open 2012;2: ous epidural analgesia, and continuous three- NS, Loland VJ, Mariano ER, et al. Continuous
e000435. in-one block on postoperative pain and knee femoral nerve blocks: varying local anesthetic
[2] Chou R, Gordon DB, de Leon-Casasola OA, rehabilitation after unilateral total knee arthro- delivery method (bolus versus basal) to mini-
Rosenberg JM, Bickler S, Brennan T, et al. plasty. Anesth Analg 1998;87:88–92. mize quadriceps motor block while maintain-
Management of Postoperative Pain: a clinical [8] Paul JE, Arya A, Hurlburt L, Cheng J, Thabane ing sensory block. Anesthesiology
Practice guideline From the American Pain L, Tidy A, et al. Femoral nerve block improves 2011;115:774–81.
society, the American Society of Regional analgesia outcomes after total knee arthro- [14] Ilfeld BM, Duke KB, Donohue MC. The
Anesthesia and Pain Medicine, and the Amer- plasty: a meta-analysis of randomized con- association between lower extremity contin-
ican Society of Anesthesiologists' Committee trolled trials. Anesthesiology 2010;113:1144– uous peripheral nerve blocks and patient falls
on Regional Anesthesia, executive commit- 62. after knee and hip arthroplasty. Anesth Analg
tee, and administrative council. J Pain [9] Pham Dang C, Gautheron E, Guilley J, Fer- 2010;111:1552–4.
2016;17:131–57. nandez M, Waast D, Volteau C, et al. The [15] Essving P, Axelsson K, Kjellberg J, Wallgren
[3] Aubrun F, Nouette-Gaulain K, Fletcher D, value of adding sciatic block to continuous O, Gupta A, Lundin A. Reduced hospital stay,
Zetlaoui P. Réactualisation de la recomman- femoral block for analgesia after total knee morphine consumption, and pain intensity
dation sur la douleur postopératoire; 2017. replacement. Reg Anesth Pain Med with local infiltration analgesia after unicom-
http://dx.doi.org/10.1016/j.dou- 2005;30:128–33. partmental knee arthroplasty. Acta Orthop
ler.2017.01.007, https://sfar.org/ [10] Abdallah FW, Chan VW, Gandhi R, Koshkin A, 2009;80:213–9.
reactualisation-de-la-recommandation-sur- Abbas S, Brull R. The analgesic effects of [16] Neal JM, Barrington MJ, Fettiplace MR, Git-
la-douleur-postoperatoire/. proximal, distal, or no sciatic nerve block on man M, Memtsoudis SG, Mörwald EE, et al.
[4] Capdevila X, Bernard N, Morau D. Analgésie posterior knee pain after total knee arthro- The Third American Society of regional
pour la chirurgie du genou Conférences plasty: a double-blind placebo-controlled ran- anesthesia and pain medicine practice advi-
d'actualisation 2000. Éditions scientifiques domized trial. Anesthesiology sory on local anesthetic systemic toxicity:
et médicales Elsevier SAS, et SFA; 2000p. 2014;121:1302–10. executive summary 2017. Reg Anesth Pain
21–41. [11] McNamee DA, Parks L, Milligan KR. Post- Med 2018;43:113–23.
[5] Kehlet H, Dahl JB. Anaesthesia, surgery, and operative analgesia following total knee [17] Bendtsen TF, Pedersen EM, Moriggl B, Heb-
challenges in postoperative recovery. Lancet replacement: an evaluation of the addition bard P, Ivanusic J, Børglum J, et al. Anato-
2003;362:1921–8. of an obturator nerve block to combined mical considerations for obturator nerve block
[6] Capdevila X, Barthelet Y, Biboulet P, Ryck- femoral and sciatic nerve block. Acta Anaes- with fascia iliaca compartment block. Reg
waert Y, Rubenovitch J, D'Athis F. Effects of thesiol Scand 2002;46:95–9. Anesth Pain Med 2021;46:806–12.
perioperative analgesic technique on the sur- [12] Terkawi AS, Mavridis D, Sessler DI, Nune- [18] Foss NB, Kristensen BB, Bundgaard M, Bak
gical outcome and duration of rehabilitation maker MS, Doais KS, Terkawi RS, et al. Pain M, Heiring C, Virkelyst C, et al. Fascia iliaca
20
Anesth Reanim. 2023; 9: 14–21
Mise au point
compartment blockade for acute pain control [22] Aliste J, Layera S, Bravo D, Jara Á, Muñoz G, [26] Abdallah FW, Brull R, Joshi GP. Society for
in hip fracture patients. Anesthesiology Barrientos C, et al. Randomized comparison Ambulatory Anesthesia (SAMBA). Pain mana-
2007;106:773–8. between pericapsular nerve group (PENG) gement for ambulatory arthroscopic anterior
[19] Hebbard P, Ivanusic J, Sha S. Ultrasound- block and suprainguinal fascia iliaca block cruciate ligament reconstruction: evidence-
guided supra-inguinal fascia iliaca block: a for total hip arthroplasty. Reg Anesth Pain based recommendations from the Society
cadaveric evaluation of a novel approach: Med 2021;46:874–8. http://dx.doi.org/ for Ambulatory Anesthesia. Anesth Analg
Ultrasound-guided supra-inguinal fascia iliaca 10.1136/rapm-2021-102997. 2019;128:631–40.
block. Anaesthesia 2011;66:300–5. [23] Van der Wal M, Lang SA, Yip RW. Transsar- [27] Martin R, Kirkham KR, Ngo THN, Gonvers E,
[20] Giron-Arango L, Peng PWH, Chin KJ, Brull R, torial approach for saphenous nerve block. Lambert J, Albrecht E. Combination of
Perlas A. Pericapsular Nerve Group (PENG) Can J Anaesth 1993;40:542–6. femoral triangle block and infiltration
block for hip fracture. Reg Anesth Pain Med [24] Chen J, Lesser JB, Hadzic A, Reiss W, Resta- between the popliteal artery and the capsule
2018;43:859–63. Flarer F. Adductor canal block can result in of the posterior knee (iPACK) versus local
[21] Pascarella G, Costa F, Del Buono R, Pulitanò motor block of the quadriceps muscle. Reg infiltration analgesia for analgesia after ante-
R, Strumia A, Piliego C, et al. Impact of the Anesth Pain Med 2014;39:170–1. rior cruciate ligament reconstruction: a ran-
pericapsular nerve group (PENG) block on [25] Gautier PE, Hadzic A, Lecoq JP, Brichant JF, domized controlled triple-blinded trial. Reg
postoperative analgesia and functional recov- Kuroda MM, Vandepitte C. Distribution of Anesth Pain Med 2021;46:763–8.
ery following total hip arthroplasty: a rando- injectate and sensory-motor blockade after
mised, observer-masked, controlled trial. adductor canal block. Anesth Analg
Anaesthesia 2021;76:1492–8. 2016;122:279–82.
21
Anesth Reanim. 2023; 9: 22–29
Mise au point
Bloc du plexus brachial pour la chirurgie de
l'épaule
Disponible sur internet le : 1. Clinique Générale, 4, chemin de la Tour la Reine, 74000 Annecy, France
7 janvier 2023 2. CHU de Carémeau, département anesthésie et médecine périopératoire, Nîmes,
France
Correspondance :
Yecer Boussarsar, CHU de Carémeau, Département d'anesthésie et de médecine
périopératoire, Nîmes, France.
yecer.boussarsar@chu-nimes.fr
Keywords Summary
Plexus
Brachial Brachial plexus bloc for shoulder surgery
Regional
The shoulder is mainly innervated by the roots from C5 and C6. The interscalene block is the
Shoulder
reference technique for this surgery which can be performed under block alone or associated with
Interscalenic
general anesthesia. The indications of continuous perfusion limit the prolonged postoperative
discomfort. Distal blocks (axillary and supra-clavicular nerve) are alternatives to BIS.
Mise au point
antérieure qui innerve la peau de la région du muscle sterno- Relation anatomie-échographie
cléido-mastoïdien (SCM) et du sternum, moyenne qui innerve la Anatomie et trajet du plexus brachial : sono-anatomie
peau de la région supra-claviculaire et infra-claviculaire, pos- Le plexus brachial est issu des racines de C5 à T1 (figure 1). À la
térieure pour la peau du moignon de l'épaule. Le reste du sortie de l'axe médullaire, les racines s'unissent pour former les
moignon de l'épaule est innervé par le nerf axillaire (issu des troncs supérieurs, moyens et inférieurs qui cheminent entre le
branches dorsales de C5-C6) (figures 1 et 2). Au-delà du sillon muscle scalène antérieur et moyen. Rapidement, les troncs se
delto-pectoral, en avant et au niveau du grand dorsal en arrière, subdivisent pour former des branches de divisions antérieures
l'innervation est assurée par les nerfs intercostaux issus des et postérieures donnant les faisceaux (en arrière de la clavicule
racines T1 et majoritairement T2 [4,5]. au-dessus du dôme pleural et au contact de l'artère subcla-
La région postérieure para vertébrale est innervée par les nerfs vière). Dès l'émergence du foramen intervertébral, les racines
issus de racines postérieures cervicales. Cette répartition des puis les troncs et les divisions sont facilement visualisables en
différents territoires est en fait variable et il existe des zones de échographie, car les structures cibles sont relativement super-
recouvrements imprévisibles, particulièrement au niveau de la ficielles (sonde linéaire de 8-12 Hz) [6]. Les éléments nerveux
face postérieure de l'épaule. (racine et tronc) apparaissent comme des ronds hypo échogè-
nes (peu de tissus de soutien) entourés d'un fin halo hyper-
échogène. Les nerfs peuvent être suivis en continu de
Innervation musculaire et osseuse de l'épaule l'émergence du foramen jusqu'au niveau de l'artère subcla-
Pratiquement tous les muscles de l'épaule (coiffe des rotateurs vière. Pour repérer les structures nerveuses, plusieurs options
C5-C6, deltoïde C5-C6, pectoraux C5-T1 et grand dorsal C6-C8), ont été proposées. La plus simple consiste sans doute à placer la
sont innervés par le plexus brachial. Seul le trapèze, qui est un sonde à la hauteur du cartilage cricoïde, perpendiculairement
puissant élévateur du moignon de l'épaule (surtout chez le à la veine jugulaire externe. L'artère carotide commune et la
sportif), est innervé en partie par le plexus cervical mais surtout veine jugulaire interne sont repérées en antéro-médial. La
par le nerf spinal (onzième paire crânienne ou nerf accessoire) masse du SCM est facilement visualisée et la sonde est dépla-
(figures 1 et 2). cée en postérolatéral jusqu'à centrer l'extrémité postérieure du
L'innervation osseuse dépend du nerf axillaire pour la face SCM, qui ressemble à une « langue » recouvrant les muscles
antérieure (C5-C6), supra scapulaire (C4-C6) et thoracique long scalènes antérieur et moyen. Il faut jouer sur l'inclinaison de la
(C5-C7) pour les faces antérieures et postérieures. L'innervation sonde (anisotropie) pour voir apparaître le sillon interscalé-
de la capsule antérieure dépend des branches des nerfs sub nique, pas toujours simple à repérer, puis rechercher à l'intérieur
scapulaires (C5-C7), axillaire (C5-C6) et pectoral latéral (C5-C6) des formes rondes noires correspondantes au plexus brachial,
et pour la partie postérieure essentiellement du nerf supra- superposées les unes sur les autres. Il existe de nombreuses
scapulaire (C4-C6) associé à quelques rameaux du nerf axillaire variations anatomiques avec notamment les racines C5 et
(C4-C6) [5,6]. C6 qui peuvent traverser le muscle scalène antérieur. En écho-
Les racines C5-C6 jouent un rôle quasi exclusif dans l'innervation graphie, il n'est pas exceptionnel (11 à 13 % des cas) de
sensitive de l'épaule. Formant le tronc supérieur dans le défilé retrouver la racine C5 « posée » en avant du muscle scalène
interscalénique (voir ci-dessous), ces racines doivent être prio- antérieur [6]. Il est souvent possible de suivre le nerf supra
ritairement bloquées lors de la réalisation d'un bloc interscalé- scapulaire et de s'assurer de sa présence ou au moins de sa
nique (BIS) ou sus claviculaire. En revanche, un relâchement proximité quand le bloc est réalisé dans la partie basse de la
musculaire complet, indispensable dans certaines chirurgies de région interscalénique en sus claviculaire. Ce nerf quitte C5 dans
l'épaule, sera difficile à obtenir, le muscle trapèze n'étant jamais la région interscalénique mais reste satellite du plexus, puis
bloqué par un bloc du plexus brachial. Il en est en partie de part en direction postérieure passé le muscle omo-hyoidien. Il
même pour les muscles pectoraux et dorsaux [1,4,5]. assure une partie importante de l'innervation de l'épaule et son
blocage est indispensable pour assurer une bonne anesthésie/
analgésie de l'épaule. Il peut être bloqué sélectivement avec de
faibles volumes par voie antérieure, mais une diffusion vers le
Glossaire nerf phrénique est toujours possible, les volumes injectés
AL Anesthésique local excédants 5 ml [2,3].
ALR Anesthésie locorégionale En sus claviculaire, les rapports de proximité avec la plèvre et
BIS Bloc interscalénique
BPCO Bronchopneumopathie chronique obstructive l'artère sont visualisés sur un même plan de coupe (sonde posée
BSC Bloc supra claviculaire en dedans de la clavicule en direction du dôme pleural). Les
PAM Pression artérielle moyenne muscles scalènes sont analysés à partir de la constitution de
leurs aponévroses (tendons) insérés sur la clavicule ; le corps
23
L. Delaunay, F. Plantet, Y. Boussarsar, J. L'Hermite
Mise au point
Figure 2
Dermatome et sclérotome de l'épaule et du bras
Figure 1
Plexus brachial
Ts : tronc supérieur, Tm : tronc moyen,
Ti : tronc inférieur, 1 : nerf dorsal de la
scapula, 2 : nerf sub-clavier, 3 : nerf
supra scapulaire, 4 : nerf pectoral
médial, 5 : nerf cutané médial du bras
et de l'avant-bras, 6 : nerf ulnaire, 7 :
nerf médian, 8 : nerf musculo-cutané,
9 : nerf axillaire, 10 : nerf médian, 11 :
nerf long thoracique, 12 : artère
axillaire, 13 : veine axillaire, 14 : artère
vertébrale
A : coupe en sus-coracoïdien, B : coupe
en para-coracoïdien, C : coupe en sous-
coracoïdien
24
Anesth Reanim. 2023; 9: 22–29
Mise au point
Figure 3
Sono-anatomie de la région
cervicale
1 : Trachée, 2 : Thyroïde, 3 : muscle
omo et thyro-hyoïdien, 4 : artère
carotide interne (CI), 5 : veine jugulaire
interne, 6 : muscle sterno-cléïdo-
mastoïdien (SCM), ScA : muscle
scalène antérieur, ScM : muscle
scalène moyen ; nSC : nerf
supraclaviculaire
charnu musculaire apparaît en translatant la sonde en direction comme un chapeau à une bosse. Cela permet de localiser avec
céphalique [6,7]. précision le niveau de ponction du plexus, la position de
l'aiguille en C7 exposant à une diffusion des AL en faible
Relation plexus brachial, réseau vasculaire : pièges et
quantité vers le haut du plexus (échec de bloc sur C5) [8].
dangers
De nombreuses variations artérielles et veineuses existent au Voies d'abord en anesthésie loco-régionale
niveau du cou et l'échographie limite l'incidence des ponctions pour la chirurgie de l'épaule
vasculaires accidentelles par rapport aux techniques tradition- Voie interscalénique
nelles de repérage. L'échographie permet de visualiser aisé- Le BIS est le bloc de référence pour l'anesthésie et l'analgésie de
ment les gros troncs vasculaires (artères carotide et subclavière l'épaule [2,9,10]. Le « succès » d'un bloc pour la chirurgie de
et veines jugulaire interne et externe), mais aussi des branches l'épaule se définit par une extension aux racines C5-C6 [8]. Une
artérielles de plus petits calibres souvent méconnues par les injection effectuée au niveau de C6 est optimale car elle permet
praticiens : artère thyroïde, artère cervicale profonde, artère aussi une meilleure extension vers les racines plus profondes. Le
scapulaire, qui s'entrelacent au sein du plexus et exposent volume idéal varie de 5 à 10 ml [11]. L'augmentation des
à des injections intra vasculaires accidentelles (figure 3). Ces volumes ne change ni la qualité, ni la durée, ni l'étendue du
dernières sont repérées en mode doppler couleur et/ou par les bloc mais augmente le risque de paralysie phrénique. L'injection
techniques de compression de la sonde sur le cou (structures qui de l'AL dans le sillon interscalénique, entre les aponévroses des
se collabent ou de contours pulsatiles). Le risque vasculaire est scalènes antérieur et moyen est probablement suffisante du fait
présent quelles que soient les voies d'abord inter et supra de leur bonne diffusion à ce niveau et de la faible proportion de
claviculaire. Des injections fractionnées et des tests de dosage tissu conjonctif autour des contingents nerveux. Le BIS échoue
répétés sont justifiés [6]. fréquemment sur les racines C7-T1, ce qui en fait un moins bon
Niveau vertébral en échographie candidat pour la chirurgie distale (main) et du coude. En 2023,
La vertèbre C7 se singularise par la constitution de son processus deux voies d'abord sont à privilégier en regard de la racine C6
transverse : il présente un unique tubercule contre deux pour les (figure 4) [1] :
approche hors du plan ou « out of plane » : pour l'injection
autres vertèbres. Cette particularité permet de repérer facile-
ment le processus transverse de C7 en échographie, qui apparaît unique ou la mise en place d'un cathéter. Cette approche
25
L. Delaunay, F. Plantet, Y. Boussarsar, J. L'Hermite
Mise au point
Figure 4
Insertion de l'aiguille « in
plane » ou « out plane » en
interscalénique et
susclaviculaire
nécessite de maîtriser les éléments de vision indirecte de accidentelle, parésie diaphragmatique unilatérale, ponction
l'aiguille (mouvements des tissus et hydrolocalisation), sou- pleurale et syndrome de Claude Bernard-Horner), l'extension
vent plus difficiles à acquérir que la vision continue d'une périmédullaire ou intrathécale est devenue exceptionnelle avec
aiguille dans le plan. L'avantage de cette approche est de la pratique de l'échoguidage.
limiter le risque de ponction accidentelle des nerfs long tho- Lors du BIS, la syncope vaso-vagale peut survenir chez près de
raciques et supra scapulaire qui traversent le muscle scalène 20 % des patients en chirurgie de l'épaule en position assise et
moyen ; sous anesthésie loco-régionale (ALR) seule. Elle se traduit par
approche dans le plan ou « in plane » : plus classique éven-
l'apparition d'une bradycardie et d'une hypotension environ
tuellement associée à la neurostimulation sentinelle (1- 20 min après la réalisation du bloc. L'évolution est rapidement
1,5 mA, 0,1 ms) pour permettre de détecter un passage de favorable après injection d'atropine et d'un vasoconstricteur. La
l'aiguille en intraneural (contraction persistante en dessous de syncope vaso-vagale est vraisemblablement favorisée par une
0,5 mA). L'aiguille est introduite à hauteur de la partie basse stase veineuse dans les membres inférieurs (liée à la position
de la région interscalénique. À ce niveau le plexus n'est plus en demi-assise) et à une stimulation sympathique intense (stress,
« pile d'assiettes », les troncs commencent à se regrouper et le adrénaline du liquide de lavage). Contrôler l'activité sympa-
positionnement de l'extrémité du cathéter sous le plexus est thique, en évitant les solutions adrénalinées d'AL et de limiter
relativement simple. l'adrénaline dans le liquide de lavage semble indiqué. La syn-
Si l'échographie permet de réduire l'incidence de la parésie cope vaso-vagale a été assimilée à tort au syndrome de Bezold-
diaphragmatique comparée à la neurostimulation, sa fréquence Jarisch [12].
est d'environ 30 %, même avec des faibles volumes d'AL [11].
