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PONTIFICIA STUDIORUM UNIVERSITAS A SANCTO THOMA AQUINATE IN URBE

FACOLTA DI FILOSOFIA

LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA


DANS LE DE ENTE ET ESSENTIA
DE THOMAS D’AQUIN

Gabriel Rougevin-Baville
13487

FP 1353 – Lecture guidée du de Ente et Essentia


Prof. Dr. Efrem Jindráček, OP

Roma 2019
La distinction entre esse et essentia est au cœur du traité De ente et essentia qui fait
l’objet de notre étude, et qui déterminera de manière décisive toute l’ontologie de Thomas
d’Aquin, et influencera plus largement la métaphysique scolastique postérieure, en
témoigne la « fortune extraordinaire » d’un texte dont on « compte encore aujourd’hui 181
manuscrits, dont 165 complets »1. Que la distinction entre être et essence sot donc au
cœur de ce traité fondamental, non seulement le titre en porte une trace évidente, mais la
démonstration de cette distinction peut être lue au centre même de l’opuscule, dans son
quatrième chapitre, comme au point d’articulation des différentes questions qui ont
l’attention du Docteur angélique. Et cette distinction est sans aucun doute une idée
fondamentale dans la métaphysique thomasienne. Si l’on a, en effet, souvent bien présente
à l’esprit la célèbre identité entre l’essence et l’existence en Dieu, thème des plus
classiques particulièrement dans le thomisme récent2, il arrive souvent que l’on ne pense
pas assez à l’une de ses conséquences logiques qui est, dans les créatures, la distinction
réelle entre l’essence et l’existence. Or cette distinction aux implications métaphysiques
considérables nous a paru mériter une étude un peu approfondie, nous permettant de bien
saisir le raisonnement de l’Aquinate.
Pour cela, il nous a semblé que le moyen le plus sûr et le plus aisé de comprendre cette
distinction entre esse et essentia était de suivre de près, une étape après l’autre,
l’argumentation de Thomas. Dans une première partie, nous essayerons auparavant
d’expliquer dans quel contexte il établit cette distinction, et de cerner la problématique à
laquelle il veut trouver une solution. Dans la partie centrale de notre étude, nous nous
intéresserons ensuite plus précisément au procédé argumentatif du Docteur Angélique, de
manière à bien comprendre les résultats auxquels il aboutit. Enfin, et pour mieux entrevoir
les enjeux d’une telle démonstration, nous chercherons à comprendre d’où vient cette
distinction dans l’histoire des idées, et comment la solution thomasienne se distingue des
autres théories qui la précèdent ou lui sont contemporaines.

1. Contexte et problématique du chapitre IV


Commençons notre étude en situant le chapitre quatre de l’opuscule De ente et essentia,
et en cherchant à comprendre à quel problème Thomas entend répondre.

1.1 Le problème : la composition des substances simples


Tout d’abord, demandons-nous quelle place tient le quatrième chapitre dans l’ensemble
de l’opuscule de Thomas, opuscule qui obéit à une organisation interne bien précise et
subtilement articulée. Nous parviendrons ainsi à comprendre le problème que Thomas
veut affronter dans ce chapitre qui nous intéresse plus particulièrement.
Dans le prologue du traité, le Docteur Angélique pose trois questions, ou plutôt définit
trois problèmes sur lesquels il affirme vouloir enquêter dans son étude. Il s’agit pour lui
de comprendre, d’une part, ce que signifient les noms d’essence et d’étant, d’autre part,
comment ces éléments se trouvent dans les diverses réalités, autrement dit ce qu’est leur
notion ‘ontologique’, et enfin comment ces éléments se réfèrent aux différentes intentions
logiques que sont le genre, l’espèce et la différence3.

1
J.-P. TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin, 78.
2
Particulièrement depuis les études décisives d’Étienne Gilson, cf. E. GILSON, L’Être et l’Essence,
Paris, Vrin, 1948.
3
« dicendum est quid nomine essentie et entis significetur, et quomodo in diuersis inueniatur, et
quomodo se habeat ad intentiones logicas, scilicet genus, speciem et differentiam », THOMAS D’AQUIN,
De ente et essentia, prol., 369, l. 7-10 (à partir de maintenant : DEE).
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 4

Or, dans le premier chapitre du traité, Thomas a répondu au premier de ces trois
problèmes, en définissant précisément les noms d’étant et d’essence 4 . Dans les deux
chapitres suivants, il a affronté la question du mode sur lequel l’essence et l’étant se
trouvent dans les substances composées. Au quatrième chapitre, il arrive donc à une
nouvelle question qu’il lui faudra affronter : celle concernant le mode sur lequel l’essence
se trouve dans les substances simples. Et nous allons voir que, dans ce passage, la réponse
à cette question va s’associer à la clarification de l’articulation des deux notions qui nous
intéressent : l’ente et l’essentia.

Thomas s’apprête donc, dans le chapitre IV, à étudier les substances simples pour voir
en quelle manière s’y peuvent trouver l’essence et l’étant. Mais cette expression de
« substances simples » n’est pas sans poser problème. Même si Thomas l’utilise depuis le
prologue de l’opuscule, il lui faut à un certain moment approfondir la question qu’elle
porte : quelle est la simplicité de ces substances ? Est-elle une simplicité absolue ?
Autrement dit, pourquoi disons-nous que ces substances sont simples ?
Le problème de fond, on le comprend bien, est celui de la distinction entre le Dieu
unique et les intelligences créées. Au début du chapitre IV, l’Aquinate nous donne une
liste, que nous pouvons supposer exhaustive, des substances simples dont il s’apprête à
traiter : il s’agit de l’âme, de l’intelligence et de la cause première5. Mais l’esprit habitué
à ces subtilités perçoit immédiatement le problème posé par un tel inventaire : ces trois
éléments ne sont pas, ne peuvent pas être simples sur le même mode. La cause première,
c'est-à-dire Dieu, ne peut pas être simple comme sont simples les substances angéliques
(ainsi le langage théologique appelle-t-il les intelligences) ou les âmes humaines. Seul
Dieu est absolument simple, cela est même un de ses attributs principaux, et les autres
substances, parce qu’elles sont créées, ne sont simples que sur un mode analogique. En
d’autres termes, même dans les substances dites « simples », il doit y avoir une certaine
forme de composition, qui nous dit justement que ces substances ne sont pas Dieu : elles
doivent donc être composées, tout en étant vraiment simples, en rentrant dans la catégorie
des substances simples (c'est-à-dire simples par opposition aux substances composées,
hylémorphiques).

1.2 Une opinion à réfuter : la composition hylémorphique des intelligences


Or, dans les premiers chapitres du de Ente et essentia, Thomas a identifié l’essence des
substances composées en affirmant que cette essence était le composé lui-même de
matière et de forme : « le nom d’essence dans les substances composées signifie ce qui est
composé de matière et de forme »6. En d’autres termes, les substances composées ont une
‘essentielle’ composition hylémorphique. Alors, si nous disons que les substances
simples, elles aussi, doivent avoir une certaine forme de composition (du moins pour les
intelligences et pour l’âme), nous pouvons nous demander si cette composition est, elle
aussi, hylémorphique.

