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FACOLTA DI FILOSOFIA
IMPECCABILITAS
CHEZ
GODEFROID DE FONTAINES
Gabriel Rougevin-Baville
13487
Roma MMXIX
IMPECCABILITAS CHES GODEFROID DE FONTAINES 3
1. Godefroid de Fontaines
1.1. Éléments biographiques2
Malgré les sources minces, et les études historiques peu fiables, on peut retracer
brièvement quelques éléments de la vie de Godefroid. Issu d’une famille noble de
Belgique, il nait sans doute dans le château de Fontaines, dépendance de Hozémont, terres
de sa famille.
Il apparaît pour la première fois dans les documents historiques en 1286-1287, alors
qu’il est à l’apogée de sa carrière universitaire, comme maître en théologie à la faculté de
Paris, ayant donc certainement franchi les longues étapes qui menaient les étudiants à ce
degré de dignité professorale. Il est probablement allé assez jeune à Paris pour étudier
d’abord chez les artiens, puis en théologie, sans que l’on puisse retracer précisément son
parcours depuis sa naissance. Il est permis de penser, même si cela est discuté, que
Godefroid a pu trouver des maîtres dans la personne de Henri de Gand et de Gervais du
Mont-Saint-Éloi, avant toutefois de devenir leur collègue (car ils ont coexisté comme
maîtres à l’université, et certains documents les montrent sur un pied d’égalité).
Au cœur du conflit entre réguliers et séculiers, auquel il prit pars activement, il est mêlé
à la vie du collège de la Sorbonne, fondé en 12573. Sur sa période d’enseignement, peu de
précisions historiques nous renseignent. On sait qu’il disputa de quolibet, lors de disputes
extraordinaires, tenues une ou deux fois par ans, et se distinguant par le fait que les sujets
multiples étaient proposés par les auditeurs, maîtres comme étudiants. Ces discussions
touchaient à tous les domaines du savoir, et « dans les quodlibets de Henri de Gand,
comme dans ceux de Godefroid, on trouve, à côté de questions de théologie, des sujets de
philosophie pure, de morale théologique, de droit canon »4.
1
Peut-être en a-t-il traité ailleurs, et notamment dans le commentaire sur les Sentences comme les autres
scolastiques qui évoquent cette question. Mais puisque ce commentaire ne nous est pas parvenu, il nous
faudra considérer la présence du thème de l’impeccabilité dans un quodlibet.
2
Pour de plus amples détails, on ira consulter : DE WULF, Maurice, Étude sur la vie, les œuvres et l’influence
de Godefroid de Fontaines, Bruxelles, Hayez, 1904.
3
« C’est probablement le besoin de contre-balancer l’influence grandissante des réguliers qui inspira à
quelques généreux fondateurs l’idée d’instituer de grands collèges, ouverts aux seuls étudiants séculiers, et
dont l’organisation scolaire imiterait celle des couvents. Le plus célèbre de ces collèges du XIIIe siècle est
celui de Robert Sorbon », M. DE WULF, op. cit., 19.
4
Ibid., 23.
IMPECCABILITAS
Godefroid fut magister actu regens pendant 13 ans, occupant la première place en rang
dans l’université. Les éloges sont nombreux à son sujet, et témoignent de sa grande
renommée dans le milieu universitaire, et plus largement ecclésiastique. Godefroid a par
exemple droit à la reconnaissance de la Sorbonne, étant un de ces donateurs qui assurèrent
sa prospérité. Sa richesse familiale lui permit de s’attacher plusieurs copistes, et donc de
posséder de nombreux manuscrits, richesse rare à l’époque, qu’il légua ensuite à la
Sorbonne. De nombreuses sources témoignent de la considération et de l’estime qu’il
jouit, mais nous ne nous attarderons pas à les détailler.
Sur le plan de la ‘carrière’ ecclésiastique, Godefroid fut chanoine de la collégiale saint-
Martin de Liège, dispensé de la résidence et n’y allant donc que très peu. Paris demeura
sa résidence habituelle. Il semble avoir également été chanoine de Paris, chanoine de
Tournai, et prévôt de Cologne. Il mourut probablement vers 1306.
