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Revue théologique de Louvain

Saint Albert le Grand, Livre sur la nature et l’origine de l’âme.


Édition introduite, traduite et annotée par Jean-Marie Vernier
(coll. Épistémologie. Philosophie. Sciences, 21), 2009
Jean-Michel Counet

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Counet Jean-Michel. Saint Albert le Grand, Livre sur la nature et l’origine de l’âme. Édition introduite, traduite et annotée
par Jean-Marie Vernier (coll. Épistémologie. Philosophie. Sciences, 21), 2009. In: Revue théologique de Louvain, 42ᵉ
année, fasc. 3, 2011. pp. 427-429;

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Un lecteur connaissant la dynamique animant les réformes structurelles


menées dans le diocèse de Poitiers ne sera pas surpris par la teneur de ces
pages. Le résultat mérite le détour, de par sa concision et sa clarté.

B – 1348 Louvain-la-Neuve, A. JOIN-LAMBERT


Grand-Place 45. Professeur à la Faculté de théologie
Université catholique de Louvain

SAINT ALBERT LE GRAND, Livre sur la nature et l’origine de l’âme. Édition


introduite, traduite et annotée par Jean-Marie VERNIER (coll. Épistémologie.
Philosophie. Sciences, 21). Paris, L’Harmattan, 2009. 355 p. 24 ≈ 15,5.
33 /. ISBN 978-26296-09948-7.
Ce travail, issu d’une thèse de doctorat en philosophie soutenue à Paris
IV, rend accessible au lecteur francophone un texte important d’Albert le
Grand. Son statut au sein du corpus albertien a manifestement fluctué. Conçu
d’abord comme une œuvre indépendante, il fut ensuite intégré par Albert
dans son monumental De Animalibus avant d’en être une nouvelle fois déta-
ché dans le manuscrit autographe, qui lui donne le statut d’œuvre indépen-
dante. Albert a nourri le projet de transmettre à ses contemporains la totalité
de la doctrine péripatéticienne sur la nature et les êtres vivants, en comblant
les trous laissés par les textes d’Aristote si nécessaire. C’est ainsi qu’il rédige
un De vegetabilibus, dont il constate le manque dans les traités d’Aristote.
Dans un même ordre d’idées, Aristote donne beaucoup de traités sur les
animaux, mais il n’existe pas de traité sur l’âme considérée en elle-même et
portant sur sa génération, sa nature, sa permanence. Le De Anima n’aborde
l’âme qu’en tant qu’entéléchie d’un corps organisé. D’où l’idée de compléter
là aussi le corpus péripatéticien en rédigeant un traité sur le sujet.
Le premier traité du livre porte sur la génération de l’âme: il comporte
8 chapitres. Le second traité porte sur l’âme non conjointe au corps: il compte
17 chapitres, ce qui témoigne du plus grand intérêt d’Albert pour cet aspect de
la question. Il entend aborder la question de l’âme séparée et des erreurs qui
touchent à la question de la survie de l’âme après la mort (réfutation des thèses
d’Averroès, d’Alexandre d’Aphrodise et de la croyance en la réincarnation).
Après avoir mis en évidence les liens entre notre traité et d’autres œuvres
d’Albert (De quindecim problematibus, De unitate intellectus, Metaphysica,
De intellectu et intellegibili), l’A. aborde un résumé doctrinal succinct. La
notion-clé du premier traité est celle d’inchoatio formae: celle-ci est en fait
la puissance formatrice privée à l’état initial de son accomplissement: la
forme explicite; la matière désire celle-ci et cette présence en creux de la
perfection de l’acte formel dans sa privation est ce qui oriente la matière vers
les causes efficiente et finale susceptibles de les lui fournir: les astres. Cette
théorie de l’éduction des formes vaut pour l’âme végétative et l’âme sensi-
tive. L’âme rationnelle ne peut être produite de cette manière: elle procède
d’un rayonnement de la Première Intelligence qui est Dieu, lorsque le support
organique et psychique est suffisant. Le composé entre l’âme végétative et
sensitive d’une part et l’âme rationnelle d’autre part est substantiel; on ne peut
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donc parler d’un intellect unique commun pour tous les hommes; reçue dans
chaque support organique et psychique, l’âme rationnelle s’y individualise
nécessairement. Albert reprend manifestement ici les thèses éductionnistes
d’Averroès, sauf pour l’âme rationnelle où la thèse inductionniste d’Avicenne
doit être préférée. C’est d’ailleurs parce que la thèse de l’induction de la forme
se vérifie pour l’âme humaine que les intelligences humaines sont enclines à la
considérer comme une loi générale (un peu comme chez Descartes où le fait
que l’homme consiste bien en une union substantielle de l’âme et du corps
induit les êtres humains à professer un hylémorphisme généralisé). L’âme végé-
tative est tout entière dans le tout et dans chacune de ses parties; l’âme sensitive
est présente à chaque partie du corps par une puissance particulière; l’âme
rationnelle est séparée, elle n’est pas liée au corps ou à des parties corporelles;
c’est en cela qu’elle est davantage l’image de Dieu que les autres âmes.
Sur la question de l’immortalité, Albert prodigue de nombreux arguments
rationnels en sa faveur. Il passe en revue quantité de positions: Platon,
Socrate, Speusippe, Pythagore, Al Ghazali, Abu Bacher, Anaxagore, Aver-
roès approuvant les unes et critiquant les autres. Émerge de cet examen une
doctrine de l’immortalité personnelle.
Par rapport à Thomas d’Aquin, la différence la plus nette concerne l’emploi
constant par Albert de la métaphore de la lumière: les formes, l’être rayonnent
à partir de la cause première; cette métaphysique du flux, qui constitue le cadre
conceptuel de l’albertisme, entraîne une insistance sur l’unité fondamentale du
cosmos et sur un dynamisme cosmique global de descente de l’univers à partir
du principe et d’une remontée globale de celui-ci vers son origine. Chez Tho-
mas, Dieu est présent à chaque être individuel en lui conférant l’existence et
l’insistance est davantage mise sur la distinction constitutive des étants les uns
par rapport aux autres que sur leur mutuelle concordance. D’où des divergences
doctrinales parfois non négligeables qui ont été trop souvent soit minimisées
par ceux qui n’ont voulu voir en Albert que le maître de Thomas, soit présen-
tées seulement comme des faire-valoir du génie et de l’originalité de Thomas.
Les influences postérieures du traité font l’objet d’un développement inté-
ressant: Dante a été fort marqué par les thèses albertistes en particulier pour
sa conception de la noblesse de l’âme: celle-ci ne s’appuie pas sur le lignage,
mais sur l’état de la matière et sur celui du ciel au moment de la conception
et de la gestation. Marsile Ficin, dans sa Doctrine platonicienne sur l’immor-
talité des âmes, reprend clairement des thèmes albertiens, même si l’influence
précise de notre traité est comme telle difficile à prouver; Berthold de Moos-
burg, dans son magistral commentaire de l’Elementatio theologica de Proclus,
cite le Liber naturae animae à plusieurs reprises. Guillaume de Vaurouillon,
un franciscain du XVe siècle, s’efforce de remettre au goût du jour la Summa
de anima de Jean de La Rochelle, en intégrant au texte du XIIIe des doctrines
de Bonaventure, de Duns Scot et quelques thèses albertistes, tirées notam-
ment de notre ouvrage. D’autres influences auraient bien entendu pu être
évoquées. L’A. n’a pas, à notre connaissance, expliqué pourquoi il se centrait
sur ces quatre influences et non sur d’autres.
La traduction est précise, agréable à lire alors que le texte d’Albert, tous ceux
qui ont un tant soit peu fréquenté ses commentaires le saveut, est plutôt lourd
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et répétitif. Il s’agit donc sur le plan stylistique d’un véritable tour de force.
L’arrière-plan doctrinal est présenté avec beaucoup de clarté et témoigne d’une
bonne maîtrise des enjeux. Bref, une belle réussite sur le plan scientifique, qui
aidera à rendre accessible un auteur dont l’étoile ne cesse de monter au firma-
ment de la philosophie médiévale au fur et à mesure que l’on comprend mieux
l’énorme influence qui a été la sienne sur toute la pensée médiévale postérieure.