4
‘Étant’ reçoit ainsi une double signification (« ens per se dupliciter dicitur : uno modo quod diuiditur
per decem genera, alio modo quod significat propositionum ueritatem », DEE, I, 369, l. 2-5), tandis
que la signification de ‘essence’, qui découle de ens, est étudiée à travers ses divers ‘synonymes’ que
sont la forme, la quiddité, etc.
5
« Nunc restat uidere per quem modum sit essentia in substantiis separatis, scilicet in anima,
intelligentia et causa prima », DEE, IV, 375, l. 1-3.
6
« Relinquitur ergo quod nomen essentie in substantiis compositis significat id quod ex materia et
forma compositum est », DEE, II, 370, l. 38-40.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 5

Cela peut sembler absurde pour un thomiste averti, mais telle fut pourtant l’opinion de
tout une école de pensée, représentée majoritairement par les théologiens franciscains, et
particulièrement par Bonaventure de Bagnoregio. Suivant en cela une tradition attribuée
à Augustin7, Bonaventure affirme que les anges sont composés de matière et de forme.
Certainement, pour le franciscain, les anges n’ont pas de corps, et leur matière est une
matière ‘spiritualisée’, mais il soutient que l’on doit affirmer la composition
hylémorphique des substances angéliques. Son raisonnement est assez simple à
comprendre : si les anges sont composés, alors on doit pouvoir trouver en eux de l’actuel
et du possible ; or, explique le Docteur Séraphique, l’acte est toujours la forme, et le
possible est toujours la matière. Donc dans les anges, il doit y avoir composition de forme
et de matière 8 . Citons Bonaventure qui explique plus clairement que nous-mêmes sa
position :
Comme il y a dans les anges la raison de mutabilité, non seulement vers le non-être,
mais selon diverses propriétés comme la raison de passibilité, la raison
d’individuation et de limitation, ou encore la raison de composition essentielle selon
la nature propre, je ne vois pas de cause ou de raison pour défendre que la substance
de l’ange ne soit pas composée de diverses natures, de même que l’essence de toute
créature étant par soi ; et si elle est composée de deux natures, ces deux natures se
trouvent rapportées l’une à l’autre sur le mode de l’actuel et du possible, et donc
aussi de la matière et de la forme. Et cette position apparaît donc la plus vraie, selon
laquelle, dans l’ange, il y a composition de matière et de forme.9
L’argumentation de Bonaventure repose donc fondamentalement sur une équivalence
entre actuel et forme, et entre possible et matière. Mais pour Thomas d’Aquin, au contraire
on ne peut pas identifier aussi simplement matière et puissance : ces termes ne sont pas
univoques. Pour l’Aquinate, non seulement les anges n’ont pas de corps, mais ils n’ont
pas non plus de matière10. Mais il reste alors encore à montrer de quelle manière ils sont
composés, bien qu’étant vraiment des substances simples. C’est en vue d’une telle
démonstration que le Docteur Angélique va établir, dans ce chapitre, la distinction réelle
entre esse et essentia.

7
Cf. par exemple, AUGUSTIN, De Trinitate, III, I,5, l.18-19 : « utrum Angeli manente spiritali sui
corporis qualitate ».
8
« Dire que les anges sont des substances composées, c’est dire qu’il y a en eux de l’actuel et du
possible ; or l’acte est toujours la forme et le possible est toujours la matière, les anges sont donc
nécessairement composés de matière et de forme », E. GILSON, La philosophie de saint Bonaventure,
198.
9
« Cum in Angelo sit ratio mutabilitatis non tantum ad non-esse, sed secundum diversas proprietates,
sit iterum ratio passibilitatis, sit iterum ratio individuationis et limitationis, postremo ratio essentialis
compositionis secundum propriam naturam: non video causam nec rationem, quomodo defendi potest,
quin substantia Angeli sit composita ex diversis naturis, et essentia omnis creaturae per se entis; et si
composita est ex diversis naturis, illae duae naturae se habent per modum actualis et possibilis, et ita
materiae et formae. Et ideo illa positio videtur verior esse, scilicet quod in Angelo sit compositio ex
materia et forma », BONAVENTURE, in II Sent., d.3, pars 1,a.1, q.1, resp.
10
Thomas reprendra synthétiquement cette affirmation dans la Summa Theologiae. Répondant
spécifiquement à l’objection franciscaine, il explique : « licet in angelo non sit compositio formae et
materiae, est tamen in eo actus et potentia […]. Substracta ergo materia, et posito quod ipsa forma
subsistat non in materia, adhuc remanet comparatio formae ad ipsum esse ut potentiae ad actum »,
THOMAS D’AQUIN, Summae Theologiae, Ia, Q.50, a.2, ad 3um.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 6

1.3 Les substances simples sont vraiment simples, bien que composées
Thomas veut donc montrer que, bien qu’étant véritablement simples, ces substances
séparées ont bien une composition intrinsèque qui n’est pas moins vraie, et qui les
distingue de Dieu. Pour passer rapidement sur ce qui n’est pas le cœur de notre sujet,
disons simplement qu’au début du chapitre quatrième, l’Aquinate commence par établir
que les substances simples sont vraiment simples en leur essence, en d’autres termes, que
l’essence de ces substances n’est nullement composée de matière et de forme, qu’elle est
bien ‘séparée’ de la matière. Cela doit passer par l’affirmation de la possibilité de
l’existence d’une forme sans matière, alors même qu’aucune matière ne peut exister sans
forme, étape suite à laquelle Thomas peut avancer cet argument : « il faut que dans
n’importe quelle substance intelligente il y ait une immunité totale par rapport à la
matière » 11 . Cette thèse est démontrée à partir de l’immatérialité de la connaissance
intellectuelle, de la connaissance humaine, c'est-à-dire de l’abstraction, ce qui est très
intéressant quant au procédé épistémologique du Docteur angélique : c’est en effet à
travers la considération de notre mode de connaître que nous pouvons passer à la
connaissance des substances simples qui sont le véritable objet de la métaphysique. Cette
thématique mériterait une étude à part entière, mais elle ne regarde pas directement notre
sujet et nous nous contentons donc de la signaler sans nous y attarder12.
Thomas d’Aquin, moyennant ce passage par sa théorie de la connaissance humaine, a
donc montré que les intelligences ont une immunité vis-à-vis de la matière, et il peut donc
en conclure que les substances simples sont absolument immatérielles. Cela le conduit
alors à affirmer que l’essence de telles substances, à la différence de l’essence des
substances composées, est pure forme13, et donc à justifier donc que l’on puisse affirmer
une véritable simplicité de ces substances quant à leur essence. Leur essence est vraiment
simple, elle n’est pas composée et par conséquent n’est pas divisible : l’essence ne signifie
rien d’autre que la substance elle-même14.
Mais cette simplicité de l’essence ne conduit pas nécessairement à une simplicité
absolue de la substance elle-même. Une substance simple n’est pas nécessairement acte
pur, comme l’affirme Thomas : « de telles substances, bien qu’elles soient formes
seulement, sans matière, n’ont pourtant pas en elle une simplicité totale ni ne sont acte
pur, mais elles ont un mélange de puissance »15. Il reste donc, pour le Docteur Angélique,
à montrer qu’il y a dans ces substances un autre mode de composition : la composition
d’esse et d’essentia.

