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Gestion de

portefeuille
MANAGEMENT SUP

Rémy ESTRAN ∞ Étienne HARB ∞ Iryna VERYZHENKO

Gestion de
portefeuille
© Dunod, 2017
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-075946-0
Table des matières

Préface IX
Avant-propos XIII
Présentation des auteurs XV

1  La microstructure des marchés financiers 1


Section 1 L’architecture et l’organisation d’un marché financier 2

Section 2 L’organisation des échanges : structures et types d’ordres 12


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Section 3 La formation des cours 23

Section 4 Les interruptions de cotation 25

Section 5 Mesures de liquidité 26

2  Préférences et utilités 37
Section 1 Fonction d’utilité 38

Section 2 Prime de risque 46

Section 3 Incertitude et marchés financiers 49

Section 4 Approche moyenne-variance 52


Gestion de portefeuille

3   rincipes et techniques de gestion de portefeuille :  


P
arbitrage rentabilité/risque 59
Section 1 Rentabilité et risque 60

Section 2 La diversification de portefeuilles de titres 67

Section 3 L’introduction d’un actif sans risque 77

4  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille 87


Section 1 L’optimisation
 d’un portefeuille d’actifs risqués en l’absence
de taux sans risque 88

Section 2 L ’optimisation d’un portefeuille d’actifs risqués avec un


taux sans risque 97

5   odèle d’évaluation des actifs financiers  


M
et ses extensions 109
Section 1 Le modèle de base 110

Section 2 La droite de marché (Capital Market Line (CML)) 114

Section 3 L a droite des titres ou droite du MEDAF (Securities


Market Line (SML)) 116

Section 4 L’estimation empirique du beta 120

Section 5 Les critiques et les extensions du MEDAF 123

6  Les styles de gestion 141


Section 1 Gestion active et gestion passive 142

Section 2 Gestion smart beta 149

Section 3 Gestion alternative : les hedge funds 156

7  Market timing et Stock picking 169


Section 1 Market timing 170

Section 2 Stock picking 179

VI
Table des matières

8  Évaluation de la performance 195


Section 1 Mesures de performance ajustée du risque 196

Section 2 Attribution de performance 210

Remerciements  225

Bibliographie 229

Index 231
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

VII
Préface

« Je veux pouvoir expliquer mes erreurs.


C’est pourquoi je ne fais que des choses que je comprends. »
Warren Buffet

L’erreur comme préambule à la gestion de portefeuille n’est pas une gageure mais
bien le prérequis de toute bonne gestion.
La recherche de performance ne réside pas seulement dans le choix des titres mais
également dans leur dynamique. Acheter quand le marché vend, suivre la tendance,
savoir couper une position en perte ou en forte plus-value sont des compétences qui
s’acquièrent avec l’expérience. L’apprentissage par l’erreur reste la meilleure école
du gérant. Dans le métier, on dit souvent qu’un bon gérant est un gérant qui a raison
plus d’une fois sur deux. C’est dire si l’erreur est belle et bien inhérente au métier
de gérant. D’où l’importance de se nourrir de ses erreurs pour progresser.
Dans ce contexte, comment appréhender et maîtriser l’erreur ? Là est toute l’ex-
pertise du gérant de portefeuille. Expertise qui s’acquière grâce à l’expérience indis-
pensable à la pertinence et la fiabilité d’un raisonnement. Car, pour citer une nou-
velle fois Warren Buffet, « vous n’avez pas raison parce que d’autres sont d’accord
avec vous. Vous avez raison parce que vos faits sont exacts et que votre raisonne-
ment est juste. »

IX
Gestion de portefeuille

C’est à ce stade qu’intervient la théorie de gestion de portefeuille. Cette théorie


qui va permettre au gérant de modéliser sa pensée et d’affiner ses prises de position.
Une invitation de l’ESSCA à la soutenance de travaux pratiques en gestion de por-
tefeuille, m’a permis de confronter à nouveau la théorie et à la pratique via les pre-
mières applications de la théorie financière. Le passage des étudiants devant le jury
que je formais avec le professeur de gestion de portefeuille m’a rappelé que cer-
taines règles essentielles de la gestion de portefeuille sont subtiles à appréhender
lorsque l’on débute. En premier lieu, l’obligation de respecter les contraintes de
gestion fixées par le cahier des charges du client. Un non respect entraînerait à coup
sûr la perte du mandat. En second lieu, la justification des choix d’investissement.
Le gérant peut avoir tort ou raison mais il doit pouvoir expliquer pourquoi. En der-
nier lieu, l’importance de la construction de portefeuille, item trop souvent sous-
estimé. C’est par la construction du portefeuille que le gérant pourra calibrer les
positions et ainsi garantir un niveau de diversification et de risque adéquat.
L’écriture de cette préface m’a permis de formaliser mon approche du métier de
gérant, métier que j’exerce depuis plus de quinze ans.
Se projeter à long terme est au cœur de la gestion. Que cela concerne une nouvelle
technologie de télécommunication à l’horizon 2020, la transition énergétique, la
voiture autonome ou encore la banque 2.0, cette prospective est particulièrement
enrichissante au quotidien. Un autre intérêt du métier est l’échange permanent avec
les dirigeants des sociétés et les experts sectoriels. Ces rencontres permettent d’iden-
tifier des bonnes idées d’investissement, de valider nos hypothèses mais surtout de
nouer des relations durables, notamment avec des entrepreneurs et capitaines d’in-
dustrie qui font l’économie réelle.
Aujourd’hui, certains observateurs sont tentés d’annoncer la mort de la gestion
active fondamentale, compte tenu de la montée en puissance de la gestion passive
en termes d’encours sous gestion sur la dernière décennie. Ma conviction est que la
gestion active est loin d’être morte. Bien au contraire, la valorisation des sociétés et
l’identification des inefficiences de marché comme base de travail de l’univers des
actions constituent toujours à mon sens de solides fondations pour construire une
gestion de portefeuille performante.
La gestion active doit néanmoins se réinventer, car les défis sont nombreux. Au-
delà de la gestion passive, les benchmarks de gestion, la plupart du temps assis sur
des indices actions fondés sur les capitalisations boursières, ne sont plus adaptés aux
besoins des clients. Les clients sont ainsi tentés de se tourner vers des gestions quan-
titatives de type smart beta. Dans cette affaire, je ne considère pas la gestion quan-
titative comme un risque pour la gestion active fondamentale, si cette dernière
reconnaît les atouts de l’approche « smart beta » et prend à son compte le fait de se
créer son propre benchmark intelligent («  smart beta  » en anglais). De la même
façon, les principales variables macro-économiques (production industrielle,
consommation des ménages, prix du pétrole, courbe des taux) expliquent statistique-

X
Préface

ment 80  % des mouvements du marché des actions (depuis dix ans). Aussi, une
gestion active moderne doit pouvoir utiliser les puissances de calcul actuelles afin
d’évaluer les expositions des portefeuilles aux différentes variables macro-écono-
miques. Lorsque vous achetez des actions L’Oréal, vous ne prenez pas qu’une posi-
tion sur une société de cosmétiques mais vous jouez également indirectement sur
une baisse des taux longs européens et une hausse du dollar. Ainsi, l’approche mul-
tifactorielle prend aujourd’hui tout son sens dans le cadre de la gestion d’un porte-
feuille d’actions. La gestion active fondamentale doit apprendre de l’approche
quantitative afin de renforcer son processus de gestion fondamental.
Dans ce contexte, cet ouvrage constitue un outil complet pour comprendre la théo-
rie et les différentes techniques de gestion de portefeuille. Je vous en souhaite bonne
lecture.
 Ronan Poupon1
 Gérant de portefeuille Actions Européennes chez Natixis Asset Management
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.  Ronan Poupon est reconnu comme étant le gérant le plus populaire auprès des investisseurs pour la troisième
année consécutive selon l’enquête EXTEL 2017.

XI
Avant-propos

Écrit pour être accessible au plus grand nombre, cet ouvrage présente la gestion de
portefeuille à travers huit chapitres qui se succèdent dans un ordre logique.
Le premier, sur la microstructure des marchés financiers, présente le cadre de la ges-
tion, l’organisation et les infrastructures de marchés, les principaux types d’ordres de
bourse et les mécanismes de fixation des prix. Ensuite, puisque les décisions finan-
cières se prennent dans un environnement incertain, où les rentabilités espérées
dépendent en grande partie des risques pris, le gérant de portefeuille cherche
constamment à maximiser l’utilité de ses investissements, c’est-à-dire la satisfaction
qu’ils procurent en fonction de l’aversion au risque des investisseurs (chapitre 2).
Pour construire son portefeuille, il procède donc régulièrement à des arbitrages en
cherchant à maximiser le couple rentabilité/risque, tout en tenant compte de la cor-
rélation des actifs introduits dans le portefeuille (chapitre 3). Ce portefeuille, com-
prenant parfois plusieurs centaines d’actifs, peut être optimisé de manière à satis-
faire des niveaux de rentabilité exigée et/ou de risque acceptable en fonction du
niveau de tolérance du risque des investisseurs (chapitre 4). Tandis que selon le
MEDAF (Modèle d’Évaluation Des Actifs Financiers), la rentabilité d’un porte-
feuille diversifié s’explique essentiellement par son beta, c’est-à-dire par sa sensibi-
lité au marché, les modèles multifactoriels, comme ceux de Fama-French et de
Cahart ont montré que d’autres facteurs comme la taille, le ratio valeur comptable/
valeur de marché et le momentum avaient également un pouvoir explicatif sur la

XIII
Gestion de portefeuille

rentabilité des portefeuilles et étaient associés à des primes de risque (chapitre 5).
Professionnels et académiciens se sont alors mis à la recherche de nouveaux facteurs
de risque afin de capturer les primes de risque associées à ces facteurs. C’est ainsi
qu’est née la gestion dite « Smart Beta » (ou « Factor Investing ») à mi-chemin entre
la gestion passive pure et la gestion active (chapitre 6). Pour battre le marché, les
professionnels de la gestion active utilisent des techniques de market timing et de
stock picking afin de déterminer respectivement quand acheter, et quand vendre,
ainsi que quoi acheter et quoi vendre (chapitre 7). Enfin, le dernier chapitre présente
les principales mesures de performance ajustée du risque, et illustre l’attribution de
performance d’un gérant en fonction de ses capacités d’allocation d’actifs et sélec-
tion de valeur. Ainsi, bien que cet ouvrage soit volontairement centré sur les actions
plutôt que sur les obligations ou les produits dérivés1, les méthodes et les principes
de gestion présentés ici sont applicables à tout portefeuille, quels que soient les
actifs qui le composent.
Du MEDAF initial aux derniers modèles multifactoriels, du développement des
premiers ETF pour la gestion passive à la gestion smart beta, et des méthodes clas-
siques de stock picking et de market timing à la construction d’un portefeuille beta
neutral, cet ouvrage traite à la fois des aspects théoriques et des méthodes pratiques,
en essayant toujours d’aller du plus simple vers le plus complexe, et du plus ancien
vers le plus récent. Toutefois, comme son environnement, le métier de la gestion de
portefeuille est en constante évolution : crises et rebonds économiques se succèdent
dans un monde de plus en plus globalisé, règlementation changeante, taux bas par-
fois même négatifs, part croissante du trading algorithmique, innovation finan-
cière… la gestion de portefeuille est remplie de nouveaux challenges, et la manière
d’appréhender les marchés financiers demain sera peut-être sensiblement différente
qu’aujourd’hui. C’est aussi cela qui rend ce métier passionnant !
Les auteurs
Rémy Estran, Étienne Harb, Iryna Veryzhenko

1.  Pour une introduction aux produits dérivés, nous recommandons le livre Finance publié aux éditions Dunod
dans la collection Openbook (2014).

XIV
Présentation des
auteurs

Rémy Estran
Manager chez MPG Partners, successivement chef de projet au Crédit Foncier,
responsable de la recherche quantitative au sein de l’agence de notation Spread
Research et consultant en investissement pour le bureau parisien de bfinance. Il est
diplômé du master de recherche en sciences financières, conjointement délivré par
l’université Paris Nanterre, l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris, et
l’ESCP Europe, et détient également les certifications FRM (Financial Risk
Manager) et CAIA (Chartered Alternative Investment Analyst). Il enseigne la finance
à l’université Paris Dauphine et à l’ESCP Europe.

Iryna Veryzhenko
Maître de conférences au Conservatoire National des Arts et Métiers et docteur en
finance de marché de l’IAE de Paris, elle enseigne la gestion de portefeuille, la ges-
tion obligataire et la microstructure des marchés financiers. Elle assure également
des cours de finance de marché et de gestion d’actifs à l’ESSCA, à l’IAE de Paris et
à l’ENSAM de Paris. Elle est l’auteur de plusieurs articles scientifiques en gestion
de portefeuille, régulation financière, et la microstructure des marchés financiers.
Elle est la directrice déléguée pour les policy papers au sein du laboratoire d’excel-
lence sur la régulation financière (LabEx ReFi).

Étienne G. Harb
Titulaire d’un doctorat en Sciences économiques - Finance de marché de l’univer-
sité Panthéon-Assas (Paris II), Étienne G. Harb est professeur de finance à l’ESSCA.
Elle enseigne principalement la gestion financière, la finance de marché et la gestion
des risques financiers et y gérait le Master en alternance Finance et Risk Management.
Elle est l’auteur d’ouvrages de finance et d’articles scientifiques en gestion des
risques financiers, plus particulièrement le risque de crédit et le risque de liquidité.

XV
Chapitre
La microstructure
1 des marchés
financiers

OBJECTIFS
 Pour mieux comprendre la construction et la gestion d’un portefeuille, il est
essentiel de comprendre les mécanismes d’un marché financier, son organisa-
tion et ses infrastructures. Dans cet ouvrage, nous traitons le marché financier
français.
 C’est intéressant de comprendre comment sont passés les ordres de la bourse
mais c’est encore plus important de bien cerner la formation des prix des titres
échangés et le débouclage des transactions.
 Avec l’avancée technologique, l’innovation numérique et la transformation 
des places financières qui s’en suit, le rôle de la régulation devient majeur. Ce
chapitre introduit les principaux régulateurs sur la scène française ainsi que 
les principaux acteurs européens.

SOMMAIRE
Section 1 L’architecture et l’organisation d’un marché financier
Section 2 L’organisation des échanges : structures et types d’ordres
Section 3 La formation des cours
Section 4 Les interruptions de cotation
Section   5 Mesures de liquidité
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

E n réponse à l’avancée technologique phénoménale qui a marqué particulièrement


cette dernière décennie, les infrastructures de marché (les places financières,
les institutions financières, les agences de notation financière, etc.), les échanges
ainsi que les instruments financiers échangés ont subi une énorme mutation. La
révolution qui s’est opérée a eu des conséquences stratégiques, organisationnelles et
technologiques conséquentes pour tous les acteurs de marché mais principalement
pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement.
Dans ce chapitre introductif, nous portons un intérêt particulier à la bourse, infras-
tructure capitale d’une place financière. Un lieu d’échange fonctionnant «  à la
criée »1 depuis sa création et jusqu’en 1987 (bourse de Paris – Palais de Brogniart),
la bourse est actuellement commandée par les ordinateurs, le traitement du passage
d’ordres étant désormais complètement informatisé. Nous en exposerons les méca-
nismes de fonctionnement et les acteurs. À ce stade, il faut rappeler que les marchés
sont classés en marchés de gré à gré et en marchés dits organisés ou réglementés. Sur
le marché de gré à gré, ont lieu des échanges directs entre l’acheteur et le vendeur
sans besoin d’intermédiaire financier. Les contrats s’y font sur mesure pour répondre
aux besoins des investisseurs. Sur la deuxième forme de marché, les transactions
nécessitent l’intervention d’un intermédiaire et on y trouve des produits ou des
contrats avec des caractéristiques prédéterminées. Toutes les bourses ou places de
négociation sont des marchés organisés, exemple : Euronext (à Paris), les systèmes
multilatéraux de négociation (SMN) ou marché boursier alternatif comme Turquoise2
(basé à Londres), Chi-X premier SMN en Europe absorbé en 2011 par Bats SMN
européen lancé en 2008 (basé à Londres), etc.

Section
1 L ’ARCHITECTURE ET L’ORGANISATION D’UN
MARCHÉ FINANCIER

Pour mieux comprendre la structure d’un marché et son organisation, il faut com-
mencer par distinguer le marché des capitaux et le marché monétaire. Le premier
appelé plus couramment le marché financier assure le financement de l’économie. Il
représente le lieu désormais fictif des échanges entre les agents économiques ayant

1.  La cotation à la criée est la première méthode de fonctionnement de la bourse. Elle consiste à établir le prix
ou le cours d’un titre par la confrontation des offres d’achat et de vente d’une façon publique et verbale. Elle
emploie une forme particulière de langage des signes avec des codes pour passer les ordres entre courtiers, tout en
centralisant les points d’achat et de vente.
2.  Turquoise est le premier SMN à proposer en Europe une plateforme de négociation permettant à ses clients de rester
anonymes, forme de marché appelé darkpool ou bassin de liquidité opaque en français. Ce marché alternatif aux grands
marchés boursiers réglementés se place en dehors des réglementations en fixant ses propres règles. Il offre donc une pos-
sibilité de marché de gré à gré afin de permettre à ses grands clients de contourner les réglementations et rester anonymes.
Il est autorisé en 2007 par la Directive marchés des instruments financiers (DMIF) (voir focus sur la DMIF p. 5).
2
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

des besoins de financement et ceux ayant des capacités de financement, qui


consentent à allouer des fonds en contrepartie d’une rémunération pour le capital
prêté. Le marché financier assure ainsi le financement de l’économie à long terme
alors que le marché monétaire tient le rôle de financeur de l’économie à court terme.
Plus explicitement, le marché financier est le lieu d’émission et d’échange1 de
valeurs mobilières comprenant principalement les actions (participations ou titres de
propriété émis par une entreprise) et les obligations (titres de créance)2. Il fait donc
l’interface entre les émetteurs (avec des besoins de financement) d’une part, et les
investisseurs (avec des capacités de financement) d’autre part. L’intervention et la
rencontre de ces derniers sont facilitées par des intermédiaires qu’il importe d’expo-
ser également dans ce chapitre ainsi que les infrastructures pour la négociation et la
compensation des instruments financiers sur lesquelles repose le marché. L’ensemble
de ces acteurs constituent ce qu’on appelle une place financière.

Remarque
Avec la vitesse de la démutualisation des places financières, la bourse offre de multiples
possibilités. Elle permet aussi de former des alliances, des restructurations, des fusions
et des acquisitions avec beaucoup de souplesse rendue possible par les offres publiques
d’achat (OPA), les offres publiques d’échange (OPE) ou d’autres opérations.

c Focus
Le financement de l’économie
Aujourd’hui, le financement de l’économie puissance de la gestion collective qui
s’effectue directement et indirectement : permet aux particuliers d’accéder plus
••Directement : par le biais des marchés facilement à l’ensemble des marchés
de capitaux qui garantissent l’échange pour y investir leur épargne.
des instruments financiers et assurent ••Indirectement  : par le biais des
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ainsi leur liquidité. Les marchés des intermédiaires telles les banques qui se
actions sont accessibles directement refinancent grâce à l’épargne des
aux particuliers. Toutefois, la majorité particuliers, auprès des marchés ou
des autres marchés ne le sont qu’aux aussi auprès de la banque centrale.
professionnels (banques, Organismes Ainsi, pour financer son activité, une
de Placement Collectif des Valeurs entreprise peut soit emprunter auprès
Mobilières (OPCVM), fonds de d’une banque soit directement émettre
gestion …). Ceci explique la montée en des titres financiers sur les marchés.

1.  L’émission des nouveaux titres se fait sur le marché primaire où le titre est souscrit (ou acquis) pour la
première fois par un investisseur. Cette émission est généralement soutenue et organisée par les banques contre
rémunération. La renégociation du titre émis peut se faire à tout moment et ce, sur le marché secondaire. Ainsi,
dès leur mise en circulation sur le marché primaire, les nouveaux titres sont négociés afin de trouver de nouveaux
acquéreurs sur le marché secondaire.
2. Pour une meilleure compréhension de la différence entre ces deux instruments financiers, cf. Harb E.,
Veryzhenko I., Masset E. et Murat P. (2014), Finance, collection Openbook, Dunod, chapitres 8 et 9.

3
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

Dans les deux cas, les banques jouent un rôle extrêmement important dans le
financement de l’économie.

1 L’architecture d’un marché

Depuis le passage à la cotation assistée par ordinateur en 1986 et généralisée à


Paris en 1990, en succession au système de bourse à la criée, la passation d’ordre
peut se faire de chez soi sur Internet. Une fois l’ordre passé, l’actionnaire reçoit un
avis d’opéré presque immédiatement. Toutefois l’exécution d’une transaction fait
intervenir de nombreux acteurs ou métiers. Un grand nombre d’opérations s’en-
chaînent dès la réception d’un ordre, ces opérations sont classées en quatre grandes
catégories :
–– l’intermédiation financière ;
–– la confrontation entre l’offre et la demande et la détermination d’un cours
d’équilibre ;
–– le post-marché ;
–– la régulation des échanges et des acteurs.

1.1 L’intermédiation financière
Un actionnaire, donneur d’ordres doit détenir un compte-titres auprès d’un inter-
médiaire financier (banque ou courtier électronique). L’ordre transite du donneur
d’ordres au marché en passant obligatoirement par un intermédiaire membre PSI1
(prestataires de services d’investissement). Seul un membre est habilité à placer les
ordres sur le marché. Les PSI sont les institutions financières, les établissements de
crédit et les sociétés d’investissement.
Si l’ordre est passé via un intermédiaire membre, l’ordre est directement dirigé
vers le marché. Sinon, l’intermédiaire doit le diriger vers un membre, ce qu’on
appelle routage d’ordres.
La transmission d’ordres et les opérations de post-marché ont été automatisées
grâce à la mise en place en 1991, du système de règlement-livraison titres appelé
RELIT. Il est actuellement connu sous le nom RGV pour RELIT grande vitesse.
Cette automatisation permet aujourd’hui à un particulier titulaire d’un compte-titres,
même modeste, de gérer son compte-titres en temps réel à faible coût toujours révisé
à la baisse. Ceci est rendu possible comme le RELIT permet :
–– un passage d’ordres avec exécution immédiate, sous l’hypothèse que l’ordre soit
compatible avec les caractéristiques du marché de réception, et ;
–– une réception quasi immédiate d’un avis d’opéré par le donneur d’ordres.

1.  Il s’agit d’un label européen.

4
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

À chaque étape de la transaction, on procède à des vérifications en ce qui concerne


la détention des titres par le vendeur et la solvabilité de l’acheteur ou du vendeur à
découvert1.
L’intermédiation financière a été largement affectée par la Directive marchés d’instru-
ments financiers (DMIF ou MIFID en anglais) depuis sa mise en place en novembre 2007.2

c Focus
Directive marchés d’instruments financiers DMIF2
La DMIF a radicalement modifié le paysage son client de toutes les possibilités mais il
boursier en Europe. Entre autres, elle a est tenu de lui offrir la meilleure exécution
permis d’élargir la concurrence entre les possible. Il est à noter qu’il existe également
places financières où ont lieu les échanges un ordre appelé « ordre meilleure place »
de titres. Elle a rendu également possible le applicable depuis la mise en place de la
choix de la place d’exécution de l’ordre DMIF. Il offre l’avantage de faire obligation
pour permettre à l’intermédiaire financier aux intermédiaires financiers de router
de garantir la meilleure exécution possible l’ordre de bourse placé par leur client vers
de l’ordre passé par son client. En effet, le marché assurant les meilleures
l’intermédiaire n’est pas censé informer conditions de prix.

1.2 La confrontation entre l’offre et la demande et la détermination


d’un cours d’équilibre
Dans tout marché, pour déterminer un prix d’équilibre, il s’agit de faire confronter
l’offre et la demande de produits. Dans la bourse, la détermination de prix ou du
cours des titres répond au même principe et le plus fréquemment, ceci se fait selon
une cotation assistée par ordinateur avec carnet d’ordres. Il s’agit de la forme la plus
fréquente. On peut y recourir moyennant deux modes différents  : la cotation en
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continu (ou marché continu) et la cotation au fixing.


Toutefois, certaines places de négociation ne recourent pas à la détermination de
cours mais importent des cours observés sur d’autres marchés de référence. On les
appelle marchés à prix importé. C’est le cas de certains darkpools (ou bassins de
liquidité opaques)3, de crossing networks (ou réseau de courtage) ou des internalisa-
teurs systématiques. Ces derniers sont des prestataires de services d’investissement
qui exécutent certains ordres de leurs clients en dehors du marché réglementé en se
portant eux-même contreparties.

1. Les ventes à découvert seront traitées dans le chapitre 3. Il s’agit de vendre à terme un titre que l’on ne possède
pas à la date de la négociation de la vente mais qu’on acquerra plus tard quand le prix aura baissé, en vue de le livrer
à l’acheteur.
2.  MIFID en anglais.
3.  Cf. note de bas de page 2 du présent chapitre.

5
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

1.3 Le post-marché
Les titres doivent en effet être traités suite à leur négociation. L’acheteur doit
régler le prix de la transaction au vendeur qui à son tour, doit livrer les titres. Le
transfert de titres doit être acté. Ce rôle est assuré par les infrastructures de post
marché (opérations back-office) qui se chargent du suivi administratif et du traite-
ment afin de garantir le bon dénouement des transactions.
En ce qui concerne les actions, le post-marché réside dans deux opérations princi-
pales : la compensation et le règlement-livraison.
− La compensation : dans un marché réglementé, un investisseur donneur d’ordres fait
affaire « avec le marché » et non avec un tel ou tel investisseur. La dissociation entre
la transaction et la qualité de signature est rendue possible par les chambres de com-
pensation (clearing houses) qui interviennent comme contrepartie centrale unique
de l’acheteur et du vendeur. Exemple: LCH Clearnet est le compensateur avec lequel
sous-traite Euronext en France pour la négociation des actions.
− Le principe de compensation a l’avantage de limiter voire éliminer le risque pour les
investisseurs acheteurs ou vendeurs, lequel risque est transféré à la chambre de com-
pensation. Ces prestations de compensation sont rémunérées sous forme de commis-
sions. En d’autres termes, la commission de compensation rémunère le risque de
contrepartie transféré des investisseurs à la chambre de compensation. Cette dernière
gère le risque sous forme de demande de garanties aux membres. Toutefois, c’est la
plateforme de négociation qui choisit le compensateur et non l’investisseur ni l’inter-
médiaire membre, par lequel l’ordre a transité. La plateforme facture une commis-
sion globale pour les services assurés (négociation et compensation) aux membres.
Les éventuelles défaillances des clients seront supportées par les intermédiaires.
Pour se protéger, ils établissent des procédures de vérification de la solvabilité de
leurs clients quand ceux-ci placent leurs ordres.
− Le règlement-livraison : un système qui garantit le paiement et la livraison effective
des titres. Le dénouement des engagements entre l’acheteur et le vendeur se fait avec
un décalage de 3 jours pour une transaction au comptant à Paris (donc les flux ont
lieu en J+3). Pour les opérations en Service à Règlement Différé (SRD), le décalage
temporel est encore plus important comme le débouclage effectif d’une transaction
a lieu en fin de mois1. Cela étant, les procédures doivent être bien définies. À ce
niveau, intervient le métier de la conservation (custody ou safekeeping). En effet, les
titres sont inscrits au nom de l’investisseur acheteur chez le conservateur comme
Euroclear et Clearstream qui sont les principaux organismes du métier de conserva-
tion en Europe. Euroclear est également le plus important dépositaire central de
titres (CSD en anglais) pour le marché français des actions. À savoir, un CSD assure
plusieurs métiers de la compensation à la conservation et le service de règlement-
livraison ainsi que la gestion des dépôts de garantie et d’autres opérations sur pro-
duits dérivés tel le traitement des appels de marge, etc.

1.  On peut même observer dans certains cas, des reports de positions sur le mois suivant.

6
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

Une fois que le règlement est réalisé, la livraison des titres se matérialise par leur
transfert vers le compte-titres de l’investisseur en passant par la banque ou le cour-
tier par qui l’ordre a transité.
Les différents métiers du service règlement-livraison ne sont pas forcément assu-
rés par le même établissement, par exemple, le compensateur ne joue pas forcément
le rôle du conservateur. Toutefois, sur certaines plateformes, on pourrait observer un
système dit intégré  où la bourse contrôlerait elle-même plusieurs métiers de la
chaîne de traitement du titre (cf. figure 1.2), plus souvent ceux de cotation, de com-
pensation, de règlement-livraison et de conservation. On parlera d’organisation en
silo. Cette organisation n’a pas que des avantages, elle présente l’inconvénient pour
l’investisseur de limiter la concurrence des services que le post-marché pourrait lui
offrir.

1.4 La régulation des échanges et des acteurs

■■  Les acteurs


Les directives des marchés financiers définissent les règles à suivre au niveau
européen par les États membres en vue d’harmoniser les pratiques. L’autorité des
marchés de titres ou ESMA (pour European Securities and Markets Authority) en
détermine le mode d’application et deux autorités européennes sont chargées depuis
2011 de réguler les activités financières : l’EBA (pour European Banking Authority)
basé à Londres et l’EIOPIA (pour European Insurance and Occupational Pensions
Authority) basée en Allemagne à Francfort.
Au niveau français, l’autorité suprême est l’Autorité des Marchés Financiers
(AMF). Elle contrôle la gestion d’actifs et détermine les réglementations et les
règles de bonne conduite des entreprises de marché et des entreprises d’investisse-
ment, en ligne avec les directives européennes. Une autre autorité principale mais
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indépendante de l’AMF est fondée en 2010 et adossée à la Banque de France  :


l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP). Elle émane de la fusion de plusieurs com-
missions bancaires et d’assurances.
Les autres acteurs de régulation et leur périmètre d’action au niveau français sont
les suivants :
− le Ministère des Affaires Sociales (agréments et réglementation) ;
− le Ministère des Finances (réglementation) ;
− l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) (agréments, règles de
bonne conduite, contrôle prudentiel) ;
− l’Autorité des Marchés (AMF) (agréments, réglementation, consultation/avis, règles
de bonne conduite, contrôle prudentiel) ;
− le Conseil Supérieur de la Mutualité (CSM) (consultation/avis) ;

7
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

− le Comité Consultatif de la Législation et de la Réglementation Financière (CCLRF)


(consultation/avis) ;
− le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) (consultation/avis).

■■  Les objectifs


Pour lutter contre des problèmes majeurs des marchés financiers tels la fraude, le
délit d’initié, les coûts élevés d’acquisition des informations, le risque de défaut,
etc., les régulateurs se sont fixé les objectifs suivants :
− protéger les investisseurs non-initiés ;
− établir des standards minimums de compétence ;
− aider l’investisseur à évaluer sa performance ;
− empêcher les investisseurs initiés d’exploiter ceux qui le sont moins ;
− promouvoir le reporting financier afin que la collecte d’informations revienne moins
chère pour les investisseurs ;
− exiger un niveau minimal de capital pour que les acteurs du marché soient en
mesure d’honorer leurs engagements et être plus prudents dans leurs prises de
risque.

Relit - RGV

Via les intermédiaire Formation des prix


Euronext
MTF : CHI-X, BATS, Turquoise,
Tradegate
Donneurs d’ordre

Les membres PSI

Les Banques
Structure à prix importé

Les e-courtiers Crossing Network


Internationalisation

Les Régulateurs
Compensation, règlement-livraison

Européens : ESMA et
EBA, EIOPA Euroclear

En France : MAF et la LCH, Cleamet


Banque de France

Figure 1.1 – Architecture actuelle du marché de Paris

8
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

Pour récapituler, tout marché financier a besoin des infrastructures suivantes :


− une place de négociation (Euronext pour le marché réglementé en France) ;
− une chambre de compensation (Euronext sous-traite principalement à LCH.Clearnet
la compensation des opérations sur actions) ;
− un Dépositaire central de titres (Euroclear en France) ;
− une Banque Centrale (Banque de France) ;
− un service de règlement-livraison (assuré par Euroclear en France) ;
− une autorité régulatrice (Autorité des Marchés Financiers en France).
Le graphique suivant permet de mieux comprendre l’architecture d’un marché et
les différents métiers intervenant dans la chaîne du titre :

Investisseur
(Donneur d'ordre)
Investisseur Banque, Courtier
(Compte titre) (Front Office)

Banque, Courtier
Membre
(Back office)

Conservation Cotation
(Custody) transaction

Règlement
Compensation
livraison
(Cleaning)
(Settlement)
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Figure 1.2 – Chaîne du titre

2 L’organisation d’un marché financier

Avant d’aborder l’organisation des échanges (les structures de marché, les


types d’ordre, etc.), il est essentiel de comprendre l’organisation d’un marché en
passant en revue les fonctions d’un marché financier, les différentes classifica-
tions d’actifs, d’intervenants et plus en détail, la classification des intermédiaires
financiers.

9
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

2.1 Les fonctions du marché


Les fonctions principales qu’assure un marché financier en vue de financer l’éco-
nomie réelle sont de faciliter :
− le financement de projets d’investissement ;
− le contrôle et l’incitation des dirigeants ;
− les échanges afin d’assurer la liquidité de l’épargne, de gérer les droits de propriété
(règlement-livraison et conservation) ;
− la révélation des informations en ce qui concerne la transparence avant et après tran-
saction, les obligations des émetteurs et des dirigeants (politique de communication,
directive abus des dirigeants, etc.), la publication des transactions. Toutefois, il n’y
a pas de centralisation de la publication des transactions au niveau européen, par
exemple : le titre Total est négocié à Paris (Euronext) et à Londres (LSE, CHI-X,
Bats) mais seule la Bourse de Paris est régulée par l’AMF et elle est donc tenue de
respecter la diffusion d’information exigée par l’AMF ;
− l’allocation des ressources ;
− le transfert du risque des intervenants qui s’en débarrassent (en achetant une assu-
rance) à ceux qui spéculent ainsi que la gestion de ce risque.

2.2 Classification des marchés


Après avoir rappelé plus haut, la distinction entre un marché de capitaux et un
marché monétaire, la distinction entre un marché primaire et un marché secondaire
ainsi que la différence entre le marché de gré à gré et le marché réglementé, on pré-
cise qu’il y a également une distinction à faire entre le marché comptant (ou spot)
où sont traitées les opérations de court terme et le marché futur pour les opérations
de plus d’un an. On distingue aussi le marché des investissements traditionnels (pro-
duits financiers tels les actions, les obligations, les commodities, etc.) et celui des
investissements alternatifs que pratiquent les fonds d’investissement (actifs alterna-
tifs comme certains produits rares et prestigieux comme les toiles de peintres
connus, certains produits dérivés, les dettes décotées, etc.).

2.3 Classification des actifs


Les actifs sont classés de la manière suivante :
• les actifs financiers (titres comme les actions, les obligations, les produits dérivés
et les devises) contre les actifs réels (immobilier, commodities et autres actifs phy-
siques) ;
• les instruments de dettes (obligations, certificats de dépôt, etc.) contre les instru-
ments de participation ou de propriété (actions ordinaires, actions privilégiées,
warrants) ;

10
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

• les titres publics (échangés sur les marchés et soumis à la régulation) contre les
titres privés (illiquides et non-soumis à la régulation) ;
• les produits dérivés financiers qui dérivent leurs valeurs de la valeur de leurs sous-
jacents ou actifs auxquels ils sont adossés, contre les produits dérivés physiques
(adossés à des titres physiques comme le blé, l’or, le pétrole, etc.) ;
• les instruments collectifs de placement tels les fonds de couverture, les fonds
mutuels, les asset-backed securities, etc.

2.4 Classification des acteurs


Il est clair que les échanges sur les marchés financiers font intervenir quatre types
d’acteurs financiers :
• les investisseurs ;
• les émetteurs de titres ;
• les intermédiaires ;
• et les régulateurs.

2.5 Classification des intermédiaires


Ils se tiennent entre les acheteurs et les vendeurs pour faciliter les échanges et
assurer le débouclage des transactions dans de bonnes conditions.
Leurs prestations favorisent l’efficience informationnelle de marché et sont essen-
tielles pour le bon fonctionnement de tout marché financier. Les intermédiaires
incluent :
• les courtiers ou brokers  qui trouvent des contreparties aux transactions de leurs
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clients et garantissent les échanges au moindre coût ;


• les maisons de courtage ou dealers  qui achètent et vendent pour leurs propres
comptes et se portent comme contrepartie face à leurs clients. Ils procurent de la
liquidité sur le marché et bénéficient du bid-ask spread ou écart entre le cours
d’achat et le cours de vente ou encore fourchette de prix ;
• les banques d’investissement  qui facilitent le financement des projets des entre-
prises en les aidant à émettre et à vendre des instruments de dettes et de fonds
propres aux investisseurs ;
• les bourses et places d’échanges : comme mentionné plus haut, les bourses sont
un marché réglementé soumis aux procédures d’admission, à la diffusion d’infor-
mation et aux autres exigences des autorités régulatrices ;

11
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

• les systèmes de négociation alternatifs (Alternative Trading Systems (ATS) ou


Electronical Communication Network (ECN))  qui assurent les mêmes fonctions
des bourses de valeurs mais sans être soumis à la réglementation des échanges ;
• les établissements de dépôt (depository institutions) ou de crédit ;
• les compagnies d’assurance qui offrent la gestion des risques de leurs clients en
contrepartie de primes ;
• les organismes de titrisation : ce sont des fonds d’investissement qui ont pour objet
d’acquérir un pool de créances et de titres financiers pour après en revendre des
parts aux investisseurs. Ceci peut concerner les prêts hypothécaires, les prêts auto-
mobiles, les créances sur cartes de crédit, etc. La titrisation crée de la liquidité en
générant un pool d’actifs avec des flux de trésorerie plus prévisibles que les actifs
du pool eux-mêmes et permet un transfert dynamique du risque à des intervenants
acceptant de le prendre.
• les arbitrageurs qui tirent profit des différences de prix d’un même titre sur deux
marchés géographiquement différents. Ils procurent ainsi de la liquidité ;
• les chambres de compensation.

Section
2 L ’ORGANISATION DES ÉCHANGES : STRUCTURES
ET TYPES D’ORDRES

Nous traitons essentiellement les principes d’organisation des échanges tels les
structures de marché qui sont soit dirigées par les prix soit dirigées par les ordres,
les modes de cotation ou de détermination des prix, les types d’ordres, leur trans-
mission et leur exécution. Nous analysons notamment, l’incidence de ces différents
éléments sur la liquidité du marché mesurée le plus souvent, par la fourchette des
prix ou le bid-ask spread (les mesures de liquidité seront traitées dans la section 4
du présent chapitre).

1 Les structures de marché

Un marché est soit gouverné par les ordres (order-driven market) et on l’appelle
marché d’agence, soit gouverné par les prix (quote-driven market) et on l’appelle
marché de contrepartie. Sur ces deux structures, le mode de fonctionnement est
différent, les intermédiaires et leur rôle le sont aussi.

12
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

1.1 Structure dirigée par les ordres ou marché d’agence


Dans un marché d’agence, les intermédiaires sont des courtiers ou brokers qui ne
peuvent que transmettre les ordres de leurs clients. Ils sont dans l’interdiction de
prendre personnellement position sur le marché.
Les bourses et marchés réglementés sont des exemples de structure dirigée par les
ordres. Ce mode de fonctionnement est aujourd’hui le mode le plus utilisé à Paris
par Euronext sur sa plateforme Universal Trading Platform (UTP), dans la majorité
des transactions sur les marchés d’actions. Il s’étend également à plusieurs plate-
formes de trading dont Xetra à Francfort, Millenium à Londres (différents segments
dont SETS), etc.
Les ordres y sont agrégés sur chaque limite de prix et rangés par ordre de prix dans
le carnet d’ordres qui affiche les meilleures limites (vendeur (ask)/acheteur (bid)),
généralement les 5 meilleures limites. Ils sont exécutés en utilisant des règles d’ap-
pariement ou de rapprochement des ordres d’achat et de vente reçus pour un même
titre. L’appariement des ordres respecte le principe usuel de priorité prix-temps  :
donc priorité à l’ordre avec le bid le plus élevé ou l’ask le moins élevé et aux ordres
affichés les premiers. Si les ordres sont aux prix identiques, une deuxième règle sera
pratiquée : la priorité aux ordres non-cachés.
Pour comprendre comment les ordres font les prix à partir d’un carnet d’ordres
dans un marché continu d’agence, nous exposons le mécanisme à partir d’un
exemple.
Considérons le carnet d’ordres de Total le 15/12/2016 à 16:21:31.

Tableau 1.1 – Carnet d’ordres de Total le 15/12/2016


à 16:21:31 affichant les 5 meilleures limites
Quantité Bid Ask Quantité
 487 47,100 47,110 1 217
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2 097 47,095 47,115 2 547


2 803 47,090 47,120 3 006
4 538 47,085 47,125 3 089
2 224 47,080 47,130 3 011

Source : site web de Boursorama

Le tableau 1.1 reprend les données d’Euronext telles qu’elles sont affichées par les
diffuseurs de données (presses financières ou intermédiaires financiers). On se
contente de reprendre ici les 5 meilleures limites bid et ask. En d’autres termes, le
carnet affiche :
• les 5 meilleures offres des vendeurs : le meilleur prix est 47,110, il s’agit du prix
le moins élevé auquel un acheteur est prêt à vendre et pour lequel une quantité de
1 217 actions Total sont proposées ;

13
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

• et les 5 meilleures demandes des acheteurs : le meilleur prix est 47,100, il s’agit
du prix le plus élevé qu’un acheteur est prêt à payer et auquel 487 actions seront
achetées.
Il est à noter que les quantités affichées par ligne donnent le cumul des quantités
des ordres passés au prix concerné et en attente d’être exécutés. Ces prix ainsi que
les quantités et les autres caractéristiques des ordres sont fixés par les investisseurs.
Rien n’est inventé par le marché.
Pour résumer, selon le carnet d’ordres Total, le vendeur le moins exigeant est prêt
à vendre à 47,110 et l’acheteur le mieux-disant en prix est disposé à acheter à
47,100. Aucune transaction n’est donc possible à cet instant précis. Une transaction
aura lieu si un investisseur modifie son ordre ou s’il arrive sur le marché un nouvel
ordre d’achat ≥ 47,110 (meilleur ask) ou de vente ≤ 47,100 (meilleur bid). Les ordres
exécutés (évidemment, en fonction de la disponibilité des quantités) disparaîtront du
carnet d’ordres et de nouveaux cumuls avec de nouveaux prix bid et ask ­apparaissent.
Les ordres restant dans le carnet peuvent finir par être annulés, du moins tant qu’ils
ne sont pas exécutés.
C’est ainsi que les ordres font les prix sur le marché d’agence moyennant un car-
net d’ordres.

1.2 Structure dirigée par les prix ou marché de contrepartie


Dans un marché de contrepartie, les offreurs et les demandeurs contactent des
teneurs de marchés (market-makers) ou dealers qui jouent un rôle essentiel d’ani-
mation du marché en postant en continu une fourchette de prix acheteur/vendeur : le
quote.

Défi­­ni­­tion
Le quote : il regroupe les quatre informations sur les prix et les quantités à la vente comme
à l’achat postées par un teneur de marché.
Les market-makers prennent des positions sur le marché pour leurs propres comptes et se
tiennent comme contrepartie de leurs clients. Grâce à leur activité, un client trouvera
toujours une contrepartie pour acheter ou pour vendre. Les prestations des dealers pro-
curent ainsi de la liquidité aux titres.
Pour réaliser un gain et rémunérer ainsi sa prestation, le market-maker maintient
une différence entre le prix auquel il est prêt à acheter et le prix auquel il est disposé
à vendre.
Un investisseur peut soit accepter les conditions publiées par le dealer, soit
s’adresser à un autre dont les conditions ou la fourchette de prix lui conviennent
mieux. Il peut encore s’abstenir de passer son ordre. Les prix font donc les ordres
sur ce type de structure.

14
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

Comme les dealers prennent des positions sur compte propre, il s’en suit des obli-
gations en termes de fonds-propres afin de s’assurer qu’ils puissent bien dénouer les
positions prises. Toutefois, ils sont tenus de réaliser l’exécution la plus avantageuse
(best execution) pour leurs clients. Cette obligation introduite par la DMIF en 2007
a pour but de prévenir tout conflit d’intérêt et ainsi protéger les intérêts du client.
Ainsi chaque teneur de marché représente un centre de détermination des cours. Il
en résulte une large concurrence et donc une certaine opacité. Cette dernière peut
être réduite par le respect des exigences d’affichage centralisé, ce qui diminuera le
coût d’accès à l’information et permettra à l’investisseur même le moins initié, de
trouver les conditions les plus avantageuses.
La majorité des valeurs mobilières, autres que les actions, sont échangées dans des
structures dirigées par les prix.

1.3 Marché d’agence, marché de contrepartie et crossing


Comme nous l’avons indiqué auparavant, le mode de fonctionnement le plus uti-
lisé sur les plateformes de trading est le marché d’agence. Toutefois, la réalité
actuelle des plateformes révèle un mélange des deux modèles principaux : le marché
d’agence et le marché de contrepartie.
Dans le marché d’agence, il existe plusieurs formes fonctionnant avec des moda-
lités différentes tels les systèmes de négociation alternatifs ATS ou ECN aux États-
Unis connus en Europe sous le nom Multilateral Trading Facilities (MTF). Ce sont
des formes de marché d’agence mais non soumis aux réglementations des bourses
de valeurs ou du moins les procédures d’admission des valeurs y sont plus souples.
Un troisième mode (décrit plus haut, dans la section de la détermination des cours)
existe et est aussi prisé par les grands investisseurs : le crossing network.
Sur le marché du crossing, le marché organise la rencontre entre les investisseurs
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sans se porter lui-même contrepartie. Les ordres sont exécutés au milieu de la four-
chette de prix observé sur un marché de référence. Toutefois, les échanges n’ont pas
d’impact sur l’équilibre des marchés de référence d’où l’on importe les prix. Par
contre, le succès des échanges sur ce marché peut avoir un impact autodestructeur :
un volume très important des échanges peut se faire au détriment de la liquidité des
marchés de référence. Ceci influencera indirectement la qualité des cours qui sont
produits sur les marchés classiques.
Un quatrième mode, le système d’internalisation (in house matching) fait interve-
nir un mélange des deux modèles principaux de marché. En effet, le donneur
d’ordres a le droit de décider si son ordre sera exécuté sur le marché de référence ou
en interne. Dans le premier cas, l’intermédiaire peut croiser les ordres des clients et

15
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

ceci relève du marché d’agence. Dans le deuxième, l’intermédiaire intervient sur


compte propre, ce qui représente une opération du marché de contrepartie.
Cette pratique est rendue possible en France depuis la DMIF (novembre 2017).
Plus concrètement, elle consiste à faire exécuter par un intermédiaire financier, éven-
tuellement membre, les ordres de ses clients (certainement avec leur approbation)
aux prix affichés par un marché de référence sans que la transaction soit transmise
à ce dernier. Ceci permet de réaliser une économie sur les coûts de transaction et du
métier de compensation. La concurrence entre les intermédiaires permise par l’obli-
gation de transparence vis-à-vis des clients donneurs d’ordres garantit une économie
des coûts de transaction et une répercussion partielle sur les donneurs d’ordres eux-
mêmes.
Il est intéressant d’établir une comparaison entre les différentes formes de marché
comme le fait J. Hamon (2014).

Tableau 1.2 – Comparaison des formes de marché


Agence Contrepartie Crossing
Les ordres font Les prix font les Le prix est importé sur
Fonctionnement
les prix ordres un marché de référence
Existence de carnet d’ordres Oui Non Oui
Risque de non-exécution ? Faible Le plus faible ? Fort

Possibilité de marché continu ? Oui Oui

Le marché continu obligatoire ? Non Oui Non


Possibilité du fixing ? Oui Non Non, le prix est importé
Le fixing obligatoire ? Oui Non Non, le prix est importé
Oui, en marché Prix importé d’un
Observe-t-on une fourchette de prix ? Oui
continu marché de référence
Non, prix nets.
Existence d’une commission Oui (Toutefois, c’est Oui
possible)

2 Les types d’ordres

Les bid et les ask sont cotés pour des volumes spécifiques de transactions. On
rappelle que la cotation se fait au prix d’achat le plus élevé et au prix d’offre le plus
faible parmi les prix proposés par les courtiers sur un même titre. Plus le bid-ask
spread (fourchette de cotation) est faible, plus le marché du titre concerné, est
liquide.
Les ordres de bourse sont caractérisés par :
–– le nom (code ou mnémonique) de la valeur à traiter ;
–– le nombre de titres à traiter ;

16
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

–– le sens de l’opération (achat ou vente) ;


–– la durée de validité de l’ordre ;
–– le prix ;
–– le type d’ordre.
Tout ordre inclut des instructions d’exécution, de validité et de règlement-
livraison.

3 Les instructions d’exécution

Les instructions d’exécution concernent le prix, le volume et la visibilité.

3.1 Les instructions de prix


En termes de prix, on trouve plus fréquemment deux libellés d’ordres présents sur
toutes les plateformes : l’ordre au marché (market order) et l’ordre à cours limité
(limit order)1.
–– L’ordre à cours limité : consiste à passer un ordre sur une quantité donnée de titres,
il est sécurisant puisqu’il est assorti d’un prix maximum en cas d’achat ou d’un prix
minimum en cas de vente. C’est l’ordre le plus courant, comme il permet de maîtri-
ser le prix de la transaction, mais avec un grand risque de non-exécution. En effet,
le donneur de ce type d’ordre privilégie l’exécution au détriment du prix. Les ordres
à cours limités sont placés par des investisseurs patients et apportent de la liquidité
au marché.
–– L’ordre au marché : consiste à placer un ordre sans limite de prix et est prioritaire
sur tous les autres ; il est exécuté au meilleur prix dès lors qu’il y a sur le marché
une contrepartie pour les quantités souhaitées  ; il n’y a aucune maîtrise du prix
d’exécution ; il est placé par un investisseur pressé et consomme de la liquidité.
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Exemples – Ordre à cours limité et ordre au marché


1.  Ordre à cours limité
On considère un carnet d’ordres d’Air France avec les 5 meilleures limites bid et ask
­suivantes :

1.  D’autres types d’ordres sont proposés par les autres marchés qu’Euronext et rendus accessibles par l’automa-
tisation du routage d’ordre. On cite particulièrement l’« ordre à cours moyen pondéré » (ordre CMP) réservé géné-
ralement aux investisseurs institutionnels. Le prix d’exécution de cet ordre résulte de l’application d’une formule
établie par l’accord entre le donneur d’ordre et son intermédiaire. Il s’agit du cours moyen observé sur une fenêtre
(une heure à une séance) pondéré par la quantité des échanges sur cette même fenêtre.

17
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

Tableau 1.3 – Carnet d’ordres avec les 5 meilleures limites bid/ask


Quantité Bid Ask Quantité
100 50 60 50
200 45 65 200
100 40 70 100
500 35 75 200
10 30 80 500

S’il arrive au marché un ordre d’achat de 300 actions à cours limité de 65, seules les
250 actions (200 actions au prix de 65 et 50 actions au prix de 60) seront exécutées. Les
50 actions non-exécutées entreront en carnet, du côté des vendeurs avec l’apparition d’une
nouvelle limite à l’achat ou bid de 65. Du côté des acheteurs, il y aura également une modi-
fication des 5 meilleures limites affichées dans le carnet d’ordres.
Tableau 1.4 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un ordre à cours limité - 1
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 60 50
200 45 65 200
100 40 70 100
500 35 75 200
10 30 80 500

Tableau 1.5 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un ordre à cours limité - 2
Quantité Bid Ask Quantité
50 65 70 100
100 50 75 200
200 45 80 500
100 40 85 300
500 35 90 100

Il en résulte une réduction de la fourchette de cotation (meilleur ask-meilleur bid = 70 - 65


= 5) qui était de 60 - 50 = 10 auparavant. C’est ainsi qu’un ordre à cours limité procure de
la liquidité au marché, en général.
1.  Ordre au marché
Si on repart du carnet d’ordres du tableau 1.3 et si on considère le placement d’un ordre
d’achat de 825 actions au marché, le traitement suivant aura lieu :
Tableau 1.6 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un ordre au marché - 1
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 60 50
200 45 65 200
100 40 70 100
500 35 75 200
10 30 80 500

18
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

L’ordre passé couvre l’achat de 50 actions à 60, de 200 actions à 65, de 100 actions à 70,
de 200 actions à 75 et de 275 actions à 80. Dans le nouveau carnet d’ordres, la meilleure
limite sera égale à 80 avec une quantité disponible à l’achat de 225 actions. De nouvelles
limites entreront en carnet du côté des vendeurs.

Tableau 1.7 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un ordre au marché - 2


Quantité Bid Ask Quantité
100 50 80 225
200 45  85 300
100 40 90 300
500 35 95 250
10 30 100 500

L’ordre au marché a l’avantage de garantir l’exécution totale d’un ordre passé mais il est
plus agressif que l’ordre à cours limité. Ainsi, on dit qu’il consomme de la liquidité. Ceci
se traduit par l’élargissement de la fourchette de cotation de 10 (60-50) à 30 (80-50).

Derrière les deux ordres les plus courants qu’on trouve sur presque toutes les pla-
teformes sur un marché d’agence, on trouve les libellés d’ordres suivants :
–– l’ordre à la meilleure limite : cet ordre est une sous-catégorie d’ordre au marché. Il
est exécuté au mieux de l’offre ou de la demande du marché donc il n’offre aucune
garantie sur le prix. Il représente aux investisseurs l’intérêt d’entrer en bonne posi-
tion sur le marché, mais avec, cependant, un risque d’exécution partielle de la tran-
saction (si les quantités disponibles sont insuffisantes)  ; la partie non exécutée se
transforme en ordre à cours limité au cours coté.

Exemple – Ordre à la meilleure limite


En partant toujours du même carnet d’ordre de base (tableau 1.3), on considère un ordre
d’achat de 25 actions à la meilleure limite. Comme cet ordre ne comporte pas d’indication
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de prix, il sera exécuté sur une seule limite (la meilleure limite du carnet). Les 25 actions
seront donc exécutées au prix de 60. La quantité offerte à ce prix étant suffisante, l’exécu-
tion de l’ordre est totale. Le carnet d’ordres après le passage de cet ordre fait apparaître les
limites suivantes :

Tableau 1.8 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un ordre à la meilleure limite
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 60 25
200 45 65 200
100 40 70 100
500 35 75 200
10 30 80 500

19
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

Dans ce cas précis, les meilleures limites n’ayant pas changé, il n’en résulte pas de chan-
gement de la fourchette de cotation.