Cette incidence imprévisible est encore trop fréquente et le BIS Bloc sus claviculaire : vers une nouvelle
est contre-indiqué en cas d'anomalie sévère de la fonction dénomination « BIS bas »
respiratoire. En dehors des complications ou effets adverses L'abord du plexus dans la partie basse du défilé a été nommé
classiquement rapportés avec le BIS (injection intravasculaire bloc sus ou supra claviculaire (BSC). Il s'agit d'un abord distal du
26
Anesth Reanim. 2023; 9: 22–29
Mise au point
plexus brachial dans le défilé lorsque les racines se réunissent en (acromioplasties, calcifications et instabilités d'épaule type Ban-
faisceaux. Cette région se situe dans l'espace interscalénique en kart) [16]. Dexaméthasone et clonidine peuvent prolonger la
dessous du muscle omo-hyoïdien [2,13–15]. L'injection de colo- durée du bloc.
rant bleu en dessous du muscle omo-hyoïdien dans l'espace Pour les chirurgies à ciel ouvert (arthroplastie et butée) ou de la
interscalénique, colore l'ensemble de la région interscalénique. coiffe des rotateurs, le cathétérisme périnerveux interscalénique
Ainsi, en 2023, il conviendrait de nommer le BSC par le terme de est une bonne alternative pour la prolongation de l'analgésie, s'il
« BIS bas ». La diffusion aux racines de C5-C6 est plus inconstante est associé à une organisation ambulatoire adaptée pour éviter
dans cette approche basse. Contrairement aux abords plus une chute accidentelle du cathéter [16]. L'analgésie continue par
proximaux, de plus larges volumes d'AL sont ainsi nécessaires BIS ou BSC permet une réduction de la douleur, de l'incidence
(> 15–20 ml) pour bloquer le nerf supra scapulaire qui a quitté le d'effets secondaires et une plus grande satisfaction chez les
plexus plus haut. L'abord doit s'effectuer dans le plan. Le BSC patients comparativement à une analgésie conventionnelle.
expose au risque de ponction pleurale accidentelle (pneumo- Une large méta-analyse et une étude multi-centrique Française
thorax) et de paralysie diaphragmatique. Il est souvent préféré récente (RCAPE) montrent un effet bénéfique sur la douleur au
par les praticiens pour les chirurgies de l'humérus et du coude en repos et à la mobilisation, à toutes les périodes après la chirurgie
raison d'un blocage des racines basses du plexus C7-T1. Cepen- et pour tous les types de cathéters [16,17]. Au-delà de la prise en
dant en cas de chirurgie de l'épaule, le blocage des racines C7- charge de la douleur, c'est également une amélioration de la
T1 est inutile et source de désagrément postopératoire (engour- qualité de vie a été mise en évidence. Chez des patients opérés
dissement des doigts). de l'épaule et bénéficiant d'un cathéter en ambulatoire, une
amélioration significative de la qualité du sommeil au domicile a
Blocs des nerfs supra scapulaire (par voie été démontrée [16,17]. Pour la chirurgie de l'épaule, l'association
antérieure ou postérieure) et axillaire d'une perfusion continue et de boli est le mode d'administration
Ces deux blocs distaux peuvent être utiles en alternative au BIS le plus efficace. Un débit de 5 ml/h associé à des bolus de 2,5 à
ou BSC. Réalisés avec de faibles volumes d'AL (5 ml), ils pro- 5 ml toutes les 20 à 30 min est utilisé par la plupart des prati-
curent une qualité d'analgésie similaire au BIS mais doivent être ciens. Une perfusion de fond plus importante pourrait être inté-
associés à une anesthésie générale pour la chirurgie [2,15]. Ils ressante (débit de 8 ml/h, bolus 2 ml/h) pour réduire les
sont principalment indiqués chez les patients BPCO contre indi- poussées douloureuses et les troubles du sommeil. Certains
qués pour un BIS ou BSC. Pour le bloc du nerf supra scapulaire, la modèles de pompes permettent de faire varier le débit de base
technique la plus utilisée est celle de Moore et le nerf est bloqué au cours du nycthémère avec [17]. Un débit de base plus élevé
dans le cadran supéro-externe de l'omoplate. Il peut être réalisé peut être programmé la nuit, évitant au patient d'avoir à s'admi-
sous échographie. Récemment, il a été proposé de le réaliser nistrer des bolus supplémentaires. Le jour, le débit est réduit au
dans la région supra claviculaire [2,3]. minimum, limitant l'incidence des fourmillements et des hypo-
esthésies distaux, souvent mal vécus par le patient.
Indication du bloc plexique interscalénique La pression économique et politique est croissante pour élargir
et sus claviculaire les indications de l'ambulatoire. Concernant la chirurgie de
Le bloc interscalénique reste la technique de choix pour : l'épaule, il a été montré que les patients bénéficiant à domicile
l'ostéosynthèse du tiers externe de la clavicule (en complé- de l'administration de ropivacaïne par un cathéter interscalé-
ment d'un bloc du plexus cervical superficiel) ; nique ont eu une bien meilleure analgésie ainsi qu'une diminu-
l'ostéosynthèse de l'humérus ; tion de la consommation d'antalgiques de secours [16]. Le
la pose de prothèse de l'épaule ; recours à un complément morphinique oral reste utilisé, vali-
les chirurgies de la coiffe des rotateurs, acromioplasties, cal- dant la nécessité d'un traitement de secours même avec une
cification et ligamentoplastie de l'épaule ; analgésie systématique efficace [16]. Le matériel utilisé varie
les chirurgies du coude, mais les échecs sont fréquents en selon les études : soit des pompes élastomériques et soit des
raison de défects des territoires issus de C8 et T1 (nerf ulnaire) petites pompes électroniques. L'évolution du matériel (possibi-
obligeant à des compléments axillaires. lité de débit variable pour la nuit, avec ou sans bolus, par
Les contre-indications du BIS et du BSC en dehors de l'insuffi- exemple) et de sa facilité d'utilisation indique que les pompes
sance respiratoire sont rares et sont similaires : sepsis, coagu- électroniques sont plus adaptées à la programmation contrôlée
lopathie, infection au point de ponction, allergie aux AL et BPCO in situ ou à distance. En pratique, la difficulté n'est pas technique
sévère. mais organisationnelle. Il faut prévoir et organiser un véritable
L'injection unique assure une analgésie de bonne qualité mais réseau de soins à domicile. Il est alors important que les infir-
limitée aux premières 12–24 heures. En pratique, elle peut être mières aient reçu une formation spécifique sur la gestion des
suffisante pour des chirurgies simples de l'épaule pour lesquel- cathéters et les complications possibles. La création de novo
les la douleur prévisible ne dépasse pas cette période d'un réseau est envisageable.
27
L. Delaunay, F. Plantet, Y. Boussarsar, J. L'Hermite
Mise au point
Figure 5
Chirurgie arthroscopique de
l'épaule en postion ½ assise
Des alternatives existent au BIS. Ce sont le bloc du nerf supra la chirurgie demi-assise. En cas de chirurgie assise, le niveau de
scapulaire et les infiltrations intra-articulaires, et plus particu- pression artérielle doit être strictement contrôlé en raison de
lièrement sous acromiale. L'infiltration sous-acromiale est une nombreux cas d'accident neurologiques rapportés (ischémie par
technique simple qui peut être réalisée par le chirurgien en fin hypoperfusion cérébrale) (figure 5). Compte tenu de la diffé-
d'intervention. Concernant l'arthroscopie d'épaule, l'injection rence de hauteur entre le bras et le cerveau en position demi-
unique semble peu efficace et d'une durée limitée dans le assise, une pression artérielle moyenne inférieure (PAM)
temps (< 12 h). à 65 mmHg au bras expose à une PAM inférieure à 50 mmHg
Le bloc du nerf supra scapulaire est classiquement utilisé pour la au niveau cérébral. En position de chirurgie par décubitus latéral,
prise en charge de certaines douleurs chroniques de l'épaule et a le bras homolatéral à l'acte opératoire est le plus souvent mis en
été proposé pour l'analgésie après chirurgie arthroscopique en traction, c'est une source de conflit potentiel entre les opéra-
ambulatoire de l'épaule. Il a été montré une diminution de la teurs en cas de complication neurologique post opératoire. Ceci
consommation d'antalgique sur les 24 premières heures ainsi renforce la nécessité de colliger de manière « factuelle » dans le
qu'une réduction de la durée d'hospitalisation. Si l'efficacité de dossier d'anesthésie les éléments constitutifs de la réalisation
ce bloc est indéniable, elle reste limitée aux premières heures du bloc (paresthésie, pression à l'injection. . .).
et, dans tous les cas, est inférieure à celle obtenue avec un bloc Le confort du patient est la raison principale du choix de l'anes-
interscalénique (différence moyenne à h24, 95 % confidence thésie générale, associée à un BIS ou BSC réalisé au préalable
interval = -3,11 mg (-9,42 to 3,19, D = -25 mg) [2,3]. Néan- (ne rien voir et ne rien entendre). Il n'existe pas de bénéfice
moins, il peut constituer une alternative au BIS, tout en gardant fonctionnel à court ou long terme. En pratique, les équipes
présent à l'esprit le risque de pneumothorax, surtout avec la doivent probablement travailler à l'élaboration d'expériences
technique d'approche par voie antérieure à l'abord du plexus en patient positives et les évaluer en audit.
sus claviculaire, notamment pour les interventions réalisées en
ambulatoire.
Conclusion
L'approche proximale du plexus brachial dans l'espace intersca-
Période peropératoire : bloc seul versus lénique en C6 est la technique de choix pour la chirurgie de
bloc associé à l'anesthésie générale l'épaule. Le choix d'une anesthésie par injection unique ou
Toute la chirurgie de l'épaule, y compris la chirurgie prothétique, continue via un cathéter, en loco-régional seule ou associée
est potentiellement réalisable sous bloc seul. Cependant, les à une anesthésie générale sont à discuter selon les stratégies
praticiens s'exposent à deux inconvénients principaux : un d'équipe et le choix des patients. Les blocs distaux analgésiques
relâchement musculaire parfois insuffisant des muscles posté- (nerfs supra claviculaire et axillaire) sont des alternatives au BIS.
rieurs et pectoraux et un défect pour les abords postérieurs
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
(trocard ou incision) nécessitant un complément local (racines liens d'intérêts.
issues de T2). L'avantage de l'ALR réside en outre dans une
meilleure stabilité hémodynamique comparée à l'anesthésie
générale, en particulier chez les personnes âgées et lors de
28
Anesth Reanim. 2023; 9: 22–29
Mise au point
Références
[1] Recommandation formalisée d'experts. Écho- volume supraclavicular blocks for arthroscopic randomized comparison of continuous inter-
graphie et anesthésie locorégionale. SFAR shoulder surgery. Reg Anesth Pain Med scalene, supraclavicular and suprascapular
2010. 2018;43:590–5. blocks for total shoulder arthroplasty. Reg
[2] Hussain N, Costache I, Kumar N, Essandoh [8] Plante T, Rontes O, Bloc S, Delbos A. Spread Anesth Pain Med 2017;42:302–9.
M, Weaver T, Wong P, et al. Is supraclavicular of local anesthetic during an ultrasound- [14] Luo Q, Zheng J, Yao W. Refining the injection
block as good as interscalene block for acute guided interscalene block: does the injection technique in the ultrasound-guided intertrun-
pain control following shoulder surgery? A site influence diffusion? Acta Anaesthesiol cal approach to supraclavicular brachial plexus
systematic review and meta-analysis. Anesth Scand 2011;55:664–9. block for arthroscopic shoulder surgery. J Clin
Analg 2020;130:1304–19. [9] Abdallah FW, Wijeysundera DN, Laupacis A, Anesth 2022;80:110878.
[3] Cabaton J, Nové-Josserand L, Mercadal L, Brull R, Mocon A, Hussain N, et al. Sub- [15] Grape S, Pawa A, Weber E, Albrecht E.
Vaudelin T. Analgesic efficacy of ultrasound- omohyoid anterior suprascapular block versus Retroclavicular vs supraclavicular brachial
guided interscalene block vs. supraclavicular interscalene block for arthroscopic shoulder plexus block for distal upper limb surgery: a
block for ambulatory arthroscopic rotator cuff surgery: a multicenter randomized trial. randomised, controlled, single-blinded trial.
repair: a randomised noninferiority study. Eur J Anesthesiology 2020;132:839–53. Br J Anaesth 2019;122:518–24.
Anaesthesiol 2019;36:778–86. [10] Ilfeld BM, Morey TE, Wright TW, Enneking [16] Maurice-Szamburski A, Grillo P, Cuvillon P,
[4] Kamina P, Santini JJ. Nerfs des membres, FK. Continuous interscalene brachial plexus Gazeau T, Delaunay L, Auquier P, et al.
anatomie introduction à la clinique (tome 6). block for postoperative pain control at home: Comparison of continuous with single-injec-
2e édition, Paris: Maloine; 1994. a randomized, double-blinded, placebo-con- tion regional analgesia on patient experience
[5] Aszmann OC, Dellon AL, Birely BT, McFarland trolled study. Anesth Analg 2003;96:1089–95. after ambulatory orthopaedic surgery: a ran-
EG. Innervation of the human shoulder joint [11] Renes SH, Van Geffen GJ, Rettig HC, Gielen domised multicentre trial. Br J Anaesth
and its implications for surgery. Clin Orthop MJ, Scheffer GJ. Minimum effective volume 2022;129:435–44.
1996;330:202–7. of local anesthetic for shoulder analgesia by [17] Capdevila X, Macaire P, Bernard N, Biboulet
[6] Marhofer P, Harrop-Griffiths W, Willschke H, ultrasound-guided block at root C7 with P, Cuvillon P, Choquet O, et al. Remote
Kirchmair L. Fifteen years of ultrasound gui- assessment of pulmonary function. Reg transmission monitoring for postoperative
dance in regional anaesthesia: part 2-recent Anesth Pain Med 2010;35:529–34. perineural analgesia after major orthopedic
developments in block techniques. Br J [12] Campagna J, Carter C. Clinical relevance of surgery: a multicenter, randomized, parallel-
Anaesth 2010;104:673–83. the Bezold-Jarisch reflex. Anesthesiology group, controlled trial. J Clin Anesth
[7] Aliste J, Bravo D, Fernández D, Layera S, 2003;98:1250–60. 2022;77:110618.
Finlayson RJ, Tran DQ. A randomized com- [13] Auyong DB, Yuan SC, Choi DS, Pahang JA,
parison between interscalene and small- Slee AE, Hanson NA. A double-blind
29
Anesth Reanim. 2023; 9: 30–39
Mise au point
Blocs du scalp et de la face
Correspondance :
Pierre-Antoine Oillic, Hôpital de Bicêtre, université Paris-Saclay, service anesthésie-
réanimation-médecine périopératoire, Le Kremlin-Bicêtre, France.
pierreantoine.oillic@aphp.fr
Keywords Summary
Scalp
Face Scalp and face blocks
Locoregional
Distal or truncal blocks of the trigeminal nerve, first cervical nerves, or superficial cervical plexus
Anesthesia
are indicated for face and scalp anesthesia, analgesia, and algology. They are largely under-used,
Block
given the complex regional anatomy, and the imprecise overlap of the nerves, thus justifying the
association between several blocks for an efficient anesthesia-analgesia. Standardization of the
procedure to simultaneously block the different nerves from a single punction point allows the
optimization of their use. Echography enables the detection of most of the nerves or their
foramina and eases the blocks. This should broaden the use of those blocks. Ophthalmic nerve
(V1) branches block ensures the anesthesia-analgesia from the upper tier of the face to the
Mise au point
coronal suture. Maxillary (V2) and mandibular (V3) nerve truncal blocks benefit from the echo
guidance use, them being satellites of deep vessels. Distal blockade of their branches is easy but
circumscribed to integumental territories. The first two branches of the cervical plexus, the greater
auricular and lesser occipital nerves, which are recruited in lateral incision for neurosurgery, can
be blocked by a single punction point. Finally, the sensitive branch of nerve C2, Arnold's nerve,
involved in the homonym neuralgia and posterior incisions in neurosurgery, can be blocked
through echo guidance.
Mais pour ces blocs, comme pour les autres, l'échoguidage a nerf supra-orbitaire qui se résume en 2 branches, médiale et
31
P-A Oillic, P. Zetlaoui
Mise au point
Figure 1
Innervation de la face et du crâne
1 : territoire du V1
2 : nerf frontal
3 : nerf nasociliaire
4 : territoire du V2
5 : nerf infra-orbitaire
6 : nerf zygomaticotemporal
7 : zone du V3
8 : nerf mentonnier
9 : nerf auriculotemporal
A : plexus cervical
B : nerfs occipitaux
se divise en 2 troncs, antérieur et postérieur qui donnent plu- (nerf d'Arnold) qui participe à l'innervation sensitive de la plus
sieurs nerfs : grande partie des téguments de la région postérieure de scalp.
nerf buccal : peau et muqueuse de la joue ;
32
Anesth Reanim. 2023; 9: 30–39
Mise au point
nez. Le blocage bilatéral est nécessaire pour la chirurgie Une surveillance pendant 30 minutes est nécessaire, car la
médiane du front et de la racine du nez. diffusion de l'AL au tronc cérébral ou à d'autres nerfs crâniens
Un ptosis transitoire est possible par diffusion de l'anesthésie est possible.
vers le muscle orbiculaire.
Réalisation Réalisation
En sortant de l'orbite, le nerf frontal se divise en deux branches : Le bloc peut être réalisé en neurostimulation ou en échogui-
le nerf supratrochléaire : au niveau de l'incisure supratro-
dage ; les techniques totalement aveugles ne sont plus
chléaire (au bord supéromédial de l'orbite) ; indiquées.
le nerf supra-orbitaire : sur le rebord orbitaire supérieur, au
En échoguidage, la sonde convexe placée sous le zygoma est
niveau du foramen supra-orbitaire, à l'aplomb de la pupille inclinée en direction céphalique pour visualiser l'artère
centrée. maxillaire au doppler couleur. Le nerf rarement identifié pré-
Tous ces nerfs sont bloqués par une injection unique ; le bloc du cisément est localisé en profondeur par rapport à l'artère. La
nerf supratrochléaire peut nécessiter une infiltration spécifique ponction peut être réalisée en supra- ou infrazygomatique
dirigée vers la ligne médiane. (figure 3). L'aiguille est dirigée vers les vaisseaux ; l'injection
En échoguidage, le ou les foramens du nerf apparaissent comme de 4 ou 5 mL décolle le nerf. Il faut faire des tests d'aspiration
une ou 2 lacunes osseuses au bord médial du rebord orbitaire. La répétés.
ponction est réalisée dans le plan, l'aiguille ne pénètre pas dans En neurostimulation, la ponction est réalisée perpendiculaire-
le foramen (figure 2). ment au niveau de l'angle formé par le bord externe de l'orbite
Une infiltration le long du rebord orbitaire supérieur peut être et l'apophyse zygomatique. L'aiguille progresse jusqu'au contact
suffisante. osseux avec l'arête temporale du sphénoïde, puis est réorientée
On utilise une aiguille à biseau court 24 G–40 mm ; 2–3 mL sont en caudale et postérieure. Le fond de la fosse ptérygomaxillaire
nécessaires pour chaque côté, 6 mL pour un bloc bilatéral. se trouve à 4 cm de profondeur, 5 mm sous le trou circulaire.
La neurostimulation sensitive provoque des dysesthésies dans le
Bloc tronculaire du nerf maxillaire – V2
territoire d'innervation. La mise en place d'un cathéter est
Indications – complications possible.
Le bloc tronculaire du nerf maxillaire, dans la fosse ptérygoma- Chez l'enfant, il faut réduire la dose de 30 %, et réaliser un bloc
xillaire, est indiqué pour la chirurgie osseuse de la face (maxi- bilatéral pour la chirurgie vélo-palatine.
llaire supérieur), des fentes vélo-palatines et les douleurs
chroniques dans le territoire du nerf. Ce bloc profond est
contre-indiqué en cas d'anomalie de la coagulation [2]. Blocs des branches du nerf maxillaire
Les complications possibles de ce bloc profond sont : Bloc du nerf infra-orbitaire
trismus par traumatisme musculaire ;
Le nerf infra-orbitaire, branche terminale du nerf maxillaire (V2),
traumatisme vasculaire non accessible à la compression ;
émerge au niveau du foramen infra-orbitaire, situé 1 à 1,5 cm
pénétration dans l'orbite ou dans le crâne.
caudal à la paupière inférieure, à l'aplomb de la pupille centrée.
Figure 2
Repères pour le bloc échoguidé du nerf frontal. Le nerf frontal (parfois 2 branches, médiale et latérale, émergeant par 2 foramens
distincts) est bloqué par une injection de 2 à 3 mL
33
P-A Oillic, P. Zetlaoui
Mise au point
Figure 4
Repères pour le bloc échoguidé du nerf infra-orbitaire. Le nerf
infra-orbitaire (issu du V2) aborde la face par son foramen
propre, caudal au rebord orbitaire et latéral à l'os nasal. C'est un
nerf facilement visualisé en raison de sa taille, et des vaisseaux
Figure 3 qui l'accompagnent
Repères pour le bloc échoguidé du nerf maxillaire. Le nerf
maxillaire, V2, est difficile à repérer en échographie. Le nerf est
au contact de la portion la plus crâniale de l'artère maxillaire qui Réalisation
est facilement localisée au doppler couleur. La sonde (micro)
L'échoguidage est uniquement utilisable pour le nerf zygoma-
convexe est placée sous l'os zygomatique, puis progressivement
ticotemporal. Le nerf, trop fin, n'est pas repérable, mais il
inclinée en direction crâniale pour localiser l'artère. Le nerf est
chemine à proximité d'une branche artérielle repérable en
dans l'environnement immédiat de l'artère. La ponction, dirigée
vers l'artère, peut être réalisée en supra- ou infrazygomatique doppler couleur (figure 5).
