Vous êtes sur la page 1sur 5

Devoir de Droit de Commerce International

ANDRIANTSIFERANA Larson Master 1 DPII


Numéro d’examen : 135

Cour de Cassation (Ch.com.) 12 juillet 2011


Soc. Compagnie Lebon c. UBS AG

L’escroquerie disait Alfred CAPUS est « une bonne affaire qui a rencontré une
mauvaise loi », C’est ce dont témoigne le présent arrêt soumis à notre commentaire.
Une société de droit suisse UBS AG, promoteur de la Société d’Investissement A
Capital Variable(SICAV) de droit luxembourgeois appelée Luxalpha, gérée par l’une de ses
filiales, avait omisd'informer les investisseurs que la société Bernard X... Investment
Securities (BMIS) assurait la double fonction de sous-dépositaire et de courtier de la SICAV,
la société française Compagnie Lebon (LEBON) avait souscrit d’actions de la SICAV le 1 er
février 2005.
Elle a assignée devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité quasi
délictuelle pour la réparation du préjudice qu'elle avait subi. La société UBS AG a formé un
contredit à l’encontre du jugement devant la cour d’appel, que cette dernière a accueilli, d’où
le pourvoi en cassation de LEBON. Devant la cour de cassation, dans son pourvoi, la société
Compagnie Lebon prétendait que lajuridiction française est compétente dans l’affaire sur la
base de l’article 5.3 de la Convention de Lugano du 16 septembre 2018 stipulant que le
défendeur peut être attrait, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du
lieu où le fait dommageable s'est produit. En effet, Lebon soutient que ce lieu est situé en
l’espèce en France : les conditions de commercialisation en France des actions de la SICAV
reposaient sur des informations erronées et partielles diffusées en France.
La Cour de Cassation devait donc répondre à la question suivante : Comment s’apprécie
la détermination du lieu du fait dommageable qui fonde la compétence de la juridictionen cas
de préjudices financiers dans le contexte des organismes de placement collectif ?
Le reproche adressé à la cour d’appelne convaincra pas la Cour de cassationqui rejettera
le pourvoi elle considère que la souscription des actions SICAV s’est réalisée directement au
Luxembourg à une date antérieure, le fait dommageable ne s’est donc pas produit en France et
les juridictions françaises ne sont donc pas compétentes.
Pour donner une réponse à cette problématique on va analyser successivement, la
détermination du lieu du fait dommageable (I) comme facteur de désignation du tribunal
compétent, et ensuite l’adaptation par le juge du l’article 5.3 de la convention de Lugano au
préjudice financiers (II).

I- La détermination du lieu du fait dommageable : cette détermination qui donne la


compétence ratione loci à une juridiction(A) et pour désigner la compétence d’une juridiction,
l’appréciation de ce lieu du fait dommageable s’est étendue(B).

A/ Une compétence ratione loci d’une juridiction


Une compétence ratione loci est l’aptitude d’une juridiction à connaître d’une affaire en
fonction d’une circonstance de lieu. Autrement dit, le lieu du fait de dommage donnera
compétence à la juridiction del’Etat de ce lieu. Cette règle de compétence a été consacré par la
convention de Lugano que tous les Etats partis vont suivre. Il s’agit d’une transposition des
règles de compétence territoriale en droit interne sur un litige international, puisque les règles
ne changent pas soudainement même si le litigeest de portée internationale.
En l’espèce, la juridiction française a été saisie par une société française, qui estime que
ce lieu du fait du dommage se trouvait donc en France. Les dispositions de la convention de
Lugano que la France suit, reconnait en matière de responsabilité délictuelle ou quasi
délictuelle (qui suppose la présence d’une faute), la compétence du lieu de la survenance du
dommage.
Il est clair que pour LEBON, ce lieu était la France, il allègue d’ailleurs que les
prospectus émis et la défaillance de l’information donnée aux investisseurs se trouvaient en
France, qui sont pour elle l’événement causal du dommage. Dans cette affaire, la compétence
de la juridiction des États en cause dépend du lieu du fait du dommage qui va être retenu.
La détermination du lieu du fait du dommage ne se fait pas littéralement ; ce critère a
été étendu pour pouvoir soutenir l’événement causal comme fondement de la compétence
juridictionnelle.

B/ L’appréciation extensive du lieu du fait du dommage


La jurisprudence que ce soit interne ou internationale a longtempsadoptée une
appréciation extensive de l’article 5.3 dela convention de Lugano de 1988. En effet,
l’appréciation du lieu du fait du dommage a été étendue au lieu de survenance du dommage et
au lieu de l'événement causal qui est à l'origine du dommage. Le lieu de la survenance
dommage est identique au lieu du fait du dommage, toutefois, c’est la détermination de
l’événement causal qui est critiquable puisqu’elle sous-entend la démonstration d’un lien de
cause à effet qui peut s’interpréter différemment.
La détermination de cet événement est opposée dans l’affaire, puisque en l’espèce il y
contradiction entre le raisonnement des juges du fond qui soutient que la souscription est à
l’origine du dommage et les moyens de pourvoi qui soutiennent à la place une faute imputable
à UBS AG.
L’événement causal à l’origine du dommage n’est pas explicitement démontré quand à
sa nature, dans le raisonnement du juge, la démonstration du lien de cause à effet suffit à
démontrer cet événement causal, de ce fait, la Cour d’appel à retenue la souscription comme
événement causal pour écarter sa compétence, puisque cette souscription s’est intervenue au
Luxembourg donc compétence territoriale du tribunal luxembourgeois, ce raisonnement a été
confirmé par la haute juridiction en rejetant le pourvoi de LEBON.
Néanmoins, la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle est engagée en cas de faute
que ce soit intentionnelle ou non intentionnelle, quela défaillancede l’obligation d’information
dessociétés de placement financier sous-entend une faute, ce qui engage la responsabilité
quasi-délictuelle UBS AG. C’est dans ce sens que s’est basé le raisonnement du pourvoyeur
en cassation.Or d’un autre coté LEBON soutient que la souscription est le fait causal qu’en
l’espèce c’était intervenu au Luxembourg directement ; LEBON s’est contredit à ses propres
prétentions. Une contradiction que les juges n’ont pas manqué de soulever dans le fondement
de leurs décisions.
Le raisonnement du juge est différent de ce que prétend la partie demanderesse, On peut
donc se demander si l’article 5.3 est adapté pour les délits financiers.