5
Notons, avec M. de Wulf, que « ce que le maître de Sorbonne écrit sur le scandale que ces articles
provoquent est particulièrement intéressant pour déterminer l’influence réelle de la condamnation d’Étienne
Tempier. On y voit une fois de plus que jamais on n’est parvenu, par des décrets, à enrayer un mouvement
d’idées. Étienne Tempier avait menacé d’excommunication même les étudiants qui, assistant à quelque
leçon où un de ces articles était enseigné, n’auraient pas endéans les sept jours dénoncé le professeur à
l’évêque ou au chancelier (Cartul. Univ. Paris., t. I, p. 543) […]. Or, remarque Godefroid, des esprits simples
ou des hommes peu au courant des choses universitaires (aliqui minus periti et simplices) se forgent ainsi
des obligations sans fondement ; ils se faussent la conscience. Il en résulte, en outre, des disputes et des
scissions. N’en faut-il pas conclure, entre autres choses, que des hommes comme Godefroid, peu suspects
de naïveté, édifiés sur le mobile dont s’inspira Étienne Tempier, ne se sont jamais crus liés par ses décrets,
pas plus qu’ils n’ont été intimidés par ses menaces ? », M. DE WULF, op. cit., 44.
6
« Salva reverentia aliquorum doctorum, excepta doctrina Sanctorum, et eorum quorum dicta pro
auctoritatibus allegantur, praedicta doctrina [fratris Thomae] inter caeteras videtur utilior et laudabilior
reputanda, ut vere Doctori qui hanc doctrinam scripsit, possit dici in singulari etiam illud quod Dominus
dixit in plurali Apostolis (Math. V), videlicet Vos estis sal terrae, etc., sub hac forma, Tu es sal terrae, quod
si sal evanuerit, in quo salietur ? Quia per ea quae in hac doctrina continentur quasi omnium doctorum
aliorum doctrinae corriguntur, sapidae redduntur et condiuntur. Et ideo, si ista doctrina de medio auferretur,
studentes in doctrinis aliorum saporem modicum invenirent », Bibliothèque Nationale, man. Latins, n°
15842, fol. 277, RA. et RB ; cité dans M. DE WULF, op. cit., 41.
IMPECCABILITAS
L’opposition entre séculiers et mendiants est également la source d’une guerre qui a
Paris pour théâtre principal, et Godefroid ne reste pas étranger à ce conflit. C’est en 1270
que les controverses atteignent leur sommet, autour de la question principalement débattue
de la supériorité de l’état religieux. On la pose à Godefroid qui s’y détermine dans ses
quodlibets7, évidemment en faveur des séculiers. Mais il manifeste aussi son hostilité aux
mendiants lorsqu’en 1281, une controverse éclate autour des privilèges de la confession
et de la prédication, accordés par Martin V aux mendiants. A ce sujet, Godefroid prononce
en 1286 le quodlibet III,7, traitant avec son indépendance habituelle de la question
suivante : « Si, s’étant confessé à quelqu’un ayant pouvoir d’entendre les confessions et
d’absoudre les pénitents en vertu du privilège de Martin IV, on est tenu de confesser les
mêmes péchés à un prêtre idoine »8.
1.3. Œuvres
La seule œuvre scientifique que nous possédons de Godefroid de Fontaines est celle de
ses quinze quodlibets, qui sont probablement son œuvre principale du reste, et remplissent
par ailleurs un volume impressionnant 9 . Le liégeois y fait montre d’une érudition
colossale, d’une connaissance étonnante de la pensée aristotélicienne et ce jusqu’à la
lettre10, ainsi que d’un intérêt toujours vif pour les débats et la vie scientifique de son
temps. Ces quodlibets sont difficiles à dater : si l’on sait que Godefroid a exercé comme
magister actu regens pendant 13 ans, le début et la fin de cette période nous sont inconnus.