La ponction est réalisée au bord dorsal du rebord orbitaire de
Indications – complications l'arcade zygomatique.
Bloc par voie transcutanée : chirurgie cutanée de la région sous- Une première injection (2 à 3 mL) est réalisée en superficie du
orbitaire, de la paupière inférieure à la lèvre supérieure fascia temporal pour la branche superficielle.
comprise. Pour la chirurgie de la lèvre supérieure, le bloc doit Puis, l'aiguille progresse jusqu'au contact osseux avec l'os tem-
être bilatéral. Bloc par voie endobuccale : chirurgie dentaire et poral ; après un retrait de 1 à 2 mm, on réalise une injection de
sinusienne (non détaillée). Aucune complication spécifique 3 à 4 mL pour la branche profonde.
n'est rapportée en dehors d'un traumatisme vasculaire. L'infiltration est la technique de référence pour ces deux nerfs.
Réalisation Le nerf zygomaticotemporal est bloqué par une infiltration
En échoguidage, le foramen est identifié comme une lacune
osseuse, environ 15 mm caudale au rebord orbitaire. La ponc-
tion latéromédiale (ou caudocrâniale) est réalisée dans le plan
vers le foramen sans y pénétrer, en respectant les vaisseaux
satellites repérés au doppler couleur (figure 4).
Sans échoguidage, on réalise une infiltration pour laquelle le point
de ponction se situe à l'intersection de 2 lignes : une ligne verticale
passant par la pupille centrée et une ligne horizontale passant sur
la partie plus haute de l'aile du nez, environ 1,5 à 2 cm caudal au
rebord orbitaire et à 2 cm du nez. La ponction légèrement ascen-
dante est dirigée vers l'angle latéral de la paupière.
Dans tous les cas, on utilise une aiguille courte et fine (24 G–
40 mm), et on injecte un volume maximal de 2 à 3 mL.
Bloc des nerfs zygomaticotemporal et zygomaticofacial Figure 5
Indications – complications Repères pour le bloc échoguidé du nerf zygomaticotemporal. Le
Il s'agit de 2 branches cutanées du nerf maxillaire innervant la nerf zygomaticotemporal n'est pas visualisé ; seule l'artère
région temporale et latérale de la face, dont les indications se satellite est visible au doppler couleur. Ponction hors du plan
limitent aux incisions (ou douleurs) dans le territoire d'innervation. avec une injection superficielle au fascia temporal et une
Aucune complication spécifique n'est rapportée. injection profonde après le contact osseux
34
Anesth Reanim. 2023; 9: 30–39
Mise au point
profonde, 2 cm en dehors et 1 cm au-dessus de la fente En neurostimulation, la ponction perpendiculaire au plan cutané
palpébrale. Le nerf zygomaticofacial justifie une infiltration est réalisée sous l'arcade zygomatique, au niveau de la dépres-
superficielle entre le tragus et le bord latéral de l'orbite. sion entre le processus coronoïde et le processus condylien. À
une profondeur de 3 cm environ, l'aiguille bute sur l'apophyse
Bloc tronculaire du nerf mandibulaire V3 ptérygoïde. Elle est réorientée en direction céphalique et 1 cm
Indications – complications en dorsal vers le foramen ovale. Une réponse motrice est
Le bloc du V3 est indiqué pour l'analgésie pour la chirurgie de la recherchée au niveau de la langue. Il est possible d'insérer
mandibule, du plancher de la bouche, et de la partie inférieure un cathéter pour une analgésie postopératoire. Un
de la joue. Il est utilisable pour les douleurs chroniques dans le volume est habituel de 5 à 7 mL, entrecoupé de tests
territoire du V3. Certaines équipes ont également décrit son d'aspiration.
utilité pour la levée de trismus d'origine musculaire dans l'intu-
bation orotrachéale difficile, étant donné son action sur le Bloc des branches du nerfs mandibulaires
contingent moteur des muscles masséter, temporal et ptéry- Bloc du nerf mentonnier
goïdiens [3]. Branche terminale nerf mandibulaire (V3), le nerf se ramifie au
Il est contre-indiqué en cas d'anomalie de la coagulation. niveau du foramen mentonnier en deux branches, les nerfs
Il entraîne un risque de parésie faciale transitoire par diffusion, mentonnier et incisif (dents).
et de ponction de l'artère maxillaire. Indications – complications
L'anesthésie obtenue touche :
Réalisation la lèvre inférieure, le menton ;
En échoguidage, la sonde (micro)convexe est placée sous le les muqueuses labiale et gingivale, les incisives, les canines
zygoma, en avant de la branche montante de la mandibulaire,
inférieures.
avec une légère orientation dorsale. En arrière de l'apophyse
Pour les prémolaires inférieures, l'abord endobuccal est
ptérygoïde, on visualise au doppler couleur une artère (maxi-
préférable.
llaire ou sa branche alvéolaire). En profondeur de l'artère, et en
Un bloc bilatéral est souvent nécessaire. Le bloc complet de l'os
arrière de la plaque ptérygoïde, le nerf est visualisé comme une
maxillaire est impossible par cet abord. Il n'y a pas de contre-
structure ronde hyperéchogène (figure 6). La ponction est réa-
indication spécifique.
lisée dans le plan. L'aiguille insérée en arrière de la sonde est
Aucune complication spécifique n'est rapportée.
avancée jusqu'à ce qu'elle soit adjacente au nerf. Un volume de
Réalisation
5 mL est habituel ; les tests d'aspiration sont répétés.
Une aiguille 24 G–40 mm est utilisée.
En échoguidage, le foramen du nerf est repéré, caudal à la
commissure labiale. La ponction latéromédiale, dans le plan ne
pénètre pas dans le foramen. Un volume de 2 mL est suffisant
(figure 7).
Sans échoguidage, la ponction est réalisée à l'aveugle 1 cm au-
dessus et 1 cm en dehors du foramen mentonnier, situé
à l'aplomb de la première prémolaire, en direction en bas et
Figure 6
Repères pour le bloc échoguidé du nerf mandibulaire. Le nerf
mandibulaire est repéré avec une sonde (micro)convexe placée
juste antérieure à la branche montante du maxillaire, orientée Figure 7
légèrement en direction dorsale. Le doppler couleur recherche Repères pour le bloc échoguidé du nerf mentonnier. Le nerf
l'artère maxillaire à une profondeur habituelle de 4 à 5 cm. Le mentonnier, émerge au niveau de la face le plus souvent
nerf est toujours dans l'environnement immédiat de l'artère à l'aplomb de la première prémolaire. Ponction dans le plan
35
P-A Oillic, P. Zetlaoui
Mise au point
Figure 8 Figure 9
Repères pour le bloc échoguidé du nerf auriculotemporal. Le nerf Repères pour le bloc échoguidé du nerf grand auriculaire. Le nerf
chemine en superficie du m.SCM, où il est facilement bloqué
(issu du V3) passe en avant du tragus et s'oriente en direction
céphalique accompagnant l'artère temporale. À ce niveau, il est
le plus souvent dorsale par rapport à l'artère (doppler couleur),
mais il peut être comme dans ce cas divisé en 2 branches Le nerf petit occipital émerge plus dorsalement en arrière du
SCM et monte vers la base du crâne.
36
Anesth Reanim. 2023; 9: 30–39
Mise au point
Réalisation
Le patient est en décubitus ventral, la tête tournée du côté
opposé à la ponction.
Le point de ponction se situe sur une droite reliant la pointe de la
mastoïde à la protubérance occipitale. L'artère occipitale, repère
principal, est localisée à ce niveau au doppler couleur (ou à la
palpation).
En échoguidage, on repère l'artère occipitale (doppler couleur)
le long de la ligne de repérage. Le nerf est médial à l'artère. La
ponction est réalisée dans le plan, de latéral en médial pour un
bloc unilatéral, ou de médial en latéral avec un point de ponc-
tion sur la ligne des épineuses pour un bloc bilatéral (figure 11).
Figure 11 Sans échoguidage, on réalise une infiltration sous cutanée pro-
Repères pour le bloc échoguidé du nerf grand occipital. La sonde fonde, en éventail, médiale à l'artère.
placée le long de la ligne nucale (reliant la pointe de la Une aiguille 22 G–50 mm est utilisée.
mastoïde à la protubérance occipitale) recherche à l'aide du Sous échoguidage, 5 mL de la solution choisie sont habituelle-
doppler couleur l'artère occipitale. Le nerf est toujours au contact ment injectés ; le volume peut être plus important (7–8 mL) sans
de l'artère, le plus souvent médial, en avant du muscle échoguidage.
semispinalis capitis Pour les névralgies d'Arnold, l'adjonction d'un corticoïde amé-
liore l'efficacité du bloc. Il est nécessaire de répéter le bloc à 2 ou
Bloc des premiers nerfs spinaux 3 mois d'intervalle pour un succès complet. L'anesthésie du
Bloc du nerf grand occipital (d'Arnold) scalp est un signe de réussite.
Le nerf grand occipital (d'Arnold) est constitué par le rameau Bloc du 3e nerf occipital
sensitif postérieur de C2 auquel s'associent souvent des filets Le 3e nerf occipital, médial au nerf grand occipital, innerve la
issus de C1 et/ou de C3. Stricto sensu, il n'est pas issu du plexus zone médiane des téguments de la face postérieure du crâne.
cervical [5,6]. Le nerf est habituellement bloqué (2 mL) dans le même temps
que le nerf grand occipital soit par infiltration, soit sous écho-
Indications – complications guidage, le nerf étant médial au nerf grand occipital (figure 12).
Il est réalisé en cas de névralgies cervico-occipitales (d'Arnold),
d'incision chirurgicale dans le territoire d'innervation et de Bloc du pavillon de l'oreille
syndrome d'hypotension intracrânienne (efficacité variable). L'innervation du pavillon de l'oreille est complexe, assurée par :
Aucune complication spécifique n'est rapportée. le nerf grand auriculaire ;
Figure 12
Repères pour le bloc échoguidé des 2e (nerf grand occipital) et 3e nerf occipital. Les 2 nerfs sont en position médiale à l'artère au
niveau de la ligne nucale, le 3e nerf occipital étant le plus proche de la ligne médiane. Le bloc conjoint des 2 nerfs est indiqué lors
des abords postérieurs en neurochirurgie
37
P-A Oillic, P. Zetlaoui
Mise au point
le nerf auriculotemporal ; Synthèse
la branche auriculaire du VII (zone de Ramsay-Hunt) ;
Les blocs de la face et du scalp vont associer, de façon variable,
le nerf vague qui assure une zone d'innervation réflexe au
en fonction des territoires à bloquer et des zones d'incision, les
niveau de la conque.
différentes techniques évoquées dans les paragraphes précé-
dents. Il est souvent nécessaire de faire dessiner à l'opérateur le
Indications – complications
trajet de son incision cutanée pour déterminer les nerfs qui
Ces blocs sont indiqués pour l'anesthésie et l'analgésie post-
seront concernés. En cas de repérage par neuro-navigation, les
opératoire pour la chirurgie du pavillon de l'oreille.
blocs sont réalisés après le repérage pour ne pas interférer avec
Aucune complication spécifique n'est rapportée.
lui, le patient étant habituellement déjà en position opératoire.
Les solutions adrénalinées ne sont pas recommandées.
Les blocs du scalp
Réalisation L'innervation sensitive du scalp et du crâne dépend du nerf
Le patient est placé en décubitus dorsal, la tête tournée du côté trijumeau, et des 3 premiers nerfs cervicaux.
opposé à la ponction. Nerf trijumeau :
L'échoguidage permet de repérer le nerf auriculotemporal (bord V1 : partie antérieure et médiane du front jusqu'à l'aplomb des
antérieur du pavillon), et les nerfs grand auriculaire et petit yeux, par le nerf supratrochléaire et les nerfs supra- orbitaires,
occipital plus céphalique (participation inconstante), au bord branches terminales du nerf frontal ;
postérieur du SCM. V2 : face antérieure et latérale du front par le nerf
Les territoires d'innervation du nerf facial (zone de Ramsay Hunt crâne par la branche auriculotemporale.
sur la face latérale, et portion supérieure de la face temporale) Premiers nerfs cervicaux :
sont bloqués par une infiltration sous-cutanée en arrière de nerfs grand auriculaire et petit occipital (plexus cervical super-
nerf est suffisant. jusqu'à une ligne horizontale passant par le haut des hélix ;
C3 : région médiodorsale du crâne.
Nerf facial :
région péri-auriculaire et conque de l'oreille.
38
Anesth Reanim. 2023; 9: 30–39
Mise au point
les zones de recouvrement sont nombreuses et imprécises ; ceci tation réflexe des vaisseaux méningés par le blocage
est fréquemment le cas de la chirurgie carcinologique cutanée parasympathique.
de la face qui bénéficie largement de l'ALR, particulièrement Le bloc topique du ganglion sphénopalatin est proposé, avec un
chez le sujet très âgé. Pour une chirurgie vélopalatine, le bloc du succès variable, pour le traitement des céphalées post-brèche
nerf maxillaire doit être bilatéral. Pour une ostéotomie maxi- durale. Le patient est en décubitus dorsal, la tête en hyper-
llaire, il faut bloquer les deux nerfs mandibulaires. extension. De longs cotons-tiges imprégnés de xylocaïne vis-
queuse à 2 % sont introduits dans chaque narine jusque dans le
Le bloc topique du ganglion sphénopalatin
nasopharynx. De la xylocaïne à 2 % est instillée par le canal de
Le ganglion sphénopalatin (ou ptérygo-palatin) est situé dans la
chaque coton-tige jusqu'à ce que le patient en ressente le
fosse homonyme, en arrière des fosses nasales. Ses efférences
passage dans le pharynx. Les cotons-tiges sont laissés en place
sont représentées par les nerfs pharyngien et orbitaires. Il reçoit
pendant 10 minutes, puis retirés. Si la céphalée n'a pas dispa-
des afférences végétatives sympathiques et parasympathiques,
rue, les coton-tige ré-imprégnés de gel de xylocaïne, sont
et des afférences sensitives du nerf maxillaire. Une branche
replacés à nouveau 10 minutes puis retirés définitivement [7].
méningée récurrente se sépare de chaque nerf maxillaire et
À 24 h, le taux de guérison serait équivalent à celui du blood
mandibulaire ; le bloc de ces branches avant leur retour dans le
patch.
crâne est une des hypothèses expliquant l'effet du tamponne-
ment du ganglion sphénopalatin sur les céphalées, et particu- Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
lièrement celles liées à l'hypotension intracrânienne. Le liens d'intérêts.
mécanisme d'action supposé est une inhibition de la vasodila-
Références
[1] Zetlaoui PJ, Gaultier E, Benhamou D. Ultra- with acute trismus. Anaesthesia technique update. Reg Anesth Pain Med
sound-guided scalp nerve blocks for neuro- 2009;64:1196–8. 2019;44:623–6.
surgery: a narrative review. Anesth Crit Care [4] Guilfoyle MR, Helmy A, Duane D, Hutchinson [6] Kim JS, Ko JS, Bang S, Kim H, Lee SY. Cervical
Pain Med 2020;39:876–82. PJA. Regional scalp block for postcraniotomy plexus block. Korean J Anesthesiol
[2] Pulcini A, Guerin J-P, Sibon S, Balaguer T, analgesia: a systematic review and meta- 2018;71:274–88.
Ichai C. Blocs de la face. EMC Anesth Reanim analysis. Anesth Analg 2013;116:1093–102. [7] Levin D, Cohen S. Images in anesthesiology:
2007 [36-326-L-10]. [5] Greengrass RA, Narouze S, Bendtsen TF, three safe, simple, and inexpensive methods
[3] Heard AM, Green RJ, Lacquiere DA, Sillifant Admir Hadzic A. Cervical plexus and greater to administer the sphenopalatine ganglion
P. The use of mandibular nerve block to occipital nerve blocks: controversies and block. Reg Anesth Pain med 2020;45:880–2.
predict safe anaesthetic induction in patients
39
Anesth Reanim. 2023; 9: 40–47
Mise au point
Péridurale thoracique analgésique
Yann Gricourt, Pierre Baptiste Vialatte, Zahir Akkari, Geoffrey Avis, Philippe Cuvillon
Disponible sur internet le : UR-UM103 IMAGINE, université de Montpellier, Division of Anesthesia Critical Care,
4 janvier 2023 Pain and Emergency Medicine, Nîmes University Hospital, Nîmes, France
Correspondance :
Yann Gricourt, UR-UM103 IMAGINE, université de Montpellier, Division of Anesthesia
Critical Care, Pain and Emergency Medicine, Nîmes University Hospital, Nîmes,
France.
yann.gricourt@chu-nimes.fr
Keywords Summary
Epidural
Analgesia Thoracic epidural analgesic
Surgery
In 2023, thoracic epidural analgesia remains a recommended technique for many major thoraco-
Thoracic
abdominal procedures by thoracotomy or laparotomy. TEA has little impact on the long-term
Abdominal
outcome of patients (morbidity and mortality), but improves rehabilitation programs, mainly by
Recommendations
the perioperative morphine savings. Its side effects remain hypotension and urinal retention. For
laparoscopic or robotic surgery, fascial plane blocks (TAP, serratus. . .) limit the benefit of TEA,
especially when surgery integrates rehabilitation programs.
Mise au point
APD thoracique : quels réels bénéfices d'opiacés administrées, de la réaction inflammatoire et de la
cliniques en 2023 ? réponse au stress chirurgical [7]. Cet effet est moins marqué
Au cours des 20 dernières années, les patients bénéficiant d'une chez la personne âgée de moins de 75 ans.
association « anesthésie générale + péridurale thoracique anal- Pneumopathie et infarctus du myocarde
gésique post opératoire (48 à 72 h) » (AG + APD) ont fait l'objet Depuis la publication de l'étude MASTER en 2001, plusieurs
de nombreuses études comparatives (vs. AG seule ou bloc de études n'ont pas confirmé ou infirmé la supériorité de l'APD
paroi) permettant de mieux appréhender les bénéfices suppo- sur la réduction du risque cardio vasculaire et pulmonaire en
sés résultants des soins sous APD ou PROMs (Patient-reported postopératoire [10,11]. Les pratiques médicales actuelles
outcomes measures). Ces données récentes sont souvent en (maintien des antiagrégants et statine en périopératoire) asso-
opposition avec les données antérieures aux années 2000, car ciées aux blocs de paroi et à l'analgésie multimodale ont pro-
de nombreuses avancées médicales et sociales pré et peropé- bablement réduit les effets bénéfiques de l'APD [12,13]. En
ratoire ont révolutionné la période postopératoire. Parmi ces conséquence, les dernières recommandations des sociétés de
avancées, nous pouvons retenir les concepts de réhabilitation cardiologie publiées en 2022 par l'European Society of Cardio-
améliorée après chirurgie (RAC) et de pré habilitation (nutrition, logy tendent à minimiser l'intérêt de l'APD en chirurgie majeure
kinésithérapie, gestion de l'anxiété), la chimiothérapie néo ou intermédiaire sous coelioscopique ou robotique à cause du
adjuvante (réduction tumorale), les stratégies d'épargne trans- risque de décompensation cardiaque lorsque le niveau cépha-
fusionnelle et d'optimisation intra opératoire (ventilation pro- lique s'étend au-delà de T4 [14].
tectrice, hémodynamique et profondeur d'anesthésie
Iléus et durée de séjour
optimisées, chirurgie mini invasive. . .)[1–5]. Afin de présenter
L'APD montre une supériorité par rapport aux groupes AG seule
des données actualisées des soins sous APD, nous décrivons ci-
et AG associée à un bloc de paroi en chirurgie ouverte (réduction
après les principaux résultats des études prospectives randomi-
moyenne de 1,67 0,2 jours). En cas de chirurgie mini invasive
sées et méta analyses publiées entre 2005 et 2023 :
ou coelioscopique ou robotique, l'APD n'est pas supérieure aux
Mortalité à 30 jours blocs de paroi [8,13].
L'association APD + AG ne démontre pas de supériorité vs. AG Hypotension
seule (ou AG + blocs de paroi) : risque relatif ajusté (RRa) = 1,07 Cet effet adverse est bien plus fréquent sous APD en peropé-
(95 % CI : 0,92–1,24 ; p = 0,408) [6]. ratoire que sans APD, quelles que soient les modalités d'admi-
Oncologie (mortalité et récurrence tumorale) nistration. Pour maintenir une pression artérielle moyenne
L'association APD + AG ne démontre pas de supériorité vs. AG supérieure à 65 mmHg, il est nécessaire de recourir le plus
seule (ou AG + blocs de paroi) sur la mortalité ou l'incidence des souvent à un vasopresseur intra ou postopératoire [15,16].
métastases apparues secondairement après la chirurgie : Cet effet est proportionnel à l'étendue du bloc sympathique.