II- L’adaptation du juge de l’article 5.3 de la convention de Lugano : dans le cadre d’un
préjudice financier, l’article 5.3 de la convention de Lugano a été adapté, La souscription
comme événement causal (A’),

A’/La souscription comme événement causal


Au lieu de serallier avec les moyens du pourvoi, la Cour de cassation s’est ralliée avec
le raisonnement des juges du fond, à savoir, prendre la souscription comme événement causal,
ce qui exclu en effet la compétence de la juridiction française.
D’ailleurs, LEBON admet que la souscription des actions LUXALPHA est le fait causal
originel mais se fonde sur les conditions de commercialisation en France des actions de la
SICAV. Selon la réglementation française issue de la directive OPCVM (Organisme de
Placement Collectif en Valeurs mobilières), la commercialisationen France d’un OPCVM
coordonné au sens de la directiveaurait dû donner lieu à une information suffisante et fiable à
destinationdes investisseurs situés en France. Les informations fournies n’étaient
pasconformes à ces exigences, en ce sens qu’elles ne mentionnaient pas le rôlede BMIS et les
risques et conséquences pour les investisseurs. Le défautd’information se localise en France,
ce qui désigne les tribunaux françaisau sens de l’article 5.3 de la Convention de Lugano.
Mais La Cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation, se fondent exclusivementsur
la localisation de la souscription, la cour de cassation estime que la souscription estle fait
causal qui doit être pris en compte, en l’espèce la souscription était intervenue le 1 er février
2005 bien avant l’agrément de la commercialisation en France le 25 mars 2005. C'est-à-dire
donc que la souscription est le fait causal puisque c’est ce qui marque l’engagement de
LEBON à devenir investisseur de la société, qui est le point de départ d’un susceptible
paiement d’argent.
La juridiction française écarte la possibilité d’une faute comme fondement et se base
essentiellement sur le lien de cause à effet sans autre justification. L’événement causal peut ne
pas être une faute, on va juste retenir le pointde départ du dommage ce qui est critiquable
puisque la responsabilité engagée est une responsabilité quasi-délictuelle. En retenant alors la
souscription comme fait du lieu du dommage, la juridiction française n’avait pas donc la
compétence ratione loci dans cette affaire, laissant la compétence à la juridiction du lieu de la
souscription, le cas échéant la juridiction Luxembourgeois.
Le tribunal compétent est le tribunal du lieu du dommage, l’extension de cette règle a
déjà été évoqué en amont ; mais pour son appréciation, le juge est amené à confronter les faits
avec les règles, certes l’article 5.3 de la convention de Lugano de 1988 dispose que « Le
défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat
contractant, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait
dommageable s’est produit », autant la France que le Luxembourg sont partis à cette
convention. Mais l’appréciation de ce dit lieu est laissée souverainement au juge.

B’/ Le prolongement de cette appréciation


De longue date, la Cour de justice de l'Union européenne considère que le lieu du fait
dommageable doit s'entendre : soit du lieu où le dommage est survenu ; soit du lieu de
l'événement causal qui est à l'origine du dommage.
La jurisprudence ultérieure (Cass. Civ 1ère, 19 novembre 2014) à cet arrêt a retenu les
mêmes critères. Le raisonnement du juge doit toujours se fonder sur ces deux extensions de
l’appréciation du lieu du fait dommageable, Par conséquent la solution ainsi dégagée conserve
toujours toute sa valeur sous l'empire de la convention de Lugano. Néanmoins, la
confrontation et la détermination du cas d’espèce sera toujours dans l’appréciation souveraine
du juge.
La jurisprudence ultérieure a reconnu cette fois ci comme lieu de l'événement causal à
l'origine du dommage, celui du prétendu manquement de la banque à ses obligations, ce qui
laisse à dire une continuité de dans le raisonnement mais un revirement de jurisprudence
quant à l’appréciation du fait à l’origine du dommage. Dans notre arrêt à commenter la
défaillance del’obligation d’informer de l’UBS AG n’a pas été retenue comme fondement de
l’événement causal ; mais pour l’arrêt de la 1ère chambre civile en 2014 cela a été retenu, alors
que les 2 cas concernent des préjudices financiers en matière de placement collectif.
En fin de compte, l'interprétation de cet article n'est pas une interprétation stricte comme
elle devait l’être, c’est plutôt une interprétation large et cela changer au fur et à mesure suite à
une éventuelle hésitation du juge à la détermination du facteur de la localisation du délit ; ce
qui peut porter atteinte à la sécurité juridique des justiciables.

Vous aimerez peut-être aussi