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La normalisation, outil stratégique

des industries mécaniques


Depuis le début de l’ère
L
es premiers essais de normalisa- péens dont l’Allemagne et le Royaume-
tion paraissent aussi vieux que Uni possèdent un organisme officiel de
industrielle, la normalisation est notre société. Sans remonter aux normalisation ; en France, une
fûts de colonnes des temples grecs, ou Commission permanente de standardi-
pour les industriels de la aux règles utilisées par les compagnons sation (CPS) a été créée en 1918, essen-
mécanique un outil stratégique au Moyen âge pour la construction des tiellement au service des besoins
cathédrales, que constituaient les militaires, mais faute de crédits finan-
majeur quant à l’évolution des ordres de Gribeauval fixant au XVIIIe ciers suffisants, elle cesse rapidement
siècle l’échelonnement des diamètres son activité).
modes de production et des bouches à feu de l’artillerie royale ? A la fin de l’année 1925, le Bureau des
Quels étaient les objectifs des calibres Normes Suisses invite le Président de la
l’amélioration des produits, tant de vérification utilisés par les contrô- Fédération de la mécanique à faire
pour leur qualité intrinsèque leurs de fabriques d’armes pour per- représenter l’industrie française à un
mettre le bon assemblage des pièces congrès international de normalisation
que leur adéquation aux besoins élémentaires produits en série dans qu’il organise à Zurich. Les points à
diverses fabriques ou de la loi de 1795 l’ordre du jour sont : filetages normaux
des clients. C’est de plus un ordonnant l’usage obligatoire dans et à pas fin, ouverture des clefs, cla-
toute la République du système vettes, bouts d’arbres, hauteurs d’axes,
vecteur essentiel de la métrique ? accouplements, calibres limites, roule-
compétitivité de toute entreprise ments à billes, conduites et tuyaux,
meules émeri. Le Comité de direction
qui veut figurer parmi les La mécanique de la Fédération estimant qu’il est indis-
à l’origine de la pensable de voir l’industrie française
acteurs majeurs du marché représentée à ce congrès international,
normalisation industrielle
désigne deux industriels pour assister à
mondial. C’est pourquoi ces
L’avènement dans la seconde partie du cette réunion et y faire entendre la voix
industries ont toujours souhaité XIXe siècle de l’ère industrielle concré- de la France.
tise et décuple les besoins de rationali- A la suite de ce congrès et compte tenu
disposer de leur propre sation, d’uniformisation, d’interchan- de l’importante activité des autres pays
geabilité des pièces et conduit à l’orga- dans le domaine de la normalisation,
organisme sectoriel de nisation de la normalisation dans les est constitué, au sein de la Fédération
normalisation. L’évolution de la différents pays. Dès la fin de la guerre de la mécanique, un secrétariat à la
1914-1918, les entreprises françaises normalisation. Au cours des mois sui-
production de normes des sont inquiètes du développement de la vants, sous l’impulsion des présidents
normalisation de diverses organi-
dessins techniques, des dans les pays voi- Dès 1919, les entreprises sations patronales
sins, constatant françaises de la mécanique dont la Fédération
composants mécaniques, des qu’elle conduit à s’inquiétèrent du développe- de la mécanique,
équipements… illustre celle de une notable dimi- ment de la normalisation est créée l’Asso-
nution des coûts dans les pays voisins ciation française de
l’implication économique du de fabrication. normalisation
Malgré les importants droits de douanes (Afnor) dont M. Auguste Rateau, Vice-
secteur sur son marché. les protégeant, les entreprises françaises Président de la Fédération de la méca-
voient leur marché envahi par les pro- nique, est élu Président.
duits étrangers provenant de pays où la Le secrétariat à la normalisation de la
par Philippe Contet
normalisation s’est structurée et s’est Fédération devient, en février 1927, le
et Jean-Pierre Chanard,
développée (en 1925, 19 pays euro- « Comité de normalisation de la méca-
UNM