RRa = 1,09 (95 % CI : 0,93–1,28) ; p = 0,290. De nombreuses Consommation en opiacés et agent d'anesthésie
études rétrospectives et prospectives ont rapporté des résultats Administrée en peropératoire, l'APD réduit la consommation de
cliniques contradictoires suggérant un bénéfice de l'APD. Le ces agents en per et postopératoire. Pour la période postopé-
rationnel tenait à un meilleur compromis immunitaire en faveur ratoire, la réduction de prise d'opiacés est en faveur de l'APD
de l'APD (par réduction de la consommation d'opiacé et de la mais dépend du type de chirurgie et des patients. Dans le cadre
réponse inflammatoire). Ces données ne sont toujours pas des programmes RAC avec analgésie multimodale, la différence
confirmées en clinique [6,7]. s'est considérablement estompée [16].
Réponse inflammatoire et immunitaire Rétention aigue d'urine en post opératoire
Dans toutes les études cliniques, l'APD donne un meilleur profil Elle est très fréquente sous APD (jusqu'à 30 % des patients),
inflammatoire (biomarqueurs moins élevés : protéine réactive nécessitant le plus souvent un sondage, ce qui va à l'encontre du
C, formule leucocytaire, interleukines IL-6, IL-2, IL-12p70, IL-10, principe de la RAC [16,17].
IL-4, et IL-17, facteur de nécrose tumorale TNF-a, interféron IFN-
Infection post opératoire et fistule
g), préserve l'immunité cellulaire (cellule lymphocytaire Natural
Les études utilisant la classification de Clavien-Dindo ne mon-
Killer et CD8), et réduit le stress métabolique (élévation plas-
trent pas de différence pour ces deux items avec ou sans APD
matique plus faible du cortisol, du glucose et de l'insuline) [8,9].
à J90 [13]. Pour les fistules digestives, l'APD ne montre pas de
Délirium postopératoire chez la personne âgée supériorité sur la réduction du risque, même si la vascularisation
après chirurgie majeure (incidence : 20 à 40 %) régionale splanchnique semble améliorée [15].
L'APD entraine une réduction importante du risque relatif : 0,351 Comparativement à l'analgésie intra veineuse contrôlée par le
(95 % CI : 0,197–0,627) p < 0,001. Cette réduction est liée à la patient (PCA iv), il n'existe pas de différence concernant les
combinaison de la réduction des douleurs sévères, des doses items suivants postopératoires [16] :
41
Y. Gricourt, P.B. Vialatte, Z. Akkari, G. Avis, P. Cuvillon
Mise au point
risque thrombo-embolique : RR = 0,32 (95 % CI : 0,03–2,95) ; (30 %), nausées et vomissements. De ce fait, l'APD est actuel-
nausées et vomissements : RR = 0,94 (95 % CI : 0,69–1,27) ; lement challengée par le bloc paravertébral en simple injection
sédation nécessitant une intervention : RR = 0,87 (95 % CI : (préférentielle en T7) ou multi injection en (T4 et T7). La double
0,40–1,87) ; injection démontre une « non-infériorité » à l'APD en ce qui
épisodes de désaturation < 90 % : RR = 1,29 (95 % CI : 0,71– concerne l'épargne opiacé [19]. À ce titre, les différentes méta-
2,37). analyses retrouvent une analgésie équivalente à la péridurale
En conclusion, l'APD thoracique réduit les scores de douleur thoracique avec cependant moins d'effets indésirables [18–23] :
(–1 points, échelle de 0 à 10), le recours aux opiacés (5 à diminution des nausées et vomissement post opératoires
10 mg iv / 24 h), la réponse inflammatoire et le stress chirur- (NVPO), du prurit, de l'hypotension et de rétention aigue
gical. Tous ces éléments facilitent la récupération postopératoire d'urine. Ainsi, les différentes recommandations placent le bloc
(durée d'iléus et de séjour) mais sont clairement sans bénéfice paravertébral en première intention dans les programmes de
sur la récurrence oncologique ou la mortalité à court et long réhabilitation précoce (RFE SFAR Grade 2+ / RFE Italienne Grade
terme. Dans toutes les études, le principal inconvénient de l'APD A/ RFE des groupes GRACE et PROSPECT : Grade A) [19,21–23].
réside dans la gestion de l'hypotension et des échecs de mise en Concernant la vidéo thoracoscopie (video-assited thoracique
place (18 à 30 %). De ce fait pour la chirurgie mini-invasive, surgery, VATS), des blocs de diffusion et d'espace (paravertébral,
l'APD thoracique est supplantée par l'analgésie multimodale serratus, intercostaux) ont été proposés. Ils allient simplicité et
incluant les blocs de paroi qui sont plus simple et permettent mobilisation non contrainte par un cathéter. Leur principale
une mobilisation plus précoce. En 2023, l'APD thoracique ne doit limite réside dans la durée limitée de l'analgésie (12–18 h).
plus être proposée systématiquement, mais au cas par cas en Ainsi, des échecs de réhabilitation sont notés si la durée de
tenant compte du chemin clinique proposé par l'équipe, du type drainage pleural dépasse les 48 h. L'irritation occasionnée par le
d'abord chirurgical et des impératifs liés au patient (fragilité, drain au contact de la plèvre devient la principale source de
douleur chronique. . .). douleur. Le bloc sous pleural, réalisé par injection d'AL entre la
plèvre et les côtes, avec ou sans mise en place d'un cathéter (par
Quelle place en chirurgie thoracique en l'équipe chirurgicale de visu), a montré son intérêt pour l'épar-
2023 ? gne morphinique post opératoire de VATS [20]. Une méta ana-
La chirurgie thoracique est reconnue comme étant particuliè- lyse récente montre sa « non-infériorité » par rapport à l'APD et
rement pourvoyeuse de douleurs aiguës et chroniques (jusqu'à au bloc paravertébral (BPV) [24]. Cependant, l'épargne morphi-
30 % des patients trois mois après thoracotomie). La douleur nique est plus constante avec l'APD et le BPV. Cette méta analyse
aiguë post opératoire est un frein majeur à la réhabilitation et suggère aussi de positionner le bloc en sous pleural en cas
à la kinésithérapie respiratoire, exposant à la survenue d'até- d'échec ou lorsque APD et BPV ne sont pas réalisables [24].
lectasies, de pneumopathies et détresses respiratoires, ainsi Le "serratus anterior plane block'' réalisé après l'administration
qu'à une consommation en excès d'opioïde [18–23]. L'intensité d'AL au niveau du fascia entourant le muscle serratus (au-dessus
de la douleur en post opératoire est le principal facteur de risque et en dessous) permet de bloquer les branches cutanées laté-
de la chronicisation de la douleur. Dans ce contexte, une stra- rales des nerfs intercostaux [25]. Une méta analyse récente de
tégie pluridisciplinaire et multimodale périopératoire doit au 2021 montre une diminution significative de la consommation
minimum associer à l'APD : de morphinique en post opératoire de VATS, tout particulière-
techniques chirurgicales mini-invasives (vidéo ou robot ment pendant les premières 24 heures sans supériorité
thoracoscopie) ; comparé au BPV [26]. Les autres blocs d'espace (érecteur,
durée de drainage limitée avec déambulation et kinésithéra- rhomboïde. . .) n'ont pas montré d'intérêt réel ou de supériorité
pie respiratoire précoce (dès J0) ; dans le cadre de la VATS, et encore moins en cas de
épargne morphinique avec une place prépondérante des anti- thoracotomie.
inflammatoires non-stéroïdiens et de l'ALR [18–23]. L'APD reste le « gold standard » pour la thoracotomie. Il semble
Les recommandations Françaises éditées en 2019 par la SFAR justifié de la proposer lorsqu'il existe des risques élevés de
Réhabilitation améliorée après lobectomie pulmonaire, recom- conversion de thoracoscopie en thoracotomie. En alternative,
mandent le recours à une technique d'ALR au cours de la les dernières recommandations placent le BPV en première
chirurgie thoracique, tant pour la thoracotomie (GRADE 1+) intention particulièrement lors de VATS accompagné d'un pro-
que pour la thoracoscopie (GRADE 2+) [19] : gramme RAC, en raison de son meilleur profil de tolérance. Le
Pour la thoracotomie, la péridurale thoracique a longtemps été bloc sous pleural est une alternative intéressante puisque le
considérée comme le « gold standard ». Cependant, son utilisa- cathéter peut être directement positionné par le chirurgien en
tion dans les programmes de RAC s'oppose aux nombreux effets fin d'intervention. Le "serratus anterior plane block'' est, pro-
adverses liés à cette technique : réalisation difficile (20 à 30 % bablement à ce jour, un bloc de recours notamment lorsque BPV
d'échecs à la pose), hypotension (15 à 20 %), rétention urinaire et bloc sous pleural ne sont pas réalisables (effraction pleurale).
42
Anesth Reanim. 2023; 9: 40–47
Mise au point
Ces dernières années, le progrès des techniques endoscopiques, au repos et mobilisation inférieure de 1 à 2 points/10 vs. PCA
robotiques et vidéo thoracoscopiques (notamment l'utilisation iv), présente plus d'hypotension artérielle mais les effets adver-
d'un seul trocart opérateur) permettent une chirurgie de moins ses médicaux sont souvent équivalents entre les deux groupes
en moins invasive, et ouvrent de nouvelles possibilités, tout jusqu'à J10 [28,29].
particulièrement en chirurgie thoracique avec le développe- Pour les voies d'abord mini-invasives et robotiques, dont la
ment de chirurgie sans recours à l'intubation sélective pour la chirurgie colique et hépatique, le développement de la RAC
ventilation uni-pulmonaire, le NIVATS. et de l'analgésie multimodale limitent l'intérêt de l'APD thora-
cique comparée aux blocs de paroi avec une absence de diffé-
Quelle place en chirurgie abdominale, rence statistiquement significative sur les critères cliniques
gynécologique et urologique ? entre ces deux modes d'ALR [30,31].
Chirurgie abdominale En chirurgie abdominale majeure et urgente, l'APD réduit la
En chirurgie abdominale majeure par laparotomie (colectomie mortalité à J30 en raison de l'absence de pré habilitation et de
et sus-mésocolique : gastrectomie, duodénopancréatectomie, programme RAC dans le groupe sans APD [30,31].
oesophagectomie, hépatectomie), l'APD reste la technique de En conclusion, selon la SFAR et les groupes ERAS ou GRACE, l'APD
référence sur les critères d'épargne morphinique et de réduction thoracique est la technique de choix après chirurgie majeure
des scores de douleur après chirurgie [3,11,13]. Toute chirurgie ouverte (laparotomie, bi sous costale). À l'inverse, les blocs de
abdominale majeure confondue, la réduction des scores de paroi sont plus adaptés à la chirurgie coelioscopique en associa-
douleur (échelle VAS de 0 à 10) comparée à la PCA iv entre tion aux programmes RAC (et lidocaine iv pour la chirurgie
6 et 72 heures est réelle mais « cliniquement » faible : colique).
–1,74 points (95 % CI : 1,30–2,19) à -0,63 points (95 % CI :
En urologie
0,24–1,01) [27–29]. Ces bénéfices analgésiques sont cependant
En chirurgie prostatique, l'APD n'est pas recommandée quelle
à contre balancer avec des durées de cathétérisme urinaire et
que soit la voie d'abord chirurgicale, selon les dernières recom-
d'hypotension artérielle plus prononcées sous péridurale. La
mandations de 2021. Lors des laparotomies, la lidocaïne IV (per
gestion de l'hypotension artérielle en service est une réalité
et post opératoire immédiate) ou l'infiltration chirurgicale res-
quotidienne et impose souvent un maintien en soins continus
tent des alternatives analgésiques intéressantes [27,31].
des patients. Comparativement à la PCA iv, une étude a démon-
En chirurgie du rein et des voies urinaires, les abords mini
tré bien plus d'actions infirmières en défaveur de l'APD :
invasifs ne permettent plus de recommander l'APD. L'abord
RR = 7,13 (95 % CI 2,87–17,75 ; 6 essais, 479 participants)
par lombotomie sous costale reste une indication, mais la mise
[29]. Concernant la durée d'iléus, elle est souvent équivalente
en place de cathéters entre les muscles abdominaux en fin de
avec ou sans APD, car dépendante des protocoles utilisés. Enfin,
chirurgie est une alternative séduisante, particulièrement après
rappelons (voir section I) que les bénéfices à J30 en termes de
transplantation rénale (TAP bloc en injection unique ou
mortalité et d'effets adverses post opératoires ne sont pas
continue).
différents avec ou sans péridurale [1–5,27–29]. Sous couvert
Pour la cystectomie avec reconstruction vésicale par « bricker »,
de protocoles RAC, les blocs de paroi et l'APD démontrent
les protocoles de RAC ont clairement démontré leurs bénéfices
des bénéfices similaires sans réelle différence statistique, en
sur la réduction des complications post-opératoires, la reprise de
dehors de l'épargne morphinique (favorable pour l'APD jusqu'à
transit et la durée de séjour lors des cystectomies radicales.
J2). Cependant, ces deux techniques d'ALR, APD et BPV, restent
L'APD thoracique en est un composant essentiel, recommandée
toujours supérieures à la simple analgésie intraveineuse
pour une durée de 72 h. Toutefois, ces recommandations de
[28,29].
2013 sont essentiellement fondées sur des extrapolations à par-
En chirurgie sus-mésocolique, les bénéfices de l'APD (vs. PCA iv)
tir des chirurgies colo-rectales [32]. Des études plus récentes
sont limités aux 48 premières heures pour les scores de douleur
nuancent l'intérêt et les bénéfices liés à la péridurale pour les
(–1 à–2 points/10) et à la reprise du transit (–1 jour), sans
cystectomies radicales dans les protocoles de RAC : majoration
différence pour les autres items :
des complications post-opératoires mineures et majeures,
Après duodénopancréatectomie (DPC), les scores de récupéra-
notamment majeures chez les plus de 75 ans.
tion sont plus favorables dans les premiers jours pour l'APD ; À
J30, les taux de complications sont similaires entre APD et PCA En gynécologie
iv : odds ratio OR = 1,17 (95 % CI : 0,71–1,95 ; p = 0,54) [28,29]. Bien que non recommandé pour la voie d'abord coelioscopique,
Après chirurgie gastrique et/ou œsophagienne cancéreuse réa- la place de l'analgésie périmédullaire en laparotomie reste
lisée sous cœlioscopie ou robotique, l'incidence des complica- recommandée pour les cyto-réductions tumorales, lors de chi-
tions ne diffère pas entre APD et PCA iv à J30 pour des délais de miothérapie intrapéritonéale hyperthermique et lors des chirur-
séjours similaires [25,26]. Dans toutes les études randomisées, gies carcinologiques ouvertes [33]. Dans ces situations, l'APD
le groupe APD reçoit moins d'opiacés jusqu'à J2 (score douleur offre un meilleur contrôle de l'analgésie post-opératoire, une
43
Y. Gricourt, P.B. Vialatte, Z. Akkari, G. Avis, P. Cuvillon
Mise au point
meilleure satisfaction globale au détriment d'une augmentation La figure 1 illustre le niveau optimal pour concilier ces deux
du risque de rétention aiguë d'urine. En chirurgie vaginale et impératifs :
vulvaire, la péridurale doit être évitée ou stoppée le plus pré- T4 pour la chirurgie thoracique ;
cocement possible, en regard des risques de rétention aiguë T6-T8 pour la chirurgie sus-mésocolique ;
44
Anesth Reanim. 2023; 9: 40–47
Mise au point
Figure 1
Figure 2
l'analgésie et réduire les concentrations des AL, il est recom- harmonieuse des AL au sein de l'espace péridural et limitent
mandé d'associer aux AL de faibles doses d'opiacés liposolubles : le risque de mosaïque ou de latéralisation [36].
fentanyl 0,5 mg/mL, sufentanil 0,25 mg/mL. Ces opiacés ont
une action spinale et supra spinale par diffusion au travers de Que faire en cas d'effets adverses et
la dure-mère et l'arachnoïde. La morphine n'est pas recomman- modalité de surveillance au décours de la
dée (hydrosoluble), les autres adjuvants (clonidine) sont à éva- SSPI ?
luer au cas par cas. L'utilisation des cathéters multi perforés est En dehors de l'échec et du défaut d'analgésie (30 % des cas), la
recommandée car ils facilitent une distribution plus péridurale thoracique expose principalement au risque
45
Y. Gricourt, P.B. Vialatte, Z. Akkari, G. Avis, P. Cuvillon
Mise au point
d'hypotension artérielle (blocage sympathique étendu), ce qui En cas d'hypoventilation, il faut vérifier le niveau sensitif et
impose une surveillance régulière des paramètres vitaux (fré- arrêter l'APD si le niveau est trop étendu en céphalique (objectif
quence cardiaque et respiratoire, pression artérielle, saturation). < T4). Si le niveau est satisfaisant, il est préférable de diluer plus
Cette surveillance peut être réalisée en soins continus ou en les AL et limiter les doses d'opiacés administrés.
service (sous condition d'un protocole de service actualisé et de En cas de rétention urinaire, il est nécessaire de vérifier le niveau
personnels formés). L'oxygénothérapie préventive n'est pas et de diluer les AL (sondage si besoin après contrôle échogra-
systématique car elle limite la déambulation. En cas d'hypoten- phique du volume intra vésical) [36].
sion (PAM < 65 mmHg ou < 30 % de la valeur de base), il faut
vérifier le niveau sensitif, corriger une hypovolémie relative,
Conclusion
puis arrêter la perfusion si le niveau sensitif est trop étendu. Si le En 2023, sous couvert des programmes RAC et d'une analgésie
niveau sensitif est satisfaisant, il peut être utile de maintenir multimodale, l'analgésie péridurale thoracique reste une tech-
l'APD tout en privilégiant de diluer plus les AL et/ou d'introduire nique recommandée pour de nombreuses interventions tho-
un vasopresseur [36]. raco-abdominale (sus-mésocolique et colique) par thoracotomie
En cas d'analgésie insuffisante, il faudra tester le niveau sensitif ou laparotomie. À l'inverse, pour les chirurgies par cœlioscopie
et ajouter des boli si nécessaire (2 à 4 mL). En cas de niveau ou robotiques associées à des programmes de réhabilitation péri
adapté, il est souhaitable d'introduire un adjuvant (opiacé), puis opératoires, les blocs de paroi sont à privilégier.
si besoin d'envisager de replacer l'APD en cas d'échec et/ou de
Déclaration de liens d'intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de
douleur majeure persistante. Dans tous les cas, il faudra éliminer liens d'intérêts.
une complication chirurgicale.
Références
[1] Manion SC, Brennan TJ. or general anesthesia for major surgery: a Society of Cardiology Quality Indicators for the
Thoracic epidural analgesia and acute pain randomized trial. Anesthesiology Cardiovascular Preoperative Assessment and
management. Anesthesiology 2021;135:218–32. Management of patients considered for non-
2011;115:181–8. [8] Fant F, Tina E, Sandblom D, Andersson SO, cardiac surgery. Developed in collaboration
[2] Freise H, Van Aken HK. Risks and benefits Magnuson A, Hultgren-Hörnkvist E, et al. with the European Society of Anaesthesiology
of thoracic epidural anaesthesia. Br J Anaesth Thoracic epidural analgesia inhibits the neuro- & Intensive Care. Eur Heart J Qual Care Clin
2011;107:859–68. hormonal but not the acute inflammatory Outcomes 2022. http://dx.doi.org/10.1093/
[3] Perivoliotis K, Sarakatsianou C, Georgopou- stress response after radical retropubic pros- ehjqcco/qcac057. Epub ahead of print.
lou S, Tzovaras G, Baloyiannis I. tatectomy. Br J Anaesth 2013;110:747–57. [15] Klotz R, Larmann J, Klose C, Bruckner T,
Thoracic epidural analgesia (TEA) versus [9] Kawasaki T, Ogata M, Kawasaki C, Okamoto Benner L, Doerr-Harim C, et al. PAKMAN Trial.
patient-controlled analgesia (PCA) in laparo- K, Sata T. Effects of epidural anaesthesia on Gastrointestinal complications after pancrea-
scopic colectomy: a systematic review and surgical stress induced immunosuppression toduodenectomy with epidural vs patient-
meta-analysis. Int J Colorectal Dis during upper abdominal surgery. Br J Anaesth controlled intravenous analgesia: a rando-
2019;34:27–38. 2007;98:196–203. mized clinical trial. JAMA Surg 2020;155:
[4] Novak-Jankovič V, Markovič-Božič J. [10] Wink J, Veering BT, Aarts LPHJ, Wouters PF. e200794.