− l’ordre à seuil de déclenchement (stop loss order) : cet ordre concerne un ordre
d’achat (de vente) qui n’est activé que lorsque le marché enregistre une tran-
saction à un prix supérieur (inférieur) ou égal à un seuil fixé ; il se transforme
alors en ordre au marché ou un ordre à tout prix et peut être exécuté sur plu-
sieurs limites de prix du carnet. On ne maîtrise donc pas le cours d’exécution.
Pour que cet ordre soit accepté, le seuil doit être supérieur (cas d’un ordre
d’achat) ou inférieur (cas d’un ordre de vente) au dernier cours enregistré sur
le marché.
L’ordre à seuil est utilisé pour se protéger contre une baisse très forte (lorsque l’on
est en position d’acheteur net) ou contre une hausse très importante (si l’on est en
position de vente à découvert). L’ordre de vente à seuil de déclenchement se passe
en spécifiant un cours inférieur au cours actuel du titre. Il s’agit en effet d’un ordre
de protection pour stopper une perte en cas de retournement de marché. D’où son
ancien nom d’« ordre stop ».
Il est plus particulièrement utilisé pour se protéger d’un retournement du mar-
ché lorsque l’on se trouve sur une position gagnante. On parle de stratégie
momentum. Dans ce cas, se présente le risque de déclenchement de l’ordre alors
que le marché ne s’est pas vraiment retourné : la position de l’investisseur est
soldée sans qu’il ait engrangé tout le potentiel de profit. Plus on ajuste réguliè-
rement le prix du seuil pour accompagner la tendance et plus on s’expose au
risque de perte.

Exemple – Ordre à seuil de déclenchement


On considère à présent un ordre d’achat de 150 actions à 75 euros stop. Partant du carnet
d’ordres initial (tableau 1.3), l’exécution de l’ordre ne sera déclenchée que lors du franchis-
sement du seuil indiqué. Au seuil de 75, l’ordre apparaît en carnet comme ordre au marché
qui peut être exécuté sur plusieurs limites de prix. L’ordre devient un ordre agressif et sera
totalement exécuté.

Tableau 1.9 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un


ordre au seuil de déclenchement ou stop loss - 1
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 75 199
200 45 80 500
100 40 85 100
500 35 90 300
10 30 95 250

20
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

Tableau 1.10 – Carnet d’ordres avec l’arrivée d’un


ordre au seuil de déclenchement ou stop loss - 2
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 75 49
200 45 80 500
100 40 85 100
500 35 90 300
10 30 95 250

Il en résulte un élargissement du bid-ask spread qui passe de 10 (60-50) à 25 (75-50). C’est


ainsi qu’un ordre à seuil de déclenchement, à l’instar de l’ordre au marché, absorbe de la
liquidité du marché.

− l’ordre à plage de déclenchement (stop limit order).


L’ordre à plage de déclenchement présente les mêmes caractéristiques d’un ordre
à seuil de déclenchement sauf qu’il spécifie un seuil associé d’une limite. Il est donc
assorti de deux prix. Pour l’ordre d’achat, le plus faible des deux permet de fixer le
seuil de l’ordre stop. Pour un ordre de vente, ce sera le prix supérieur qui fixera le
seuil. Lorsque le premier seuil est franchi, l’ordre entre en carnet, comme ordre à
cours limité au deuxième prix du libellé d’ordre. Plus explicitement, un ordre
d’achat de 200 actions Total à 47,20/47,21 (cf. tableau 1.1, p. 13) se transforme en
ordre à cours limité à 47,21 lorsque le seuil de 47,20 est franchi. L’investisseur
garantit ainsi l’exécution de son ordre à un prix entre 47,20 et 47,21.

Exemple – Ordre à plage de déclenchement


On considère un ordre d’achat de 500 actions à la plage de déclenchement suivante : 65/75.
Partant du carnet d’ordres initial (tableau 1.3), l’exécution de l’ordre ne sera déclenchée que
lorsque la limite de 65 est franchie. On suppose que les cours évoluent à la hausse à
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65 euros.

Tableau 1.11 – Carnet d’ordres avec l’arrivée


d’un ordre à plage de déclenchement - 1
Quantité Bid Ask Quantité
100 50 65 175
200 45 70 100
100 40 75 200
500 35 80 500
10 30 85 250

À la limite de 65 euros, l’ordre apparaît en carnet comme ordre à cours limité à 75 euros.
L’exécution concernera l’achat de 175 actions à 65, de 100 actions à 70 et de 200 actions à
75. Les 25 actions restantes ne passent pas à cause de la limite de 75. En effet, l’ordre à

21
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

plage de déclenchement présente le risque d’exécution partielle. Le carnet d’ordres après


passage de cet ordre affichera les nouvelles limites suivantes :

Tableau 1.12 – Carnet d’ordres avec l’arrivée


d’un ordre à plage de déclenchement - 2
Quantité Bid Ask Quantité
25 75 80 500
100 50 85 250
200 45 90 300
100 40   95 250
500 35 100 500

Autre que le prix, les instructions d’exécution concernent également le volume et


la visibilité de l’ordre.
• Les instructions de volume
L’ordre « Tout ou Rien » (TOR) ou ordre « rien » garantit la quantité et le prix. Il
ne sera exécuté que s’il le sera complètement. Il a été supprimé fin 2003, pour des
raisons de faible utilisation et d’obscurité puisqu’il n’apparaît pas dans le carnet
d’ordres.
• Les instructions de visibilité
–– L’«  ordre caché  » est un ordre dont seul le dealer connaît la taille. Il est
intéressant pour les investisseurs qui veulent effectuer une transaction sur un
grand volume de titres sans le divulguer pour ne pas influencer le cours de
manière considérable.
–– Un « ordre iceberg » est un ordre passé pour une grande quantité de titres, mais
ne divulguant qu’une partie du volume total de la transaction. La partie révélée
est inscrite au carnet d’ordres. Une fois exécutée, la partie cachée apparaît
automatiquement en carnet d’ordres, mais en dessous des autres ordres à la
même limite.

3.2 Les instructions de validité


L’ordre peut être valable :
–– le « jour » : l’ordre ne peut être exécuté que pendant la journée en cours ;
–– « à date déterminée » : l’ordre ne sera exécuté qu’à la date définie (au plus un an) ;
–– « à révocation » : l’ordre est soit maintenu au plus un an, soit annulé par le donneur
d’ordre ou bien par les autorités de marché.

3.3 Les instructions de règlement-livraison


Comme défini plus haut, le règlement-livraison concerne le transfert de propriété.
Toute action est cotée au comptant ; le règlement (pour l’acheteur) et la livraison
22
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

(pour le vendeur) ne sont pas instantanés mais différés de trois séances de bourse
(J + 3).
À Paris, depuis le 1er avril 2006, la transmission de propriété est effective en
J + 3, mais les droits (les dividendes) sont dus à l’acheteur dès la date de négo-
ciation.

Section
3 LA FORMATION DES COURS

Tous les ordres placés en bourse sont enregistrés dans l’ordinateur central. Pour
chaque valeur, les ordres sont classés dans une feuille de marché sur laquelle sont
réunies toutes les informations collectées sur les ordres à l’achat et à la vente d’une
valeur.
Les cours peuvent être cotés en continu ou en fixing (call auction). La cotation
assistée en continu est la plus fréquente mais le schéma général d’une séance de
bourse à Paris – Euronext alterne six phases de cotation en continu et de fixing :

Heure de Paris Phase Description


7 h 15 à 9 heures La pré-ouverture Accumulation des ordres sans transaction. Le marché
calcule et affiche à chaque instant un cours théorique
d’équilibre1
9 heures Fixing d’ouverture L’ordinateur détermine un prix d’ouverture en
confrontant offre et demande
9 heures à 17 h 30 Le marché en continu Détermination des prix par cotation assistée en continu
17 h 30 à 17 h 35 La pré-clôture Accumulation des ordres sans transaction
17 h 35 Fixing de clôture L’ordinateur détermine un prix de clôture en confrontant
l’offre et la demande
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17 h 35 à 17 h 40 Hors bourse (Trading at Les transactions trouvant contrepartie sont admises et
last) exécutées au dernier cours de la séance.

Défi­­ni­­tion
La cotation en continu qui se déroule de 9 heures à 17 h 30 consiste à traiter chaque ordre
de bourse introduit dans le système avec ce qui se trouve déjà dans le carnet.
Les modalités sont décrites dans la section 2.2 sur les libellés d’ordre du marché
continu d’agence.

1.  Les ordres d’achat (de vente) inférieurs (supérieurs) au cours théorique sont affichés dans ce que UTP d’Eu-
ronext appelle un « carnet écrasé ».

23
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

Défi­­ni­­tion
Le fixing quant à lui, consiste à confronter l’offre et la demande tout en étant assisté par
ordinateur. Le cours d’équilibre qui en résulte est celui qui maximise le volume échangé.
Plus explicitement, on détermine le cours d’ouverture et de clôture en fixing de manière
à maximiser le volume des transactions qui pourront être conclues à ce prix.
Dans le cas éventuel où plusieurs prix conduisent à un même volume maximal, le
cours d’ouverture sera alors déterminé de façon à minimiser l’écart au prix de réfé-
rence (dernier cours coté)1. Si cette règle ne permet pas de déterminer un prix de
fixing unique, on procède ainsi2 :
–– on recherche d’abord à minimiser le volume non exécuté ;
–– sinon, on tient compte du sens des ordres non exécutés ;
–– et enfin on intègre le dernier cours traité dans le système électronique, ajusté d’éven-
tuelles opérations sur titres survenues.

Exemple – Cotation au fixing


On considère le carnet sur Bouygues Telecom suivant :
Bid Ask
Accumulated Accumulated
Quantity Surplus Limit Surplus Quantity
quantity quantity
500 500 34 200 700

300 800 200 33 600

800 200 32 600 200

800 400 31 400 400

Le cours de référence est de 31. On cherche à déterminer le premier cours coté.


En fixing, il s’agit de trouver le cours qui maximise le nombre de titres échangés.
En effet, à la limite de prix de 34 euros, 500 actions seront échangées du côté acheteur,
laissant un surplus non exécuté de 200 actions du côté vendeur.
À 33 euros, la quantité théorique échangée est de 600 actions, 800 actions étant disponibles
à l’achat et 600 à la vente. Tous les ordres des vendeurs seront exécutés mais un surplus de
200 actions apparaît du côté acheteur. Pareil pour la limite de prix de 32 euros. On identifie
donc deux cours qui maximisent le volume de titres échangés. Pour trancher, on fait appel

1.  Pour le fixing d’ouverture, le prix de référence est le plus souvent le cours de clôture de la veille (ajusté pour
les éventuelles opérations sur titres).
2.  En effet, un prix d’équilibre dégagé de la rencontre de l’offre et de la demande résulte du croisement de deux
droites en un seul point. Par contre, en bourse, la réalité n’est pas la même. Les ordres émis sont en nombre limité
et les limites de prix auxquels les investisseurs sont prédisposés à acheter ou vendre ne couvrent pas toutes les
possibilités. Il s’agit donc d’escaliers et non de droites qui sont confrontées par le marché. Le croisement des deux
escaliers se fait le plus souvent sur un segment de droite et non en un point, d’où la nécessité de règle permettant
de déterminer un prix unique.

24
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

à une deuxième règle applicable sur le marché parisien, celle qui minimise l’écart au cours
de référence. Ce dernier est de 31 euros, ce qui impliquerait que le premier cours coté à
Paris serait de 32 euros et non de 33 euros.
Sur d’autres marchés, les règles peuvent être différentes. Si, par exemple, ce carnet était sur
le marché de Francfort, la première règle serait identique et ferait prévaloir deux cours qui
maximisent le volume échangé. Par contre, la deuxième règle serait de retenir le prix qui
minimise l’excès d’offre et de demande. Ici, il reste toujours deux cours répondant à cette
règle. La troisième règle consiste à retenir le cours le plus élevé des deux possibles quand
il s’agit d’un excès de demande ou le prix le moins élevé des deux lorsqu’il s’agit d’un
surplus de vente. Dans le cas présent, il y a un excès de demande, donc le premier cours
coté est de 33 euros auquel 600 titres sont échangés.

Section
4 LES INTERRUPTIONS DE COTATION

Le contrôle du bon fonctionnement du marché relève de la responsabilité de


l’entreprise de marché (Euronext à Paris)  ; celle-ci peut être amenée, à certains
moments, à interrompre les cotations pour des raisons précises. Les règles de fonc-
tionnement sont donc fixées par Euronext.

1 Les suspensions de cotation

Elles sont demandées par les entreprises cotées, les régulateurs, ou à l’initiative de
l’entreprise de marché elle-même ; elles sont temporaires et peuvent s’expliquer par
un facteur exceptionnel susceptible d’affecter une valeur, comme le dépôt d’une
offre publique, l’attente d’un communiqué, etc. Elles n’ont pas de limite de durée ;
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elles entraînent une élimination des ordres non exécutés présents dans le carnet
d’ordres.

2 Les réservations ou interruptions de volatilité

Des tunnels (statique et dynamique) sont définis pour éviter une variation exces-
sive des cours, les seuils de réservation sont exprimés en pourcentage de fluctuation
maximale de part et d’autre d’un cours de référence. Si le cours théorique tente une
sortie des tunnels, des procédures particulières sont déclenchées, entraînant une
suspension automatique, dite interruption de volatilité qui durera 2 minutes. Par
exemple, pour le CAC40, le seuil statique est de ±10 %, le seuil dynamique est de
±6 %, en mode fixing et de ±3 % en mode continu.

25
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

3 Les interruptions involontaires ou pannes

Bien que le système de bourse emploie les meilleures technologies, des pannes
peuvent survenir au niveau de l’automate lui-même, de l’alimentation électrique, des
systèmes de transmission ou du routage d’ordres ou aussi elles sont dues à un
volume d’ordres conséquent arrivant sur la plateforme de trading. Tous les marchés
en ont connu. Ces interruptions, qui peuvent durer 30 minutes ou des heures parfois,
ont éventuellement un impact considérable sur certaines stratégies particulières.
On cite les exemples d’interruptions involontaires suivants :
––le 11  septembre 2001  : attentats terroristes. Le marché ne sera réouvert que le
17 septembre imposant la plus longue interruption des cotations depuis 1933 ;
––le 14 août 2003 : la plus grande panne d’électricité de l’histoire de l’Amérique du
Nord. Aux États-Unis et au Canada, 50  millions de personnes ont été privées
d’électricité ;
––le 11  janvier 2006  : un bug informatique survient à la bourse de Tokyo dû à la
saturation du système de transactions, le seuil de 4 millions de transactions ayant
été franchi. Le 10 octobre 2006, le « Kabuto Cho » a renforcé sa capacité maxi-
male qui atteint désormais 7,5 millions de transactions.
Sur les marchés américains, un circuit-breaker ou coupe-circuits automatique est
mis en place après le krach d’octobre 1987. Il s’agit d’un arrêt du marché d’actions
conditionnel à une variation importante de l’indice Dow Jones Industrial Average
(DJIA) :
–– niveau 1 : si le DJIA chute de 10 %, cela produira une suspension d’une heure avant
14 heures et de 30 minutes si la chute survient entre 14 heures et 14 h 30 ;
–– niveau 2 : si le DJIA chute de 20 %, cela nécessitera une suspension de 2 heures
avant 13 heures, d’une heure entre 13 heures et 14 heures et le reste de la journée si
la chute survient après 14 heures ;
–– niveau 3 : si le DJIA chute de 30 %, la suspension sera pour le reste de la journée.

Section
5 MESURES DE LIQUIDITÉ

La liquidité d’une valeur est appréhendée en plusieurs dimensions. On la mesure


plus généralement, par le prix ou fourchette de spread (comme indiqué plus haut),
la profondeur, la résilience, l’étroitesse ou la largeur du marché :
− L’immédiateté (immediacy) : rapidité avec laquelle un ordre est exécuté pour une
taille donnée et un prix donné. Elle reflète l’efficience des échanges et des sys-
tèmes de règlement-livraison. En effet, un ordre d’achat suivi d’un ordre de vente

26
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

supporte un coût directement lié à la fourchette de spread. Cette dernière mesure


le coût de l’immédiateté.
− L’étroitesse du marché (tightness) : fait référence aux coûts de transactions comme
le bid-ask spread.
− La largeur (breadth) : lorsque les ordres sont nombreux et volumineux avec une
influence minimale sur les cours.
− La profondeur (depth) : fait référence à l’existence de volumes importants d’ordres
d’acheteurs et de vendeurs potentiels à des prix en dessous et au-dessus du cours
actuel. En d’autres termes, il s’agit du volume de titres nécessaires à demander ou
à offrir pour faire varier les prix d’une unité. Un marché dispose d’une grande
profondeur s’il est capable d’absorber des ordres importants sans qu’il n’en résulte
des mouvements de prix considérables.
− La résilience (resiliency) : la capacité à absorber des chocs de prix importants dus
à l’arrivée d’un ordre de grande taille et à revenir à l’équilibre, sachant qu’une
partie du choc sera permanente et reflète les informations en possession de
l’investisseur.
Le degré d’agressivité des ordres a un impact direct sur la liquidité d’un titre :
− Les ordres les plus agressifs qui consomment beaucoup de liquidité  : un ordre
d’achat (de vente) avec un prix supérieur (inférieur) au meilleur prix de vente
(d’achat) figurant dans le carnet d’ordres et avec une taille supérieure à la profon-
deur disponible au même prix.
− Les ordres moyennement agressifs : un ordre d’achat (de vente) dont le prix est
égal au meilleur prix de vente (d’achat), mais dont la taille dépasse la profondeur
disponible à ce prix.
− Les ordres non-agressifs : il s’agit d’un ordre dont le prix est toujours égal à la
meilleure limite proposée, et dont la taille est inférieure ou égale à la profondeur
offerte à ce prix.
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27
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

1.1 Passage d’ordres et bid-ask spread


On considère le carnet d’ordres suivant de Saint-Gobain du 11/10/2011 à 11:00.
Quantité Bid Ask Quantité
1 198 33,540 33,580 100
696 33,535 33,595  43
404 33,530 33,600 104
753 33,525 33,605 347
907 33,520 33,610 1 238

1 ■
Quel est le bid et quel est l’ask dans ce carnet d’ordre ?
2 ■ Indiquez les conditions d’exécution d’un ordre d’achat de 1  500 actions
libellé de la manière suivante et suivez l’évolution du bid-ask spread :
––à cours limité 33,59 euros ;
––au marché ;
––à la meilleure limite.

1.2 Ordre à seuil de déclenchement


Un investisseur possède des actions XYZ et pense qu’elles sont actuellement
surévaluées. Il estime que la valeur du titre continuera à augmenter pendant un
certain temps avant de revenir à l’équilibre. Quel type d’ordre devrait-il placer
s’il voulait vendre ses actions lorsque le prix a commencé à baisser d’une manière
considérable ?

1.3 Ordres à seuil de déclenchement


et à plage de déclenchement
Soit un carnet d’ordre avec l’état initial suivant :
Quantité Bid Ask Quantité
624 33,090 33,160   544
200 33,080 33,175    282
 105 33,075 33,180   298
  233 33,065 33,185 624
1 650 33,045 33,235 1 351

1 ■ Un ordre d’achat de 1 000 actions à seuil de déclenchement à 33,18 arrive sur
le marché. Sera-t-il exécuté ? Dans quelles conditions ?

28
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

2 ■ Un ordre de vente de 1 000 actions à plage de déclenchement entre 33,175 et


33,50 arrive sur le marché. Sera-t-il exécuté ? Dans quelles conditions ?

1.4 Ordre à libeller


À 12 h 55 le 29 octobre 2011, le dernier cours coté de Bouygues Télécom est 24,38 €.
Les 5 meilleures limites du carnet sont décrites dans le tableau ci-dessous :
Quantité Bid Ask Quantité
1 200 24,37 24,38   300
200 24,36 24,39 184
106 24,35 24,40 205
  235 24,34 24,41   650
1 450 24,33 24,42 1 351

1 ■ Le
gérant d’un fonds souhaite vendre 1 000 actions à partir de 24,34 € et être
intégralement exécuté, comment doit-il libeller son ordre ?
2 ■ S’il souhaite de plus que le prix de vente minimal soit de 24,30 €, comment
doit-il libeller son ordre ?

1.5 Cotation en fixing


On considère la feuille de marché suivante :
Bid Ask
Accumulated Accumulated
Quantity Surplus Limit Surplus Quantity
quantity quantity
600 600 110 100 700
300 900 200 109 700
900 200 108 700 200
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900 400 107 500 500

Le cours de référence est de 106. À partir de cette feuille de marché de Xetra (automate


de la Deutsche Börse à Francfort) :
1 ■ Identifiez le ou les cours qui maximisent le nombre de titres échangés.
2 ■ Quel est le premier cours coté ?

29
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

1.1 Passage d’ordres et bid-ask spread


1. Le meilleur bid est 33,540 et le meilleur ask est 33,580.
2. Achat de 1 500 actions à cours limité 33,595 :
Quantité Bid Ask Quantité
1 198 33,540 33,580   100
  696 33,535 33,595    43
  404 33,530 33,600 104
   753 33,525 33,605 347
 907 33,520 33,610 1 238

Seules 143 actions seront exécutées, la limite étant à 33,595. Le solde


(1  500 - 143 =  1  357) entre en carnet du côté Bid avec une nouvelle limite de
33,595. Le bid-ask spread sera égal à 0,005 (=33,600 - 33,595).
Quantité Bid Ask Quantité
1 357 33,595 33,600    104
1 198 33,540 33,605    347
  696 33,535 33,610 1 238
404 33,530 33,615    500
753 33,525 33,620    200

L’ordre de marché absorbe de la liquidité du marché parce qu’il sera exécuté com-
plètement et instantanément. Les 1 500 actions seront achetées aux 5 premières
limites Ask du carnet. Le bid-ask spread s’élargit à 33,610 - 33,540 = 0,07 alors
qu’il était égal à 0,04, donc ordre plus agressif associé à moins de liquidité donc
à un spread plus élevé.
Quantité Bid Ask Quantité
1 198 33,540 33,580    100
   696 33,535 33,595   43
    404 33,530 33,600    104
    753 33,525 33,605    347
   907 33,520 33,610 1 238

Quantité Bid Ask Quantité


1 198 33,540 33,610 144
   696 33,535 33,615 50
   404 33,530 33,620 100
    753 33,525 33,625 350
   907 33,520 33,630 500

30
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

L’ordre à la meilleure limite ne garantit pas l’exécution complète de l’ordre.


Seules 100 actions seront achetées à la limite de 33,580. Le solde entre en carnet
avec une nouvelle limite du côté bid. Le bid-ask spread sera toujours faible de
33,595 - 33,580 = 0,015.
Quantité Bid Ask Quantité
1 198 33,540 33,580        100
       696 33,535 33,595    43
404 33,530 33,600 104
   753 33,525 33,605 347
907 33,520 33,610 1 238

Quantité Bid Ask Quantité


1 400 33,580 33,595  43
1 198 33,540 33,600 104
696 33,535 33,605 347
404 33,530 33,610 1 238
753 33,525 33,615 900

1.2 Ordre à seuil de déclenchement


L’investisseur doit placer un ordre de vente à seuil de déclenchement à un prix en
dessous du niveau actuel. On suppose que les titres soient négociés à 50 euros, il
pourrait poster un ordre de vente au prix de 45 euros (10 %) en dessous du niveau
actuel. Suite à une augmentation de prix atteignant 52 euros, l’investisseur pourrait
passer son ordre stop loss au prix de 46,80 euros, 10 % en dessous du nouveau prix.

1.3 Ordres à seuil de déclenchement


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et à plage de déclenchement
1. Pour le moment, la transaction d’achat de 1 000 actions à seuil de déclenchement
33,18 n’est pas possible. L’exécution se fera seulement si le cours franchit
33,18 euros. L’exécution se fera donc au prix de 33,18 euros et au-delà (33,18 euros
puis 33,23 euros…) :
Quantité Bid Ask Quantité
 624  33,090   33,160   544
   200  33,080    33,175    282
  105 33,075  33,180   298
  233 33,065  33,185   624
1 650 33,045 33,235 1 351

31
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

2. Pour le moment, la transaction de vente de 1 000 actions à plage de déclenche-


ment 33,175/33,50 n’est pas possible. L’exécution sera déclenchée seulement
lorsque le cours franchit 33,17 euros et se transforme en ordre à cours limité à 33,50.
Les 1 000 actions seront exécutées à trois limites (282 titres à 33,17 euros, 298 titres
à 33,18 euros et le reste est exécuté à 33,18 euros).
Quantité Bid Ask Quantité
624 33,090 33,160 544
200 33,080 33,175 282
 105 33,075 33,180 298
 233 33,065 33,185 624
1 650 33,045 33,235 1 351

1.4 Ordre à libeller


Quantité Bid Ask Quantité
1 200 24,37 24,38 300
200 24,36 24,39 184
106 24,35 24,40 205
235 24,34 24,41 650
1 450 24,33 24,42 1 351

1. Le gérant du fonds doit placer un ordre stop loss de 1  000 actions à seuil de
24,34 euros. Quand le seuil est franchi, son ordre se transformera en ordre au marché
à 24,34 et sera exécuté totalement sur plusieurs limites.
2. S’il souhaite limiter le prix de vente à 24,30 euros, il devra placer un ordre à plage
de déclenchement 24,34/24,30. L’ordre sera exécuté quand la première limite sera
franchie et l’exécution s’arrête à la limite de 24,30 euros.

1.5 Cotation en fixing


Accumulated Accumulated
Quantity Surplus Limit Surplus Quantity
quantity quantity
600 600 110 100 700

300 900 200 109 700

900 200 108 700 200

900 400 107 500 500

Le cours de référence est de 106. À partir de cette feuille de marché de Xetra


(automate de la Deutsche Börse à Francfort) :

32
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1

En fixing, on cherche à identifier le cours qui maximise le nombre de titres échan-


gés.
En effet, à la limite de prix de 110 euros, 600 actions seront échangées du côté
acheteur, laissant un surplus non-exécuté de 200 actions du côté vendeur.
À 109 euros, la quantité théorique échangée est de 700 actions, 900 actions étant
disponibles à l’achat et 700 à la vente. Tous les ordres des vendeurs seront exécu-
tés mais un surplus de 200 actions apparaît du côté acheteur. Pareil pour la limite
de prix de 108 euros. On identifie donc deux cours qui maximisent le volume de
titres échangés. Pour trancher, on fait appel à une deuxième règle applicable sur le
marché allemand, qui consisterait à retenir le prix qui minimise l’excès d’offre et
de demande. Ici, il reste toujours deux cours répondant à cette règle avec le même
excès de 200 actions côté vendeur. La troisième règle consiste à retenir le cours le
plus élevé des deux possibles quand il s’agit d’un excès de demande ou le prix le
moins élevé des deux lorsqu’il s’agit d’un surplus de vente. Dans cet exercice, on
est en présence d’un excès de demande, donc le premier cours coté est de
109 euros auquel 700 titres sont échangés.
Si l’on était sur le marché parisien, la première règle serait identique et ferait pré-
valoir deux cours qui maximisent le volume échangé. La deuxième règle minimise
l’écart au cours de référence. Ce dernier étant de 106 euros, ceci impliquerait que
le premier cours coté à Paris serait de 108 euros et non de 109 euros.
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33
Chapitre 1  ■  La microstructure des marchés financiers

L’ESSENTIEL
■ Infrastructures du marché
Tout marché financier a besoin des infrastructures suivantes pour fonctionner :
– d’une place de négociation (Euronext pour le marché réglementé en France) ;
– d’une chambre de compensation (Euronext sous-traite principalement à LCH.
Clearnet la compensation des opérations sur actions) ;
– d’un Dépositaire central de titres (Euroclear en France) ;
– d’une Banque Centrale (Banque de France) ;
– d’un service de règlement-livraison (assuré par Euroclear en France) ;
– et d’une autorité régulatrice (Autorité des Marchés Financiers en France).
■ Le rôle de la régulation
Le rôle des régulateurs est très important pour assurer un bon fonctionnement du
marché au service de l’économie réelle. En France, les principaux acteurs sont
l’AMF et la Banque de France.
■ Structures de marché
Le marché comporte principalement 3 types de structure :
– le marché d’agence, une structure dirigée par les ordres où les intermédiaires
financiers membres font passer les ordres de leurs clients sans qu’ils se portent
contrepartie ;
– le marché de contrepartie, une structure dirigée par les prix où les dealers
traitent les ordres de leurs clients sur compte propre et postent en continu des
fourchettes de prix ;
– et le crossing où le prix est importé sur un marché de référence.
■ Types d’ordre
On rencontre différents types d’ordre sur les différentes plateformes de trading.
Les deux les plus courants sont :
– l’ordre au marché qui est un ordre sans indication de prix et qui garantit l’exé-
cution totale de l’ordre mais sur plusieurs limites. La fourchette de spread
(mesure de liquidité) s’élargit avec le passage de ce type d’ordres.
– L’ordre à cours limité qui présente le risque d’une exécution partielle mais
privilégie le prix.
■ Instructions d’ordre
Les instructions données avec l’ordre de bourse comportent des informations sur
le prix, sur la visibilité, le volume, la validité et le règlement-livraison.

34
La microstructure des marchés financiers  ■  Chapitre 1


■ Modes de cotation
Les cours de bourse sont cotés soit en continu soit en fixing. Dans le premier type
de cotation, chaque ordre introduit dans le système est traité avec ce qui existait
déjà dans le carnet. Dans le deuxième, le prix est déterminé par la rencontre de
l’offre et de la demande. Le premier cours coté est celui qui maximise le volume
de titres échangés. Si plusieurs prix sont possibles, des règles applicables diffé-
remment selon les pays permettront d’obtenir une solution unique.

■ DMIF
La Directive Marchés d’Instruments Financiers mise en place en Novembre 2017
a permis la révolution des échanges sur le marché ainsi que l’émergence de cer-
tains marchés au niveau européen.

■ Interruptions de cotation
Malgré l’évolution technologique, des pannes ou interruptions de cotation involon-
taires peuvent survenir (panne d’électricité, grand afflux d’ordre, etc.). Des
­interruptions volontaires sont également possibles et décidées par l’entreprise de
marché. Il s’agit d’interruptions comme les suspensions, les réserves ou les coupe-
circuits aux États-Unis pour réguler le marché suite à une variation excessive
d’une valeur ou suite à un événement exceptionnel pouvant impacter le marché.

Questions de réflexion
1 ■ 
Quels seront les aspects négatifs de la Directive de marchés d’instruments
financiers ?
2 ■ Le nombre de marchés va-t-il augmenter indéfiniment ?
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3 ■ Comment les marchés ont-ils réussi à réduire les coûts de transaction ?

(solutions sur le site www.dunod.com)

35
Chapitre
Préférences et
2 utilités

OBJECTIFS
 La fonction d’utilité est un moyen de mesurer la préférence d’un investisseur
pour la richesse et le risque qu’il est prêt à assumer pour gagner plus de
richesse. Ce principe est au cœur de l’optimisation de portefeuille. Dans ce
chapitre nous développons la théorie d’utilité à travers une série de simples
exemples. Le premier objectif de ce chapitre est d’introduire les notions
suivantes : utilité, rationalité, principe de maximisation d’utilité, aversion au
risque, équivalent certain et optimisation de portefeuille.
 Donner les bases méthodologiques pour mener ensuite une réflexion en
environnement incertain et aboutir à la gestion de portefeuille d’actifs
financiers.

SOMMAIRE
Section 1 Fonction d’utilité
Section 2 Prime de risque
Section 3 Incertitude et marchés financiers
Section 4 Approche moyenne-variance
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

 Cas introductif
Choix d’investissement : gain et risque
Imaginons que vous ayez la possibilité d’investir dans un des trois projets suivants.

Projet A Projet B Projet C


Somme Probabilité Somme Probabilité Somme Probabilité
80 0,5 50 0,5 30 0,5
120 0,5 160 0,5 200 0,5

Quel est le meilleur projet ? Dans quel projet investiriez-vous ?


Peut-être que l’intuition vous conduira à calculer les moyennes espérées de chaque
projet pour les comparer à partir des espérances.
Le projet A rapportera en moyenne E ( A) = 80 × 0, 5 + 120 × 0, 5 = 100 euros. Le
projet B rapportera lui en moyenne E ( B ) = 50 × 0, 5 + 160 × 0, 5 = 105  euros, et le
projet C, E (C ) = 30 × 0, 5 + 200 × 0, 5 = 115 euros.
Pour le même investissement initial, le projet C est le plus rentable. Il nous semble
être l’investissement le plus intéressant. Cependant, dans un investissement incer-
tain, on ne peut séparer les notions de rendement et de risque. Si on calcule l’écart-
type pour estimer le risque des projets :
σ ( A) = ((80 − 100 )2 × 0, 5 + (120 − 100 )2 × 0, 5)
0, 5
= 20

σ ( B) = (( 50 − 105)2 × 0, 5 + (160 − 105)2 × 0, 5)


0, 5
= 55

σ (C ) = (( 30 − 115)2 × 0, 5 + ( 200 − 115)2 × 0, 5)


0, 5
= 85
On peut conclure que le projet A est le moins rentable mais aussi le moins risqué.
En revanche, le projet C est le plus rentable mais aussi le plus risqué. Le choix d’un
projet ne devient pas si facile, sachant que tout le monde veut gagner le plus en
prenant le moins de risque possible. Le choix final dépend donc de la volonté de
l’investisseur à prendre des risques. En utilisant le langage financier, le meilleur
projet est celui qui apporte plus d’utilité, celui qui maximise le gain pour un risque
définie à partir du coefficient d’aversion au risque de l’investisseur.
Dans ce chapitre vous apprendrez à prendre une décision d’investissement dans un
projet financier incertain en utilisant les notions d’utilité et de rapport au risque.

Section
1 FONCTION D’UTILITÉ

La décision financière dépend des sommes futures dont le montant n’est pas connu
avec certitude, autrement dit des sommes risquées.

38
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

1 L’espérance de gain et le risque


Définition
Une somme est risquée si elle peut prendre différents montants avec les probabilités
d’occurrence respectives. En d’autres termes, une somme est risquée si elle est une
variable aléatoire dont on connaît la distribution.

Quelles que soient les compétences des gestionnaires financiers, ils agissent dans
un environnement incertain. On pourrait comparer cet environnement au jeu de lan-
cer de dés : les lanceurs de dés connaissent approximativement les issues possibles,
mais ils ne maîtrisent pas l’occurrence de ces dernières.
Un investissement boursier s’apparente également à un billet de loterie. Ainsi, les
règles applicables au jeu de loterie peuvent nous aider à gérer un portefeuille d’actifs
financiers.
Au milieu du xviie siècle, Blaise Pascal a développé (avec l’aide de Pierre Fermat)
la théorie des probabilités et a proposé une première règle de décision dans l’incer-
tain  : celle de la maximisation de l’espérance des gains. Cependant, au début du
xviie  siècle, dans le petit monde des mathématiciens, la pertinence de cette règle
était mise en doute.
En 1713, Nicolas Bernoulli (1687-1759) a soumis à la communauté scientifique
un problème, appelé Paradoxe de St Pétersbourg : une pièce équilibrée est lancée
jusqu’à l’obtention de l’événement « Face ». Si « Face » sort au premier lancer, le
joueur obtient 2 ducats (ancienne pièce de monnaie) et le jeu prend fin, sinon le jeu
continue et on relance la pièce. Si «  Face  » sort au second lancer, le participant
obtient 4 ducats et le jeu prend fin, sinon on relance la pièce. Et ainsi de suite. Ainsi,
si « Face » sort au N-ième lancer le joueur gagne 2 N ducats.
Quel est le prix maximum à payer pour jouer à ce jeu ? La plupart des personnes
ne sont pas prêtes à jouer plus de quelques dizaines de ducats alors que l’espérance
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de gain de ce jeu est infinie :

∑( )

1 i i
E ( Gain ) = 2 = 1+1+1+…= ∞
i =1 2

Théoriquement les individus devraient être prêts à payer une somme infinie pour
y participer, mais le risque de voir « Face » dès le premier lancer diminue considé-
rablement le prix de ce jeu.
Le jeu proposé remet en question la pertinence du critère d’espérance des gains.
Cet exemple montre que les choix en univers incertain ne peuvent pas être considé-
rés comme dépendant seulement de l’espérance de gain. Le risque doit être pris en
compte dans le critère de décision. La solution de ce paradoxe a été apportée en
1738 par le cousin de son auteur Nicolas Bernoulli, Daniel Bernoulli (1700-1782).
Il a introduit la notion de l’utilité. La valeur d’un objet doit être basée non pas sur

39
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

ces avantages mais sur l’utilité qu’il procure : « La valeur espérée est calculée en
multipliant chaque gain possible par le nombre de fois où il se produit, et en divisant
la somme de ces produits par le nombre total de cas possibles lorsque chaque cas a
la même probabilité. » (Bernoulli,1768, p. 15)
La solution de D. Bernoulli. Daniel Bernoulli propose de transformer les
gains monétaires en satisfaction par une fonction croissante et concave (fonction
d’utilité). Si la fonction d’utilité est logarithmique, le joueur ne maximise pas
l’espérance mathématique du gain, mais l’espérance du logarithme du gain du
jeu :

∑ ( 2 ) log(2i ) = 2 log ( 2) = log ( 4 )


∞ i
1
U ( J) =
i =1

La somme payée est finie (4  ducats), ce qui semble plus cohérent au regard du
risque pris.
La fonction d’utilité mesure le niveau de satisfaction d’un investisseur pour les
différents niveaux de sa richesse. L’utilité est une fonction de la richesse W deux-
fois dérivable U (W ), avec les propriétés suivantes :
––U ′ (W ) > 0 signifie que la fonction d’utilité est une fonction croissante. Le niveau
de satisfaction d’un investisseur augmente avec l’augmentation de sa richesse (avec
chaque euro supplémentaire).
––U ′′ (W ) < 0 signifie la concavité de la fonction d’utilité. L’utilité augmente avec une
vitesse (l’utilité marginale) décroissante. Pour quelqu’un qui possède initialement
1 euro, un euro supplémentaire représente un changement de sa richesse important.
Pour quelqu’un avec une richesse initiale d’un million d’euros, un euro supplémen-
taire représente un changement minime. L’augmentation de l’utilité liée à chaque
euro supplémentaire diminue avec l’augmentation de la richesse totale. On peut
comparer cela à une consommation du chocolat. Au départ quand vous avez faim,
une barre de chocolat augmente votre niveau de satisfaction de manière significative.
Avec chaque barre supplémentaire, le rajout de satisfaction diminue suite à la dimi-
nution de l’appétit.
Il est nécessaire d’avoir un langage précis pour définir la façon dont les agents
prennent leurs décisions dans un environnement incertain, de définir la rationalité
des agents.

Définition
Un agent économique est rationnel quand parmi plusieurs solutions d’investissement il
en choisit une qui maximise son utilité de la richesse.

Dans leur livre de 1947, Theory of games and economic behavior, les mathémati-
ciens Von Neumann et Morgenstern établissent une théorie de l’utilité qui fournit un

40
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

critère de décision rationnelle face au risque. Cette théorie est l’un des piliers de la
« finance moderne ».
Les critères de rationalité servent d’axiomes à la théorie.

1.1  Axiome 1 : Comparabilité


L’agent peut toujours comparer deux loteries. E désigne l’ensemble des résultats
réalisables (certains ou incertains). On considère que x , y, z ∈ E. Un individu peut
préférer la loterie x à la loterie y, x  y. Soit, il préfère y à la loterie x, y  x. Soit, il
est indifférent entre les loteries x et y, x ∼ y.

1.2  Axiome 2 : Transitivité


si x  y et y  z alors x  z
Cette hypothèse correspond à une hypothèse de rationalité parfaite.

1.3  Axiome 3 : Indépendance


Si x  y pour toute loterie z et une probabilité  p ∈ [ 0,1] quelconque, on a telle que
px + (1 − p ) z  py + (1 − p ) z

1.4  Axiome 4 : Continuité


Si x  y  z il existe les probabilités  p,  q ∈ [ 0,1] telles que
px + (1 − p ) z  y  qx + (1 − q ) z
Si les quatre axiomes précédents sont vérifiés alors il existe une fonction U telle
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que x  y si et seulement si U (x) > U (y). Cela décrit la prise de décision d’un agent
rationel, il cherche à maximiser l’utilité.

2 Incertitude et loteries

La théorie du choix dans l’incertain, développée par Von Neumann et ses succes-
seurs (Marschak (1950), Samuelson (1952), Herstein & Milnor (1952)), suppose
que les objets sur lesquels sont définies les préférences sont des loteries. Une loterie
est caractérisée par une distribution de probabilités objective des prix.
Une loterie qui procure un gain x avec une probabilité α et un gain y avec une
probabilité 1 − α  peut s’écrire comme : L ( x , y ; α )

41
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

α x
L (x,y:α) ≈
1-α y

x est un gain avec une probabilité 0 et y est un gain


avec une probabilité 1 - a
Figure 2.1 – Loterie binaire

Plutôt que de prendre l’espérance de la loterie, l’agent estime l’utilité des diffé-
rents revenus générés par cette loterie U ( L ) = α × U ( x ) + (1 − α )U ( y ), la fonction
d’utilité Von Neumann et Morgenstern (VNM).

3 Le rapport avec le risque

Un agent est averse au risque s’il préfère la somme certaine plutôt que de jouer à une
loterie avec la même moyenne espérée. Dans ce cas, il est dirigé par la fonction d’utilité
concave, soit sa dérivée première est positive et la dérivée seconde est négative.
Exemple – L’aversion au risque
Supposons qu’un agent soit dirigé par une fonction U ( W ) = ln ( W ) et qu’une loterie offre
1 000 euros avec la probabilité de 10 % et 10 euros avec la probabilité de 90 %.
L’espérance de gain de cette loterie est donc de 1 000 × 0,1 + 10 × 0,9 = 109 euros.
1
Le dérivée première de la fonction d’utilité de l’agent est toujours positive U ′ ( W ) = > 0,
W
1
quand la seconde est toujours négative U ′′ ( W ) = − < 0. C’est une courbe concave
W2
et l’agent est averse au risque. Préfère-t-il alors une somme certaine de 109 euros ou la
loterie avec la moyenne espérée de 109 euros ?
L’utilité procurée par la somme certaine de 109 euros est de U(E(W)) = U(109) = ln (109)
= 4,6913.
Celle procurée par la loterie avec la moyenne espérée de 109 euros est E(U(W)) = 0,1 ×
U(1 000) + 0,9 × U(10) = 0,1 × ln(1 000) + 0,9 × ln(10) = 2,7631.
L’utilité liée à la somme certaine est donc supérieure à celle liée à la loterie.

Un agent est risquophile (a le goût pour le risque) quand il est dirigé par une
fonction d’utilité convexe. La première et la dérivée seconde de sa fonction d’utilité
sont positives.
Exemple – Le goût pour le risque
Supposons qu’un agent soit dirigé par une fonction U (W ) = W 3
U ′ (W ) = 3W 2
U ′′(W ) = 6W > 0  ∀W > 0
42
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

La loterie offre 1 000 euros avec la probabilité de 10 % et 10 euros avec la probabilité de
90 %. L’espérance de gain de cette loterie est de 1 000 × 0,1 + 10 × 0,9  = 109 euros.
L’utilité de 109 euros comme somme certaine est de 1093 = 1 295 029. L’utilité de la lote-
rie qui procure la moyenne espérée égale à 109 euros est 1  0003 × 0,1 + 103 × 0,9 =
100 000 900. Si l’agent joue à la loterie son niveau de satisfaction sera plus élevé que s’il
reçoit la somme certaine tout court.

Un agent est neutre au risque quand il est dirigé par une fonction d’utilité
linéaire. La dérivée première est positive et la dérivée seconde est de zéro.

Encadré - Dans la réalité


Dans une loterie, l’espérance de gain est inférieure au prix du billet ce qui évidemment
est profitable pour l’organisateur de la loterie. Tous ceux qui achètent des billets d’une
loterie sont risquophiles.
L’achat d’une police d’assurance signifie une aversion pour le risque.
Avoir les deux comportements en même temps ne traduit pas une incohérence. On
peut aimer le risque pour de petites sommes et avoir une forte aversion pour le risque
sur des montants élevés.
Au global, c’est l’aversion pour le risque qui domine largement dans la réalité. Les
fonctions d’utilité sont donc conformes à cette affirmation.
7
6
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

5
ln(W)
4
3

0 200 400 600 800 1000


W

Figure 2.2 – Aversion pour le risque

43
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

La droite de la figure 2.2 représente l’évolution de l’utilité mesurée par la fonction


concave ln d’une loterie L (1 000,10 ; α , 1 − α ) .  Soit α × ln (1 000 ) + (1 − α ) × ln (10 )
0 ) + (1 − α ) × ln (10 ). La courbe mesure l’utilité de somme certaine ln (α × 1 000 + (1 − α ) × 10 ). 
L’utilité d’une somme certaine est supérieure à l’utilité de la même somme incer-
taine.
1e+09
8e+08
6e+08
W^3
4e+08
2e+08
0e+00

0 200 400 600 800 1000


W

Figure 2.3 – L’utilité de somme certaine et incertaine pour un agent-risquophile

La droite de la figure 2.3 représente l’évolution de l’utilité mesurée par la fonction


concave ln d’une loterie L (1 000,10 ; α , 1 − α ) .  Soit α × W 3 + (1 − α ) × W 3 . La
courbe mesure l’utilité de somme certaine (α × 1 000 + (1 − α ) × 10 )3 . L’utilité
d’une somme certaine est inférieure à l’utilité de la même somme incertaine.

4 Illustrations
4.1  Un jeu équitable
Considérons un investisseur dirigé par la fonction d’utilité U (W ) = W = W 0,5
U ′ (W ) = 0,5 × W −0,5 > 0
U ′′ (W ) = − 0, 25 × W −1,5 < 0

44
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

La richesse initiale de l’investisseur est de 29 euros. Il peut participer au jeu moné-


taire. En cas de pile, l’investisseur gagne 20  euros et sa richesse totale devient
49 euros. En cas de face, l’investisseur perd 20 euros et sa richesse totale devient
9 euros. La moyenne espérée de ce jeu est de 0 (0,5 × 20 + 0,5 × ( −20 ) = 0). Pour
cette raison le jeu s’appelle le jeu équitable. On fait l’hypothèse que l’investisseur a
juste deux choix  : participer au jeu ou refuser. Quel comportement l’investisseur
doit-il appliquer (participer/refuser) ?
Le graphique 2.4 présente la richesse initiale et son niveau d’utilité, les richesses
dans les deux scénarios et leurs niveaux d’utilité.

Bon scénario = 49
Utilité espérée = 7
7

Richesse initiale = 29
Utilité = 5.39

Moyenne espérée = 29
5

Utilité espérée = 5
Utilité

Mauvais scénario = 9
3

Utilité espérée = 3
1
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4 9 14 19 24 29 34 39 44 49
Richesse

Figure 2.4 – Illustration du jeu équitable

Si l’investisseur refuse le jeu il garde ses 29  euros, et l’utilité espérée sera de
29 = 5,39. S’il participe, sa richesse espérée sera toujours de 29  euros quand à
l’utilité espérée, elle sera de  0,5 × 9 + 0,5 × 49 = 5, inférieure à 5,39. Pour
cette raison l’investisseur qui maximise son utilité doit refuser le jeu. En général, un
investisseur averse au risque refusera un jeu équitable avec la moyenne espérée de
0,00 euros. Si la moyenne est supérieure à 0, la décision d’un investisseur de parti-
ciper au jeu ou de refuser d’y participer dépendra de sa fonction d’utilité et de sa
richesse initiale.

45
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

Un investisseur est averse au risque quand il attache plus d’importance à une


perte qu’un gain du même montant. En cas de perte, l’investisseur diminuera sa
richesse de 20 euros et finira avec 9 euros. Son niveau de satisfaction final sera de
9 = 3. Soit, son utilité sera diminuée par 5,39 − 3 = 2,39 euros. En cas de gain,
l’investisseur augmentera sa richesse de 20 euros et finira avec 49  euros. Son
niveau de satisfaction passera à 7, soit une augmentation de 7 - 5 = 2. Cela signi-
fie qu’un investisseur attache plus d’importance aux pertes qu’aux gains de même
montant.

4.2  Un jeu réel


Un investisseur possède 5 euros. Il a la possibilité de participer à un jeu monétaire.
En cas de « Pile » l’investisseur gagne 16 euros, en cas de « Face » il gagne 4 euros.
1 1
Le résultat attendu de ce jeu est de 16 × + 4 × = 10 euros. Le jeu devient non
2 2
rentable dès que le coût d’entrée dépasse 10 euros. Un agent dirigé par une fonction
d’utilité concave préfère garder 10 euros plutôt que de jouer. En revanche, un agent
dirigé par une fonction d’utilité convexe sera prêt à payer plus de 10 euros pour jouer
un tel jeu avec une espérance de 10 euros et maximum 16 euros.

Section
2 PRIME DE RISQUE

Pour aboutir à la gestion de portefeuille dans un cadre d’arbitrage entre le rende-


ment et risque (moyenne-variance) il faut intégrer le risque dans la fonction d’utilité,
définir la notion de la prime de risque.

1 Équivalent certain

La somme certaine qui donne le même niveau d’utilité qu’une loterie est son
équivalent certain.
La prime de risque est la différence entre l’espérance de gain d’une loterie et son
équivalent certain. La prime de risque peut être interprétée comme le montant maxi-
mum qu’un individu est prêt à payer pour éviter d’avoir à jouer à une loterie et pour
recevoir à la place l’espérance du gain de cette loterie. L’équivalent certain est une
mesure subjective des préférences de l’agent.

46
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

Définition
On note π (W , L ) la prime de risque de la loterie L lorsque la richesse initiale de l’individu
est W

(W + L )] = U [W + E ( L ) − π (W , L )]
[
E U  
Loterie Somme   Certaine

Exemple
Considérons un jeu monétaire équitable : en cas de Pile le joueur gagne 1 000 euros, en cas
de Face il paye 1 000 euros. Si la personne est dirigée par la fonction d’utilité logarithmique
ln (W), quelle est sa prime de risque, en sachant que sa richesse initiale est R0 = 10 000
euros ? Si l’individu est averse au risque U (10 000 ) >  0,5 × U (11 000 ) + 0,5 × U ( 9 000 ).
Soit EC le niveau de la richesse pour lequel l’équation suivante est satisfaite
0,5 × ln (11 000 ) + 0,5 × ln ( 9 000 ) = ln ( EC ) ,  ou EC – équivalent certain. La prime de
risque π = R0 − EC . π = 50,13. La prime de risque est un montant minimum qu’il faudra
donner à l’investisseur pour qu’il accepte de participer au jeu de type M à partir de sa
richesse initiale R0, ou, comme le montant maximum que l’investisseur sera prêt à payer
pour éviter le risque lié au jeu M. L’individu est prêt à donner 50,13 euros pour se séparer
de son billet de loterie. Il est averse au risque.

2 L’approximation d’Arrow-Pratt

Pour développer une nouvelle mesure de prime de risque on doit mobiliser les
notions de Développement Limité (DL) ou séquence de Taylor, qui permet l’écriture
d’une fonction f ( x ) n-fois dérivable en forme d’un polynôme et d’un reste.
f ′′ ( x 0 ) f n ( x0 )
( x − x 0 )2 + … + ( x − x 0 )n + O ( ( x
f ( x ) = f ( x0 ) + f ′ ( x0 )( x − x0 ) +
2! n !
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f ′′ ( x 0 ) f n ( x0 )
( x0 )( x − x0 ) + ( x − x 0 )2 + … + ( x − x0 )n + O (( x − x0 )n )
2! n!
Le DL s’applique lorsque l’on cherche l’approximation d’une fonction au voisi-
nage d’un point. Le DL permet de trouver plus simplement des limites de fonctions,
de calculer des dérivées ou d’étudier des positions de courbes par rapport à des
tangentes.
Le développement limité d’ordre 1 consiste à approcher une courbe par une tan-
gente, il s’agit d’approximation linéaire f ( x ) = f ( x0 ) + f ′ ( x0 )( x − x0 ) + O ( x − x0 )
( x − x0 ) + O ( x − x0 ). Le développement limité d’ordre 2 consiste à approcher une courbe par
f ′′ ( x 0 )
une parabole f ( x ) = f ( x0 ) + f ′ ( x0 )( x − x0 ) + ( x − x 0 )2 + O ( ( x − x 0 )2 )
2
ε ε2
f ( x + ε ) = f ( x ) +  f ′(x) + f ′′ ( x ) + …
1! 2!
47
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

Considérons une loterie L d’espérance nulle et de variance σ 2. Un investisseur


possède la richesse initiale W. Par définition de l’équivalent-certain de la loterie, on
a E [U (W + L )] = U [W + E ( L ) − π (W , L )]. Faisons l’approximation de Taylor au
deuxième ordre, au voisinage de W :
L2
U (W + L ) ≈ U (W ) + LU ′ (W ) + U ′′ (W )
2!
La richesse initiale étant certaine,
L2
E [U (W + L )] ≈ U (W ) + E [ L ]U ′ (W ) + E   U ′′ (W )
 2! 
Sachant que la moyenne espérée de la loterie L est de 0,
1 2
σ U ′′ (W )
E [U (W + L )] ≈ U (W ) +
2
Ensuite, développons le membre de droite U [W + E ( L ) − π (W , L )] par approxi-
mation de Taylor au deuxième ordre, au voisinage de π (W , L )  :
  U [W + E ( L ) − π (W , L )] = U [W + 0 − π (W , L )]
π 2 (W , L )
             ≈ U [W ] − π (W , L )U ′ (W ) − U ′′ (W )
2!
1
U (W ) + σ 2U ′′ (W ) ≈ U (W ) − π (W , L )U ′ (W )
2
1
π (W , L ) ≈ σ 2 −
2 (
U ′′ (W )
U ′ (W ) )
Cette équation représente l’approximation d’Arrow-Pratt de prime de risque. Le
U ′′ (W )
ratio − = θ est une mesure d’aversion au risque et connu dans la littérature
U ′ (W )
comme la mesure d’Arrow-Pratt. Ce ratio est positif ou négatif, lorsque l’individu
est averse au risque ou risquophile respectivement.

