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Université Mohammed V Rabat

Faculté des Sciences Juridiques


Economiques et Sociales
Agdal

Thème : Commentaire d’une sentence arbitrale

Raouia Mallouch
Khaoula Aftis

Encadré par la professeur Ilham HAMDAI

Année Universitaire : 2023-2024


litige opposant une entreprise française à une entreprise marocaine

En juillet 2008, la société Ynna Asment filiale de la holding Ynna Holding a signé avec un prestataire
français, la société française Fives FCB (société d'ingénierie basée à Paris) un contrat portant sur la
réalisation d’une unité de production de ciment d’une capacité de production d’environ 2 millions de
tonnes par an à livrer clés en main dans la région de Settat.

Le montant total de l’investissement s’élève à 1,75 milliard de DH (environ 162 millions d’Euros). Une
partie de ce financement devait être réglée en devises au profit du prestataire français, soit 132
millions d’Euros. Il a été convenu que l’exécution du contrat se déroulera en deux étapes.

Une première phase dite de «préparation» qui s’étale jusqu’à l’entrée en vigueur du contrat,
qualifiée de «principale» et une 2e phase de l’engagement qui porte plutôt sur la réalisation du
projet.

La filiale d’Ynna Holding versera un acompte de 10% sur la part en Euros du contrat Le projet a
finalement été abandonné en 2009.

La société Fives FCB reproche à la société Ynna Asment d’avoir retiré sans préavis un cautionnement
de plus de 13 millions d'euros qu'Ynna Holding a refusé de payer.

Usant de la clause compromissoire, la société Fives FCB se sentant lésée, demande réparation au
tribunal arbitral à Genève (Suisse) compétent en la matière qui a prononcé une sentence arbitrale en
faveur de la société Fives FCB.

La sentence rendue à Genève a donné raison à la demanderesse et a condamné la société Ynna


Asment à payer solidairement avec la société mère la holding Ynna Holding la somme de 19,5
millions d’Euros avec intérêt de 5% à compter de fin juillet 2009 et «jusqu’au paiement complet».

Le tribunal commercial de Casablanca, saisi pour l’exéquatur de la sentence arbitrale, a reconnu par
Ordonnance n°3921 du 28 décembre 2012, dossier n°2426/1/2011) le bienfondé de la sentence
arbitrale mais en ne déclarant pas la solidarité entre la société Ynna Asment et sa société mère Ynna
Holding comme l’avait jugé le tribunal arbitral helvétique.

La Cour d’appel commerciale de Casablanca saisie par l’appel de la société Ynna Asment ordonne par
arrêt du 15 janvier 2015, dossier n°2013/8224/2669 l’exéquatur et la reconnaissance de la sentence
arbitrable telle qu’elle a été prononcée par le tribunal arbitral de Genève qui avait déclaré la
solidarité de la société Ynna Asment avec sa maison mère Ynna Holding. 8

Le groupe Fives, a obtenu du Tribunal de commerce de Casablanca le 25 février 2015 la saisie


conservatoire de 65% des actions de la Société nationale d'électrolyse et de pétrochimie marocaine
(SNEP) et le 6 mars 2015 la saisie-exécution des 3 499 912 actions détenues par Ynna Holding dans le
capital de la chaîne de supermarchés Aswak Assalam( les deux sociétés sont des filiales de Ynna
Holding).
Introduction :

Tout d’abord, une sentence est définie comme une décision ou un jugement, dans le sens d’un acte
par lequel un litige est résolu et, par conséquent, clôturé. Par conséquent, la sentence doit être
comprise comme la décision par laquelle il est mis fin au litige qui a été soumis à l’arbitrage.
Indépendamment du fait que la sentence doit être considérée comme finale ou définitive, il faut
garder à l’esprit qu’elle conclut une procédure d’arbitrage unique et spécifique.
Le terme sentence désigne la décision rendue par un arbitre qui sert à résoudre le conflit entre deux
ou plusieurs parties. Ainsi, le jugement est l’équivalent juridictionnel de la sentence arbitrale.
Selon la définition ci-dessus, la sentence est une décision rendue par les arbitres, c’est-à-dire une
décision qui ne peut être rendue que par un ou plusieurs arbitres dans une procédure d’arbitrage.
Il ya différente sentence arbitrale La première est la sentence finale qui tranche définitivement la ou
les questions et qui a force de chose jugée (Res Judicata)

La deuxième est la sentence partielle qui tranche une partie du conflit, cela est souvent le cas pour
juger de la validité de la convention ou de la compétence des arbitres.

