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2009
L’arrêt rendu le 19 novembre 2009 par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation illustre
parfaitement la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat.
Dans le cas présent, la Cour de cassation contredit la juridiction de proximité. En effet, pour la
Cour de cassation l’obligation dont est tenue la société Free à l’égard de ses clients est une
obligation de résultat, alors que pour la juridiction de proximité c’est une obligation de
moyens. Nous allons donc définir ces deux obligations dans un premier paragraphe (1), puis
nous allons voir quel est le principal intérêt de cette distinction dans un second paragraphe
(2).
Un contrat crée des obligations à l’égard d’une ou plusieurs parties au contrat. Il existe des
obligations de moyens et des obligations de résultat.
Dans certains cas, l’obligation contractuelle peut requérir du débiteur qu’il fasse tout son
possible pour exécuter le contrat : on dit alors qu’il est tenu d’une obligation de moyens. On
ne peut pas exiger un résultat.
Pour les obligations de moyen, il y aura faute si le créancier prouve que le débiteur n’a
pas fait tout ce qui lui était possible pour exécuter le contrat, ou encore s’il a fait preuve de
négligence. On dit aussi qu’il faut établir « le manque de diligence » du débiteur.
Dans d’autres cas, le débiteur est tenu d’une obligation de résultat. Dans ce cas là, il doit
fournir une prestation déterminée au créancier. Le simple fait de manquer au résultat promis
engage la responsabilité contractuelle.
La distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat est relative, ça veut dire
qu’il ne sera pas toujours possible, ou pas toujours facile, de dire si l’obligation est de moyen
ou de résultat. Il faudra se reporter au conteste et au contenu du contrat, aux prévisions des
parties.
La distinction des obligations de moyen et des obligations de résultat sert avant tout à
répartir la charge de la preuve de la faute.
Ainsi, lorsque l’obligation est de moyen, c’est au créancier de prouver que le débiteur a
commis une faute, a manqué de diligence. Ce n’est que si le créancier apporte cette preuve
que le débiteur, le cas échéant, pourra invoquer des arguments pour dire qu’il n’a pas commis
de faute, donc pour échapper à sa responsabilité.
Si l’obligation est de résultat, la charge de la preuve est inversée : la seule inexécution
suffit à établir la faute et le créancier n’a rien d’autre à prouver. Dans ce cas, c’est donc au
débiteur de prouver des éléments qui lui permettent d’échapper à sa responsabilité.
Comme dans le cas présent, lorsqu’un débiteur, ici la société Free, ne respecte pas ses
obligations, elle crée un dommage pour son créancier, ici M.X. Le créancier peut donc
engager la responsabilité contractuelle du débiteur devant les tribunaux.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation donne une définition de la force majeure, et deux de ses
caractéristiques, c’est ce nous étudierons premièrement (A).
De plus, la Cour de cassation indique que dans le cas de force majeure, la société Free aurait
pu s’exonérer de sa responsabilité, c’est ce que nous verrons secondement (B).
La Cour de cassation définit la force majeure comme « un évènement présentant un caractère
imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible au moment de son exécution. »
C’est l’article 1148 qui vise précisément la force majeure. Cet article ne le précise pas, mais la
force majeure requière trois conditions. A travers cet arrêt, la Cour de cassation en donne
deux (1), mais elle en oublie un troisième (2).
L’évènement de force majeure doit être irrésistible : on ne peut pas lui résister. Il faut
qu’aucun moyen n’ait pu être mis en œuvre pour exécuter le contrat malgré tout, c'est-à-dire
pour empêcher que l’évènement ne fasse obstacle à l’exécution. Là encore, l’appréciation du
caractère irrésistible se fera in abstracto.
Et cette appréciation se fait « au moment de son exécution » comme le dit dans cet arrêt la
Cour de cassation.
L’évènement constitutif de force majeure doit être extérieur au débiteur et extérieur aux
moyens matériels et humains auxquels il a recours.
Cette condition est débattue car, pour certains auteurs, il est possible de retenir la force
majeure dès lors que l’évènement est imprévisible et irrésistible et alors même qu’il ne serait
pas extérieur au débiteur. Sur cette question, la jurisprudence n’est pas claire. On attendait
beaucoup des arrêts de l’Assemblée plénière du 14 avril 2006, or ils ne clarifient pas vraiment
les choses, puisque dans un des arrêts, la Cour de cassation a retenue comme force majeure la
maladie du débiteur. Or la maladie est un évènement imprévisible, irrésistible, mais ce n’est
pas extérieur au débiteur. On pourrait penser que du fait de cet arrêt, la condition d’extériorité
n’est pas obligatoire. Mais dans ces arrêts du 14 avril 2006, la Cour de cassation définie la
force majeure dans un attendu de principe : elle la définie comme un évènement imprévisible,
irrésistible et extérieur au débiteur. Donc le débat n’est pas clos.
Dans l’arrêt ici étudié, on voit que la Cour de cassation ne fait pas du tout allusion à cette
condition, on peut donc se demander si elle est toujours nécessaire pour définir la force
majeure.
C’est l’article 1147 qui définit les situations dans lesquelles on peut échapper à sa
responsabilité.
Nous allons donc voir les effets que peut avoir la force majeure sur le contrat (1), puis les
effets qu’elle peut avoir sur le débiteur (2).
1 – Les effets de la force majeure sur le contrat
Les effets de la force majeure sur le contrat varient suivant l’ampleur de la force majeure.
Dans les contrats unilatéraux, la solution ne pose pas de difficultés, puisque par
définition, il n’y a qu’un seul contractant qui soit tenu à des obligations et donc c’est celui-ci
qui sera empêché par la force majeure.
Dans les contrats synallagmatiques, la solution est plus complexe car il faut se demander
si l’autre contractant, également débiteur, reste ou non tenu de ses obligations. Cette question,
c’est la Théorie des risques. En principe, la règle c’est que les risques pèsent sur le débiteur.
La justification théorique de cette solution se trouve sur le terrain de la cause. Dans les
contrats synallagmatiques, les obligations des parties sont interdépendantes, ça justifie que si
l’une des parties est empêchée de s’exécuter l’autre est libérée de son obligation.
La force majeure n’est pas le seul cas qui va permettre à une partie d’échapper à sa
responsabilité contractuelle. En effet, une partie au contrat peut échapper à sa responsabilité
contractuelle du fait d’un tiers ou du fait du créancier.