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Les négociations précontractuelles

SYNTHÈSE
Négociations = pourparlers = échanges qui interviennent éventuellement entre les parties
avant qu’elles ne concluent le contrat.

1) La liberté dans les négociations (art. 1112 du Code civil)

Principe : La phase de négociations se caractérise par le principe de liberté (c’est un aspect


de la liberté contractuelle) : liberté d’engager des négociations, et liberté de les rompre. Celui
qui négocie n'est jamais contraint d'aller jusqu'à la conclusion d'un contrat.

Limites :
• • Cependant, les exigences de la bonne foi gouvernent les négociations (art. 1104 du
Code civil).
Ainsi, une faute au cours des négociations pourra engager la responsabilité de son auteur
(responsabilité extracontractuelle car le contrat n’est pas conclu).
Exemples : ✓ Fourniture de renseignements inexacts en connaissance de cause
✓ Brusque changement d’avis après de longues négociations

La réparation du préjudice, en cas de faute commise dans les négociations, est limitée à ce
que la victime aurait pu éviter si les pourparlers n’avaient pas été entrepris (Exemples : perte
de temps ou d’argent en démarches inutiles, possibilité d’avoir raté une autre négociation...).
En revanche, elle ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du
contrat non conclu ou « la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la
conclusion du contrat » (Cass. Com., 26 nov. 2003, Manoukian).

2) L’obligation d’information dans les négociations (art. 1112-1 du Code civil)

Principe : La partie qui possède une information dont l'importance est déterminante pour le
consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore
cette information ou fait confiance à son cocontractant :
• de manière négative, le devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la
prestation. Chacun doit ainsi se renseigner sur la valeur du bien ou du service objet du
contrat. Exemple : un acheteur n’a pas à informer le vendeur sur la valeur du bien vendu
(Cass. civ. 1ère, 3 mai 2000, Baldus ; Cass. Civ. 3ème, 17 janv. 2007, n° 06-10.442).
• de manière positive, ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct
et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
• dans certains cas, l'ignorance du contractant sera illégitime : cela vise les hypothèses où il
doit lui-même se renseigner, sans attendre que son contractant lui révèle des informations qu'il
était coupable d'ignorer.

CH 1-Négociations précontractuelles – Département L.E.A- 2019


Ordre public : L’obligation d’information est une règle d’ordre public, cela signifie que les
parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Preuve : c'est à celui qui prétend qu'une information lui était due, de le prouver, à charge pour
le débiteur de l'obligation d’information de prouver qu'il l'a fournie.
Sanctions :
• la mise en jeu de la responsabilité du débiteur de l’obligation d’information
• l'annulation du contrat si l'absence d'information a eu pour effet de vicier le consentement
du contractant

3) L’obligation de confidentialité dans les négociations (art. 1112-2 du Code civil)

Principe : Les informations confidentielles ne peuvent être utilisées ou divulguées.


Sanction : Celui qui le ferait engage sa responsabilité.

N.B. : - Impact limité du principe de liberté de négocier,


par la Loi et la JSP ;

- La bonne foi est présente et importante dans les


négociations précontractuelles.

CH 1-Négociations précontractuelles – Département L.E.A- 2019


L’arrêt Manoukian
I) Les faits
En l’espèce, une société (la société Alain Manoukian) avait engagé des négociations avec les
actionnaires d’une autre société en vue de l’acquisition des actions composant le capital de
cette société.

Après six mois de négociations, plusieurs rencontres et échanges de courriers, un « projet


d’accord » avait été établi.

Cependant, les actionnaires de la société ont finalement vendu leurs actions à une société
tierce (la société Les Complices).

II) La procédure
La société Alain Manoukian a alors assigné les actionnaires cédants et la société Les
Complices en responsabilité afin d’obtenir la réparation du préjudice résultant de la rupture
abusive des pourparlers.

La Cour d’appel de Paris n’a fait droit qu’en partie à la demande de la société Alain
Manoukian.

Si elle a effectivement retenu la responsabilité des actionnaires cédants, elle n’a pas retenu
celle de la société Les Complices. Par ailleurs, elle a limité la réparation du préjudice subi par
la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par les négociations et aux études préalables
qu’elle avait engagées, sans l’étendre ni aux gains qu’elle pouvait espérer tirer de la
conclusion du contrat, ni même à la perte de chance de réaliser ces gains. En l’espèce, ces
“gains” correspondaient à l’exploitation d’un fonds de commerce appartenant à la société dont
l’acquisition était envisagée.

Cette décision ne satisfaisant personne, un double pourvoi est formé tant par les actionnaires
cédants que par la société Manoukian.

Le pourvoi des actionnaires cédants et celui de la société Alain


Manoukian ont été rejetés.

III) La solution de la Cour de cassation


D’abord, la Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel de Paris en ce qu’elle a retenu
l’existence d’une faute dans la rupture des pourparlers. Selon la Haute Juridiction, la cour
d’appel, qui a retenu que les actionnaires cédants avaient rompu unilatéralement et avec
mauvaise foi des pourparlers qu’ils n’avaient jamais paru abandonner et que la société Alain
Manoukian poursuivait normalement, a légalement justifié sa décision.

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Il faut bien comprendre que la Cour de cassation sanctionne ici les actionnaires cédants parce
qu’ils ont suscité, chez la société Manoukian, l’espoir non fondé que le contrat serait
conclu. L’arrêt Manoukian insiste en effet à plusieurs reprises sur le fait que la société
Manoukian pouvait “légitimement attendre” la conclusion du contrat. Les actionnaires
cédants avaient notamment “laissé croire que seule l’absence de l’expert comptable de la
société retardait la signature du protocole”.

Elle approuve également la cour d’appel d’avoir limité la réparation du préjudice, en


l’absence d’accord ferme et définitif, aux frais occasionnés par les négociations et aux études
préalables engagées, sans l’étendre à “la perte d’une chance de réaliser les gains que
permettait d’espérer la conclusion du contrat”.

Législation en vigueur

 Article 1104 : Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 2

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public ».

 Article 1112 : Modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018 - art. 3


« L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils
doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne
peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu,
ni la perte de chance d'obtenir ces avantages ».

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