11
« Opportet quod in qualibet substantia intelligente sit omnino immunitas a materia », DEE, IV, 375-
376, l. 18-20.
12
Pour approfondir, on pourra se reporter au commentaire du père Lallement : D.-J. LALLEMENT,
Commentaire du De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, 415.
13
« essentia autem substantie simplicis est forma tantum », DEE, IV, 376, l. 64-65.
14
« essentia rei simplicis que est sua forma non potest significari nisi ut totum, cum nichil sit ibi preter
formam quasi formam recipiens ; et ideo quocumque modo sumatur essentia substantie simplicis, de
ea predicatur », Ibid., 376, l.72-76.
15
« Huiusmodi ergo substantie, quamuis sint forme tantum sine materia, non tamen in eis est
omnimoda simplicitas nec sunt actus purus, sed habent permixtionem potentie », DEE, IV, 376, l. 90-
93.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 7

2. La démonstration de la distinction réelle entre esse et essentia


Thomas veut donc montrer que la composition des substances simples est une
composition d’être et d’essence. Mais dire ceci signifie affirmer une distinction réelle
entre ces deux éléments. Si, en effet, cette distinction n’était que de raison, les substances
simples ne seraient pas vraiment composées, et toutes seraient Dieu. Le Docteur commun,
qui n’est pas panthéiste, doit donc montrer cette distinction réelle, et il le fait à travers un
processus argumentatif en trois étapes bien précises, que nous allons étudier pas à pas,
après avoir précisé la portée de ce qu’est une ‘distinction réelle’.

2.1 Distinction réelle et distinction de raison


Lorsque l’on parle de « distinction réelle », il faut le comprendre en opposition à une
« distinction de raison ». Ces expressions, pourtant, n’apparaissent pas dans le traité De
ente et essentia : Thomas n’y utilise pas « l’expression de "distinction réelle", et préfère
généralement parler de composition »16. Il ne s’agit pourtant pas de notions qui lui sont
inconnues, et elles apparaissent à maintes reprises dans d’autres œuvres de l’Aquinate,
essentiellement dans le contexte de la théologie trinitaire, où il s’agit de montrer que la
distinction des Personnes en Dieu est une distinction réelle (l’affirmation contraire étant
le fond de l’hérésie de Sabellius17).
Le traité trinitaire du commentaire sur les Sentences du Lombard est donc l’occasion
pour le Docteur Angélique de préciser la nature de ces deux distinctions. Il ne s’agit jamais
d’une explication systématique de ces éléments, mais plusieurs passages permettent
néanmoins d’avoir une idée assez précise de la différence posée par Thomas entre
distinction réelle et distinction de raison. Parmi ces passages, citons-en un qui nous semble
particulièrement éclairant :
Or de telles relations peuvent exister en Dieu de deux manières : certaines en effet
sont des relations réelles, qui requièrent une distinction réelle, comme la paternité
et la filiation, car aucune réalité ne peut être père ou fils de soi-même ; mais d’autres
sont des relations de raison seulement, qui ne requièrent pas une distinction réelle,
mais de raison, tout comme la relation qui est comprise dans le nom "opération" 18.
Évidemment, le contexte trinitaire de ce passage nécessite un aménagement certain
pour être transposé dans le domaine métaphysique du De ente et essentia. Il permet
néanmoins de comprendre comment la « distinction réelle » sera appliquée, non sans
controverse19, à la distinction posée par l’Aquinate entre l’être et l’essence. Dans le cadre
de la théologie trinitaire de Thomas d’Aquin, la réalité des Personnes en Dieu dépend de
la réalité des relations trinitaires qui découlent des processions. Pour dire qu’il y a

16
A. DE LIBERA, C. MICHON, « Le traité L’Étant et l’Essence de Thomas d’Aquin », 56.
17
« Si ergo unitas et numerus in diuinis non dicerent rem aliquam, non esset in diuinis realis distinctio,
quod est haeresis Sabelliana », THOMAS D’AQUIN, Quodlibet X, Q. 1 a. 1 arg. 2.
18
« Hujusmodi autem relationes in divinis contingit esse dupliciter : quædam enim sunt relationes
reales, quæ requirunt distinctionem realem, sicut paternitas et filiatio, quia nulla res potest esse pater
et filius sibi ipsi ; quædam autem sunt relationes rationis, sicut relatio quæ importatur in hoc nomine
"operatio" », THOMAS D’AQUIN, Scriptum super libros Sententiarum, d. XXVII, Q.2, a.2, qc. 1, co.
19
Nous voulons parler ici essentiellement de la dispute qui agita le milieu thomiste du début du XXème
siècle, particulièrement entre le Père Mandonnet et le Père Chossat. L’ampleur de notre étude ne nous
permet pas d’entrer dans le détail de cette controverse dont on pourra trouver un bon résumé chez P.
PORRO, « Appendice II. Qualche riferimento storiografico sulla distinzione di essere ed essenza », in
THOMAS D’AQUIN, L’ente e l’essenza, Milano, Bompiani, 2016, 183-202.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 8

vraiment trois Personnes en Dieu, il faut affirmer qu’elles se distinguent vraiment,


autrement dit qu’il y a entre elles une distinction réelle et non uniquement de raison, sans
quoi les Personnes ne sont que des modalités de l’unique essence divine, ce qui conduit à
l’hérésie de Sabellius. La distinction de raison, que l’Aquinate rejette donc dans ce cadre,
apparaît ainsi comme le fruit de l’activité intellectuelle confrontée à l’unité irréductible de
Dieu : « la distinction de raison est celle qui n’existe que dans et par l’esprit qui la
conçoit »20.
Dans le cadre du De ente et essentia, comme nous l’avons précisé, l’étude ne porte
précisément pas sur Dieu (pour lequel la distinction entre essence et existence n’est
justement que de raison, puisque la seule distinction réelle en Dieu est celle qui existe
entre les Personnes), mais sur les substances séparées. Toutefois la différence entre
distinction de raison et distinction réelle reste la même, et la question qui se pose est donc
de savoir si la distinction entre esse et essentia est uniquement le fruit de l’intelligence qui
appréhende la même réalité sous deux modalités diverses, ou si, au contraire, cette
distinction « habite la réalité elle-même »21, si les deux éléments qu’elle distingue sont
bien deux réalités ‘objectivement’ diverses.
Et, comme nous l’avons précisé, Thomas n’utilise pas l’expression de « distinction
réelle » pour caractériser celle qui existe entre l’être et l’essence, mais « c’est le contexte
et la nature même de l’argumentation qui nous permettent de reconnaître qu’il s’agit bien
d’une distinction réelle »22. En effet, cette argumentation, comme nous allons le montrer
maintenant, affirmera d’abord la distinction conceptuelle, pour montrer ensuite qu’elle
correspond à une distinction réelle, dans la réalité de ces substances séparées.