Exemple
Considérons un jeu monétaire équitable : en cas de Pile le joueur gagne 1 000 euros en cas
de Face il paye 1 000 euros. La personne est dirigée par la fonction d’utilité logarithmique
ln (W). Sachant que sa richesse initiale est R0 = 10 000 euros, estimez sa prime de risque
en utilisant l’approximation d’Arrow-Pratt.
U ′′ (W )
Calculons d’abord le coefficient d’aversion au risque − . La dérivée première de sa
U ′ (W )
1 1
fonction d’utilité est U ′ (W ) =  ;  la dérivée seconde est U ′′ (W ) = − 2 . 
W W
Le ratio d’Arrow-Pratt dans le point W0 + E ( L )   est −
U ′′ (W )
( )
=− − 2
1 W
=
1
=
1

( )
1 W 1 1 U ′ (W ) W 1 W W0 + E ( L )
− 2 = = .
W 1 W W0 + E ( L )

48
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

Ensuite il faut calculer le risque propre à la loterie, soit sa variance, σ L2 = 0,5 × (1 000 − 0 )2 +
σ L2 = 0,5 × (1 000 − 0 )2 + 0,5 × ( −1 000 + 0 )2 = 1 000 000.
La prime de risque d’après la technique d’Arrow-Pratt est :
1  U ′′ (W0 + E ( L ))  2 1 1 1 1
π (W0 , L ) ≈  −  σL = σ L2 = 1 000 000 = 50.
2  U ′ (W0 + E ( L ))  2 W0 + E ( L ) 2 10 000
D’après la technique d’équivalent certain la prime de risque est de 50,13. D’après l’ap-
proximation d’Arrow-Pratt la prime de risque est de 50. Plus la richesse est importante
moins la prime de risque est importante.

Tableau 2.1 – Résumé de fonction d’utilité, équivalent certain (EC) et la prime de risque

EC Prime de risque Utilité Courbure

U ′ (L ) > 0
Aversion EC (L ) < E ( L ) π >0 E (U ( L )) < U (E ( L ))
U ′′ ( L ) < 0

U ′ (L ) > 0
Neutralité EC (L ) = E ( L ) π =0 E (U ( L )) = U (E ( L ))
U ′′ ( L ) = 0

U ′ (L ) > 0
Risquophile EC (L ) > E ( L ) π <0 E (U ( L )) > U (E ( L ))
U ′′ ( L ) > 0

Section
3 INCERTITUDE ET MARCHÉS FINANCIERS

Dans cette section nous verrons les différentes fonctions d’utilités les plus utilisées
et leur application dans la prise de décision de placements boursiers. Dans l’exemple
suivant, l’investisseur pourra investir une portion de sa richesse dans l’actif risqué et
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placer le reste dans l’actif sans risque.


L’investisseur est dirigé par la fonction d’utilité Constante Relative Risk
Aversion (CRRA) :
W 1− θ
U (W ) =
1−θ
U ′(W ) = W −θ > 0U ′(W ) = −θW −θ −1 < 0
où θ est le coefficient d’aversion au risque. Si θ > 0, l’agent est averse au risque, si
 θ < 0, il est risquophile.
La richesse de l’investisseur initiale est de 100 euros, x est la partie investie dans
un actif risqué. L’investissement fournit le retour de -10 % avec une probabilité de
50 %, et +20 % avec une probabilité de 50 %. Il y a deux scénarios possibles.

49
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

Perte : W = 0,9 x + (100 − x ) = 100 − 0,1x


Gain : W = 1, 2 x + (100 − x ) = 100 + 0, 2 x
f ( x ) = 0,5U (100 − 0,1x ) + 0,5U (100 + 0,2 x ) → max

1 (100 − 0,1x )1−θ 1 (100 + 0,2 x )1−θ


f (x) = + → max
2 1−θ 2 1−θ
Il faut trouver x qui maximise l’utilité :
0,5 ×  ( −0,1) × (1 − θ ) 0,5 ×  0, 2 × (1 − θ )
        f ′(x) =  (100 − 0,1x )−θ + (100 + 0, 2 x )
1−θ 1−θ
 ( −0,1) × (1 − θ ) 0,5 ×  0, 2 × (1 − θ )
 (100 − 0,1x )−θ +
          (100 + 0, 2 x )−θ = 0
1−θ 1−θ
f ′ ( x ) = 0,1 × (100 + 0, 2 x )−θ − 0, 05 × (100 − 0,1x )−θ = 0

2 × (100 + 0, 2 x )−θ = (100 − 0,1x )−θ


θ
 100 + 0, 2 x  = 2
 100 − 0,1x 
100 × ( 21/θ − 1) 100 × ( 21/θ − 1)
x= =
0, 2 + 0,1 × 21/θ 0,1 × ( 2 + 21/θ )

Si le coefficient d’aversion au risque est de 5, x ≈ 47. Cela signifie qu’en prenant


en compte son profil d’aversion au risque (plutôt conservateur), l’investisseur doit
investir 47 euros en actif risqué et garder 53 euros en cash pour maximiser son
niveau d’utilité (satisfaction, bien-être).
Si l’investisseur est prêt à assumer plus de risque et si son coefficient d’aversion
au risque est de 0,5, il doit investir 500 euros dans l’actif risqué pour maximiser son
niveau d’utilité. Il faut donc emprunter 400, et investir l’ensemble des 500 euros
(100 euros d’investissement initial et 400 euros d’emprunt) dans l’actif risqué.
Ensuite voyons la fonction d’utilité logarithmique U (W ) = ln (W ). Cette fonc-
tion d’utilité caractérise un agent averse au risque. Sa dérivée première est positive
1 1
U ′ (W ) = > 0 et sa dérivée seconde est toujours négative U ′′ (W ) = − 2 < 0 .
W W
Appliquons cette fonction au scenario similaire de la fonction CRRA : l’investisseur
dispose de 100 euros. Il doit décider la part à investir dans un actif risqué, qui peut
progresser de 20 % à la fin de l’année ou chuter de 10 % avec les mêmes probabili-
tés de 50 %. Supposons que x soit la somme investie dans l’actif risqué, le montant
100 - x sera garder en cash. À la fin de l’année l’investisseur peut obtenir la somme
de 1, 2 × x + 100 − x en cas de gain ou la somme 0,9 × x + 100 − x en cas de perte.
L’utilité de ce placement est égale à l’utilité logarithmique de chaque scenario pon-
dérée par les probabilités d’occurrence.

50
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

f ( x ) = 0,5 × ln (100 − 0,1 × x ) + 0,5 × ln (100 + 0, 2 × x )


0,5 × ( −0,1) 0,5 × 0, 2
f ′(x) = + =0
100 − 0,1 × x 100 + 0, 2 × x
0,1 0, 05
=
100 + 0, 2 × x 100 − 0,1 × x
0,1 × (100 − 0,1 × x ) = 0, 05 × (100 + 0, 2 x )
0, 02 × x = 5
x = 250
D’après la fonction logarithmique il faut investir 250 euros dans l’actif risqué
quand la richesse initiale est de 100 euros. Cela signifie qu’il faut emprunter
150  euros et investir l’ensemble de somme (100 euros de richesse initiale et
150 euros d’emprunt) dans l’actif risqué.
La fonction d’utilité quadratique se décrit en termes mathématiques de la manière
θ
suivante : U (W ) = W − W 2, θ > 0. Sa dérivée première doit être positive, U ′ (W ) = 1 − θ W > 0
2
1
U ′ (W ) = 1 − θ W > 0 , soit θ W < 1 ou θ < . La dérivée seconde de cette fonction d’utilité
W
est U ′′ (W ) = −θ . Si θ est positif, cette fonction d’utilité décrit le comportement
d’un agent économique averse au risque. Si θ est négatif, elle décrit le comporte-
ment risquophile. En appliquant le même exemple comme pour les deux autres
fonctions, déterminons la somme à investir dans l’actif risqué en fonction du coeffi-
cient d’aversion au risque θ .
θ θ
f ( x ) = 0,5 × (100 − 0,1 × x ) − (100 − 0,1 × x )2  + 0,5 × (100 + 0, 2 × x ) − (100 + 0, 2 ×
 2   2
θ 2   θ 2 
(100 − 0,1    
× x )  + 0,5 × (100 + 0, 2 × x ) − (100 + 0, 2 × x ) 
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2   2 
f ′ ( x ) = 0,5 [ −0,1 + 0,1 × θ × (100 − 0,1 × x ) + 0, 2 − 0, 2 × x × (100 + 0, 2 × x )] = 0
1 

20  ( 1
)
1 − θ × x + 100  = 0
2 
1 1
x + 100 =
2 θ
2 × (1 − 100 × θ )
x = 
θ
Si le coefficient d’aversion au risque θ est égal à 0,005, l’investisseur doit investir
200 euros dans l’actif risqué pour maximiser l’utilité de son placement boursier.
Pour résumer, on doit dire qu’il y a autant de fonctions d’utilité qu’il y a d’indivi-
dus avec leurs différents styles de gestion. Les fonctions d’utilité doivent intégrer les

51
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

préférences subjectives. Par exemple, l’aversion au risque diffère pour les différents
montants d’investissement, le rapport au risque évolue avec l’âge… La construction
d’une fonction d’utilité est une tâche non-triviale et nécessite la bonne maitrise des
outils d’ingénierie financière. L’ingénierie financière a toujours eu une préférence pour
un raisonnement en termes de rendement sur l’investissement et de risque et non pas en
termes de richesse absolue. Dans la section suivante nous développons la fonction
d’utilité moyenne-variance la plus utilisée dans le domaine de la gestion de portefeuille.

Section
4 APPROCHE MOYENNE-VARIANCE

Pour développer la fonction d’utilité moyenne-variance introduite par Markowitz,


reprenons l’équation d’équivalent certain d’une loterie :
E [U (W + L ) ] = U [W + E ( L ) − π (W , L ) ]
   
Loterie Somme Certaine

Cette équation nous apprend que pour porter le même niveau d’utilité à un inves-
tisseur averse au risque, la somme certaine peut être inférieure à la somme incertaine
(différence de p ), car le risque diminue l’utilité. Si l’investisseur est risquophile, la
somme certaine sera supérieure de p par rapport à la somme incertaine pour porter
le même niveau d’utilité.
Tous les investisseurs veulent maximiser leur utilité de placements :
U [W + E ( L ) − π (W , L ) ] → max
Sachant que la richesse initiale W est fixe, la maximisationne concernera que
l’écart entre la moyenne espérée de la loterie et sa prime de risque :
E ( L ) − π (W , L ) → max
D’après l’approximation d’Arrow-Pratt de la prime de risque
1 2  U ′′(W ) 
E ( L ) − π (W , L ) ≈ E ( L ) − σL − → max
2  U ′(W ) 
U ′′(W )
Si θ = − est l’aversion absolue pour le risque, la fonction d’utilité d’un
U ′(W )
individu qui doit optimiser son portefeuille s’écrit donc :
θ 2
E ( L ) − σ L → max
2
Cette expression définit la fonction d’utilité moyenne-variance.
Dans la section précédente l’investisseur a eu le choix entre l’actif risqué et l’actif
sans risque. Imaginons maintenant que cet investisseur ait la possibilité d’investir

52
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

dans deux actifs : une action risquée avec une rentabilité espérée R et un risque σ R2
et le taux sans risque avec un rendement r f . Cet agent est averse au risque, rationnel,
et dirigé par la fonction d’utilité moyenne-variance. Il faut déterminer la composi-
tion de son portefeuille, c’est-à-dire x la part investie dans l’actif risqué et 1 - x la
part de sa richesse allouée dans le taux sans risque, qui maximise l’écart entre la
moyenne espérée et le risque de son portefeuille.
θ 2
E ( RP ) − σ P → max
2 x
Si sa richesse initiale est de W0 et x est la part de sa richesse investie dans l’actif
risqué, la richesse finale de son placement annuel sera de W1 = x × W0 × (1 + R) + (1 − x ) × W0
0 × (1 + R) + (1 − x ) × W0 (1 + r f ). La rentabilité annuelle espérée de son portefeuille sera
W1 − W0 x × W0 × (1 + R) + (1 − x ) × W0 × (1 + r f ) − W0
E ( Rp ) = = . Après fac-
W0 W0
torisation on obtient la rentabilité espérée du portefeuille égale à r f + x × ( R − r f ).
Voyons maintenant le risque du portefeuille composé d’une action risquée et du
taux sans risque. Étant donné que le taux sans risque ne porte pas de risque, le risque
total du portefeuille sera égal au risque de l’actif risqué pondéré par sa part dans le
portefeuille, soit σ 2p = ( x × σ R )2.
La fonction d’utilité finale prendra la forme suivante :
θ
r f + x × ( R − r f ) − ( x × σ R )2 → max
2 x
Développons la dérivée première pour l’optimisation non-linéaire
R − r f − θ × x × σ R2 = 0 d’où la part investie dans l’actif risqué est égale à
R − rf ( R − r f )W0
= . Le montant absolu à investir dans l’action est de . La part
θσ R2 θσ R2
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investie dans l’action est d’autant plus importante que l’écart entre le rendement du
produit risqué et le taux sans risque est important x ∼ R − r f . La part de la richesse
1
initiale est inverse au coefficient d’aversion au risque x  et inverse au risque de
1 θ
l’action x  2 .
σR
Supposons maintenant que la richesse initiale d’un individu soit de 1 000 euros. Il
a le choix d’investir dans l’action avec une rentabilité espérée de 7 % et un écart-
type de 16 % et le taux sans risque, qui est de 1,5 %. Son coefficient d’aversion au
risque est de 3. La composition de son portefeuille selon l’optimisation moyenne-
R − rf 0, 07 − 0, 015
variance sera x = = ≈ 0, 716 soit 71,6  %. Il faut investir
θσ R2 3 × 0,162
0,716 × 1 000 = 716 euros dans l’action, et le reste 1 000 - 716 = 284 euros dans le
taux sans risque.
53
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

2.1 La prime de risque associée à la loterie


L’agent économique est dirigé par la fonction d’utilité logarithmique. Initialement, il
possède 20 000 euros. Il a l’opportunité de jouer à une loterie L (10 ; -10 ; 0,5 ; 0,5),
50 % de chances de gagner 10 euros et 50 % de perdre 10 euros. Estimez la prime de
risque qu’associe l’individu à cette loterie. Utilisez la technique d’équivalent certain
et l’approximation d’Arrow-Pratt.

2.2 Le coefficient d’aversion au risque


Monsieur Dupont, après les conseils de son banquier, décide de placer 75 000 euros
dans le tracker de l’indice CAC40 avec le rendement annuel espéré de 7  % et la
volatilité estimée de 20 %. Il investit aussi 25 000 euros dans l’obligation de court
terme émise par l’État de taux actuariel de 0,25 %. Déterminez le profil de l’aversion
de risque (le coefficient d’aversion au risque) de M. Dupont.

2.3 La fonction d’utilité logarithmique


Si un agent est dirigé par la fonction U (W ) = ln (W ), quelle part de sa richesse
devrait-il investir dans le titre risqué ? Selon les analystes le titre progressera de 20 %
à la fin de l’année avec la probabilité de 66 % (pour les calculs utilisez 2/3), le titre
perdra 10 % à la fin de l’année avec la probabilité de 33 % (pour les calculs utilisez
1/3). Sa richesse initiale est de 100 euros.

2.4 La fonction d’utilité CRRA


Monsieur Desjardin a la possibilité d’acheter un billet de loterie qui promet un gain
de 5 € avec la probabilité de 80 % et de 30 € avec la probabilité de 20 %. S’il est
dirigé par la fonction d’utilité 2 W , quel prix serait-il disposé à payer pour ce billet ?

54
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

2.1 La prime de risque associée à la loterie


Considérons d’abord la technique d’équivalent certain. L’utilité de la loterie
en question est de E (U (W )) = 0,5 × U ( 20 010 ) + 0,5 × U (19 990 ) = 0,5 × ln ( 20 010 ) +
990 ) = 0,5 × ln ( 20 010 ) + 0,5 × ln (19 990 ) = 9,903487428.
Trouvons la somme certaine qui donne la même utilité de 9,903487428, U (W * ) = 9,90
,903487428, U (W * ) = 9,903487428, soit ln (W * ) = 9,903487428, d’où W * = e9,903487428 = 19999,9975
e9,903487428 = 19999,9975 donc la prime de risque est de π = 0, 0025 euros.
Rappelons-nous la formule d’approximation de la prime de risque selon la tech-
1
nique d’Arrow-Pratt π = σ L2   −
2
U ′′ (W )
U ′ (W )
. ( )
La variance de cette loterie est σ L2 = 0,5 × ( 20 010 − 20 000 )2 + 0,5 × (19 990 − 20 000 )2 = 10
× (19 990 − 20 000 )2 = 100 .
1
La dérivé première de la fonction logarithmique est de U ′ (W ) = et la seconde
W
1
de U ′′ (W ) = − 2 . Par conséquent, le coefficient d’aversion au risque d’Arrow-
W
U ′′ (W ) 1 1
Pratt est de − = = .
U′ W( ) W 20 000

La prime de risque est π = σ L2   −


euros.
1
2
U ′′ (W )
U ′ (W )
1
= × 100 ×
2
1
20 000 (
= 0, 0025 )
2.2 Le coefficient d’aversion au risque
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Déterminons d’abord les parts de chaque actif financier dans le portefeuille de


Monsieur Dupont. Sa richesse initiale est de 100 000. La part du produit risqué est
75 000
xCAC 40 = = 0,75, le reste représente le taux sans risque 0,25.
100 000
Rappelons-nous la formule développée dans ce chapitre établissant la composition
RCAC 40 − r f
de portefeuille efficient en terme moyenne-variance xCAC 40 =
θσ CAC
2
40
R − rf 0,07 − 0,0025
D’où le coefficient d’aversion au risque est de θ = 2CAC 40 = = 2, 25
σ CAC 40 xCAC 40 0,22 × 0,75
07 − 0,0025
= 2, 25. On peut conclure que Monsieur Dupont est plutôt preneur de risque, il
,22 × 0,75 assume beaucoup de risque en espérant un bon rendement en contrepartie.

55
Chapitre 2  ■  Préférences et utilités

2.3 La fonction d’utilité logarithmique


Notons x le montant investi dans l’actif risqué. En cas de bon scénario cette somme
x progressera de 20  % à la fin d’année soit 1, 2x, le reste 100 − x sera gardé en
liquide. En cas de bon scénario, la richesse finale sera de 100 - x + 1,2x = 100 + 0,2x.
En cas de mauvais scénario la richesse finale sera de 100 - x + 0,9x = 100 - 0,1x. Les
probabilités d’occurrence de ces deux scénarios sont de 2/3 et 1/3 respectivement :
1 2
f ( x ) = × ln (100 − 0,1 × x ) + × ln (100 + 0, 2 × x )
3 3
1 ( −0,1) 2 0, 2
f ′(x) = × + × =0
3 100 − 0,1 × x 3 100 + 0, 2 × x
4 1
=
100 + 0, 2 × x 100 − 0,1 × x
100 + 0, 2 × x − 400 + 0, 4 × x = 0
0,6 × x = 300
x = 500
L’investisseur devrait investir 500 euros si la richesse initiale était de 100 euros.
Cela signifie qu’il devrait emprunter 400 euros et investir l’ensemble de 500 euros
dans l’actif risqué.

2.4 La fonction d’utilité CRRA


La moyenne espérée de la loterie en question est de 10 euros ( 0,8 × 5 + 0, 2 × 30 ).
L’utilité de cette somme certaine est de 2 10 ≈ 6,32, quant à l’utilité de la loterie
avec la même moyenne espérée, elle est de 0,8 × 2 × 5 + 0, 2 × 2 × 30 ≈ 5, 77.
Pour résumer, le risque diminue l’utilité, M. Desjardin préfère la somme certaine.
Pour accepter la loterie son prix de billet ne doit pas dépasser l’équivalent certain
de cette loterie.
U(W*) = 5,77, ou 2 W * = 5, 77 où W* est la somme certaine qui apporte la même
utilité que la loterie.
W* = ( )
5, 77 2
2
≈ 8,32 euros.
M. Desjardin sera prêt à payer 8,32 euros en espérant gagner 30 euros avec cette
loterie qui a la moyenne espérée de gain de 10 euros. Sa prime de risque sera de
10 − 8,32 = 1,68 euros.

56
Préférences et utilités  ■  Chapitre 2

L’ESSENTIEL
La décision financière est toujours prise dans un environnement incertain. Elle
doit être basée sur l’utilité procurée par l’investissement choisi par l’individu.
La fonction d’utilité mesure le niveau de satisfaction d’un investisseur aux diffé-
rents niveaux de sa richesse. L’utilité est une fonction de la richesse W deux-fois
dérivable U(W), avec les propriétés suivantes : 1) la dérivée première de la fonc-
tion d’utilité est toujours positive 2) la seconde dérivée de la fonction d’utilité
détermine le profil de risque d’individu qu’elle caractérise. Si la dérivée seconde
est positive (la fonction est convexe) elle décrit un agent risquophile. La fonction
d’utilité concave (la dérivée seconde est négative) caractérise un agent averse au
risque. L’agent est neutre au risque s’il est dirigé par une fonction d’utilité droite
(la dérivée seconde est nulle).
L’achat d’un billet de loterie est un exemple de décision financière dans un envi-
ronnement incertain. Une loterie qui procure un gain x avec une probabilité α et
un gain y avec une probabilité 1 − α  peut s’écrire comme : L ( x , y ; α ). L’utilité de
la loterie est la moyenne pondérée de l’utilité de gains procurés par cette loterie,
pondérés par leurs probabilités d’occurrence U ( L ) = α × U ( x ) + (1 − α )U ( y ).
La somme certaine qui donne le même niveau d’utilité qu’une loterie est son
équivalent certain. La prime de risque est la différence entre l’espérance de gain
d’une loterie et son équivalent certain. La prime de risque peut être estimée selon
deux techniques. La première technique provient de la définition de l’équivalent
certain E [
U (W + L )] = U [W + E ( L ) − π (W , L ) ]
  
Loterie Somme Certaine

La deuxième technique est l’approximation d’Arrow-Pratt π (W , L ) ≈ σ 2 −


1 U ′′ (W )
U ′ (W ) ( )
( )
U ′′ (W ) 2
1 U ′′ (W )
(W , L ) ≈ σ 2 − , ou le ratio − = θ est une mesure d’aversion. La prime de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

2 U ′ (W ) U ′ (W )
risque est positive pour un individu averse au risque, elle est négative pour un
individu risquophile et elle est nulle pour un agent neutre au risque. La notion de
prime de risque nous a permis d’aboutir à la fonction de l’utilité moyenne-
θ
variance introduite par Harry Markowitz en 1952 : E ( RP ) − σ P2 → max . C’est
2 x
la fonction d’utilité la plus utilisée dans le domaine de la gestion de portefeuille.

57
Chapitre Principes et techniques

3
de gestion de
portefeuille : arbitrage
rentabilité/risque

OBJECTIFS
 Le but de ce chapitre est de présenter les bases de la théorie de portefeuille de
Markowitz. D’introduire les notions de rentabilité et de risque, et notamment,
les techniques de leur estimation.
 La deuxième section de ce chapitre sera consacrée à l’examen de l’impact de
corrélation entre deux actifs risqués et le comportement du risque final du
portefeuille.
 Ce chapitre présentera également l’effet du nombre d’actifs dans un portefeuille
sur son risque et rendement.

SOMMAIRE
Section 1 Rentabilité et risque
Section 2 La diversification de portefeuilles de titres
Section 3 L’introduction d’un actif sans risque
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

“The process of selecting a portfolio may be divided into two stages. The first stage starts
with observation and experience and ends with beliefs about the future performances of
available securities. The second stage starts with the relevant beliefs about future perfor-
mances and ends with the choice of portfolio. This paper is concerned with the second
stage. 
 (Markowitz, 1952)

C’est le début de l’article paru dans The Journal of Finance en 1952 développé par
Harry Maurice Markowitz dans le cadre de sa thèse soutenue en 1954. H.  M.
Markowitz, professeur à l’université de Californie, lauréat du prix Nobel d’écono-
mie en 1990, était le premier à développer la théorie moderne du portefeuille, qui
présente le cadre formel de l’allocation d’actifs par un investisseur rationnel, qui
veut augmenter le gain tout en évitant le risque, comme vu dans le chapitre 2. Cet
extrait de l’article nous apprend que l’allocation d’actifs se divise en deux étapes.
La première consiste à évaluer les performances futures des actifs risqués, la deu-
xième étape utilise ces espérances dans le programme d’optimisation. Le modèle de
Markowitz a rapidement suscité de nombreuses critiques sur sa mise en œuvre dif-
ficile. La première étape d’estimation des paramètres du modèle n’était pas traitée
dans l’article. Donc, ces données inconnues sont approximées à partir des histo-
riques de cours disponibles. La taille de l’échantillon nécessaire pour l’estimation de
la rentabilité et du risque augmente rapidement avec le nombre d’actifs qui com-
posent le portefeuille. Les capacités de stockage et de traitement de ses données par
les ordinateurs disponibles dans les années 1960 ne permettent pas aux gérants de
portefeuille de mettre facilement en place ce programme d’optimisation.

Section
1 RENTABILITÉ ET RISQUE

Dans cette section vous apprendrez les différentes techniques de calculs de renta-
bilité, de risque et de corrélation des actifs financiers ainsi que l’erreur de leur esti-
mation – l’information essentielle pour la gestion de portefeuille.

1 L’estimation des paramètres : la moyenne et la dispersion

Markowitz fait l’hypothèse que la série de rentabilités d’un actif risqué suit la loi
normale (Gaussienne). Pour cette raison l’information clé qui caractérise sa distri-
bution est la moyenne espérée et l’écart-type.

60
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Défi­­ni­­tion
Lorsque une variable aléatoire X suit la loi normale  ( µ ,σ ) , sa sa  fonction de densité se
e −( x − µ ) / ( 2σ )
2 2

décrit comme f ( x ) = avec la moyenne m et l’écart-type s. Cette distribu-


σ 2π
tion est caractérisée par les paramètres m et s.

La première technique d’estimation de statistiques nécessaires pour l’optimisation


de portefeuille consiste à considérer un actif risqué comme une valeur aléatoire qui
peut prendre différentes valeurs dans les différents scenarios de la conjoncture éco-
nomique avec les probabilités d’occurrence respectives.
n
E ( R) = ∑ Ri × pi
i =1

où E ( R ) est la rentabilité espérée, Ri les rentabilités possibles en n états avec les


probabilités d’occurrence pi.
À titre d’exemple, les analystes estiment que le cours de l’action de l’entreprise
Barli gagnera 18 % à la fin de l’année en cas de boom économique avec une proba-
bilité de 20 %. Il gagnera 10 % par situation économique normale, avec une proba-
bilité d’occurrence de 50 %. Il perdra -2 % pendant la récession économique avec
une probabilité de 30 %.
La rentabilité espérée de Barli sera de E ( R ) = 18 % × 0,3 + 10 % × 0,5 + ( −2 %) × 0, 2
% × 0,5 + ( −2 %) × 0, 2 = 10 %. La rentabilité n’est pas une information suffisante pour
caractériser un actif financier, il faut connaître son risque, qui est mesuré par la
variance et l’écart-type.
n
σ R2 = ∑ ( Ri − E ( R ))2 × pi
i =1
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

σ R = σ R2

Le risque de l’action de Barli sera de σ R = ((18 − 10 )2 × 0,3 + (10 − 10 )2 × 0,5 + ( −2 − 10 )2 × 0


0 )2 × 0,5 + ( −2 − 10 )2 × 0, 2 )
0,5
≈ 7 %.
Pour résumer, la rentabilité espérée de Barli est de 10 % et son risque est de 7 %.
Comment utiliser cette information ? Est-elle une action intéressante pour l’investis-
sement ? Faisant l’hypothèse que la rentabilité suit la loi normale et que sa distribu-
tion est stationnaire, on peut définir les intervalles de confiance pour estimer l’écart
de rentabilité réalisée.

61
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Défi­­ni­­tion
Le processus temporel Z1 ,  Z 2 , …, Zt  est stationnaire si la fonction de densité des t pre-
mières valeurs f ( Z1 , Z 2 , …, Zt ) est la même que celle des k valeurs suivantes
( Z1+ k , Z 2 + k , …, Zt + k ). L’espérance et la variance sont constantes au cours du temps.

[ E ( R ) − σ R ; E ( R ) + σ R ] représente l’intervalle de confiance de 68  %. Cela


signifie qu’avec la probabilité de 68 % la rentabilité réalisée sera dans cet intervalle.
Par exemple, pour l’action Barli la rentabilité réalisée sera dans l’intervalle
[10 % − 7 % ; 10 % + 7 %] soit [3 % ; 17 %] avec la probabilité de 68 %, sous l’hy-
pothèse de stationnarité de la distribution des rentabilités. [ E ( R ) − 2σ R ; E ( R ) + 2σ R ]
− 2σ R ; E ( R ) + 2σ R ] et [ E ( R ) − 3σ R ; E ( R ) + 3σ R ] représentent les intervalles de confiance de
95 % et 97 % respectivement. Avec la probabilité de 95 % la rentabilité effective de
Barli sera dans l’intervalle de [10 % − 2 × 7 % ; 10 % + 2 × 7 %] soit [ −4 % ; 24 %].
Il y a 97 chances sur 100 que la rentabilité effective soit dans l’intervalle [10 % − 3 × 7 %
[10 % − 3 × 7 % ; 10 % + 3 × 7 %] soit [ −11 % ; 31 %].
Cette approche est peu pratiquée à cause des difficultés d’analyse nécessaires pour
pouvoir réaliser ce genre d’estimation.
La deuxième approche de l’estimation de la rentabilité et du risque futurs d’une
action se base sur un échantillon de données historiques (sample-based mean and
variance). À titre d’exemple, prenons les prix de clôture de l’action LVMH cotée à
Paris au 31 décembre des années 2005 à 2015. Notre échantillon contient 11 valeurs
de prix et 10 valeurs de rentabilité.

Date Prix Rentabilité


1 30/12/2005 74,25
2 29/12/2006 89,90 8,96 %
3 31/12/2007 68,53 -15,29 %
4 31/12/2008 42,81 -37,53 %
5 31/12/2009 79,07 84,70 %
6 29/12/2010 114,05 44,24 %
7 30/12/2011 123,60 8,37 %
8 31/12/2012 138,85 12,34 %
9 31/12/2013 132,15 -4,83 %
10 31/12/2014 143,50 8,59 %
11 31/12/2015 148,20 3,28 %

Cours de clôture.
Pt +1 − Pt
Rentabilité =  
Pt

62
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

c Focus
Erreur d’estimation
On attire l’attention de notre lecteur sur le
L’écart E ( R ) − 2 σ ; E ( R ) + 2 σ   
fait que dans le calcul de la moyenne  T T 
espérée la somme des T valeurs est divisée re-groupe 95  % des valeurs. Pour
par T. En revanche, dans le calcul de augmenter la précision d’estimation il faut
l’écart-type, la somme des T écarts de la augmenter la taille de l’échantillon. La
moyenne au carrée est divisée par T - 1. taille de l’échantillon (critical length of
Cela s’explique par le fait que l’on utilise estimation window) est une question
un échantillon pour estimer les statistiques cruciale dans la gestion de portefeuille. Un
de la population et en particulier pour très grand échantillon pose le problème de
calculer la moyenne utilisée dans le la pertinence de l’information économique.
calcul de l’écart-type. T – 1 tient alors L’information financière il y a 100 ans est-
compte de l’erreur d’estimation de la elle pertinente pour nous donner une
moyenne. vision sur l’avenir  ? Pour trouver un
L’erreur type σ = σ / T mesure le degré compromis entre la taille de l’échantillon
de fiabilité de la moyenne de l’échantillon et l’erreur d’estimation, les investisseurs
par rapport à la moyenne de l’ensemble utilisent plutôt 5 ans de données mensuelles
d’une population. Plus la taille de (approximativement 60 observations) ou
l’échantillon est importante, plus l’erreur 2 ans de données journalières (500 obser-
type est faible et la moyenne de vations), qui sont statistiquement plus
riches. Cependant il faut annualiser les
l’échantillon s’approche de la moyenne
statistiques obtenues avec les données
de population. L’erreur type sert aussi
journalières ou mensuelles.
comme approximation de l’écart-type de
la population. L’intervalle de confiance RA = (1 + RT ) − 1 et σ A = σ T × T , où
T

σ
R)A et σ]A sontrespectivement σ 
la rentabilité
de 68 % s’écrit comme suit [E (R ) − σ ; E (R + σ  soit  E (R ) − ; E (R ) +  
et l’écart-type annuelsTd’un titre, TTest
 le
σ σ
[E (R ) − σ ; E (R ) + σ ]  soit  E (R ) − ; E (R ) +   , nombre de sous-périodes dans l’année, R
T
 T T  et σ T sont la moyenne et l’écart-type des
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

cet écart regroupe 68  % des rentabilités. rentabilités de T periodes.

Le rendement espéré du titre correspondra à la moyenne des rentabilités histo-


R + R2 + … + RT
riques   E ( R ) = µ = 1 , où T est le nombre d’observations dans
T
l’échantillon (dans l’exemple de LVMH T = 10). La volatilité de l’action est mesurée
1
 ∑ ( Ri − E ( R) )2  2
T

par l’écart-type σ R =  i =1  . 
 T −1 
La moyenne espérée des rentabilités de LVMH est de 0,11282, soit 11,282 % avec
une volatilité de 31,482 %.

63
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

c Focus
Comment réduire l’erreur d’estimation ?
Ce flot de critiques du modèle de estimateur pour la prévision du couple
Markowitz a suscité de nouvelles moyenne-variance. Dans ce spectre des
investigations visant à trouver des méthodes qui réduisent l’erreur
moyens pour réduire l’erreur d’estimation d’estimation peut être aussi citée une
de rentabilité et de risque futurs. technique mathématique pour faire
L’estimation bayésienne des paramètres converger la valeur d’un estimateur vers
est un des outils les plus importants en une valeur cible, appelée shrinkage
statistiques modernes pour améliorer (James et Stein, 1961). Les auteurs
l’estimation de moyenne-variance définissent cette technique comme un
(Robert 1994). En 2003, Markowitz lui- moyen de réduire l’erreur d’estimation
même avec N. Usmen (Markowitz 2003) d’un paramètre en exploitant le
abordent l’importance de Bayesian compromis entre biais et variance.

Sous l’hypothèse de stationnarité de la distribution des rentabilités annuelles,


la rentabilité de LVMH en 2016 devrait être dans l’intervalle [ 0,11282 − 2 × 0,31482/
0,11282 − 2 × 0,31482/ 10 ; 0,11282 + 2 × 0,31482/ 10 ] soit [ −8,63 %; +31,19 %] avec la pro-
babilité de 95 %. L’intervalle très large est dû à l’écart-type très élevé de la distribution
des rentabilités. Pour avoir l’intervalle de confiance à 95  % avec une précision de 
0,1 % c’est-à-dire de la forme [ 0,11282 − 0,1 % ; 0,11282 + 0,1 %], il faut avoir un

2
(
échantillon de 396 447 observations 2 ×
0,31482
T )
= 0, 001  soit  T = 

2 × 0,31482  2
0, 001 
= 396 447
× 0,31482 
= 396 447 ans.
0, 001 
La rentabilité de l’action LVMH réalisée en 2016 est de 26 %, soit le double de la
rentabilité estimée à partir des données historiques, mais cette valeur entre dans
l’intervalle de confiance à 95 %. Ces résultats sont expliqués par l’erreur d’estima-
tion en raison de l’historique de données court.
Les données historiques étant facilement accessibles et gratuites, elles sont sou-
vent utilisées pour estimer la rentabilité et le risque futurs des actions. Cependant, il
faut être conscient que cette extrapolation du passé peut s’avérer peu fiable pour la
prévision de ces paramètres.

2 Autres mesures de risque

Malgré son apparente simplicité, le modèle de Markowitz a suscité de nombreuses


critiques. Il repose en effet sur diverses hypothèses qui s’avèrent peu réalistes. La

64
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

rationalité et l’aversion au risque de l’investisseur sont des hypothèses mises en


défaut par la finance comportementale. L’absence de coût de transaction sur un mar-
ché financier est irréaliste. La critique principale de théorie de portefeuille de
Markowitz est son hypothèse de normalité de la distribution des rentabilités. Dans
la pratique, les rendements suivent rarement des trajectoires normales et présentent
l’asymétrie des distributions et la présence de valeurs extrêmes (Fama 1963, Lux
1996, Pagan 1996).
Pour mesurer cette déviation de la loi normale, nous introduisons deux statistiques
supplémentaires pour caractériser la distribution des rendements d’un actif risqué,
skewness et kurtosis :

∑ i =1 ( Ri − R )
T 3

skewness =
( T − 1) σ 3

∑ i =1 ( Ri − R )
T 4

kurtosis =
( T − 1) σ 4

Le coefficient d’asymétrie ou skewness mesure l’asymétrie par rapport à la


moyenne de la distribution d’une variable aléatoire. La distribution est asymé-
trique lorsqu’un côté par rapport à la moyenne de la courbe de densité ne reflète pas
symétriquement l’autre côté. Le skewness de la distribution Gaussienne est de zéro.
Le skewness négatif signifie la grande probabilité d’avoir des rendements extrêmes
et négatifs. Le skewness positif signifie la faible probabilité d’avoir une perte très
importante. Évidemment, les investisseurs ont une préférence pour les actifs avec
des skewness positifs. Autrement dit, ils préfèrent avoir une distribution de rentabi-
lités dans laquelle la probabilité d’avoir des gains est plus élevée que celle d’avoir
des pertes.
Le coefficient d’aplatissement ou kurtosis porte une double information : la pro-
babilité de réaliser une rentabilité autour de la moyenne (concentration des rentabi-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

lités autour de la moyenne) et la probabilité d’occurrence de cas extrêmes (fat tails,


épaisseur des queues de distributions). Un investisseur préfère avoir un kurtosis
faible. Le kurtosis de valeurs qui suivent une loi normale est de 3.
Le graphique ci-dessous illustre l’écart entre la distribution de rentabilités de
l’action Apple et la loi normale. Quatre jeux de données qui couvrent différentes
échelles de temps sont utilisés dans cette étude. Le premier set de données couvre
les transactions réalisées le 14 février 2017 entre 9h30 et 16h00. Cet échantillon
contient 11 988 observations. Le deuxième set est constitué de données quotidiennes
(cours de clôture) qui vont du 23 février 2015 au 22 février 2017, soit 496 observa-
tions. Les deux derniers sets sont constitués de données hebdomadaires et men-
suelles, qui vont du 1 novembre 1998 au 1 février 2017. Les tailles de ces deux
échantillons sont respectivement de 948 et 219 observations. Dans ces quatre
figures, les barres représentent la distribution réelle des rentabilités, la courbe est

65
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Intra−journalières Journalières

350

0,5
0,4
250

0,2 0,3
Densité

Densité
150

0,1
50

0,0
0

−0,04 0,00 0,02 0,04 0,06 −6 −4 −2 0 2 4 6


Rentabilité Rentabilité

Hebdomadaires Mensuelles

0,04
0,08

0,02 0,03
0,04 0,06
Densité

Densité
0,01
0,02
0,00

0,00

−80 −60 −40 −20 0 20 −80 −40 0 20 40


Rentabilité Rentabilité

Figure 3.1 – Déviation de distribution réelle de distribution normale

une approximation de cette distribution par la loi normale avec la même moyenne et
le même écart-type, la droite verticale discontinue montre la moyenne (la tendance
centrale). Nous pouvons observez que toutes les distributions de données réelles
sont asymétriques (skewed distributions) par rapport à la tendance centrale.
Skewness de données intra-journalières est positif, quand ceux des autres distribu-
tions sont largement négatifs. Ce phénomène peut être expliqué par le fait que
l’échantillon couvre la période de la crise 2007-2008 marquée par les grandes
pertes. Les graphiques nous permettent d’illustrer la mesure de risque kurtosis.
Toutes les distributions sont plus pointues que la distribution gaussienne (la barre
centrale dépasse largement la cloche de la loi normale). Cependant, ce dépassement
diminue avec l’augmentation de l’échelle de temps. Cela signifie que la plupart des
transactions intra-day se réalisent avec une rentabilité autours de la moyenne. Les
rentabilités mensuelles sont plus dispersées, elles reflètent les variations significa-
tives de cours de prix d’Apple (ticker : AAPL). Les distributions montrent aussi les
queues épaisses, les probabilités élevées de réaliser les pertes et les gains extrêmes.

66
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

En 1991 Harry Markowitz introduit la notion de la semi-variance qui ne prend en


compte que les rentabilités inferieures à la moyenne, c’est-à-dire les déviations défa-
vorables. Donc, pour les distributions asymétriques, la semi-variance est une mesure
de risque plus pertinente que la variance.
1 n
∑ ( Ri − R )
2
semi-variance =
n i =1, Ri < R

Où Ri est l’observation inférieure à la moyenne de toutes les rentabilités R, n est


le nombre d’observations en-dessous de la moyenne.
0,4
0,3
Densité
0,2
0,1
0,0

−3 −2 −1 0 1 2 3
x

Figure 3.2 – Les valeurs en-dessous de la moyenne

Donc la semi-variance reflète la moyenne des carrés des écarts à la moyenne des
rentabilités réalisées en-dessous de la moyenne.
Notre lecteur pourra également découvrir d’autres mesures de risques dans le
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

chapitre 8.

Section
2 LA DIVERSIFICATION DE PORTEFEUILLES DE TITRES

Markowitz formalise le dilemme de l’investisseur, à savoir comment maximiser la


rentabilité d’un portefeuille pour un niveau de risque donné ou minimiser le risque
d’un portefeuille pour un niveau de rentabilité donné. Un agent rationnel est dirigé
par une fonction d’utilité :
θ
R p − σ 2p → max
2

67
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Dans ce modèle d’optimisation nous tenons compte de la rentabilité totale du


portefeuille R p, de son risque total σ p et du coefficient d’aversion au risque de
l’investisseur θ . Donc, ce critère moyenne-variance permet à l’investisseur de déter-
miner le meilleur couple rentabilité-risque tenant compte de son aversion au risque.
De plus, le risque du portefeuille dépend non seulement du risque de chaque titre
le constituant mais aussi de la manière dont les différents titres covarient entre eux.
Le risque du portefeuille tient donc compte non seulement du risque individuel des
titres mais également de la covariance entre ces titres. C’est pour cette raison que
la combinaison de plusieurs titres dans un portefeuille a l’avantage de faire dispa-
raître une partie du risque surtout quand les titres ont tendance à évoluer de manière
conjointe mais dans un sens opposé. Théoriquement, l’écart-type ou la volatilité
d’un portefeuille est plus faible que celui ou celle des titres qui le composent.

Défi­­ni­­tion
La covariance entre deux variables aléatoires X et Y (ou deux rendements) notée cov XY
ou σ XY est l’espérance du produit des écarts à la moyenne de ces dernières.

Elle est donc exprimée ainsi :

cov XY = σ XY = E [ X − E ( X )][Y − E (Y )] =
∑ ( Xi − E ( X ))(Yi − E (Y ))
T −1
En regardant cette équation, nous pouvons constater que si les titres évoluent dans
le même sens, leurs rentabilités seront au-dessus ou en-dessous de leurs moyennes
au même moment, engendrant une covariance positive. Si les titres évoluent conjoin-
tement mais dans le sens opposé, la rentabilité de l’un sera supérieure à sa moyenne
lorsque la rentabilité de l’autre sera inférieure à sa moyenne, occasionnant une
covariance négative. Nous pouvons donc interpréter facilement le signe de la cova-
riance. En revanche, la valeur de la covariance ne nous informe pas clairement sur
la relation entre les titres comme elle mélange deux informations : l’ampleur de la
volatilité des titres (traduite par l’écart des rentabilités à leur moyenne) et leur évo-
lution. Une covariance est d’autant plus élevée que la volatilité des titres est élevée
et qu’ils évoluent dans la même direction. Nous faisons donc appel à un autre outil
statistique : la corrélation des rentabilités qui neutralise l’effet « volatilité ou risque
individuel des titres » puisqu’elle se calcule en divisant la covariance des rentabilités
par le produit de leurs écart-types :
cov XY
ρ XY =
σ Xσ Y

Ainsi, la corrélation, comme la covariance (exprimée d’ailleurs en fonction de la


covariance), décrit la relation entre les rendements des titres mais elle a l’avantage
d’être plus informative parce qu’elle neutralise l’effet de la volatilité.

68
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

La valeur de la corrélation se trouve dans l’intervalle [-1  ; +1]. Son signe sera
toujours le même que celui de la covariance (comme les écart-types sont toujours
positifs) et il s’interprète exactement comme le signe de la covariance. Toutefois, sa
valeur s’interprète plus facilement que celle de la covariance. Si la corrélation est
égale à +1, les rendements des deux titres en question évolueront conjointement de
la même manière et ils seront dits parfaitement positivement corrélés. Cela veut
dire que si le cours du premier titre augmente, le second le suivra et augmentera de
la même ampleur. Si la corrélation entre les rendements de deux titres est de -1, ils
évolueront de manière inverse et seront dits parfaitement négativement corrélés.
Cela veut dire que si le prix d’un titre progresse, il y a de fortes chances que le prix
de l’autre baissera de la même ampleur. Si la corrélation de deux titres est nulle,
l’évolution du prix d’un titre n’influencera pas celle de l’autre.

1 Portefeuille à deux titres

Considérons un scénario simple : un portefeuille composé de deux titres A et B.


Sa rentabilité est donnée par :
RP = x × RA + (1 − x ) × RB
Sa volatilité est donnée par l’équation suivante :
σ P2 = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2cov AB x (1 − x ) = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x (1 − x ) ≤ ( x
+ 2cov AB x (1 − x ) = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x (1 − x ) ≤ ( xσ A + (1 − x ) σ B )2

Exemple – La rentabilité et le risque d’un portefeuille de deux actifs risqués


Un investisseur arrive sur le marché avec une somme totale de 100 000 euros. Il achète
1 000 titres d’Air France au prix de 40 euros et 600 titres de Total au prix de 100 euros. Le
rendement d’Air France est de 14 %, le rendement de Total est de 8 %. Les écarts-types
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d’Air France et de Total sont respectivement de 18 % et de 10 %. Les rendements de ces


deux titres sont négativement corrélés avec une corrélation de - 0,4. Quels sont le rende-
ment espéré et la volatilité de ce portefeuille ?
Calculons le poids de chaque titre dans le portefeuille. L’investisseur achète les titres d’Air
France pour une somme de 40 000 euros (1 000 titres au prix de 40 euros). Le reste de
l’argent (60  000 euros) sera investi en actions Total (600 titres au prix de 100 euros).
40 000
La part d’Air France dans le portefeuille est x A = = 0,4 soit 40 %.
100 000
60 000
Et la part de Total dans le portefeuille est : xT = = 0,6 soit 60 %.
100 000
Ayant à présent les pondérations ou poids de chaque titre dans le portefeuille, nous pouvons
calculer le rendement du portefeuille :
RP = x A × RA + xT × RT = 0,4 × 14 + 0,6 × 8 = 10,4.

69
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

La volatilité ou l’écart-type du portefeuille composé à 40 % d’actions Air France et à 60 %


d’actions Total est :
1
σ P = ( x 2Aσ 2A + xT2 σ T2 + 2 ρ AT σ Aσ T x A xT ) 2 = ( 0,4 2 × 182 + 0,62 × 10 2 + 2 × ( −0,4 ) × 18 × 10 × 0,4
1 1
+ 2 ρ AT σ Aσ T x A xT ) 2 = ( 0,4 2 × 182 + 0,62 × 10 2 + 2 × ( −0,4 ) × 18 × 10 × 0,4 × 0,6 ) 2 = 7,29 %

2 La diversification du risque spécifique

En faisant varier le poids des actifs dans le portefeuille x, on obtient l’ensemble


des portefeuilles qui représentent toutes les combinaisons possibles entre le titre
A et le titre B. L’ensemble de ces titres possibles est représenté par la courbe A-B
(figure 3.3). La partie continue de cette courbe, de Z à A, s’appelle la frontière effi-
ciente de Markowitz (1952). Les portefeuilles sur la partie de Z à B n’ont pas d’inté-
rêt pour un investisseur rationnel, parce que sur cette tranche de la courbe, pour le
même risque (axe des abscisses), on peut avoir une autre combinaison de titres
offrant une rentabilité plus élevée et existant sur la courbe Z-A. Tout individu ration-
nel investira dans l’un des portefeuilles se situant sur la frontière efficiente (en
rouge).

A
14
12
Rendement
10

B
8
6

14 16 18 20 22
Écart−type

Figure 3.3 – Frontière efficiente de portefeuilles risqués

Défi­­ni­­tion
La frontière efficiente est l’ensemble des portefeuilles efficients, qui pour un rendement
exigé, garantissent un risque minimum ou un rendement maximum pour un niveau de
risque donné.

70
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Le point B représente le portefeuille de 100 % d’investissement dans le titre B et


0 % dans le titre A, soit (1 ; 0). Plus on s’approche vers le point A plus la part du
titre augmente.
Le point Z représente le portefeuille de risque minimum. Si on considère deux
titres A et B pour investir, la composition du portefeuille de risque minimum ou les
pondérations des titres le composant sont obtenues en annulant la dérivée première
de l’équation du risque d’un portefeuille de 2 titres.
σ P2 ( x A ) = ( x Aσ A )2 + (1 − x A )2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x A (1 − x A )
Après réarrangement des termes, ces pondérations sont les suivantes :
σ B2 − ρ ABσ Aσ B
xA =
σ 2A + σ B2 − 2 ρ ABσ Aσ B

et
σ 2A − ρ ABσ Aσ B
xB =
σ 2A + σ B2 − 2 ρ ABσ Aσ B

Exemple – Composition de portefeuille


Le rendement de BNP a un écart-type de 20 % et le rendement de Total a un écart-type de
25 %. La corrélation entre ces deux titres est de 1/5. Quelle est la composition du porte-
feuille de risque minimum si on peut investir uniquement dans ces deux titres ?
1
0,252 − × 0,25 × 0,20
5 7
x BNP = =
1
0,20 2 + 0,252 − 2 × × 0,25 × 0,20 11
5
7 4
x Total = 1 − =
11 11
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Si on investit 7/11 de notre richesse initiale dans les actions de BNP et 4/11 dans les actions
de Total on diminue au maximum le risque spécifique de ces deux titres. Dans ce cas, la
volatilité atteint un niveau de 17 %.
1

σP = ( )
 7 2
 11
0,20 2 +
11 ( )
4 2 1
0,252 + 2 × × 0,20 × 0,25 ×
5
7 4 2
×  ≈ 17 %
11 11 

À présent, il sera intéressant d’étudier l’impact du coefficient de corrélation sur la


frontière efficiente (les différents cas sont illustrés sur la figure 3.3).
Cas 1  : Corrélation positive parfaite ( ρ = +1)  : si les titres A et B qui com-
posent le portefeuille sont parfaitement positivement corrélés, le risque spécifique
ne peut pas être diversifié. La frontière efficiente est une simple droite, qui repré-
sente la combinaison linéaire des risques des titres individuels.

71
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Cas 2 : Corrélation négative parfaite ( ρ = −1) : quand les titres sont parfaite-
ment négativement corrélés, il est possible d’éliminer totalement le risque du porte-
feuille, l’effet de la diversification est total. On parle de diversification parfaite. Les
σB
aléas sur les titres se neutralisent parfaitement si on investit x A = dans le
σA + σB
σA
premier titre et x B = dans l’autre (pondérations obtenues en remplaçant
σA + σB
ρ = −1 dans l’équation du risque ou de l’écart-type du portefeuille).
Les portefeuilles possibles seront situés sur deux demi-droites, la première reliant
l’actif sans risque (écart-type nul) au titre A et l’autre reliant l’actif sans risque au
titre B. Les portefeuilles efficients qui offrent plus de rendement pour le même
niveau de risque seront situés sur la demi-droite supérieure. La frontière efficiente
est donc cette demi-droite qui relie l’actif sans risque au titre le plus rentable A.
Quelle que soit la position du portefeuille sur cette droite, il garantira un rendement
maximum pour un niveau donné de risque. Cela nous permet d’établir un rapport
linéaire entre le risque et le rendement : si l’investisseur accepte plus de risque, il
exigera un rendement plus élevé. Le rendement progresse donc linéairement avec le
risque.
Cas 3 : Cas intermédiaire ρ ∈ ( −1 ; 1 ) : la frontière efficiente est toujours repré-
sentée par une courbe. Plus le coefficient de corrélation diminue, plus l’effet de la
diversification est significatif. En effet, plus le coefficient de corrélation diminue,
plus la courbe s’incurve vers la gauche offrant des combinaisons de titres avec un
rendement plus élevé pour le même niveau de risque. Le portefeuille de risque mini-
mum se déplace vers la gauche, donc le risque diminue de plus en plus.

A
14
12

2 2 +1
–1/ 1/
Rendement

1 0
ρ= – ρ= ρ= ρ= ρ=
10
8

B
6

0 5 10 15 20
Écart−type

Figure 3.4 – Frontière efficiente de portefeuilles risqués en fonction


du coefficient de corrélation

72
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Dans le cas général, un investisseur rationnel veut maximiser la rentabilité de son


investissement et minimiser son risque tout en prenant en compte son aversion au risque.
θ
R p − σ 2p → max
2
Déterminons la composition du portefeuille de deux actifs risqués A et B qui
entraîne le meilleur couple risque-rentabilité à partir de son coefficient d’aversion au
risque θ .
θ
U ( x A ) = x A RA + (1 − x A ) RB −   → max
2( x 2Aσ 2A + (1 − x A ) 2
σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x A (1 − x A ))
Appliquons la règle de la dérivée première pour obtenir la composition qui maxi-
mise la fonction d’utilité de Markowitz :
θ
U ′ ( x A ) = RA − RB −   ( 2 x Aσ 2A − 2 (1 − x A ) σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B − 4 ρ ABσ Aσ B x A ) = 0
2
RA − RB + θ (σ B2 − ρ ABσ Aσ B ) − θ ( x Aσ 2A + x Aσ B2 − 2 ρ ABσ Aσ B x A ) = 0

( RA − RB + θ (σ B2 − ρ ABσ Aσ B ))
xA =  
θ (σ 2A + σ B2 − 2 ρ ABσ Aσ B )

Exemple – Le portefeuille optimum pour un coefficient d’aversion au risque


Considérons deux actifs risqués A et B dont les rendements sont respectivement 6 % et 8 %.
Leurs risques respectifs sont de 12 % et 14 %. La corrélation entre les actifs est de 0,5. Que
recommanderiez-vous à votre client en termes de composition de portefeuille, si son coef-
ficient d’aversion au risque est de 4 ?
Pour trouver le portefeuille efficient « idéal » pour votre client il faut investir

( RA − RB + θ (σ B2 − ρ ABσ Aσ B )) 0,06 − 0,08 + 4 ( 0,14 2 − 0,5 × 0,12 × 0,14 )


xA = = = 0,36 soit 36 %
θ (σ 2A + σ B2 − 2 ρ ABσ Aσ B ) 4 ( 0,122 + 0,14 2 − 2 × 0,5 × 0,12 × 0,14 )
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

0,5 × 0,12 × 0,14 )


= 0,36 soit 36 %
,5 × 0,12 × 0,14 )
dans l’actif A, et le reste 64 % dans l’actif B.