Regional anaesthesia in thoracic and abdom- Effects of thoracic epidural anesthesia on neu- [16] Guay J, Kopp S. Epidural pain relief versus
inal surgery. Acta Clin Croat 2019;58:96–100. ronal cardiac regulation and cardiac function. systemic opioid-based pain relief for abdom-
[5] Daghmouri MA, Chaouch MA, Oueslati M, Anesthesiology 2019;130:472–91. inal aortic surgery. Cochrane Database Syst
Rebai L, Oweira H. Regional techniques for [11] Weiss R, Pöpping DM. Rev 2016;1:CD005059.
pain management following laparoscopic Is epidural analgesia still a viable option for [17] Leslie K, Myles P, Devereaux P, Williamson E,
elective colonic resection: A systematic enhanced recovery after abdominal surgery. Rao-Melancini P, Forbes A, et al. Neuraxial
review. Ann Med Surg (Lond) 2021;72:103– Curr Opin Anaesthesiol 2018;31:622–9. block, death and serious cardiovascular mor-
24. [12] Beattie W, Badner N, Choi P. Epidural analge- bidity in the POISE trial. Br J Anaesth
[6] Du YT, Li YW, Zhao BJ, Guo XY, Feng Y, Zuo sia reduces postoperative myocardial infarc- 2013;111:382–90.
MZ, et al. Peking University Clinical Research tion: a meta-analysis. Anesth Analg [18] Blichfeldt-Eckhardt MR, Andersen C, Ørding
Program Study Group. Long-term survival 2001;93:853–8. H, Licht P, Toft P. From acute to chronic pain
after combined epidural-general anesthesia [13] Pirrera B, Alagna V, Lucchi A, Berti P, after thoracic surgery: the significance of dif-
or general anesthesia alone: follow-up of a Gabbianelli C, Martorelli G, et al. Transversus ferent components of the acute pain
randomized trial. Anesthesiology abdominis plane (TAP) block response. J Pain Research 2018;11:1541–8.
2021;135:233–45. versus thoracic epidural analgesia (TEA) in [19] Berna P, Quesnel C, Assouad J, Bagan P,
[7] Li YW, Li HJ, Li HJ, Zhao BJ, Guo XY, Feng Yet laparoscopic colon surgery in the ERAS pro- Etienne H, Fourdrain A, Le Guen M, et al.
al, Peking University Clinical Research Pro- gram. Surg Endosc 2018;32:376–82. Guidelines on enhanced recovery after pul-
gram Study Group.. Delirium in older patients [14] Gencer B, Gale CP, Aktaa S, Halvorsen S, monary lobectomy. Anaesth Critic Care Pain
after combined epidural-general anesthesia Beska B, Abdelhamid M, et al. European Med 2021;40:100791.
46
Anesth Reanim. 2023; 9: 40–47
Mise au point
[20] Yeung JH, Gates S, Naidu BV, Wilson MJ, Gao spinae and back again – a review of evidence. epidural or regional analgesia and patient-
Smith F. Paravertebral block versus thoracic Best Pract Res Clin Anaesthesiol 2019;33:67– controlled analgesia: a critical analysis of
epidural for patients undergoing thoracotomy. 77. patient data by the acute pain service in a
Cochrane Database of Systematic Reviews [26] De Cassai A, Boscolo A, Zarantonello F, university hospital. Clin J Pain 2016;32:681–8.
2016;2:CD009121. Piasentini E, Di Gregorio G, Munari M, [32] Cerantola Y, Valerio M, Persson B, Jichlinski P,
[21] Batchelor TJP, Rasburn NJ, Abdelnour-Berch- et al. Serratus anterior plane block for Ljungqvist O, Hubner M, et al. Guidelines for
told E, Brunelli A, Cerfolio RJ, Gonzalez M, video-assisted thoracoscopic surgery: a perioperative care after radical cystectomy for
Ljungqvist O, et al. Guidelines for enhanced meta-analysis of randomised controlled trials. bladder cancer: Enhanced Recovery After Sur-
recovery after lung surgery: recommenda- Eur J Anaesthesiol 2021;2:106–14. gery (ERAS(®)) society recommendations.
tions of the enhanced recovery after surgery [27] Kikuchi S, Kuroda S, Nishizaki M, Matsusaki Clin Nutr Edinb Scotl 2013;32:879–87.
(eras®) society and the european society of T, Kuwada K, Kimura Y, et al. Comparison of [33] Nelson G, Bakkum-Gamez J, Kalogera E,
thoracic surgeons (ests). Eur J Cardio-Thoracic the effects of epidural analgesia and patient- Glaser G, Altman A, Meyer LA, et al. Guide-
Surg 2019;55:91–115. controlled intravenous analgesia on post- lines for perioperative care in gynecologic/
[22] Feray S, Lubach J, Joshi GP, Bonnet F, Van de operative pain relief and recovery after oncology: Enhanced Recovery After Surgery
Velde M, the PROSPECT, the PROSPECT Work- laparoscopic gastrectomy for gastric cancer. (ERAS) Society recommendations-
ing Group of the European Society of Regional Surg Laparosc Endosc Percutan Tech 2019 update. Int J Gynecol Cancer Off J Int
Anaesthesia and Pain Therapy. Prospect 2019;29:405–8. Gynecol Cancer Soc 2019;29:651–68.
guidelines for video-assisted thoracoscopic [28] Zhu Z, Wang C, Xu C, Cai Q. Influence of [34] Jabaudon M, Belhadj-Tahar N, Rimmelé T,
surgery: a systematic review and proce- patient-controlled epidural analgesia versus Joannes-Boyau O, Bulyez S, Lefrant J-Y, et al.
dure-specific postoperative pain manage- patient-controlled intravenous analgesia on Thoracic epidural analgesia and mortality in
ment recommendations. Anaesthesia postoperative pain control and recovery after acute pancreatitis: a multicenter propensity
2022;77:311–25. gastrectomy for gastric cancer: a prospective analysis. Crit Care Med 2018;46:e198–205.
[23] Piccioni F, Droghetti A, Bertani A, Coccia C, randomized trial. Gastric Cancer 2013;16:193– [35] Boezaart AP, Smith CR, Chembrovich S,
Corcione A, Guido Corsico A, Crisci R, et al. 200. Zasimovich Y, Server A, Morgan G, et al.
Recommendations from the italianintersoci- [29] Salicath JH, Yeoh EC, Bennett MH. Epidural Visceral versus somatic pain: an
ety consensus on perioperative anesthesa analgesia versus patient-controlled intrave- educational review of anatomy and clinical
care in thoracic surgery (pacts) part 2: intrao- nous analgesia for pain following intra- implications. Reg Anesth Pain Med
perative and postoperative care. Periopera- abdominal surgery in adults. Cochrane Data- 2021;46:629–36.
tive Medicine 2020;9:31. base Syst Rev 2018;8:CD010434. [36] Girsberger SA, Schneider MP, Löffel LM,
[24] Guerra-Londono CE, Privorotskiy A, Cozowicz [30] Terkawi AS, Tsang S, Kazemi A, Morton S, Burkhard FC, Wuethrich PY. Effect
C, Hicklen RS, Memtsoudis SG, Mariano ER, Luo R, Sanders DT, et al. A clinical comparison of thoracic epidural ropivacaine versus bupi-
et al. Cata. Assessment of intercostal nerve of intravenous and epidural local anesthetic vacaine on lower urinary tract function: a
block analgesia for thoracic surgery: a sys- for major abdominal surgery. Reg Anesth Pain randomized clinical trial. Anesthesiology
tematic review and meta-analysis. JAMA Net- Med 2016;41:28–36. 2018;128:511–9.
work Open 2021;11:e2133394. [31] Van Boekel RL, Vissers KC, Van de Vossenberg
[25] Chin KJ. Thoracic wall blocks: from paraver- G, De Baat-Ananta M, Van der Sande R,
tebral to retrolaminar to serratus to erector Scheffer GJ, Steegers MA. Comparison of
47
Anesth Reanim. 2023; 9: 48–55
Mise au point
ALR et oncologie : il est temps de changer
d'hypothèse
Correspondance :
Jamie Elmawieh, Gustave Roussy, Département d'Anesthésie, Chirurgie et
Radiologie Interventionnelle, Villejuif 94805, France.
Jamie.elmawieh@gustaveroussy.fr
Keywords Summary
Regional anesthesia
Surgery ALR and oncology: Time to change assumptions
Tumor
Regional anesthesia techniques are associated with opioid sparing, a decrease in the minimum
Survival
alveolar concentration of halogenated agents and a reduction in the response to stress induced
by surgery and perioperative inflammation. However, randomized clinical studies as well as
recent meta-analyses fail to find this favorable role of regional anesthesia in the oncological
prognosis. The goal of this paper is to review the methodological difficulties encountered in
evaluating this hypothesis and to propose the "Return to intended oncologic therapy'' (RIOT) as a
metric to better reflect the place of locoregional anesthesia in the overall management of a
patient undergoing oncological surgery.
Mise au point
Abbreviations d'activer toutes les modalités de mort cellulaire (apoptose,
ALR, Anesthésie nécrose, nécroptose, ou encore ferroptose. . .) provoquant l'arrêt
locorégionale du cycle cellulaire soit directement soit indirectement par inhi-
CAM, Concentration bition des cyclines ou des kinases associées aux cyclines [3]. Ils
alvéolaire mininimale entrainent également des stress pré-mortem tels que le stress
RIOT, Return to intended du réticulum endoplasmique, dû au blocage calcique de la
oncologic therapy pompe SERCA (sarco/endoplasmic reticulum Ca2+-ATPase) et
BPV, Bloc paravertébral à la variation de la concentration intracellulaire en calcium
AG, Anesthésie générale qui s'ensuit. Cela mène au dysfonctionnement et à la destruc-
TIVA, Total intravenous tion physique des mitochondries, amenant à l'arrêt de la chaîne
anesthesia respiratoire et de la production d'adénosine triphosphate (ATP)
et à l'induction des voies de l'autophagie [4–6]. Le blocage des
canaux calciques par les AL induit en parallèle des perturbations
dans les microfilaments d'actine du cytosquelette, freinant la
Introduction
migration et la dissémination des cellules cancéreuses [7,8]. Les
Le période péri-opératoire est à risque de dissémination de AL peuvent également induire des changements épigénétiques
cellules cancéreuses, en raison : (par inhibition de la DNA méthyl-transférase, par interaction
de la manipulation tumorale per-opératoire qui pourrait favo-
avec l'acétylation des histones ou par la modification de
riser la migration des cellules tumorales dans la circulation l'expression de micro RNAs) [9]. Ces variations permettent de
sanguine. Toutefois, la chirurgie est une étape fondamentale réactiver l'expression de certains gènes suppresseurs de
dans la prise en charge d'un patient ayant une tumeur solide ; tumeurs [10]. Enfin, les AL interagissent avec les métallo-pro-
du « stress chirurgical », à l'origine de la sécrétion d'inter-
téinases de la matrice extracellulaire induisant ainsi un effet
leukines inflammatoires (IL-2 et IL-8) et d'une immunosup- anti-invasif [11,12]. Il est intéressant de noter que l'association
pression avec baisse de l'IFN gamma ; entre AL et traitements anti-cancéreux conventionnels de type
de la douleur, l'hypothermie, la transfusion et les agents
chimiothérapie induit in vitro un effet synergique anti-tumoral
halogénés. . .associés à une altération de la défense [13].
immunitaire.
Les techniques d'anesthésie locorégionale (ALR) sont associées Action indirecte des anesthésiques locaux
à une épargne morphinique, une meilleure prise en charge de la Des travaux très récemment publiés ont démontré pour la
douleur, une baisse de la concentration alvéolaire minimale première fois que les AL stimulaient le système immunitaire
(CAM) des agents halogénés et une réduction de la réponse et créaient une réponse immune anti-tumorale. Dans l'étude de
au stress induite par la chirurgie et l'inflammation péri-opéra- Bezu et al., les auteurs ont observé que les AL avaient la
toire [1]. Les revues systématiques et les méta-analyses concer- propriété d'induire une mort cellulaire dite immunogène. Après
nant la place de l'ALR dans le pronostic carcinologique sont traitement, les cellules tumorales mourantes ont libéré dans
abondantes. L'objectif de ce papier n'est pas d'en faire une l'espace extra-cellulaire des molécules d'ATP et d'HMGB1 (High
en plus, mais de faire le point sur les difficultés méthodologi- Mobility Group Box 1) [4]. Ces deux molécules de danger ou
ques rencontrées en expérimental et en clinique pour évaluer encore DAMPs (Danger-Associated Molecular Patterns) sont
cette hypothèse. impliquées dans l'autophagie et la mort cellulaire. Elles sont
également bien connues des onco-immunologistes pour recru-
Des preuves fondamentales ?
ter et activer les cellules dendritiques immatures. Après matu-
Depuis une dizaine d'années, la littérature s'est enrichie de
ration, les cellules dendritiques phagocytent les cellules
travaux expérimentaux cherchant à décrire les mécanismes
tumorales, puis exposent à leur surface les antigènes tumoraux
moléculaires et cellulaires par lesquels les anesthésiques locaux
pour les présenter aux cellules T cytotoxiques. Ces dernières
(AL) pourraient exercer une action anti-tumorale. De nombreu-
pourront ensuite lyser les cellules cancéreuses résiduelles et
ses études précliniques indiquent à présent une double action
générer une mémoire immunitaire spécifique, diminuant en
à la fois directe, sur les cellules tumorales, et indirecte, par la
conséquence le risque de récidives [14]. Dans l'étude de Bezu
stimulation du système immunitaire et par la diminution de la
et al., le traitement in vitro par la lidocaïne ou la ropivacaïne a
consommation d'agents potentiellement pro-tumoraux tels que
bien activé la phagocytose de cellules de fibrosarcome par les
les opioïdes et les halogénés.
cellules dendritiques. In vivo, l'injection d'AL aux concentrations
Action directe des AL usuelles en clinique a même permis de freiner la croissance de
Les AL agissent sur de nombreux mécanismes cellulaires [2]. plusieurs modèles tumoraux murins et d'améliorer la survie de
D'importants essais ont révélé que les AL étaient capables souris immunocompétentes. L'étude de l'infiltrat tumoral a
49
J. Elmawieh, L. Bezu, S. Suria, L. Bordenave
Mise au point
TABLEAU I
Études randomisées évaluant la place de l'ALR dans le pronostic oncologique.
BPV : bloc paravertébral; AG : anesthésie générale; ALR : anesthésie locorégionale; TIVA : total intravenous anesthesia ; OR : odds ratio ; HR : hazard ratio ; RR : relative risk
50
Anesth Reanim. 2023; 9: 48–55
Mise au point
révélé un enrichissement significatif en lymphocytes T CD8+ C'est également le cas des méta-analyses récentes d'études
activés et une diminution des effecteurs immunosuppresseurs observationnelles (tableau III) [25]. Une méta-analyse mixte
de type TReg CD4+Foxp3+. La disparition des effets anti-tumo- publiée en 2021 (tableau IV) montre la différence des résultats
raux chez les souris immunodéprimées nu/nu souligne l'impli- entre les études randomisées et les études observationnelles
cation nécessaire d'une réponse active du système immunitaire. [26].
Enfin, l'association avec une immunothérapie systémique a
significativement potentialisé les effets anti-tumoraux des AL Mais est-on en train de poser la bonne
et a même totalement guéri quelques souris. Le re-challenge de question ?
ces souris n'a pas permis de générer de nouvelles tumeurs Les études prospectives ont donc globalement échoué à montrer
suggérant la création d'une mémoire immunitaire spécifique une place bénéfique de l'ALR sur la survie et la récidive en
[4]. chirurgie carcinologique. Ces résultats négatifs sur la survie et la
récidive ne clôturent pas du tout la question ! L'évaluation du
De la difficulté à confirmer les données rôle de l'ALR dans la prise en charge globale du patient ne peut
expérimentales en clinique pas être limitée à la seule question de survie ou de récidive, la
Si les études in vitro montrent bien un effet antiprolifératif des prise en charge anesthésique étant très ponctuelle dans le
AL [15–17], leurs transpositions en études cliniques étudiant parcours global du patient. Avec la grande hétérogénéité des
l'effet de l'ALR ne sont pas aussi concluantes. Les résultats des patients et des types histologiques de cancer, il est très peu
études sont hétérogènes car, si initialement, beaucoup d'études probable qu'une seule intervention comme l'ALR puisse être
rétrospectives ont décrit un rôle bénéfique de l'ALR sur le universellement efficace. À titre d'exemple, la myriade de
pronostic carcinologique, peu d'études randomisées ont permis récepteurs exprimés par les sous populations cellulaires des
de retrouver cet effet. Les méta-analyses d'études randomisées tumeurs du sein illustre ces difficultés, rendant la gestion des
disponibles sur le sujet sont à ce jour décevantes, voir négatives. chimiothérapies complexes et la nécessité de traitement anti
Les techniques d'ALR dont l'impact en oncologie a été le plus tumoral souvent en combinaison (chimio néoadjuvante, chimio-
étudié sont les anesthésies neuraxiales : péridurales et blocs thérapie postopératoire, immunothérapie, radiothérapie. . .).
paravertébraux. Ceci se comprend bien car ces techniques sont Après une chirurgie carcinologique, les complications postopé-
associées à un bloc sympathique, et donc théoriquement à une ratoires retarderont la reprise du plan thérapeutique oncolo-
diminution de la réponse du système sympathique au stress gique. L'autre bénéfice connu de l'ALR est l'amélioration de la
chirurgical et à une épargne morphinique (les opiacés ayant un réhabilitation postopératoire. Cette réhabilitation plus rapide en
effet immunosuppresseur). postopératoire permettrait, le plus rapidement possible, le
En général, les études randomisées (tableau I) et les méta- « Retour au traitement oncologique prévu ». C'est ce qui est
analyses portant sur des essais randomisés (tableau II) ne appelé dans la terminologie anglo-saxonne « Return to inten-
trouvent pas d'association entre une amélioration du pronostic ded oncologic therapy » (RIOT). C'est ce retour au traitement
oncologique et la réalisation d'une ALR chez les patients [18–24]. oncologique prévu (reprise de la chimiothérapie et de
TABLEAU II
Méta-analyses des études randomisées : survie et récurrence tumorale
OR : odds ratio
51
J. Elmawieh, L. Bezu, S. Suria, L. Bordenave
Mise au point
TABLEAU III
Exemple de Méta-analyse « négative » des études observationnelles
TABLEAU IV
Méta-analyse « mixte » : études randomisées et cohortes observationnelles
HR : hazard ratio
TABLEAU V
Association RIOT et pronostic
Aloia et al. J Surg L'incapacité au RIOT en postopératoire dans les délais initialement prévus est associée à une Significative
Oncology.2014 [28] diminution significative de :
La survie globale
HR ajusté = 2,07 ; p = 0,005
La survie sans maladie
HR ajusté = 2,16 ; p = 0,038
Les facteurs de risque associés à une incapacité au RIOT :
Des régimes de chimiothérapies multiples en préopératoire
OR = 5,9 ; p = 0,039
Les complications postopératoires
OR = 2,0 ; p = 0,039
L'hypertension
Ramos et al. J L'incapacité au RIOT en postopératoire dans les délais initialement prévus est associée à une Significative
Gastrointest diminution significative de :
Surg. 2020 [29] La survie sans maladie ; p = 0,008
La survie globale ; p = 0,004
Et ceci indépendamment de l'absence d'un traitement néoadjuvant, de l'âge et des
complications chirurgicales postopératoires.
52
Anesth Reanim. 2023; 9: 48–55
Mise au point
Figure 1
Place du RIOT "Return to
intended oncologic therapy''
comme facteur intermédiaire
radiothérapie, etc. au temps prévu selon le plan thérapeutique carcinologique) (figure 1). La librairie « médiation » du logiciel
initialement prédéterminé) qui mettra toutes les chances du statistique R permet ce genre d'analyse, comme suggéré dans
côté du patient, plus que la simple épargne morphinique l'exemple de la figure 1 [30].
escomptée par l'ALR [27–29].
53
J. Elmawieh, L. Bezu, S. Suria, L. Bordenave
Mise au point
TABLEAU VI
Association « anesthésiques locaux » et RIOT
que le bloc interscalénique a un effet « somnifère » mais bien période périopératoire pour améliorer la réhabilitation des
parce qu'il diminue la douleur, et que le patient, ainsi mieux patients (dont la gestion de la douleur), et c'est sans doute
soulagé, va pouvoir mieux dormir. » [31] cet argument principal qui doit prévaloir. L'optimisation de
Si ce n'est pas l'ALR qui diminue la récidive en elle-même, elle l'ensemble des autres paramètres (gestion de l'anémie, nutri-
pourrait avoir un effet par le biais d'une diminution du délai de tion, réhabilitation, aide sociale et psychologique. . .), impliqués
reprise du plan thérapeutique et un retour plus précoce au RIOT. dans la prise en charge en anesthésie (médecine périopéra-
C'est donc cette « nouvelle » métrique qui peut être un meilleur toire) des patients pour chirurgie carcinologique est probable-
critère de jugement de substitution (surrogate endpoint) et qui ment à recommander. Cette approche multimodale contribuera
doit être le pivot de l'évaluation périopératoire des techniques au global à améliorer le pronostic des patients.
anesthésiques en chirurgie oncologique.