B – 1348 Louvain-la-Neuve, J.-M. COUNET


Place du Cardinal Mercier, 14. Professeur à l’Institut supérieur de philosophie
Université catholique de Louvain

Benoît BOURGINE, Thomas EGGENSPERGER, Pierre-Yves MATERNE (Hg./Éds.),


Theologische Vernunft – Politische Vernunft. Religion im öffentlichen
Raum. Raison théologique – raison politique. La religion dans l’espace
public (coll. Kultur und Religion in Europa, 8). Münster, Lit Verlag,
2010. II-199 p. 21 ≈ 14,5. 19,90 /. ISBN 978-3-643-10421-2.
À plusieurs titres, il faut saluer cette publication. Il s’agit des actes du
quatrième colloque pour dominicains et dominicaines en Europe, qui s’est
tenu à Louvain-la-Neuve les 26 et 27 septembre 2008 et dont Pierre-Yves
Materne a déjà rendu compte (RTL 40, 2009, p. 298-304). Avaient collaboré
à ce colloque la Faculté de Théologie de l’Université catholique de Louvain
et l’Institut Marie-Dominique Chenu, qui est l’antenne berlinoise de l’as-
sociation dominicaine Espaces, spiritualités, cultures et société en Europe.
Il s’agit donc de l’une des réalisations du souci dominicain de servir théolo-
giquement la réflexion sur l’Europe et sa destinée.
Le volume est composé de douze études, six en français et six en alle-
mand. Ce fait d’une publication bilingue en théologie politique est aussi à
saluer, puisqu’elle rétablit une collaboration trop tôt et trop longtemps inter-
rompue entre les théologiens francophones et germanophones en théologie
politique, dont on peut au moins citer deux éléments. Le premier consiste dans
les entretiens de Salzbourg, en 1965, organisés par la Paulus Gesellschaft1.
Le second est le travail, au début des années soixante-dix, du francophone
Marcel Xhaufflaire qui a été assistant à Münster de Johann Baptist Metz2.

1
Édition française: E. KELLNER éd., Marxistes et Chrétiens – Entretiens de Salzbourg.
Paris, Mame, 1968, 366 p. L’objectif de la Paulus Gesellschaft était le dialogue entre
théologie et science. En 1965, le colloque de Salzbourg avait développé un dialogue entre
marxistes et chrétiens et avait vu intervenir, devant 240 universitaires d’origines linguis-
tiques très diverses, les français Jean-Yves Calvez, Dominique Dubarle, Roger Garaudy,
Bernard Gardey et Gilbert Mury aux côtés de Karl Rahner et Johann Baptist Metz.
2
Dans Glaube in Geschichte und Gesellschaft (J. B. METZ, La foi dans l’histoire
et dans la société. Essai de théologie fondamentale pratique [coll. Cogitatio Fidei,
99], Paris, Cerf, 1999, p. 69, note 3), Metz salue les travaux de ses étudiants, dont
Xaufflaire, qui lui ont fait prendre conscience des limites de la première formulation
que la théologie politique a connue dans les années soixante.

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