3 Portefeuille à N titres
3.1  Le risque d’un portefeuille à N titres
Dans le cas général où l’investisseur constitue un portefeuille de N titres (N > 2),
la variance du portefeuille s’écrit comme suit :
N N
σ P2 = ∑∑ x jσ ij = x12 + x22 + ... + x N2 + 2 x1 x2σ 12 + ... + 2 x1 x N σ 1N + ... + 2 x N −1 x N σ N −1, N
i =1 j =1
x12 + x22 + ... + x N2 + 2 x1 x2σ 12 + ... + 2 x1 x N σ 1N + ... + 2 x N −1 x N σ N −1, N

73
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Exemple – Portefeuille à plus de deux titres


Considérons un portefeuille de trois titres. Les pondérations sont les suivantes ½, ¼, ¼. Les
rendements anticipés sont de 4, 6, 6. Les écarts-types sont de 4, 4, et 2. Les corrélations
entre les rendements des actifs sont les suivantes :
Entre l’actif 1 et l’actif 2 : ½
Entre 1 et 3 : ½
Entre 2 et 3 : ¾
La variance de ce portefeuille est de :

( 12 ) 4 + ( 14 ) 4 + ( 14 ) 2
2 2 2
1 1 1 1 1 1 1
σ P2 = 2 2 2 +2× × × ×4×4+2× × × ×4×2+2×
2 4 2 2 4 2 4

) 4 + ( 14 ) 4 + ( 14 ) 2
2 2 2
1 1 1 1 1 1 1 1 3
2 2 2 +2× × × ×4×4+2× × × ×4×2+2× × × ×4×2=9
2 4 2 2 4 2 4 4 4
Et le rendement de ce portefeuille est de :
1 1 1
Rp = ×4+ ×6+ ×6= 4
2 4 4
Cette double somme devient rapidement peu pratique quand le nombre d’actifs augment
dans le portefeuille. Pour cette raison, nous présentons ce problème de calcul de risque d’un
grand portefeuille en termes matriciels. Tout d’abord introduisons la matrice variance-cova-
riance V qui regroupe les variances des titres individuel σ i2 qui composent le portefeuille et
les covariances entre eux notée σ ij :
 σ 12 σ 12  σ 1N 
 
σ σ 22  σ 1N 
V =  21
     
 
 σ N 1 σ N 2  σ N2 

Le risque total du portefeuille s’écrit :


σ P2 = X × V × X T
 x1 
 x 
où X = ( x1 ,  x 2 ,…, x N ) est le vecteur de poids, et X T = 2  est le vecteur de poids
  
transposé.  x 
 N 
Pour illustrer, reprenons l’exemple ci-dessus et donnons la solution en termes d’équation
matricielle.
 1 1 
 42 ⋅4⋅4 ⋅4⋅2 
2 2
   16 8 4 
1 3
V = ⋅4⋅4 42 ⋅4⋅2  =  8 16 6 
 2 4   
 1 3   4 6 4 
 ⋅2⋅4 ⋅2⋅4 22 
 2 4 

74
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Le portefeuille de ces trois actifs investis en proportions ½, ¼, ¼ aura le risque total de :

 1   1 
 2   2 
 16 8 4     
 1 1 1   1  =  11 19 9   1  = 11 × 1 + 19 × 1 +
σ P2 =  × 8 16 6  × ×
 2 4 4     4   2 2   4  2 2 4
 4 6 4     
 1   1 
 1   4   4 
 2 
 
19 9   1  = 11 × 1 + 19 × 1 + 9 × 1 = 44 + 19 + 9 = 72 = 9
1 ×
2 2   4  2 2 4 2 4 8 8
 1 
 
 4 

3.2  Décomposition du risque total d’un portefeuille en risque spécifique


et risque systématique
N N
Le risque total mesuré par la variance d’un portefeuille s’écrit σ p2 = ∑∑xi x jσ ij.
i =1  j =1
Divisons cette double somme en deux parties  : une qui regroupe les variances de
titres individuels et l’autre qui représente la somme de covariances entres les actifs.
N N N
σ p2 = ∑ xi2σ i2 + ∑ ∑ xi x jσ ij
i =1 i =1  j =1, j ≠ i

Maintenant, supposons que ce portefeuille est équipondéré, donc toutes les parts
1
sont identiques xi = x j =  :
N
N N N
1 1 1
σ p2 = ∑ N 2 σ i2 + ∑ ∑ ⋅ ⋅ σ ij
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i =1 i =1  j =1,  j ≠ i N N

La première somme contient N éléments, la double somme contient


N 2 − N = ( N − 1) N éléments.

1 N 1 2 N −1 N N 1
σ p2 = ∑ σ i + N ∑ ∑ N ( N − 1) ⋅ σ ij
N i =1 N i =1  j =1, j ≠ i

1 2 N −1 2
σ p2 = ⋅ σi + σ ij , ou σ i est la moyenne des variances des actifs risqués
N N
qui composent le portefeuille, σ ij est la moyenne des covariances. Après réarrange-
ment des termes : σ p2 =
1
N
2
( )
⋅ σ i − σ ij + σ ij . Si le nombre d’actifs dans le

75
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

portefeuille augmente d’une manière significative N → ∞ ⋅


1
N
2
( )
⋅ σ i − σ ij → 0
cela signifie qu’avec l’augmentation de taille du portefeuille, une partie du risque
disparaitra. Il s’agit du risque spécifique, qui est diversifiable. Quelle que soit la
taille du portefeuille, il reste toujours une partie de risque σ ij qui ne dépend pas de
la composition du portefeuille, il s’agit du risque systématique, non-diversifiable.

3.3 La taille du portefeuille et la frontière efficiente


Dans cette section nous faisons un point particulier sur la relation entre la taille
d’un portefeuille et la forme de sa frontière efficiente, parce que cela concerne l’évo-
lution du risque. Pour étudier cette question considérons deux actifs financiers A et
B. La rentabilité du titre A est de 8 %, sa volatilité est de 15 %. Celles du titre B sont
14 % et 20 %. Le coefficient de corrélation au risque entre ces deux actifs est de 0,5.
On modifie la composition de ce portefeuille en rajoutant les actifs risqués. On fait
l’hypothèse que le dernier actif ajouté dans le portefeuille a une rentabilité entre
8 % et 14 % et un risque entre 15 % et 20 %. La corrélation entre tous les actifs est
de 0,5. La composition du portefeuille va de 2 à 50 actifs risqués.
14

B
13 12
Rentabilité
11 10
9

A
8

10 12 14 16 18 20
Risque de portefeuille

Figure 3.5 – Frontière efficiente et composition du portefeuille

L’ajout du troisième actif dans le portefeuille permet d’améliorer significativement


son efficience : diminuer le risque pour la rentabilité donnée. Cependant, cet effet de
diversification du risque diminue avec chaque actif supplémentaire dans le porte-
feuille. Donc, le risque spécifique diminue avec une vitesse décroissante quand la
taille du portefeuille augmente. De plus, la concavité (la courbure de courbe) de la
frontière efficiente diminue avec chaque actif supplémentaire dans le portefeuille.

76
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Défi­­ni­­tion
Soit une fonction U définie et dérivable sur un intervalle. Elle est monotone croissante et
concave sur cette intervalle si sa dérivée première est positive et la dérivée seconde est
négative.

La concavité de la courbe risque-rentabilité signifie que la rentabilité marginale


pour une unité de risque supplémentaire diminue avec l’augmentation du risque total
du portefeuille. Quand le risque du portefeuille initial est le plus bas, le risque sup-
plémentaire garantira à l’investisseur une bonne prime de risque. S’il continue à
prendre plus de risque la prime de risque diminuera progressivement. En revanche,
quand le portefeuille contient un grand nombre d’actifs, par exemple 30, la frontière
efficiente est proche d’une droite, cela signifie que le risque et la rentabilité pro-
gressent d’une manière proche du linéaire.

Section
3 L’INTRODUCTION D’UN ACTIF SANS RISQUE

Considérons maintenant qu’il est possible d’investir dans un titre sans risque r f
(par exemple une obligation d’État) aussi appelé le taux sans risque. Dans ce cas,
on combine le portefeuille de titres risqués (efficient selon le critère de l’espérance-
variance MV, ou l’arbitrage risque/rendement) avec un produit financier sans
risque r f .
Si on investit la part x dans le portefeuille risqué (parce que composé de titres
risqués) et le complément (1 - x) dans le taux sans risque, le rendement de ce
portefeuille est de :
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RP = xRMV + (1 − x ) r f
= r f + x ( RMV − r f )

Le risque de ce portefeuille est égal à σ P = xσ MV parce que l’écart-type du taux


sans risque est égal à zéro, ce titre n’étant pas corrélé au marché.
En remplaçant dans l’équation du rendement RP la valeur de x selon l’équation du
σ
risque du portefeuille P , on obtiendra l’équation de la nouvelle frontière effi-
ciente. σ MV

RMV − r f
RP = r f + σP
σ MV

77
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

En présence du taux sans risque la frontière efficiente est toujours une droite. C’est
la droite partant de l’actif sans risque (écart-type nul) et tangente à la courbe des
titres risqués.

15
T
10
Rendement

Z
5

rf
0

0 5 10 15 20
Écart−type

Figure 3.6 – La frontière efficiente en présence de taux sans risque

En observant la figure 3.6, nous sommes tentés d’abord par la possibilité de com-
biner le portefeuille de risque minimum Z avec le taux sans risque r f (droite pointil-
lée). En revanche, les portefeuilles tout au long de cette droite ne sont pas efficients.
En effet, au fur et à mesure, on peut augmenter la pente de cette droite pour trouver
une pente plus pointue qui domine toutes les autres : la frontière efficiente (droite en
gras). Sur la figure, cette frontière efficiente est la droite r f T , tangente à la courbe
des titres risqués et qui passe par le taux sans risque.
Pour chaque niveau de risque, cette droite offre le portefeuille avec le rendement
maximum. Par conséquent, tous les portefeuilles efficients sont obtenus par des
combinaisons du taux sans risque avec un portefeuille tangent T. Le portefeuille T
n’est pas un portefeuille de risque minimum ou de rentabilité maximum, c’est un
portefeuille qui permet de maximiser la pente de la droite qui est donnée par :
RT − r f
σT
Ce ratio s’appelle le ratio de Sharpe, il mesure le rapport entre le rendement
excédentaire (la différence entre le rendement du portefeuille et le taux sans risque)
et le risque pris.
La première partie de la droite r f T ) représente une combinaison du portefeuille
tangent T avec une proportion de x et du taux sans risque avec une proportion de
1 - x et, où 0 < x < 1 ce qui correspond à un prêt au taux sans risque. La partie de
la droite au-delà du point T est caractérisée par des parts dans le portefeuille tangent

78
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

T supérieures à 1 (x > 1 et (1 - x) < 0) c’est-à-dire une combinaison de plus que


100 % investis en T et d’une part négative dans l’actif sans risque. Cette situation
correspond à une vente à découvert de l’actif risqué en contractant un emprunt au
taux sans risque.

Défi­­ni­­tion
Les ventes à découvert (short sellings) consistent à vendre un titre que l’on ne possède
pas et à le racheter ultérieurement. C’est une stratégie profitable si l’on anticipe une baisse
du prix du titre.

Exemple – Ventes à découvert et achat à effet de levier


Monsieur Durand dispose de 100 000 euros et décide d’emprunter 20 000 euros au taux
d’intérêt de 2 %. Il place la totalité des 120 000 euros dans un fonds d’investissement Theta.
Le gérant de ce fonds lui promet un rendement de 17 % à la fin de l’année, avec un écart-
type de 5 %.
La part du fonds Theta dans le portefeuille est :
120 000
= 1,2 soit 120 %
100 000
et la part du taux sans risque est de
20 000
− = − 0,2 soit -20 % (le niveau d’endettement).
100 000
La rentabilité espérée du portefeuille détenu par Monsieur Durand est de :
RP = r f + x ( RMV − r f ) =  2 + 1,2 (17 − 2 ) = 20 %

et sa volatilité est de σ P = xσ MV = 1,2 × 5 = 6 %.


Considérons, à présent, deux scénarios d’évolution du fonds :
Le premier scénario  : en fin d’année le fonds Theta progresse de 10  %. Initialement
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Monsieur Durand a placé 120 000 euros dans ce fonds qui représente 120 000 × 1,1 = 132 000
120 000 × 1,1 = 132 000 à la fin de l’année. L’investisseur doit rembourser son emprunt avec les intérêts,
soit 20 000 × 1,02 = 20 400 euros.
Donc pour un investissement de 100 000 euros, l’investisseur réalise le rendement suivant :
132 000 − 20 400 − 100 000
= 11,6 %
100 000
Le deuxième scénario  : à la fin de l’année le fonds Theta perd de 10  %. Initialement
Monsieur Durand a placé 120 000 euros dans ce fonds qui représente 120 000 × 0,9 = 108 000
120 000 × 0,9 = 108 000 en fin d’année. L’investisseur doit rembourser son emprunt avec les intérêts, soit
20 000 × 1,02 = 20 400 euros.
Donc pour un investissement de 100 000 euros, l’investisseur réalise un rendement de :
108 000 − 20 400 − 100 000
= −12,4 %
100 000

79
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

Avec la vente à découvert et la pratique d’achat à effet de levier (achat de titres financé par
un emprunt, ici au taux sans risque), les rentabilités effectives du portefeuille composé de
l’actif sans risque et d’actifs risqués sont plus amplifiées suite à la variation du rendement
du portefeuille risqué. Ceci permet donc de réaliser un rendement plus élevé que la simple
progression de la rentabilité du portefeuille risqué. En revanche, en cas de perte sur le por-
tefeuille risqué, l’effet de levier aggrave la situation en amplifiant les pertes du portefeuille
constitué de la combinaison de l’actif sans risque avec le portefeuille risqué.

c Focus
Le taux sans risque existe-t-il réellement ?
Toute la théorie de finance moderne est sont considérées plus sûres que l’État dont
élaborée sous l’hypothèse de l’existence elles dépendent, la Grèce par exemple.
du taux sans risque. Que représente-t-il ? Le secteur privé s’en sort économiquement
Existe-t-il vraiment ? parfois mieux que le secteur public.
La finance moderne fait l’hypothèse qu’il Certaines entreprises grecques se sont
existe un produit ayant un risque zéro et portées mieux économiquement et n’ont
une rentabilité positive, soit le taux sans pas eu de souci pour se financer sur le
risque. Une obligation d’État bien notée marché obligataire, quand l’État grec a
est souvent considérée comme le taux connu une crise politique et économique
sans risque. Théoriquement, l’État ne peut profonde. Le coût du capital de l’entreprise
pas ne pas honorer ses dettes. On suppose grecque OTE était de 6,8  % sur 10 ans,
en général qu’une entreprise a plus de quand l’État s’endettait sur la même durée
chance de faire défaut que l’État dont elle au taux de 40 %.
dépend. Mais la crise des dettes Donc, le taux sans risque est assez
souveraines en Europe a donné lieu à de hypothétique parce que tous les types
nombreuses situations où des entreprises d’investissement contiennent du risque.

80
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

3.1 La forme de la frontière efficiente


L’ensemble de ces portefeuilles peuvent-ils former la frontière efficiente des actifs
risqués ?

Portefeuille Rentabilité Volatilité


A 8 10
B 12 11
C 15 13
D 17 16
E 19 20
F 21 25
G 22 31

3.2 Une opportunité d’arbitrage


Deux actifs risqués A et B ont les rentabilités de 2 % et 4 % respectivement, et leurs
volatilités sont de 5 % et 7 %. Ils sont parfaitement négativement corrélés. Si le taux
sans risque est de 2,5 %, existe-t-il une opportunité d’arbitrage ? Si oui, comment
en profiter ?

3.3 L’effet de levier


Un investisseur dispose de 10 000 euros. Il emprunte 10 000 euros supplémentaires
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aux taux de 5  % pour placer l’ensemble de cette somme dans un fond J géré par
un organisme de placement collectif de valeurs mobilières. Quelle est la rentabilité
annuelle réalisée par l’investisseur si le fond risqué :
––perd 10 % de sa valeur d’ici la fin d’année ?
––progresse de 10 % sur un an ?

81
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

3.1 La forme de la frontière efficiente


Pour répondre à cette question, il faut vérifier la croissance et la concavité de la
courbe que forment ces portefeuilles. Tout d’abord, nous pouvons constater que la
série de la volatilité est croissante et monotone. La rentabilité suit la tendance
d’une manière monotone également. Donc, la courbe qu’ils forment est croissante
et monotone. Ensuite, il faut vérifier la concavité de cette courbe. Quel est le taux
de croissance de la rentabilité pour une unité de risque supplémentaire ?

Variation de Variation de ∆R
Portefeuille Rentabilité Volatilité
rentabilité ∆R volatilité ∆r ∆σ

A 8 10
B 12 4 11 1 4/1
C 15 3 13 2 3/2
D 17 2 16 3 2/3
E 19 2 20 4 2/4
F 21 2 25 5 2/5
G 22 1 31 6 1/6

∆R
La série de taux de croissance est monotone et décroissante, donc la courbe
∆σ
est concave. Pour conclure, tous ces portefeuilles peuvent appartenir à la même
frontière efficiente des actifs risqués.

3.2 Une opportunité d’arbitrage


Le fait que les actifs sont parfaitement négativement corrélés nous offre une
opportunité de former un portefeuille Z sans risque. La composition de Z doit être
σB σA
la suivante  : la proportion investie dans l’actif A et dans le
σA + σB σA + σB
9 3
B. =  soit 60 % de la richesse doivent être investies dans l’actif A, le reste
6+9 5
40 % dans l’actif B. Le portefeuille Z ne portera pas de risque :

()
 3 2 2
()
2 2 2
1
σ Z = ( x 2Aσ 2A + x B2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x A x B ) 2 =  ⋅6 + ⋅ 9 + 2 ⋅ ( −1) ⋅ 6
 5 1 5 1

() () ( )
1 2 2 2⋅
 3 2 3 2  2 3 2 18
+ x B2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x A x B ) 2 = 
2
2
A ⋅ 62 + ⋅ 92 + 2 ⋅ ( −1) ⋅ 6 ⋅ 9 ⋅ ⋅  = ⋅6− ⋅9 = −
 5 5 5 5  5 5 5
1 1

)⋅ = ( ⋅ 6 − ⋅ 9) =
2 2⋅
3 2 2 3 2 18 18 2
92 + 2 ⋅ ( −1) ⋅ 6 ⋅ 9 ⋅ ⋅  − =0
5 5 5 5 5 5
82
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3

Le risque du portefeuille Z est de zéro, en revanche sa rentabilité est positive :


3 2 6 8 14
RZ = x A RA + x B RB = ⋅2+ ⋅4 = + = = 2,8 % .
5 5 5 5 5
Donc dans cette économie il existe deux produits Z et r f avec le même risque de
0 et avec différentes rentabilités de 2,8 % et 2,5 % respectivement. C’est une ano-
malie boursière, il faut en bénéficier. Il faut emprunter au taux r f pour investir la
somme reçue dans le portefeuille Z composé des actifs A et B en proportions de
60 % et 40 %. Ainsi, les achats des titres A et B vont faire augmenter leur prix ce
qui fera mécaniquement baisser leur future rentabilité. De la même manière, au fur
et à mesure que la demande d’emprunts au taux sans risque augmente, son coût
(rentabilité de r f ) augmentera. Par conséquent, ces modifications de prix et de
rentabilités garantissent la correction de l’anomalie boursière.

3.3 L’effet de levier


Tout d’abord, il faut déterminer la composition de ce portefeuille. L’investisseur a
une position «  short  »1 (vente à découvert) avec le taux sans risque de 5  %
(puisqu’il emprunte) et une position « long » (achat effectif) sur le fonds J de taux
de rentabilité de ±10 %. La part du taux sans risque dans le portefeuille sera de
10 000
xf = − = −1 (les ventes à découvert sont toujours représentées par les
10 000
parts négatives dans le portefeuille). La part du fond J dans le portefeuille sera de
20 000
xJ = = 2.
10 000
a. Si le fonds J perd 10 % d’ici la fin d’année, l’investisseur réalisera une rentabilité
globale de R p = r f + x J ( RJ − r f ) = 5 + 2 ( −10 − 5) =   −25 %.
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b. Si le fonds J progresse de 10 % d’ici la fin d’année, la rentabilité globale du por-


tefeuille sera de R p = r f + x J ( RJ − r f ) = 5 + 2 (10 − 5) =  15 %.
Les ventes à découvert amplifient l’effet de gain ou de perte du fond surpondéré
dans le portefeuille.

1.  Les ventes à découvert peuvent être considérées comme une forme d’emprunt, et vice versa.

83
Chapitre 3  ■  Principes et techniques de gestion de portefeuille…

L’ESSENTIEL
Le portefeuille optimum a la variance minimum pour un niveau d’espérance de
rentabilité donné. Ces derniers peuvent être estimés selon les formules sui-
vantes :
R + R2 + … + RT
E ( R) = µ = 1
T
1
 ∑ ( Ri − E ( R ))
T 2 2
σ R =  i =1 
 T −1 

La variance qui mesure le risque de fluctuations des rendements par rapport à la


moyenne, présente l’inconvénient de tenir compte des gains et des pertes de la
même manière. Pour cette raison elle peut être remplacée par la semi-variance.
Le risque d’un portefeuille dépend non seulement des risques individuels des
titres le composant mais surtout de l’évolution conjointe de ces titres. La cova-
riance et la corrélation mesurent la tendance des rendements des titres à cova-
rier entre eux.
La rentabilité et la volatilité d’un portefeuille composé de deux titres A et B sont
calculées par les formules suivantes :
RP = x × RA + (1 − x ) × RB
σ P2 = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2cov AB x (1 − x ) = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2 ρ AB
x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2cov AB x (1 − x ) = x 2σ 2A + (1 − x )2 σ B2 + 2 ρ ABσ Aσ B x (1 − x )

La diversification implique la combinaison de titres peu corrélés. La combinai-


son des titres parfaitement négativement corrélés permet d’éliminer le risque du
portefeuille. Ainsi, c’est le seul cas où l’effet de la diversification s’avère total.
Le risque et l’espérance de rentabilité d’un portefeuille composé de n titres est
calculé de la manière suivante :
n n
σ 2p =   ∑∑ xi x jσ ij
i =1 j =1
n
Rp = ∑ Ri xi
i =1

Chaque titre contribue au risque du portefeuille en fonction de sa pondération


dans le portefeuille, de son risque total et de sa corrélation avec le portefeuille.

84
Principes et techniques de gestion de portefeuille…  ■  Chapitre 3


L’ajout d’actifs dans un portefeuille diminue son risque spécifique avec une
vitesse décroissante. Néanmoins, la diversification stagne à un certain niveau
quel que soit le nombre de titres dans le portefeuille. Il s’agit du risque systéma-
tique, donc non diversifiable.
En présence du taux sans risque, la frontière efficiente se transforme en une
droite entre le taux sans risque et le portefeuille tangent. Le portefeuille tangent
se situe au point de tangence de la droite partant de l’actif sans risque avec la
courbe de la frontière efficiente des portefeuilles d’actifs risqués. C’est le porte-
feuille ayant le ratio de Sharpe le plus élevé (la pente de la tangente). Les inves-
tisseurs choisiront, sur cette droite, des combinaisons différentes de l’actif sans
risque avec le portefeuille d’actifs risqués.

Ques­­tions de réflexion
■ 
Le risque total du portefeuille diminue avec l’augmentation de la taille de ce
dernier avec une vitesse décroissante. Comment peut-on expliquer ce phéno-
mène ?
■ La frontière efficiente étant un concept purement théorique, qu’apprend-elle au
gestionnaire ?
(solutions sur le site www.dunod.com)
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85
Chapitre
Modèles
analytiques
4 d’optimisation
de portefeuille

OBJECTIFS
 Le but principal du présent chapitre est d’introduire les outils mathématiques
afin de déterminer numériquement le portefeuille efficient en termes de
moyenne-variance.
 Dans les chapitres précédents, nous avons montré comment déterminer les
frontières efficientes théoriquement et graphiquement. Toutefois, avec une
large base de données et d’actifs, la détermination des frontières efficientes est
plus complexe et se transforme en casse-tête mathématique. Ce chapitre
permettra de combler cette lacune.

SOMMAIRE
Section 1 L ’optimisation d’un portefeuille d’actifs risqués en l’absence de taux sans
risque
Section 2 L’optimisation d’un portefeuille d’actifs risqués avec un taux sans risque
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

D ans le chapitre 3, nous montrons comment optimiser un portefeuille composé


  de 2 actifs. Toutefois, un portefeuille d’actifs doit contenir au moins 30 actifs
pour qu’il soit considéré comme diversifié. Ainsi le présent chapitre vise à vous
aider à mettre en place votre propre programme d’optimisation sous Excel, R, Stata,
SAS… ou tout autre logiciel qui est capable de traiter une large base de données
d’actifs risqués. Nous fournissons des programmes d’optimisation détaillés ainsi
que de nombreuses illustrations numériques.

Section
1 L ’OPTIMISATION D’UN PORTEFEUILLE D’ACTIFS
RISQUÉS EN L’ABSENCE DE TAUX SANS RISQUE

1 À partir d’une rentabilité exigée ?

Dans cette section, il s’agit de déterminer la composition du portefeuille qui mini-


mise le risque, étant donné une rentabilité exigée notée R*p .

 n n
 ∑∑ xi x jσ ij → min    (1)
 i =1 j =1
 n

 ∑ xi ri = R*p              (2)
 i =1
 n


∑ xi   = 1               (3)
 i =1

Où xi est la part d’actif i dans le portefeuille P, ri est le rendement et où σ ij repré-


sente la covariance entre les actifs i et j.
L’équation (1) représente la fonction d’optimisation, les équations (2) et (3) repré-
sentent les contraintes d’optimisation qui ne sont autres que le rendement exigé et
l’ensemble des parts des actifs qui totalisent 100 % ou 1. Afin d’optimiser la fonc-
tion d’utilité, nous y intégrons les contraintes, ce qui nécessite le recours à l’optimi-
sation par le multiplicateur de Lagrange. Ceci revient à minimiser le Lagrangien
suivant :
n n
 n * + λ 
n

L= ∑∑ i j ij 1  ∑
x x σ + λ
i =1
x r
i i − R p

2  ∑ xi − 1 → min (4)
 i =1 
i =1 j =1

88
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

Définition
Le multiplicateur de Lagrange est une méthode d’optimisation d’une fonction dérivable
d’une ou de plusieurs variables, sous contraintes. Formellement, on note L ( x , λ ) = ϕ ( x ) + λφ ( x )
L ( x , λ ) = ϕ ( x ) + λφ ( x ), où x sont les variables de contrôle dans la fonction ϕ ( x ) à optimiser (mini-
miser ou maximiser), l est le multiplicateur de Lagrange et φ ( x ) est la contrainte du
programme d’optimisation.

Nous commençons par déterminer la dérivée première de notre fonction. Nous


dérivons l’équation terme par terme.
Tout d’abord, nous montrons que la dérivée première du risque d’un portefeuille
composé de n actifs par rapport x = x1 , x 2 … x n est égale à deux fois le produit de la
matrice variances-covariances V multipliés par le vecteur de parts X.


( X ′VX ) = 2VX    ( 5) (5)
∂x
n n
σ p = X ′VX = ∑∑ xi x jσ ij =
i =1 j =1

x1 x1σ 11 +  + x1 xiσ 1i +  + x1 x nσ 1n +
x 2 x1σ 21 +  + x 2 xiσ 2i +  + x 2 x nσ 2 n +
 … 
x n x1σ n1 +  + x n xiσ ni +  + x n x nσ nn

La dérivée partielle par rapport à xi de cette double somme est déterminée ainsi :
n n n
2σ ij xi + ∑ σ ij x j + ∑ σ ij x j = 2∑σ ij x j = 2VX
j =1, j ≠ i j =1, j ≠ i j =1
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Nous obtenons alors n + 2 equations :

 dL
 = 2 x1σ 11 + 2 x 2σ 12 +  + 2 x nσ 1n + λ1r1 + λ2 = 0
dx1

 

 dL
= 2 x1σ n1 + 2 x 2σ n 2 +  + 2 x nσ nn + λ1rn + λ2 = 0
L ′( x ) =  dx n
 dL
 = x1r1 + x 2r2 +  + xn rn − R∗p = 0
 dλ1
 dL
 = x1 + x 2 +  + xn − 1 = 0
 dλ2

89
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

Pour voir plus clair, nous présentons ce système d’équations en forme de produc-
tion matricielle :  AX = T, où

 2σ 11 2σ 12  2σ 1n r1 1 
 
    
A =  2σ n1 2σ n 2 2σ nn rn 1 
 
 r1 r2  rn 0 0 
 1 1 1 0 0 

 x1   0 
    
  
 
X = x n   et  T =  0 
   R*p 
 λ1 
 
 λ2   1 

A étant la matrice des coefficients constants, X le vecteur des inconnus, T le vec-


teur des « parties droites » (ou des contraintes).
Pour trouver la solution de ce système matriciel AX = T, il faut le multiplier à
gauche par la matrice inverse A−1  :

A−1 AX = A−1T
d’où
X = A−1T

Définition
La matrice A-1, de la taille n × n, est une matrice inverse à la matrice A. Il s’ensuit que
A-1 A = In, où In est une matrice unitaire.

c Focus
Contraintes supplémentaires
Cependant, rien ne garantit que les poids additionnelle de poids positifs ( ∀i , xi ≥ 0 ),
soient tous positifs ou nuls dans ce il faut utiliser les conditions Kuhn-Tucker
système. Pour intégrer une contrainte (voir Kuhn 1961).

90
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

Exemple – Le portefeuille optimum avec une contrainte de rendement exigé


Considérons trois actifs risqués A, B, et C dont les rendements sont respectivement 6 %,
8 % et 10 %. Leurs risques respectifs sont de 2 %, 4 % et de 4 %. La corrélation entre
tous les actifs est de 0,5. Que recommanderiez-vous à votre client en termes de compo-
sition de portefeuille, s’il exigeait le rendement de 8 %.
D’abord, reprenons la formule d’optimisation de portefeuille pour un rendement exigé :
X = A−1T
Ensuite, nous formons la matrice variance-covariance V :

 1 ⋅ 2 ⋅ 2 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4   4 4 4 
V =  0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 1 ⋅ 4 ⋅ 4 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4  =  4 16 8 
   
 0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4 1 ⋅ 4 ⋅ 4   4 8 16

La matrice A basée sur la matrice variance-covariance est donnée par :

 2 ⋅ 1 ⋅2 ⋅ 2 2 ⋅ 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4 2 ⋅ 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4 6 1 


 2 ⋅ 0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 2 ⋅ 1 ⋅ 4 ⋅ 4 2 ⋅ 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4 8 1 
 
A =  2 ⋅ 0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 2 ⋅ 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4 2 ⋅ 1 ⋅ 4 ⋅ 4 10 1 
 6 8 10 0 0 
 
 1 1 1 0 0 

 8 8 8 6 1 
 8 32 16 8 1 
 
=  8 16 32 10 1 
 6 8 10 0 0 
 1 1 1 0 0 

 x1 
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 
 x2 
X =  x3 
 
 λ1 
 λ2 
 

et

 0 
 0 
 
T =  0 
 8 
 1 
 

91
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

La matrice A-1 inverse de la matrice A est obtenue ainsi :

 0, 01136364 −0, 02272727 0, 01136364 −0, 2727272 2,636363 


 −0, 02272727 0, 04545455 −0, 02272727  0, 04545455 −0, 2727273 
 
A−1 = 0, 01136364 −0, 02272727 0, 01136364  0, 22727273 −1,3636364 
 −0, 27272727 0, 04545455 0, 22727273  −1, 45454545 8, 7272727 
 
 2,63636364  −0, 27272727  −1,36363636  8, 72727273 −60,3636364 
La composition du portefeuille que nous suggérons, pour un rendement de 8 %
est :
 5/11 
 1/11 
−  
X = A T   =  5/11 
1

 −32/11 
 104/11 
 
Donc, le portefeuille efficient est composé de 5/11 parts investies dans le premier
titre, 1/11e dans le deuxième et 5/11e dans le dernier.
10

C
9
Rentabilité

P
8

B
7

A
6

2.0 2.5 3.0 3.5 4.0


Risque

Figure 4.1 – Frontière efficiente de portefeuille à trois actifs risqués


A, B, C sont les trois actifs risqués qui composent le portefeuille. Les points noirs
représentent les combinaisons possibles des 3 actifs risqués sans autorisation de
vente à découvert.
La frontière efficiente se situe tout au long de la haute courbe concave. P est le
portefeuille efficient de rendement égal 8 % et de volatilité égale 2,628515 %. Il est
obtenu à l’aide du programme d’optimisation décrit dans la présente section.

92
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

Si votre client détient 110 000 euros, il devra acheter 50 000 euros d’actions A,
10 000 euros d’actions B et 50 000 d’actions C pour atteindre le rendement exigé
de 8 %.
Cet exemple illustre bien l’effet de diversification. Les actions B et C ont un même
niveau de risque mais le titre C est plus rentable que l’actif B. Intuitivement, on
éviterait entièrement le titre B dans le portefeuille. En revanche, le programme
d’optimisation nous oriente vers un investissement de 1/11e des fonds dans le titre B,
et 5/11e dans le titre C. Grâce à sa corrélation avec les autres titres, l’action B permet
de diminuer le risque total du portefeuille.

2 À partir du niveau de risque accepté

À présent, nous cherchons la composition du portefeuille qui minimise le risque


pour un niveau de risque accepté (avec une rentabilité de portefeuille exigée de R*p).
Le programme qui permettrait de déterminer la composition du portefeuille est le
suivant :
 n
 ∑ xi ri → max
 i =1
 n n

 ∑∑ xi x jσ ij = k            
 i =1 j =1
 n


∑ xi   = 1              
 i =1

Où xi est la part d’actif i dans le portefeuille P, ri est la rentabilité espérée de


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’actif i, σ ij définit la covariance entre les actifs i et j.


Réécrivons ce système en termes de produits matriciels :

 X ′R → max

 X ′VX =k
 X ′1 = 1

Ce problème revient à la maximisation du Lagrangien suivant :
θ 
L ( x , θ , λ ) = X ′R − ( X ′VX − k ) − λ ( X ′1 − 1) → max
2
θ
Où et λ sont les multiplicateurs de Lagrange.
2

93
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

Nous devons ensuite appliquer les conditions de premier ordre, autrement dit la
dérivée première :
 ∂L 
 = 0 ⇒ R − θVX − λ 1 = 0
 ∂x
 ∂L
 = 0 ⇒ X ′VX = k
 ∂θ
 ∂L 
 = 0 ⇒ X ′1 = 1
 ∂λ

Le système d’équations obtenu contient N + 2 équations et N + 2 inconnues. La


solution est donnée par :
1 
X = V −1 ( R − λ 1 )
θ
Les valeurs θ et λ peuvent être obtenues à l’aide des deux contraintes.

3 À partir du coefficient d’aversion au risque

Le programme de minimisation du risque de portefeuille, étant donné un niveau


d’aversion au risque représenté par le coefficient d’aversion au risque1, est le sui-
vant :
 θ θ
 f ( x ) = R p − σ 2p = X ′R − X ′VX → max
 2 2
 X ′1 = 1

 n
θ n n
 f ( x ) = ∑ xi Ri −   ∑∑ xi x jσ ij → max
 i =1 2 i =1 j =1

 n
 ∑ xi = 1
 i =1

Ce problème revient à la maximisation du Lagrangien suivant :


θ 
L ( X , λ ) = X ′R − X ′VX − λ ( X ′1 − 1) → max
2

1.  Se reférer au chapitre 2 pour la détermination et l’interprétation du coefficient d’aversion au risque.

94
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

n
θ n n  n 
L (X,λ) = ∑ xi Ri − ∑∑
2 i =1 j =1
x x σ
i j ij − λ  ∑
 i =1
xi − 1  → max

i =1

En cherchant la dérivée première, nous obtenons :

 ∂ L ( X ,  λ ) n 
 = Ri − θ ∑ σ ij x j − λ = 0  ∀i = 1, n
 ∂ xi j =1
 n
 ∂ L ( X ,  λ )
 = ∑ xi − 1 = 0
∂λ
 i =1

 n

 ∑ σ ij x j + θλ =
Ri
θ
  ∀i = 1, n
 j =1

n

 ∑ xi =1
 i =1

 x1 
 σ 11  σ 1n 1      R1   0 
       
Vˆ = 
    Xˆ =  x n  Rˆ =    Yˆ =      
 σ n1  σ nn 1   λ   Rn   0 
 1 1 
0     0   1 
 θ 

ˆ ˆ = 1 Rˆ + YX
VX ˆ ˆ = 1 Vˆ −1 Rˆ + Vˆ −1Yˆ
θ θ
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Exemple – Portefeuille optimum pour un coefficient d’aversion au risque donné


Considérons trois actifs risqués A, B, et C de rendements respectifs 6 %, 8 % et 10 %.
Leurs risques respectifs sont 2 %, 4 % et 4 %. La corrélation entre tous les actifs est de
0,5. Étant donné un taux sans risque de 4 % et un coefficient d’aversion au risque de 5,
quelle composition de portefeuille des trois actifs ci-dessus recommanderiez-vous à votre
client ?
Nous commençons d’abord par déterminer la matrice des variances-covariances :

 1 ⋅ 2 ⋅ 2 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4   4 4 4 
V =  0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 1 ⋅ 4 ⋅ 4 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4  =  4 16 8 
   
 0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4 1 ⋅ 4 ⋅ 4   4 8 16 

95
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

 4 4 4 1 
 4 16 8 1 
V̂ =  
 4 8 16 1 
 1 1 1 0 

 3/8  −1/16 −1/16 1 


 −1/16 3/32 −1/32 0 
V −1 = 
 −1/16 −1/32 3/32 0 
 1 0 0 −4 

Ainsi, nous obtenons les parts de chacun des trois actifs dans le portefeuille :

 3/8 −1/16 −1/16 1   6 


   8 
 =  −1/16 3/32 −1/32 0
X
1
 × 
5  −1/16 −1/32 3/32 0   10 
 1 0 0 −4   0 

 3/8 −1/16 −1/16 1   0   37/40 


 −1/16 3/32 −1/32 0   0   1/80 
+  ×  = 
 −1/16 −1/32 3/32 0   0   5/80 
 1 0 0 −4   1   −2,8 

La composition du portefeuille sera la suivante : 92,5 % d’actifs A, 1,25 % d’actifs B et


6,25 % d’actifs C.
Pour récapituler, comme votre client est plutôt conservateur dans les placements bour-
siers, il faudra lui conseiller d’investir la majorité de sa richesse (92,5 %) dans l’actif le
moins risqué qui n’est autre que l’action A, le reste sera investi dans les actions B et C
avec des parts de 1,25 % et de 6,25 % respectivement.
La rentabilité espérée de son portefeuille sera égal :

0,925 × 6 + 0,0125 × 8 + 0,0625 × 10 = 6,275 %

et le risque estimé (la variance) est égal :

 4 4 4   0,925 
( 0,925, 0,0125, 0,0625) ×  4 16 8  ×  0,0125  = 4,055 %
   
 4 8 16   0,0625 
Si votre client révise son rapport au risque en baissant le coefficient d’aversion au risque
à 2, la composition de son portefeuille optimal changera et comportera moins d’actifs
peu risqués telle l’action A et davantage des actions plus risquées B et C. La composi-
tion du portefeuille sera la suivante : 81,25 % de A, 3,125 % de B et 15,625 % de C. Le
portefeuille deviendra plus risqué mais certainement plus rentable. La rentabilité s’élè-
vera à :

0,8125 × 6 + 0,03125 × 8 + 0,15625 × 10 = 6,6875 %.

96
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

La variance du portefeuille sera égale 4,34375 %.


Avec un coefficient d’aversion au risque égal 1, les parts des actifs plus risqués B et C
augmenteront à 6,25 % et 31,25 % respectivement et la part de l’actif le moins risqué A
sera de 62,5 %.

Ces portefeuilles sont représentés sur le graphique 4.2.

C
10

B
8

Theta=1
Rentabilité

Theta=5
A
64
2

2,0 2,5 3,0 3,5 4,0


Risque

Figure 4.2 – Frontière efficiente de trois actifs risqués


La courbe concave représente l’ensemble de portefeuilles efficients composés des
actifs risqués A, B, C.
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Section
2 L ’OPTIMISATION D’UN PORTEFEUILLE D’ACTIFS
RISQUÉS AVEC UN TAUX SANS RISQUE

La première partie de ce chapitre couvre l’optimisation des portefeuilles d’actifs


risqués en l’absence d’un taux sans risque. À présent, nous intégrons le taux sans
risque noté rf dans notre analyse. À l’instar des autres programmes d’optimisation,
nous posons :
θ θ
f ( X ) = R p − σ 2p = X ′R − X ′ VX → max
2 2

97
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

 θ
f ( X ) = X ′R + (1 − X ′1 ) r f − X ′VX → max
2
∂ f (X ) 
= R − 1r f − θVX = 0
∂X

x f = 1 − X ′1

 1 −1  
 X = θ V ( R − 1r f ) = θV ( R − 1r f )
ˆ −1
Portefeuille efficient  
 x f = 1 − X′1

De ce système découle la composition du portefeuille tangent. Il s’agit du seul
portefeuille optimal sur la droite de marché qui ne contient pas de taux sans risque
 
et composé uniquement des actifs risqués t = θˆV −1 ( R − 1r f ) et 1′t = 1
  
1′t = 1′θˆV −1 ( R − 1r f ) = 1

θˆ =
1
 ⇒t=
V (
−1 R − r 1
f

)
1′V ( R − r f 1 )
−1 1′V ( R − r f 1 )
−1
20
15
Rentabilité
10

T
5
0

0 2 4 6 8 10 12
Risque

Figure 4.3 – Frontière efficiente de trois actifs risqués et un taux sans risque
La courbe concave représente la frontière efficiente des actifs risqués. La droite est
la frontière efficiente en présence de taux sans risque. Le portefeuille T est le
portefeuille tangent qui maximise la pente de la droite soit le ratio de Sharpe.

98
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

Exemple – Portefeuille optimal pour un coefficient d’aversion au risque déterminé


Considérons trois actifs risqués A, B, et C aux rendements respectifs 6 %, 8 % et 10 %.
Leur risque est de 2 %, 4 % et 4 % respectivement. La corrélation entre les trois actifs est
de 0,5. Quelle sera la composition du portefeuille efficient à recommander à votre client,
s’il exige un rendement de 5 % avec un taux sans risque de 4 %. Le coefficient d’aversion
au risque est de 5.
Déterminez le portefeuille tangent.
Déterminons d’abord la matrice des variances-covariances :

 1 ⋅ 2 ⋅ 2 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4 0,5 ⋅ 2 ⋅ 4   4 4 4 
V =  0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 1 ⋅ 4 ⋅ 4 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4  =  4 16 8 
   
 0,5 ⋅ 4 ⋅ 2 0,5 ⋅ 4 ⋅ 4 1 ⋅ 4 ⋅ 4   4 8 16 

La composition du portefeuille tangent s’obtient avec la formule suivante :



V −1 ( R − r f 1 )
t =  .
1′V −1 ( R − r f 1 )

La matrice inverse est égale :


 3/8 −1/16 −1/16 
V −1 =  −1/16 3/32 −1/32 
 
 −1/16 −1/32 3/32 
Le vecteur de rendement :
R = ( 6, 8, 10 )

La composition de portefeuille tangent est :

t = ( 1 4 ,  1 8 , 5 8 )
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Si à l’aide d’un questionnaire, vous avez déterminé le coefficient d’aversion au risque de


votre client qui est de 5, son portefeuille efficient sera :

 1 −1  
 X = 5 V ( R − 1r f ) = 0,2 V ( R − 1r f )
−1
Portefeuille efficient  
 x f = 1 − X ′1

Les parts des actifs risqués dans le portefeuille sont :


 1 
 3/8 −1/16 −1/16   6−4   40 
1  = 1  
X = ×  −1/16 3/32 −1/32  × 8−4
5    10 − 4   80 
 −1/16 −1/32 3/32     1 
 16 

99
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

Le reste doit être investi dans l’actif sans risque

x f = 1 − ( 1 40 +   1 80 + 116 ) = 0,9 soit 90 %.

Pour résumer, le profil de votre client est plutôt conservateur (coefficient d’aversion au
risque = 5), vous devrez donc lui conseiller d’investir 90 % de sa somme dans le taux sans
risque et 10 % dans le portefeuille tangent d’actifs risqués.

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

4.1 Le portefeuille tangent


Considérons un marché composé de quatre actifs dont les caractéristiques sont
résumées dans le tableau ci-dessous :
Rentabilité espérée (%) Volatilité (%)
A 4 0
B 6 10
C 7 10
D 8 15

La corrélation entre les différents actifs risqués est de 0,5.


Bill et Harry sont deux investisseurs averses au risque ayant des fonctions d’utilité
de type moyenne-variance. Bill a investi 4/9e de son capital dans le titre A. Le beta
du portefeuille de Harry est de 2/3.
1. Déterminez la composition de la matrice V des variances-covariances des actifs
risqués.
2. Si la matrice V -1 est la matrice inversée V, déterminez la rentabilité et le risque du
portefeuille de marché.

 100 
 150 −50 − 
3
 
100
V −1 =  −50 150 − 
 3 
 100 100 200 
 − − 
 3 3 3 

3. Calculez le niveau de l’aversion au risque de Bill.


4. Calculez la composition du portefeuille de Bill.

100
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

4.2 Le portefeuille de rentabilité exigée


Votre père voudrait investir dans ces trois actions.
Rentabilité espérée (%) Volatilité (%)
Casino 2 8

AirFrance 5 9

Renault 8 14

La corrélation entre les actifs est de 0,5.


Il ne connaît pas son profil de risque mais il exige une rentabilité finale de 5  %.
Trouvez le programme d’optimisation pour déterminer la composition du portefeuille
souhaitée par votre père.

4.3 Le portefeuille optimal des actifs risqués


et d’un taux sans risque
Le tableau ci-dessous donne les prix mensuels des actions Crédit Agricole, Peugeot
et de LVMH en 2016 :
Crédit Agricole S.A. Peugeot S.A. LVMH S.A.
Date
ACA.PA UG.PA MC.PA
01/01/2016 9,196 13,66 148,20

01/02/2016 9,586 13,88 153,80

01/03/2016 9,518 15,06 150,50

01/04/2016 9,659 14,055 145,10

01/05/2016 9,025 14,145 144,05

01/06/2016 7,56 10,815 136,00


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

01/07/2016 7,92 13,51 153,40

01/08/2016 8,49 13,225 151,70

01/09/2016 8,778 13,595 151,80

01/10/2016 9,832 13,645 165,55

01/11/2016 10,65 13,92 171,70

01/12/2016 11,78 15,495 181,40

Le taux de rentabilité de l’obligation assimilable au trésor est de 0,75. En sachant


que le coefficient d’aversion au risque de votre client est de 3, recommandez-lui le
placement optimal de sa richesse dans les trois actions ci-dessus.

101
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

4.1 Le portefeuille tangent


1. Le portefeuille de marché (le portefeuille tangent) est le portefeuille qui maximise
le Sharpe ratio. La composition de portefeuille tangent est déterminée selon la

V −1 ( R − r f 1 )
formule suivante : t =  .
1′V −1 ( R − r f 1 )

 100   
 150 −50 −   1 
3
    6−4   6 
100
V ( R − r f 1 ) =  −50
−1 150 −  × 7−4  = 13 
 3     
 100 100 200   8−4   6 
 − −   1 
 3 3 3   

  1 13 20 10
1V −1 ( R − r f 1 ) = + +1= =
6 6 6 3

     1 
 1   1   20 
    6     0, 05 
V ( R − rf 1)
−1 6
 ÷ 20 =  13  × 3 =  13
t=  = 13  =  0,65 
1′V −1 ( R − r f 1 )   6   10  20   
 6   6   3   0,3 
 1   1   
     10 

2. Cela signifie que le portefeuille tangent est composé de 5 % de titres B, 65 % 


de titres C, et 30  % de titres D. Sa rentabilité est RT = 0, 05 × 6 + 0,65 × 7 + 0,3 × 8 = 7,
6 + 0,65 × 7 + 0,3 × 8 = 7, 25 .
La variance de portefeuille de marché est

 0, 0100 0, 0050 0, 0075   0, 05 


( 0, 05 ; 0,65 ; 0,30 ) ×  0, 0050 0, 0100 0, 0075  ×  0,65  = 0,975 %
   
 0, 0075 0, 0075 0, 0225   0,30 

Et l’écart-type est de 9,874209 %.


3. Bill investit 4/9e de sa richesse dans le taux sans risque A, cela vaut dire que 5/9e
de son capital est investi dans le portefeuille de marché.

102
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

CORRIGÉS 
Utilisons • intermédiaire
le résultat CORRIGÉS  de la•  CORRIGÉS 
question 2 : •  CORRIGÉS
 
 1 
1    6 
5 −1
1 − x f = 1 V ( R − rf 1) = V ( R − rf 1) = 
−1
13 
θ 9  
 6 
 1 
 

xM = (
1 1 13
+
θ 6 6
+1 =
5
9 )
1 10 5
× =
θ 3 9
90
θ = =6
15

4. La composition du portefeuille de Bill est :


4
xA =
9
1 1 1
xB = × =
6 6 36
1 13 13
xC = × =
6 6 36
1 1
xD = ×1=
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

6 6

4.2 Le portefeuille de rentabilité exigée


Formons la matrice des variances-covariances V

 1⋅8 ⋅8 0,5 ⋅ 8 ⋅ 9 0,5 ⋅ 8 ⋅ 14   64 36 56 


V =  0,5 ⋅ 9 ⋅ 8 1⋅9 ⋅9 0,5 ⋅ 9 ⋅ 14  =  36 81 63 
   
 0,5 ⋅ 14 ⋅ 8 0,5 ⋅ 14 ⋅ 9 1 ⋅ 14 ⋅ 14   56 63 196 

103
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

Matrice A est basée sur la matrice variance-covariance

 2 ⋅ 64 2 ⋅ 36 2 ⋅ 56 2 1   128 72 112 2 1 
 2 ⋅ 36 2 ⋅ 81 2 ⋅ 63 5 1   72 162 126 5 1 
   
A =  2 ⋅ 56 2 ⋅ 63 2 ⋅ 196 8 1  =  112 126 392 8 1 
 2 5 8 0 0   2 5 8 0 0 
 1 1 1 0 0   1 1 1 0 0 
  

 x1 
   0 
 x2   0 
X = x3       T =  0 
   
 λ1   5 
   1 
λ2  
 

La matrice A-1 est la matrice inverse de la matrice A.

 1 1 1 
 600 − 300 600 −0, 21 1, 26

 −1 2 1 13 11 
 300 300 − 300   150 75 
=  1 1 1 37 61 
 600 − 300 600   300 − 150

 −0, 21 13 37 43 21 4 225 
 150 300   −7 450 
 1, 26  11   − 61 4 
 75 150   21 225 −168,3289 

 0, 21 
 0,58 
 
X = A−1T   =  0, 21 
 −14, 46 
 
 − 63, 24 

Le programme d’optimisation de portefeuille (minimisation du risque pour un


niveau de rentabilité donné) nous indique que le placement optimal est de 21 %
dans les titres de Casino, 58 % dans les titres de AirFrance et de 21 % dans les
titres de Renault.

104
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

4.3 Le portefeuille optimal des actifs risques


et d’un taux sans risque
À partir de la série de 12 prix, il faut calculer une série de rendement :

Crédit Agricole Peugeot S.A. LVMH S.A.


Dates Rentabilité Rentabilité Rentabilité
S.A. (ACA.PA) (UG.PA) (MC.PA)

01/01/2016 9,196 13,66 148,2

01/02/2016 9,586 0,0424 13,88 0,0161 153,8 0,0378

01/03/2016 9,518 -0,0071 15,06 0,0850 150,5 -0,0215

01/04/2016 9,659 0,0148 14,055 -0,0667 145,1 -0,0359

01/05/2016 9,025 -0,0656 14,145 0,0064 144,05 -0,0072

01/06/2016 7,56 -0,1623 10,815 -0,2354 136 -0,0559

01/07/2016 7,92 0,0476 13,51 0,2492 153,4 0,1279

01/08/2016 8,49 0,0720 13,225 -0,0211 151,7 -0,0111

01/09/2016 8,778 0,0339 13,595 0,0280 151,8 0,0007

01/10/2016 9,832 0,1201 13,645 0,0037 165,55 0,0906

01/11/2016 10,65 0,0832 13,92 0,0202 171,7 0,0371

01/12/2016 11,78 0,1061 15,495 0,1131 181,4 0,0565

Les valeurs des rentabilités et des écarts-types des différentes actions sont les
suivantes :
ACA⋅ PA = 0, 0259 soit 2,59 %
RMensuel
ACA⋅ PA = (1 + R ACA⋅ PA ) − 1 = 0,3250 soit 32,5 %
RAnnuel
11
Mensuel
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ACA⋅ PA = 0, 0816 soit 8,16 %
σ Mensuel
ACA⋅ PA = σ ACA⋅ PA × 11 = 0, 0816 × 11 = 0, 2705 soit 27, 05 %
σ Annuel Mensuel

⋅ PA
Mensuel = 0, 018 soit 1,8 %
RUG

Annuel = (1 + RMensuel ) − 1 = 0, 2173 soit 21, 73 %


⋅ PA UG ⋅ PA 11
RUG

σ UG ⋅ PA
Mensuel = 0,1185 soit 11,85 %

σ UG ⋅ PA UG ⋅ PA
Annuel = σ Mensuel × 11 = 0,1185 × 11 = 0,3929 soit 39, 29 %

MC ⋅ PA = 0, 0199 soit 1,99 %
RMensuel

105
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

MC ⋅ PA = (1 + R MC ⋅ PA ) − 1 = −0, 2422 soit 24, 22 %
RAnnuel
11
Mensuel

MC ⋅ PA = 0, 0559 soit 5,59 %
σ Mensuel
MC ⋅ PA = σ MC ⋅ PA × 11 = 0, 053 × 11 = 0,1854 soit 18,54 %
σ Annuel Mensuel

On peut calculer la matrice des variances-covariances à partir de séries de rentabi-


lités des titres individuels :
 0, 0067 0, 0052 0, 0028 
V =  0, 0052 0, 0140 0, 0045 
 
 0, 0028 0, 0045 0, 0031 

Le portefeuille efficient maximise la fonction d’utilité de Markowitz :


θ
R p − σ 2p → max.
2
1 
Sa composition est déterminée de la manière suivante : X = V −1 ( R − r f 1 ),
θ
où X représente le vecteur des parts investies dans les actifs risqués, le reste est
investi dans le taux sans risque. La matrice inverse à la matrice des variances-
covariances est
 240,6290  − 44,5771 −150,8926 
V =  − 44,5771 173,3785 −235,8632 
−1
 
 −150,8926 −235,8632 836, 0691 

Les parts des actions dans le portefeuille sont données par le vecteur X :
 240,6290  − 44,5771 −150,8926    0,325   0, 0075
1
X = − 44,5771 173,3785 −235,8632  ×   0, 2173  −  0, 0075
3    
 −150,8926 −235,8632 836, 0691    0, 2422   0, 0075

6290  − 44,5771 −150,8926    0,325   0, 0075    0,1817 


,5771 173,3785 −235,8632  ×   0, 2173  −  0, 0075   =  0, 7707 
      
0,8926 −235,8632 836, 0691    0, 2422   0, 0075    3,1205 

Le poids du taux sans risque dans le portefeuille sera de 1 - (0,1817 + 0,7707 +


3,1205) = -3,0729.
Ces trois actifs risqués se sont montrés très rentables l’année dernière1.