Sur le plan des manuscrits, nous pouvons relever que de nombreuses copies de ces
quodlibets sont disséminées dans les grandes bibliothèques de France et d’Angleterre,
témoignant de la renommée et de l’influence de la pensée du Doctor Venerandus. La
plupart des manuscrits ne contiennent cependant que les dix derniers quodlibets, ce qui
n’est pas si étonnant car les quodlibets I-IV sont une reportatio, contrairement aux V-XV,
probablement rédigés ou du moins revus par Godefroid lui-même.
7
Cf. Quoldibets V,16, VIII,11, XI,6 et 9.
8
« Utrum confessus ab aliquo habente potestatem audiendi confessiones et absolvendi confitentes virtute
privilegii Martini IV teneatur eadem peccata proprio sacerdoti iterum confiteri ».
9
« Fruit d’un labeur considérable, ces disputes rempliront deux ou trois volumes d’impression in-folio. Le
manuscrit 15842 de la Bibliothèque Nationale, qui ne comprend que les quodlibets V-XIV, se compose de
1425 colonnes dont chacune équivaut, et au-delà, à une page d’impression », M. DE WULF, op. cit., 58.
10
On peut penser qu’il a étudié « par lui-même l’encyclopédie aristotélicienne, car il se livre à des
discussions exégétiques où il compare le texte du Stagirite à l’interprétation donnée par ses commentateurs
arabes », Ibid., 59.
11
De Wulf souligne son intérêt pour la théologie dogmatique et morale, pour le droit civique et canonique,
mais plus encore pour la philosophie : « les quodlibets de Godefroid de Fontaines sont bourrés de
philosophie », Ibid., 72.
12
Nous nous réfèrerons principalement, à ce sujet, aux deux articles de Dom Odon Lottin : « Le libre arbitre
chez Godefroid de Fontaines », in Revue néo-scolastique de philosophie 54 (1937) 213-241 ; « Le thomisme
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toutefois sera davantage appropriée à la volonté, parce que celle-ci est le principe le plus
immédiat de l’action »17.
17
O. LOTTIN, « Le libre arbitre chez Godefroid de Fontaines », 221.
18
Ibid., 240.
19
O. LOTTIN, « Le thomisme de Godefroid de Fontaines en matière de libre arbitre », 555.
20
Ibid., 556.
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cette question dans ces mêmes Sentences, nous la trouvons traitée par Godefroid de
Fontaines au sein d’un quodlibet, ce qui est déjà une certaine originalité21.
Espèce de la disputatio, le quodlibet est l’occasion pour le maitre en théologie à
l’université de déployer tous leurs moyens dans un genre qui leur est réservé. Acte
universitaire reconnu et réglementé, la question quodlibétale est « premièrement un acte
propre de la vie académique en théologie et dans les autres facultés »22. Il s’agit d’un
exercice oral, placé sous la direction du maître et qui se déroule en deux actes : « l’une
consacrée à la discussion orale et publique »23 dans l’après-midi, et l’autre le lendemain,
réservée à la determinatio du maître. Mais à la différence des quaestiones ordinariae, les
questions quodlibétales échappent un peu au contrôle du magister, puisqu’elles sont
posées a quolibet de quolibet, par n’importe qui et à n’importe quel sujet. La determinatio
du maître est donc particulièrement importante : « la variété des questions soulevées
imposait au maître de réorganiser le plan des questions et, lorsqu’il les publiait, lui laissait
une grande liberté de rédaction »24.
L’autre particularité de la question quodlibétale est une certaine solennité, due à la
fréquence peu élevée de ces séances qui ne se déroulent que deux fois dans l’année,
pendant le carême et pendant l’avent. Alors que tous les maîtres n’y sont pas tenus,
certains, comme Godefroid, en font leur moyen privilégié d’enseignement : « c’est que a
quolibet et de quolibet, le maitre n’a pas totalement l’initiative du thème. Les participants
ne manquent pas de l’interroger sur les questions les plus délicates, d’ordre pratique et
politique aussi, celles qui marquent la scène intellectuelle »25.