2.2 La distinction conceptuelle de l’être et de l’essence


Thomas commence donc son argumentation en montrant la distinction conceptuelle
entre être et essence. Le point de départ de son raisonnement est en effet ce qu’il appelle
l’intellectus essentie, c'est-à-dire littéralement l’intellection de l’essence, donc le concept
de l’essence, sa conception dans l’esprit. En d’autres termes, Thomas fonde son
argumentation sur la capacité de l’homme à concevoir vraiment une quiddité, à donner et
à posséder une définition complète de cette essence. Plus précisément, l’affirmation qui
détermine toute la suite du raisonnement est celle-ci : « tout ce qui n’est pas du concept
de l’essence ou quiddité, cela est advenant de l’extérieur et faisant composition avec
l’essence, car aucune essence ne peut être comprise sans les éléments qui font partie de
l’essence »23.
Or, si l’homme a bien cette capacité, s’il peut concevoir ce qu’est réellement la chose,
cela signifie qu’il a la capacité de donner tous les éléments qui entrent dans la définition
de la chose. L’homme a ce pouvoir de déterminer, d’énumérer en quelque sorte toutes les
délimitations de cette essence, toutes ses déterminations 24 . S’il peut donc avoir cet
intellectus essentie, il connaît le quod est de la chose et il peut connaître ce qui fait partie
de l’essence et ce qui n’appartient pas à cette essence. Prenons un exemple pour mieux
comprendre : si l’intelligence humaine peut connaître vraiment ce qu’est un homme, à

20
P.-M. MARGELIDON, Y. FLOUCAT, « Distinction », in Dictionnaire de philosophie et de théologie
thomiste, 127.
21
Ibid., 126.
22
D.-J. LALLEMENT, Commentaire du De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, 442.
23
« Quicquid enim non est de intellectu essentie uel quiditatis, hoc est adueniens extra et faciens
compositionem cum essentia, quia nulla essentia sine hiis que sunt partes essentie intelligi potest »,
DEE, IV, 376, l. 94-97.
24
« nulla essentia sine hiis que sunt partes essentie intelligi potest », Ibid., l. 96-97.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 9

partir de l’abstraction, il doit pouvoir donner tous les éléments qui entrent dans la
définition de l’homme, en l’occurrence l’animalité et la rationalité.
Mais cet exemple est ‘facile’, car l’homme est connaissable par abstraction justement :
on peut atteindre sa définition en le connaissant à partir de la réalité perçue par les sens.
Mais, explique l’Aquinate, nous pouvons également connaître vraiment une essence qui
n’est pas abstraite directement d’une chose existante, et dont on ne peut affirmer qu’elle
existe réellement. L’exemple donnée par Thomas du phénix, au-delà du fait que celui-ci
soit considéré comme un animal réel ou non, montre que nous pouvons avoir une
connaissance vraie d’une essence par construction mentale. Il nous semble évident, en
effet, que Thomas n’a jamais vu, jamais perçu de phénix, et que son concept de phénix
n’est donc pas abstrait de la réalité sensible. Le concept qu’il a du phénix montre qu’il
peut néanmoins avoir une connaissance vraie de ce qu’est le phénix, sans connaître la
nécessité de son existence25. En d’autres termes, le Docteur Angélique peut donner tous
les éléments qui entrent dans la définition du phénix, sans savoir si le phénix existe dans
la réalité, sans savoir si l’existence peut lui être attribuée.
La conclusion d’un tel raisonnement est que l’existence ne fait pas partie de l’essence
du phénix, comme l’existence ne fait partie d’aucune essence 26 . Nous pouvons donc
concevoir une essence sans l’être, sans l’existence. Nous pouvons donner d’une chose
toutes ses déterminations essentielles, sans rien savoir de son existence, de son esse. Donc
l’être et l’essence semblent bien deux choses diverses. Mais jusqu’ici, Thomas a
uniquement montré qu’il y avait une différence conceptuelle entre l’essence et l’être27.
Reste à savoir, cependant, si à cette différence conceptuelle correspond une différence
réelle28.

2.3 Unicité de l’Ipsum Esse


La thèse de Thomas n’est donc pas encore établie : son argumentation doit passer par
la démonstration de l’unicité de la Cause première. Jusqu’ici, il a uniquement montré que
le concept d’essence n’est pas identique au concept de l’être, et son raisonnement se
poursuit alors en établissant une thèse qui est au cœur de tout le processus argumentatif :
s’il y a un être pour lequel l’esse et l’essentia ne sont pas réellement distincts, cet être doit
nécessairement être unique29. Et cette unicité de l’être qui est l’Ipsum Esse se démontre à
partir du fait qu’il n’existe que trois manières dont un acte ou une forme est multiplié. En
d’autres termes, il n’y a que trois modes de multiplication d’un acte, dont aucun ne peut
convenir à un étant qui serait son propre être.

25
« possum enim intelligere quid est homo uel fenix et tamen ignorare an esse habeat in rerum
natura », Ibid., IV, 376, l. 100-101.
26
On laisse de côté ici le cas particulier de l’essence divine qui n’est autre que l’existence de Dieu.
27
« ergo patet quod esse est aliud ab essentia uel quiditate », DEE, IV, 376, l. 102.
28
Notons sur ce point une divergence d’interprétation entre les commentateurs de l’opuscule : alors
que le père Lallement voit dans cette étape un premier argument en faveur d’une distinction réelle de
l’esse et de l’essentia (cf. LALLEMENT, op. cit., p. 444), Libera et Michon n’y comprennent que la
première partie d’un raisonnement qui ne sera complet qu’au terme du processus argumentatif passant
par la démonstration de l’existence de Dieu : « le texte peut échapper à l’accusation d’incohérence si
la thèse de la distinction n’est établie que plus tard, après la démonstration de l’existence de Dieu.
Jusqu’ici, il a seulement été montré que le concept d’essence est différent du concept d’être.
L’argument n’est pas achevé… » (A. DE LIBERA, C. MICHON, « Le traité L’Étant et l’Essence de
Thomas d’Aquin », 53-54). Nous nous rangeons ici plutôt à l’avis de ces derniers, et considérons que
le raisonnement de Thomas articule plutôt qu’il ne juxtapose les arguments.
29
« talis res que sit suum esse non potest esse nisi una », DEE, IV, 377, l. 120-121.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 10