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nique », ancêtre de l’UNM « Union de travaux effectués à l’étranger, défendre Que penser quand on sait qu’aujour-
normalisation de la mécanique ». Le les points de vue français, établir une d’hui, la vente de quelques centaines
CNM constitue dès son origine, cinq collection de documents techniques la d’exemplaires d’une norme est considé-
commissions : Filetages et rivets, plus large possible) restent encore les rée comme un succès ! Il est vrai qu’il
Dessins techniques, Ajustages, piliers sur lesquels s’appuie encore s’agissait des premières normes de la
Tuyauteries et Eléments de machines notre action quotidienne. mécanique et que la photocopieuse et
outils. Ces commissions existent tou- A cette époque, les quelques «bureaux Internet relevaient de la pure science
jours. de normalisation sectoriels» existants fiction !
Les méthodes de travail des commis- publiaient eux- mêmes et vendaient les Le CNM multiplie ses travaux dans
sions (participation de toutes les caté- normes qu’ils éla- divers domaines
gories d’intérêts concernées, réalisation boraient. Le besoin En avril 1928, les 32 pages de mécaniciens :
d’enquêtes publiques très larges), les très important de normes de boulonnerie furent tubes, brides,
règles que devaient respecter les normes conduit tirées à 10 000 exemplaires ! lances d’incendie,
experts techniques et les normalisateurs ainsi à publier, en cônes Morse, clas-
(les résultats de la normalisation doi- avril 1928, les 32 pages de normes de sification des machines, manomètres
vent relever de la pratique courante et boulonnerie – les premières de la série roulements, chaînes de levage, dessins
non de principes théoriques), les objec- numérotées CNM1 à CNM27 – à techniques. En août 1939, 371 normes
tifs généraux poursuivis (maintenir un 10 000 exemplaires. Ce tirage est épui- sont parues. Certaines propositions du
contact avec les associations de norma- sé en quelques mois et une seconde CNM sont mêmes adoptées par d’autres
lisation étrangères, se tenir informés des édition est lancée en septembre 1928. pays (système international de tolé-
rances, séries de nombres normaux). En
1948, le CNM sollicite AFNOR pour
imprimer et diffuser les normes qu’il
élabore et cesse donc d’être bureau de
normalisation «éditeur».
Dans le même temps, les travaux de
normalisation internationaux s’ampli-
fient. En 1926, l’ISA (Fédération
Internationale des Associations de nor-
malisation) est créée, avec 3 sous-comi-
tés techniques : SC 1 : Filetages – SC 2 :
Boulonnerie – SC 3 : Ajustements. En
1947, l’ISO succède à l’ISA et compor-
te 64 comités techniques dont 14
concernent des produits fabriqués par
les industries mécaniques. La première
norme ISO : ISO 1 «Température de
référence pour les mesures industrielles
de longueur» est imputable à la méca-
nique.

Création de l’UNM,
Union de normalisation
de la mécanique
Pour répondre aux besoins croissants
des industriels en matière de normalisa-
tion et faciliter l’ouverture des travaux
aux différents partenaires concernés, la
Fédération des industries mécaniques
décide de créer, en 1977, en commun
avec le CETIM (Centre technique des
industries mécaniques) et quelques syn-
dicats professionnels de la mécanique,
une association régie par la loi de 1901,
l’UNM, Union de normalisation de la
Graphique 1 - Profil du filet SI mécanique.