La présence de la question de l’impeccabilitas dans une question quodlibétale de
Godefroid peut donc nous permettre de supposer que cette question était d’actualité dans
l’université de Paris, marquée notamment au même moment par les controverses sur le
libre arbitre et la volonté. On peut imaginer qu’un étudiant facétieux ou perspicace a voulu
confronter la théorie originale de Godefroid a ce sujet avec la question classique de
l’impeccabilité. L’intellectualisme du liégeois pourrait bien, en effet, se trouver en
difficulté devant la question de la peccabilité.
21
Même si, évidemment, la question a également été magistralement traitée par Thomas d’Aquin, Cf. Qu.
De Veritate, XXIV,7.
22
François-Xavier PUTALLAZ, Insolente liberté. Controverses et condamnations au XIIIe siècle, p.165.
23
Ibid.
24
Ibid., p.166.
25
Ibid., p. 167.
26
C’est à dire que la toute-puissance de Dieu n’a pas de limite, et que ce qu’il ne peut pas faire se réduit aux
éléments contradictoires : une créature privée des éléments de sa ratio, de sa définition, n’est qu’une
contradiction dans les termes (Dieu ne peut pas créer de l’eau qui ne soit pas constituée des molécules
d’H2O…).
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En plus de l’inclination passive de la volonté dans le bien, qui n’est autre que la volonté
elle-même qui ne peut que vouloir le bien et repousser le mal, il faut distinguer deux
manières selon lesquelles la volonté est activement, librement, impliquée dans le bien.
D’une première manière et comme indirectement, en tant qu’une certaine disposition,
une passion par exemple, influence le jugement de la raison pratique et lui fait concevoir
une chose comme un bien ou un mal selon la correspondance de telle chose à telle
disposition. C’est ainsi que, par exemple, la passion de colère détermine la raison à
concevoir la vengeance comme un bien, et « par la médiation de ce jugement, l’objet [i.e.
la vengeance] meut la volonté »29 qui est indirectement déterminée à vouloir cet objet.
Cette première manière n’est cependant qu’indirecte, car la motion de la volonté à vouloir
tel objet n’est pas déterminée par le choix libre d’une fin particulière, mais par une
conformité entre l’objet et la disposition de l’esprit qui influence le jugement de la raison.
La deuxième manière pour la volonté d’être inclinée vers le bien est véritablement
active, c'est-à-dire que c’est le ‘fonctionnement’ normal de la volonté : voulant
actuellement quelque chose qui lui est profitable (donc une fin particulière qui lui a été
présentée par la raison comme un bien), l’agent se meut (par la volonté) à rechercher les
moyens adéquats pour atteindre cette fin, et donc il se meut déjà à vouloir toute la séquence
qui lui permettra de l’atteindre, à commencer par l’ébranlement des puissances cognitives
qui lui feront trouver les moyens adéquats 30 . On reconnaît ici le processus, étudié
précédemment, de l’acte humain tel qu’il est décrit par Godefroid : la liberté de la volonté
est principalement engagée en ce que, s’étant déterminée pour une fin particulière, elle
27
« Et arguitur quod sic : quia Deus potest facere creaturam sine eo quod non est de sua ratione ; sed de
ratione talis creaturae non est posse peccare ; ergo etc. Maior patet. Minor probatur per Anselmum qui dicit
quod posse peccare nec est libertas nec pars libertatis », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, in Les
Philosophes Belges. Textes et Études. Tome XIV. Le Quodlibet XV et trois Questions ordinaires de
Godefroid de Fontaines, Louvain, Éditions de l’Institut supérieur de philosophie, 1937, p. 1.
28
« Contra : omne vertibile est peccabile ; sed Deus non potest facere creaturam per naturam invertibilem ;
ergo etc. », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 1. On retrouve l’argument du Damascène, cité par
tous les scolastiques à ce sujet : de ce qu’elle est ex nihilo, la créature est muable, dans son être comme dans
son élection.
29
« mediante quo iudicio, obiectum movet voluntatem », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 2.