Le problème de la majorité des études est donc avant tout un
Conclusion
problème méthodologique concernant le choix du bon critère de En tant que médecins anesthésistes-réanimateurs impliqués
jugement. Autrement dit, il est fort probable que « nous ne dans la médecine périopératoire, nous devons nous poser les
sommes pas en train de poser la bonne question ni de faire la bonnes questions en évaluant les techniques anesthésiques
bonne hypothèse » [32]. proposées à nos patients. Le « RIOT » paraît donc comme un
À titre d'exemple, une étude publiée en 2020 s'intéresse à cette critère de jugement convenable permettant de mieux refléter la
relation entre l'utilisation d'un « anesthésique local » et le RIOT place de l'ALR dans la prise en charge globale d'un patient
(tableau VI) [33]. Les prochaines études prospectives qui per- devant avoir une chirurgie carcinologique au sein d'une appro-
mettraient peut-être d'établir le rôle de l'ALR dans une chirurgie che multi modale qui optimise la réhabilitation.
carcinologique doivent choisir le RIOT comme critère de
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
jugement. liens d'intérêts.
Références
[1] Müller SD, Ziegler JSH, Piegeler T. Local [3] Chen J, Jiao Z, Wang A, Zhong W. Lidocaine [5] Dan J, Gong X, Li D, Zhu G, Wang L, Li F.
anesthetics and recurrence after cancer sur- inhibits melanoma cell proliferation by regu- Inhibition of gastric cancer by local anesthetic
gery-what's new? A narrative review. J Clin lating ERK phosphorylation. J Cell Biochem bupivacaine through multiple mechanisms
Med 2021;10:719. http://dx.doi.org/ 2019;120:6402–8. http://dx.doi.org/ independent of sodium channel blockade.
10.3390/jcm10040719. 10.1002/jcb.27927. Biomed pharmacother 2018;103:823–8.
[2] Wu Chuang A, Kepp O, Kroemer G, Bezu L. [4] Bezu L, Wu Chuang A, Sauvat A, Humeau J, http://dx.doi.org/10.1016/j.
Direct cytotoxic and indirect, immune-mediated Xie W, Cerrato G, et al. Local anesthetics elicit biopha.2018.04.106.
effects of local anesthetics against cancer. Fron- immune-dependent anticancer effects. J [6] Sun D, Li YC, Zhang XY. Lidocaine promoted
tiers Oncol 2021;11:821785. http://dx.doi.org/ Immunother Can 2022;10(4). http://dx.doi. ferroptosis by targeting miR-382-5p/
10.3389/fonc.2021.821785. org/10.1136/jitc-2021-004151. SLC7A11 axis in ovarian and breast cancer.
54
Anesth Reanim. 2023; 9: 48–55
Mise au point
Frontiers Pharmacol 2021;12:681223. http:// after sevoflurane or ketamine-xylazine general anaesthesia on cancer recurrence
dx.doi.org/10.3389/fphar.2021.681223. anaesthesia for breast tumour resection in rate: A systematic review and meta-analysis
[7] D'Agostino G, Saporito A, Cecchinato V, a murine model. Br J Anaesth 2018;121 with trial sequential analysis. J Clin Anesth
Silvestri Y, Borgeat A, Anselmi L, et al. (1):76–85. http://dx.doi.org/10.1016/j. 2020;67:110023. http://dx.doi.org/
Lidocaine inhibits cytoskeletal remodelling bja.2017.12.043. 10.1016/j.jclinane.2020.110023.
and human breast cancer cell migration. Br [17] Sun H, Sun Y. Lidocaine inhibits proliferation [26] Zhang YL, Pei LJ, Sun C, Zhao MY, Che L,
J Anaesth 2018;121(4):962–8. http://dx.doi. and metastasis of lung cancer cell via regula- Huang YG. Regional anesthesia and cancer
org/10.1016/j.bja.2018.07.015. tion of miR-539/EGFR axis. Artif Cells recurrence in patients with late-stage cancer:
[8] Yoon JR, Whipple RA, Balzer EM, Cho EH, Nanomed Biotechnol 2019;47(1):2866–74. a systematic review and meta-analysis. Chin
Matrone MA, Peckham M, et al. Local anes- http://dx.doi.org/10.1080/ Med J (Engl) 2021;134(20):2403–11. http://
thetics inhibit kinesin motility and microten- 21691401.2019.1636807. dx.doi.org/10.1097/
tacle protrusions in human epithelial and [18] Sessler DI, Pei L, Huang Y, Fleischmann E, CM9.0000000000001676 [Published 2021].
breast tumor cells. Breast Cancer Res Treat Marhofer P, Kurz A, et al. Recurrence of breast [27] Hofstetter G, Concin N, Braicu I, et al. The
2011;129(3):691–701. http://dx.doi.org/ cancer after regional or general anaesthesia: time interval from surgery to start of che-
10.1007/s10549-010-1239-7. a randomised controlled trial. Lancet motherapy significantly impacts prognosis
[9] Sui H, Lou A, Li Z, Yang J. Lidocaine inhibits 2019;394:1807–15. http://dx.doi.org/ in patients with advanced serous ovarian car-
growth, migration and invasion of gastric 10.1016/S0140-6736(19)32313-X. cinoma–analysis of patient data in the pro-
carcinoma cells by up-regulation of miR- [19] Karmakar MK, Samy W, Lee A, et al. Survival spective OVCAD study. Gynecol Oncol
145. BMC cancer 2019;19(1):233. http:// analysis of patients with breast cancer under- 2013;131(1):15–20. http://dx.doi.org/
dx.doi.org/10.1186/s12885-019-5431-9. going a modified radical mastectomy with or 10.1016/j.ygyno.2013.07.086.
[10] Bezu L, Kepp O, Kroemer G. Impact of local without a thoracic paravertebral block: a 5- [28] Aloia TA, Zimmitti G, Conrad C, Gottumukalla
anesthetics on epigenetics in cancer. Frontiers year follow-up of a randomized controlled V, Kopetz S, Vauthey JN. Return to intended
Oncol 2022;12:849895. http://dx.doi.org/ trial. Anticancer Res 2017;37(10):5813–20. oncologic treatment (RIOT): a novel metric for
10.3389/fonc.2022.849895. http://dx.doi.org/10.21873/ evaluating the quality of oncosurgical therapy
[11] Wada H, Seki S, Takahashi T, Kawarabayashi anticanres.12024. for malignancy. J Surg Oncol 2014;110(2):107–
N, Higuchi H, Habu Y, et al. Combined spinal [20] Tsui BC, Rashiq S, Schopflocher D, et al. 14. http://dx.doi.org/10.1002/jso.23626.
and general anesthesia attenuates liver Epidural anesthesia and cancer recurrence [29] Ramos MFKP, de Castria TB, Pereira MA, et al.
metastasis by preserving TH1/TH2 cytokine rates after radical prostatectomy. Can J Return to intended oncologic treatment
balance. Anesthesiology 2007;106(3):499– Anaesth 2010;57(2):107–12. http://dx.doi. (RIOT) in resected gastric cancer patients. J
506. http://dx.doi.org/10.1097/00000542- org/10.1007/s12630-009-9214-7. Gastrointest Surg 2020;24(1):19–27. http://
200703000-00014. [21] Xu ZZ, Li HJ, Li MH, et al. Epidural anesthesia- dx.doi.org/10.1007/s11605-019-04462-z.
[12] Piegeler T, Schlapfer M, Dull RO, Schwartz analgesia and recurrence-free survival after [30] Tingley D, Yamamoto T, Hirose K, Keele L,
DE, Borgeat A, Minshall RD, et al. Clinically lung cancer surgery: a randomized trial. Imai K. Mediation: R package for causal
relevant concentrations of lidocaine and ropi- Anesthesiology 2021;135(3):419–32. http:// mediation analysis. Journal of Statistical Soft-
vacaine inhibit TNFalpha-induced invasion of dx.doi.org/10.1097/ ware 2014;59(5):1–38. http://dx.doi.org/
lung adenocarcinoma cells in vitro by blocking ALN.0000000000003873. 10.18637/jss.v059.i05.
the activation of Akt and focal adhesion [22] Du YT, Li YW, Zhao BJ, et al. Long-term [31] Levy J, Lebeaux R, Christensen B, Tosteson T,
kinase. Br J Anaesth 2015;115(5):784–91. survival after combined epidural-general Bryan Y. ourney across epidemiology's third
http://dx.doi.org/10.1093/bja/aev341. anesthesia or general anesthesia alone: fol- variables: an anesthesiologist's guide for suc-
[13] Li K, Yang J, Han X. Lidocaine sensitizes the low-up of a randomized trial. Anesthesiology cessfully navigating confounding, mediation,
cytotoxicity of cisplatin in breast cancer cells 2021;135(2):233–45. http://dx.doi.org/ and effect modification [published correction
via up-regulation of RARbeta2 and RASSF1A 10.1097/ALN.0000000000003835. appears in Reg Anesth Pain Med. 2021;46
demethylation. Int J Mol Sci 2014;15 [23] Finn DM, Ilfeld BM, Unkart JT, et al. Post- (11):935]. Reg Anesth Pain Med 2021;46
(12):23519–36. http://dx.doi.org/10.3390/ mastectomy cancer recurrence with and (11):936–40. http://dx.doi.org/10.1136/
ijms151223519. without a continuous paravertebral block in rapm-2020-101984.
[14] Kroemer G, Galluzzi L, Kepp O, Zitvogel L. the immediate postoperative period: a pro- [32] Nair AS, Naik V, Saifuddin MS, Narayanan H,
Immunogenic cell death in cancer therapy. spective multi-year follow-up pilot study of a Rayani BK. Regional anesthesia prevents
Annu Rev Immunol 2013;31:51–72. http:// randomized, triple-masked, placebo-con- cancer recurrence after oncosurgery ! What
dx.doi.org/10.1146/annurev-immunol- trolled investigation. J Anesth 2017;31 is wrong with the hypothesis? Indian J Cancer
032712-100008. (3):374–9. http://dx.doi.org/10.1007/ 2021;58(3):447–54. http://dx.doi.org/
[15] Xing W, Chen DT, Pan JH, et al. Lidocaine s00540-017-2345-z. 10.4103/ijc.IJC_331_20.
induces apoptosis and suppresses tumor [24] Lee ZX, Ng KT, Ang E, Wang CY, Binti [33] Hayden JM, Oras J, Block L, et al. Intraper-
growth in human hepatocellular carcinoma Shariffuddin II. Effect of perioperative regio- itoneal ropivacaine reduces time interval to
cells in vitro and in a Xenograft model in vivo. nal anesthesia on cancer recurrence: A meta- initiation of chemotherapy after surgery for
Anesthesiology 2017;126(5):868–81. http:// analysis of randomized controlled trials. Int J advanced ovarian cancer: randomised con-
dx.doi.org/10.1097/ Surg 2020;82:192–9. http://dx.doi.org/ trolled double-blind pilot study. Br J Anaesth
ALN.0000000000001528. 10.1016/j.ijsu.2020.08.034. 2020;124(5):562–70. http://dx.doi.org/
[16] Johnson MZ, Crowley PD, Foley AG, et al. [25] Ang E, Ng KT, Lee ZX, Ti LK, Chaw SH, Wang 10.1016/j.bja.2020.01.026.
Effect of perioperative lidocaine on metastasis CY. Effect of regional anaesthesia only versus
55
Anesth Reanim. 2023; 9: 56–60
Disponible sur internet le : 1. Lapeyronie University Hospital, Trauma Critical Care Unit, Montpellier, France
22 décembre 2022 2. Regional Network of Medical Organization and Management for Severe Trauma
in Occitanie, OcciTRAUMA Network, hôpital Lapeyronie, Montpellier, France
Correspondance :
Hugues Weber, Hôpital Lapeyronie, département d'anesthésie réanimation
Lapeyronie, 371, avenue du Doyen G.-Giraud, 34295 Montpellier, France.
h-weber@chu-montpellier.fr
Mots clés
Observation
Analgésie
Analgésie loco-regionale Un homme de 50 ans, sans antécédent, a été admis dans un
Réanimation centre de traumatologie de niveau 1 au décours d'un accident de
Traumatisme sévère la voie publique. L'examen clinique d'admission retrouvait un
Keywords état neurologique et hémodynamique stable, une saturation en
Analgesia oxygène à 89 % sous oxygénothérapie au masque haute
Loco-regional analgesia concentration, ainsi qu'une polypnée associée à un volet costal
Intensive Care Unit droit douloureux et une diminution du murmure vésiculaire en
Severe trauma regard. Le bilan lésionnel retrouvait des contusions pulmonaires
au lobe moyen droit, des fractures de côtes (arcs antérieurs et
latéraux de K1 à K9 droites), un hématome minime dans le
mésosigmoïde et une fracture comminutive du calcanéum
ouverte Cauchoix 1 (figure 1).
Introduction La stratégie chirurgicale proposée a alors été une stabilisation
Si les techniques d'analgésie locorégionale se sont largement précoce et définitive du foyer de fracture calcanéen droit par
imposées dans le contexte périopératoire, elles demeurent peu plaques vissées sous anesthésie générale. En postopératoire, le
employées en réanimation. Pourtant, l'analgésie locorégionale patient a ensuite été transféré intubé-ventilé en service de
est un outil clé pour réduire la consommation de dérivés mor- réanimation. Son séjour a été marqué par une pneumopathie
phiniques dans de nombreuses situations cliniques, ainsi que les acquise sous ventilation mécanique traitée efficacement par
effets secondaires liés à leur utilisation. antibiothérapie adaptée (amoxicilline – acide clavulanique).
À la 48e heure suivant son admission, l'amélioration respiratoire à l'utilisation de ces cathéters n'a été rapportée. Le patient a
permettait d'envisager un sevrage de la ventilation mécanique. été transféré au 10e jour en secteur d'orthopédie pour la suite de
Devant une insuffisance de l'analgésie systémique associant la prise en charge.
Paracétamol, Néfopam et Morphine, la pose d'un cathéter péri-
dural en regard de T5-T6 a alors été réalisée dans le but de Commentaires
réduire la douleur thoracique pariétale. La Ropivacaïne à la La large utilisation des techniques d'analgésie locorégionale en
concentration de 2 mg/mL était administrée de façon continue situation périopératoire repose sur des bénéfices qui ne sont
dans l'espace péridurale à un débit de 14 mg/h, avec la possi- plus à démontrer, notamment pour la gestion de la douleur post-
bilité de boli auto-contrôlés par le patient de 8 mg autorisés chirurgicale [1]. Celle-ci permet, en effet, de réduire les nom-
toutes les 20 minutes. Parallèlement, un bloc analgésique du breux effets néfastes liées à la douleur et la consommation de
nerf sciatique par voie poplitée échoguidée (mépivacaïne dérivés morphiniques (nausées, iléus, dépression respiratoire,
1,5 mg/mL, 20 mL) avec mise en place d'un cathéter (débit delirium, dépendance aux opioïdes ou apparition de douleur
continu de ropivacaïne 2 mg/mL à la posologie de 8 mg/h) a chronique). Cette réduction peut attendre jusqu'à 40 % de
été effectué. La consommation opioïde journalière du patient, consommation d'opioïdes dans certaines séries. L'utilisation
évaluée en équivalent morphinique intraveineux, a été réduite des techniques d'analgésie péri-nerveuse périphérique est éga-
de 17 à 6 mg après la réalisation des blocs. La réduction du score lement associée une diminution des nausées, de la sédation et
de douleur (échelle numérique) au repos de 6 à 2, rapidement du prurit par rapport à l'utilisation d'opioïdes seuls [2]. Pour
obtenue sur les deux sites, a permis l'extubation du patient autant, en situation de soins critiques, et particulièrement en
2 heures après l'introduction des anesthésiques locaux contexte de polytraumatologie, l'utilisation de l'analgésie loco-
(figure 2). Cette analgésie a ensuite perduré durant 8 jours grâce régionale reste très peu décrite alors qu'à l'inverse, l'incidence
à l'utilisation des deux cathéters. Aucune complication liée de la douleur chez ces patients demeurent élevée [3,4].
57
H. Weber, J. Charbit, X. Capdevila
Plusieurs études relèvent la bonne faisabilité des techniques patients traumatisés thoraciques par péridurale par rapport aux
d'analgésie locorégionale en service de soins critiques [5]. opioïdes intraveineux, les patients du groupe opioïdes systémi-
Cependant, certaines conditions spécifiques à la réanimation, ques présentaient 6 fois plus de risques (IC à 95 % 1,0–35) de
telles que les états septiques, les perturbations de l'hémostase développer une pneumonie après ajustement avec la présence
liées aux pathologies aiguës ou bien pharmacologiquement de lésions pulmonaires [7]. Une large étude de cohorte rétro-
induites, ainsi que les restrictions de mobilisation des patients spective de plus de 800 patients traumatisés thoraciques rap-
peuvent constituer une limitation à l'utilisation de ces techni- porte, par ailleurs, une réduction significative de la mortalité
ques [6]. Dans un essai contrôlé randomisé comparant l'anal- à 1 mois et 1 an chez les patients bénéficiant de l'analgésie
gésie systémique opioïde à l'utilisation d'une analgésie péridurale (rapports de côtes respectifs de 0,08 [IC à 95 % 0,01–
péridurale chez 408 patients traumatisés sévères (ISS 25 8) 0,43] et 0,12 [IC à 95 % 0,04–0,42]) [10]. D'autres approches
avec atteintes thoraciques, un tiers des patients n'ont pu béné- d'analgésie locorégionale ont également été proposées pour la
ficier d'un cathéter péri-médullaire en raison de la présence de prise en charge des lésions thoraciques post-traumatiques et
fractures rachidiennes au bilan lésionnel, près de 2 % en raison postopératoires telles que le bloc paravertébral, le bloc du fascia
d'une coagulopathie associée, et 1 % devant une instabilité exothoracique ou les blocs intercostaux [11]. Ces techniques,
hémodynamique [7]. apparaissant possiblement moins efficaces que le cathéter péri-
Par ailleurs, les patients de réanimations sont soumis à une dural, présentent néanmoins l'avantage sécuritaire de ne pas
immunodéficience acquise faisant redouter des complications intéresser l'espace rachidien, réduisant le risque d'hématome
infectieuses en rapport avec l'insertion et le maintien prolongé épidural ou d'infection péri-médullaire. Ces techniques sem-
des cathéters, y compris péri-nerveux. L'incidence des infections blent induire moins de sympatholyse avec hypotension arté-
locales liées aux cathéters péri-nerveux semble plus importante rielle [12].
chez les patients de soins critiques ou traumatisés sévères par L'utilisation de l'analgésie locorégionale péridurale dans le cadre
rapport à la population de postopératoire programmé. Cepen- des pathologies abdominales sévères a largement été décrite.
dant, cette incidence reste inférieure à 3 % dans la littérature Dans une série observationnelle multicentrique française décri-
[8]. Dans le cadre de l'analgésie péridurale, la tunnelisation vant l'usage du cathéter péridural en service de réanimation,
sous-cutanée du cathéter permettrait de réduire ce taux d'infec- celui-ci était associé à une bonne faisabilité, sans évènement
tion [9]. indésirable notable chez les 107 patients atteints d'une patho-
Les traumatismes thoraciques sont connus pour induire des logie abdominale grave qui en bénéficiaient [5]. Dans cette
douleurs aiguës importantes et susceptibles d'altérer la méca- série, 3 des patients concernés étaient hospitalisés dans le cadre
nique ventilatoire et d'inhiber la toux. Ce phénomène est la d'un traumatisme abdominal sévère nécessitant une prise en
source d'une importante morbi-mortalité, notamment en ter- charge chirurgicale. Une méta-analyse Cochrane de 2016, éva-
mes de formations d'atélectasies et de pneumopathies. L'anal- luant les effets de l'association d'une analgésie péridurale
gésie péridurale thoracique dans ce cadre a prouvé sa à l'anesthésie générale, dans le cadre des chirurgies abdomi-
supériorité par rapport à une analgésie intraveineuse en termes nales majeures, a rapporté une diminution de la douleur post-
de gestion de la douleur et de réduction de ces complications opératoire (réduction équivalente à 2,5 sur une échelle de 0 à
pulmonaires. Dans un essai randomisé comparant l'analgésie de 10), une accélération du retour du transit gastro-intestinal
58
Anesth Reanim. 2023; 9: 56–60
Références
[1] Pöpping DM, Elia N, Van Aken HK, et al. superior pain control to opioids? A meta-ana- patients. Anesthesiology 2007;107:858–60.