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Le financement de l’association est géométries, pour faciliter l’interchan-
essentiellement assuré par le CETIM et geabilité et baisser les coûts de produc-
la FIM. Les missions confiées à l’UNM tion par la rationalisation des séries.
incluent évidemment celles du CNM, Ensuite le développement des échanges
c’est-à-dire la préparation et l’exécu- commerciaux a créé des besoins en
tion du programme de normalisation termes de dessins techniques, voire de
souhaité par ses mandants, auxquelles langage technique, de procédures d’es-
s’ajoutent, dans le temps, le soutien aux sais de pièces ou de composants, de
syndicats professionnels pour la défini- qualification de la qualité des produits,
tion de leur stratégie normative, la pré- de qualification des procédés d’élabo-
paration et l’expression des positions ration des pièces, des services associés
françaises dans les instances et dans les aux produits. On est passé enfin à des
votes européens et internationaux et la documents décrivant des moyens de
formation des experts français partici- produire ou de concevoir, et même des
pant aux travaux de ses commissions, objectifs ou des résultats à atteindre. homologuées comme répondant à la
aux procédures et règles de fonctionne- La réglementation est elle aussi venue réglementation française.
ment des systèmes normatifs français, s’appuyer sur la normalisation et a Le CODETI est également un code pro-
européen et international. conduit, aux côtés d’élans plus pure- fessionnel. Etabli sur la base d’encarts
L’UNM travaille en étroite collaboration ment politiques, à intégrer dans les publiés dans la revue professionnelle
avec l’AFNOR, animateur et coordina- normes les concepts de sécurité des «Chaudronnerie, tôlerie et tuyauterie
teur du système normatif français équipements, de sécurité et hygiène des industrielle» à partir de 1974, la pre-
(regroupant une trentaine de bureaux utilisateurs ou de protection de l’envi- mière édition du Code SNCT tuyauterie
de normalisation sectoriels), et repré- ronnement. L’importance stratégique de fut celle de 1982. Il est devenu CODE-
sentant officiel du Comité Membre la normalisation n’en est que plus gran- TI en 1991 et a été révisé en 1995 puis
français dans les instances européennes de ; le système normatif doit plus que en 2001.
CEN et internationales ISO. Les syner- jamais relever le défi d’offrir aux indus- Le Code de construction des généra-
gies économiques, l’adoption de réfé- triels et aux partenaires socio-écono- teurs de vapeur a été développé à par-
rentiels qualité communs, établis dans miques des services toujours plus tir de 1970 en s’inspirant de l’ISO/R
le cadre du COMOS (Comité méthodo- efficaces et plus pertinents. 831 qui traitait des chaudières en aciers
logie d’organisation du système norma- non alliés, au sein d’une commission
tif) ont conduit l’AFNOR à mandater de normalisation siégeant alors au
l’UNM pour qu’elle représente directe-
Equipements sous CNM (prédécesseur de l’UNM) ; sa pre-
ment au CEN et à l’ISO, le Comité pression : des codes mière édition date de 1978.
Membre français certains des Comités nationaux aux codes Il est constitué d’un ensemble de
techniques la concernant. Cette colla- normes regroupées sous l’indice NF E
boration intelligente et efficace optimi- européens 32-100 (NF E 32-101 à NF E 32-108)
se les ressources nécessaires à la complété par un fascicule de documen-
défense des intérêts français sur la Jusqu’en 2002 la construction des équi- tation E 32-120 traitant de la qualité de
scène internationale et pérennise la pements sous pression étaient dans la l’eau d’alimentation et de l’eau en
présence française à l’heure de la mon- plupart des pays régie par des codes de chaudière. Cet ensemble est géré à
dialisation. construction. l’heure actuelle par la commission de
Forte de ses 35 collaborateurs contri- Ainsi pour la France, le référentiel se normalisation UNM 30 «Chaudières
buant à la préparation d’environ 200 composait de trois codes : industrielles».
normes par an, soit environ 10 % de la - le CODAP : Code français de Ainsi, la mise au point des premiers
production d’AFNOR, l’UNM est construction des appareils à pression ; codes a demandé de 8 à 10 années de
aujourd’hui le plus gros des bureaux de - le CODETI : Code travail, à partir de
normalisation sectoriels œuvrant au français de L’Union de normalisation documents pré-
CEN et à l’ISO sous la coordination construction des de la mécanique est aujour- existants. Cet
d’AFNOR. tuyauteries indus- d’hui le plus gros des bureaux investissement a
Au cours du dernier siècle, l’environne- trielles. de normalisation sectoriels dû ensuite être
ment industriel et les besoins afférents - le code de poursuivi sur plu-
ont sans cesse évolué et ont entraîné construction des générateurs de vapeur. sieurs années pour les rendre réelle-
avec eux les évolutions du système nor- Le CODAP est un code professionnel. ment performants.
matif. Les produits élaborés par ce sys- Prenant la suite du CORMAT (1943) et Ces documents, développés par des
tème ont eux aussi évolué à marche du Code SNCT (1969), la première édi- commissions d’experts (commissions
forcée. Les premiers besoins ont consis- tion du CODAP fut celle de 1980 et fut techniques ou commissions de norma-
té à définir, sélectionner ou décrire des suivie des CODAP 1985, puis 1990, lisation), sont maintenus régulièrement
dimensions, des tailles, des séries, des 1995 et 2000, versions officiellement à jour (publications de modificatifs

