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Le torchon brûle entre Actis, maison-mère du concessionnaire du secteur de l’électricité au

Cameroun, Eneo, et l’Etat du Cameroun. En effet, dans une lettre datée du 14 avril 20123,
David Grylls, le patron d’Actis a servi une mise en demeure au Premier ministre, Joseph Dion
Ngute, pour réclamer un paiement de 186 milliards de FCFA, au risque de traîner le pays en
Justice pour « rétention illégitime » de ses liquidités.

« Actis vous a écrit en septembre 2022 pour vous alerter sur le fait que les dettes accumulées
étaient si importantes que la liquidité d’Eneo était menacée. Par la suite, des paiements limités
ont apporté un certain répit. Cependant, les paiements ne se sont pas poursuivis. Nous
sommes informés qu’Enéo est maintenant redevable d’environ 186 milliards de FCFA. Une
fois de plus, la liquidité d’Enéo est menacée, ainsi que sa capacité à réaliser pleinement son
potentiel dans le cadre de la Concession et d’autres accords. Compte tenu du rôle crucial joué
par Enéo dans la production, la distribution et la vente d’électricité dans tout le pays, la
viabilité continue du secteur de l’électricité au Cameroun est toujours fortement menacée »,
écrit David Grylls.

Lire aussi : Energie électrique : l’Etat veut racheter la société Eneo aux mains du
britannique Actis

Il poursuit sur un ton ferme : « Actis exige maintenant un engagement immédiat, concret et
contraignant de la part du gouvernement d’apurer ses importantes dettes accrues (ainsi que
celles des autorités publiques et des entités détenues par l’État) et de payer les dettes futures
au fur et à mesure qu’elles arrivent à échéance. Les mesures palliatives qui ont caractérisé la
réaction de l’État aux préoccupations d’Actis concernant la viabilité à long terme du secteur
de l’électricité sont insuffisantes ».

Le responsable explique que, la majeure partie de cette dette accumulée concerne l’électricité
consommée par l’État, les pouvoirs publics et les entités publiques. Elle est complétée par les
remboursements de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2022 et les paiements de compensation
tarifaire qui sont dus mais n’ont pas été effectués. Les intérêts sur les paiements en retard
s’accumulent et la dette continue de croître. Il en résulte une crise de liquidité aiguë dans le
secteur de l’électricité.

Dans le même temps, indique le patron d’Actis, Eneo doit toujours effectuer des paiements
importants aux fournisseurs d’énergie KPDC et DPDC, qui appartiennent à Globeleq,
Sonatrel (Société bationale de transport de l’électricité), Sonara (société nationale de
raffinage) et EDC (electricity development corporation).

Lire aussi : Délestages : Eloundou Essomba accuse Eneo de non-respect de ses


obligations contractuelles

Créances et menaces de procédures judiciaires

Toujours selon M. Grylls, comme l’État n’a pas payé ses dettes à Eneo, cette entreprise, elle-
même, n’est pas en mesure de s’acquitter de ses obligations envers d’autres fournisseurs, y
compris KPDC (centrale thermique de Kribi) et DPDC (Centrale thermique de Douala). Eneo
reconnaît d’ailleurs qu’elle doit actuellement plus de 50 milliards de FCFA à KPDC et plus de
9 milliards de FCFA à DPDC. Aussi, bien qu’Eneo a été en mesure de renouveler récemment
ses lettres de crédit, celles-ci seront bientôt épuisées (peut-être ce mois-ci : Ndlr) et les
moteurs des centrales seront arrêtés si les dettes de l’État ne sont pas payées.
« Eneo pourrait alors être contrainte de se mettre en défaut. Les conséquences pour Eneo et
l’État pourraient être importantes. Les engagements de l’État envers KPDC et DPDC
pourraient l’obliger à supporter la charge financière qui en résulterait, que nous estimons à
400 millions d’USD. En résumé, il existe un risque tangible que les dettes de l’Etat
augmentent considérablement s’il continue à retenir illégitimement les sommes dues à Eneo »,
indique le DG d’Actis

Lire aussi : Après une relative stabilité, Eneo annonce des délestages jusqu’au mois de
mars

Sur un ton menaçant, il déclare : « Cette conduite doit cesser. Nous réitérons qu’Actis
soutiendra Eneo dans la recherche de solutions, y compris l’arbitrage dans le cadre des
accords de concession ou dans tout autre instance appropriée, si cela s’avère nécessaire. Actis
vous rappelle qu’elle jouit de ses propres droits en tant qu’investisseur protégé en vertu de
l’Accord pour la promotion et la protection des investissements conclu entre le Royaume-Uni
et le Cameroun en 1982 (le Traité). Les intérêts d’Actis dans Enéo sont des investissements
protégés en vertu dudit Traité. Actis n’hésitera pas à faire valoir les protections substantielles
qui lui sont accordées en vertu de ce Traité pour assurer la sauvegarde de ses investissements,
que ce besoin résulte de l’incapacité de l’État à remédier à la crise de liquidité actuelle ou de
tout usage illégitime des prérogatives souveraines au détriment d’Actis et/ou d’Enéo ».

Brève échéance

Dans la même veine, Actis informe par la présente que si aucune mesure rapide et concrète
n’est prise pour résoudre les problèmes décrits ci-dessus dans un délai de « 14 jours » (soit le
28 avril 2023 : Ndlr) à compter de la présente lettre, Actis émettra une lettre de
déclenchement en vertu du traité. Cette lettre lèvera le seul obstacle procédural à l’ouverture
d’une procédure formelle en vertu du traité susmentionné, sans qu’il soit nécessaire de référer
à l’Etat du Cameroun à nouveau.

Lire aussi : Énergie électrique : bras de fer entre Eneo Cameroon et l’Aseelec 

Depuis 2018, Eneo estime qu’elle a investi près de 400 millions USD dans le secteur.
L’entreprise affirme qu’elle ne peut espérer continuer à réaliser des investissements à cette
échelle, ni respecter ou dépasser ses propres normes de haute performance, ou celles fixées
par les Conventions de concession, si elle est privée de liquidités.

La réponse du gouvernement face à cette saisine d’Actis, elle, n’a pas encore filtré. Mais ce
n’est pas le première fois qu’Eneo se plaint de ne pas être payé par l’Etat du Cameroun.

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