Examinons brièvement ces trois modalités de la multiplication. La première est ce que


nous pourrions appeler la multiplication formelle : une forme peut être multipliée en
recevant l’addition d’une différence formelle. C’est le mode qui correspond à la
multiplication de la forme générique dans ses espèces : par exemple, la même forme
‘animale’ est multipliée par l’ajout des différences spécifiques (ainsi quand la forme
animale reçoit la forme ‘rationalité’ ou la forme ‘caninité’, etc.)30. La deuxième modalité
peut être appelée multiplication matérielle : une forme peut encore être multipliée
lorsqu’elle est reçue dans des matières diverses, et ce mode correspond à la multiplication
de la forme spécifique dans les individus (ainsi quand la forme du chien est reçue dans
une matière diverse pour être multipliée en divers individus)31. La troisième modalité de
multiplication correspondrait peu où proue à celle des Idées de Platon : une forme peut
être multipliée quand elle a une subsistance propre, pure, d’un côté, et qu’elle est reçue,
de l’autre côté, dans un sujet32. Cette modalité est plus compliquée à comprendre car nous
n’en trouvons pas d’exemple dans la nature, mais elle correspond à la théorie
platonicienne des Idées, dans laquelle l’idée de l’homme a une existence propre, séparée
des sujets dans lesquels elle est reçue.
Or aucune de ces trois modalités de multiplication d’un acte ne peut convenir à une
substance dont l’essence serait son propre être, c'est-à-dire à l’Ipsum Esse. Une telle
substance ne peut pas, en effet, être multipliée par l’ajout d’une différence formelle, donc
d’une autre forme, car si une forme s’ajoutait à l’Ipsum Esse, son essence ne serait plus
son existence purement et simplement, mais l’existence et cette différence formelle33 : la
substance ne serait alors plus l’Ipsum Esse. De la même manière, cette substance ne peut
pas être multipliée en étant reçue dans telle ou telle matière déterminée, ce qui semble
évident : si l’Ipsum Esse est reçu dans une matière, il devient composé, hylémorphique, et
son essence est composée34. Enfin, une substance qui serait l’Ipsum Esse ne peut pas non
plus être multipliée à la manière des Idées de Platon, car dans ce cas il y aurait, d’un côté,
l’esse séparé, simple, et de l’autre côté les êtres participés ; et alors ce sont les
participations qui seraient multipliées, tandis que l’Ipsum Esse resterait unique, non
multiplié.
Ainsi, des trois uniques modalités de la multiplication d’une forme ou d’un acte, aucune
ne convient à la substance dont l’essence serait son être même. La conclusion logique est
donc qu’une telle substance est nécessairement unique : un étant identique à son être doit
être unique.

2.4 Distinction réelle de l’esse et de l’essentia


A partir de là, nous pouvons facilement comprendre comment on arrive à la conclusion
de la distinction réelle entre être et essence : s’il ne peut y avoir qu’une seule réalité ayant
identité entre son être et son essence, en d’autres termes si l’Ipsum Esse est nécessairement

30
« quia impossibile est ut fiat plurificatio alicuius nisi per additionem alicuius differentie, sicut
multiplicatur natura generis in species… », DEE, IV, 376, l. 105-107.
31
« …uel per hoc quod forma recipitur in diuersis materiis, sicut multiplicator natura specie in
diuersis indiuiduis… », Ibid., 376, l. 108-110.
32
« …uel per hoc quod unum est absolutum et aliud in aliquo receptum, sicut si esset quidam calor
separatus esset alius a calore non separato ex ipsa sua separatione », Ibid., 376-377, l. 110-113.
33
« Si autem ponatur aliqua res que sit esse tantum ita ut ipsum esse situ subsistens, hoc esse non
recipiet additionem differentie, quia iam non esset esse tantum sed esse et preter hoc forma aliqua »,
Ibid., 377, l. 113-117.
34
« et multo minus reciperet additionem materie quia iam esset esse non subsistens sed materiale »,
Ibid., 377, l. 118-119.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 11

unique, alors toutes les réalités diverses, multiples, ont nécessairement un esse distinct de
leur essence35. Et cette conclusion est l’unique possible puisque, comme le précise Cajetan
dans son commentaire de l’opuscule, il ne peut y avoir, pour qu’un acte soit multiplié, que
les trois modalités que nous avons énumérées précédemment36.
Résumons donc brièvement l’argumentation en trois étapes de Thomas. Tout d’abord
il y a une distinction conceptuelle entre l’esse et l’essentia. Ensuite, s’il existe une
substance pour lequel cette distinction n’est que conceptuelle, et n’est donc pas également
réelle, cette substance est nécessairement unique. Alors toutes les substances qui sont
multiples ont une distinction réelle entre leur essence et leur esse.
Dans la suite du raisonnement, Thomas démontre l’existence de Dieu sur la base de
l’impossibilité de remonter à l’infini dans la recherche des causes de l’être de ces
substances multiples. En effet, explique le Docteur Angélique, s’il y a une distinction
réelle entre l’être et l’essence, on peut légitimement se demander ce qui fait qu’une
essence ait l’être, soit associée à l’être. Soit l’essence existe par elle-même, parce que son
être est identique à son essence, soit elle a une cause de son être, et il faut rechercher cette
cause 37 . Et pour éviter une impossible régression à l’infini, on doit donc affirmer
l’existence de l’essence qui est par elle-même, donc de l’Ipsum Esse38. Toutefois, il nous
faut préciser ici que cette ‘preuve’ de l’existence de Dieu n’est pas, en soi, nécessaire à la
démonstration de la distinction réelle entre l’esse et l’essentia : même sans l’Ipsum Esse,
la multiplicité des substances intellectuelles exige une telle distinction, comme nous
l’avons montré avec l’Aquinate39.

35
« Unde oportet quod in qualibet alia re preter eam aliud sit esse suum et aliud quiditas uel natura
seu forma sua », DEE, IV, 377, l. 121-123.
36
« Nec apparebit discurrenti per omnia prædicamenta aliquis alius modus realis multiplicationis in
universo », THOMAS DE VIO, Commentaria in De ente et essentia D. Thomae Aquinatis, cap. V, q. IX.
37
« Ergo oportet quod omnis talis res cuius esse est aliud quam natura sua habeat esse ab alio », DEE,
IV, 377, l. 135-137.
38
« Et quia omne quod est per aliud reducitur ad id quod est per se sicut ad causam primam, opportet
quod sit aliqua res que sit causa essendi omnibus rebus eo quod ipsa est esse tantum ; alias iretur in
infinitum in causis, cum omnis res que non est esse tantum habeat causam sui esse », Ibid., 377, l.137-
143.
39
« La thèse de l’existence de l’être subsistant n’est donc pas nécessaire pour poser celle de la
distinction. Il ne peut y avoir qu’un seul être dont l’essence et l’être sont identiques ; qu’il existe ou
non, dans toutes les autres substances, être et essence sont distincts », A. DE LIBERA, C. MICHON, « Le
traité L’Étant et l’Essence de Thomas d’Aquin », 55.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 12

3. Les sources de la distinction


Pour clarifier davantage cette distinction, ses enjeux et ses implications, et entrer ainsi
plus profondément encore dans la pensée du Docteur commun, il peut être utile de montrer
en quoi cette pensée se distingue de celle des philosophes dont il s’est inspiré pour trouver
une telle solution métaphysique.