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quasi annuels, d’interprétations), dans
le souci permanent :
- de les adapter à l’évolution des tech-
nologies en intégrant les résultats
d’études et les retours d’expérience
concernant les matériaux, les tech-
niques de conception, de fabrication et
de contrôle etc.
- d’assurer leur conformité aux exi-
gences réglementaires afférentes, elles-
mêmes en constante évolution.
Ils constituent donc, et c’est une grande
originalité de ces documents par rap-
port au concept habituel de norme, des
transcriptions des règles de l’art, et
témoignent de pratiques nationales fon-
dées sur une réglementation forte et Graphique 2

qui, même évolutives, résultent d’habi-


tudes ancrées depuis des décennies.
Ces deux caractéristiques (transcrip- Au niveau de la Commission européen- dures, en vue de respecter l’objectif
tions des règles de l’art, fondements ne, citons le groupe GTP, groupe de annoncé.
nationaux très fortement marqués) se suivi de la directive «Equipements sous Une fois cette étape franchie, une
retrouvent chez nos partenaires euro- pression», qui répond aux questions action importante de maintenance de
péens. d’interprétation de la directive et entéri- la norme doit être réalisée.
ne les fiches d’orientation correspon- L’expérience de codes nationaux trai-
dantes préparées par le GTO (Groupe tant du même sujet montre en effet
L’arrivée de la Nouvelle de travail orientation). que la version 0 d’une telle norme sus-
Approche Au niveau du CEN, le groupe consulta- cite de nombreuses interrogations. La
tif CEN/PE/AN, animé par un industriel réputation de la norme européenne et
La directive 97/23/CE « Equipements français, suit et facilite l’avancement son positionnement sur le marché
sous pression» adoptée en 1997, pour des travaux. européen et sur le marché mondial
entrer en application obligatoire au 30 Au niveau français a été créé en 1996 seront essentiels pour la promotion et
mai 2002, a conduit la normalisation le Comité de liaison des appareils à la réussite des industries européennes.
européenne à s’investir dans ce domai- pression (CLAP). Cette structure de C’est pourquoi la France a proposé la
ne. Il s’agit en effet d’une directive concertation, qui rassemble tous les mise en place d’une «Agence de main-
européenne Nouvelle approche qui partenaires concernés (syndicats pro- tenance» dont l’UNM est prête à assu-
fixe les exigences essentielles de sécu- fessionnels de fabricants et d’utilisa- rer le secrétariat avec le soutien des
rité et s’appuie sur les normes pour teurs d’appareils à pression, organismes pouvoirs publics.
décrire les solutions techniques à de contrôle, normalisateurs, adminis-
mettre en œuvre pour les respecter. Elle tration), a pour vocation d’orienter et
concerne les équipements dont la pres- de coordonner l’application de la
Une préoccupation
sion est supérieure à 0,5 bar ainsi que directive européenne et d’assurer le récente : la sécurité
les ensembles, tels que décrits dans le pilotage stratégique de la normalisa- des machines
graphique 2. tion.
Le défi lancé au CEN était particulière- Toutes les dispositions ont été prises La normalisation dans le domaine des
ment ambitieux : harmoniser en un pour que les principales normes du machines est ancienne tant en France
référentiel euro- domaine soient que dans le monde et par exemple le
péen unique l’en-
La réglementation a conduit à disponibles lors de comité technique ISO/TC 39
semble des codes intégrer dans les normes les l’entrée en appli- « Machines-outils » a été créé dès la
nationaux, dans un concepts de sécurité des équipe- cation obligatoire naissance de l’ISO en 1947. Mais jus-
délai inférieur à ments, d’hygiène des utilisateurs de la directive (30 qu’à la fin des années 1970 elle était
celui qui avait été mai 2002). Les très orientée vers l’interchangeabilité
nécessaire dans chaque pays pour par- projets prEN 13445 « Récipients » (un dimensionnelle et fonctionnelle des
venir à un code reconnu. Des structures document en 6 parties de plus de 1 000 composants et les codes de réceptions
originales ont été mises en place pour pages), prEN 13480 « Tuyauteries » et relatifs à la précision géométrique ; les
soutenir les travaux et régler les pro- prEN 12952 et 12953 « Chaudières » aspects de sécurité étaient limités à
blèmes au fur et à mesure de leur appa- bénéficieront d’un traitement particu- quelques familles de machines et élé-
rition. lier, permettant d’accélérer les procé- ments très ciblés.