30
« factus in actu volendi quod ei expedit de aliqua re, per hoc movet se ad inquirendum quomodo possit
aliquod bonum assequi de illa re, et sic mediante consilio et ratiocinatione movet se ad volendum sequentia,
ita quod primum velle est inclinatio activa ad movendum potentias deservientes cognitioni, mediantibus
quibus movetur voluntas ad secundaria volibilia », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 2.
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La deuxième prémisse est la définition que Godefroid donne du péché : celui-ci est
d’abord décrit largement, comme « quelque défaut trouvé dans l’action de quelque chose,
qu’il soit un agent naturel ou volontaire »38. Puis le liégeois donne la caractérisation du
31
En tant donc que l’on est incliné à chercher le bien en général sous les aspects du bien, de la vie, de l’être,
etc., et que l’on est incliné à repousser le mal en général sous les aspects du mal, de la mort, etc.
32
« talis inclinatio quantum ad determinationem actus et quantum est de se non est impedibilis, imo semper
et inimpedibiliter voluntas nata est velle tales conditiones bonas secundum se acceptas sine aliquo alio
adminiculo et nata est respuere malas conditiones », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 2.
33
C'est-à-dire qu’elle peut ne pas ‘enclencher’ la séquence par laquelle on poursuivra effectivement ce bien
en étudiant les moyens qui y conduiront adéquatement.
34
« sicut istis propositis rationi, non potest ratio non iudicare ista esse bona et appetenda, ita nec voluntas
potest non acceptare quantum ad bona talia et non respuere quantum ad mala opposita », GODEFRIDUS de
Fontibus, Quodlibet XV, p. 3.
35
Si l’objet présente des aspects désirables et d’autres qui ne le sont pas, alors l’inclination vers cet objet
(due à la considération des aspects désirables) peut-être empêchée par la considération des aspects non
désirables : « Ex parte obiecti, ut quando in obiecto concurrunt aliquae conditiones appetendae et aliquae
[…] ; tunc inclinatio in illud secundum unam conditionem potest impediri per aliam, sicut inclinatio in
actum surgendi unde est meritorium et bonum potest impediri per hoc quod est laboriosum », GODEFRIDUS
de Fontibus, Quodlibet XV, p. 3.
36
« Ex parte autem cognitionis potest provenire ex hoc quod aliquis, dum attendit ad unam conditionem,
non attendit ad aliam », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 3.
37
« inclinatio in aliquod bonum creatum in speciali est impedibilis », Ibid., p. 3.
38
« ratio peccati consistit in hoc quod est quidam defectus contingens in actione alicuius, sive sit agens
naturale, sive voluntarium », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 4.
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péché pour un agent volontaire : il y a péché chez l’agent volontaire « lorsque quelqu’un
préfère ce qui est un moins grand bien, ayant tout pris en considération, ou repousse
davantage ce qui est un moindre mal »39.
Si la majeure est évidente à partir de la définition du péché, celui-ci n’étant rien d’autre
que le défaut dans l’inclination vers le bien comme Godefroid l’a établi précédemment, il
lui faut cependant démontrer la validité de sa prémisse mineure. Celle-ci peut être établie
de deux manières.
D’une part, du côté de l’objet lui-même, en tant qu’il est désirable sous certains aspects,
mais négatif sous d’autres aspects. En effet, soit cet objet est une créature, et il présente
nécessairement des aspects défectueux (n’étant pas le bien parfait)41, soit cet objet est
Dieu, mais il ne peut être considéré que « en tant qu’il est atteignable au moyen des
créatures et non en soi »42, et alors les moyens d’y accéder peuvent aussi avoir des aspects
négatifs (le labeur du quærere Deum par exemple).
D’autre part, du côté de la connaissance que l’on peut avoir de l’objet : la connaissance
humaine étant discursive, elle ne connaît pas tout l’objet en un seul acte de connaissance,
mais elle doit multiplier les actes pour en connaître les aspects 43 . Dès lors, elle peut
considérer tel ou tel aspect (négatif) de l’objet et en négliger tel autre (positif), de sorte
que son examen de l’objet en question va lui fournir une conception de la chose comme
étant à repousser et non à choisir. Dès lors son inclination vers cet objet sera empêchée
par la connaissance même de l’objet44.