1.  Notez que l’on utilise les données historiques pour estimer les rentabilités futures des actifs risqués. Nous
prenons donc l’hypothèse de stationnarité de la distribution des rentabilités.

106
Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille  ■  Chapitre 4

Le programme d’optimisation nous suggère d’investir 18,17  %, 77,07  % et


312,05 % dans les actions de Crédit Agricole, Peugeot et LVMH respectivement.
Si la richesse initiale de votre client est de 100 000 euros, il faudra vendre à décou-
vert le taux sans risque pour un montant de 307 290 euros, acheter Crédit Agricole
pour un montant de 18 170 euros, Peugeot pour un montant de 77 070 euros et
LVMH pour un montant de 312 050 euros.
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107
Chapitre 4  ■  Modèles analytiques d’optimisation de portefeuille

L’ESSENTIEL
L’ensemble d’un grand nombre d’actifs risqués permet de diversifier leurs
risques spécifiques, mais l’optimisation d’un grand portefeuille n’est pas une
tâche facile du point de vue numérique.
Par exemple, si un investisseur exige un rendement R*p, son programme d’optimi-
sation s’écrira comme suit
X = A−1T
 2σ 11 2σ 12  2σ 1n r1 1   x   0 
   1   
          
A =  2σ n1 2σ n 2 2σ nn rn 1  X =  xn  T = 0 
     * 
 r1 r2  rn 0 0   λ1   Rp 
 1     1 
1 1 0 0   λ2 
Si l’investisseur ne peut pas déterminer le rendement espéré pour son horizon
de placement, mais qu’il connaît son coefficient d’aversion au risque θ , l’équa-
1
tion matricielle Xˆ = Vˆ −1 Rˆ + Vˆ −1Yˆ déterminera la pondération optimale de son
θ
portefeuille en actifs risqués.
 x1 
 σ 11  σ 1n 1      R1   0 
       
Vˆ = 
    Xˆ =  x n  Rˆ =      Yˆ =      
 σ n1  σ nn 1   λ   Rn   0 
 1 1 0     
 0   1 
 θ 
En présence de taux sans risque la frontière efficiente devient une droite tangente
qui maximise la pente (Sharpe ratio). La composition  du portefeuille tangent est
V ( R − rf 1)
−1
obtenue selon la formule suivante  t =  .
1′V −1 ( R − r f 1 )
La définition du portefeuille efficient composé de plusieurs actifs risqués et d’un
taux sans risque est :
 1 −1  
 X = θ V ( R − 1r f ) = θV ( R − 1r f )
ˆ −1
Portefeuille efficient  
 x f = 1 − X ′1

Où V −1 est une matrice inverse à la matrice des variances-covariances V.
R est le vecteur des rentabilités des actifs risqués, r f est le taux sans risque, θ est
le coefficient d’aversion au risque.

108
Chapitre Modèle
d’évaluation des
5 actifs financiers et
ses extensions
OBJECTIFS
 Après avoir exposé dans le chapitre 3, la théorie de Markowitz et les avantages
de la diversification (du risque spécifique) d’un portefeuille, le chapitre 5 présen-
tera les développements de la théorie de gestion de portefeuille par Sharpe,
Lintner et d’autres auteurs qui ont contribué significativement dans ce domaine.
Nous exposerons en particulier, le Modèle d’Évaluation des Actifs Financiers
(MEDAF ou CAPM en anglais pour Capital Asset Pricing Model).
 Le MEDAF, modèle développé essentiellement par Sharpe, permet de calculer la
rentabilité attendue, espérée ou anticipée sur tout actif financier en fonction de
la rentabilité du portefeuille de marché. Nous identifierons dans ce chapitre le
portefeuille tangent qui à l’équilibre, n’est autre que le portefeuille de marché,
le portefeuille de tous les titres négociables sur le marché.
 Nous ferons la distinction entre la droite de marché (Capital Market Line ou
CML) et la droite des titres (Security Market Line ou SML). Ainsi, nous explique-
rons comment reconnaître un titre surévalué ou sous-évalué et comment en
tirent profit les investisseurs.
 Finalement, ce chapitre décrit les critiques du MEDAF tout en présentant les
modèles alternatifs ou extensions du modèle de base ainsi que les modèles mul-
tifactoriels qui permettent d’expliquer le rentabilité exigée d’un titre en fonction
de facteurs autres que la rentabilité de marché.

SOMMAIRE
Section 1 Le modèle de base
Section 2 La droite de marché (Capital Market Line (CML))
Section 3 La droite des titres ou droite du MEDAF (Securities Market Line (SML))
Section 4 L’estimation empirique du beta
Section 5 Les critiques et les extensions du MEDAF
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

E n plaçant son argent dans un titre financier, un investisseur prend plusieurs


risques, spécifiques et systématiques. Il souhaiterait donc évaluer la rentabilité
à laquelle il pourrait prétendre pour la détention de ce titre. Le risque spécifique est
diversifiable donc pas énumérable et doit être éliminé. En revanche, le risque systé-
matique n’est pas diversifiable et doit être supporté. Quelle rentabilité exiger alors
pour rémunérer le risque systématique non-diversifiable1 du titre ? Cette rentabilité
exigée par l’investisseur est-elle égale à la rentabilité espérée ou attendue sur le
marché ? Que se passera-t-il si la rentabilité exigée déterminée par le MEDAF est
inférieure à la rentabilité espérée sur ce même titre sur le marché  ? En effet, le
MEDAF est le modèle d’évaluation le plus souvent utilisé aussi bien par les prati-
ciens que par les académiciens pour évaluer la rentabilité espérée sur tout titre risqué
sur le marché. Pourtant, il est invalidé par les hypothèses restrictives sur lesquelles
il se base. Que lui reproche-t-on  ? À quels autres modèles pourrait-on se fier  ?
Comment les modèles multifactoriels pallient les limites du MEDAF ?

Section
1 LE MODÈLE DE BASE

1 L’identification de la frontière efficiente et du


portefeuille tangent

Du chapitre 3, nous rappelons qu’avec l’introduction de l’actif sans risque dans


l’analyse de la frontière efficiente de Markowitz, la nouvelle frontière efficiente est
une droite et plus particulièrement, celle partant de l’actif sans risque (avec un écart-
type nul donc c’est le point coïncidant avec l’ordonnée à l’origine) et tangente à la
courbe des titres risqués ou frontière efficiente de Markowitz (figure 5.1).
Bien entendu, les portefeuilles tout au long de cette droite représentent les diffé-
rentes combinaisons du taux sans risque et du portefeuille tangent T. Toutes ces
combinaisons offrent des portefeuilles efficients qui ont une rentabilité maximum
pour un niveau de risque donné. Le portefeuille tangent T n’est pas un portefeuille de
risque minimum ou de rentabilité maximum, c’est un portefeuille dit super-efficient,
il permet de maximiser la pente de la droite qui est donnée par le ratio de Sharpe :
RT − r f
σT

1. Pour mieux comprendre le principe de la diversification dans la théorie de la gestion de portefeuille, se


reporter au chapitre 3.

110
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

15
T

10
Rentabilité Z
5

rf
0

0 5 10 15 20
Risque

Figure 5.1 – La frontière efficiente en présence de taux sans risque

Le Modèle d’Évaluation des Actifs Financiers ou MEDAF, dit modèle d’équilibre,


permet en premier lieu d’identifier la frontière efficiente en présence de taux sans
risque. Il permet ensuite d’évaluer la rentabilité exigée sur tout titre en fonction de
la rentabilité du portefeuille de marché (dite rentabilité de marché) et de la sensibi-
lité de ce titre au marché. La sensibilité au marché n’est autre que le beta du titre qui
correspond au rapport historique de la volatilité des rentabilités du titre lui-même sur
celle des rentabilités du marché.

2 Les hypothèses du MEDAF

Avant de développer le modèle, il est important de présenter brièvement ses hypo-


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thèses :
–– Les marchés de titres sont parfaits :
• les actifs sont parfaitement divisibles,
• la possibilité d’acheter ou de vendre tout actif financier à son prix de marché en
l’absence de coûts de transaction et de taxes,
• l’absence de restrictions de ventes à découvert,
• l’accès libre à l’information sans coût,
• la possibilité de prêter et d’emprunter au taux sans risque.
–– Les investisseurs ont accès aux mêmes opportunités d’investissement.
–– Des investisseurs risquophobes évaluent les portefeuilles en termes d’espérance et
de variance des rentabilités des titres sur une période donnée.
–– Et enfin, les investisseurs forment des anticipations homogènes sur les rentabilités
espérées, les volatilités et les corrélations entre les actifs financiers.

111
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Ainsi, sous ces hypothèses,


–– Tous les investisseurs déterminent la même frontière efficiente sur laquelle se
trouvent les portefeuilles efficients offrant la rentabilité espérée maximale pour un
niveau de risque donné. Tous les investisseurs identifient le même portefeuille tan-
gent qui maximise le ratio de Sharpe.
–– Comme mentionné ci-dessus, tous les investisseurs détiennent des actifs risqués
dans les mêmes proportions, celles du portefeuille tangent, le portefeuille de tous les
actifs risqués.
Nous en déduisons qu’à l’équilibre, tous les titres offerts sont détenus et le porte-
feuille super-efficient ou tangent est unique et est nommé le portefeuille de marché.
En effet, si tous les investisseurs partagent les mêmes anticipations quant aux espé-
rances, aux variances, et à la covariance des rentabilités des titres, le portefeuille
tangent T est unique pour tous les agents et ils sont tous capables de l’identifier. Par
conséquent, ces derniers constituent des combinaisons (multiples) du portefeuille
tangent et de l’actif sans risque. Donc, ils investissent tous dans le portefeuille super-
efficient et l’actif sans risque mais dans différentes proportions. Un individu avec une
forte aversion au risque attribuera un poids très important à l’actif sans risque relati-
vement au portefeuille des actifs risqués alors qu’un investisseur avide de risque
préférera une combinaison qui garantira une rentabilité plus élevée, quitte à prendre
un risque plus important. Il optera ainsi pour un poids supérieur à 100  % dans le
portefeuille T et un poids négatif dans le taux sans risque (position courte ou emprunt
au taux sans risque). Par conséquent, tous les titres risqués sont détenus par tous les
investisseurs dans les mêmes proportions (au sein de leur portefeuille risqué).
Cela étant, pourrait-on déterminer la composition du portefeuille super-efficient ?
Absolument, ce portefeuille contient tous les titres risqués, pondérés en fonction de
leur poids sur le marché ou leur capitalisation boursière. Par exemple, tout investisseur
tend à investir deux fois plus dans un titre qui pèse deux fois plus sur le marché. Si un
titre ne fait pas partie du portefeuille super-efficient, aucun investisseur ne souhaiterait
le détenir. Ne trouvant pas de demandeur, le titre finira par ne plus être offert.
Ainsi, l’équilibre entre l’offre et la demande des titres sur le marché permet d’iden-
tifier le marché super-efficient comme le portefeuille de marché composé de tous les
actifs risqués échangés sur le marché. Ce portefeuille représentera donc le marché.
Sa rentabilité sera celle du marché et son risque représentera la volatilité du marché.

Exemple – Portefeuille super-efficient et capitalisation boursière


Scarlett a identifié un portefeuille efficient et décide d’y investir son argent. Ce portefeuille
contient entre autres 9 000 euros de titres Bouygues et 4 500 euros de titres Total. Laura,
une investisseuse plus prudente ne détient que 2 000 euros d’actions Total. Si l’on suppose
que son portefeuille est efficient lui aussi, combien détiendra-t-elle de titres Bouygues ? Si
tous les investisseurs détiennent le même portefeuille efficient, quelle sera la capitalisation
boursière de Bouygues par rapport à Total ? Comme expliqué ci-dessus, les titres offerts

112
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

sont détenus dans les mêmes proportions du portefeuille de marché. Ces proportions ne sont
autres que la capitalisation boursière du titre. Le cas échéant, Laura détiendra 4 000 euros
d’actions Bouygues et 2 000 euros d’actions Total. La capitalisation de Bouygues sera égale
à 2 fois celle de Total.

3 Risque systématique et le MEDAF

Ainsi le MEDAF permet de déterminer la rentabilité exigée de tout actif négo-


ciable i notée E(Ri ) en fonction de la rentabilité de marché RM et du beta du titre noté
bi qui représente la sensibilité de la rentabilité du titre i notée Ri aux fluctuations du
marché RM. Le beta est exprimé ainsi :
σ
βi = iM
σM2

bi est donc une mesure de risque systématique qui affecte l’ensemble de l’écono-
mie, et par conséquent, l’ensemble des titres, il s’agit alors d’un risque non diversi-
fiable. Le risque total représenté par l’écart-type des rentabilités est donc composé
du risque systématique beta et du risque non-systématique ou spécifique.
En d’autres termes, le MEDAF permet de déterminer la rentabilité exigée par un
investisseur pour couvrir le risque systématique porté par ce titre. Cette rentabilité
exigée est donnée par :
E ( Ri ) = r f + βi × ( E ( RM ) − r f )

où rf est le taux sans risque (égal au taux du Bon de trésor), ( E ( RM ) − r f ) est appe-
lée prime de risque ou l’excédent de rentabilité de marché par rapport au taux sans
risque.
La rentabilité de tout actif est donc égale au taux sans risque plus une prime de risque
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pondérée par le coefficient beta du titre représentant le risque systématique du titre.


Étant donné la rentabilité d’un actif et son beta, le MEDAF permettra de détermi-
ner aisément le portefeuille de marché.

Exemple – Évaluation de la rentabilité d’un titre avec le MEDAF


Supposons que le titre Alpha ait un beta de 1,2. La prime de risque est de 7 % et le taux
sans risque est de 5 %. Quelle sera la rentabilité exigée par un investisseur souhaitant inves-
tir dans l’actif Alpha ?
Selon le MEDAF, le titre Alpha aura une rentabilité égale à :
E ( Ri ) = r f + βi × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 1,2 × 7 %
= 13,4 %

113
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Section
2 L A DROITE DE MARCHÉ
(CAPITAL MARKET LINE (CML))

Lorsque les investisseurs forment des anticipations homogènes, le portefeuille


super-efficient et le portefeuille de marché sont identiques. La droite (figure 5.2,
droite en bleu) qui lie l’actif sans risque au portefeuille de marché comprend alors
tous les portefeuilles dont la rentabilité espérée est maximale pour un niveau de
volatilité donné. Cette droite est la nouvelle frontière efficiente en présence d’un
taux sans risque et elle est appelée droite de marché ou Capital Market Line
(CML).
En effet, « le marché est en équilibre » signifie que la demande égalise l’offre et
que tous les investisseurs trouvent toujours une contrepartie pour acheter et vendre
les titres afin d’atteindre la position qui leur semble optimale. Ces portefeuilles se
situent le long de la droite, qui rejoint le taux sans risque et le portefeuille de marché
M (noté T auparavant pour désigner le portefeuille tangent).
En pratique, comme le portefeuille de marché est difficile à identifier, un indice
boursier peut être considéré comme une approximation du vrai portefeuille de mar-
ché. En France, le CAC 40 représente le portefeuille de marché.
15

M
CML
10
Rentabilité
5

rf
0

0 5 10 15 20
Risque

Figure 5.2 – La droite de marché - Capital Market Line (CML)

Exemple – Choisir un portefeuille sur la CML


Considérons un portefeuille composé de 10 000 euros d’actions Saint-Gobain dont la ren-
tabilité espérée est de 15 % et la volatilité de 30 %. Le portefeuille de marché a une espé-
rance de rentabilité de 28 % et une volatilité de 20 %. Le taux sans risque est de 4 %.

114
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

––Sous les hypothèses du MEDAF, quel sera le portefeuille de risque minimal dont la
rentabilité espérée est égale à celle de Saint-Gobain ?
––Quel est le portefeuille de rentabilité espérée maximale dont la volatilité est égale à
celle de Saint-Gobain ?
–– Le MEDAF implique que les meilleurs couples rentabilité espérée/risque sont
obtenus pour des portefeuilles composés du portefeuille de marché et d’actif sans
risque.
Tous ces portefeuilles sont situés sur la CML. La composition du portefeuille apparte-
nant à la CML dont la rentabilité espérée est de 15 %, est obtenue grâce à l’équation
suivante :
E ( Rx ,M ) = (1 − x ) × r f + x × E ( RM )
15 % = r f + x × ( E ( RM ) − r f )
15 % = 4 % + x × 24 %
Donc
x = 45,83 %.

Il faut donc vendre les actions Saint-Gobain pour placer 4 583 euros dans le portefeuille de
marché et 5 417 euros dans l’actif sans risque. La volatilité de ce portefeuille est de :

σ ( Rx , M ) = x × σ ( RM )
= 0,4583 × 0,20
= 9,17 %.

Cette volatilité est inférieure à celle de Saint-Gobain ; elle correspond au portefeuille de


volatilité minimale pour une espérance de rentabilité de 15 %.
En réponse à la deuxième question, le portefeuille appartenant à la CML dont la volatilité
est égale à celle de Saint-Gobain, soit 30 %, a la composition suivante :

30 % = σ ( Rx , M ) = x × σ ( RM )
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= x × 20 %
x = 150 %.
La rentabilité espérée d’un tel portefeuille est :

E ( Rx , M ) = r f + x × ( E ( RM ) − r f )
= 4 % + 0,15 × 24 %
= 40 % .

Cette espérance de rentabilité est supérieure à celle des actions Saint-Gobain pour le même
niveau de risque de ces dernières. Pour obtenir un portefeuille avec de telles caractéris-
tiques, on doit vendre les actions Saint-Gobain et placer 15 000 euros dans le portefeuille
de marché, en empruntant 5 000 euros au taux d’intérêt sans risque.

115
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Section
3 L A DROITE DES TITRES OU DROITE DU
MEDAF (SECURITIES MARKET LINE (SML))

La rentabilité Ri estimée à partir de l’équation du MEDAF représente celle exigée


pour couvrir le risque systématique encouru. À l’équilibre du marché, l’ensemble
des titres se trouvent dans l’espace beta-rentabilité (et non sigma-rentabilité comme
le cas de la droite de marché), tout le long d’une droite qu’on appelle droite des titres
ou Securities Market Line (SML) (figure 5.3).
25
2015
Rentabilité

SML
10 5
0

0,0 0,5 1,0 1,5 2,0


ß

Figure 5.3 – La droite des titres – Securities Market Line (SML)

Il existe donc une relation linéaire entre le beta d’un titre et l’espérance de renta-
bilité. Cette relation représentée par la droite du MEDAF ou droite des titres ou
encore SML passe par l’actif sans risque et le portefeuille de marché. On y trouve
tous les titres et les portefeuilles possibles alors qu’aucun titre individuel n’est situé
sur la droite de marché ou CML.

1 Le beta d’un portefeuille


n
Le beta d’un portefeuille dont la rentabilité espérée est notée RP = ∑ xi Ri est
égal à : i =1

cov ( RP , RM ) cov ( ∑ xi Ri , RM ) cov ( Ri , RM )


βP =
σM2
=
σM2
= ∑ xi σM 2
= ∑ xi β i

116
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

Ainsi, le beta d’un portefeuille est égal à la moyenne pondérée des beta des actifs
qui le composent.
Ou encore, on pourrait déterminer le beta d’un portefeuille comme celui d’un
actif, par l’équation du MEDAF, étant donné la rentabilité exigée du portefeuille, le
taux sans risque et la rentabilité du marché.

Exemple 1 – Calcul du beta et de la rentabilité d’un titre sous le MEDAF


La volatilité ou variance de l’action de la société Oméga est de 15 %, et celle du portefeuille
de marché est de 20 %. La corrélation entre le titre Oméga et le portefeuille de marché est
de 0,8. Les investisseurs estiment que la valeur de cet actif sera de 60 euros. La société
Oméga promet de distribuer 1 euro de dividende pour chaque action. Le taux sans risque
est de 2 %. La rentabilité du portefeuille du marché est de 14 %. Quel prix devront payer
les investisseurs pour une action Oméga aujourd’hui ?
Nous calculons d’abord le beta de l’action Omega qui représente une mesure de son risque
systématique :
σ Oméga , M ρOméga , M × σ Oméga × σ M ρOméga , M × σ Oméga
βOméga = = =
σM
2 σM
2 σM

0,8 × 0,15
βOméga = = 0,6.
0,20
Le beta de 0,6 représente la sensibilité du cours de l’action Omega par rapport aux
fluctuations du marché. Autrement dit, si le marché progresse de 1  %, le cours de
l’action Omega progressera lui de 0,6 %. Si le marché perd 2 %, l’action Omega perdra
1,2 %.
Le beta nous permet de calculer la rentabilité exigée en fonction du risque systématique du
titre à partir du MEDAF :

E ( ROméga ) = r f + βOméga × ( E ( RM ) − r f )
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= 2 % + 0,6 × (14 % − 2 %)
= 9,2 %

Les investisseurs déterminent le prix actuel en fonction de la rentabilité exigée :

P1 + D1 60 + 1
P0 = =
1 + ROméga 1 + 0,092
= 55,86 %

Les investisseurs seront donc disposés à payer 55,86 euros pour détenir une action de
la société Oméga, afin de couvrir le risque systématique de l’action, mesuré par son
beta.

117
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Exemple 2 – Calcul du beta du portefeuille de marché


Quel est le beta du portefeuille de marché ? La corrélation des rentabilités d’un actif avec
lui-même est égale à 1. Le beta du portefeuille de marché est alors :
σ M, M σ2
βM = = M =1
σM2 σM
2

Exemple 3 – Calcul du beta de l’actif sans risque


La rentabilité de l’actif sans risque est connue ex ante et ne varie pas ; sa volatilité est donc
nulle, de même que sa corrélation avec un actif sans risque :
σ rf, M ρ rf, M × σ rf
βM = = =0
σM 2 σM

Exemple 4 – Calcul de la rentabilité espérée d’une action


Le taux sans risque est de 4 %. Le portefeuille de marché a une rentabilité espérée de 30 %
et une volatilité de 20 %. Air Liquide a une volatilité de 35 % et une corrélation avec le
portefeuille de marché de 27 %. Quel est le beta de Air Liquide ? Sous le MEDAF, quelle
est sa rentabilité espérée ?
Le beta de l’action Air Liquide (AL) est donné par :
σ AL, M ρ AL , M × σ AL 0,27 × 0,35
β AL = = = = 0,47
σM2 σM 0,20
Sa rentabilité sous le MEDAF est calculée ainsi :
E ( RAL ) = r f + β AL × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 0,47 × (30 % − 5 %)
= 16,75 %.
Les investisseurs sont donc en droit d’exiger une rentabilité espérée de 16,75  % afin de
compenser le risque (systématique) associé à la détention des actions Air Liquide.

Exemple 5 – Calcul de la rentabilité espérée d’un titre à beta négatif


Le beta de l’action XY est de - 0,1. Le taux d’intérêt sans risque est de 5 % et la renta-
bilité du portefeuille de marché est de 30 %. Quelle est la rentabilité espérée d’après le
MEDAF ?
E ( RXY ) = r f + β XY × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + ( −0,1) × (30 % − 5 %)
= 1,5 %.
Pourquoi les investisseurs seraient-ils intéressés par un titre ayant une rentabilité de 1,5 %
alors qu’ils peuvent tout simplement investir dans l’actif sans risque garantissant une ren-
tabilité de 5 % sans risque ?

118
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

En effet, un investisseur ne souhaiterait détenir exclusivement des actions XY. La corréla-


tion de la rentabilité de XY avec celle du portefeuille de marché étant négative, l’ajout de
cet actif à un portefeuille composé d’autres actifs risqués permettra de réduire le risque
systématique du portefeuille.

Exemple 6 – Calcul de la rentabilité espérée d’un portefeuille


Les beta des actions LVMH (MC) et de Renault (RNO.PA) sont respectivement de 1,3 et
de 1,7.
Le taux sans risque est de 5 %. La rentabilité espérée du portefeuille de marché est de 35 %.
Sous le MEDAF, quelle est l’espérance de rentabilité d’un portefeuille équipondéré de ces
deux titres ?
Dans ce genre de situations, nous pouvons calculer la rentabilité du portefeuille de deux
façons :
––Soit en calculant la rentabilité de chacun des titres puis de calculer la rentabilité
moyenne pondérée du portefeuille :

E ( RLVMH ) = r f + β LVMH × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 1,3 × (35 % − 5 %)
= 44 %

E ( RRenault ) = r f + β Renault × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 1,7 × (35 % − 5 %)
= 56 %
La rentablité espérée du portefeuille P équipondéré de ces deux titres est égale :

E ( RPortefeuille ) = 0,5 × E ( RLVMH ) + 0,5 × E ( RRenault )


= 0,5 × 0,44 + 0,5 × 0,56
= 50 %
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

––Soit en calculant le beta du portefeuille qui est égal à la moyenne pondérée des beta
des deux actions, puis en calculant la rentabilité du portefeuille avec l’équation du
MEDAF :

β ( RPortefeuille ) = 0,5 × β ( RLVMH ) + 0,5 × β ( RRenault )


= 0,5 × 1,3 + 0,5 × 1,7
= 1,5 %

La rentabilité du portefeuille sera donc :

E ( RP ) = r f + β P × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 1,5 × (35 % − 5 %)
= 50 %

119
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

2 Actif surévalué ou sous-évalué et distance à la SML

Lorsque le portefeuille de marché est efficient, tous les titres et tous les porte-
feuilles se situent sur la droite du MEDAF ou la SML. Par conséquent, la différence
entre la rentabilité espérée du titre i sur le marché et sa rentabilité exigée par l’inves-
tisseur qui définit l’alpha de Jensen1 de ce titre sera nulle :

α i = E ( Ri ) − [ r f + βi × ( E ( RM ) − r f )]

Lorsque le portefeuille de marché n’est plus efficient, c’est-à-dire lorsque certains


titres ne se situent plus sur la SML, leurs alpha ne sont plus nuls. On dit que ces titres
sont surévalués (se situant en-dessous de la SML donc avec un alpha négatif) ou
sous-évalués (se situant au-dessus la SML, avec un alpha positif).
En effet, un actif se plaçant en-dessous de la SML est un actif qui fait moins bien
que ce qui est prévu par le MEDAF ou CAPM, il est donc surévalué par les inves-
tisseurs par rapport à ce qui est réalisé sur le marché. Dans l’autre sens, si un actif
se situe au-dessus de la SML, cela veut dire qu’il performe mieux que ce qui est
prévu par le MEDAF. Il est donc sous-évalué par les investisseurs.
Cela étant, en dehors de l’équilibre, les investisseurs peuvent détenir un porte-
feuille plus performant que le portefeuille de marché : le ratio de Sharpe d’un por-
tefeuille augmente lorsqu’il contient des titres dont la rentabilité espérée sur le
marché dépasse la rentabilité exigée par l’investisseur (ou sous-évalués) :

α i = E ( Ri ) − [ r f + βi × ( E ( RM ) − r f )] > 0

Les investisseurs rationnels modifient donc l’allocation de leurs portefeuilles de


façon à rester efficients. Détenant initialement le portefeuille de marché, ils vont
alors changer sa composition initiale en achetant des actions sous-évaluées et en
vendant des actions surévaluées.
Les stratégies de profiter d’actifs sous-évalués ou surévalués sont bien illustrées au
niveau du chapitre 8 de cet ouvrage.

Section
4 L’ESTIMATION EMPIRIQUE DU BETA

Rappelons que le beta est la variation espérée de la rentabilité de l’actif pour une
variation de 1 % de la rentabilité du portefeuille de marché. Pour mettre en évidence

1.  Cf. chapitre 8, p. 207.

120
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

cette sensibilité, prenons deux produits financiers : l’action de LVMH cotée à Paris
et l’indice CAC40 dont LVMH fait partie. Les graphiques ci-dessous opposent les
cours et les séries de rentabilités excédentaires1 (ou primes de risque) journalières
de LVMH et de CAC 40.

180
4800

170
4600
Prix CAC40

Prix LVMH
160
4400

150
4200

140
4000

130
0 50 100 150 200 250
Jours

Figure 5.4 – L’évolution de cours de LVMH (courbe discontinue)


et de CAC40 (courbe continue) en 2016
0,06
Rentabilités CAC40/LVMH
−0,02 0,02
−0,06

0 50 100 150 200 250


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Jours

Figure 5.5 – L’évolution des séries de rentabilités journalières de LVMH (en gris)
et du CAC 40 (en noir) en 2016.

Nous pouvons constater qu’en général le cours de prix (et rentabilité) de LVMH
évolue dans le même sens que le CAC40. En plus, l’amplitude de réaction du
CAC40 est plus élevée que celle de rentabilité de LVMH. Cela signifie que théori-
quement le beta de l’action de LVMH doit être inférieure à 1.
La figure 5.6 représente le nuage de points qui opposent les rentabilités excéden-
taires du CAC40 (en abscisse) et de LVMH (en ordonnée) et la droite des moindres

1.  La rentabilité excédentaire (la prime de risque) mesure la différence entre la rentabilité d’un actif risqué et le
taux sans risque. Dans nos simulations, nous supposons que le taux sans risque est de 0, car en période d’étude, les
obligations de l’État français à court terme garantissaient le taux de rentabilité négatif.

121
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

c Focus
La régression linéaire
On note Y une variable aléatoire L’estimation de ces paramètres est obtenue
quantitative à expliquer et X la variable par minimisation de la somme des carrés
explicative. La régression linéaire permet des écarts entre les observations et les
de décrire le rapport entre les deux données obtenues par le modèle. Cette
variables en termes linéaires technique s’appelle minimisation des
moindres carrés.
Y = α + βX + ε
n
a est la constante de la régression. Elle
représente le point de croisement entre la
∑ ( yi − α − β xi )2 α→, β min 
i =1
droite et l’ordonnée. b est la pente de la
droite. Elle mesure la variation moyenne L’estimation de la pente de la droite est
de la valeur de Y pour une variation de X égale au rapport de la covariance de X et
d’une unité, soit la sensibilité de Y par Y sur la variance de X.
rapport à X. e  est l’erreur d’estimation. La cov XY
moyenne espérée de l’erreur est de 0 et sa β =
σ X2
variance est constante  Var ( ε i ) = σ 2.

carrés. Nous appliquons la technique des moindres carrés pour établir le rapport
linéaire entre ces deux variables.
La figure 5.6 représente la droite établie grâce à la technique des moindres carrés.
La pente de cette droite mesure le beta (la sensibilité) de LVMH par rapport au
CAC40. Les écarts entre les points et la droite correspondent au risque spécifique de
l’action LVMH, dont la somme doit être nulle par construction. La pente de cette
droite est de 0,9211. Cela signifie que pour une variation de CAC40 de 1 %, la ren-
tabilité de LVMH varie de 0,9211 %. La constante de la droite a mesure l’écart entre
la rentabilité moyenne réalisée sur la période et celle prédite par la droite du CAPM.
Dans le cas de la droite CAC40/LVMH, cette constante est proche de 0 (environ
0,0008179). La rentabilité moyenne mensuelle réalisée par LVMH en 2016 était
donc supérieure de 0,08179  % à la valeur théorique estimée par l’équation du
CAPM. La régression nous rend aussi une statistique intéressante, le coefficient de
détermination de la régression :
Var ( RLVMH − r f )
R2 =
Var ( β LVMH ( RCAC 40 − r f ))

qui mesure la proportion de la variation de LVMH qui s’explique par le facteur de


marché. Dans nos simulations R 2 = 0,5789 . Ainsi, 57,89 % de variation du cours
de LVMH était provoquée par les facteurs macroéconomiques, dits de marché.
Le reste 42,11 % provient de facteurs spécifiques à l’entreprise.

122
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

0,10
0,05
LVMH
0,00
−0,05
−0,10

−0,10 −0,05 0,00 0,05 0,10


CAC40

Figure 5.6 – La régression linéaire entre les rentabilités journalières


de CAC40 et de LVMH

Section
5 LES CRITIQUES ET LES EXTENSIONS DU MEDAF

La théorie de portefeuille efficient et le MEDAF sont des modèles très populaires


et leur validité a été prouvée dans plusieurs articles académiques de chercheurs
comme Fischer Black, Myron Scholes et Michael Jensen et saluée par des prix
Nobel. Toutefois, certains auteurs, comme Richard Roll, leur reprochent d’être limi-
tés à cause de leurs hypothèses restrictives et pour d’autres raisons citées dans leurs
études. Dans cette partie, nous abordons les critiques adressées au MEDAF et les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

extensions qui en résultent.


La critique de Roll montre comment le choix de portefeuille de référence (porte-
feuille de marché) va conditionner tous les résultats du MEDAF. En pratique, la
construction d’un vrai portefeuille de marché s’avère extrêmement compliquée.
Pour diversifier tous le risque spécifique, le portefeuille de marché ne peut pas se
résumer à un simple indice national, il doit contenir tous les actifs risqués (dont les
actifs financiers, les actifs réels, le capital humain...).

1 Le modèle beta-neutre

Le modèle classique de CAPM fait l’hypothèse qu’il existe un actif sans risque.
Cependant, comme nous l’avons expliqué dans le chapitre 3, le taux sans risque est

123
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

une notion plutôt théorique. Fisher Black (Black, 1972) a proposé une amélioration
du CAPM en l’absence d’un produit sans risque et la possibilité d’avoir des taux
d’emprunt et de prêt différents. Black a montré que la théorie de CAPM reste
valable même sans le taux sans risque en le remplaçant par un portefeuille non cor-
rélé au marché (beta nul). Rappelons que le beta d’un portefeuille est égal à la
moyenne pondérée du beta des actifs risqués qui le composent β Z = ∑ i βi xi = 0.
Pour que cette somme soit nulle, il faut combiner les actifs avec les betas positifs et
négatifs ou appliquer les poids positifs et négatifs dans un portefeuille des actifs de
betas positifs1.
 n
 βp = ∑ β i xi =0
 i =1

  xi < 0,  xi > 1
 
  βi < 0, βi > 0
15

M
10
Rentabilité

Z
RZ
5
0

0 5 10 15 20
Risque

Figure 5.7 – La frontière efficiente avec le portefeuille beta-neutre Z

1.  Nous détaillerons la construction d’un portefeuille neutre au marché dans le chapitre 8.

124
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

Sur le graphique, le portefeuille Z est un portefeuille à beta zéro (beta-neutre),


cela signifie qu’il est décorrélé au marché. Cependant, il porte le risque spéci-
fique. Il nous indique la rentabilité associée au produit de beta-zéro RZ et permet
de déterminer le portefeuille tangent M et la droite de marché (CML). Si selon
son coefficient d’aversion au risque, un investisseur choisit un portefeuille effi-
cient entre RZ et M, il achètera le portefeuille Z et le portefeuille M. Si selon
son coefficient d’aversion au risque, un investisseur choisit un portefeuille effi-
cient au-delà de M, il vendra à découvert le portefeuille Z pour acheter le porte-
feuille M.

2 Taux d’emprunt et taux de prêt différents


15

T2
10

T1
Rentabilité

re
5
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

rp
0

0 5 10 15 20
Risque

Figure 5.8 – La frontière efficiente avec des taux de prêt et d’emprunt différents

Une autre hypothèse mise à l’épreuve par Black est l’existence de taux de prêt et
de taux d’emprunt identiques. Dans l’économie réelle on emprunte au taux plus
élevé que le taux auquel on prête, rp < re . En prenant ces deux taux, nous obtiendrons
deux droites tangentes et deux portefeuilles tangents. Que devient la frontière effi-
ciente dans ces conditions  ? Black a montré que la frontière efficiente prend une

125
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

forme hybride : un intervalle rp - T1, une courbe T1 - T 2, et la droite au-delà de T 2.
L’intervalle rp - T1 présente la frontière efficiente de « prêt ». Cela signifie qu’un
investisseur répartit sa richesse entre le taux rp et le portefeuille risqué T1. Il ne peut
pas emprunter au taux rp (les ventes à découvert de produits avec le taux de rentabi-
lité de rp ne sont pas possibles). La partie continue de la combinaison linéaire entre
re et les portefeuilles risqués représente la frontière efficiente « d’emprunt ». Cela
signifie qu’un investisseur peut s’endetter au taux re, mais il ne peut pas prêter au
taux si élevé. Le portefeuille de marché sera la combinaison linéaire de deux porte-
feuilles tangents T1 et T2 : M = a1 T1 + a 2 T 2

3 Les anticipations hétérogènes


15
10

T1
Rentabilité

T2
5
0

0 5 10 15 20
Risque

Figure 5.9 – La frontière efficiente avec les anticipations


hétérogènes des investisseurs

À partir du moment où les investisseurs n’anticipent pas les mêmes caractéris-


tiques d’actifs risqués, leurs frontières efficientes des actifs risqués vont être diffé-
rentes et par conséquent les portefeuilles tangents T1 et T 2 le seront aussi. Chaque
investisseur se déplacera le long de sa propre droite.

126
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

Lintner, 1970 ; Sharpe, 1970 ; Fama, 1976 ont étudié la possibilité d’équilibre
quand les investisseurs ont des anticipations hétérogènes. Ils ont montré qu’il est
possible de construire une frontière efficiente unique comme dans le modèle
MEDAF classique. Pour cela, toutes les caractéristiques des actifs risqués indi-
viduels sont des moyennes pondérées complexes des estimations des investis-
seurs.

4 Les modèles multifactoriels


4.1  Du MEDAF au modèle d’évaluation par arbitrage
Dans les parties précédentes, nous avons présenté le MEDAF, son utilité et ses
limites. Notamment, dans ce modèle, la rentabilité d’un titre financier ne dépend que
d’un seul facteur de risque : son beta. Par la suite, en 19761, Stephen Ross a proposé
d’étendre ce modèle en supposant que la rentabilité d’un titre financier ne dépendait
pas uniquement de sa sensibilité à la prime de risque du marché, mais qu’elle est
également fonction de plusieurs autres facteurs macroéconomiques (F1, F2, ...Fn).
Cette théorie nommée «  Modèle d’évaluation des prix par arbitrage  » (APT,
Arbitrage Pricing Theory en anglais) prend alors la forme suivante :

E ( ri ) =   r f +   βi ,1F1 +   βi ,2 F2 + … + βi ,n Fn

Avec :
–– E (ri) = Espérance de rentabilité de l’actif i
–– rf = Taux sans risque
–– Fn = Prime de risque associée à chacun des n facteurs
–– b i,n = Sensibilité de l’actif i à ses n facteurs
Afin d’utiliser ce modèle, il convient d’identifier au préalable les variables perti-
nentes pour chaque titre, les primes de risque correspondantes, et ensuite estimer la
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sensibilité du titre à chacune de ces variables. Par exemple, une entreprise dans le
secteur de l’énergie sera, a priori, plus sensible au cycle économique qu’une entre-
prise dans le secteur de la santé.
Contrairement au MEDAF, les facteurs de risque du modèle d’évaluation des prix
par arbitrage (APT) restent à déterminer et peuvent varier d’une entreprise à une
autre, et/ou d’un portefeuille à un autre. Un investisseur peut alors ajuster les sensi-
bilités bn de son portefeuille aux différents facteurs Fn afin d’obtenir le niveau
d’exposition aux risques désiré. En ce sens, l’APT est davantage un outil de gestion
de portefeuille qu’un outil de valorisation des actions.

1.  Ross, S. (1976). “The arbitrage theory of capital asset pricing”, Journal of Economic Theory.

127
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Le modèle ne stipule pas quels facteurs Fn doivent être utilisés. Toutefois, en se


basant sur une analyse quantitative, Chen, Roll et Ross (1986)1 proposent, en plus
de la prime de risque du marché action, les facteurs suivants :
–– les variations non anticipées sur l’inflation ;
–– les variations non anticipées sur la production manufacturière ;
–– les variations non anticipées sur la prime de risque de défaut des obligations
corporate ;
–– les variations non anticipées sur la courbe des taux US.
Dans la lignée de l’APT, des auteurs ont essayé d’expliquer les rentabilités par des
facteurs spécifiques à l’entreprise plutôt que des facteurs macro-économiques. Les
plus célèbres sont les modèles de Fama-French (1992) et Cahart (1997).

5 Les modèles de Fama-French et Cahart


5.1  Le modèle Fama-French à trois facteurs
En analysant la relation entre les rentabilités historiques et plusieurs facteurs de
risque différents, Fama et French (1993)2 en ont retenu trois qui, combinés, per-
mettent de mieux expliquer les rentabilités que l’unique facteur du MEDAF :
–– le facteur de risque systématique ;
–– la taille de l’entreprise ;
–– le rapport valeur comptable/valeur boursière.
Le modèle prend alors la forme suivante :
E ( R p,t ) − R f ,t =  α FF
p +   β p, MKT MKTt + β p,SMB SMBt + β p, HML HMLt +   ε p,t

Avec :
–– E(Rp,t) = L’espérance de rentabilité du portefeuille.
–– Rf ,t = Taux sans risque.
–– α FF
p = La constante du modèle, ici l’alpha de Fama et French.

–– MKT (market) = La prime de risque du marché action, c’est-à-dire la rentabilité


excédentaire du portefeuille de marché (au-dessus du taux sans risque).
–– SMB (Small Minus Big) = La différence de rentabilité entre les small caps et les
large caps.
–– HML (High Minus Low) = La différence de rentabilité entre les actions ayant un
ratio valeur comptable/valeur de marché élevé et celles ayant un faible ratio valeur
comptable/valeur de marché.

1.  Chen, Roll, Ross (1986) “Economic Forces and the Stock Market”, Journal of Business.
2.  Fama, French (1993) “Common Risk Factors in the Returns on Stocks and Bonds”, Journal of Financial
Economics.

128
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

c Focus
Comment sont estimés les facteurs de Fama-French ?
Concrètement, les facteurs SMB et HML des ratios valeur comptable/valeur de
sont estimés à partir de la rentabilité de marché. Le seuil pour délimiter les
6 portefeuilles. Ces portefeuilles sont 2 portefeuilles SMB est la capitalisation
l’intersection de 2 portefeuilles (Small, boursière médiane, et pour constituer les
Big) formés en fonction de la taille 3 portefeuilles HML, Fama et French
(mesurée par la capitalisation boursière utilisent les 30e et 70e percentiles des
des sociétés) et de 3 portefeuilles (Value, ratios valeur comptable/valeur de marché
Neutral, Growth) construits en fonction (cf. tableau 5.1 ci-dessous).

Tableau 5.1 – Les portefeuilles de facteurs


Median ME
70th BE/ME percentile Small Value Big Value
30th BE/ME percentile Small Neutral Big Neutral
Small Growth Small Growth

Source : Site internet de Kenneth French

Ensuite, à partir de ces 6 portefeuilles, les facteurs sont construits tels que :
–– SMB (Small Minus Big) mesure la rentabilité moyenne sur les trois portefeuilles
« Small » moins celle des trois portefeuilles « Big ».
SMB = 1/3 (Small Value + Small Neutral + Small Growth)
− 1/3 (Big Value + Big Neutral + Big Growth)
–– HML (High Minus Low) mesure la rentabilité moyenne des deux portefeuilles
« Value » diminuée de celle des deux portefeuilles « Growth ».
HML = 1/2 (Small Value + Big Value) − 1/2 (Small Growth + Big Growth)
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Alors que le MEDAF explique environ 70 % de la rentabilité des portefeuilles


diversifiés, le modèle de Fama-French en explique 90 %.

5.2  Le modèle Fama-French-Cahart à quatre facteurs


Puis, en 1997, Cahart1 a étendu le modèle de Fama-French pour tenir compte d’un
quatrième facteur : le momentum. Le modèle Fama-French-Cahart à quatre facteurs
s’écrit alors :
E ( R p,t ) − R f ,t =  α Cp +   β p, MKT MKTt + β p,SMB SMBt + β p, HML HMLt + β p,UMDUMD +   ε p,t

MKTt + β p,SMB SMBt + β p, HML HMLt + β p,UMDUMD +   ε p,t

1.  Carhart (1997), “On Persistence in Mutual Fund Performance”, Journal of Finance.

129
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

Ici, le facteur momentum, représenté par UMD (Up Minus Down), est construit en
simulant la rentabilité d’un portefeuille qui achèterait chaque mois les actions ayant
eu la meilleure performance sur les 12 derniers mois et vendrait à découvert les
actions les moins performantes. Ce facteur a été rajouté car plusieurs auteurs,
comme Jegadeesh et Titman (1993)1 ou encore Fama et French (1996)2 ont montré
qu’il était possible de générer une surperformance en achetant les titres qui se sont
précédemment appréciés et en vendant les titres qui se sont dépréciés.
Par la suite, d’autres modèles multifactoriels ont été proposés. Par exemple, Fama
et French (2015)3 ont publié un modèle à 5 facteurs sans reprendre le momentum de
Cahart, mais en incluant les facteurs de profitabilité (RMW, Robust Minus Weak), et
d’investissement (CMA, Conservative Minus Aggressive) en plus des 3 facteurs de
leur premier modèle.
Professionnels et académiciens sont ainsi constamment à la recherche de nou-
veaux facteurs de risque. C’est ainsi qu’est née la gestion dite « Smart Beta » (ou
« Factor Investing ») qui consiste à capturer les primes de risque associé à ces fac-
teurs, qu’il s’agisse de la taille, de la valeur, ou du momentum vus dans ce chapitre,
ou d’autres facteurs (faible volatilité, haut dividende…). Nous aborderons cela plus
en détail dans le chapitre 7 sur les différents styles de gestion.

1.  Jegadeesh et Titman. (1993). “Returns to Buying Winners and Selling Losers: Implications for Stock Market
Efficiency”. Journal of Finance.
2.  Fama et French. (1996). “Multifactor Explanations of Asset Pricing Anomalies”. Journal of Finance. 
3.  Fama et French. (2015). “A five-factor asset pricing model”. Journal of Financial Economics.

130
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

5.1 Composition de portefeuille


Clara possède un portefeuille de 15 000 euros, investis dans les actions d’une seule
entreprise, XYZ. Le taux sans risque est de 5 %, la rentabilité espérée de XYZ est
égale à 14 %, celle du portefeuille de marché à 12 %. Leurs volatilités respectives
sont de 40 % et 18 %. Si les hypothèses du MEDAF sont vérifiées, calculez :
1 ■  La composition du portefeuille ayant la volatilité minimale et offrant la
même rentabilité espérée que XYZ. Quelle est la volatilité de ce porte-
feuille ?
2 ■ La composition du portefeuille ayant la rentabilité maximale et une volatilité
identique à celle de XYZ. Quelle est la rentabilité de ce portefeuille ?

5.2 Risque non diversifiable d’un titre


Le taux sans risque est de 5 %, le portefeuille de marché a une rentabilité espérée de
10 % et une volatilité de 16 %. Léo souhaite investir dans l’action Facebook (ticker
FB) qui a une volatilité de 20 % et une corrélation avec le marché de 8 %. Quel est le
risque non-diversifiable de l’action Facebook ? Quelle la rentabilité espérée de Léo
sur cet investissement selon le MEDAF ?

5.3 Risque non diversifiable d’un portefeuille


Le beta d’Orange (ex : France Télécom, ticker ORA) est de 2,16 et celui d’Air France-
KLM (ticker AF) de 0,7. Si le taux sans risque est de 5 % et la rentabilité espérée du
portefeuille de marché est de 10 %, quelle est, d’après le MEDAF, l’espérance de
rentabilité d’un portefeuille composé de 70 % d’Orange et de 30 % d’Air France-
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KLM ?

5.4 Pondération des titres dans le portefeuille de marché


On suppose que l’ensemble des titres cotés sur l’ensemble des marchés se limite aux
4 actions du tableau suivant. Quelle est la composition du portefeuille de marché ?

Nombre d’actions en
Action Prix
circulation (mlns)
A 10 10
B 20 12
C 80 3
D 50 1

131
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

5.5 Analyse de portefeuille


Laëtitia souhaiterait créer un portefeuille de risque égal à celui du marché. Elle veut
investir 1 000 000 000 euros. Avec ces informations, compléter le tableau suivant :

Asset Investment Beta

Stock A 185 00 0,80

Stock B 320 000 1,13

Stock C ? 1,29

Risk-free asset ? ?

5.6 Actif à beta nul


Quelle est la prime de risque d’un titre ayant un beta nul ? Est-il possible de réduire
la volatilité d’un portefeuille sans modifier sa rentabilité espérée, en remplaçant les
titres avec un beta nul par l’actif sans risque ?

5.7 Modèle de Fama-French


Un investisseur cherche à mesurer la surperformance d’un gérant de portefeuille
«  Small Caps » en prenant en compte son exposition aux trois facteurs de risque
de Fama-French. Il dispose des informations suivantes (récupérées sur le site de K.
French) :
–– Taux sans risque = 2 %
–– Prime de risque du marché action = 7 %
–– Prime de risque associée au facteur SMB = 4 %
–– Prime de risque associée au facteur HML = 3 %
Via une régression linéaire multiple, il a par ailleurs estimé les sensibilités du
portefeuille à ces trois facteurs :
–– Beta par rapport au marché action = 0,50
–– Beta par rapport au facteur SMB = 0,45
–– Beta par rapport au facteur HML = 0,25
1 ■ Quelle est la rentabilité attendue par l’investisseur ?
2 ■ Si le gérant a finalement généré une performance de 11 %, quel est son alpha
de Fama-French ?

132
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

5.1 Composition de portefeuille


1. Le MEDAF implique que les meilleurs couples rentabilité espérée / risque sont
obtenus pour des portefeuilles composés du portefeuille de marché et d’actif sans
risque. Tous ces portefeuilles sont situés sur la CML. La composition du portefeuille
appartenant à la CML dont la rentabilité espérée est de 14 %, est obtenue ainsi :
E ( Rx , M ) = (1 − x ) × r f + x × E ( RM )
14 % = r f + x × ( E ( RM ) − r f )
14 % = 5 % + x × 7 %

Donc :
x = 129 %

Il faut donc placer 129 % × 15 000 = 19 350 euros dans le portefeuille de marché
et emprunter 4 350 euros (15 000 − 19 350) dans l’actif sans risque. La volatilité
de ce portefeuille est de :
σ ( Rx , M ) = x × σ ( RM )
= 1, 29 × 0,18
= 23,22 %.
Cette volatilité est inférieure à celle de XYZ ; elle correspond au portefeuille de
volatilité minimale pour une espérance de rentabilité de 14 %.
2. Le portefeuille appartenant à la CML dont la volatilité est égale à celle de XYZ,
soit 40 % a la composition suivante :
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40 % = σ ( Rx , M ) = x × σ ( RM )
= x × 18 %
x = 222 %
La rentabilité espérée d’un tel portefeuille est :
E ( Rx,M ) = r f + x × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 2, 22 × 7 %
= 20,54 %.
Pour le même niveau de volatilité de XYZ, ce portefeuille se situant sur la CML
a une espérance supérieure à celle de XYZ (20,54 % > 14 %).

133
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

5.2 Risque non diversifiable d’un titre


Le risque systématique de l’action Facebook (FB) est mesuré par son beta :
σ FB, M ρ × σ FB 0, 08 × 0, 20
β FB = = FB, M = = 0,1
σM2 σM 0,16

Sa rentabilité sous le MEDAF est calculée ainsi :


E ( RFB ) = r f + β FB × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 0,1 × (10 % − 5 %)
= 5,5 %
Les investisseurs exigeront donc une rentabilité espérée de 5,5 % afin de compen-
ser le risque systématique associé à la détention des actions Facebook.

5.3 Risque non diversifiable d’un portefeuille


La rentabilité du portefeuille en question peut être calculée de deux façons :
–– Soit en calculant la rentabilité de chacun des deux titres puis calculer la rentabilité
moyenne pondérée du portefeuille :
E ( ROrange ) = r f + βOrange × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 2,16 × (10 % − 5 %)
= 15,8 %

E ( RAF ) = r f + β AF × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 0,7 × (10 % − 5 %)
= 8,5 %.

La rentabilité espérée du portefeuille P équipondéré de ces deux titres est égale à :

E ( RPortefeuille ) = 0,5 × E ( ROrange ) + 0,5 × E ( RAF )


= 0,7 × 0,158 + 0,3 × 0, 085
= 13,61 %.
–– Soit en calculant le beta du portefeuille qui est égal à la moyenne pondérée des
beta des deux actions, ensuite en calculant la rentabilité du portefeuille avec
l’équation du MEDAF :
β ( RPortefeuille ) = 0, 7 × β ( ROrange ) + 0,3 × β ( RAF )
= 0,7 × 2,16 + 0,3 × 0, 7
= 1,722 %

134
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

Nous retrouvons la même valeur pour la rentabilité du portefeuille :


E ( RP ) = r f + β P × ( E ( RM ) − r f )
= 5 % + 1,722 × (10 % − 5 %)
= 13,61 %

5.4 Pondération des titres dans le portefeuille de marché

Nombre d’actions en
Action Prix
circulation (mlns)
A 10 10
B 20 12
C 80 3
D 50 1

Comme mentionné dans le chapitre, la composition du portefeuille de marché est


celle de la capitalisation boursière des titres sur le marché, à l’équilibre de l’offre
et de la demande.
Ainsi, nous commençons par calculer la capitalisation boursière de chacun des
titres A, B, C et D :
Capitalisation boursière totale = ∑ ni Pi = 10 × 10 + 20 × 12 + 80 × 3 + 50 × 1
= 630 millions d’euros

Pondérations respectives des titres :


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

10 × 10
wA = = 15,87 %
630
12 × 20
wB = = 38,1 %
630
3 × 80
wC = = 38,1 %
630
1 × 50
wD = = 7,94 %
630
La somme des pondérations doit être égale à 100  %, ici la somme est égale à
100,01 dû à l’arrondissement des valeurs finales.