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Normalisation CEN sous directive Machine - Situation à fin Décembre 2001
Types de normes Nombre de dont figurant Projets au Total Projets sous accord de Vienne
normes publiées au JOCE programme N+Projets CEN Lead ISO Lead
Normes horizontales 129 70 37 166 8 4
de types A et B
Normes verticales 293 236 404 697 0 32
de type C
Total 422 306 441 863 8 36
dont 55 en cours
de révision

La loi du 6 décembre 1976, complétée la sécurité des machines et appareils sujets avaient été mis en chantier au
par les décrets d’application du 15 comprenant la terminologie et la sein de plus de 40 Comités techniques
juillet 1980, a changé radicalement la méthodologie». Forte de son expérien- (et de plus de 300 groupes de travail).
situation en rendant obligatoire l’inté- ce, la France assure l’animation du Comme le montre le tableau ci-dessus,
gration de la sécurité dans la concep- Groupe technique WG 1 « Concepts de le travail est loin d’être terminé. Tout
tion des machines et appareils. La liste base », et l’UNM son secrétariat. juste la moitié des sujets sont publiés ;
des matériels concernés était encore Les travaux qui se poursuivent en paral- mais près des trois quarts ont franchi le
fermée, mais débordait largement le lèle tant à la Commission qu’au CEN cap de l’enquête CEN et nombre de ces
champ des machines traditionnelle- aboutissent à l’adoption le 14 juin 1989 projets servent déjà dans l’industrie
ment jugées comme particulièrement de la directive 89/392 CEE ou directive pour la conception de machines
dangereuses. Ce texte a conduit la toute «Machines» ainsi conformes à la
nouvelle UNM a créer d’abord, dés qu’à la mise en Les documents normatifs réglementation.
1978, une commission de normalisa- enquête CEN, le constituent des transcrip- Cette lenteur est due
tion horizontale (UNM 45) pour établir lendemain, du tions des règles de l’art à l’ampleur du tra-
des normes générales applicables à prEN 292 aux fondements nationaux vail à fournir à la
toutes les machines (principes généraux «Sécurité des très fortement marqués fois par les experts
de conception – méthodologie - termi- machines - industriels et par les
nologie), puis à inscrire au programme Notions fondamentales, principes opérateurs du système normatif (traduc-
des commissions existantes des sujets généraux de conception». Trois autres tion, vérification de l’adéquation à la
concernant la sécurité de machines directives viendront compléter cette directive par les « consultants
particulières, et enfin à créer de nou- directive (91/368/CEE, 93/44/CEE dite CEN »…), mais aussi à l’arrivée
velles commissions lorsque la profes- «Mobilité - Levage et 93/68/CEE), les 4 d’autres exigences (directives « atmo-
sion se saisissait du problème. Plus de directives étant finalement « codifiées » sphères explosibles », « bruits exté-
40 commissions UNM ont été ainsi (c’est-à-dire consolidées sans change- rieurs »,…) qui entraînent la remise en
créées entre 1978 et 1984. ment) dans un texte unique : la directi- cause de certaines des solutions adop-
1985 voit le lancement en Europe de la ve 98/37/CE. tées.
«Nouvelle approche» qui prévoit que La déclaration par le fabricant de la C’est pourquoi de nombreuses normes
les directives élaborées par la conformité à une norme harmonisée est sont révisées sitôt publiées. En effet les
Commission européenne se bornent le moyen le plus simple d’obtenir le groupes de travail se sont rendu comp-
désormais à énoncer des exigences marquage CE et l’autorisation de mise te qu’un certain nombre de points tech-
essentielles de sécurité et de santé, dont sur le marché. niques nécessitaient une réflexion
l’application est obligatoire, et ren- longue et approfondie, et que pour
voient à des normes harmonisées, dont d’autres aspects, le consensus était
l’application reste volontaire, pour la
Quand le système beaucoup plus aisé à obtenir. Ils ont
définition des moyens pour les satisfai- européen interpelle alors souvent décidé qu’il valait mieux
re. Plusieurs directives sont mises en le système international publier un document minimal, quitte à
chantier, dont la directive «Machine» lancer sa révision dès sa publication.
qui reprend pour l’essentiel la philoso- La stratégie d’adossement de l’action de La communauté internationale ISO ne
phie de la loi française du 6 décembre normalisation à la réglementation tech- pouvait pas rester indifférente à ce raz
1976. Dès 1985 le CEN (Comité euro- nique a conduit à «l’explosion du de marée. Elle fut surprise au début,
péen de normalisation) crée le Comité CEN». Pour venir en appui à la directive puis pour une partie intéressée par la
technique CEN/TC 114 pour la sécurité «Machines», pas moins de 30 comités promesse d’amélioration de la sécurité,
des machines, avec pour objet «la nor- techniques ont été créés en 3 ans, de pour une autre partie inquiétée par le
malisation des principes généraux pour 1989 à 1991. A la fin 2001, plus de 800 concept d’analyse du risque et la res-