3.1 Une ligne platonicienne


Précisons pour commencer que cette théorie de la distinction réelle ne peut pas être
trouvée dans la pensée aristotélicienne. Certes, chez Aristote, nous trouvons peut-être la
première distinction philosophique entre l’être et l’essence40, mais cette distinction reste
uniquement à un niveau conceptuel. C’est Aristote lui-même, d’ailleurs, qui affirme que
l’être n’ajoute rien à la chose : il y a identité entre « homme existant » et « homme »41. Du
reste, on peut dire que pour le Stagirite, chaque chose est cause de sa propre existence, par
la médiation des principes de l’essence 42 . Toutefois, comme le note le Père Roland-
Gosselin, c’est la logique d’Aristote qui a « préparé la théorie de la distinction réelle entre
l’essence et l’existence »43. On y trouve en effet la division de l’être entre nécessaire et
contingent, « ou entre nécessaire par soi et nécessaire par un autre »44, ce qui ouvre la voie
chez le Philosophe à la distinction conceptuelle entre l’essence et l’existence. Mais pour
Aristote, une telle division de l’être en nécessaire et contingent est strictement liée à la
composition hylémorphique, puisque seule la matière est pour lui le principe de la
contingence. Si le Stagirite ne théorise donc pas la distinction réelle entre essence et
existence, il serait donc peu rigoureux d’y voir une opinion radicalement opposée à la
métaphysique aristotélicienne. Disons plutôt que « l’extension donnée ici par les Arabes,
puis par le thomisme, au système aristotélicien »45 est plutôt en accord avec la manière
habituelle de procéder pour le Philosophe qui, s’il ne semble pas avoir entrevu cette
possibilité46, ne l’aurait peut-être pas reniée pour autant.

Si la distinction réelle entre essence et être ne contredit pas formellement les principes
de la métaphysique aristotélicienne, c’est pourtant davantage dans l’héritage platonicien
et néoplatonicien qu’il faut en chercher les origines ‘formelles’, et ce principalement en
raison de l’opposition radicale que cette tradition philosophique pose entre la simplicité
absolue de l’Un et la composition des étants, perdus dans la région de la dissimilitude. Et
dans cet héritage, nous pouvons noter une influence plus déterminante encore à la fois de
Boèce et du Liber de Causis.
Pour être extrêmement synthétiques, disons que si Boèce insiste fortement sur la
composition de la créature, opposée à la simplicité de l’être divin, cette composition se
trouve dans l’essence elle-même (essence que Boèce appelle souvent esse, ce qui introduit

40
« L’on ne peut mettre en doute que la première origine philosophique de la distinction réelle entre
l’essence et l’existence ne se trouve dans la logique aristotélicienne », M.-D. ROLAND-GOSSELIN, Le
"De ente et essentia" de S. Thomas d’Aquin, 137.
41
« idem enim et unus homo et ens homo et homo, et non diversum aliquid ostendit secundum dictionem
repetitam ipsum "est homo et homo et unus homo" », ARISTOTE, Métaphysique, IV,2,1003,b26-27.
42
« Quare causa quæritur materiæ. Hoc autem est species qua aliquid est. Hæc autem substantia »,
ARISTOTE, Métaphysique, Z, 1041b5 (in THOMAS D’AQUIN, In metaphysicam Aristotelis, VIII, l. 17).
43
M.-D. ROLAND-GOSSELIN, Le "De ente et essentia" de S. Thomas d’Aquin, 140.
44
Ibid., 140.
45
M.-D. ROLAND-GOSSELIN, Le "De ente et essentia" de S. Thomas d’Aquin, 141.
46
Peut-être en raison de l’absence d’idée de création dans sa philosophie.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 13

un peu de confusion dans l’histoire des notions dont nous traitons). Dans cette essence de
la créature, Boèce distingue entre la substance première et la forme (car « l’identité qu’il
pose en Dieu est l’identité de la substance et de la forme divine »47), et en cela il semble
plutôt suivre Aristote, en définitive.
Dans le Liber de Causis, qui reprend la théologie de Proclus, nous trouvons encore
cette forte opposition entre la multiplicité interne de la créature et l’unité absolue du
Premier Principe. Et, pour être bref, disons qu’en général, dans la pensée de Proclus, il y
a une ébauche de la distinction entre forme et être, mais cette distinction est une parmi
tant d’autres qui caractérisent la multiplicité des étants. Il faut signaler toutefois que le
commentaire arabe des Élements de Proclus qu’est le Livre des causes ajoute à la pensée
du néoplatonicien une thèse qui intéresse notre sujet, à savoir l’absence d’yliatim de la
Cause Première48. La Cause première est dépourvue de cette détermination formelle qu’est
l’yliatim, car « il n’est qu’Un, c'est-à-dire seulement être, sans posséder aucun attribut
particulier »49. Sans que soit affirmée explicitement la distinction formelle, on trouve donc
ici affirmée une absolue unité de la Cause première, unité qui renvoie, dans les autres
substances, à une composition réelle d’existence et de forme.
Ainsi, dans la tradition néoplatonicienne grecque, on ne trouve pas encore de
distinction réelle affirmée entre essence et être, mais plutôt une distinction entre forme et
sujet, entre forme et substance première. C’est néanmoins cette tradition qui sera reprise
par les philosophes musulmans, et notamment par Avicenne, pour donner naissance à la
théorie de la distinction formelle.

3.2 Le rôle clef d’Avicenne


Avicenne est donc la première autorité à avoir soutenu la thèse de la distinction réelle
entre esse et essentia. Pour lui comme pour ses prédécesseurs néoplatoniciens, l’objectif
d’une telle distinction est d’affirmer la différence irréductible entre la simplicité absolue
de la Cause première et la multiplicité des étants. Avicenne pose donc plusieurs
distinctions dans les choses créées : entre essence abstraite et essence réalisée, et puis,
dans cette même essence réalisée, entre l’essence elle-même et son existence, par laquelle
cette essence est réalisée50.
Pour démontrer cette distinction réelle, Avicenne suit une réflexion parallèle à celle de
l’Aquinate : considérant les êtres immatériels, il montre en eux une composition entre le
possible et le nécessaire : « il oppose les êtres qui ne sont que des possibles (possibile
esse), réalisés ou non, et l’être nécessaire (necesse esse) » 51 . Pour être rapide, nous
pouvons dire que, pour le philosophe persan, le possible n’existe que si son existence lui
vient d’un autre qui est sa cause, auquel cas il est composé de possibilité et de nécessité,
laquelle lui vient ultimement de sa cause. Alors que la matière constitue la possibilité, la
puissance, pour les substances composées, Avicenne admet, comme nous l’avons

47
M.-D. ROLAND-GOSSELIN, Le "De ente et essentia" de S. Thomas d’Aquin, 145 ; cf. BOECE, De
Trinitate, II : « divina substantia, sine materia forma est, atque ideo unum est, et id quod est », P.L., t.
64, 1250 C.
48
« intelligentia est habens helyatin, quoniam est esse et forma et similiter anima est habens helyatin.
Et natura est habens helyatin. Et causae quidem primae non est helyatin, quoniam ipas est esse
tantum », Liber de Causis, VIII [IX], §90.
49
C. D’ANCONA COSTA, Recherches sur le Liber de causis, 109.
50
« Avicenne ne dit pas seulement que l’on peut distinguer l’essence elle-même de l’essence réalisée,
mais encore que l’on doit distinguer l’essence réalisée et l’existence par laquelle elle se réalise », A.
DE LIBERA, C. MICHON, « Glossaire des sources », 34-35.
51
Ibid., 35.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 14

également vu chez Thomas, une autre composition pour les substances simples, séparées
de la matière 52 : « par-là même qu’elles sont possibles, ces substances ne sont pas
simples »53. L’essence est alors, pour ces êtres séparés, le possible, tandis que l’existence
est le nécessaire qui leur vient de l’unique être qui n’est que nécessaire.
A partir de cette démonstration, Avicenne tire deux conclusions qui seront des points
de différence avec la solution de Thomas d’Aquin : l’accidentalité de l’être, et l’absence
d’essence de l’Ipsum Esse54 . Du fait que les essences sont conçues par le philosophe
persan comme ce qui est en puissance, ce qui est possible avant l’ajout de l’être, de
l’existence, il y a une certaine subsistance autonome des essences privées de l’existence,
qui rend celle-ci, en quelque sorte, accidentelle. Au contraire, la Cause première est ce qui
est absolument nécessaire, et donc qui n’est constituée que d’existence et certainement
pas d’essence.