135
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

5.5 Analyse de portefeuille


Nous connaissons la valeur de l’investissement total (1 million d’euros) et la
valeur de deux des actions A et B dans le portefeuille, nous pouvons alors déter-
miner leurs pondérations dans le portefeuille :

185 000
wA = = 0,185
1m
320 000
wB = = 0,320
1m
La ponderation de l’action C est donc égale à 100 % - (18,5 % + 32 %) = 40,5 %.
Comme le portefeuille est aussi risqué que le portefeuille de marché, son beta doit
être égal à 1. Nous savons aussi que le beta de l’actif sans risque est nul. Nous
pouvons alors utiliser l’équation de beta pour déterminer la valeur de la pondéra-
tion du troisième titre, le titre C :
β P = 1 = w A β A + wB β B + wC βC + wrf βrf
⇒ 1 = 0,185(0,80) + 0,320(1,13) + wC (1,29) + wrf (0)
wC = 38, 02 %

Ainsi, la valeur de l’investissement dans le titre C est égale :


Montant de l'investissement en C = 38, 015504 % × 1 000 000 = 380 155,04 euros
Nous en déduisons aussi la part de l’actif sans risque dans le portefeuille :
wrf = 0,11484496
La valeur investie dans l’actif sans risque s’élève donc à :
0,11484496 × 1 000 000 = 114 844,96 euros.

5.6 Actif à beta nul


La prime de risque d’un titre ayant un beta nul est égale à zéro. Comme il est non
corrélé au marché, son ajout au portefeuille n’augmente pas le niveau de risque.
Aucune prime additionnelle ne sera exigée.
Toutefois, le fait de remplacer un titre à beta nul par l’actif sans risque ne réduit
pas le risque du portefeuille. En effet, ayant un beta nul alors qu’il est bien
corrélé avec lui-même (lui qui fait partie du marché), signifie qu’il doit être
corrélé négativement avec d’autres titres sur le marché. Par conséquent, sa pré-
sence dans le portefeuille compense le risque encouru sur d’autres actifs du
portefeuille.

136
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5

5.7 Modèle de Fama-French


1. La rentabilité attendue par l’investisseur compte tenu de l’exposition aux diffé-
rents facteurs de risque du portefeuille est de :
8,05 % = 2 % + 0,50 × 7 % + 0,45 × 4 % + 0,25 × 3%
2. Si finalement, la rentabilité a été de 11 %, c’est que l’alpha de Fama-French du
portefeuille est de : 2,95 % = 11 % - 8,05 %. Cela correspond à la surperformance
apportée par le gérant, c’est une rentabilité «  anormale  » dans le sens où elle ne
s’explique pas par les facteurs de risque de Fama-French.
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137
Chapitre 5  ■  Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions

L’ESSENTIEL
■ Le MEDAF ou CAPM
Le MEDAF est un modèle qui permet de calculer la rentabilité attendue, espérée
ou anticipée par l’investisseur sur tout titre financier en fonction de la rentabilité
du portefeuille de marché :
E ( Ri ) = r f + βi × ( E ( RM ) − r f )

où rf est le taux sans risque, ( E ( RM ) − r f ) la prime de risque ou l’excédent de


rentabilité de marché par rapport au taux sans risque et
σ
βi = iM
σM 2

b i mesure le risque systématique qui affecte l’ensemble de l’économie, et par


conséquent, l’ensemble des titres, alors il s’agit d’un risque non diversifiable.
Le risque total représenté par l’écart-type des rentabilités est donc composé du
risque systématique beta et du risque non-systématique ou spécifique.
Si la rentabilité exigée par un investisseur est inférieure à celle réalisée sur le
marché, le titre est dit sous-évalué, l’investisseur en profite en l’achetant, son
portefeuille se caractérise ainsi par une performance meilleure que celle du porte-
feuille de marché. Dans le cas inverse, le titre est considéré comme sur-évalué,
l’investisseur en profite en le vendant.
Tous les titres et les portefeuilles appartiennent à la droite des titres ou droite du
MEDAF ou encore SML. Seuls les portefeuilles appartiennent à la droite de
marché ou CML, on ne trouvera aucun titre individuel sur cette droite. La CML
est tracée dans l’espace rentabilité / risque total (écart-type) alors que la SML est
tracée dans l’espace rentabilité / risque systématique.
Le MEDAF fut largement critiqué, essentiellement du fait qu’il se base sur le
portefeuille de marché qui est très difficile à identifier dans la vie réelle. Ses
hypothèses restrictives sont également à l’origine d’autres critiques qui ont
conduit à l’apparition de modèles alternatifs qui représentent des extensions du
modèle de base. Nous en citons le modèle à beta neutre, celui supposant un taux
d’emprunt et un taux de prêt différents et le modèle supposant des anticipations
hétérogènes.

■ Les modèles multifactoriels


Parmi les extensions du MEDAF, le modèle d’évaluation des prix par arbitrage
suppose que la rentabilité d’un titre ne dépend pas uniquement de sa sensibilité

138
Modèle d’évaluation des actifs financiers et ses extensions  ■  Chapitre 5


au marché, mais qu’elle est fonction de plusieurs facteurs macroéconomiques.
On a alors :
E ( ri ) =   r f +   βi ,1F1 +   βi ,2 F2 + … + βi ,n Fn

Toutefois, le modèle ne définit pas les facteurs à utiliser.


Fama et French ont proposé un modèle à trois facteurs avec le risque systéma-
tique (MKT, market), la taille des entreprises (SMB, Small Minus Big) et leur
rapport valeur comptable/valeur boursière (HML, High Minus Low). Le modèle
prend la forme :
E ( R p,t ) =  α FF
p +   β p, MKT MKTt + β p,SMB SMBt + β p, HML HMLt +   ε p,t

Cahart a étendu ce modèle en incluant également le facteur momentum à 1 an


(UMD, Up Minus Down) :
E ( R p,t ) =  α Cp +   β p, MKT MKTt + β p,SMB SMBt + β p, HML HMLt + β p,UMDUMD +   ε p,t

L’identification des facteurs de risque pertinents est à la base de la gestion


« Smart Beta » aussi appelée « Factor Investing ».

Questions de réflexion
1 ■ Commentdéterminer la rentabilité exigée sur une entreprise non listée sur le
marché ? Le MEDAF s’appliquera-t-il dans ce cas ?
2 ■ Un alpha de Jensen significativement positif implique-t-il nécessairement
que l’alpha de Fama-French et l’alpha de Fama-French-Cahart soient égale-
ment significativement positifs ?
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(solutions sur le site www.dunod.com)

139
Chapitre
Les styles
6 de gestion

OBJECTIFS
 L’objectif de ce chapitre est de présenter les différents styles de gestion et leurs
implications potentielles sur le portefeuille de l’investisseur.
 La gestion passive et la gestion active, les stratégies de smart beta et de gestion
alternative seront définies et expliquées afin que le lecteur puisse mieux les
appréhender et les comparer.
 Plus l’investisseur pense que les marchés sont efficients, plus il se tournera vers
la gestion passive ou les stratégies de smart beta. À l’inverse, celui qui ne croit
pas en l’efficience des marchés sera davantage tenté par des stratégies de ges-
tion active ou alternative.

SOMMAIRE
Section 1 G
 estion active et gestion passive
Section 2 Gestion smart beta
Section 3 Gestion alternative : les hedge funds
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

Q
uand il décide de placer son argent en bourse, l’investisseur fait face à une
multitude d’offres de la part des gérants de portefeuille. Chacun met en
avant la valeur ajoutée que peut apporter son style de gestion pour le porte-
feuille de l’investisseur  : Gestion Active, Passive, Alternative, Stratégies Valeur,
Croissance, Haut Rendement, ISR, Momentum, ou autres Multi-facteurs... Alors
comment choisir parmi une si large gamme ? À travers ce chapitre, nous nous effor-
cerons de décrire les différentes approches de la gestion de portefeuille, ainsi que les
principales stratégies couramment utilisées sur les marchés. Pour cela, nous com-
mencerons par décrire et comparer la gestion active et la gestion passive dans une
première partie. Dans un second temps, nous aborderons la gestion dite «  Smart
Beta ». Enfin, nous terminerons ce chapitre avec une présentation de la gestion alter-
native et des principales stratégies employées par les hedge funds.

Section
1 GESTION ACTIVE ET GESTION PASSIVE

1 Gestion active
1.1  Un objectif : la surperformance
La gestion active a pour vocation de « battre le marché », c’est-à-dire de générer
de la surperformance par rapport à l’indice de référence (le «  benchmark  »). Par
opposition au gérant passif, qui vise simplement à répliquer la performance d’un
benchmark, le gérant actif analyse le marché afin d’en anticiper les mouvements et
de sélectionner ses investissements.
Pour que cette gestion soit performante, il faut que les analystes soient en
mesure d’identifier quels investissements vont les mieux ou les moins performer
qu’il s’agisse d’une action, d’une industrie ou d’une économie entière. Cela néces-
site d’avoir accès à une meilleure information, un bon timing et des analyses de
qualité. En conséquence, les frais associés à une stratégie active sont généralement
supérieurs à ceux associés à la gestion passive car il faut supporter ces coûts
d’analyse ainsi que les frais de transaction additionnels. Ceux-ci peuvent être
relativement élevés, pour certains actifs comme l’immobilier ou le capital inves-
tissement, les frais de transaction sont même exprimés en pourcentage de la valeur
de l’actif, et sur les actions, ils dépendent largement du nombre et des volumes de
transactions.
Logiquement, plus le marché est efficient, plus il est difficile de le battre de
manière constante avec une gestion active et inversement, plus le marché est ineffi-

142
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

cient, plus la gestion active peut apporter de la valeur à travers le stock picking et/ou
le market timing, deux compétences primordiales pour les gérants. Nous allons
simplement les introduire ici, et nous les approfondirons dans le chapitre 8.

1.2  Stock picking


C’est l’achat d’actifs supposés surperformer le marché, et la vente (voire la vente
à découvert) d’actifs supposés sous-performer le marché. Ces décisions peuvent être
prises sur la base d’une analyse fondamentale, quantitative et/ou technique.
–– Analyse fondamentale : une revue détaillée des états financiers et de l’information
publique disponible sur la société ainsi que des échanges avec la direction de l’entre-
prise afin d’en déterminer sa valeur (qui sera ensuite comparée à son prix sur le
marché).
–– Analyse quantitative : la recherche de configurations qui ont historiquement conduit
à une surperformance. Cela peut se faire à travers des indicateurs de sentiment de
marché, de situation économique, ou d’autres types tant qu’ils ont un pouvoir
prédictif.
–– Analyse technique : l’utilisation des graphiques boursiers pour analyser les prix et
les volumes et en déduire la direction à venir du cours de l’actif.

1.3  Market timing


C’est le fait d’ajuster l’exposition du portefeuille en fonction des anticipations des
mouvements de marchés faites par le gérant. Souvent ces anticipations se basent sur
des analyses macro-économiques ou des outils de valorisation comme le CAPE ou
le Fed Model par exemple.
–– Le CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings Ratio) proposé en 19981 par le profes-
seur Campbell et le prix Nobel d’économie Robert Schiller consiste à comparer le prix
de l’indice boursier de référence aux États-Unis, le S&P 500, avec la moyenne de ses
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

bénéfices corrigés de l’inflation sur les dix dernières années. En utilisant une moyenne
sur dix ans plutôt que les seuls bénéfices actuels, ce ratio permet de réduire l’effet
cyclique associé aux fluctuations. Le CAPE est souvent présenté comme le meilleur
modèle de prévision de la rentabilité des actions. Historiquement, un faible ratio est
associé avec de fortes rentabilités futures, et à l’inverse, les crises majeures de 1929,
2000 et 2007 étaient précédées d’un ratio CAPE élevé.
–– Le FED model 2 qui compare le ratio Bénéfice/Cours (bénéfice divisé par le cours des
actions) aux rendements des obligations du trésor américain à dix ans. Il s’agit d’un

1.  Campbell, Shiller (1998). « Valuation Ratios and the Long-Run Stock Market Outlook », Journal of Portfolio
Management, vol. 24, no. 2, pp. 11-26.
2.  La réserve fédérale américaine n’a jamais approuvé officiellement ce modèle, elle a simplement publié un
graphique s’y référant. Le nom de Fed Model a été donné par des professionnels de l’investissement.

143
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

modèle très simple de valorisation relative selon lequel lorsque le ratio Bénéfice/Cours
des actions est supérieur au rendement des obligations, les investisseurs ont intérêt à
allouer davantage aux actions plutôt qu’aux obligations, et inversement, désinvestir les
marchés actions lorsque leur rendement est inférieur à celui des obligations.

1.4  Quid de la valeur ajoutée de la gestion active ?


La valeur ajoutée de la gestion active est un sujet qui fait débat. Logiquement, tous
les portefeuilles gérés activement ne peuvent pas surperformer le marché, puisque la
somme agrégée de toutes les performances des portefeuilles est égale à la perfor-
mance du marché (diminuée des frais perçus par les gérants). Certains surperfor-
ment, d’autres sous-performent, mais tous chargent des frais de gestion, en général
supérieurs à ceux de la gestion passive et qui viennent à long terme amputer une
partie significative de la performance du portefeuille. En tenant compte de ces frais
et de leur impact à long terme, de nombreuses études ont mis en exergue la généra-
lisation de la ­sous-performance de la gestion active par rapport aux indices de réfé-
rences. La plus récente, intitulée « SPIVA Europe Scorecard » a été publiée par S&P
en octobre 2016, nous reprenons ses principales conclusions dans le « Focus» ci-
dessous.
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Actions
Actions Actions Actions Actions Marchés Actions
France Eurozone Europe U.S. émergen Monde
ts
1 an 55,8 67,5 57,43 93,53 64,38 87,94
3 ans 68,94 86,27 72,61 95,81 90,41 94,81
5 ans 80,23 85,93 79,93 99,11 89,06 96,72
10 ans 85,86 91,28 87,47 99,15 96,65 98,33
1 an 3 ans 5 ans 10 ans
Source : SPIVA® Europe Scorecard, S&P Dow Jones Indices

Figure 6.1 – Pourcentage de fonds actions européens libellés


en euros battus par leur benchmark1

1.  S&P France BMI est l’indice de référence retenu pour les actions France, le S&P Eurozone BMI pour les
actions Eurozone, le S&P Europe 350 pour les actions Europe, le S&P 500 pour les actions U.S., le S&P/IFCI pour
les actions Marchés émergents et le S&P Global 1200 pour les actions Monde.

144
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

c Focus
La valeur ajoutée de la gestion en question
La première partie de l’année 2016 a été market timing pour surperformer l’indice.
particulièrement volatile pour les indices Or, la récente étude menée par S&P, la
boursiers à travers le monde. Si on prend « SPIVA Europe Scorecard », nous montre
l’exemple du CAC 40, il a commencé que ça n’a pas été le cas. Ses conclusions
l’année autour des 4 500 points, avant de sont sans appel.
passer sous les 3 900 en février sur fond 1. Les fonds d’actions gérés activement
d’inquiétudes liées à la croissance libellés en euros ont majoritairement
chinoise et au ralentissement de sous-performé leur benchmark sur tous
l’économie mondiale. Il remonte ensuite les horizons de temps étudiés (1, 3, 5,
au-dessus des 4 500 points en avril, puis et 10 ans).
repasse brièvement sous les 4  000 suite 2. Quelle que soit la catégorie d’actions,
au référendum britannique sur la sortie du plus la durée d’observation augmente,
Royaume-Uni de l’Union Européenne. Au plus la sous-performance tend à se
final, il résiste bien au référendum italien, généraliser.
et à l’élection inattendue de Donald 3. L’idée largement établie, selon laquelle
Trump à la maison blanche, et terminera la gestion active serait plus efficace
l’année dans le positif au-dessus des dans les marchés moins efficients
4 850. Une année très volatile donc ! comme les marchés émergents, ne se
C’est justement dans ce contexte, dans un vérifie pas dans la pratique avec près
environnement incertain et avec un marché de 97  % des gérants « Marchés
volatil, que les gérants devraient tirer profit émergents » qui sous-performent
de leur capacité de stock picking et de l’indice de référence à 10 ans.

Face à ces performances trop souvent décevantes, la gestion active traditionnelle


tend à perdre peu à peu des parts de marché au profit de la gestion passive indicielle.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

D’autant plus que ces dernières années, l’offre s’est considérablement étoffée. Avec
le développement fulgurant des ETF (Exchange Traded Funds ou trackers en fran-
çais) il est aujourd’hui possible d’investir à faibles coûts sur une multitude d’indices
nationaux, internationaux, sectoriels, actions, obligations, et matières premières à
travers le monde.

2 Gestion passive
2.1  Un objectif : la réplication
La gestion passive a pour vocation de répliquer un indice (benchmark) avec une
erreur de suivi (tracking error) la plus faible possible. Pour cela plusieurs méthodes
de réplication sont possibles :

145
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

–– La réplication pure : pour cela, le fonds achète tous les actifs constituant l’indice
en respectant ses proportions. Par exemple, il investira dans les 40 entreprises faisant
partie du CAC 40 en pondérant ses investissements par la capitalisation boursière
flottante de ses entreprises. Ainsi, la rentabilité du fonds sera en ligne avec celle de
l’indice.
–– La réplication par échantillonnage (sampling replication) : les indices très grands
comme le Wilshire 5000 aux États-Unis peuvent être relativement chers à répliquer
vu le nombre élevé d’actions le composant et les entrées et sorties régulières. Dans
ce cas, une réplication par échantillonnage peut être envisagée. Cela consiste à sélec-
tionner une partie suffisamment représentative des actions composant un indice.
L’avantage est dans la réduction des coûts de transaction, l’inconvénient est dans
l’augmentation de l’erreur de suivi.
–– La réplication par optimisation : cette méthode consiste à identifier les facteurs de
risques explicatifs du comportement d’un panier d’actions, ou d’un indice et de
construire un portefeuille ayant les mêmes sensibilités. Notons que pour cela, on ne
sélectionne pas nécessairement les mêmes valeurs que l’indice.
–– La réplication synthétique : la réplication synthétique se fait à travers des contrats
à termes ou des asset swaps, elle est notamment très utilisée pour répliquer les
indices de matières premières. Si la méthode est relativement simple, elle a néan-
moins quelques inconvénients : d’abord, il faut qu’un contrat à terme existe sur le
sous-jacent en question, sinon il faudra le créer sur mesure avec une contrepartie.
Ensuite, il peut y avoir des écarts momentanés entre la valeur du contrat à terme et
celle du sous-jacent. Enfin, après chaque expiration des contrats, il faut renouveler
les positions et donc acquitter des frais supplémentaires.

c Focus
Gestion passive = Aucune transaction ?
Même si on parle de gestion passive, 3. Même les fonds indiciels pondérés par
quelques transactions sont nécessaires : la capitalisation boursière doivent
1. les cash flows (comme le versement de rebalancer après une fusion ou une
dividendes, les coupons, les versements acquisition.
ou retraits des investisseurs) nécessitent 4. Enfin, lors des reconstitutions de
l’achat ou la vente de titre. l’indice, certains titres doivent être
2. S’il s’agit de répliquer un indice achetés et d’autres doivent être vendus
équipondéré « equal weighted », les (cf. tableau ci-dessous sur les entrées
titres qui se sont appréciés doivent être et sorties du CAC 40 au cours de la
vendus et inversement, les titres qui se période 2006-2016).
sont dépréciés doivent être achetés
pour maintenir régulièrement l’équi­
pondération du portefeuille.

146
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

Quelle que soit la méthode utilisée, aucune analyse financière n’est nécessaire, et
ce type de gestion est en grande partie automatisé. En conséquence, les frais associés
à la gestion passive sont bien moindres que ceux de la gestion active. En contrepar-
tie, l’espérance de rentabilité est capée à celle de l’indice diminuée de ces frais.

Tableau 6.1 – Les entrées/sorties du CAC 40 depuis 10 ans


Année Entrées Sorties
2016 Sodexo Alstom
Nokia Alcatel-Lucent (rachat par Nokia)
2015 Klépierre EDF
Peugeot Gemalto
2014 Valeo Vallourec
2013 Alcatel-Lucent STMicroelectronics
2012 Solvay Peugeot
Gemalto Alcatel-Lucent
2011 Safran Natixis
Legrand Suez Environnement
2010 Natixis Dexia
Publicis Lagardère
2009 Technip Air-France KLM
2008 Suez Environnement Suez (fusion avec GDF)
2007 Air-France KLM AGF
Unibail Thomson
2006 Alstom Thales
Vallourec Publicis

2.2 Gestion passive vs gestion active : quelles implications


pour l’investisseur ?
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Si les performances de la gestion active sont souvent en dessous de celles des


indices de référence, notamment à cause des frais prélevés par les gérants, le recours
systématique à la gestion passive peut avoir des implications néfastes sur les mar-
chés et pour les investisseurs.
En effet, la gestion passive amplifie le risque systémique en surpondérant les
sociétés dont la capitalisation boursière augmente et en sous-pondérant les sociétés
dont la capitalisation diminue. Ce biais intrinsèque peut conduire à un risque de
concentration accrue avec des conséquences pour l’investisseur : surexposition aux
valeurs technologiques en 2000, et aux valeurs bancaires en 2007 par exemple. Quel
que soit son avis sur les valeurs en portefeuille, le gérant passif est contraint
­d’investir sur tous les titres en respectant les proportions de l’indice de référence, il
a un effet « amplificateur », on dit qu’il est « preneur de prix ».

147
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

Autrement dit, en se basant principalement sur les capitalisations boursières plutôt


que sur d’autres métriques de valorisation plus pertinentes, la gestion passive tend à
surpondérer des titres déjà chers et à sous-pondérer des titres bon-marchés. Cela
peut se ressentir sur la performance. Pour illustrer ce point, nous présentons dans le
graphique suivant le MSCI World, indice pondéré par la capitalisation boursière, et
le MSCI World Equal Weighted qui comme son nom l’indique, pondère les titres de
manière équitable. Sur le long terme, la performance du MSCI World est bien infé-
rieure à celle du MSCI World Equal Weighted.
300

250

200

150

100

50

0
Apr-02
Dec-00
Aug-01

Dec-02
Aug-03
Apr-04
Dec-04
Aug-05
Apr-06
Dec-06
Aug-07
Apr-08
Dec-08
Aug-09
Apr-10
Dec-10
Aug-11
Apr-12
Dec-12
Aug-13
Apr-14
Dec-14
Aug-15
Apr-16
Dec-16
MSCI World Equal Weighted MSCI World (Standard)
Source : MSCI

Figure 6.2 – Performances comparées du MSCI World (Standard) et du MSCI


World Equal Weighted en base 100 au 31 décembre 2000 (en euros)

À l’inverse, en investissant non pas nécessairement dans les sociétés qui ont eu les
meilleures performances dans le passé, mais dans celles qui sont supposées avoir les
meilleures performances à l’avenir, la gestion active doit permettre une répartition
efficiente des capitaux sur les marchés, et a un effet « stabilisateur » sur les marchés.
Ainsi, le gérant actif est « faiseur de prix ».
Pour autant, les performances nettes de frais demeurent trop souvent décevantes.
Alors que faire ? Opter pour la gestion active et espérer investir auprès du prochain
Warren Buffet1 quitte à prendre le risque d’être déçus par un gérant « moyen » ?
Choisir la gestion passive pour réduire les frais mais abandonner toute idée de sur-
performance ? En réalité, il existe une troisième voie à mi-chemin entre la gestion
active et la gestion passive, il s’agit de la gestion dite « Smart Beta ».

1.  Warren Buffet est un célèbre investisseur américain, gérant du fonds d’investissement Berkshire Hathaway qui
a connu un taux de croissance annuel composé de +21 % pendant les 50 premières années qu’il a passé à gérer le
fonds.

148
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

Section
2 GESTION SMART BETA

La gestion « Smart Beta1» consiste en une gestion systématique qui vise à capturer
une prime de risque de marché (comme la gestion active) de manière transparente
en suivant des règles d’investissement connues et définies à l’avance (comme la
gestion passive).

Gestion
Gestion Passive Gestion Active
Smart Beta

Figure 6.3 – Entre gestion passive et gestion active, la gestion Smart Beta

Certaines stratégies sont axées vers la recherche de rentabilité, tandis que d’autres
sont davantage tournées vers la réduction du risque.

1 Stratégies axées vers la recherche de rentabilité

Au sein des stratégies de rentabilité, nous pouvons distinguer d’une part les stratégies
« Cœur » qui sont les plus couramment utilisées (typiquement Valeur et Croissance), et
les stratégies thématiques qui visent à exploiter un biais particulier du marché (comme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’effet Momentum ou la surperformance des Small Caps par exemple).

1.1  Stratégies « Cœur »

■■  Stratégies Valeur (Value)


La gestion « Valeur » consiste à acheter des titres dont la valeur est momentané-
ment décotée, et à les vendre dès qu’elle franchit un seuil correspondant à sa juste
valeur selon l’objectif fixé par le gérant. Afin d’identifier ces titres, les gérants font
appel à des techniques d’analyses fondamentales basées par exemple sur des ratios
de valorisation du prix de marché/résultat net, de rendement du dividende, ou de
rapport entre la valeur comptable et la valeur de marché de la société.

1.  Les auteurs tiennent à remercier Julien Barral, spécialiste actions chez bfinance pour toute son aide et son
expertise sur la gestion Smart Beta.

149
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

Une gestion Smart Beta Valeur consistera alors à mettre en portefeuille systémati-
quement les actions qui remplissent des conditions de valorisation spécifiques et
définies à l’avance comme par exemple, un faible PER (Price Earnings Ratio),
c’est-à-dire un faible prix de marché par rapport aux bénéfices d’une société. En
procédant de manière systématique plutôt que suite à une analyse fondamentale du
gérant, la gestion Smart Beta offre à moindre coût une exposition à la prime de
risque Valeur.

■■  Stratégies Croissance (Growth)


La gestion «  Croissance  » se concentre, elle, sur la sélection de titres ayant un
potentiel de croissance futur important non pris en compte dans le prix actuel. Cette
gestion privilégie les titres qui offrent une importante visibilité sur leur développe-
ment futur. Cette croissance peut être de type organique ou externe par le biais
d’acquisitions. Les métriques les plus suivies ici sont la croissance des résultats et
des ventes à court, moyen et long terme.
Là aussi, une gestion Smart Beta Croissance systématise le travail d’un gérant
actif traditionnel.

1.2  Stratégies « Thématiques »

■■  Stratégies Momentum


Stratégies visant à acheter les actions dont le cours s’est apprécié sur la période
récente (pouvant aller de quelques jours à plusieurs mois) afin de miser sur une
continuation du mouvement.

■■  Stratégies à haut rendement (du dividende)


Stratégies ciblant un taux de dividende supérieur à l’indice de référence. Ces stra-
tégies incluent parfois une exposition à la croissance des dividendes. Certains biais
sectoriels sont possibles. Par exemple, historiquement les banques et les sociétés de
consommation courante ont été des distributeurs importants de dividendes.

■■  Stratégies à thématique responsable


Stratégies incluant une dimension ISR (Investissement Socialement Responsable)
lors de l’analyse des sociétés. L’intégration de critères ESG (Environnementaux,
Sociaux et de Gouvernance) peut se faire de différentes manières : soit par exclu-
sion, avec un filtrage final des actions des secteurs tabac, alcool, jeu ou armement
par exemple, soit par inclusion avec un filtrage initial au moment de la construction
de portefeuille. Ce groupe peut inclure des stratégies généralistes ou des stratégies
plus ciblées, « Climat » par exemple.

150
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

■■  Stratégies dédiées aux petites capitalisations


Stratégies conçues pour profiter d’une exposition aux small caps (petites capitali-
sations) car elles tendent à surperformer les plus grandes capitalisations boursières
sur le long terme.

2 Stratégies axées vers la réduction du risque

Les stratégies de réduction du risque se découpent en trois groupes dont deux


ayant des objectifs similaires (Minimum Variance, low volatility d’une part et Risk
Parity, Maximum Diversification d’autre part). Le dernier segment (Multi-
Facteurs) peut, par ailleurs, inclure des éléments de réduction de volatilité des
deux premiers.

■■  Minimum variance et faible volatilité (low volatility)


Les stratégies de type minimum variance et faible volatilité (low volatility) sont
très proches en termes de couple rendement/risque. En revanche, il y a quelques
différences sur le processus d’investissement suivi, le type de sociétés recherchées
ainsi que potentiellement le taux de rotation.
Les stratégies Minimum Variance ont pour objectif de construire le portefeuille
ayant la volatilité la plus faible (historique et/ou espérée) grâce à un processus
d’optimisation. Ces stratégies ont généralement un socle quantitatif/systématique
important.
Les stratégies Faible Volatilité (Low Volatility) auront pour objectif de construire
le portefeuille ayant une volatilité plus faible que l’indice en sélectionnant les titres
ayant délivré une volatilité faible dans le passé ou ayant un profil de rendement et
un bénéfice stable.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

■■  Risk parity et Maximum diversification


Ce groupement de stratégie a pour objectif de diversifier le risque de porte-
feuille, c’est-à-dire pondérer les titres en fonction de leur contribution au risque et
ainsi éviter une concentration du risque sur quelques titres. Plusieurs variantes
existent sur ce segment qui diffère principalement sur la définition du risque. Ces
stratégies sont néanmoins très comparables entre elles car elles ont un objectif
similaire.
La gestion en Risk Parity (ou ERC pour « Equal Risk Contribution ») cherche à
égaliser la contribution au risque absolue de chaque titre dans le portefeuille.
Processus pur quantitatif qui trouve ces origines dans les stratégies multi-classes,
beaucoup de gérants de ce domaine ont en effet une expérience plus large que sur
les seules actions.

151
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

Maximum Diversification a pour objectif de maximiser la diversification du porte-


feuille par rapport à un indice conventionnel. La stratégie s’appuie sur un socle de
recherche académique qui a démontré les bénéfices liés à la diversification par rap-
port aux indices de marché. Par exemple, dans un indice pondéré par la capitalisa-
tion boursière, plus une société prend de la valeur en bourse, plus son poids dans
l’indice est important et inversement, plus une société perd de la valeur, moins son
poids est grand. Une stratégie dite Maximum Diversification va au contraire sous-
pondérer les actions qui surperforment et surpondérer les actions qui sous-perfor-
ment afin d’apporter de la diversification par rapport à l’indice tout en restant dans
le même univers d’investissement.

■■  Stratégies multi-facteurs


Stratégies ciblant différents facteurs de risque permettant de sélectionner les titres en
portefeuille. Les facteurs de risque incluent en général ceux présentés précédemment :
Valeur, Croissance, Momentum, Haut rendement, Faible Volatilité. Stratégies qui sont
principalement systématiques mais reposent aussi sur les données fondamentales des
sociétés ainsi que des modèles quantitatifs. La proportion de chaque facteur dans le
processus varie suivant les stratégies mais reste en général stable au cours du temps.

3 Analyse des performances en zone euro

Afin de présenter l’intérêt que peut avoir le Smart Beta par rapport à la simple
gestion indicielle, nous avons représenté dans les graphiques ci-dessous la surper-
formance des différentes stratégies par rapport à leur niveau de tracking error sur un
horizon long terme de 7 ans, puis leur profil de rentabilité/risque, ainsi que leur
drawdown et niveau de corrélation en Europe.

3.1  Rentabilité / Risque


Les stratégies Valeur, Haut Rendement et Maximum Diversification n’apportent
pas ou peu de surperformance, tandis que les stratégies ERC, Multi-facteurs et
Thématiques Responsable surperforment légèrement l’indice avec une tracking
error moindre. Les stratégies Minimum Variance, Croissance, Petites Capitalisations
et Momemtum ont, quant à elles, une tracking error plus élevée et une surperfor-
mance plus importante.
La figure 6.5 présente l’ensemble des stratégies sur une base « absolue ». L’indice
étant représenté en gris, cette vue fait ressortir la réduction du risque offerte par ces
stratégies. Sauf pour ERC, et Valeur, toutes les stratégies de Smart Beta présentées
ici font mieux que l’indice de référence européen, à la fois en termes de risque et de
performance.

152
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

Source : bfinance
Calculée par rapport à l’indice Euro Stoxx 50 à fin Septembre 2016 en euros.

Figure 6.4 – Surperformance et tracking error des stratégies


par rapport à l’Euro Stoxx 50
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Source : bfinance
Données à fin Septembre 2016 en euros.

Figure 6.5 – Profil de Rentabilité/Risque des stratégies


et des indices de référence en Europe
153
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

3.2  Drawdown

Tableau 6.2 – Maximum drawdown des stratégies (en %)


Stratégies / Indice 1 an 3 ans 5 ans 7 ans
Croissance -12,84 -12,84 -12,84 -20,53

ERC -11,93 -13,05 -13,05 -21,99

Euro Stoxx -14,41 -15,64 -15,64 -25,32

Haut Rendement -12,07 -12,07 -15,24 -28,34

Maximum Diversification -13,81 -19,36 -19,36 -21,63

Minimum Variance   -9,44   -9,44   -9,44 -16,13

Momentum   -9,36   -9,36   -9,36 -21,76

Multi-facteurs -11,17 -11,29 -11,29 -23,22

Petites capitalisations   -9,98   -9,98 -10,51 -27,37

Thématique responsable -10,19 -11,45 -11,51 -23,68

Valeur -16,76 -21,22 -21,22 -31,95

Données à fin Septembre 2016 en Euro


Source : bfinance

L’analyse du drawdown 7 ans met en évidence la protection offerte par les straté-
gies plus défensives (Minimum Variance, Maximum Diversification). Les stratégies
Valeur et Haut Rendement étant pénalisées par leur grande allocation sur les finan-
cières dont les valorisations ont fortement chuté ces dernières années, ces stratégies
ont les drawdowns les plus importants.

3.3  Corrélation
Le tableau 6.3 permet d’étudier les corrélations de la surperformance de chacune
de ces stratégies par rapport à l’indice de référence. Les coefficients vont de -0,97
entre les stratégies Valeur et Croissance, à +0,86 entre Momentum et Croissance.
Ces résultats ne sont pas surprenants dans la mesure où 1) les stratégies Valeur et
Croissance sont fondamentalement différentes (par construction), 2) un chevau-
chement entre Momentum et Croissance est attendu puisque les perspectives de
croissance des sociétés viennent naturellement alimenter leur momentum en
bourse.
Toutes ces stratégies sont donc complémentaires. Certaines surperforment quand
d’autres sous-performent. Chacune d’entre elles est construite pour exploiter un
biais particulier de marché, pas pour générer une performance absolue. Cet objectif-
là est celui de la gestion alternative.

154
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Tableau 6.3 – Corrélation de la surperformance des stratégies par rapport à l’Euro Stoxx 50
Stratégies / Minimum Haut Petites Thématique Maximum
Croissance Valeur ERC Momentum Multifacteurs
Indice Variance rendement Capitalisations responsable Diversification

Croissance 1,00

Valeur -0,97 1,00

Minimum
0,54 -0,52 1,00
Variance

Haut
-0,35 0,35 0,40 1,00
Rendement

Petites
0,12 -0,21 0,00 -0,21 1,00
capitalisations

Thématique
0,40 -0,41 0,39 -0,08 -0,01 1,00
responsable

ERC 0,62 -0,62 0,73 0,06 0,41 0,33 1,00

Maximum
0,43 -0,39 0,65 0,20 0,23 0,03 0,66 1,00
Diversification

Momentum 0,86 -0,85 0,54 -0,30 0,17 0,34 0,59 0,46 1,00

Multi-facteurs 0,59 0,70 0,00 0,61 0,28 0,79 0,64 0,75 1,00
-0,62

Données à fin Septembre 2016 en Euro, contre l’Euro Stoxx


Source : bfinance

155
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

Section
3 GESTION ALTERNATIVE : LES HEDGE FUNDS

Depuis qu’Alfred Winslow Jones a écrit l’article « Fashion in Forecasting » pour


le magazine Fortune en 1949, et a par la suite créé le premier hedge fund dans les
années 1950, l’industrie des hedge funds a connu des hauts et des bas, mais dans
l’ensemble, elle a eu une croissance considérable des actifs sous gestion. Selon le
Preqin Global Hedge Funds Report de 2016, il y aurait plus de 15 000 hedge funds
dans le monde, gérant plus de 3 000 milliards de dollars. Des acteurs de poids pour
la gestion de portefeuille !
Parmi les raisons expliquant cette croissance, on peut citer la supposée faible cor-
rélation des hedge funds avec les actifs traditionnels (les hedge funds peuvent servir
de poche de diversification), leur rentabilité potentiellement élevées (souvent en
utilisant l’effet de levier), et la flexibilité de leurs stratégies d’investissements (ils
peuvent à la fois acheter des actifs, et en vendre d’autres à découvert pour se « hed-
ger »). Ces stratégies d’investissement peuvent être très différentes d’un hedge fund
à l’autre, mais ces derniers ont généralement un certain nombre de caractéristiques
en commun.

1 Caractéristiques des hedge funds

Une première manière de présenter les hedge funds est de les comparer aux
fonds d’investissement traditionnels. On note alors plusieurs différences
majeures :
–– Objectif de performance : la plupart des fonds traditionnels actifs ont un objectif
de surperformance fixé par rapport à un indice de référence, tandis que les hedge
funds ont vocation à générer une performance positive quelles que soient les condi-
tions de marché. Pour cela, ils font largement appel à des produits dérivés, et à la
vente à découvert si nécessaire.
–– Effet de levier : les hedge funds ont majoritairement recours à l’effet de levier pour
maximiser leur performance alors que cette utilisation est généralement réduite chez
les fonds d’investissement traditionnels (car l’effet de levier augmente aussi méca-
niquement les risques pris par rapport au capital initial).
––Liquidité : alors que les fonds d’investissement traditionnels ont le plus sou-
vent une liquidité quotidienne, les hedge funds imposent généralement une
lock-up period, c’est-à-dire une période de quelques mois à quelques années
pendant laquelle l’investisseur ne peut pas retirer son argent (ou alors pourra
le faire mais avec des frais largement dissuasifs), et cela afin de pouvoir
déployer au mieux les investissements sans avoir à se soucier des ventes for-
cées engendrées par des retraits de capital. Aussi, une fois cette lock-up period

156
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

passée, les investisseurs qui souhaitent retirer leur argent du fonds devront
également respecter une notice period, c’est-à-dire un préavis pouvant aller de
quelques jours à quelques mois, afin que le gérant puisse désinvestir dans les
meilleures conditions.
–– Opacité : les hedge funds cherchant à profiter d’anomalies de marché, ils ne sou-
haitent pas communiquer sur le détail de leurs opérations et de leurs stratégies
d’investissement. Cela afin d’éviter que d’autres gérants exploitent leurs idées et
viennent alors réduire une partie de leur gain en exploitant la même stratégie. Ainsi,
les informations émanant des hedge funds sont parcimonieuses alors qu’elles sont
relativement denses et obligatoires pour les gérants traditionnels.
–– Structure de rémunération : ce point a bien souvent un impact significatif sur la
performance du portefeuille. La structure classique prend la forme de 1 à 2 % de
frais de gestion (management fees) portant sur le total de l’actif sous gestion, et de
10 à 20 % de commissions de surperformance (incentive fees) portant sur les profits
générés par le fonds. Pour protéger les intérêts des investisseurs, il y a aussi généra-
lement un hurdle rate, c’est-à-dire un taux de rentabilité minimum exigé au-dessous
duquel le gérant ne prélèvera pas d’incentive fees, et une high-water mark pour
s’assurer que les frais ne sont payés au gérant qu’une fois que le fonds génère véri-
tablement de la performance additionnelle pour ses investisseurs. Prenons un
exemple pour mieux comprendre :
Valeur liquidative

b a

b a

High-water mark

1 2 3
Années
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 6.6 – Illustration de la structure de rémunération d’un hedge funds

Dans le cas présenté dans la figure 6.6, l’incentive fee sera payée sur la perfor-
mance “a” s’il n’y a pas d’hurdle rate, ou sur “b” s’il y a un hurdle rate. Les frais
de gestion, quant à eux, sont calculés sur la base de l’actif total, quelle que soit la
performance du fonds.
–– Investissement personnel du gérant : alors qu’il ne s’applique généralement pas
aux fonds traditionnels (bien que rien ne l’interdit), un investissement significatif du
gérant est une pratique courante dans la gestion alternative. C’est un bon moyen
pour limiter les prises de risque excessives et, là encore, aligner les intérêts du gérant
et ceux des investisseurs.

157
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

2 Stratégies des hedge funds

Les stratégies des hedge funds sont en constante évolution. Il n’existe aujourd’hui
aucune classification officielle, chaque fournisseur de données a sa propre nomen-
clature. Toutefois, pour cet ouvrage, nous retiendrons trois catégories principales :
les stratégies non-directionnelles (ou relative value), les stratégies directionnelles, et
les stratégies de situations spéciales (event driven).

Tableau 6.4 – Stratégies des hedge funds


Non-directionnelles Directionnelles Situations spéciales
Equity Market Neutral Long/Short Fusions-Acquisitions

Arbitrage Fixed Income Global macro Restructurations/Faillites

Arbitrage Obligations Convertibles Marchés émergents Activisme

Arbitrage de Volatilité

2.1  Stratégies non-directionnelles (relative value)


Dans les stratégies dites «  non-directionnelles  », le gérant prend une position à
l’achat sur un actif et dans le même temps, vend à découvert un actif similaire pour
couvrir (« hedger ») les risques liés aux mouvements des marchés. En fonction du
type d’actif traité, on retrouve plusieurs stratégies dans cette catégorie.

■■  Equity Market Neutral


Cette stratégie vise à acheter une action idéalement sous-évaluée par le marché et
vendre à découvert une autre action surévaluée dans le même temps. Pour « neutra-
liser » les risques associés aux mouvements des marchés, il faut que le beta de la
position acheteuse soit « annulé » par le beta de la position vendeuse. La taille des
positions est donc ajustée en conséquence pour que le beta global du portefeuille soit
en permanence proche de 0. Nous verrons un exemple détaillé de cette stratégie dans
le chapitre 8.

■■  Arbitrage Fixed Income


Ici le gérant cherche à exploiter des anomalies potentielles sur les spreads obliga-
taires. Les arbitrages peuvent porter sur la structure de la courbe des taux (achat
d’obligations long terme, et vente d’obligations court terme ou inversement en fonc-
tion des anticipations), sur les MBS (Mortgage Backed Securities), sur la structure
de capital ou la qualité de crédit des émetteurs (achat d’obligations juniors subor-
données et vente d’obligations seniors mieux notées ou inversement).

158
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

■■  Arbitrage sur obligations convertibles


C’est généralement l’achat de l’obligation convertible (qui est souvent sous valo-
risée par le marché à cause de sa complexité et de sa faible liquidité), et dans le
même temps, la vente à découvert de l’action de la société émettrice. Ce type de
stratégie profite d’une prime de risque de complexité, car la valorisation d’une obli-
gation convertible dépend d’une multitude de facteurs liés à la fois à sa composante
obligataire (taux, coupon, maturité, liquidité, qualité de crédit…) et à sa composante
optionnelle (évolution du marché, hypothèse de volatilité…).

■■  Arbitrage de volatilité


Cette stratégie a recours aux produits dérivés et notamment aux options pour
prendre des paris non pas sur la direction de l’actif sous-jacent, mais sur la hausse
ou la baisse de sa volatilité.

2.2  Stratégies directionnelles


Comme leur nom l’indique, les stratégies directionnelles visent à profiter des paris
directionnels pris selon les anticipations des gérants.

■■  Long/Short
La stratégie « long/short » était celle employée par le tout premier hedge fund géré
par Jones au début des années 1950 aux USA. Elle consiste à investir dans des
actions dont la valeur devrait s’apprécier, et en même temps, vendre à découvert
d’autres actions dont la valeur devrait diminuer à l’avenir. Les critères de sélection
pour l’achat ou la vente reposent sur des approches fondamentales (Valeur,
Croissance, Blend1…) et/ou techniques (Momemtum par exemple). Toutefois, à la
différence des stratégies «  Market neutral  », la gestion long/short ne cherche pas
nécessairement à avoir un beta proche de 0 en permanence. Au contraire, le gérant
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ajuste ses positions en fonction de ses anticipations. Ainsi, s’il anticipe un marché
haussier, il augmentera le beta de son portefeuille, et inversement, s’il anticipe un
marché baissier, il diminuera son beta.

■■  Global Macro


Les gérants «  Global Macro  » analysent les grandes tendances macro-écono-
miques et prennent des positions sur le marché ayant le meilleur potentiel selon leurs
anticipations qu’il s’agisse des marchés d’actions, d’obligations, de devises ou de
matières premières. Ces anticipations peuvent être formulées de manière subjective

1.  Blend est un terme anglo-saxon signifiant : mélange. Ici, un mélange entre les approches fondamentales Valeur
et Croissance.

159
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

par un gérant discrétionnaire ou peuvent résulter du modèle mathématique d’un


gérant systématique. Généralement la gestion discrétionnaire a un horizon d’inves-
tissement plus long que la gestion systématique qui cherche davantage à exploiter
des anomalies de marché à court terme, voire très court terme s’il s’agit de trading
à haute fréquence.

■■  Marchés émergents


Certains hedge funds se spécialisent sur les marchés émergents, des marchés plus
volatiles que les marchés développés, mais également plus rémunérateurs sur le long
terme comme le montre la figure ci-dessous.
400

350

300

250

200

150

100

50

0
Jun-02

Jun-11
Dec-00
Sep-01

Mar-03
Dec-03
Sep-04
Jun-05
Mar-06
Dec-06
Sep-07
Jun-08
Mar-09
Dec-09
Sep-10

Mar-12
Dec-12
Sep-13
Jun-14
Mar-15
Dec-15
Sep-16
MSCI World (Standard) MSCI Emerging Markets (Standard)

Figure 6.7 – Performances comparées du MSCI World (Standard) et du MSCI


Emerging markets en base 100 au 31 décembre 2000 (en euros)

2.3  Stratégies de situations spéciales


Ces stratégies cherchent à profiter d’événements spéciaux qui peuvent arriver
au cours de la vie d’une entreprise : recapitalisation, restructuration, procédure
de faillite, introduction en bourse, fusions, acquisitions… En se concentrant sur
des événements spécifiques plutôt que sur la direction générale du marché, la
performance de ces stratégies est supposée être décorrélée de celle des marchés,
toutefois en pratique, ces événements sont liés à la situation économique géné-
rale : en période de récession, les taux de défaut explosent et les restructurations/
faillites sont nombreuses alors que l’activité de fusions/acquisitions tend à se
ralentir. À l’inverse, quand les marchés sont élevés, et que la croissance est forte,
les restructurations sont plus rares, alors que les fusions/acquisitions et introduc-
tions en bourse sont plus nombreuses. Nous distinguons ici trois sous catégories
de stratégies.

160
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

■■  Fusions/Acquisitions
Cette stratégie consiste à acheter les actions de la société cible tout en vendant à
découvert les actions de la société acquéreuse car pour que le deal aboutisse, cette
dernière devra généralement payer une prime aux actionnaires de la société cible par
rapport à sa valeur de marché. En conséquence, l’action de la société acquéreuse
diminue, et celle de la société cible s’apprécie. À l’inverse, si pour une raison ou
pour une autre la fusion/acquisition n’aboutit pas, les prix reviennent rapidement à
leurs niveaux de préannonce. L’incertitude associée à ce genre de transaction est
donc une source d’opportunités pour le gérant. Il ne cherche pas à anticiper l’an-
nonce de l’OPA, car c’est très compliqué à moins d’avoir des informations d’initiés,
et dans ce cas, il est interdit de les exploiter. La valeur ajoutée du gérant repose
davantage sur sa capacité à sélectionner les deals qui aboutiront, et à savoir quand
prendre et déboucler une position.

■■  Restructurations/Faillites
Gérants spécialisés dans le rachat de titres de sociétés en situation de détresse,
voire au bord de la faillite car, dans ce cas, leurs titres (actions et/ou obligations)
s’échangent bien souvent avec une forte décote par rapport à leur valeur intrinsèque.
Ces stratégies peuvent s’avérer très rentables, mais sont par nature peu liquides.

■■  Activisme
Stratégie qui consiste à acheter suffisamment d’actions d’une société pour pouvoir
s’impliquer et peser dans les décisions, influencer la gouvernance afin de maximiser
la valeur de la société.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

161
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

6.1 Calcul des frais de gestion


Le hedge fund ABC a un capital initial de 500 millions d’euros. À la fin de la première
année, l’actif du fonds est passé à 700 millions d’euros brut de frais, mais a chuté à
650 millions brut de frais à la fin de la seconde année. La structure des frais est de
1 % de frais de gestion, et 10 % de commissions de surperformance avec un hurdle
rate à 5 %.
Les frais de gestion et la commission de surperformance sont calculés indépen-
damment en se basant sur les valeurs d’actifs de fin d’année.
Calculer pour les deux années :
––les frais chargés par ABC ;
––la rentabilité nette pour les investisseurs.

6.2 Beta et rentabilité d’un portefeuille long/short


YYY est un hedge fund long/short. Au début de l’année, le hedge fund a 150 % de
son portefeuille investi dans un tracker – exchange-traded fund (ETF) – qui réplique
passivement l’exposition au secteur industriel du S&P 500. Dans le même temps,
le gérant d’YYY a établi une position courte de 100 % de son portefeuille dans un
tracker qui réplique passivement l’exposition au secteur santé du S&P 500.
1.  En supposant que l’indice de référence soit le S&P 500, que le beta du tracker
industriel soit de 1,18, et que le beta du tracker santé soit de 0,81, calculez le beta
moyen de ce portefeuille long/short.
2.  Pour la première année, la rentabilité du tracker industriel a été de 10 % alors que
la rentabilité du tracker santé a été de -5 %. Calculez la rentabilité du portefeuille
long/short précédant en ignorant les frais de gestion, les coûts de transactions et
les intérêts versés sur le cash.
3.  En supposant maintenant que la rentabilité du tracker industriel soit de -8 % et
celle du tracker santé de 8 %, calculez la rentabilité du portefeuille en ignorant
les frais de gestion, les coûts de transactions et les intérêts versés sur le cash.

6.3 R
 entabilité et risque d’une stratégie
sur les fusions/acquisitions
BBB SA vient juste d’annoncer son intention de fusionner/racheter CCC SA en
offrant une action de BBB SA pour 3 actions de CCC SA. Avant l’annonce de rachat,
l’action de BBB SA s’échangeait à 62 €, et celle de CCC SA à 18 €. Après l’annonce,

162
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

BBB SA s’échange à 60 € et CCC SA à 19 €. Répondez aux questions suivantes en


ignorant les frais de transactions, les dividendes, et les intérêts :
1 ■ Est-ce qu’un arbitrage est possible ? Et si oui, quel le gain potentiel ?
2 ■ Quelle est la perte potentielle si le deal ne se fait pas et que les actions
retournent à leur niveau de prix d’avant l’annonce ?

6.4 Identification des stratégies


Considérons quatre gérants différents : DEF, GHI, JKL et MNO.
––DEF suit une approche contrarienne et utilise des métriques de valorisation (ratio
Valeur comptable/Valeur de marché, Cours/Bénéfice…) pour identifier des sociétés
sous-évaluées par le marché.
––GHI cherche à répliquer la performance et le risque de son indice de référence.
––JKL investit systématiquement dans les sociétés dont le cours de l’action s’est
apprécié sur les 10 derniers mois afin de miser sur une continuation du mouvement.
––Enfin, MNO achète des actions dont il pense que la valorisation va s’apprécier
dans les prochains mois, et dans le même temps, vend à découvert des actions
dont il pense que le cours va chuter. MNO construit son portefeuille de manière à
maintenir constamment un beta global proche de 0.
  Quel style de gestion est employé par chacun de ces quatre gérants ?
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163
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

6.1 Calcul des frais de gestion


Première année
1. Les frais d’ABC :
Frais de gestion = 1 % × 700 m€ = 7 m€
Commissions de surperformance = 10 % × (700 m€ - (500 m€ × 1,05)) = 17,5 m€
Total des frais = 7 m€ + 17,5 m€ = 24,5 m€
2. Valeur nette du fonds maintenant 700 m€ - 24,5 m€ = 675,5 m€, donc la renta­
bilité nette pour l’investisseur est de (675,5 m€ - 500 m€) / 500 m€ = +35,1 %.
Deuxième année
1. Les frais d’ABC :
Frais de gestion = 1 % × 650 m€ = 6,5 m€
Commissions de surperformance = L’actif du fonds passe de 675,5 m€ à 650 m€,
donc pas de commission de surperformance.
Total des frais = 6,5 m€.
2. Valeur nette du fonds maintenant 650 m€ - 6,5 m€ = 643,5 m€, donc la rentabilité
nette pour l’investisseur est de (643,5 m€ - 675,5 m€) / 675,5 m€ = -4,74 %.

6.2 Beta et rentabilité d’un portefeuille long/short


1. Le beta du portefeuille est de (150 % × 1,18) - (100 % × 0,81) = 0,96.
2. Dans ce cas, les deux positions ont été profitables. La rentabilité du portefeuille
est de (150 % × 10 %) + (-100 % × -5 %) = 10 %.
3. Ici, les deux paris ont été perdants. La rentabilité du portefeuille est de (150 % ×
-8 %) + (-100 % × 8 %) = -20 %.

6.3 R
 entabilité et risque d’une stratégie
sur les fusions/acquisitions
1. Si le deal se fait, le gain potentiel de l’arbitrage serait de : 60 € - (3 × 19 €) = 3 €
pour chaque action de BBB contre 3 actions CCC.
2. Si le deal ne se fait pas, la perte serait alors de (62 € – 60 €) + 3 × (19 € - 18 €)
= 5 € pour chaque action de BBB contre 3 actions CCC.

164
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6

6.4 Identification des stratégies


1. DEF est un gérant traditionnel Valeur.
2. GHI est un gérant indiciel.
3. JKL applique une stratégie de Smart Beta Momentum.
4. MNO est un gérant de hedge fund Equity Market Neutral.
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165
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion

L’ESSENTIEL
■ Gestion passive
La gestion passive a pour objectif de répliquer un indice de référence. Pour cela,
plusieurs techniques de réplication sont possibles.
– Réplication pure
– Réplication par échantillonnage
– Réplication par optimisation
– Réplication synthétique

■ Gestion active
La gestion active a pour objectif de battre un indice de référence. Dans ce but, le
gérant utilise ses compétences en stock picking et en market timing.
– Le stock picking, c’est la capacité à sélectionner des investissements qui sur-
performent ;
– Le market timing, c’est la capacité d’ajuster l’exposition du portefeuille en
fonction des anticipations des mouvements de marchés.
À long terme, la plupart des gérants actifs n’arrivent pas à battre leur indice de
référence.

