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Counet Jean-Michel. Saint Albert le Grand, Livre sur la nature et l’origine de l’âme. Édition introduite, traduite et annotée
par Jean-Marie Vernier (coll. Épistémologie. Philosophie. Sciences, 21), 2009. In: Revue théologique de Louvain, 42ᵉ
année, fasc. 3, 2011. pp. 427-429;
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2011_num_42_3_3947_t5_0427_0000_2
donc parler d’un intellect unique commun pour tous les hommes; reçue dans
chaque support organique et psychique, l’âme rationnelle s’y individualise
nécessairement. Albert reprend manifestement ici les thèses éductionnistes
d’Averroès, sauf pour l’âme rationnelle où la thèse inductionniste d’Avicenne
doit être préférée. C’est d’ailleurs parce que la thèse de l’induction de la forme
se vérifie pour l’âme humaine que les intelligences humaines sont enclines à la
considérer comme une loi générale (un peu comme chez Descartes où le fait
que l’homme consiste bien en une union substantielle de l’âme et du corps
induit les êtres humains à professer un hylémorphisme généralisé). L’âme végé-
tative est tout entière dans le tout et dans chacune de ses parties; l’âme sensitive
est présente à chaque partie du corps par une puissance particulière; l’âme
rationnelle est séparée, elle n’est pas liée au corps ou à des parties corporelles;
c’est en cela qu’elle est davantage l’image de Dieu que les autres âmes.
Sur la question de l’immortalité, Albert prodigue de nombreux arguments
rationnels en sa faveur. Il passe en revue quantité de positions: Platon,
Socrate, Speusippe, Pythagore, Al Ghazali, Abu Bacher, Anaxagore, Aver-
roès approuvant les unes et critiquant les autres. Émerge de cet examen une
doctrine de l’immortalité personnelle.
Par rapport à Thomas d’Aquin, la différence la plus nette concerne l’emploi
constant par Albert de la métaphore de la lumière: les formes, l’être rayonnent
à partir de la cause première; cette métaphysique du flux, qui constitue le cadre
conceptuel de l’albertisme, entraîne une insistance sur l’unité fondamentale du
cosmos et sur un dynamisme cosmique global de descente de l’univers à partir
du principe et d’une remontée globale de celui-ci vers son origine. Chez Tho-
mas, Dieu est présent à chaque être individuel en lui conférant l’existence et
l’insistance est davantage mise sur la distinction constitutive des étants les uns
par rapport aux autres que sur leur mutuelle concordance. D’où des divergences
doctrinales parfois non négligeables qui ont été trop souvent soit minimisées
par ceux qui n’ont voulu voir en Albert que le maître de Thomas, soit présen-
tées seulement comme des faire-valoir du génie et de l’originalité de Thomas.
Les influences postérieures du traité font l’objet d’un développement inté-
ressant: Dante a été fort marqué par les thèses albertistes en particulier pour
sa conception de la noblesse de l’âme: celle-ci ne s’appuie pas sur le lignage,
mais sur l’état de la matière et sur celui du ciel au moment de la conception
et de la gestation. Marsile Ficin, dans sa Doctrine platonicienne sur l’immor-
talité des âmes, reprend clairement des thèmes albertiens, même si l’influence
précise de notre traité est comme telle difficile à prouver; Berthold de Moos-
burg, dans son magistral commentaire de l’Elementatio theologica de Proclus,
cite le Liber naturae animae à plusieurs reprises. Guillaume de Vaurouillon,
un franciscain du XVe siècle, s’efforce de remettre au goût du jour la Summa
de anima de Jean de La Rochelle, en intégrant au texte du XIIIe des doctrines
de Bonaventure, de Duns Scot et quelques thèses albertistes, tirées notam-
ment de notre ouvrage. D’autres influences auraient bien entendu pu être
évoquées. L’A. n’a pas, à notre connaissance, expliqué pourquoi il se centrait
sur ces quatre influences et non sur d’autres.
La traduction est précise, agréable à lire alors que le texte d’Albert, tous ceux
qui ont un tant soit peu fréquenté ses commentaires le saveut, est plutôt lourd
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et répétitif. Il s’agit donc sur le plan stylistique d’un véritable tour de force.
L’arrière-plan doctrinal est présenté avec beaucoup de clarté et témoigne d’une
bonne maîtrise des enjeux. Bref, une belle réussite sur le plan scientifique, qui
aidera à rendre accessible un auteur dont l’étoile ne cesse de monter au firma-
ment de la philosophie médiévale au fur et à mesure que l’on comprend mieux
l’énorme influence qui a été la sienne sur toute la pensée médiévale postérieure.
1
Édition française: E. KELLNER éd., Marxistes et Chrétiens – Entretiens de Salzbourg.
Paris, Mame, 1968, 366 p. L’objectif de la Paulus Gesellschaft était le dialogue entre
théologie et science. En 1965, le colloque de Salzbourg avait développé un dialogue entre
marxistes et chrétiens et avait vu intervenir, devant 240 universitaires d’origines linguis-
tiques très diverses, les français Jean-Yves Calvez, Dominique Dubarle, Roger Garaudy,
Bernard Gardey et Gilbert Mury aux côtés de Karl Rahner et Johann Baptist Metz.
2
Dans Glaube in Geschichte und Gesellschaft (J. B. METZ, La foi dans l’histoire
et dans la société. Essai de théologie fondamentale pratique [coll. Cogitatio Fidei,
99], Paris, Cerf, 1999, p. 69, note 3), Metz salue les travaux de ses étudiants, dont
Xaufflaire, qui lui ont fait prendre conscience des limites de la première formulation
que la théologie politique a connue dans les années soixante.