3.3 Les particularités de la solution de Thomas d’Aquin


Cette histoire, trop brièvement ébauchée, de l’idée de la distinction réelle entre esse et
essentia nous permet de mettre en évidence trois points qui caractérisent la doctrine
particulière de Thomas d’Aquin par rapport à ses prédécesseurs et à ses contemporains.
Quant à l’Ipsum Esse, nous devons dire qu’il y a une essence divine. Il y a eu, dans
l’histoire des penseurs thomistes, un courant attribuant à Thomas la thèse avicennienne
selon laquelle il n’y a pas d’essence en Dieu, mais seulement l’existence. A la lecture du
De ente et essentia, on voit cependant qu’une telle opinion ne saurait être trouvée chez
l’Aquinate : l’Ipsum Esse a bien une essence, qui est son propre être. Thomas parle
explicitement d’une quiddité qui serait l’être même, et non d’un être sans essence : « il est
en effet une certaine réalité, à savoir Dieu, dont l’essence est son être même » 55 . Et
l’Aquinate dénonce, immédiatement après, ceux qui disent « que Dieu n’a pas de quiddité
ou d’essence, car son essence n’est autre que son être »56. Il est clair que Thomas vise ici
Avicenne, dont il a commenté les textes à ce sujet dans son commentaire sur les
Sentences57. Mais comme le déplore le Père Lallement, « Avicenne a, sur ce point, de
modernes continuateurs »58, nommément les illustres Sertillanges et Gilson. Nous aurons
l’occasion de revenir sur la lecture d’Étienne Gilson, et nous passerons donc sur la
réfutation qu’en fait Lallement, nous contentant de signaler à quel point l’absence
d’essence en Dieu est en contradiction formellement évidente avec le texte même du De
ente et essentia.
Quant à la distinction réelle en elle-même, ensuite, il ne faut pas confondre distinction
et séparabilité. Cette précision est nécessaire, car certains, parmi lesquels Guillaume

52
« Tel est le cas des substances simples, qui ne connaissent pas la dualité de la matière et de la forme,
mais bien celle du possible et de l’actuel, de l’essence et de l’être », Ibid., 36.
53
M.-D. ROLAND-GOSSELIN, Le "De ente et essentia" de S. Thomas d’Aquin, 154.
54
« Très certainement Avicenne distingue l’existence de l’essence, et jusqu’à dire que l’esse est
accidentel à l’essence. L’essence est quelque chose ; l’esse, en un sens, quelque chose d’autre qui
advient à l’essence possible, même immatérielle, par l’action de la Cause première. En cette dernière
au contraire, il n’y a aucune distinction ; et même, en rigueur d’expression, l’Être nécessaire n’a pas
d’essence », Ibid., 156.
55
« Aliquid enim est sicut Deus cuius essentia est ipsummet suum esse », THOMAS D’AQUIN, DEE, V,
378, l. 3-5.
56
« et ideo inueniuntur aliqui philosophi dicentes quod Deus non habet quiditatem uel essentiam, quia
essentia sua non est aliud quam esse eius », THOMAS D’AQUIN, DEE, V, 378, l. 5-7.
57
Cf. THOMAS D’AQUIN, Scriptum super libros Sententiarum, I. d. VIII, Q.4, a.2.
58
D.-J. LALLEMENT, Commentaire du De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, 481.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 15

d’Ockham59, ont critiqué la solution thomiste en pensant que la distinction réelle pourrait
conduire à une subsistance de l’essence privée de l’esse60. Or Thomas réfute absolument
une telle interprétation de la distinction réelle, lorsqu’il utilise le couple puissance et acte
pour faire comprendre la distinction réelle entre être et essence : « de même que la matière
et la forme sont distinctes, bien que la matière ne puisse exister sans la forme, même par
la toute-puissance de Dieu, de même l’être et l’essence sont distincts, bien que l’un ne
puisse exister sans l’autre »61. Il peut donc y avoir une distinction réelle, sans existence
séparée des éléments réellement distincts.
Quant aux substances créées, enfin, il faut dire en conséquence que l’être n’a rien
d’accidentel pour elles, comme semblait l’impliquer la pensée d’Avicenne. En effet, l’être
est reçu par l’essence comme la forme est reçue par la matière. Mais ce qui est, l’étant,
n’est pas ce qui reçoit l’acte d’être : l’étant est constitué par cet acte d’être. Ce qui est en
puissance est l’essence, qui reçoit l’être, mais l’étant, le sujet, est constitué du fait de
l’actualisation de l’essence par l’acte d’être, donc par le composé d’être et d’essence. En
d’autres termes, par rapport à celle d’Avicenne, la doctrine thomasienne montre une
relation plus forte entre l’essence et l’être : l’être n’est pas accidentel pour l’essence, car
il ne peut y avoir d’essence sans existence. Autrement dit, alors que pour Avicenne l’esse
est, d’une certaine manière, ‘extérieur’ à l’essence, la composition thomiste est plus
étroite, plus resserrée, plus proche de la composition entre matière et forme ou entre
puissance et acte. Mais en conséquence de cette ‘spécificité’ thomasienne, il faut
également réfuter l’idée selon laquelle l’essence n’est conçue que négativement par
rapport à l’acte d’exister. Sur ce point encore, le père Lallement pointe ce qui lui semble
une certaine erreur d’interprétation chez Étienne Gilson : lorsque celui-ci affirme que
« hors l’acte pur d’exister, rien ne peut exister que comme tel ou tel exister »62, il fait de
l’exister le centre constitutif de l’étant, pour lequel l’essence apparaît au mieux comme
une limite, au pire comme une dimension purement négative, restrictive de l’étant. En
d’autres termes, il semble y avoir chez Gilson une certaine « confusion entre l’existant
fini et son acte d’exister » 63 , qui relègue l’essence sur un niveau presque accidentel,
comme une simple privation 64 . Or si Dieu a une essence, comme l’affirme Thomas
contrairement à Gilson, celle-ci ne saurait être comprise comme une restriction ou une
limite, mais comme « une certaine capacité de recevoir telle mesure d’existence »65. Bref,
Thomas, en établissant une certaine analogie entre la composition d’être et d’essence et la
composition de puissance et d’acte (sans pour autant identifier les termes de l’analogie
comme le fait Bonaventure avec le couple matière/acte), trouve une certaine via media
entre la tendance avicennienne qui considère l’existence comme un accident des créatures,
et la lecture gilsonienne qui ne voit dans l’essence de ces créatures qu’une restriction de
l’acte d’exister.