Enfin la troisième est la sentence dite d'accord-parties, qui consiste entériner un accord qui a été
trouvé par les parties et donc d'arrêter la procédure.

Deux parties s’affrontent: Fives FCB, société de droit français, et sa filiale marocaine CPC Maroc, font
face au groupe Chaâbi et la société qu’il détient entièrement, Ynna Asment.

Le premier round s’est tenu devant un tribunal arbitral en Suisse.

La seconde mi-temps s’est déroulée auprès des juridictions de commerce marocaines .

Il s’agit d’une affaire historique qui a commencé en 2007 et un cas d’école qui a fait couler beaucoup
d’encre.

Mi-janvier 2015, la Cour d’appel de commerce de Casablanca rend un arrêt d’un intérêt majeur. Elle
reconnaît une sentence arbitrale étrangère et oblige son exécution. Implicitement, le juge marocain
se prononce pour l’extension d’une clause compromissoire à une société-mère même si elle n’a pas
signé le contrat. De quoi s’agit-il au juste?

RAPPEELE DE FAIT

L’affaire remonte à 2007. Ynna Asment, filiale d’Ynna Holding lance un appel d’offres international
pour la réalisation d’une cimenterie à Guisser, région de Settat. Une année plus tard, le marché est
octroyé à Fives FCB, société française. Le contrat est signé pour un montant avoisinant les 135
millions d’euros.

L’une des clauses du contrat engageait la partie marocaine à verser 13.181.500 euros à titre d’avance
pour la réalisation du projet.

Un projet qui sera finalement avorté et n'aura jamais lieu, pour des raisons qui diffèrent selon les
versions.
En décembre 2009, la société française saisit la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI de Genève,
engageant contre Ynna Holding et sa filiale une action pour rupture abusive du contrat. Fives réclame
la condamnation solidaire de la filiale et sa société mère, alors que la convention d'arbitrage a été
signée par la filiale.

La sentence arbitrale est rendue deux ans après, en 2011. Elle donne raison à Fives et condamne
Ynna Holding et sa filiale à lui payer solidairement plus de 19 millions d’euros. Une somme à laquelle
s’ajoutent les 5% d’intérêts de retard à compter du 31 juillet 2011. En gros, les arbitres ont accepté
d'étendre la clause compromissoire à la société mère non signataire, invoquant sa participation, de
fait, au contrat.

La sentence arbitrale est rendue deux ans après, en 2011. Elle donne raison à Fives et condamne
Ynna Holding et sa filiale à lui payer solidairement plus de 19 millions d’euros. Une somme à laquelle
s’ajoutent les 5% d’intérêts de retard à compter du 31 juillet 2011. En gros, les arbitres ont accepté
d'étendre la clause compromissoire à la société mère non signataire, invoquant sa participation, de
fait, au contrat.

Pour donner force exécutoire à la sentence suisse, Fives FCB introduit alors une requête aux
fins d’exequatur auprès du tribunal de commerce de Casablanca. Ce dernier rejette partiellement sa
demande en condamnant uniquement la filiale, écartant de ce fait toute responsabilité de la Holding.

Seulement voilà, en phase d’appel, cette décision est infirmée. La juridiction de deuxième degré a
jugé que la sentence arbitrale remplissait toutes les conditions pour prendre une forme exécutoire.
Reprenant l'argumentaire de la sentence suisse, la Cour d'appel avait estimé que Ynna Holding était
une partie principale au contrat avec Fives, et que la filiale Ynna Asment n'était qu'un "outil" entre
les mains de la société mère.