■ Gestion passive vs gestion active


Caractéristiques Gestion passive Gestion Active
Objectif de gestion Répliquer l’indice Battre l’indice
Frais Généralement moins élevés que Généralement plus élevés que pour la
pour la gestion active gestion passive
Tracking error Faible Potentiellement fort
Potentiel de hausse supérieure Non Oui
à l’indice
Potentiel de baisse supérieure Oui, après prise en compte des Oui
à l’indice frais
Impact sur les marchés Effet amplificateur Effet stabilisateur

■ Gestion Smart Beta


La gestion « Smart Beta » est une gestion automatisée qui vise à capturer une
prime de risque de marché de manière transparente.

166
Les styles de gestion  ■  Chapitre 6


Certaines stratégies sont axées vers la recherche de rentabilité, tandis que
d’autres sont davantage tournées vers la réduction du risque.

■ Stratégies de rentabilité
– Valeur
– Croissance
– Momentum
– Haut rendement
– Thématique responsable (ISR)
– Petites capitalisations

■ Stratégies de réduction du risque


– Minimum variance et faible volatilité
– Risk parity et maximum diversification
– Stratégies multi-facteurs

■ Gestion Alternative vs gestion active traditionnelle

Caractéristiques Hedge Funds Fonds traditionnels


Objectif de gestion Performance absolue Performance relative (battre l’indice)
Investisseurs autorisés Accrédités, HNWI1 Tout type
Investissement minimum Elevé Faible
Information obligatoire Très limitée Très détaillée
Utilisation de la vente à Illimitée Non autorisée ou limitée
découvert
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Utilisation de l’effet de Illimitée Non autorisée ou limitée


levier
Utilisation des produits Illimitée Non autorisée ou limitée
dérivés
Investissement du gérant Significatif Rare
Rémunération du gérant Frais de gestion et commission de Frais de gestion et rarement
performance commission de performance
Liquidité Limitée Quotidienne
Publicité Interdite Autorisée

1.  HNWI est l’acronyme américain de High Net Worth Individual, qui signifie en français : individus ­fortunés.

167
Chapitre 6  ■  Les styles de gestion


■ Stratégies non-directionnelles
– Equity Market neutral
– Arbitrage Fixed Income
– Arbitrage d’obligations convertibles

■ Stratégies directionnelles
– Long/Short
– Global macro
– Marchés émergents

■ Stratégies non-directionnelles
– Arbitrage Fusions-Acquisitions
– Restructurations/Faillites
– Activisme

Questions de réflexion
1 ■ Alorsque la plupart des fonds actifs sous-performent à long terme leur indice
de référence, pourquoi cette gestion représente-t-elle plus de 2/3 des encours
sous gestion ?
2 ■ La gestion active est-elle un jeu à somme nulle ?
3 ■ Les facteurs de risque qu’exploite la gestion Smart Beta sont-ils toujours
profitables ?
4 ■ La structure de rémunération des hedge funds permet-elle un véritable aligne-
ment des intérêts entre le gérant et les investisseurs ?
(solutions sur le site www.dunod.com)

168
Chapitre
Market timing et
7 Stock picking

OBJECTIFS
 Par rapport au chapitre précédent qui présentait les différents styles de gestion,
celui-ci se concentre sur la gestion active.
 Quand acheter ? Quand vendre ? Quoi acheter ? Quoi vendre ? L’objectif ici est
d’apporter une réponse à ces questions.
 Pour cela, le lecteur découvrira deux modèles de market timing pour répondre
aux deux premières questions, et deux modèles de stock picking pour répondre
aux deux dernières questions.

SOMMAIRE
Section 1 Market timing
Section 2 Stock picking
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

L es marchés sont-ils sous-évalués ou surévalués? Voilà une question persistante,


de longue date et à laquelle les professionnels de la gestion d’actifs tentent de
répondre au quotidien. Cette question est de la plus haute importance étant don-
nées ces implications considérables en termes d’investissements. Une manière de
déterminer si le marché est relativement cher ou pas est d’utiliser des modèles de
market timing comme le modèle dit « de la FED » (Réserve Fédérale Américaine),
ou le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings) proposé par le prix Nobel
d’économie 2013 Robert Shiller. Nous étudierons ces deux modèles, leurs avan-
tages et leurs limites dans une première partie consacrée au market timing.
Ensuite, si le market timing répond à la question «  Quand investir sur les mar-
chés ? », le stock picking répond à la question « Sur quoi investir ? », une autre
problématique majeure pour la gestion d’actifs. Pour cela, nous examinerons
alors les principales méthodes de stock picking, en se basant sur l’analyse fonda-
mentale (méthodes du DCF, en anglais Discounted Cash Flow, et des compa-
rables).

Section
1 MARKET TIMING

L’objectif premier du market timing est de prédire la direction du marché afin


d’acheter et vendre au bon moment. Certains pensent que c’est impossible (d’où le
développement de la gestion passive et du smart beta, cf. chapitre 6), alors que les
gérants d’actifs y croient fermement et essaient constamment de «  battre le mar-
ché  ». Pour cela, ils utilisent des modèles comme ceux que nous allons présenter
ci-dessous. En tout cas, il semble qu’aucune technique ne soit infaillible, ce qui a
marché hier peut échouer demain. En bourse, peut-être encore plus que dans d’autres
domaines, il est bon de rappeler que « les performances passées ne préjugent pas des
performances futures ».

1 Le modèle de la FED

Bien qu’il n’ait jamais été officiellement reconnu par la réserve fédérale améri-
caine, ce modèle a été dévoilé au grand public suite à la publication du rapport
Humphrey-Hawkins1 de la FED en juillet 1997 (cf. figure 7.1).

1. https://www.federalreserve.gov/boarddocs/hh/1997/july/reportsection2.htm

170
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

Equity Valuation and long-Term Interest Rate


Percent

Monthly

14

Ten-year Treasury note yield


10

6
S&P 500 earnings–price ratio
July

2
1982 1987 1992 1997
Note: Earnings–price ratio is based on the I/B/E/S inter-
national, Inc., consensus estimate of earnings over the coming
twelve months. All observations reflect prices at mid-month.

Figure 7.1 – Première illustration du modèle de la FED

« Les variations de ce ratio (Cours/Bénéfices du S&P 500) ont souvent été inversement
liées aux variations sur les taux à 10 ans des obligations du trésor américain, mais
l’appréciation boursière de cette année ne s’est pas accompagnée d’une baisse signifi-
cative des taux d’intérêt. Par conséquent, le taux américain à 10 ans est maintenant
supérieur au rendement des bénéfices attendus à 12 mois, avec le plus grand différentiel
observé depuis 1991, quand les bénéfices étaient affectés par le ralentissement écono-
mique. »
Source : Rapport « Humphrey-Hawkins » de la FED, 1997
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ainsi, le modèle dit « de la FED » peut être utilisé comme un outil de valorisa-
tion pour aider les investisseurs dans leurs choix d’allocation entre actions et
obligations. Ce modèle repose sur l’hypothèse que le rendement des bénéfices
attendus (Bénéfices/Cours) du marché action et la rentabilité des obligations à
long terme doivent être égaux, sinon les investisseurs arbitreront en faveur de
l’actif le plus rentable. Dans son interprétation la plus stricte, le modèle prend la
forme suivante :
E1
= 10Y
P0
Avec :
–– E1 = Bénéfices attendus
–– P0 = Prix (du S&P 500)
––10Y = Rentabilité des obligations du trésor américain à 10 ans

171
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

Exemple – Modèle de la FED


Fin juillet 2000, au moment de l’explosion de la bulle Internet, le S&P 500 cotait 1 518
points, le rendement des bénéfices attendus sur l’indice était de 4,22 %, et le taux des obli-
gations du trésor américain à 10 ans était de 6,04 %. De combien était surévalué le marché
action par rapport aux obligations selon le modèle de la FED ?

Solution :
On a :
E1
= 4,22 % et 10Y = 6,04 %
P0
Soit E1 = 4,22 % × P0 et nous devons déterminer le prix futur théorique P1 tel que,
à bénéfices constants :
E1
= 10Y = 6,04 %
P1
Pour cela, on pose :
4,22 % ×   P0
6,04 % =  
P1
D’où :
P1 ×  6,04 % = P0 ×  4,22 %
6,04 %
P0 = ×   P1
4,22 %

P0 = 1,43  P1

Le marché était donc surévalué d’approximativement (1,43 – 1) = 43 % par rapport à son


prix d’équilibre P1. Par la suite, il a d’ailleurs entamé une forte baisse de la mi-2000 à l’été
2002, perdant plus de 45 % de sa valeur à 815 points en près de 2 ans.

La grande simplicité de ce modèle est à la fois sa force et sa faiblesse. Il a l’avan-


tage d’être très intuitif mais a l’inconvénient d’être trop simpliste. Sans prétendre à
l’exhaustivité, nous allons en lister plusieurs raisons :
–– Il suppose que nous pouvons directement comparer le flux des dividendes issus des
actions (en termes réels) et le flux de revenus issus des obligations (en termes
nominaux).
–– Il suppose que le ratio de distribution du dividende est de 100 %, c’est-à-dire que
tous les bénéfices sont distribués aux actionnaires sous forme de dividende.
Toutefois, en réalité ce ratio évolue actuellement autour de 30  %, et le reste des
bénéfices est investi ou mis en réserve.
–– Il suppose qu’il n’y a pas de prime de risque pour compenser la détention d’actions
pourtant plus risquées par rapport aux obligations souveraines à long terme. Or, en
pratique, les investisseurs exigent une rémunération supplémentaire pour le risque
additionnel qu’ils prennent sur les actions (cf. chapitre 5).

172
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

Si les rendements des bénéfices attendus et la rentabilité des obligations du tré-


sor américain à 10 ans ont effectivement évolué en tandem des années 1980
jusqu’au début du 21e siècle (cf. figure 7.1 ci-dessus), cette corrélation semble
avoir cédé ces dernières années avec un ratio Bénéfices attendus/Cours systémati-
quement supérieur à la rentabilité des obligations depuis la mi-2002 (cf. figure 7.2
ci-dessous).

10 2500
9
8 2000
7
6 1500
5
4 1000
3
2 500
1
0 0

1/1/2011
11/1/2001

12/1/2011

10/1/2013

8/1/2015
9/1/2003

9/1/2014
4/1/1997
3/1/1998
2/1/1999
1/1/2000
12/1/2000

10/1/2002

8/1/2004
7/1/2005
6/1/2006
5/1/2007
4/1/2008
3/1/2009
2/1/2010

7/1/2016
11/1/2012
S&P 500 (droite) S&P forward earnings yields (gauche) US 10Y (gauche)

Figure 7.2 – Taux, rendement des bénéfices et S&P500

En conséquence, le modèle indique que depuis cette date, les actions sont large-
ment sous-évaluées par rapport aux obligations. Par exemple, en septembre 2007,
avec un ratio Bénéfices attendus/Cours à 6,19 % sur le S&P 500 et un taux américain
à 10 ans à 4,59 %, le modèle voyait le marché action sous-évalué de 26 % ... juste
avant la crise des subprimes dans laquelle le marché a perdu près de 50 % de sa
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valeur en moins de deux ans !


D’autres modèles de market timing ne comparent pas la rentabilité des actions par
rapport aux obligations, mais s’intéressent à leur relative cherté par rapport à leurs
bénéfices dans le temps. C’est le cas notamment du CAPE.

2 Le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings)

Le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings) est une mesure développée
en 19981 par le prix Nobel d’économie 2013, professeur d’université de Yale, Robert

1. Campbell, and Shiller (1998), “Valuation Ratios and the Long-Run Stock Market Outlook.”, Journal of
Portfolio Management.

173
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

Shiller et son ex-collègue, le professeur John Campbell (maintenant à Harvard).


Cette mesure représente l’indice boursier (en l’occurrence le S&P 500) en prix réel
(ajusté de l’inflation) divisé par la moyenne des résultats sur 10 ans (également ajus-
tés de l’inflation). En utilisant une moyenne de 10 ans, le CAPE atténue la partie
purement cyclique des variations de résultats liées au cycle économique. Il est donc
particulièrement utile pour comparer les valorisations boursières sur le long terme-
alors que le ratio Cours/Bénéfices traditionnel (en anglais, PER Price-to-Earnings
Ratio) est plus volatile et sensible au cycle économique. Le ratio CAPE est souvent
présenté comme un des meilleurs modèles de prévisions à long terme (Siegel,
2016)1.
Nous allons justement voir les avantages et les inconvénients d’utiliser cet indica-
teur comme un outil de market timing, puis nous examinerons le lien entre le CAPE
et les rentabilités boursières attendues à travers l’exemple du marché américain.

2.1  Ses avantages


Historiquement, des faibles niveaux de CAPE (en dessous de 10) ont été suivis par
des rentabilités boursières élevées, et inversement, des niveaux de valorisations éle-
vées (CAPE au-dessus de 25), ont généralement mené à des rentabilités boursières
plus faibles, voire une augmentation du risque de krach boursier. Par exemple, le
CAPE a bien prévenu, dans les années 1929, 2000 et 2007 que le marché américain
était relativement cher (avec des valeurs de CAPE supérieures à 25, largement au-
dessus de sa moyenne de 15,2 pour le 20e siècle) et les marchés ont très fortement
chuté par la suite.
Ainsi, en tant qu’indicateur mean reverting (c’est-à-dire, qui a tendance à revenir
à sa moyenne), le CAPE peut être utile dans un monde où les investisseurs oublient
parfois que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Les deux graphiques suivants
représentent le S&P 500 et les valeurs du CAPE depuis 1900. Les lignes claires et
foncées reliant les deux graphiques correspondent à 11 points d’inflexion majeurs
du marché. En règle générale, elles sont associées soit avec de faibles valeurs de
CAPE suivies de marchés haussiers (lignes pleines), soit de fortes valeurs de CAPE
suivies de marchés baissiers (lignes en pointillés).
Toutefois, on peut noter que le CAPE est resté relativement élevé ces deux der-
nières décennies. Par exemple, il est proche de 29 à la fin du premier trimestre 2017,
et jusqu’à maintenant, sa moyenne du xxie siècle est de 25,4, un niveau supérieur de
67 % par rapport à sa moyenne de 15,2 au xxe siècle. Dans ce contexte, après l’écla-
tement de la bulle Internet en 2000 (suite à un niveau de CAPE record à 44,2 en
décembre 1999), le marché a rebondi en février 2003 malgré un CAPE encore rela-
tivement élevé à 21,2.

1.  Siegel. (2016). “The Shiller CAPE Ratio : A New Look”, Financial Analysts Journal.

174
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

1000
S&P 500 (logarithmic scale)

100

10

1
1904 1909 1914 1919 1924 1929 1934 1939 1944 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014
45
35
25
CAPE

15
5 CAPE CAPE moyenne depuis 1900
–5 1904 1909 1914 1919 1924 1929 1934 1939 1944 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014

Source : Site internet de R.Shiller et calculs des auteurs

Figure 7.3 – S&P 500 et CAPE depuis 1900

Les prix du S&P 500 et les niveaux de CAPE associés avec 11 points d’inflexion
majeurs du marché sont présentés dans le tableau 7.1 ci-dessous.

Tableau 7.1 – S&P 500 et CAPE aux points d’inflexion du marché


Aout Sep. Juin Fév. Avril Jan. Déc. Aout Fév. Oct. Mar.
1921 1929 1932 1937 1942 1966 1974 2000 2003 2007 2009
CAPE 5,2 32,6 5,6 22,2 8,5 24 8,3 42,9 21,2 27,3 13,3

S&P 500 6,45 31,30 4,77 18,11 7,84 93,32 67,07 1485,46 837,03 1539,66 757,13
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Phase de
marché sui-           
vante

Comme on peut le voir dans le tableau 7.1 ci-dessus, il y a une forte corrélation
entre le CAPE et les points de retournement du marché. La plupart des marchés
haussiers ont été précédés par de faibles valeurs de CAPE, et inversement, les mar-
chés baissiers ont suivi des mesures de CAPE élevées.
De la même manière, la figure 7.4 montre les rentabilités cumulées sur les 10 pro­
chaines années par rapport aux niveaux de CAPE. Ici encore, le coefficient négatif
de la pente confirme que des valeurs de CAPE élevées peuvent être considérées
comme un signal potentiellement alarmant pour les investisseurs, alors que des
faibles valeurs de CAPE représentent potentiellement des points d’entrées attrayants
et des opportunités à long terme.

175
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

400%

350%

300%
Rentabilité cumulée sur 10 ans

250%

200%

150%

100%

50%

0%
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

–50%
y = –0.0517x + 1.5977
R = 0.15204
–100%
CAPE

Source : Site internet de R. Shiller et calculs des auteurs

Figure 7.4 – Rentabilités cumulées sur 10 ans en fonction du CAPE

Pour toutes ces raisons, le CAPE semble être une métrique utile pour valoriser les
marchés. Cependant, s’il est une chose de valoriser le marché, il en est autre de le
« timer » correctement.

2.2  Ses limites


En effet, quand il s’agit de market timing, l’efficacité de CAPE est largement dis-
cutable. Avec une moyenne de résultats ajustée de l’inflation sur 10 ans proche des
81,55 dollars pour le S&P 500, et des niveaux minimum et maximum historiques de
CAPE respectivement de 4,8 (en décembre 1920) et 44,2 (en décembre 1999), simu-
ler les valeurs de S&P 500 correspondantes, à bénéfices réels constants, conduirait
à un indice aussi bas que (81,55$ × 4,8 = ) 391,4 points ou aussi haut que (81,55$ ×
44,2 = ) 3 604,5 points. Un intervalle aussi large rend difficile, si ce n’est impossible,
de timer le marché en utilisant seulement le CAPE.
Aussi, à court terme, il n’y a pas de relation claire entre le CAPE et la rentabilité
cumulée à 1 an (cf. figure 7.5 ci-contre). Comme Robert Shiller le reconnait lui-même,
le « CAPE n’a jamais eu vocation à indiquer exactement quand acheter ou vendre ».
Parfois, un long laps de temps peut s’écouler avant que le marché ne revienne à
ses niveaux de CAPE moyens. Par exemple, depuis le début du xxie siècle, le CAPE
a passé seulement 9 mois (sur 207 à la fin mars 2017) en-dessous de sa moyenne

176
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

150%

100%

50%
Rentabilité cumulée sur 1 an

0%
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

y = –0.0051x + 0.1454
R = 0.03143

–50%

–100%
CAPE
Source : Site internet de R. Shiller et calculs des auteurs

Figure 7.5 – Rentabilités cumulées sur 1 an en fonction du CAPE

historique de 16,7 (de janvier 18811 à mars 2017). Dans de tels cas, le CAPE a été
un très mauvais indicateur de market timing, et traduire aveuglement le ratio en
signaux d’achat ou de vente aurait été catastrophique pour les investisseurs.
Aussi, comme Siegel (2016) l’a montré, un autre biais du CAPE est lié aux chan-
gements de méthode de calcul des bénéfices depuis le début des années 1990.
L’adoption de la comptabilité « marked-to-market » par le FASB (Financial
Accounting Standards Boards) a impacté la manière avec laquelle les bénéfices sont
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

calculés avec les normes US GAAP (Generally Accepted Accounting Principles).


Ces nouvelles méthodes ont conduit à un biais baissier sur les résultats pendant les
périodes de crises financières, où les actifs sont dépréciés, et où des pertes impor-
tantes sont potentiellement concentrées sur quelques sociétés du secteur financier.
Cela conduit mécaniquement à une augmentation du CAPE, et donc, à une baisse
des rentabilités prévisionnelles sur les actions.
Enfin, c’est peut-être à la fois une force et une faiblesse, mais le CAPE ne tient
pas compte de l’environnement actuel du marché. Alors que les politiques ultra-
accommodantes des banques centrales, les taux faibles, voire négatifs, les marges
historiquement élevées et la promesse des baisses d’impôts soutiennent la valorisa-
tion des actions aux États-Unis, le CAPE reste insensible à ces conditions et à l’effet
TINA (en anglais, There Is No Alternative) qui emmènent actuellement les marchés
US vers de nouveaux plus hauts.

1.  Cette date correspond à l’historique le plus lointain disponible.


177
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

Ayant vu les principaux avantages et inconvénients du CAPE, nous allons mainte-


nant étudier la valorisation du marché américain comme un cas pratique.

2.3  Valorisation des marchés avec le CAPE : le cas des États-Unis


Le graphique suivant représente l’indice américain de référence, le S&P
500 (échelle logarithmique à gauche), et le ratio CAPE avec quelques-unes de ses
moyennes historiques : depuis 1900, et août 1987 (nomination d’Alan Greenspan à
la tête de la FED), ainsi que sur les xxe et xxie siècles (échelle de droite).
50

1000 45

40

35
S&P 500 (échelle logarithmique)

100 30

CAPE
25

20

10 15

10

1 0
1904 1909 1914 1919 1924 1929 1934 1939 1944 1949 1954 1959 1964 1969 1974 1979 1984 1989 1994 1999 2004 2009 2014

S&P 500 (Gauche) CAPE (Droite) CAPE moy. depuis 1900 (Droite)

CAPE moy. depuis août 1987 (Droite) CAPE moy. 20e siècle (Droite) CAPE moy. 21e siècle (Droite)

Source : Site internet de R. Shiller et calculs des auteurs

Figure 7.6 – S&P 500 et valeurs de CAPE depuis 1900

De plus, pour mettre davantage en perspective la valorisation actuelle, le tableau 7.2


ci-dessous fournit une comparaison du niveau actuel du CAPE : 29 (en mars 2017)
avec ces différentes moyennes historiques.

Tableau 7.2 – Moyennes historiques du CAPE vs valorisation actuelle


Moy. depuis Moy. depuis Moy. Moy.
1900 août 1987 20ème siècle 21ème siècle
CAPE 16,7 24,6 15,2 25,4

( 29 − 16, 7) ( 29 − 24, 6) ( 29 − 15, 2) ( 29 − 15, 2)


= = = =
Valorisation relative 16, 7 24, 6 15, 2 15, 2
+74 % +18 % +91 % +14 %

Source : Site internet de R. Shiller et calculs des auteurs

178
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

En fonction de la période sélectionnée pour faire la comparaison à long terme, les


investisseurs peuvent considérer soit que le marché américain est très largement
surévalué (de 74 % à 91 %), soit qu’il est au-dessus de ses standards historiques de
14  % à 18  %. Ainsi, choisir quel horizon de temps est le plus approprié est une
question primordiale mais subjective. Comme Siegel le dit : « Quand on dit ‘suréva-
lué par rapport à l’historique’, nous devons nous demander si cette période est
comme l’historique ? ».
À notre sens, utiliser une moyenne à long terme incluant la grande dépression, la
Première et la Seconde Guerre mondiale ainsi que la guerre froide est inapproprié
car les conditions de marchés sont totalement différentes aujourd’hui. C’est pour-
quoi nous proposons de retenir août 1987 comme date de début pour les comparai-
sons historiques puisque qu’elle correspond à la nomination d’Alan Greenspan
comme président de la Réserve Fédérale Américaine. Selon nous, cette date marque
le début d’une nouvelle ère pour les investisseurs avec le fameux « Greenspan
put »1, conduisant à des valorisations d’actions plus élevées. Sur cette base, le mar-
ché américain est de 18 % au-dessus de ses standards historiques.
Dans tous les cas, identifier une bulle ne nous dit pas quand elle va exploser, et
c’est bien là toute la difficulté du market timing. En conséquence, certains investis-
seurs n’essaient même pas de « timer » le marché, mais se concentrent davantage
sur la sélection des actifs (en anglais, le stock picking) quelles que soient les condi-
tions de marchés.

Section
2 STOCK PICKING

Que ce soit pour ses clients, pour sa firme ou pour lui-même, l’objectif de tout
investisseur est généralement de gagner de l’argent. Pour cela, il valorise les actifs
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dans lesquels il souhaite investir et compare ensuite la valeur estimée avec le prix de
marché. Ensuite, en théorie, le processus est simple : si la valeur est supérieure au
prix, l’actif sera bon marché, et l’investisseur l’achètera ; à l’inverse, si la valeur est
inférieure au prix, l’actif sera supposément trop cher, et l’investisseur vendra ou du
moins, ne l’achètera pas. Comme le dit Warren Buffet, «  le prix est ce que vous
payez, la valeur est ce que vous obtenez ». L’investisseur tirera in fine un bénéfice
de la convergence espérée entre la valeur et le prix de marché sur le long terme.
Toutefois, selon les méthodes et les hypothèses retenues, un même actif peut avoir
des valorisations différentes. Avant d’investir, il convient alors de s’assurer d’une

1.  Le mot « put » fait référence à l’option de vente qui a vocation à protéger un portefeuille contre une baisse du
prix des actifs. L’expression « Greenspan put » conceptualise la réaction de la FED mettant en place une politique
monétaire accommodante suite à un krach boursier, soutenant ainsi les valorisations d’actifs, et limitant l’impact du
krach pour les investisseurs.

179
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

marge de sécurité (en anglais, margin of safety) comme le préconise Benjamin


Graham, le père de l’investissement en valeur, dans son livre L’investisseur intelligent
publié en 1949 mais dont les enseignements sont toujours valables aujourd’hui.
Dans cette partie, nous étudierons, à travers des exemples simples, les deux
méthodes d’analyse fondamentale les plus utilisées en pratique pour estimer la
valeur d’une action : la méthode du DCF (en anglais, Discounted Cash Flow) et la
méthode des comparables (ou multiples en anglais). Nous ne couvrirons pas l’ana-
lyse technique, c’est-à-dire l’étude des graphiques de prix et de volume pour définir
des points d’entrées et de sorties des investissements. Bien que cette méthode puisse
être intéressante, elle ne repose pas sur des fondements théoriques et nous semble
trop subjective pour être présentée ici.

1 L’analyse fondamentale
1.1  La méthode du DCF (Discounted Cash Flow)

■■  La Valeur Actuelle Nette (VAN)


Généralement, un investissement génère des cash flows. Il peut s’agir, par exemple,
de dividendes pour une action, de coupons pour une obligation, ou de loyers pour
un bien immobilier. Selon que ces cash flows soient perçus plus ou moins rapide-
ment va affecter leur valeur. Du fait du taux sans risque, de l’inflation, et des risques
associés aux projets d’investissement, à montant équivalent, un cash flow imminent
a plus de valeur qu’un cash flow lointain. Il convient donc d’utiliser un taux d’actua-
lisation pour déterminer la valeur actuelle de ces cash flows futurs. La formule de la
valeur actuelle nette (VAN) s’écrit :
T
VAN =   ∑CFt (1 + k )− t
t=0

Avec :
–– T = La durée totale de l’investissement
–– CFt = Les cash flows nets pour la période t, c’est-à-dire la différence entre les flux
positifs et les flux négatifs à un moment donné
–– k = Le taux d’actualisation retenu
Comme le premier cash flow est souvent négatif car il correspond au coût d’acqui-
sition de l’investissement, la VAN est parfois présentée ainsi :
T
VAN =   ∑CFt (1 + k )− t − I
t =1

Avec :
–– I = CF0 = Coût de l’investissement initial.

180
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

Quoi qu’il en soit, la règle consiste à investir dans les projets qui ont une VAN
positive, et inversement, ne pas investir dans les projets à VAN nulle ou néga-
tive.

Exemple – La valeur actuelle nette (VAN)


Un investisseur a le choix entre deux projets dont les cash flows sont présentés ci-dessous.
Année 0 1 2 3 4
Projet 1 -200 25 50 75 100
Projet 2 -200 100 75 50 25

Compte tenu du taux sans risque, de l’inflation et des risques associés à ces projets, les
investisseurs demandent un taux d’actualisation de 12 % pour le projet 1 et 8 % pour le
projet 2. Quelle est la Valeur Actuelle Nette (VAN) de ces projets ?
La VAN du projet 1 est de -20,88.
25 50 75 100
VAN projet  1 =   −200 +   +  +  +  =   −20,88
(1 + 12 %)1 (1 + 12 %)2 (1 + 12 %)3 (1 + 12 %)4

Celle du projet 2 est de 14,96.


100 75 50 25
VAN projet  2 =   −200 +   +  +  +  =  14,96
(1 + 8 %)1 (1 + 8 %)2 (1 + 8 %)3 (1 + 8 %)4

Alors que le projet 1 a une VAN négative, le projet 2 a une VAN positive. Toutes choses
égales par ailleurs, l’investisseur choisira donc ce dernier projet.

■■  Le Discounted Cash Flow (DCF)


Quand il s’agit de valoriser une action en bourse, la méthode de la VAN va porter
sur les flux de trésoreries disponibles générés par l’entreprise (en anglais, FCF, free
cash flows). On parle alors de la méthode DCF (en anglais, Discounted Cash Flow)1.
Ici, on actualise les flux de trésorerie disponibles car c’est généralement avec ces
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flux que l’entreprise va rémunérer ses investisseurs, qu’ils soient actionnaires ou


obligataires.
Pour estimer la valeur d’une entreprise avec la méthode du DCF, on suit alors un
processus en plusieurs étapes :
–– Étude en profondeur de l’activité de l’entreprise, prévision des flux de trésorerie
disponibles FTDN sur les N prochaines années, et estimation du taux de croissance
à long terme gFTD, c’est-à-dire le taux auquel les flux de trésorerie de l’entreprise
vont croître au-delà des N prochaines années.

1.  Une alternative au modèle du DCF consiste à utiliser les dividendes (au lieu des flux de trésorerie disponibles),
on parle alors du modèle d’actualisation des dividendes (en anglais, DDM, Dividend Discount Model). Toutefois,
cette méthode étant trop dépendante de la politique de distribution de l’entreprise, elle est relativement peu utilisée
au profit du DCF.

181
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

–– Calcul de la valeur terminale de l’entreprise VN, c’est-à-dire la valeur de l’entreprise


à l’année N en appliquant la formule suivante :
 1 + gFTD 
VN =  ×   FTDN
 rCMPC − gFTD 
Avec :
–– gFTD = Taux de croissance à long terme des Flux de Trésorerie Disponibles
–– rCMPC = Coût moyen pondéré du capital (CMPC)
–– FTDN = Flux de Trésorerie de l’entreprise à l’année N
Cela revient à prendre le dernier flux de trésorerie disponible (à l’année N), à
l’augmenter du taux de croissance à long terme gFTD et à le diviser par la différence
entre le taux d’actualisation (le coût moyen pondéré du capital rCMPC) et le taux de
croissance à long terme gFTD.
–– Calcul de la valeur totale de l’entreprise V0 en actualisant les flux de trésorerie des
N prochaines années et sa valeur terminale au coût moyen pondéré du capital rCMPC,
c’est-à-dire au taux moyen auquel l’entreprise rémunère ces investisseurs obliga-
taires et actionnaires.

V0 =  
FTD1
+
FTD2 … +   FTDN + VN  
2 +
(1 + rCMPC ) (1 + rCMPC ) (1 + rCMPC )N
–– Soustraire à la valeur de l’entreprise V0, la valeur de sa dette nette (c’est-à-dire le
solde entre sa dette financière et ses disponibilités et placements financiers).
–– Calcul du prix d’une action en divisant la valeur nette de l’entreprise par le nombre
d’actions disponibles aujourd’hui.
(V0 − Dette   nette0 )
P0 =
Nombre   d ’actions   disponibles0
Pour mieux comprendre, nous allons maintenant illustrer ce processus avec un
exemple.

Exemple – La méthode du DCF (Discounted Cash Flow)


Un analyste estime que l’entreprise ABC va générer les flux de trésorerie disponibles sui-
vants :

Année 2018 2019 2020 2021 2022


FTD
150 165 181 200 220
(en millions €)

Par ailleurs, à partir de 2022, il estime que la croissance sera de 3  %. Le coût moyen
pondéré du capital est de 9 %. L’entreprise est endettée à hauteur de 350 millions d’euros
et a 100 millions d’actions. Quel serait le prix d’une action d’ABC selon la méthode du
DCF ?

182
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

On a :
150 165 181 200 220 + VN
V0 =   + 2
+ 3
+ 4
+   
(1 + 9 %) (1 + 9 %) (1 + 9 %) (1 + 9 %) (1 + 9 %)5

Avec :

VN = ( 9%1 +−33%% ) × 220 = 3776,67


D’où :
V0 = 3155,50
Et :
(V0 − Dette   nette0 ) ( 3155,50 − 350 )
P0 = = = 28,06 euros
Nombre   d ’actions   disponibles0 100

Une action d’ABC est donc valorisée à 28,06 euros.

Cette méthode est largement dépendante des calculs et des hypothèses faites par
l’analyste quant aux projections de cash flows, au taux de croissance à long terme, et
au coût moyen pondéré du capital. Logiquement, une baisse du CMPC, et une hausse
du taux de croissance améliorent la valorisation de l’entreprise et vice versa. Comme
l’illustre le tableau 7.3 ci-dessous, une variation de plus ou moins 1 % dans le gFTD
et le rCMPC peut conduire à des écarts de valorisation allant du simple au double.

Tableau 7.3 – Impact des hypothèses sur la valorisation

rCMPC

8 % 9 % 10 %


2% 29,16 € 24,34 € 20,74 €
gFTD 3% 34,55 € 28,06 € 23,42 €
4% 42,64 € 33,25 € 27,00 €
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En conséquence, le DCF n’est pas adapté pour une start-up ou une biotech dont
les cash flows sont trop incertains. Un écart, même faible, dans les prévisions de
croissance peut fausser complètement leurs valorisations. Par contre, il est plus utile
pour une entreprise sur laquelle on a une bonne visibilité sur les cash flows futurs.
S’il est peu probable d’arriver exactement à son prix du marché, le DCF donne
néanmoins une indication sur le prix raisonnablement attendu, ainsi que sur ses
bornes hautes et basses.
Pour compléter cette approche qui repose largement sur les flux futurs et les hypo-
thèses retenues, une autre méthode consiste à estimer la valorisation actuelle d’une
entreprise ou d’un actif par rapport au prix réel actuel (non hypothétique) d’une
autre entreprise ou d’un autre actif ayant des caractéristiques similaires, c’est la
méthode des comparables.

183
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

1.2  La méthode des comparables


Alors que le DCF cherche à estimer la valeur d’un actif en absolu, la méthode des
comparables est davantage tournée vers une valorisation en relatif. Elle se base sur
la loi du prix unique selon laquelle deux actifs identiques devraient avoir un prix
identique (sinon un arbitrage serait possible). Cette méthode suit un processus en
trois étapes :
1.  Trouver une liste d’entreprises comparables. Idéalement, elles doivent être dans
une étape de développement similaire (en termes de croissance attendue), avoir
un modèle économique proche, une structure de financement et une taille sem-
blables et opérer dans la même industrie (être exposées aux mêmes risques). Pour
ce faire, l’investisseur peut utiliser les différentes classifications comme celles de
Fama et French (49 industry portfolios), la ICB (Industry Classification
Benchmark) développée par Dow Jones et FTSE, ou la GICS (Global Industry
Classification Standard) de Morgan Stanley Capital International et Standard &
Poor’s. Par exemple, cette dernière taxonomie se décline en 4 niveaux : 11 sec-
teurs, 24 groupes industries, 68 industries et 157 sous-industries. Plus on rentre
dans le détail, plus les comparaisons seront pertinentes. La précision de la
méthode dépend en grande partie de l’échantillon retenu.
2.  Identifier les indicateurs de valorisation (ratios clés) et calculer leur valeur
moyenne (et/ou médiane) sur les entreprises comparables. L’utilisation de ratios
permet de corriger en partie les différences d’échelle entre des entreprises de
taille hétérogènes. Plusieurs ratios peuvent être candidats, les plus communs
sont : Cours/Flux de Trésorerie Disponibles par action (en anglais, Price-to-Free
Cash Flows), Cours/Valeur comptable par action (en anglais, Price-to-Book),
Cours/Chiffre d’affaires par action (en anglais, Price-to-Sales), et Cours/
Bénéfices par action (en anglais, PER, Price-to-Earnings Ratio). L’exemple sui-
vant permet de mieux les appréhender.

Exemple – Calculs des ratios de valorisation


Une entreprise a 4 millions d’actions en circulation, et le prix d’une action est de 10 euros.
À partir des informations issues de ses états financiers, calculez ses ratios de Cours/Flux de
Trésorerie Disponibles par action, Cours/Valeur comptable par action, Cours/Chiffre d’af-
faires par action, et Cours/Bénéfices par action.

8 % En millions €
Chiffre d’affaires 30
Flux de trésorerie disponibles 12
Bénéfice net 5
Total actif 50
Valeur comptable des capitaux propres 25

184
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

On a :
10
Cours/Flux de Trésorerie Disponibles = = 3,33
( )
12
4
10
Cours/Valeur comptable  = = 1,6
( )
25
4
10
Cours/Chiffre d’affaires  = = 1,33
( )
30
4
10
Cours/Bénéfices  = =8
() 5
4
Pour savoir si l’entreprise est correctement valorisée, il faut ensuite comparer ces ratios
avec ceux des entreprises similaires dans le même secteur. Si l’entreprise a un ratio Cours/
Bénéfices de 8, et qu’il est de 16 pour ses concurrents, c’est le signe que l’entreprise est,
a priori, faiblement valorisée par rapport aux autres. Alors qu’une action vaut 10 euros sur
le marché, elle devrait valoir 16 fois ses bénéfices par action, soit 16 × (5/4) = 20 euros.

Par ailleurs, en comparant ces ratios avec un groupe de pairs, il est primordial de
s’assurer de l’homogénéité des modes de calcul. Le bénéfice, par exemple, peut être
exprimé sur la dernière année fiscale, sur les douze derniers mois glissants (on parle
alors de trailing PER), ou sur les douze prochains mois (forward PER). Aussi, ce
bénéfice peut être différent selon qu’il soit calculé pour une entreprise américaine
sujette aux normes US GAAP (United States Generally Accepted Accounting
Principles) ou une entreprise européenne avec les normes IFRS (International
Financial Reporting Standards).
3.  Estimer la valeur de l’entreprise analysée. Les ratios utilisés sont des mesures de
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valorisation relative. Par exemple, le PER (Price-to-Earnings Ratio) répond à la


question « Combien d’années de bénéfices coûte l’action ? ». Ainsi, la méthode
des comparables peut être utile pour valoriser une action dans les conditions de
marché actuelles et vérifier si son prix est trop élevé ou pas assez par rapport à
ses pairs (cf. exemples ci-dessous). Toutefois, cette méthode ne préviendra pas si
un secteur entier, voire tout le marché, est survalorisé comme c’était le cas en
2000 avant l’explosion de la bulle Internet.

Exemple – Valorisation 1
Le PER moyen du secteur bancaire européen est de 12. Une banque génère un bénéfice par
action de 7 euros. Quelle devrait être la valeur de son action ?
Pour que sa valorisation soit en ligne avec les standards du secteur, l’action devrait valoir
également 12 fois ses bénéfices, soit : 12 × 7 = 84 euros.

185
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

Exemple – Valorisation 2
Une action cote 62 euros et a un bénéfice par action de 4 euros. Le PER moyen sur son
secteur est de 17. L’action est-elle survalorisée, sous-valorisée ou en ligne avec son sec-
teur ?
Un PER de 17 devrait se traduire par un prix de : 17 × 4 = 68 euros. À 62 euros, l’action
semble donc sous-valorisée par rapport à son secteur.

1.3  La combinaison des deux


Appliquée sur une même entreprise, les deux méthodes du DCF et des compa-
rables devraient amener à des valorisations identiques en théorie. Cependant,
comme elles reposent sur des hypothèses très différentes, il est courant d’obtenir des
résultats également très différents. Le tableau 7.4 ci-dessous récapitule les avantages
et les inconvénients de ces deux méthodes.

Tableau 7.4 – Avantages et inconvénients du DCF et des comparables

Avantages Inconvénients
– Estimation de la valeur en absolu – Résultat largement dépendant des
– Mesure prospective (forward looking) hypothèses sur le taux d’actualisation et le
permettant la prise en compte d’éventuels taux de croissance
faits favorables à l’entreprise dans le futur – Méthode inapplicable sur les entreprises
DCF
(brevets, nouveaux marchés…) non profitables et non adaptée lorsque les
– Méthode particulièrement adaptée pour les cash flows sont trop incertains
entreprises ayant des cash flows récurrents
et prévisibles
– Estimation de la valeur en relatif – Résultat dépendant de l’échantillon
–N  e dépend pas de prévisions mais de prix d’entreprises comparables retenues
Comparables réels – Comparaison difficile sur un marché de
– Accès facile à l’information sur les actifs niche
cotés – Insensible à une survalorisation du marché

En pratique, les deux méthodes sont appliquées puis les résultats sont pondérés
pour arriver à un prix théorique composite. Le poids accordé à chaque méthode est
fonction de l’activité de l’entreprise. Plus les cash flows de l’entreprise sont stables
et prévisibles, plus le poids du DCF sera important.

1.4  Les autres méthodes


Outre les deux méthodes détaillées précédemment, d’autres alternatives existent et
sont utilisées dans des cas particuliers.

■■  L’actif net réévalué


Cette méthode revient à soustraire, à l’actif total de l’entreprise, le montant de ses
dettes pour en déduire la valeur de ses fonds propres. Cette technique est particuliè-

186
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

rement adaptée pour les sociétés immobilières, et les holdings de participation, mais
reste peu employée sur les autres secteurs.

■■  Analyse des transactions antérieures


Sur les deals de private equity (capital investissement) portant sur des actifs non
cotés, la méthode des comparables porte également sur l’analyse des transactions
similaires antérieures. Il s’agit alors d’identifier des transactions impliquant des
entreprises similaires, de calculer des ratios de valorisation moyens, et d’en déduire
la valeur de la société analysée.
Quelles que soient les méthodes retenues, tout choix d’investissement sera ensuite
sujet au risque de marché. Celui-ci peut être largement réduit en construisant un
portefeuille neutre au marché (Equity market neutral), une manière de faire du stock
picking sans market timing.

2 Equity market neutral

La stratégie « Equity Market Neutral » est une méthode d’investissement basée sur
les valeurs relatives. À la différence des stratégies directionnelles vues précédem-
ment, celle-ci a vocation à ne pas être impactée par les variations du marché dans
lequel elle est déployée, représenté par un indice comme le CAC 40 en France ou le
S&P 500 aux États-Unis.
Pour cela, elle implique de prendre des positions dites « long/short », c’est-à-dire
à la fois à l’achat sur un actif, et à la vente sur un autre actif. Idéalement ces deux
actifs sont largement corrélés (par exemple, deux actions du même secteur), l’actif
acheté est sous-évalué par le marché, et l’actif vendu est surévalué.
Pour mesurer cette différence entre les prix et les valeurs, le gérant peut s’appuyer
sur l’analyse technique et/ou fondamentale, éventuellement doublée d’une expertise
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

sectorielle.
Les investisseurs apprécient la faible corrélation de ces stratégies avec les marchés
actions, réduisant ainsi le risque de Market Timing, tout en profitant de l’expertise
du gérant sur le Stock Picking.

■■  Dollar neutral versus Beta neutral


Il existe deux types de stratégies « Market Neutral » :
–– La première dite «  Dollar ou Euro Neutral  » consiste simplement à égaliser les
montants à l’achat et à la vente. Par exemple, l’achat pour 1 000 000 euros d’une
action ABC et la vente pour 1 000 000 euros une action DEF appartenant au même
secteur. Cette méthode a l’avantage d’être très simple, mais elle n’est pas adaptée si
ces deux actions ont des betas différents. Un même événement de marché pourrait

187
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

alors impacter bien plus fortement l’action avec un beta élevé, et ainsi réduire l’effi-
cacité de la couverture « long/short ».
–– La seconde dite « Beta Neutral » consiste à égaliser les betas des positions ache-
teuses et vendeuses de manière à ce qu’ils s’annulent l’un l’autre. Ainsi, on obtient
un portefeuille neutre au marché (avec un beta global nul). Cette méthode est à la
fois la plus efficace et la plus utilisée. Nous allons voir comment elle s’implémente
en pratique à travers un exemple.
Pour rappel, comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, le beta d’un actif a est une
mesure de son risque systématique. Sa formule s’écrit :
Cov ( ra , rm )
βa =
Var ( rm )
Avec :
––Cov ( ra , rm ) = la covariance entre le titre a acheté (ou vendu à découvert) et le marché
m représenté par un indice.
––Var ( rm ) = la variance du marché m.
S’il est supérieur à 1, cela implique que l’actif a tendance à amplifier les variations
du marché, et inversement, si le beta est inférieur à 1, c’est que l’actif est moins
sensible aux mouvements du marché. Ainsi, en réduisant le beta net d’un porte-
feuille jusqu’à 0, nous éliminons l’influence du marché sur sa valorisation, et en
cela, nous le rendons « Market neutral ».
Prenons maintenant l’exemple d’un gérant spécialisé sur le secteur bancaire
américain. Le tableau 7.5 ci-dessous représente les principales sociétés finan-
cières américaines comprises dans le tracker XLF ainsi que leur beta par rapport
au S&P 500.

Tableau 7.5 – Les 10 principales positions du tracker XLF


(Secteur financier américain) et leur beta

Ticker Nom Beta Beta XLF


BRK-B Berkshire Hathaway B 0,82 0,95

JPM JP Morgan Chase & Co 1,21 0,95

WFC Wells Fargo & Co 1,02 0,95

BAC Bank of America Corp 1,59 0,95

C Citigroup Inc 1,55 0,95

GS Goldman Sachs Group Inc 1,38 0,95

USB US Bancorp 0,93 0,95

CB Chubb Limited 0,85 0,95

MS Morgan Stanley 1,49 0,95

AXP American Express Co 1,16 0,95

188
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

Certaines sociétés ont un beta plus élevé que l’ETF, pour d’autres il est moins
élevé. Par exemple, le beta de JP Morgan Chase & Co (JPM) est de 1,21 et celui du
tracker (XLF) est de 0,95. C’est une information que le gérant utilisera pour calibrer
la taille de ses positions dans la construction d’un portefeuille neutre au marché.
Pour ce faire, plusieurs étapes sont nécessaires :
–– Additionner les valeurs des deux betas. Ici 1,21 + 0,95 = 2,16 (cf. colonne C du
tableau 7.6)
–– Diviser le beta du tracker par le beta total (calculé précédemment) pour en déduire
le poids que doit représenter l’action JPM dans notre position. Ici 0,95/2,16 = 44 %
(cf. colonne D).
–– Diviser le beta de l’action par le beta total pour en déduire le poids du tracker dans
notre position. Ici 1,21/2,16 = 66 %, ou plus simplement : 100 % - 44 % = 56 %
(cf. colonne E)
Ces trois premières étapes sont représentées dans le tableau 7.6 ci-dessous.

Tableau 7.6 – Construction d’un portefeuille « Beta neutral » – étapes 1 à 3


Beta Beta XLF Beta total Poids Action Poids Tracker
Ticker Nom
[A] [B] [C = (A + B)] [D = (B/C)] [E = (A/C)]
BRK-B Berkshire Hathaway B 0,82 0,95 1,77 54 % 46 %
JPM JP Morgan Chase & Co 1,21 0,95 2,16 44 % 56 %
WFC Wells Fargo & Co 1,02 0,95 1,97 48 % 52 %
BAC Bank of America Corp 1,59 0,95 2,54 37 % 63 %
C Citigroup Inc 1,55 0,95 2,50 38 % 62 %
GS Goldman Sachs Group Inc 1,38 0,95 2,33 41 % 59 %
USB US Bancorp 0,93 0,95 1,88 51 % 49 %
CB Chubb Limited 0,85 0,95 1,80 53 % 47 %
MS Morgan Stanley 1,49 0,95 2,44 39 % 61 %
AXP American Express Co 1,16 0,95 2,11 45 % 55 %
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–– Choisir le sens de la position. Ici, long (achat) JPM et short (vente à découvert) XLF
ou l’inverse ? Cela dépend des vues du gérant sur ces actifs. Pour cela, il utilisera
l’analyse technique et/ou fondamentale.
––Définir le montant brut alloué à chaque paire. Ici, par simplification, 1 000 000$
chacune, et en déduire le montant disponible pour l’achat ou la vente à découvert
de chaque actif. Il s’agit de convertir le pourcentage obtenu dans les étapes 2 et 3
en un montant de dollars. Ici, 43,9815  % × 1  000  000$ = 439  814$ sur JPM et
56,0185  % × 1000 000$ = 560  185$ sur le tracker XLF (cf. colonnes H et I du
tableau 7.7).
–– Diviser ce montant par le prix de l’actif et du tracker (ici, JPM vaut 88$ et
XLF 24$) pour obtenir le nombre d’actions et de trackers à acheter ou vendre
(cf. colonnes J et K).

189
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

Ces étapes (sauf la quatrième) sont reprises dans le tableau 7.7 ci-dessous.

Tableau 7.7 – Construction d’un portefeuille « Beta neutral » – étapes 5 et 6


Ticker Prix Action Prix Tracker Position Action Position Tracker Nombre Action Nombre ETF
[F] [G] H = 1M€ ë D I = 1M€ ë E [ J = H/F] [K = I/G]
BRK-B 166$ 24$ 536 723$ 436 277$ 3 233 19 303

JPM 88$ 24$ 439 815$ 560 185$ 4 998 23 341

WFC 56$ 24$ 482 234$ 517 766$ 8 611 21 574

BAC 23$ 24$ 374 016$ 625 984$ 16 262 26 083

C 59$ 24$ 380 000$ 620 000$ 6 441 25 833

GS 228$ 24$ 407 725$ 592 275$ 1 788 24 678

USB 52$ 24$ 505 319$ 494 681$ 9 718 20 612

CB 136$ 24$ 527 778$ 472 222$ 3 881 19 676

MS 43$ 24$ 389 344$ 610 656$ 9 055 25 444

AXP 78$ 24$ 450 237$ 549 763$ 5 772 22 907

–– Rebalancer les positions régulièrement en fonction de l’évolution du prix des actifs.


Ainsi, via cette méthode, un gérant peut sélectionner ses investissements tout en
réduisant au maximum le risque de marché. En fonction de ses anticipations, il
achètera une action et vendra l’ETF sectoriel ou fera le contraire, il peut également
jouer le spread entre deux actions. BNP Paribas vs Société Générale, Renault vs
Peugeot… tout dépendra de ses analyses et de son talent de stock picker.

190
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

7.1 Modèle de la FED


Juste avant le krach d’octobre 1987, le rendement des bénéfices attendus sur le S&P
500 était d’environ 7 %, et le taux des obligations du trésor américain à 10 ans était
monté jusqu’à 10 %. De combien était surévalué le marché action par rapport aux
obligations selon le modèle de la FED ?

7.2 CAPE
Avec un CAPE proche des 29 pour le marché américain en mars 2017, le marché est-
il au-dessus ou en-dessous de ses standards historiques de valorisation ?

7.3 Le modèle DCF


Un analyste estime que l’entreprise XYZ va générer les flux de trésorerie disponibles
suivants :
Année 2018 2019 2020 2021 2022
FTD
60 66 73 80 88
(en millions €)

À partir de 2022, la croissance sera de 2 %. Le coût moyen pondéré du capital est de
7 %. L’entreprise a une dette de 100 millions d’euros et 50 millions d’actions. Quel
serait le prix d’une action d’XYZ en appliquant la méthode du DCF ?

7.4 Les comparables


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le PER moyen du secteur de l’énergie aux États-Unis est de 25. Une société
pétrolière génère un bénéfice par action de 5 euros. Quelle devrait être la valeur de
son action ?

191
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

7.1 Modèle de la FED


On a :
E1
= 7 %  et  10Y = 10 %
P0
Soit :
7 % ×   P0
10 % =  
P1
D’où :
P1 ×  10 % = P0 ×  7 %
10 %
P0 = ×   P1 = 1, 43
7%
Le marché était donc surévalué d’approximativement (1,43 - 1 = ) 43 % par rap-
port à son prix d’équilibre théorique.

7.2 CAPE
Un CAPE à 29 est un niveau élevé, le marché semble donc relativement « cher »
par rapport à ses standards historiques.

7.3 Le modèle DCF


On a :
60 66 73 80 88 + VN
V0 =   + 2
+ 3
+ 4
+   
(1 + 7 %) (1 + 7 %) (1 + 7 %) (1 + 7 %) (1 + 7 %)5

Et :
VN = ( 71%+ −2 2%% ) × 88 = 1795, 20
D’où :
V0 = 1577, 04

Et :
(1577, 04 − 100 )
P0 = = 29,54 euros
50

7.4 Les comparables


Le prix théorique de l’action est de 25 fois ses bénéfices, soit : 25 × 5 = 125 euros.
192
Market timing et Stock picking  ■  Chapitre 7

L’ESSENTIEL
Le market timing et le stock picking sont complémentaires. Le premier répond à
la question « Quand investir sur les marchés ? », et le second « Sur quels actifs
investir ? »

■ Le modèle de la FED
Le modèle de la FED compare le rendement des bénéfices attendus (Bénéfices/
Cours) du marché action avec la rentabilité des obligations à long terme, et sup-
pose qu’ils doivent être égaux, sinon les investisseurs arbitreront en faveur de
l’actif le plus rentable. Il s’écrit :
E1
= 10Y
P0
Avec :
– E1 = Bénéfices attendus
– P0 = Prix (du S&P 500)
– 10Y = Rentabilité des obligations du trésor américain à 10 ans

■ Le CAPE (Cyclically Adjusted Price Earnings)


Le ratio CAPE représente l’indice boursier (en l’occurrence le S&P 500) en prix
réel (ajusté de l’inflation) divisé par la moyenne des résultats sur 10 ans (égale-
ment ajustés de l’inflation). Historiquement, des faibles niveaux de CAPE (en
dessous de 10) ont été suivis par des rentabilités boursières élevées, et inverse-
ment, des niveaux de valorisations élevées (CAPE au-dessus de 25), ont généra-
lement mené à des rentabilités boursières plus faibles, voire une augmentation du
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

risque de krach boursier.