59
Cf. Guillelmi de Ockham Opera philosophica, vol. I, ed. G. Gàl, St. Brown, Franciscan Institute, St.
Bonaventure, 1974, 553-555.
60
Une telle identification entre distinction et séparabilité étant fondée sur la toute-puissance de Dieu :
« si x et y sont distincts, Dieu peut faire exister l’un sans l’autre », », A. DE LIBERA, C. MICHON, « Le
traité L’Étant et l’Essence de Thomas d’Aquin », 57.
61
Ibid., 57.
62
E. GILSON, Le Thomisme, 178.
63
D.-J. LALLEMENT, Commentaire du De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, 506.
64
« L’essence d’un acte fini d’exister consiste à n’être que tel ou tel esse, non l’esse pur […]. L’acte
d’exister se spécifie donc par ce qui lui manque », E. GILSON, Le Thomisme, 178.
65
D.-J. LALLEMENT, Commentaire du De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, 510.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 16

Conclusion
Ainsi, pour répondre au problème de la composition des substances simples,
composition qui doit distinguer ces substances de Dieu, Thomas d’Aquin démontre la
présence, en toutes les substances à l’exception de Dieu, d’une distinction réelle entre
essence et existence. Cette démonstration lui permet de réfuter la thèse hylémorphique de
l’école franciscaine sans courir le risque du panthéisme : les substances simples sont
vraiment simples car leur essence n’est pas composée de forme et de matière, et pourtant
elles ne sont pas simples comme Dieu car elles sont composées d’essence et d’existence,
deux éléments réellement distincts.
Pour démontrer une telle distinction réelle, Thomas commence par montrer la
différence conceptuelle de l’être et de l’essence, à partir de l’acte même de connaissance.
Il met ensuite en évidence le fait que, s’il existe une substance pour laquelle l’essence et
l’être sont identiques, cette substance doit être unique. Par conséquent, il doit exister, dans
toutes les substances qui ne sont pas Dieu, une réelle distinction entre l’essence et l’être.
Ainsi, au fond, la multiplicité des substances est l’argument le plus fort en faveur de la
distinction réelle de l’esse et de l’essentia, et la démonstration de l’existence de Dieu qui
suit la démonstration du Docteur Angélique n’est pas, en soi, requise pour la validité de
sa thèse.

Ceci étant dit, une discussion pourrait émerger de la lecture du De ente et essentia,
quant au primat de l’être sur l’essence : dans la lecture d’Étienne Gilson, on l’a dit, il y a
une certaine identification entre les étants et leur acte d’être. Gilson semble supposer, par
exemple, qu’il n’y a de réel que des actes distincts d’exister66, et par là même, identifier
un peu trop strictement le sujet à l’acte d’être, tandis que nous voyons chez Thomas que
le sujet est davantage le composé d’essence et d’être (à la manière dont l’essence des
substances composées n’est pas la forme elle-même mais le composé de matière et de
forme).
Nous avons donc, pour ébaucher cette distinction de manière rapide et un peu trop
grossière, deux manières de comprendre l’ontologie de Thomas, selon que nous
comprenons l’étant plutôt comme l’acte de l’essence ou plutôt comme l’essence en acte.
En d’autres termes, la métaphysique thomasienne prend une allure bien différente selon
que nous mettons l’accent davantage sur l’acte d’être ou sur l’essence. Alors que le
premier mode serait plus proche d’une ligne aristotélicienne, le second reçoit plutôt son
influence d’une manière néoplatonicienne de comprendre l’être. Il nous semble pouvoir
rapprocher cette dualité de lecture de celle signalée par le père Montagnes à la fin de son
étude sur l’analogie, entre deux positions métaphysiques, dont « l’une consiste à découvrir
l’unité des êtres dans les rapports de causalité qui les relient au premier d’entre eux, [tandis
que] l’autre tente de réduire le multiple à l’un par voie conceptuelle, dans l’unité de l’idée
d’être »67. Pour la deuxième voie, identifiée par Montagnes dans la théologie du cardinal
Cajetan, « l’être est constitué par le rapport de l’essence à l’esse ; la fonction de l’essence
se borne à recevoir l’acte d’être et à le limiter »68. Pour la première voie, qui semble à
Montagnes être plus authentiquement celle de Thomas, « l’essence n’est plus définie en
premier lieu comme la puissance et la limite de l’acte d’être, elle en est d’abord la mesure

66
Notons que le Père Lallement cite ici une phrase d’Étienne Gilson que nous n’avons pas pu retrouver
dans notre édition de Le Thomisme, la dernière, ce qui laisse penser que Gilson s’est corrigé, au moins
formellement, au fil des éditions successives.
67
B. MONTAGNES, La doctrine de l’analogie de l’être d’après saint Thomas d’Aquin, 164.
68
Ibid., 165.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 17

formelle, et cela jusques et y compris en Dieu […]. L’être est indivisiblement esse et
essence, chaque étant réalise à sa manière la perfection d’être »69. Sans entrer, faute de
temps et de connaissance précise de la pensée de Cajetan, dans les détails de la
controverse, il nous semble en tout cas que la deuxième voie présentée par le père
Montagnes se rapproche effectivement davantage, nous espérons l’avoir suffisamment
montré, de l’ontologie présentée par l’Aquinate dans le traité De ente et essentia qui a été
au centre de notre étude. Les conséquences d’une telle ontologie sur la question de
l’analogie mériteraient alors d’être étudiées d’une manière approfondie.

69
B. MONTAGNES, La doctrine de l’analogie de l’être d’après saint Thomas d’Aquin, 167.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 18

BIBLIOGRAPHIE

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TORRELL, J.-P., Initiation à saint Thomas d’Aquin, Paris, Cerf, 2015.
LA DISTINCTION ENTRE ESSE ET ESSENTIA 20

INDEX GENERAL

1. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE DU CHAPITRE IV ..................................................3


1.1 Le problème : la composition des substances simples ......................................3
1.2 Une opinion à réfuter : la composition hylémorphique des intelligences .........4
1.3 Les substances simples sont vraiment simples, bien que composées ................6
2. LA DEMONSTRATION DE LA DISTINCTION REELLE ENTRE ESSE ET ESSENTIA ............7
2.1 Distinction réelle et distinction de raison..........................................................7
2.2 La distinction conceptuelle de l’être et de l’essence .........................................8
2.3 Unicité de l’Ipsum Esse .....................................................................................9
2.4 Distinction réelle de l’esse et de l’essentia .....................................................10
3. LES SOURCES DE LA DISTINCTION ........................................................................12
3.1 Une ligne platonicienne ...................................................................................12
3.2 Le rôle clef d’Avicenne ....................................................................................13
3.3 Les particularités de la solution de Thomas d’Aquin ......................................14
4. CONCLUSION........................................................................................................16
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................18
1. TEXTES ................................................................................................................18
2. ÉTUDES ................................................................................................................18
INDEX GENERAL................................................................................................................20

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