Les arbitres

Trois arbitres ont statué dans ce dossier: un suisse, un français et un marocain en la personne du Pr
Mohamed El Mernissi.

Durant la procédure d’arbitrage, Me Naciri & associés et Gide Loyrette Nouel ont représenté Ynna
Holding et sa filiale.

PROCEDURE

Les éléments clès de la décision de la Cour de cassation :

- L'extension de la clause d'arbitrage au tiers non signataire du contrat est une exception au principe
du consentement à l'arbitrage.

Pour établir cette exception, le tribunal arbitral et le juge de l'exequatur (Cour d'appel, en l'espèce)
doivent étayer les faits et agissements qui démontrent sans ambiguïté que leur auteur a participé au
contrat contenant une clause d'arbitrage, ou qui signifient de manière absolue qu'il s'agit de l'acteur
principal du contrat et que le signataire (la filiale) est la personne apparente et non la partie
principale.

- La Cour d'appel a justifié l'extension par la présence, lors des négociations du contrat entre Fives et
Ynna Asment, de feu Miloud Chaabi qui était alors président directeur général de Ynna Holding.
Sachant qu'à l'époque, le même Miloud Chaabi occupait également la fonction de PDG de Ynna
Asment. Or, selon la Cour de cassation, la Cour d'appel n'a pas démontré si la présence de Miloud
Chaabi était bien en sa qualité de PDG de Ynna Holding et non de Ynna Asment, tandis que rien
n'empêche une même personne physique de représenter plusieurs personnes morales.

- La sentence arbitrale a constaté que les réunions de négociations avec Fives avaient eu lieu au
siège social de Ynna Holding et non celui de Ynna Asment, ce qui conclurait à la participation de la
première au contrat. Or, il est établi que la société mère et sa filiale avaient un siège à la même
adresse.

La Cour d'appel n'a pas expliqué comment elle a conclu que les réunions se sont tenues au siège de la
holding et non au siège de la filiale signataire du contrat.

- Dans son arrêt, la Cour d'appel justifie l'extension en citant des décisions de Ynna qui l'auraient
impliquée directement dans la transaction entre Ynna Asment avec Fives FCB. On évoque
notamment une caution souscrite par la holding en garantie du projet porté par la filiale, ou encore
sa participation au capitale de cette dernière.

Là aussi, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel n'a pas démontré en quoi émettre ce type
de décision impliquerait son auteur dans un contrat qu'il n'a pas signé.

Mais encore, les sages soutiennent que la présentation d'une caution et l'acquisition d'une part de
capital ne permettent pas de conclure que le garant ou le souscripteur est une partie à part entière
d'un contrat qu'il n'a pas signé.

Le tribunal arbitral reconnaît d’abord «qu’Ynna Holding est liée par la clause d’arbitrage». Car la
société mère a contesté que lui soit étendue l’application de la clause compromissoire.
Certes Ynna Holding n’a pas signé le contrat, «sauf qu’elle a participé à la négociation, à la conclusion
et à l’exécution du contrat».

Il a été reconnu aussi que la convention a été «résiliée sans cause» par les défendresses. Ynna
Asment et sa société mère seront «condamnées à payer solidairement près de 19,5 millions d’euros
avec intérêt à 5% à compter de fin juillet 2009 jusqu’au paiement complet».

La sentence arbitrale ne sera pas spontanément exécutée. D’où le recours aux juridictions
marocaines pour obtenir l’exéquatur. Une sorte de visa en somme permettant de rendre exécutoire
au Maroc une décision de justice étrangère ou une sentence arbitrale.

A condition que la sentence soit conforme à l’ordre public national ou international. La juridiction n’a
donc pas à rejuger l’affaire dans le fond.

Solution

C’est le 3 octobre 2022 que la Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire, a rendu son verdict
en faveur de la holding de la famille Chaâbi.

Ce sont 36 juges, de toutes chambres confondues, qui ont participé à la prise de décision dont les
détails ne sont toujours pas révélés.

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