■ Le modèle DCF (Discounted Cash Flow)


Le modèle DCF permet de valoriser une entreprise en actualisant l’ensemble de
ses futurs flux de trésorerie disponibles. Il se formule comme suit :

V0 =  
FTD1
+
FTD2 … +   FTDN + VN  
2 +
(1 + rCMPC ) (1 + rCMPC ) (1 + rCMPC )N
Avec :
– FTDN = Flux de Trésorerie Disponibles
– rCMPC = Coût moyen pondéré du capital (CMPC)

193
Chapitre 7  ■  Market timing et Stock picking


– VN = La valeur terminale de l’entreprise à l’année N
 1 + gFTD 
VN =  ×   FTDN
 rCMPC − gFTD 

Avec :
– gFTD = Taux de croissance à long terme des Flux de Trésorerie Disponibles

■ Les comparables
Cette méthode consiste à estimer la valorisation d’une entreprise en la comparant
avec celles d’entreprises similaires. Pour cela, on définit un groupe de pairs, puis
on calcule des ratios de valorisation moyens. Les ratios les plus utilisés sont :
– cours/flux de Trésorerie Disponibles par action (en anglais, Price-to-Free Cash
Flows) ;
– cours/valeur comptable par action (en anglais, Price-to-Book) ;
– cours/chiffre d’affaires par action (en anglais, Price-to-Sales) ;
– cours/bénéfices par action (en anglais, PER, Price-to-Earnings-Ratio).

■ Equity Market Neutral


Pour mettre en place cette stratégie, le gérant prend des positions « long/short »,
c’est-à-dire à la fois à l’achat sur un actif, et à la vente sur un autre actif. Il ajuste
la taille de ses positions en fonction de leur beta de manière à obtenir un porte-
feuille neutre au marché, avec un beta global proche de 0.

Ques­­tions de réflexion
■ 
Les stratégies de market timing et de stock picking ne sont-elles pas contradic-
toires avec la notion d’efficience des marchés ?
(solutions sur le site www.dunod.com)

194
Chapitre

81
Évaluation de la
performance

OBJECTIFS
 Après avoir vu les stratégies de market timing et de stock picking dans le
­chapitre 7, l’objectif est maintenant de mesurer la performance du portefeuille
en tenant compte du risque pris.
 Ce chapitre présentera donc les principales mesures de performance ajustée du
risque, leurs avantages et leurs limites.
 Enfin, évaluer la performance d’un gérant, c’est également être capable d’expli-
quer l’écart de performance entre son portefeuille et son benchmark, et l’attri-
buer à ses capacités d’allocation d’actifs, et de sélection de titres.

SOMMAIRE
Section 1 Mesures de performance ajustée du risque
Section 2 Attribution de performance
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

C ertains placent de l’argent pour s’offrir une voiture ou des vacances dans
quelques mois, d’autres investissent pour payer la scolarité de leurs enfants
d’ici quelques années, ou pour avoir un complément de revenus à la retraite…
Quelles que soient les raisons, tout investisseur a intérêt à suivre la performance de
ses placements. Et il en va de même pour les investisseurs institutionnels (caisses de
retraites, institutions de prévoyance, compagnies d’assurances, grands corpo-
rates…) qui veillent à ce que la rentabilité de leurs investissements couvre leurs
besoins à venir. Ainsi, la performance des gérants d’actifs est constamment surveil-
lée, analysée à la fois en termes absolue, mais aussi en termes relatif et ajustée du
risque. L’étude de ces performances est non seulement importante pour les investis-
seurs, mais également pour les gérants car c’est cela qui va permettre de justifier ou
non leurs frais de gestion. Supposons par exemple qu’un investisseur ait investi 100
millions d’euros dans un fonds, et qu’une année plus tard, la valorisation de son
investissement soit de 110 millions d’euros. Avec une rentabilité de 10 %, l’inves-
tisseur sera-t-il satisfait de son gérant d’actifs ? À priori, oui... mais si le gérant avait
pris des risques inconsidérés pour obtenir cette rentabilité ? Alors l’investisseur sera
peut-être moins enthousiaste. Et si le marché avait quant à lui progressé de +20 %
sur la même période ? Dans ce cas, il ne sera probablement pas du tout content d’une
performance de « seulement » +10 %. Et si la majorité de la performance reposait
sur un seul titre qui s’est fortement apprécié suite à une OPA non anticipée par le
gérant ? Il sera alors très dubitatif quant à la valeur ajoutée du gérant, et décidera
probablement d’en changer.
Dans ce chapitre, nous allons ainsi étudier les mesures de performance ajustée du
risque dans une première partie. Puis, dans une seconde partie, nous verrons avec
l’attribution de performance comment expliquer l’éventuel écart de performance
entre un portefeuille et son benchmark.

Section
1 MESURES DE PERFORMANCE AJUSTÉE DU RISQUE

Avant les années 1950, quand l’analyse de performance était encore à ses balbu-
tiements, les fonds étaient simplement classés et recommandés en fonction de leur
rentabilité sur l’année précédente. Au mieux, les analystes expérimentés utilisaient
une moyenne des rentabilités sur une période représentative (assez longue pour cou-
vrir à la fois des périodes de hausses et de baisses des marchés). En clair, jusqu’aux
années 1950, l’analyse des performances se réduisaient à un seul paramètre  : la
rentabilité. Puis, en 1952, dans son article fondateur « Portfolio Selection »1, le prix

1.  Markowitz, H. (1952). “Portfolio Selection”. Journal of Finance, vol. 7, issue 1, pages 77-91.

196
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

Nobel d’économie de 1990 Harry Markowitz a introduit une nouvelle théorie du


portefeuille, la frontière efficiente, considérant à la fois la rentabilité et le risque (cf.
chapitre 3). Depuis, beaucoup de mesures de performance ajustées du risque ont été
développées. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous allons présenter les plus connues
dans cette première partie.

1 Les principaux ratios


1.1  Ratio de Sharpe
Proposé en 19661 par un autre prix Nobel d’économie de 1990, William Sharpe, le
ratio de Sharpe est certainement le plus célèbre indicateur de performance ajustée
du risque. Il mesure l’excès de rentabilité (ou prime de risque) d’un portefeuille par
rapport au taux sans risque, rapportée à son risque total (défini par l’écart type).
E ( Rp ) − R f
Ratio   de   Sharpe =  
σp
Avec :
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille
–– R f = Taux sans risque
––σ p = Écart type du portefeuille
Autrement dit, c’est la rentabilité marginale obtenue par unité de risque dans la
gestion du portefeuille. En conséquence, toute chose égale par ailleurs, plus le ratio
de Sharpe est élevé, plus l’investissement est performant en termes de couple
rentabilité/risque.
Dans sa version originale, le ratio est défini de façon ex-ante en se basant sur des
rentabilités attendues, mais en pratique, il est généralement présenté de manière
ex-post en se basant sur des rentabilités réalisées.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Exemple – Ratio de Sharpe

La rentabilité moyenne d’un portefeuille est de 9 % et sa volatilité (mesurée par l’écart-
type) est de 15 %. Si le taux sans risque est de 2 %, quel est le ratio de Sharpe du porte-
feuille ?
9 % − 2 %
Ratio   de   Sharpe = = 0,47
15 %
Avec ce portefeuille, chaque 1 % de risque total est rémunéré avec 0,47 % de rentabilité
supplémentaire.

1.  Sharpe, W. F. (1966). “Mutual Fund Performance”. Journal of Business. 39

197
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

S’il a l’avantage d’être simple, logique et intuitif, le ratio de Sharpe présente tou-
tefois quelques inconvénients :
–– D’abord, il est sensible à la fréquence choisie. Un même fonds pourra avoir un ratio
de Sharpe différent selon que l’on utilise des données de rentabilités journalières,
hebdomadaires, ou mensuelles quand bien même la richesse finale pour l’investis-
seur est la même. La mesure du risque au dénominateur n’est pas la même si on
annualise une volatilité journalière, hebdomadaire ou mensuelle.
–– Aussi, en se basant sur la volatilité des rentabilités, le ratio n’intègre pas les risques
liés à la vente d’option. Un fonds pourrait par exemple encaisser régulièrement des
primes en vendant des options en dehors de la monnaie, et ainsi artificiellement
gonfler son ratio de Sharpe. Le risque pourtant potentiellement illimité ne sera pas
intégré dans le calcul de la volatilité tant qu’il ne se sera pas matérialisé.
–– Enfin, le ratio n’intègre pas les risques non linéaires (Skewness et Kurtosis), il sup-
pose une distribution normale des rentabilités. Si ce n’est pas le cas, son interpréta-
tion peut être biaisée comme dans l’exemple ci-dessous.
Tableau 8.1 – Exemple de biais dans le ratio de Sharpe
Fonds T1 T2 T3 T4 E(R) Volatilité Sharpe
1 -1 % +1 % +2 %  +4 % 1,5 % 2,1 % 0,72

2 -1 % +1 % +2 % +20 % 5,5 % 9,7 % 0,56

Alors que ces deux fonds ont eu exactement les mêmes rentabilités sur les 3
premiers trimestres et que le fonds 2 a eu une meilleure rentabilité au quatrième
trimestre, un investisseur pourrait préférer le fonds 1 au fonds 2 en ne se fiant
qu’au seul ratio de Sharpe. La raison est que les valeurs extrêmes (comme le
+20  % au quatrième trimestre dans notre exemple) ont pour effet d’augmenter
davantage le dénominateur que le numérateur du ratio de Sharpe, provoquant ainsi
une baisse de l’indicateur, à tel point qu’un gérant aurait intérêt à ne pas tenir
compte de ses meilleures rentabilités pour maximiser son ratio de Sharpe, alors
même que ce sont justement ces rentabilités élevées que les investisseurs
recherchent en premier lieu.
Pour faire face aux limites du ratio de Sharpe, il existe d’autres indicateurs de
performance avec des mesures de risques alternatives au dénominateur et/ou un
numérateur différent. C’est le cas notamment des ratios de Treynor et de Sortino.

1.2 Ratio de Sortino
Pour mieux comprendre l’intérêt que présente le ratio de Sortino par rapport au
ratio de Sharpe, nous allons au préalable faire un focus sur son dénominateur, la
semi-volatilité.

198
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

Mathématiquement, la semi-volatilité s’écrit :

1 N
∑ ( Min ( 0, Ri − Rmin ))2
N i =1
Avec :
–– Ri = ième rentabilité du portefeuille
–– N = Nombre de rentabilités
–– Rmin = Rentabilité minimale acceptable

c Focus
De la volatilité comme mesure de risque à la semi-volatilité
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 3, moyenne (et si possible positives), et
l’écart-type (ou volatilité) représente les inversement, une aversion pour les
dispersions des performances autour de la rentabilités en dessous de leur moyenne
moyenne. Un de ces principaux (particulièrement si elles sont négatives).
inconvénients quand on l’utilise comme Par exemple, les deux portefeuilles
la mesure de risque du portefeuille est présentés ci-dessous ont des rentabilités
qu’il traite les écarts au-dessus de symétriquement opposées, et pourtant, le
la moyenne de la même manière que les même écart type. Les graphiques de per-
écarts en-dessous de la moyenne. formances sont illustrés dans la figure 8.1
Toutefois, en pratique, l’impact pour les et les rentabilités correspondantes sont
investisseurs est bien différent. reportées dans le tableau 8.2.
Ces derniers ont en effet une appétence
pour les rentabilités au-dessus de leur

2
1.8
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.6
1.4
1.2
1
0.8
0.6
0.4
0.2
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

Fonds 1 Fonds 2

Figure 8.1 – Illustration : Rentabilités symétriquement opposées,


et écarts-types identiques

199
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

Tableau 8.2 – Illustration : Rentabilités symétriquement opposées,


et écarts-types identiques
Performance

Période Fonds 1 Fonds 2


1 30 % -30 %
2 5 % -5 %
3 4 % -4 %
4 1 % -1 %
5 -5 % 5 %
6 1 % -1 %
7 10 % -10 %
8 -5 % 5 %
9 10 % -10 %
10 10 % -10 %
Moyenne 6,10 % -6,10 %
Ecart type 10,12 % 10,12 %

À écarts-types identiques, le risque de perte en capital est bien plus important dans le
fonds 2 que le fonds 1. Ainsi, plutôt que de prendre la volatilité comme mesure de
risque du portefeuille, les investisseurs davantage sensibles au « mauvais » risque
peuvent alors utiliser la semi-volatilité, c’est-à-dire le risque de s’écarter en dessous de
la performance moyenne du portefeuille. Le principe de la semi-volatilité est le même
que celui de la volatilité sauf que seules les rentabilités inférieures à la moyenne sont
prises en compte.

Rentabilité Volatilité
Moyenne (ou Rentabilité
minimale acceptable)

Semi-volatilité

Temps

Figure 8.2 – Ratio de Treynor et SML (Security Market Line)

Prenant en compte l’asymétrie du risque, Frank Sortino a proposé une variation du


ratio de Sharpe. Le ratio de Sortino mesure la rentabilité additionnelle au-dessus
d’un niveau cible (rentabilité minimale acceptable, pas nécessairement égale au taux
sans risque) divisée par la semi-volatilité (ou volatilité à la baisse) en dessous de ce
niveau cible.

200
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

E ( R p ) − MAR
Ratio   de   Sortino =  
Semi − Volatilité
Avec :
− E ( R p ) Espérance de rentabilité du portefeuille
–– MAR = Rentabilité minimale acceptable (Minimum Accepted Return)
–– Semi − Volatilité = (Target Downside Deviation) Volatilité des rentabilités en
­dessous de la MAR
Ce ratio est particulièrement utile dans la sélection des fonds pour les investisseurs
concernés davantage par le risque à la baisse. Par rapport au ratio de Sharpe, le taux
sans risque au numérateur et la volatilité totale au dénominateur sont respectivement
remplacés par la rentabilité minimale acceptable et la volatilité à la baisse (en
­dessous de cette rentabilité minimale acceptable). Toutefois, le principe reste le
même : plus le ratio de Sortino est élevé, plus le portefeuille est performant.

Exemple – Ratio de Sortino


Un portefeuille a une rentabilité moyenne de 15 %, et une semi-volatilité de 10 %. Si la
rentabilité minimale acceptable du portefeuille est de percevoir au moins la rémunération
du taux sans risque de 2 %, quelle est le ratio de Sortino du portefeuille ?
15 % − 2 %
Ratio   de   Sortino = = 1,3.
10 %
Avec ce portefeuille, chaque 1 % de risque « à la baisse » est rémunéré avec 1,3 % de
rentabilité supplémentaire.

En plus des ratios de Sharpe et Sortino qui ont recours à la volatilité et la semi-
volatilité du portefeuille, d’autres ratios utilisent des mesures de risque différentes
au dénominateur. Parmi eux, on trouve le ratio de Treynor qui se base sur le risque
systématique (mesuré par le beta).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.3  Ratio de Treynor


Développé par Jack Treynor en 19651, cet indicateur mesure l’excès de rentabilité
du portefeuille par rapport à son risque systématique (mesuré par le beta).
E ( Rp ) − R f
Ratio   de   Treynor =  
βp
Avec :
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille
–– R f = Taux sans risque
–– β p = Beta du portefeuille

1.  Treynor, Jack L. (1965). “How to Rate Management of Investment Funds”. Harvard Business Review 43,
pp. 63-75.
201
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

Puisque son dénominateur est le beta du portefeuille, le ratio dépend en partie de


l’indice de référence. En fonction du style de gestion en question, il peut s’agir d’un
indice généraliste comme le CAC 40 en France, ou le S&P500 aux États-Unis, ou
d’un indice plus spécifique, représentatif d’un marché, d’une classe d’actifs ou d’un
secteur en particulier.
Rappelons que les gérants passifs ont pour vocation de répliquer la performance
d’un indice, alors que les gérants actifs ont l’objectif de « battre le marché ». Les
premiers devraient donc avoir un ratio de Treynor très proche de celui du marché
tandis que les seconds devraient idéalement avoir un ratio supérieur.
Par ailleurs, puisqu’il ne prend en compte que le risque systématique du
portefeuille (et pas le risque idiosyncratique), le ratio de Treynor est plus adéquat
pour apprécier la performance des portefeuilles bien diversifiés. Autrement dit, deux
fonds avec un même risque systématique (beta), mais un risque total (écart-type)
différent auraient un même ratio de Treynor. Pourtant, celui avec le risque total le
plus élevé serait nécessairement moins diversifié et porterait donc un risque
spécifique (ou idiosyncratique) plus grand. Le ratio de Sharpe serait alors plus
adapté.
Dans tous les cas, pour Sharpe comme pour Treynor, le numérateur doit être
positif pour donner des résultats pertinents, et l’interprétation est la même  :
plus le ratio est élevé, plus le couple rentabilité/risque du portefeuille est
favorable.

Exemple – Ratio de Treynor


Un portefeuille a une rentabilité moyenne de 12 %, une volatilité de 16 %, et un beta de
0,95. Si le taux sans risque est de 1 %, quel est le ratio de Treynor du portefeuille ?
12 % − 1 %
Ratio   de   Treynor = = 0,12
0,95
Chaque 1 % de risque systématique est rémunéré avec 0,12 % de rentabilité supplémen-
taire.

En se référant au MEDAF (Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers) présenté


au chapitre 5, et à sa représentation visuelle, la SML (Security Market Line),
retenons que la pente de la SML correspond au ratio de Treynor du marché
(représenté par l’indice de référence choisi).
En conséquence :
–– Tous les portefeuilles sur la SML ont le même ratio de Treynor que le portefeuille de
marché.
–– Les portefeuilles en dessous de la SML sous-performent car bien qu’ayant un même
niveau de risque systématique que le marché, leur rentabilité est moindre.

202
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

–– Ceux au-dessus de la SML « battent le marché » car, pour un niveau de risque sys-
tématique donné, ils sont capables de délivrer une meilleure rentabilité.
Ces points sont illustrés dans la figure 8.3 ci-dessous.
12%

SML
10%
E(Rp+) P+
8%

E(Rm) M
E(Rp)

6%
E(Rp–) P–
4%
Rf

2%
ßp+ ßm∙=∙1 ßp–
0%
0 0,5 1 1,5 2
Risque systématique (ßp)

Figure 8.3 – Illustration de la semi-volatilité

Avec :
–– E ( Rm ) = Espérance de rentabilité du marché
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille
–– R f = Taux sans risque
–– β m = Beta du marché (= 1)
–– β p = Beta du portefeuille
Ici, le portefeuille P- sous-performe le marché car pour un niveau de risque
systématique donné, β p -, sa rentabilité est inférieure à celle prévue par le MEDAF
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

(sur la SML). À l’inverse, le portefeuille P+ fait mieux que le marché car il génère
une rentabilité supérieure par rapport à celle requise compte tenu de son niveau de
risque systématique β p +. Cette rentabilité « anormale » est appelée « Alpha ». Nous
y reviendrons dans la partie 2.1 sur les mesures de performance non basées sur des
ratios.
En attendant, nous poursuivons avec deux ratios qui utilisent encore un autre
métrique de risque au dénominateur.

1.4  Ratios de MAR et de Calmar


Nous avons précédemment présenté les limites de la volatilité comme mesure de
risque. Ce qui préoccupe en premier lieu les investisseurs, c’est davantage la perte
en capital que la volatilité. Pour Warren Buffet, «  À la bourse, il y a deux règles

203
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

fondamentales à respecter. La première règle est de ne pas perdre, la deuxième règle


est de ne pas oublier la première règle ». C’est justement sur la perte en capital, le
drawdown, que se basent les ratios de MAR et de Calmar. Nous allons donc faire un
focus sur cette mesure de risque.
Développé par la Managed Account Reports (MAR) newsletter, le ratio du même
nom compare la rentabilité d’un fonds ou d’une stratégie à sa perte maximale (Maxi-
mum Drawdown) depuis son lancement.
Rentabilité annualisée
Ratio de MAR   =  
Maximum Drawdown
Plus le ratio est élevé, plus l’investissement est performant en termes de rentabilité/
risque.

c Focus
Le drawdown
La relation entre une perte et la Avec :
performance nécessaire pour retrouver le Pt : Valeur du portefeuille au moment de
niveau initial du portefeuille n’est pas l’observation (t)
linéaire, mais exponentielle.
P0 : Valeur initiale du portefeuille
Tableau 8.3 – Performance nécessaire Le Maximum Drawdown (MDD)
pour revenir au niveau initial après correspond donc à la plus petite valeur (la
une perte valeur la plus négative) des drawdowns
Perte Performance nécessaire observés sur une période donnée.
-5 % 5,26 % MDD [ 0, T ] = minDD (t )
-10 % 11,11 % En clair, le Maximum Drawdown
-25 % 33,33 %
correspond à la perte qu’un investisseur
aurait subie s’il avait acheté un portefeuille
-50 % 100 %
à son prix le plus élevé, et revendu à son
-75 % 300 % prix le plus bas. La figure 8.4 ci-dessous
-90 % 900 % en offre une illustration sur le CAC 40.
Le graphique supérieur montre l’évolution
La préservation du capital est donc du CAC 40 (hors dividende) sur 20 ans de
primordiale pour tout investisseur ! 1997 à 2016, et le graphique inférieur
Exprimé en pourcentage de perte subie représente l’évolution du drawdown au
par le portefeuille par rapport à son plus cours de la même période. Dans cet
haut niveau historique, le drawdown exemple, le maximum drawdown est de
(DD) s’écrit : –65,29 %, il représente la perte d’un
investisseur qui aurait acheté le 4
Pt septembre 2000 à 6 922 points et revendu
DD (t ) =   −1
max ( P0 : Pt ) en 12 mars 2003 à 2 403 points.

204
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

8000

7000

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0
jan-97

jan-98

jan-99

jan-01

jan-03

jan-05

jan-06

jan-07

jan-08

jan-09

jan-11

jan-13

jan-15

jan-16
jan-00

jan-02

jan-04

jan-10

jan-12

jan-14
0%
janv.-97

janv.-98

janv.-99

janv.-00

janv.-01

janv.-02

janv.-03

janv.-04

janv.-05

janv.-06

janv.-07

janv.-08

janv.-09

janv.-10

janv.-11

janv.-12

janv.-13

janv.-14

janv.-15

janv.-16
-10%

-20%

-30%

-40%

-50%

-60%

-70%
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 8.4 – Évolution du CAC 40 sur 20 ans de 1997 à 2016

Exemple – Ratio de MAR


Depuis sa création, le fonds ABC a une rentabilité annuelle de 13 %, et une perte maximum
de 35 %. Un autre, le fonds DEF a quant à lui une rentabilité annuelle de 11 % et une perte
maximum de 17 %. Quels sont les ratios de MAR de ces deux fonds ?
13 %
MAR   ratioABC = = 0,37
35 %
11 %
MAR   ratioDEF = = 0,65
17 %
Bien que dans l’absolu, la rentabilité d’ABC soit supérieure, le fonds DEF est plus
performant sur une base ajustée du risque.
205
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

Toutefois, comme ce ratio compare la rentabilité annualisée et le Maximum


Drawdown depuis la création du fonds, il peut être biaisé en fonction de la durée des
historiques et des conditions de marché. Par exemple, si un fonds a un historique de
plus 10 ans et a survécu à plusieurs crises boursières, il ne serait pas pertinent de le
comparer avec un autre fonds créé il y a seulement 1 an dans un marché haussier.
Pour traiter cet inconvénient majeur, Terry Young a créé en 1991 le ratio de
CALMAR1 (du nom de la newsletter de sa société : CALifornia Managed Accounts
Reports) en se basant uniquement sur la performance annualisée et la perte maxi-
mum sur 36 mois glissants.
Rentabilité   annualisée36  mois   glissants
Ratio   de  CALMAR =  
Maximum   Drawdown36  mois   glissants
Ainsi, contrairement au ratio de MAR, le ratio de CALMAR ne pénalise pas les
fonds ayant l’historique le plus long.

1.5  Ratio d’information


Le ratio d’information mesure la capacité du gérant à générer de manière
consistante de la surperformance par rapport à son benchmark. Pour cela, il rapporte
la différence entre la rentabilité du portefeuille et celle du benchmark par rapport à
l’écart-type de ces différences de rentabilités, la tracking error.
E ( R p − Rb )
Ratio   d ’information =  
TE
Avec :
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille
–– E ( R ) = Espérance de rentabilité du benchmark
b
––TE = Tracking error du portefeuille

Exemple – Ratio d’information


La rentabilité d’un portefeuille est de 8 %, son écart de suivi (tracking error) par rapport au
CAC 40 est de 0,07. Si la rentabilité du CAC 40 est de 6 %, quel est le ratio d’information
du portefeuille ?
8 % − 6 %
Ratio   d ′information = = 0,28
0,07
Le ratio d’information du portefeuille est 0,28.

En divisant la surperformance par son écart-type, le ratio permet de tenir compte


de la stabilité de cette surperformance. Si elle est très irrégulière, la tracking error

1.  Young, Terry W. (1991). “Calmar Ratio: A Smoother Tool”, Futures.

206
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

sera élevée et le ratio d’information relativement faible. À l’inverse, si le portefeuille


surperforme régulièrement l’indice, le ratio sera plus élevé, signe d’une bonne ges-
tion. Le ratio d’information est par essence une mesure de performance relative. Un
gérant dont le fonds a perdu 30 % sur un an peut avoir un ratio de Sharpe négatif,
mais un excellent ratio d’information si son indice de référence a chuté de 40 % sur
la même période.
Si la plupart des mesures de performance ajustée du risque prennent la forme de
ratios, certaines sont exprimées directement en pourcentage de rentabilités. C’est le
cas notamment de l’Alpha de Jensen et du m2.

2 Les mesures non basées sur des ratios


2.1  Alpha de Jensen
Proposé en 19681, l’alpha de Jensen mesure la différence entre la rentabilité réali-
sée par le portefeuille et la rentabilité attendue selon le MEDAF. Dans sa version
ex-post, il prend la forme :
α p =  R p − [ R f + β ( Rm − R f )]
Avec :
–– R p = Rentabilité du portefeuille
–– Rm = Rentabilité du marché
–– R f = Taux sans risque
––β p = Beta du portefeuille
––α p = Alpha de Jensen
Et dans sa version ex ante, il s’écrit de la manière suivante :
α p =   E ( R p ) − [ R f + β ( Rm − R f )]
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Avec :
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille (anticipation de la part des
­investisseurs ou du gérant)
Dans les deux cas, α p mesure la rentabilité anormale, qui s’explique par les choix
du gérant et non par son niveau de risque systématique. Le signe de l’alpha indique
si le portefeuille surperforme le marché tout en prenant en compte le degré de risque
systématique de son portefeuille  : s’il est statistiquement significatif et positif, le
gérant surperforme et inversement s’il est négatif, le gérant sous-performe. Enfin, la
valeur de l’alpha peut être utilisée directement pour classer et comparer les gérants
d’actifs.

1.  Jensen, M.C. (1968). “The Performance of Mutual Funds in the Period 1945-1964,” Journal of Finance 23,
pp. 389-416.

207
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

12%

SML
10%
E(Rp) P+
8%

E(Rm) αp M
E(Rp)

6%

4%
Rf

2%
ßp ßm = 1
0%
0 0,5 1 1,5 2
Risque systématique (ßp)

Figure 8.5 – Alpha de Jensen et SML (Security Market Line)


Par définition, l’alpha du portefeuille de marché est de zéro. Pour les autres, il
correspond à la distance verticale entre le portefeuille géré et la SML (Security
Market Line).
Avec :
–– E ( Rm ) = Espérance de rentabilité du marché
–– E ( R p ) = Espérance de rentabilité du portefeuille
–– R f = Taux sans risque
–– β m = Beta du marché (= 1)
–– β p = Beta du portefeuille
––α p = Alpha de Jensen du portefeuille
L’alpha de Jensen α p du portefeuille est le pourcentage de rentabilité additionnelle
au-dessus du niveau prévu par le MEDAF pour un portefeuille avec le beta β p .

Exemple – Alpha de Jensen


Un portefeuille a une rentabilité annualisée de 18,5 % et un beta de 1,2. Si la rentabilité du
marché est de 14 % et le taux sans risque de 1,5 %, quel est l’alpha de Jensen du porte-
feuille ?
α p =  18,5 % − [1,5 % + 1,2 (14 % − 1,5 %)]
=  18,5 % − 16,5 %
=  2 %
Compte tenu de la rentabilité du marché, du taux sans risque et du risque ­systématique du
gérant, la rentabilité attendue selon le MEDAF est de 16,5 %. Or, le portefeuille a généré
une rentabilité de 18,5 %. Son alpha est donc de 2 %.

208
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

2.2  M-squared (M2)


Développé en 19971 par le prix Nobel d’économie de 1985 Franco Modigliani et
sa petite fille Leah Modigliani, la mesure M2 est dérivée du ratio de Sharpe. Elle est
également basée sur le risque total du portefeuille, mais présente l’avantage d’être
exprimée en pourcentage de rentabilité plutôt que sous forme d’un ratio adimension-
nel plus difficilement comparable.
L’idée de cet indicateur est de concevoir à partir du portefeuille existant (P) un
portefeuille fictif (P′) qui aurait le même niveau de risque que le portefeuille de
marché. Pour cela, on fait varier les poids du portefeuille P et de l’actif sans risque
jusqu’à ce que P′ ait la même volatilité que le marché (soit σ p′ = σ m). Ensuite,
comme le risque de P′ et celui du marché sont identiques, on peut directement
­comparer leurs rentabilités.
Les poids dans P′, w p′ , qui égalisent les risques peuvent être calculés comme suit :
σ p ′ = w pσ p + (1 − w p )σ Rf = σ m = w pσ p
Puisque la corrélation entre le marché et l’actif sans risque est de zéro, le poids
investi dans le portefeuille P est de w p et le reste est investi dans l’actif sans risque.
σm
wp = 
σp
Ainsi, la rentabilité du portefeuille P′ est égale à:

σ   σ 
R p ′ = w p R p + (1 − w p ) R f =  m  R p +  1 −   m  R f  
σp  σp
σ   Rp − R f 
= R f +  m  ( Rp − R f ) = R f + σ m 
σp  σ p 
σ
= R f + ( Rp − R f ) m
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

σp
Au final, la mesure M2 est la différence entre la rentabilité du portefeuille P′ et la
rentabilité du marché, elle s’exprime par la formule :
σ
M 2 =  ( R p − R f ) m − ( Rm − R f )
σp

Exemple – M2
Un fonds a une rentabilité de 16 %, et une volatilité de 22 %. Le marché, quant à lui, a une
rentabilité de 11 %, une volatilité de 25 % et le taux sans risque est de 2 %. Quel est le M2
du fonds ?

1.  Modigliani, F (1997). “Risk-Adjusted Performance”. Journal of Portfolio Management.

209
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

25 %
M 2 = (16 % − 2 %) − (11 % − 2 %) = 6,9 %
22 %
À risque total équivalent, le gérant surperforme le marché de 6,9 %.

Un portefeuille qui a la même performance que le marché aura un M2 égal à zéro,


alors qu’un portefeuille qui surperforme le marché sur une base ajustée du risque
aura un M2 positif. Les classements donnés par la mesure M2 sont identiques à ceux
donnés par le ratio de Sharpe, mais ils ont l’avantage d’être exprimés directement en
pourcentage de rentabilité et donc plus facilement interprétables.
À travers cette première partie, nous avons présenté huit mesures de performance
ajustée du risque parmi les plus utilisées dans la pratique. Elles peuvent servir à
classer et comparer des portefeuilles différents. Pour aller plus loin dans l’évalua-
tion de la performance, il est également possible d’avoir recours à l’attribution de
performance, une technique destinée à identifier les sources de la rentabilité du
portefeuille, une autre étape importante dans l’évaluation de la performance des
gérants.

Section
2 ATTRIBUTION DE PERFORMANCE

Dans les chapitres 6 et 7, nous avons vu que la valeur ajoutée de la gestion active
dépendait en partie de l’allocation d’actifs du gérant (asset allocation) et de sa capa-
cité à sélectionner les titres supposés surperformer (stock picking). L’attribution de
performance consiste ensuite à décomposer l’éventuel écart de performance d’un
gérant actif par rapport à son benchmark en fonction de ces sources de valeur ajou-
tée.
Nous allons illustrer ce concept à travers l’exemple d’un gérant « Action » dont la
répartition sectorielle du fonds et du benchmark sont présentées dans le tableau ci-
dessous.
Tableau 8.4 – Allocation sectorielle du fonds et du benchmark
Poids

Secteurs Fonds Benchmark


Finance 35 % 30 %
Santé 25 % 20 %
Technologie 30 % 25 %
Distribution 10 % 20 %

Sur la période d’observation, les performances de chacun des quatre secteurs du


fonds et du benchmark sont présentées ci-dessous.
210
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

Tableau 8.5 – Rentabilité sectorielle du fonds et du benchmark


Performance

Secteurs Fonds Benchmark


Finance 10 % 8 %
Santé 4 % 3 %
Technologie 7 % 7 %
Distribution 4 % 5 %

La rentabilité du benchmark est de 6 % tandis que celle du fonds est de 7 %.
Rentabilité   du   benchmark = 30 % × 8 % + 20 % × 3 % + 25 % × 7 % + 25 % × 5 % = 6 %
rk = 30 % × 8 % + 20 % × 3 % + 25 % × 7 % + 25 % × 5 % = 6 %
Rentabilité   du   fonds = 35 % × 10 % + 25 % × 4 % + 30 % × 7 % + 10 % × 4 % = 7 %
× 10 % + 25 % × 4 % + 30 % × 7 % + 10 % × 4 % = 7 %
Ainsi, le différentiel de rentabilité entre le fonds et le benchmark est de 100 points
de base (ou 1 %).
Différentiel = 7 % −  6 % =  1 %

Ce différentiel est lié à la gestion active du fonds, et l’attribution de performance


consiste en l’identification et la quantification de ces différentes sources de
surperformance :
–– Allocation d’actifs (asset allocation) : capacité du gérant à sur ou sous pondérer une
poche (un marché, une classe d’actifs, ou un secteur) par rapport à son indice ;
–– Sélection des titres (stock picking) : capacité du gérant à sélectionner des valeurs
surperformant les valeurs de l’indice ;
–– Interaction entre les choix d’allocation d’actifs et de sélection de titres.

1 Allocation d’actifs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Pour mesurer l’impact des choix d’allocation d’actifs (ou en l’occurrence,


d’allocation sectorielle), on multiplie les différences d’allocations sectorielles entre
le fonds et le benchmark par les différences entre les rentabilités sectorielles du
benchmark et la rentabilité totale du benchmark.
Effet   Allocation   =  (Wpi − Wbi )  ×  ( Rbi − Rb )
Avec :
–– Wpi = Poids de la poche i dans le portefeuille géré
–– Wbi = Poids de la poche i dans le benchmark
–– Rbi = Rentabilité de la poche i dans le benchmark
–– Rb = Rentabilité totale du benchmark

211
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

L’objectif du gérant actif est bien évidemment de surpondérer les secteurs


­surperformant et de sous-pondérer les secteurs sous-performant.

Tableau 8.6 – Effets de l’allocation d’actifs en fonction de la


rentabilité de la poche i
Rentabilité Poche i

Surperformance Sous-performance

Poids Surpondération Effet positif Effet négatif


Poche i Sous-pondération Effet négatif Effet positif

Dans notre exemple, parmi les 100 points de base de surperformance générés par
le gérant, 15 s’expliquent par ses décisions d’allocation d’actifs entre les différents
secteurs.
Finance : (35 % - 30 %) × (8 % - 6 %) = 0,10 %
Santé : (25 % - 20 %) × (3 % - 6 %) = - 0,15 %
Technologie : (30 % - 25 %) × (7 % - 6 %) = 0,05 %
Distribution : (10 % - 25 %) × (5 % - 6 %) = 0,15 %
Total : 0,10 % - 0,15 % + 0,05 % + 0,15 % = 0,15 %
D’une part, +10 et +5 points grâce aux surpondérations des secteurs « Finance »
et « Technologie » qui ont surperformé le benchmark. D’autre part, +15 points grâce
à la sous-pondération du secteur « Distribution » qui a, quant à lui, sous-performé le
benchmark. Enfin, -15 points de base à cause de la surpondération du secteur
« Santé » qui a sous performé le benchmark.
Au total, l’allocation d’actifs explique 15  % (15/100) de la surperformance du
gérant. Les 85 % restants proviennent donc de la sélection de titres et de l’interaction
entre allocation et sélection.

2 Sélection de titres

Afin de quantifier l’impact de la sélection des titres, il convient de multiplier les


différences de rentabilités sectorielles entre le fonds et le benchmark par l’allocation
sectorielle du benchmark.
Effet   Sélection   =  Wbi   ×  ( R pi − Rbi )
Avec :
–– Wbi = Poids de la poche i dans le benchmark
–– Rbi = Rentabilité de la poche i dans le benchmark
–– Rpi = Rentabilité de la poche i dans le portefeuille
Si sur un type d’actif ou un secteur donné, le gérant fait mieux que le benchmark,
alors l’effet sur le portefeuille sera positif et vice versa.

212
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

Tableau 8.7 – Effets de la sélection en fonction de la rentabilité du titre i


Rentabilité titre i
Surperformance Sous-performance
Effet positif Effet négatif

Le gérant de notre exemple semble être un bon stock picker. La sélection des titres
explique au total 55 points de base sur ses 100 de surperformance.
Finance : (10 % - 8 %) × 30 % = 0,60 %
Santé : (4 % - 3 %) × 20 % = 0,20 %
Technologie : (7 % - 7 %) × 25 % = 0,00 %
Distribution : (4 % - 5 %) × 25 % = -0,25 %
Total : 0,60 % + 0,20 % + 0,00 % - 0,25 % = 0,55 %
Dans le détail, la sélection de titres a généré +60 points de base dans le secteur
« Finance », et +20 points dans le secteur « Santé » (compensant en partie la sous
performance du secteur par rapport au benchmark). Toutefois, le stock picking n’a
pas permis de dégager de la surperformance dans le secteur « Technologie » où la
rentabilité du fonds est en ligne avec celle du benchmark (+7  %), et le gérant a
même sous performé dans le secteur « Distribution » abandonnant ainsi 25 points
de base.
Finalement, pris indépendamment, l’allocation d’actifs et la sélection des titres
expliquent respectivement 15 % et 55 %, soit 70 % de la surperformance. Le reste
est dû à l’interaction entre allocation et sélection.

3 Interaction entre allocation et sélection

Enfin, pour isoler l’impact de l’interaction entre les choix d’allocation d’actifs et
de sélection de titre, on multiplie les différences de poids sectorielles (entre le fonds
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et le benchmark) par les différences de rentabilités sectorielles (entre le fonds et le


benchmark).
Effet   Interaction   =  (Wpi − Wbi )  ×  ( R pi − Rbi )
Avec :
–– Wpi = Poids de la poche i dans le portefeuille géré
–– Wbi = Poids de la poche i dans le benchmark
–– Rpi = Rentabilité de la poche i dans le portefeuille
–– Rbi = Rentabilité de la poche i dans le benchmark
Dans notre cas, l’interaction entre l’allocation d’actifs et la sélection de titre a
permis de générer 30 points de base supplémentaires.

213
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

Finance : (35 % - 30 %) × (10 % - 8 %) = 0,10 %


Santé : (25 % - 20 %) × (4 % - 3 %) = 0,05 %
Technologie : (30 % - 25 %) × (7 % - 7 %) = 0,00 %
Distribution : (10 % - 25 %) × (4 % - 5 %) = -0,15 %
Total : 0,10 % + 0,05 % + 0,00 % + 0,15 % = 0,30 %
Le gérant a délivré +10 et +5 points de base pour avoir surpondéré les secteurs
« finance » et « santé » dans lesquels, la rentabilité du fonds est meilleure que celle
de l’indice grâce au stock picking, et +15 points pour avoir largement sous-pondéré
le secteur « distribution » sur lequel la performance du fonds est inférieure à celle
de l’indice.
Ainsi, on dirait que notre gérant connaît ses forces et ses faiblesses. Il sous
pondère le secteur sur lequel il n’est pas performant, mais surpondère ceux sur
lesquels il est capable de battre le marché.

4 En résumé

En résumé, l’attribution de performance nous a permis d’expliquer dans le détail


chacun des 100 points de base de surperformance délivrés par le gérant  : 15
proviennent de l’allocation d’actifs, 55 de la sélection des titres, et 30 de
l’interaction entre ces choix d’allocation et de sélection.
100%

90%
Interaction
30%
80%

70%
Poids de chaque effet

60%

50%
Sélection
40% 55%

30%

20%

10% Allocation
15%
0%
Attribution de performance

Figure 8.6 – Attribution de performance

214
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES  •  EXERCICES

8.1 Mesures de performance ajustée du risque


Le tableau ci-dessous sera utilisé pour répondre aux 7 questions de cette partie.

Mois Portefeuille Rp Benchmark Rb

100,00 100,00

Janvier 101,00 1,00 % 100,70 0,70 %

Février 94,99 -5,95 % 94,56 -6,10 %

Mars 95,21 0,23 % 95,60 1,10 %

Avril 97,07 1,95 % 97,97 2,48 %

Mai 98,55 1,53 % 99,76 1,83 %

Juin 98,16 -0,40 % 98,80 -0,96 %

Juillet 99,14 1,00 % 99,59 0,80 %

Aout 100,50 1,37 % 100,80 1,21 %

Septembre 102,23 1,73 % 102,34 1,53 %

Octobre 99,85 -2,33 % 99,52 -2,76 %

Novembre 104,62 4,77 % 103,39 3,89 %

Décembre 112,04 7,10 % 110,68 7,05 %

Moyenne 1,00 % 0,90 %

Écart type 3,10 % 3,12 %


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le taux sans risque est égal à 0 % sur toute la période.

1. Calculer la rentabilité, la volatilité, et le ratio de Sharpe du portefeuille sur un an.


2. Calculer la rentabilité, la volatilité, et le ratio de Sharpe du benchmark sur un an.
3. En supposant que la rentabilité minimale acceptable pour un investisseur soit de
1 % par mois, calculer la semi-volatilité (en dessous de ce seuil de 1 % mensuel) du
portefeuille et son ratio de Sortino.
4. Calculer le ratio d’information du portefeuille.
5. Calculer le ratio de MAR du portefeuille.
6. Calculer le M2 du portefeuille.
7. En utilisant la régression linéaire, trouver l’alpha et le beta du fonds.

215
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS  •  CORRIGÉS

8.1 Mesures de performance ajustée du risque


1. Rentabilité annualisée du portefeuille :
112, 04 − 100
Rp = = 12, 04 %
100
Volatilité annualisée du portefeuille :
σ p = 3,10 % × 12 = 10,73 %
Ratio de Sharpe du portefeuille :
12, 04 % − 0 %
Ratio   de   Sharpe   du   portefeuille = = 1,12
10, 73 %
2. Rentabilité annualisée du benchmark :
110,68 − 100
Rp = = 10,68 %
100
Volatilité annualisée du benchmark :
σ p = 3,12 % × 12 = 10,80 %
Ratio de Sharpe du benchmark :
10,68 % − 0 %
Ratio   de   Sharpe   du   portefeuille = = 0,99
10,80 %
3. Semi-volatilité : Pour calculer la semi-volatilité, il faut d’abord isoler les rentabi-
lités mensuelles inférieures à 1  % (cf. colonne Rp < 1 %), puis calculer l’écart-type
mensuel de cette série et l’annualiser.
Mois Rp Rp < 1 %
Janvier 1,00 % 0,00 %
Février -5,95 % -5,95 %
Mars 0,23 % 0,23 %
Avril 1,95 % 0,00 %
Mai 1,53 % 0,00 %
Juin -0,40 % -0,40 %
Juillet 1,00 % 0,00 %
Aout 1,37 % 0,00 %
Septembre 1,73 % 0,00 %
Octobre -2,33 % -2,33 %
Novembre 4,77 % 0,00 %
Décembre 7,10 % 0,00 %
Moyenne 1,00 % -0,70 %
Écart type 3,10 % 1,71 %

216
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

Semi-Volatilité annualisée = 1,71 % × 12 = 5,92 %


Ratio de Sortino du portefeuille :
12, 04 % − 0 %
Ratio   de   Sortino   du   portefeuille = = 2, 03
5,92 %
4. Ratio d’information  : Pour calculer le ratio d’information du portefeuille, on
mesure les différences entre les rentabilités mensuelles du portefeuille et celles du
benchmark (cf. colonne Rp - Rb), puis on calcule l’écart-type de ces différences, la
tracking error (dénominateur du ratio d’information).

Mois Rp Rb Rp - Rb
Janvier 1,00 % 0,70 % 0,30 %

Février -5,95 % -6,10 % 0,15 %

Mars 0,23 % 1,10 % -0,87 %

Avril 1,95 % 2,48 % -0,53 %

Mai 1,53 % 1,83 % -0,30 %

Juin -0,40 % -0,96 % 0,56 %

Juillet 1,00 % 0,80 % 0,20 %

Aout 1,37 % 1,21 % 0,16 %

Septembre 1,73 % 1,53 % 0,20 %

Octobre -2,33 % -2,76 % 0,43 %

Novembre 4,77 % 3,89 % 0,88 %

Décembre 7,10 % 7,05 % 0,05 %

Moyenne 1,00 % 0,90 % 0,10 %

Écart type 3,10 % 3,12 % 0,46 %


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Au numérateur :
R p − Rb = 12, 04 % − 10,68 % = 1,37 %
Au dénominateur :
σ ( p − b ) = 0,46 % × 12 =1,58 %
1,37 %
Ratio   d ’information   du   portefeuille = = 0,87
1,58 %
5. Ratio de MAR : Pour obtenir le ratio de MAR du portefeuille, on calcule d’abord
le Maximum drawdown (perte max).

217
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

CORRIGÉS Mois•  CORRIGÉS 
Portefeuille •  Max(Portefeuille)
CORRIGÉS  Drawdown
•  CORRIGÉS
100,00 100,00 0,00 %

Janvier 101,00 101,00 0,00 %


Février 94,99 101,00 -5,95 %
Mars 95,21 101,00 -5,73 %
Avril 97,07 101,00 -3,90 %
Mai 98,55 101,00 -2,43 %
Juin 98,16 101,00 -2,82 %
Juillet 99,14 101,00 -1,84 %
Août 100,50 101,00 -0,50 %
Septembre 102,23 102,23 0,00 %
Octobre 99,85 102,23 -2,33 %
Novembre 104,62 104,62 0,00 %
Décembre 112,04 112,04 0,00 %

Le Maximum Drawdown (DD) du portefeuille arrive au mois de février. Un


­investisseur qui aurait investi fin janvier et revendu fin février aurait perdu 5,95 %
[(94 99 - 101)/101]. Cela représente la perte la plus importante sur l’année.

115

110

105
Valeur du portefeuille

100

95

90

85
er ier ar
s ril ai in et ut br
e
br
e
br
e br
e
vi r Av M Ju ill Ao to
an év M Ju em m m
J F pt Oc ve éc
e
Se No D

Figure 8.7

12, 04 %
Ratio   de   MAR   =   = 2, 02
5,95 %

218
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8

CORRIGÉS 
Alpha et Beta : En•  CORRIGÉS 
représentant • lesCORRIGÉS 
sur Excel, •  CORRIGÉS
rentabilités mensuelles du portefeuille
par rapport à celles du marché, et en affichant la droite de régression linéaire, on
obtient l’équation suivante :
R p = 0, 001173 + 0,9835 Rb

8%

6%
Rentabilité du portefeuille (Rp)

4%

2%
y = 0,0012 + 0,9835x
0%
–8% –6% –4% –2% 0% 2% 4% 6% 8%
–2%

–4%

–6%

–8%
Rentabilité du benchmark (Rb)

Figure 8.8

Ainsi, une variation de 1  % du marché entraine une variation de 0,98  % du


­portefeuille. Le beta du portefeuille est donc approximativement de 0,98.
En utilisant les données de rentabilités mensuelles, l’intersection à l’origine est de
0,001173, soit (0,001173 × 12) 1,4073 % en annualisé. Cet excès de r­entabilité,
qui ne s’explique pas par la sensibilité du portefeuille au marché, correspond à
l’alpha de Jensen.
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6.
10,80 %
M 2 = (12, 04 % − 0 %) − (10,68 % − 0 %) = 1,4385
10, 73 %

219
Chapitre 8  ■  Évaluation de la performance

L’ESSENTIEL
Les investisseurs poursuivent un double objectif apparemment contradictoire  :
­augmenter la rentabilité de leurs placements, tout en réduisant leurs risques.
Une manière d’évaluer si les risques encourus sont suffisamment rémunérateurs
est de suivre des indicateurs de performance ajustée du risque.

■ Mesures de performance ajustée du risque


La plupart sont des ratios. Les plus utilisées dans la pratique sont listées
ci-dessous :
E ( Rp ) − R f
– Ratio   de   Sharpe =  
σp
E ( R p ) − MAR
– Ratio   de   Sortino =  
Semi – Volatilité
E ( Rp ) − R f
– Ratio   de   Treynor =  
βp
Rentabilité annualisée
– Ratio   de   MAR =  
Maximum Drawdown
Rentabilité annualisée36 mois glissants
– Ratio   de  CALMAR =  
Maximum Drawdown36 mois glissants
E ( R p − Rb )
– Ratio   d ’information =  
TE
De façon générale, plus ces ratios sont élevés, plus les investissements sont
performants.
D’autres indicateurs de performance ajustée du risque sont directement exprimés
sous forme de rentabilités :
– α p =  R p − [ R f + β ( Rm − R f )]
σm
– M 2 =  ( R p − R f )
− ( Rm − R f )
σp
Ces mesures peuvent être utilisées pour classer et comparer des portefeuilles
différents.

220
Évaluation de la performance  ■  Chapitre 8


■ Attribution de performance
Une autre étape importante dans l’évaluation des gérants est l’attribution de
­performance, une technique destinée à identifier les sources de rentabilité du
portefeuille. Elle peut résulter de l’allocation d’actifs et de la sélection des titres.
Pour mesurer ces différents effets, nous utilisons les formules suivantes :
Effect Allocation = (Wpi - Wbi) × (Rbi - Rb)
Effect Sélection = Wbi × (Rpi - Rbi)
Effect Interaction = (Wpi - Wbi) × (Rpi - Rbi)
Ainsi, nous sommes en mesure d’expliquer chaque point de base de sur ou
­sous-performance du gérant.
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221
Remerciements

Nous tenons tout d’abord à remercier Ronan Poupon pour avoir pris de son temps
précieux pour préfacer notre ouvrage. C’est un immense honneur pour nous.
Rémy Estran, Étienne G. Harb, Iryna Veryzhenko

Je tiens à exprimer toute ma gratitude envers les personnes qui m’ont aidé dans
l’écriture de ce livre. En premier lieu, les consultants de MPG Partners, et de bfi-
nance pour leurs travaux de relectures et leurs conseils d’expert. J’aimerais égale-
ment remercier le département finance et l’école doctorale de l’ESCP Europe pour
les échanges toujours enrichissants que j’ai avec ses membres. Enfin, un grand merci
à ma famille, et ma chérie pour leur soutien tout au long de ce travail.
Rémy Estran

Je remercie très chaleureusement mon mari, mes deux filles ainsi que nos familles
pour leur encouragement et soutien infaillibles. Je remercie aussi mes collègues et
étudiants à l’ESSCA et à NDU pour leur curiosité, pour m’avoir accompagnée dans
ce projet et permis d’une façon ou d’une autre, son enrichissement. Un grand merci
à mes co-auteurs avec qui je partage la passion du métier de gestion de portefeuille.
Notre collaboration fut stimulante et valorisante.
Étienne G. Harb

Je souhaite premièrement remercier mes co-auteurs pour cette collaboration sti-


mulante et fructueuse, pour leur implication et leur bonne humeur. L’union de nos
expertises et de nos approches fondent la réussite de ce travail d’équipe.
Gestion de portefeuille

Tout au long de la rédaction de ce livre, je n’ai eu de cesse de penser à mes


étudiants. Ils donnent un sens à mon travail et sont une source inépuisable de moti-
vation. Je les remercie pour leur curiosité et leurs questionnements qui m’ont poussé
à approfondir davantage le sujet de la gestion de portefeuille. Ce livre leur est entiè-
rement dédié !
Enfin, je ne pourrais finir ces remerciements sans penser à ma famille dont l’affec-
tion, l’amour, le soutien et l’encouragement constants m’ont été d’un grand récon-
fort et ont contribué à l’aboutissement de ce travail.
Iryna Veryzhenko

226
Bibliographie

Bernard, P. (2000), La décision dans l’incertain : préférences, utilité et probabilités,


EURISCO.
Bernoulli (1768), « Exposition of a new theory of risk evaluation », in W.J. Baumol &
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Behaviour, Princeton University Press, Princeton.
Young, T. W. (1991), « Calmar Ratio : A Smoother Tool », Futures.

230
Index

A critique de Roll, 123


critiques, 123
anticipations hétérogènes, 126 crossing network, 15
ATS, 15
Autorité de Contrôle Prudentiel, 7
Autorité des Marchés Financiers, 7 D
dealers, 11, 15
B décomposition du risque, 75
dépositaire central de titres, 6
benchmark, 142, 145
DMIF, 15
beta, 111, 113
droite de marché, 114
bid-ask spread, 11, 16
droite des titres, 116
brokers, 11

C E
ECN, 15
capitalisation, 112
erreur d’estimation, 63
capitalisation boursière, 147
ESMA, 7
Capital Market Line (CML), 114
carnet d’ordres, 13 Euroclear, 9
chambres de compensation, 6 Euronext, 9
circuit-breaker, 26 Exchange Traded Funds, 145
compensation, 6 extensions, 123
conservation, 6
cotation en continu, 23
F
coupe-circuits, 26
courtiers, 11 fixing, 24
covariance, 68 frontière efficiente, 70
corrélation, 68 frontière efficiente de Markowitz, 70
Gestion de portefeuille

G ordre au marché, 17
ordre caché, 22
gré à gré, 2 ordre iceberg, 22

H P
Harry Markowitz, 67 PER (Price Earnings Ratio), 150
high-water mark, 157 portefeuille de N titres, 73
hurdle rate, 157 portefeuille de marché, 112, 114
portefeuille super-efficient, 112
I portefeuille tangent, 112
processus, 62
indice boursier, 114
intervalle de confiance, 62
R
K ratio de Sharpe, 78, 110
règlement-livraison, 6
kurtosis, 65 rentabilité, 110, 116
rentabilité de marché, 111
rentabilité espérée, 61
L risque, 110
LCH.Clearnet, 9 risque systématique, 113
liquidité, 26 risque systémique, 147
lock-up period, 155
loi normale, 61
S
Securities Market Line (SML), 116
M semi-variance, 67
marché d’agence, 13 skewness, 65
marché de contrepartie, 14 somme, 44
marchés organisés, 2 sous-évalué, 120
market-maker, 14 stationnaire, 62
MEDAF, 111 surévalué, 120
modèle beta-neutre, 123
Multilateral Trading Facilities (MTF), 15
T
taux d’emprunt et taux de prêt différents, 125
N taux sans risque, 77
notice period, 157 ticker, 131
tracking error, 145

O
V
ordre à cours limité, 17
ordre à la meilleure limite, 19 variance et l’écart-type, 61
ordre à plage de déclenchement, 21 ventes à découvert, 5, 79
ordre à seuil de déclenchement, 20

232

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