Impact of epidural analgesia on mortality and lysis. Anesth Analg 2006;102:248–57. http:// http://dx.doi.org/10.1097/01.
morbidity after surgery: systematic review dx.doi.org/10.1213/01. anes.0000287211.98642.51.
and meta-analysis of randomized controlled ANE.0000181289.09675.7D. [4] Stundner O, Memtsoudis SG. Regional
trials. Ann Surg 2014;259:1056–67. http:// [3] Chanques G, Sebbane M, Barbotte E, Viel E, anesthesia and analgesia in critically ill
dx.doi.org/10.1097/ Eledjam JJ, Jaber S. A prospective study of patients: a systematic review. Regional
SLA.0000000000000237. pain at rest: incidence and characteristics of Anesth Pain Med 2012;37:537–44. http://
[2] Richman JM, Liu SS, Courpas G, et al. Does an unrecognized symptom in surgical and dx.doi.org/10.1097/
continuous peripheral nerve block provide trauma versus medical intensive care unit AAP.0b013e3182625f1a.
59
H. Weber, J. Charbit, X. Capdevila
60
Anesth Reanim. 2023; 9: 61–63
Disponible sur internet le : Hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, service d'anesthésie-
6 janvier 2023 réanimation-médecine périopératoire, Strasbourg, France
Correspondance :
Eric Noll, Hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires de Strasbourg, service
d'anesthésie-réanimation-médecine périopératoire, 1, avenue Molière, 67098
Strasbourg, France.
eric.noll@chru-strasbourg.fr
dans ce cas clinique. mettre une prise en charge chirurgicale dans les meilleurs
61
S. Diemunsch, E. Noll
62
Anesth Reanim. 2023; 9: 61–63
Références
[1] Cummings SR, Rubin SM, Black D. The future increased short-term but not long-term mor- effectiveness of regional versus general
of hip fractures in the United States. Numbers, tality in healthy older women. Arch Intern anesthesia for hip fracture surgery in adults.
costs, and potential effects of postmenopau- Med 2011;171:1831–7. Anesthesiology 2012;117:72–92.
sal estrogen. Clin Orthop Relat Res 1990;163– [7] Pincus D, Ravi B, Wasserstein D, Huang A, [11] Neuman MD, Feng R, Carson JL, Gaskins LJ,
6. Paterson JM, Nathens AB, et al. Association Dillane D, Sessler DI, et al. Spinal anesthesia
[2] Hung WW, Egol KA, Zuckerman JD, Siu AL. between wait time and 30-day mortality in or general anesthesia for hip surgery in older
Hip fracture management: tailoring care for adults undergoing hip fracture surgery. JAMA adults. N Engl J Med 2021;385:2025–35.
the older patient. JAMA 2012;307:2185–94. 2017;318:1994. [12] Li T, Li J, Yuan L, Wu J, Jiang C, Daniels J, et al.
[3] Hip Fractures Among Older Adults j Home and [8] Fracture de l'extrémité supérieure du fémur - Effect of regional vs. general anesthesia on
Recreational Safety j CDC Injury Center SFAR 2017 at http://sfar.org/anesthesie-du- incidence of postoperative delirium in older
2019 at https://www.cdc.gov/homeandre- sujet-age-lexemple-de-fracture-de-lextre- patients undergoing hip fracture surgery: the
creationalsafety/falls/adulthipfx.html. mite-superieure-du-femur/. RAGA randomized trial. JAMA 2022;327:50–8.
[4] Bhandari M, Swiontkowski M. Management [9] Chu CC, Weng SF, Chen KT, Chien CC, Shieh JP, [13] Guay J, Kopp S. Peripheral nerve blocks for
of acute hip fracture. N Engl J Med Chen JY, et al. Propensity score-matched hip fractures in adults. Cochrane Database
2017;377:2053–62. comparison of postoperative adverse out- Syst Rev 2020;11:CD001159.
[5] Tajeu GS, Delzell E, Smith W, Arora T, Curtis comes between geriatric patients given a [14] Capdevila X, Cuvillon P. ALR pour chirurgie du
JR, Saag KG, et al. Death, debility, and general or a neuraxial anesthetic for hip sur- membre inférieur, traumatologie-ALR-
destitution following hip fracture. J Gerontol gery: a population-based study. Anesthesiol- hémostase. France: Presses Universitaires
A Biol Sci Med Sci 2014;69:346–53. ogy 2015;123:136–47. François Rablais; 2022.
[6] LeBlanc ES, Hillier TA, Pedula KL, Rizzo JH, [10] Neuman MD, Silber JH, Elkassabany NM,
Cawthon PM, Fink HA, et al. Hip fracture and Ludwig JM, Fleisher LA. Comparative
63
Anesth Reanim. 2023; 9: 64–67
Disponible sur internet le : 1. Institut du cancer Montpellier, ICM, service anesthésie réanimation, Montpellier,
5 janvier 2023 France
2. Service d'Anesthésie, Gustave Roussy Cancer Campus, Université Paris-Saclay,
Villejuif, France
3. Département d'Oncologie Médicale, Institut du Cancer de Montpellier, IRCM
INSERM U1194, Université de Montpellier, Montpellier, France
Correspondance :
Lana Zoric, Institut régional du cancer de Montpellier Val d'Aurelle, Service
anesthésie réanimation, 208, avenue des Apothicaires, 34298 Montpellier, France.
Lana.zoric@gmail.com
Mots clés
Analgésie sein
Mastectomie
Bloc pecto serratus
Chimiothérapie néoadjuvante
Bloc interpectoral
Keywords Mastectomy with axillary curage
Analgesia
Breast
Mastectomy
Pecto serratus block
Neoadjuvant chemiotherapy
Figure 1
65
L. Zoric, P. Sitbon, W. Jacot
66
Anesth Reanim. 2023; 9: 64–67
Références
[1] Blanco R, Fajardo M, Parras Maldonado T. randomised controlled trial. Br J Anaesth serratus anterior plane block for breast sur-
Ultrasound description of Pecs II (modified 2016;117:382–6. geries: A randomized controlled trial. Saudi J
Pecs I): a novel approach to breast surgery. [9] Wahba SS, Kamal SM. Thoracic paravertebral Anesth 2020;14:464–72.
Rev Esp Anestesiol Reanim 2012;59:470–5. block versus pectoral nerve block for analge- [15] Fujii S. Transversus thoracis muscle plane
[2] Abdallah FW, Cil T, MacLean D. Too deep or sia after breast surgery. Egyptian J Anaesth block and alternative techniques. Reg Anesth
not too deep? Reg Anesth Pain Med 2014;30:129–35. Pain Med 2019. rapm-2019-100755.
2018;43:480–7. [10] Gupta K, Srikanth K, Girdhar KK, et al. [16] Mauri D, Pavlidis N, Ioannidis JP. Neoadjuvant
[3] Blanco R. The "pecs block'': a novel technique Analgesic efficacy of ultrasound-guided para- versus adjuvant systemic treatment in breast
for providing analgesia after breast surgery. vertebral block versus serratus plane block for cancer: a meta-analysis. J Natl Cancer Inst
Anaesthesia 2011;66:847–8. modified radical mastectomy: a randomised, 2005;97:188–94.
[4] Bashandi G, Abbas DN. Pectoral nervesI and controlled trial. Indian J Anaesth 2017;61:381–6. [17] Cortazar P, Zhang L, Untch M, Mehta K,
IIBlocks in multimodal analgesia for breast [11] Ardon A, George JE, Gupta K. The use of Costantino JP, Wolmark N, et al. Pathological
cancer surgery. Reg Anesth Pain Med pectoralis blocks in breast surgery: a practice complete response and long-term clinical
2015;40:68–74. advisory and narrative review from the benefit in breast cancer: the CTNeoBC pooled
[5] Kumar S, Goel S, Kumar Sharma S. A society for ambulatory. Anesthesia Ann Surg analysis. Lancet 2014;384:164–72.
randomised control led study of the post- Oncol 2022;29:4777–86. [18] von Minckwitz G, Huang CS, Mano MS, Loibl
operative analgesic efficacy of ultrasound- [12] Jacobs A, Lemoine A, Joshi GP. PROSPECT S, Mamounas EP, Untch M, et al. Trastuzumab
guided pectoral nerve block in the first 24h guidelines for oncological breast surgery: a Emtansine for Residual Invasive HER2-Positive
after modified radical mastectomy. Indian J systematic review and procedure-specific Breast Cancer. N Engl J Med 2019;380:617–28.
Anaesth 2018;62:436–42. postoperative pain management recommen- http://dx.doi.org/10.1056/NEJMoa1814017.
[6] Vesick B, Van GeffenG-J, Chin KJ. Analgesic dations. Anaesthesia 2020;75:1298–304. 10.1056/NEJMoa1814017.
efficacy of the pecsII block: a systematic [13] Altiparmak B, Toker MK, Uysal AI. Compar- [19] Masuda N, Lee SJ, Ohtani S, Im YH, Lee ES,
review and meta-analysis. Anaesthesia ison of the effects of modified pectoral nerve Yokota I, et al. Adjuvant Capecitabine for
2019;74:673. block and erector spinae plane block on post- Breast Cancer after Preoperative Chemother-
[7] Niessen AD, Jacob AK, Law LA, Sviggum HP. operative opioid consumption and pain scores apy. N Engl J Med 2017;376:2147–59.
Complication rate of ultrasound-guided para- of patients after radical mastectomy surgery: [20] Tutt ANJ, Garber JE, Kaufman B, Viale G,
vertebral block for breast surgery. Reg Anesth A prospective, randomized, controlled trial. J Fumagalli D, Rastogi P, et al. Olympia clinical
Pain Med 2020;45:813–7. ClinAnesth 2019;54:61–5. trial steering committee and investigators.
[8] Kulhari S, Bharti N, Arora S. Efficacy of [14] Jain D, Mohan VK, Bhoi D. Analgesic efficacy Adjuvant Olaparib for Patients with
pectoral nerve block versus thoracic paraver- and spread of local anesthetic in ultrasound- BRCA1 or BRCA2 Mutated Breast Cancer. N
tebral analgesia after radical mastectomy: a guided paravertebral, pectoralis II, and Engl J Med 2021;384:2394–405.
67
Anesth Reanim. 2023; 9: 68–72
Disponible sur internet le : American Memorial Hospital Pôle URAD, CHU de Reims, 51092 Reims, France
26 décembre 2022
Correspondance :
Hugues Ludot, American Memorial Hospital Pôle URAD, CHU de Reims,
51092 Reims, France.
hludot@orange.fr
Mots clés
à terme, sans antécédent personnel ou familial, que la marche
Hypospadias
est acquise, sans troubles de la crase sanguine notable. Au
Anesthésie
terme de la consultation, un bibloc pudendal périnéal antérieur
Analgésie
est proposé à la famille associé à une narcose inhalée sous
Bloc pudendal
masque facial en ambulatoire. En préopératoire, le bloc est
Pédiatrie
réalisé avec 0,3 ml/kg de lévobupivacaine 0,25 % de chaque
Échographie
côté. Aucun complément analgésique n'est nécessaire en per-
Keywords
opératoire. En SSPI, aucun antalgique complémentaire n'est
Hypospadias
nécessaire en dehors des 15 mg/kg intraveineux de paracéta-
Anesthesia
mol de principe. L'enfant ressort à domicile à H + 6. Un protocole
Analgesia
antalgique postopératoire associant bétamethasone 10 gout-
Pudendal block
tes/kg matin, midi et soir per os 48 h et paracétamol par voie
Ultrasound
orale pendant 5 jours est prescrit.
Anatomie : le canal d'Alcock (figure 1)
Le périnéeou plancher pelvien est l'ensemble des parties molles
Cas clinique commenté fermant le détroit inférieur de la cavité pelvienne [1–6]. De
Cas clinique forme losangique, il est limité par la symphyse pubienne en
Un nourrisson de 18 mois, pesant 9,4 kg pour 77 cm, est adressé avant, le coccyx en arrière, les tubérosités ischiatiques, les
pour cure chirurgicale d'un hypospade moyen avec orifice uré- branches ischio-pubiennes et les ligaments sacro-tubéreux laté-
thral à mi-fût pénien et prépuce incomplet sans coudure de ralement. On le divise en deux parties par une ligne reliant les
verge. L'urologue pédiatre propose une reconstruction de type deux tubérosités ischiatiques, la ligne bi-tubérale : un périnée
Onlay avec sonde de calibrage uréthral pendant 10 jours en antérieur ou urogénital comprenant les organes génitaux exter-
système double couche sans antibioprophylaxie. À la consulta- nes, vulve, scrotum et pénis, et un périnée postérieur ou région
tion pré-anesthésique, nous pouvons noter que l'enfant est né anale, entre lesquels siège le noyau fibreux central du périnée.
Figure 1
Anatomie du nerf pudendal
Enfin, il comprend trois étages, un plan cutané doublé du fascia et sacro-coccygiens et recouvert par le fascia pariétal pelvien. Au
superficiel, un espace superficiel fait des muscles transverses niveau du périnée antérieur, le diaphragme uro-génital forme
superficiels et du sphincter anal externe, un espace profond ou un plan moyen, avec le sphincter uréthral externe et les muscles
diaphragme pelvien constitué des muscles élévateurs de l'anus transverses profonds entourés de leurs fascias supérieur et
69
H. Ludot, D. Michelet
70
Anesth Reanim. 2023; 9: 68–72
trique issu du plexus hypogastrique supérieur sympathique, les Le patient est installé en « grenouille » ou en position de
nerfs splanchniques sacraux sympathiques et les nerfs splanch- lithotomie. Les repères, quelle que soit la technique de loca-
niques pelviens parasympathiques (érecteurs) qui innerve les lisation retenue, restent l'anus et les tubérosités ischiatiques
organes pelviens par trois plexus : rectal moyen, vésical et palpables.
utérovaginal. Mais les nerfs pudendaux ont une participation Le pouls pudendal n'est pas perceptible. Le point d'entrée de
fonctionnelle importante dans la miction, la défécation, l'érec- l'aiguille est au milieu du segment anus – projection cutanée de
tion, l'éjaculation et l'accouchement. l'épine ischiatique. Le contact osseux ischiatique n'est pas
recherché, au risque de réaliser une injection sous-périostée
inefficace ou intra-canalaire. L'artère pudendale, et par consé-
Technique (figure 2) quent les nerfs situés à proximité immédiate, sont repérés en
Il existe principalement deux approches vers le nerf pudendal : doppler couleur. La sonde est mobilisée pour amener le bouquet
antérieure trans-périnéale et postérieure trans-glutéale. Ces pudendal, la cible, au centre de l'écran, l'aiguille est dirigée en
techniques sont basées soit sur la recherche de repères anato- dehors ou dans le plan ultrasonique vers cette cible. La confir-
miques et des pertes de résistance à la progression trans tissu- mation du bloc repose sur l'observation échographique du
laire d'une aiguille à biseau court, soit par déplacement des structures tissulaires et de la diffusion de
électroneurostimulation à la recherche d'une réponse motrice l'anesthésique local qui vient encercler l'artère pudendale. Il
appropriée de ce nerf mixte, soit par guidage radioscopique ou est utile d'ajouter une électroneurostimulation : contraction
tomodensitométrique plus souvent en algologie, soit plus récent musculaire, le plus souvent du sphincter anal homolatéral (« clin
par échoguidage : d'œil anal »).
Figure 2
Sono anatomie et
échoguidage
71
H. Ludot, D. Michelet
Références
[1] Fichtner Bendtsen T, Parras T, Moriggl B, [3] Kendigelen P, Tutuncu AC, Emre S, Altindas F, Paediatr Anaesth 2018. http://dx.doi.
Chan V, Lundby L, Buntzen S, et al. Kaya G. Pudendal versus caudal block in org/10.1111/pan.13286.
Ultrasound-guided pudendal nerve block children undergoing hypospadias surgery a [5] Rojas-Gomez MF, Blanco-Davila R, Tobar Roa
at the entrance of the pudendal (Alcock) randomized controlled trial. Reg Anesth Pain V, Gomez Gonzalez AM, Ortiz Zableh AM,
canal description of anatomy and clinical Med 2016;41:610e5. http://dx.doi.org/ Ortiz Azuero A. Anestesia regional guiada por
technique. Reg Anesth Pain Med 10.1097/AAP.0000000000000447. ultrasonido en territorio del nervio pudendo.
2016;41:140–5. [4] Gaudet-Ferrand I, De La Arena P, Bringuier Rev Colomb Anestesiol 2017;45:200–9.
[2] Bolandard F, Bonnin M, Duband P, Mission JP, S, Raux O, Hertz L, Kalfa N, et al. [6] Dalens B, Veyckemans F. Traité d'anesthésie
Bazin JE. Techniques d'anesthésie locorégiol- Ultrasound-guided pudendal nerve block locorégionale, De la naissance à l'âge adulte.
nale du périnée : indications en gynécologie, in children: a new technique of ultra- Editions Sauramps Médical; 2008p. 1217–35.
en proctologie et en obstétrique. Ann Fr sound-guided transperineal approach.
Anesth Réanim 2006;25:1127–33.
72
Anesth Reanim. 2023; 9: 73–74
Fiche fash
Fiche Flash : anesthésie locorégionale de
l'adulte. Blocs périphériques. . . les essentiels
en 6 points
Disponible sur internet le : 1. Lapeyronie university hospital, department of anesthesiology and critical care
22 décembre 2022 medicine, 34295 Montpellier Cedex 5, France
2. Nîmes university hospital, R-UM103 IMAGINE, université de Montpellier, division
of anesthesia critical care, pain and emergency medicine, Nîmes, France
Correspondance :
Philippe Cuvillon, Nîmes university hospital, UR-UM103 IMAGINE, université de
Montpellier, division of anesthesia critical care, pain and emergency medicine,
Nîmes, France.
philippe.cuvillon@chu-nimes.fr
73
O. Choquet, P. Cuvillon
Fiche fash
74
Anesth Reanim. 2023; 9: 75–81
Fiche flash
Fiche Flash : les blocs du pied et de la
cheville
Disponible sur internet le : 1. Clinique Medipôle Garonne, 45, Rue De Gironis, 31100 Toulouse, France
9 janvier 2023 2. Médipôle Garonne clinique du Sport, 45, rue de Gironis, 31036 Toulouse cedex,
France
Correspondance :
Olivier Rontes, Médipôle Garonne clinique du Sport, 45, rue de Gironis,
31036 Toulouse cedex, France.
olivierrontes@gmail.com
75
O. Rontes, M. Virtos, V. Atthar
Fiche flash
76
Anesth Reanim. 2023; 9: 75–81
Fiche flash
77
O. Rontes, M. Virtos, V. Atthar
Fiche flash
78
Anesth Reanim. 2023; 9: 75–81
Fiche flash
79
O. Rontes, M. Virtos, V. Atthar
Fiche flash
80
Anesth Reanim. 2023; 9: 75–81
Fiche flash
81
Anesth Reanim. 2023; 9: 82–90
Fiche flash
Fiche Flash : blocs du poignet et Walant
Disponible sur internet le : 1. CMC Ambroise-Paré, département d'anesthésie, 92200 Neuilly-sur-Seine, France
6 janvier 2023 2. AP–HP, Pitié-Salpêtrière Hospital, Sorbonne University, Department of
Anaesthesiology and Critical Care, GRC 29, DMU DREAM, Paris, France
3. AP–HP, 6 Sorbonne Université, Department of Anaesthesiology and Intensive
Care, DMU DREAM, Paris, France
4. Clinique Remusat, 75016 Paris, France
5. Clinique Jouvenet, 75016 Paris, France
Correspondance :
Sébastien Bloc, CMC Ambroise-Paré, département d'anesthésie, 92200 Neuilly-sur-
Seine, France.
sebebloc@gmail.com
Fiche flash
83
S. Bloc, C. Quemeneur, F. Le Saché
Fiche flash
84
Anesth Reanim. 2023; 9: 82–90
Fiche flash
85
S. Bloc, C. Quemeneur, F. Le Saché
Fiche flash
86
Anesth Reanim. 2023; 9: 82–90
Fiche flash
87
S. Bloc, C. Quemeneur, F. Le Saché
Fiche flash
88
Anesth Reanim. 2023; 9: 82–90
Fiche flash
89
S. Bloc, C. Quemeneur, F. Le Saché
Fiche flash
90
Anesth Reanim. 2023; 9: 91–92
Fiche flash
Fiche Flash : anesthésie locorégionale de
l'adulte. « 5 étapes pour réussir un cathéter
à domicile »
Correspondance :
Philippe Cuvillon, UR-UM103 IMAGINE, Division of Anesthesia Critical Care, Pain and
Emergency Medicine, Université Montpellier, Nîmes University Hospital, place du
Professeur-Debré, 30000 Nîmes, France.
philippe.cuvillon@chu-nimes.fr
91
A.M. Szamburski, X. Capdevila, L. Delaunay, P. Cuvillon
Fiche flash
92
Anesth Reanim. 2023; 9: 93–96
Veille bibliographique
Transfusion pré-hospitalière de plasma pour
les patients en choc hémorragique
traumatique : les études re-Phill et PREHO-
PLYO
Jean-Denis Moyer 1, Fanny Bounes 2, Arthur James 3, pour le groupe le masque et la plume
Disponible sur internet le : 1. AP–HP.Nord, DMU Parabol, hôpital Beaujon, département d'anesthésie-
19 décembre 2022 réanimation, Paris, France
2. Hôpital Rangueil, pôle anesthésie-réanimation médecine périopératoire, CHU
Toulouse, Toulouse, France
3. AP–HP, Sorbonne université, GRC 29, groupe hospitalier universitaire AP–HP-
Sorbonne université, site Pitié-Salpêtrière, département d'anesthésie-
réanimation, 75013 Paris, France
Correspondance :
Jean-Denis Moyer, Hôpital Beaujon, département d'anesthésie réanimation, 100,
boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France.