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ponsabilisation du fabricant. C’est fina- différentes : prise en compte dans les sent en fonction de l’évolution des pro-
lement en 1991 qu’elle s’est lancée, normes du concept de risque tolérable, duits et des besoins. Se sont dévelop-
avec la création de l’ISO/TC 199 introduction d’éléments concernant la pées aussi les premières normes de
« Sécurité des machines » ayant pour responsabilité des utilisateurs, maintien définition des matériels de contrôle
objet la « Normalisation des notions du tableau des phénomènes dange- dimensionnel, de métrologie, comme
fondamentales et des principes géné- reux, etc. les calibres ou les tampons.
raux pour la sécurité des machines », Dans la seconde partie du XXe siècle,
dans le droit fil du CEN/TC 114 et de la les industriels se préoccupent de plus
commission UNM 45. L’objectif pre-
Le dessin technique, en plus de la qualité des produits fabri-
mier de ce comité technique a été de vecteur de communication qués, ce qui entraîne un besoin gran-
promouvoir en normes internationales dissant en normes traitant de
la quasi-totalité des normes horizon- Dès les balbutiements de la normalisa- métrologie dimensionnelle, puisque les
tales produites par le CEN/TC 114, et tion, les aspects dimensionnels, le contrôles des fabrications constituent,
en premier lieu l’EN 292, ce qui fut fait « tolérancement » géométrique, les dans un premier temps, un point de
avec la publication des deux parties de dessins techniques figurent parmi les passage obligé pour s’assurer que la
l’ISO TR 12100 en 1992. Les concepts principaux sujets de préoccupation et qualité requise est obtenue. Ce déve-
de base et la méthodologie ayant été d’études. Les travaux portent tout loppement se traduit également par
clarifiés, « l’étage international » de la d’abord sur la sélection de séries de l’apparition de nouveaux domaines,
normalisation de la sécurité des dimensions, l’éla- avec des normes
machines pouvait décoller. boration de prin- De nouvelles exigences (« atmo- générales relatives
Après plusieurs années de travail au cipes de base pour sphères explosibles », « bruits aux méthodes de
seul plan européen, on assiste aujour- les dessins tech- extérieurs »,…) entraînent mesurage, des
d’hui à un transfert de plus en plus niques, puis préci- la remise en cause de règles de vérifica-
important des sujets du CEN vers l’ISO, sent les règles de certaines des solutions adoptées tion périodique des
dans le triple but de diminuer la charge cotation. Sont instruments en ser-
de travail, d’accélérer le processus et de ainsi limitées l’inspiration et la fantaisie vice et la prise en compte de l’évolu-
disposer de normes uniques. Ainsi, la des dessinateurs, voire des contre- tion des technologies et des
révision de la norme de base, EN 292, maîtres et des ouvriers. Les efforts équipements proposés sur le marché,
se fait dans un groupe qui réunit tous conduits dès le début du XXe siècle comme les machines à mesurer les
les acteurs intéressés européens et dans le domaine de la boulonnerie coordonnées, les capteurs optiques de
internationaux ; autre exemple, le illustrés par la publication du fascicule déplacement etc.
CEN/TC 144 « Machinisme agricole » E1, sont à ce titre exemplaires. Ils Dans le même temps, les outils à dis-
est majoritairement favorable à l’élabo- conduisent d’ailleurs très rapidement à position des concepteurs évoluent eux
ration de ses normes de sécurité à une rationalisation des productions et aussi et les moyens informatiques de
l’ISO. Ces opérations se heurtent toute- une simplification des fabrications. conception apparaissent (DAO, CAO) ;
fois à plusieurs difficultés liées à des Au cours du temps, les premières règles des liens entre systèmes de conception
approches européennes et américaines élaborées se compliquent ou se préci- et systèmes de production sont mis en
œuvre et révèlent les nombreuses dif-
ficultés liées au passage du virtuel (le
dessin formalisant la pièce conçue par
le dessinateur) au réel (la pièce fabri-
quée par l’usineur). Il apparaît essen-
tiel que les exigences auxquelles doit
satisfaire le produit, puissent être
transmises sans ambiguïté aux services
de fabrication puis de métrologie. Les
problèmes de tolérancement géomé-
trique (planéité, perpendicularité,
coaxialité, …) et de relation entre tolé-
rances dimensionnelles et géomé-
triques font l’objet d’études
approfondies au niveau international
et tout en particulier au niveau natio-
nal. Il ont conduit au développement
d’une démarche appelée GPS
« Spécification géométrique des pro-
duits » dont l’objectif encore très
Graphique 3 - Vis sans tête ordinaire actuel, est de développer un langage