Ainsi, lorsque l’on considère l’empêchement du côté de l’objet, seule l’inclination vers
les biens particuliers peut être empêchée (car le bien pris universellement n’a pas d’aspect
négatif). En revanche, considérée du côté de la connaissance de l’objet, l’inclination vers
le bien particulier peut être empêchée, mais également celle dans le bien universel, en tant
que la raison peut ne pas considérer les aspects universellement bons de telle réalité.
39
« illa operatio vel volitio dicitur defectuosa qua aliquis praeeligit illud quod est minus bonum, pensatis
omnibus, vel respuit magis illud quod est minus malum », Ibid.
40
« quia omne illud cuius inclinatio in bonum sibi conveniens et quod debet praeeligere est impedibilis
potest peccare ; sed omnis creatura intellectualis in puris naturalibus existens est huiusmodi ; ergo nulla
creatura pure intellectualis potest fieri impeccabilis [per] naturam », Ibid.
41
« Et quantum ad creaturas, hoc patet ex praedictis, quia sunt bonum diminutum et defectuosum in se »,
Ibid.
42
« secundum quod est attingibilis per creaturas et non in se », Ibid.
43
« quia inclinatio quae est mediante cognitione qua uno actu non cognoscuntur omnia, sed diversa diversis
actibus », Ibid.
44
« quantum est ex parte talis cognitionis, potest impediri in quantum hoc vel illud potest occurrere et hoc
vel illud non attendi », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 4.
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45
« Sed hic est una difficultas ; quia, cum nullus eligat nisi quod iudicat esse prosequendum, nullus autem
peccat nisi quia eligit non prosequendum, sequitur quod ante omnem malam electionem fit error in
intellectu, et cum error sit poena, tunc poena praecedit culpam », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV,
p. 5.
46
« videtur, quod ad hoc quod voluntas male eligat, sufficiat nescientia vel non considerare », Ibid.
47
« ad hoc quod voluntas aliquid eligat prosequi, requiritur, ut videtur, quod intellectus enuntiative iudiciet
illud esse prosequendum », Ibid.
48
Peut-être l’erreur vient-elle d’une ignorance ou d’un manque de considération de certains aspects de la
chose, mais quoi qu’il en soit le jugement lui-même est erroné.
49
« Et videtur hoc probabile ; et quod etiam homo experiatur hoc in se », GODEFRIDUS de Fontibus,
Quodlibet XV, p. 5.
50
« sicut homo est liberi arbitrii per intellectum et voluntatem », Ibid.
51
« utrumque constituit unum peccatum moris, ita quod ille error non est poena peccati sed includitur in
ipso peccato », Ibid.
52
« iste error cum mala electione sequente constituunt unum peccatum », Ibid.
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53
« aliqua sunt quae non sunt de ratione rei quae tamen ad rationem rei de necessitate consequuntur sine
quibus res illa quacumque virtute non potest fieri », GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, p. 6.
54
« et sic posse peccare consequitur liberum arbitrium in natura intellectuali creata in puris naturalibus
existente, licet non sit de eius ratione », Ibid.
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Bibliographie
Textes
GODEFRIDUS de Fontibus, Quodlibet XV, in Les Philosophes Belges. Textes et
Études. Tome XIV. Le Quodlibet XV et trois Questions ordinaires de Godefroid
de Fontaines, Louvain, Éditions de l’Institut supérieur de philosophie, 1937, pp.
1-6.
Études
LOTTIN, Odon, « Le libre arbitre chez Godefroid de Fontaines », in Revue néo-
scolastique de philosophie 54 (1937) 213-241.
———, « Le thomisme de Godefroid de Fontaines en matière de libre arbitre »,
in Revue néo-scolastique de philosophie 56 (1937) 554-573.
PUTALLAZ, François-Xavier, Insolente liberté. Controverses et condamnations au
XIIIe siècle, Fribourg, Editions Universitaires, 1995.
DE WULF, Maurice, Étude sur la vie, les œuvres et l’influence de Godefroid de
Fontaines, Bruxelles, Hayez, 1904.
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