Jean-denis.moyer@aphp.fr
Introduction
Chez le patient traumatisé sévère, le choc hémorragique représente, à la phase initiale de la prise
en charge, la cause la plus fréquente d'insuffisance circulatoire. Il se caractérise par une perte
rapide et importante de sang non compensable par l'organisme.
Au-delà de la nécessité de contrôler le plus rapidement possible la source hémorragique, la prise
en charge du choc hémorragique traumatique repose sur une compensation rapide des pertes
sanguines et sur le traitement spécifique de la coagulopathie (« damage control » hémostatique).
En effet, lorsqu'une hémorragie est intense, il existe quasi systématiquement une coagulopathie
dont la genèse est multifactorielle [1]. Les mécanismes identifiés correspondent entre autres à une
hyperfibrinolyse, une dégradation du glycocalyx endothélial, une dysfonction plaquettaire, l'acti-
vation de la protéine C et une consommation des facteurs de la coagulation, dont le fibrinogène
[1,2]. La prévention et la prise en charge de la coagulopathie dans ce contexte sont des enjeux
importants, tout comme la lutte contre l'hypothermie et l'acidose métabolique associées. En effet,
la survenue d'une coagulopathie secondaire à un traumatisme sévère est associée à une aug-
mentation de la morbidité et de la mortalité, d'autant que les patients les plus graves sont
93
J-D Moyer, F. Bounes, A. James
Veille bibliographique
également plus à risque de présenter une coagulopathie [3–5]. coagulation (temps de prothrombine 1,2 vs 1,3,
La prise en charge des malades traumatisés en choc hémorra- p = < 0,001 respectivement) dans l'étude PAMPer, tandis que
gique a évolué ces dernières années avec en particulier l'admi- l'étude COMBAT ne montrait aucune différence de mortalité
nistration d'acide tranexamique, une stratégie d'hypotension à J28 (15 % dans le groupe plasma vs 10 % dans le groupe
permissive limitant le remplissage vasculaire excessif, ou encore contrôle, p = 0,37) ni de paramètres de coagulation. Cela était
le principe de la chirurgie écourtée (ou damage control probablement due à la différence de durée de prise en charge
surgery). pré-hospitalière. Une analyse combinée de ces deux études a
Une autre évolution consiste à administrer des produits sanguins été publiée en 2019 et rapporte un bénéfice de la transfusion
plus précocement, ce qui pose la question de l'administration de pré-hospitalière de plasma avec une augmentation de la survie
produits sanguins labiles dès la prise en charge pré-hospitalière à J28 (risque relatif (RR) = 0,65, intervalle de confiance à 95 %
des patients les plus graves. En parallèle, la transfusion précoce (IC95 %) [0,47–0,90] ; p = 0,01) [11]. Une constatation essen-
est recommandée avec des ratios plasma frais congelé (PFC)/ tielle de cette analyse secondaire était que le temps de trans-
concentré globules rouges (CGR) d'une part et concentré pla- port pré-hospitalier était, dans le groupe contrôle,
quettaire (CP)/CGR d'autre part, plus élevés. Les études réali- significativement associé à la hausse de la mortalité dès lors
sées en milieu militaire ont grandement participé à améliorer qu'il dépassait 20 min, alors que cette association n'était pas
les pratiques en termes de transfusion et de compréhension du observée chez les patients traités par du plasma en pré-
timing de survenue de la coagulopathie, permettant l'établis- hospitalier.
sement de recommandations [6–8]. En 2007, Borgmann et al. Cette discordance sur les bénéfices de la transfusion de plasma a
ont publié une étude rétrospective conduite auprès de 246 mili- entraîné de nouvelles investigations sur son importance en pré-
taires blessés nécessitant une transfusion massive ( 10 CGR au hospitalier. Deux nouvelles études ont ainsi été publiées les
cours des 24 premières heures)[9]. Les auteurs observaient une premiers mois de 2022.
réduction significative de la mortalité dans le groupe ayant
bénéficié du ratio PFC/CGR le plus élevé. Plus récemment, L'étude RePHILL [12]
l'étude randomisée multicentrique PROPRR a cherché à déter- Dans cette étude multicentrique réalisée dans un contexte civil
miner le ratio PFC/CGR optimal [10]. La comparaison de en Grande Bretagne (entre novembre 2016 et janvier 2021),
338 patients transfusés avec un ratio CP:PFC:CGR de 1:1:1 avec 432 patients adultes (âge médian de 38 ans) ont été randomisés
342 patients transfusé avec un ratio CP:PFC:CGR de 1:1:2 ne pour recevoir soit du sérum salé à 0,9 % (groupe contrôle,
révélait pas de différence en termes de mortalité à 24 h ou J30. n = 223), soit un pack de deux culots globulaires associés
Ainsi, bien que les recommandations ne permettent pas de à du plasma lyophilisé (groupe interventionnel, n = 209) [12].
trancher entre un ratio PFC/CGR de 1:1 ou de 1:2, elles sont Les patients étaient inclus s'ils étaient victimes d'un trauma-
formelles sur l'importance de ne pas retarder leur administra- tisme, avaient plus de 16 ans et présentaient une pression
tion, en associant simultanément PFC et le premier CGR [6]. artérielle systémique (PAS) < 90 mmHg et/ou l'absence de
Au-delà de leurs effets hémostatiques, les PFC pourraient avoir pouls radial. Le critère de jugement principal (CJP) était un
des effets bénéfiques sur l'altération du glycocalyx et sur la critère composite associant la mortalité hospitalière et/ou
réactivité vasculaire. Ces hypothèses posent la question de l'absence de clairance du lactate (définie comme une réduction
l'évaluation d'une administration précoce des PFC lors de la de 20 % de lactatémie dans les deux heures suivant la rando-
prise en charge extra-hospitalière. Aux États-Unis, deux études misation). Les auteurs ne trouvaient aucune différence sur le
randomisées publiées en 2018 (PAMPer et COMBAT study) se critère composite avec 128 (64 %) évènements dans le groupe
sont intéressées à cette question. Elles évaluaient l'association interventionnel contre 135 (65 %) évènements dans le groupe
de l'administration de deux unités de PFC en pré-hospitalier chez contrôle (RR ajusté = 1,01 [0,88–1,17]). L'analyse des critères de
des patients à risque de choc hémorragique avec l'amélioration jugement secondaire objectivait dans le groupe interventionnel
de la survie hospitalière. De designs similaires, les études ont une augmentation significative du taux d'hémoglobine à l'arri-
comme différence notable le moyen de transport vers l'hôpital : vée à l'hôpital (133 g.L 1 vs 118 g.L 1, p < 0,0001) et du
l'étude PAMPer se déroulait en territoire non urbain avec trans- volume de produits sanguins transfusés au cours des 24 pre-
port héliporté (durée médiane de prise en charge pré-hospita- mières heures d'hospitalisation. Il n'existait en revanche pas
lière de 41 minutes) tandis que l'étude COMBAT se déroulait d'effet sur la mortalité hospitalière (43 % vs. 45 %, groupe
dans un milieu urbain avec des transports terrestres (durée contrôle vs interventionnel, RR ajusté = 0,97 [0,78–1,2]), sur la
médiane de prise en charge pré-hospitalière de 18 minutes). lactatémie à l'arrivée, sur la clairance du lactate, sur les para-
Ces deux études ont présenté des conclusions différentes. L'uti- mètres vitaux à l'arrivée à l'hôpital, sur l'INR à l'arrivée ou encore
lisation de plasma était associée à une diminution de mortalité sur la proportion de patients décédés au cours des 3 premières
à J30 (23,2 % dans le groupe plasma vs 33 % dans le groupe heures de prise en charge. La fréquence des effets indésirables
contrôle, p = 0,03) et une amélioration des paramètres de était similaire entre les deux groupes. Au-delà du résultat
94
Anesth Reanim. 2023; 9: 93–96
Veille bibliographique
décevant de cette étude méthodologiquement rigoureuse, plu- contexte civil, a cherché à évaluer l'impact de l'administration
sieurs limites peuvent être avancées. Tout d'abord, le critère de pré-hospitalière de PLYO chez des patients à risque de choc
jugement principal composite associant la mortalité et la clai- hémorragique [13]. Ainsi, 150 patients ont été inclus dans
rance du lactate est discutable. Mettre au même niveau un l'étude, dont 134 dans l'analyse statistique : 68 patients dans
critère pronostic majeur et un critère qui ne peut être considéré le groupe recevant le PLYO (groupe PLYO) et 66 dans le groupe
comme important du point de vue des patients doit être discuté. recevant le sérum salé 0,9 % (groupe contrôle). Les patients
Ensuite, l'usage d'un critère d'inclusion assez large (présence inclus étaient majoritairement des hommes, jeunes et victimes
d'hypotension), destiné à faciliter les inclusions, pourrait avoir d'un traumatisme non pénétrant (60 %) sévère (ISS médian du
conduit à l'inclusion de patients n'étant pas susceptibles de groupe contrôle : 25 vs 29 dans le groupe PLYO). Le CJP était l'INR
bénéficier d'un traitement précoce par transfusion de culots à l'admission. L'étude ne trouvait pas de différence entre les
et de plasma. En effet, si les patients présentaient des signes deux groupes avec un INR à 1,21 [écart interquartile : 1,12–1,49]
de choc hémorragique, peu d'entre eux présentaient une déglo- dans le groupe PLYO contre 1,20 [1,10–1,9] dans le groupe
bulisation importante. De plus, on constate que, quel que soit le contrôle (p = 0,88). Le recours à une transfusion massive
groupe, l'INR à l'arrivée était supérieur à 1,5 pour moins de 20 % (10 culots globulaires dans les 24 premières heures, 10 %
des patients tandis que la quantité moyenne de culots trans- (n = 7) vs. 6 % (n = 4) ; p = 0,37), le recours à la chirurgie en
fusés à 24 h ne dépassait pas 6,5. Il est également important de urgence dans les 24 premières heures (72 % (n = 49) vs. 71 %
noter que les délais pré-hospitaliers dans cette étude étaient (n = 47), p = 0,91) et la mortalité à J28 18 % (n = 12) vs. 15 %
très courts, de l'ordre de 30 minutes. De fait, l'hypothèse d'un (n = 10), p = 0,7, groupe PLYO vs groupe contrôle respective-
potentiel effet de la transfusion pré-hospitalière de plasma frais ment) étaient équivalents dans les deux groupes. Il est à noter,
congelés dans un système où les délais d'arrivée à l'hôpital et pour positionner ce travail par rapport aux autres publiés sur le
donc d'accès à la transfusion seraient plus longs restes plausibles sujet, que le délai entre le traumatisme et l'arrivée à l'hôpital
et à explorer. Ensuite, il doit être pris en compte que seuls était d'environ 90 minutes dans les deux groupes.
432 patients ont été recrutés (du fait des difficultés de recru-
tement au cours de la pandémie COVID), alors que le calcul du Que nous apportent ces études concernant la
nombre de sujets nécessaires en prévoyait 490. Ce point est transfusion pré-hospitalière ?
particulièrement important quand il est constaté que la morta- Les résultats négatifs de ces deux études (re)posent la question
lité à 3 h est réduite de 16 à 22 % par la transfusion précoce de l'intérêt de la transfusion pré-hospitalière. En effet, si la
(cette observation n'étant pas confirmée par l'examen de la différence initiale des résultats des études PAMPer et COMBAT
mortalité hospitalière, possiblement par manque de puissance avait intuitivement amené à la conclusion que l'utilisation de
de l'étude). Enfin, le traitement utilisé dans cette étude était du plasma pouvait bénéficier aux patients dont les délais de trans-
plasma lyophilisé tandis que du plasma décongelé avait été port étaient les plus longs, les résultats de RePHILL et PREHO-
utilisé dans les études COMBAT et PAMPer. PLYO ne semble pas conforter cette hypothèse. En effet, les
délais de transport des deux études étaient plus longs que dans
L'étude PREHO-PLYO [13] l'étude COMBAT (RePHILL : 26 min, PREHO-PLYO : 60 min) et
Le plasma lyophilisé (PLYO) est un plasma sous forme de poudre aucune différence en termes de pronostic n'a été retrouvée dans
qui se conserve entre +2 et 25 8C et dont le délai de péremption ces deux études. Par ailleurs, il est intéressant de noter que
est de 2 ans. Un flacon de PLYO est équivalent à une unité de l'utilisation de plasma n'était pas associée comme dans l'étude
plasma thérapeutique. Il est obtenu par lyophilisation à partir de PAMPer à une amélioration des paramètres hémostatiques lors
mélange de PFC issus d'aphérèse provenant de dix donneurs au de l'arrivée à l'hôpital. Cependant, contrairement aux études
maximum, de groupe A, B, AB. Ceci permet d'obtenir un plasma PAMPer et COMBAT, la plupart des patients des études PREHO-
compatible quel que soit le groupe sanguin A, B, O du receveur. PLYO et RePHILL ont reçu de l'acide tranexamique dès la phase
L'ensemble de ces caractéristiques en font un produit extrême- pré-hospitalière, ce qui a pu contribuer, en limitant la fibrinolyse,
ment intéressant pour faire face aux contraintes opérationnelles à maintenir les taux de fibrinogène dans les limites de réfé-
du pré-hospitalier. Ainsi, au vu des données de PAMPer et de la rence. S'il semble physiopathologiquement cohérent qu'une
facilité d'utilisation du PLYO, des recommandations françaises transfusion précoce de plasma (PFC ou PLYO) puisse améliorer
publiées en 2020 recommandent la transfusion de 2 à 4 PLYO le pronostic des patients les plus graves, nous ne bénéficions pas
dans le cadre des transports médicalisés des patients présentant encore de données suffisantes pour recommander son utilisa-
une hémorragie nécessitant l'activation d'un protocole de trans- tion systématique en pré-hospitalier, même si cela ne signifie
fusion massive (accord fort). Cependant, aucune étude spéci- pas une transfusion pré-hospitalière soit sans intérêt. Il est
fique ne venait soutenir cette recommandation. Dans ce également important de souligner que ces études confirment
contexte, une étude randomisée, contrôlée, multicentrique, la faisabilité de la transfusion hospitalière (en particulier en
menée par le Service de Santé des Armées Français dans un France par l'usage de PLYO) tout en illustrant qu'il est encore
95
J-D Moyer, F. Bounes, A. James
Veille bibliographique
nécessaire de poursuivre les travaux de recherche pour identifier même si l'administration de plasma lyophilisé semble présenter
les patients les plus susceptibles d'en bénéficier. La coagulopa- l'avantage d'un stockage plus facile et donc d'un risque moins
thie des patients traumatisés est entre autres médiée par important de perte de produits sanguins précieux.
l'intensité des lésions [14,15] (que l'on peut dénommer charge Enfin, la place du plasma et de la transfusion pré-hospitalière en
traumatique), l'intensité du saignement et l'apparition d'un état général sera probablement amenée à évoluer compte tenu des
de choc. Nous ne pouvons donc pas exclure que l'effet béné- travaux de recherche actuels relatifs à l'utilisation du sang total
fique du plasma puisse être prépondérant chez certains patients. qui pourrait, à nouveau, changer notre approche transfusion-
Faut-il cibler les patients les plus graves (Hb < 11 g.dL 1, Shock nelle pour les patients traumatisés les plus graves.
index > 1. . .) ou les patients présentant des lésions multiples et
sévères, comme majoritairement retrouvés dans les traumatis- Conclusion
mes par décélération. Quid de la population avec choc hémor- Si l'intérêt physiopathologique de la transfusion de plasma la
ragique et traumatisme crânien grave ? Faut-il continuer à mixer plus précoce possible et donc pré-hospitalière semble évident,
les populations des traumatismes pénétrants et non pénétrants ? la transposition de ces effets bénéfiques théoriques sur un
Le taux de traumatisme pénétrant dans l'étude PREHO-PLYO bénéfice clinique n'est à ce jour pas encore solidement docu-
(30 %) et RePHILL (23 %) était similaire à celui de l'étude mentée. De nouvelles études seront donc nécessaires pour
PAMPer (20 %) et moitié moindre que celui de l'étude COMBAT déterminer les meilleures modalités d'administration et les
(50 %), ce pourrait avoir conduit à l'inclusion de moins de typologies de patients les plus susceptibles de bénéficier
patients présentant une coagulopathie et pourrait expliquer, d'une transfusion pré-hospitalière.
en partie, les résultats négatifs obtenus. Beaucoup de questions
Déclaration de liens d'intérêts : Fanny Bounes et Jean-Denis Moyer ne
sont donc en attente de réponse. déclarent aucun conflit d'interet.
L'identification de la meilleure façon d'administrer du plasma Arthur James a reçu des honoraires de LFB pour un projet éducatif.
reste elle aussi sujette à discussion (Plasma décongelé vs PLYO)
Références
[1] Moore EE, Moore HB, Kornblith LZ, Neal MD, [7] Bouglé A, Harrois A, Duranteau J. Resusci- post hoc analysis of the PAMPer and COMBAT
Hoffman M, Mutch NJ, et al. Trauma-induced tative strategies in traumatic hemorrhagic clinical trials. JAMA Surg 2020;155:e195085.
coagulopathy. Nat Rev Dis Primer 2021; shock. Ann Intensive Care 2013;3:1. [12] Crombie N, Doughty HA, Bishop JRB, Desai
7:30. [8] Duranteau J, Asehnoune K, Pierre S, Ozier Y, A, Dixon EF, Hancox JM, et al. Resuscitation
[2] Kornblith LZ, Moore HB, Cohen MJ. Trauma- Leone M, Lefrant JY. Recommandations sur la with blood products in patients with trauma-
induced coagulopathy: the past, present, and réanimation du choc hémorragique. Anesth related haemorrhagic shock receiving prehos-
future. J Thromb Haemost 2019;17:852–62. Reanim 2015;1:62–74. pital care (RePHILL): a multicentre, open-
[3] Brohi K, Singh J, Heron M, Coats T. Acute [9] Borgman MA, Spinella PC, Perkins JG, label, randomised, controlled, phase 3 trial.
traumatic coagulopathy. J Trauma Inj Infect Crit Grathwohl KW, Repine T, Beekley AC, Lancet Haematol 2022;9:e250–61.
Care 2003;54:1127–30. et al. The ratio of blood products transfused [13] Jost D, Lemoine S, Lemoine F, Derkenne C,
[4] MacLeod JBA, Lynn M, McKenney MG, Cohn affects mortality in patients receiving massive Beaume S, Lanoë V, et al. Prehospital lyo-
SM, Murtha M. Early coagulopathy predicts transfusions at a combat support hospital. J philized plasma transfusion for trauma-
mortality in trauma. J Trauma Inj Infect Crit Trauma Inj Infect Crit Care 2007;63:805–13. induced coagulopathy in patients at risk for
Care 2003;55:39–44. [10] Holcomb JB, Tilley BC, Baraniuk S, Fox EE, hemorrhagic shock: a randomized clinical
[5] Maegele M, Lefering R, Yucel N, Tjardes T, Wade CE, Podbielski JM, et al. Transfusion of trial. JAMA Netw Open 2022;5:e2223619.
Rixen D, Paffrath T, et al. Early coagulopathy plasma, platelets, and red blood cells in a [14] Floccard B, Rugeri L, Faure A, Denis MS,
in multiple injury: an analysis from the Ger- 1:1:1 vs. a 1:1:2 ratio and mortality in patients Boyle EM, Peguet O, et al. Early coagulopathy
man Trauma Registry on 8724 patients. Injury with severe trauma: the PROPPR randomized in trauma patients: an on-scene and hospital
2007;38:298–304. clinical trial. JAMA 2015;313:471. admission study. Injury 2012;43:26–32.
[6] Rossaint R, Bouillon B, Cerny V, Coats TJ, [11] Pusateri AE, Moore EE, Moore HB, Le TD, [15] Niles SE, McLaughlin DF, Perkins JG, Wade
Duranteau J, Fernández-Mondéjar E, et al. Guyette FX, Chapman MP, et al. Association of CE, Li Y, Spinella PC, et al. Increased mortality
The European guideline on management of prehospital plasma transfusion with survival in associated with the early coagulopathy of
major bleeding and coagulopathy following trauma patients with hemorrhagic shock when trauma in combat casualties. J Trauma Inj
trauma: fourth edition. Crit Care 2016;20:100. transport times are longer than 20 minutes: a Infect Crit Care 2008;64:1459–65.
96