30 A n n a l e s d e s M i n e s
triques (parallélisme, orientation,
forme, …). Le nouveau système GPS est
dorénavant basé sur la prise en compte
des incertitudes, utilisées pour quanti-
fier la façon dont la spécification expri-
me les exigences fonctionnelles ; la
maîtrise des incertitudes de mesure
ainsi que des incertitudes de spécifica-
tion (cas où subsistent des ambiguïtés
dans l’expression des spécifications par
insuffisance des capacités du langage
ou par erreur de spécification) devient
donc l’enjeu actuel de la normalisation
dans ce domaine de la spécification
géométrique. L’UNM et les industriels
français (mécanique, automobile, aéro-
nautique, fabricants de logiciels CAO),
sont plus que jamais impliqués dans
cette démarche moderne et ambitieuse
en s’appuyant sur de nombreux travaux
de recherche menés à la fois au CETIM
(Centre technique des industries méca-
niques) et dans de nombreux labora-
toires universitaires (LMP Bordeaux –
LURPA –...) et en s’impliquant forte-
ment dans les instances normatives
européennes et internationales : prési-
dence CEN/TC 290 – GPS, secrétariat
géré par AFNOR ; animation et gestion
du secrétariat de deux des six groupes
Graphique 4 - GPS
de travail actifs au sein du Comité tech-
nique ISO/TC 213 actif dans le domai-
univoque, outil de communication nouveaux matériaux et des produits ne GPS.
entre études, fabrication et contrôle. innovants dans un environnement com- A l’heure de la mondialisation de l’éco-
Ce langage est aussi un facteur d’unité mercial international. nomie, les industriels ressentent tou-
et de rationalisation lors des échanges L’objectif de ce système «GPS» est de jours plus le besoin de normes
client-fournisseur, tant au niveau natio- fournir des outils pour la gestion éco- volontaires, leur permettant d’anticiper
nal qu’international ou, en notre temps nomique des variations possibles des la défense de leurs produits tout en
de mondialisation, entre les différents produits et des procédés de fabrication. facilitant par un langage commun, des
centres mondiaux L’expression des caractéristiques reconnues comme per-
de production L’objectif de la démarche GPS c a ra c t é r i s t i q u e s tinentes et des méthodes d’essais objec-
d’un même grou- «Spécification géométrique des dimensionnelles a tives, les relations contractuelles entre
pe industriel. Il est produits» est de développer débuté au début de clients et fournisseurs. Plus que jamais,
devenu absolu- un langage univoque entre la normalisation les industriels de la mécanique comp-
ment nécessaire études, fabrication et contrôle par la spécification tent sur le système normatif français et
pour aider les des seules dimen- plus particulièrement leur bureau de
entreprises à progresser rapidement sions ; celle-ci a été complétée dans le normalisation sectoriel, l’UNM et
avec de nouvelles technologies, de temps par l’ajout de tolérances dimen- l’AFNOR, pour défendre au mieux les
nouveaux procédés de fabrication, de sionnelles puis de tolérances géomé- intérêts de l’économie du pays. •

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