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MORDIOU !

DE CAPE ET D’ÉPÉE

Jean-Guillaume de Grümph
MORDIOU !
DE CAPE ET D’ÉPÉE

Au milieu du 17ème siècle, vivait à Paris un


homme secret, un homme à secrets, un
homme de secrets.

Les puissants et leurs courtisans venaient tous


lui demander avis, conseils, services, toujours
dans la plus grande confidentialité.

Comme il ne sortait jamais de chez lui, cet


homme étrange avait su s’entourer de relations
nombreuses, à l’esprit bien trempé, au courage
et à l’intelligence assurés, qui mettaient leurs
talents à son service et au service de ses clients.

Tout commençait généralement par un bon


repas, servi à sa table, la meilleure de France...

MORDIOU ! est un jeu de rôle complet.

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ISBN : 979-10-95063-14-8
de cape et d’épée

« Si j’ai violé l’Histoire,


je lui ai fait de beaux enfants. »
— Alexandre Dumas

Introduction 5
Mécaniques 17
Univers 60
Affaires 113
Crédits
Textes et illustrations : John Grümph
(certaines images reprises de «Illustrations
de Paris à travers les âges», sur le site Gallica de la BNF)
Idées additionnelles, tests et retours : Matthieu
Chalaux, Yann Herpe, Jérôme Larré, Anne Davoust,
Coralie David, Nadège Debray, Sébastien Lhotel,
Julien Rothwiller, Patrice Hoareau, Morgane
Vandernotte, Nicolas Gassies, Patrick Hermann,
François Lalande, Rafael Colombeau… et quelques
autres que j’oublie ou dont je n’ai pas les noms.
Corrections : Patrice Hoareau, Matthieu
Chalaux, Yann Herpe
Petit programme du jeu de rôle : Jérôme Larré
Mordiou ! est un jeu de rôle et d’aventure de cape et d’épée, prévu
pour un meneur de jeu et deux à trois joueurs (pour l’ambiance),
mais il est tout à fait possible d’étendre le groupe à cinq personnages.

Chaque joueur et le meneur doivent se munir de huit dés à six faces


(d6) et de jetons (type poker ou, mieux, de fausses vieilles pièces) –
trois pour chacun des joueurs et cinq pour le meneur.

Attention ! Mordiou ! est un univers sans fantastique ni merveil-


leux – en dehors des superstitions religieuses propres à l’époque,
mais qui ne sont que des artefacts humains et, en aucun cas, des
manifestations surnaturelles.

Toutes citations tirées des Mémoires et du Testament


politique de Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu.
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Introduction
« La politique consiste à rendre
possible ce qui est nécessaire. »
Au milieu du 17ème siècle, vivait à Paris un homme
secret, un homme à secrets, un homme de secrets.
Les puissants et leurs courtisans venaient tous
lui demander avis, conseils, services, toujours dans
la plus grande confidentialité. Comme il ne sor-
tait jamais de chez lui, cet homme étrange avait su
s’entourer de relations nombreuses, à l’esprit bien
trempé, au courage et à l’intelligence assurés, qui
mettaient leurs talents à son service et au service de
ses clients. Tout commençait généralement par un
bon repas, servi à sa table, la meilleure de France...
Les aventures de vos personnages se déroulent
à Paris et alentours, au milieu du 17ème siècle, à une
date inconnue et dans une réalité historique floue et
incertaine. Complots, assauts, gambettes, tirades et
intrigues à tiroir sont au programme de Mordiou !
Mais n’y cherchez aucune précision supplémentaire
– tout est ici affaire d’ambiance et de style. Ce jeu est
donc bourré d’erreurs et d’approximations, de sim-
plifications et de mélanges, d’anachronismes et de
déviances historiques : c’est un fait exprès. L’objectif
n’est pas de vous proposer un précis historique ex-
haustif, mais un jeu que vous n’aurez pas peur de
défigurer à votre table (et moi à la mienne).
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C’est quoi un jeu de rôle ?
Un jeu de rôle, ou JdR, est un jeu de société
dont le principal objet est de raconter des his-
toires à plusieurs. Il existe des tas de formes de
JdR, mais Mordiou  ! est aussi un jeu d’aven-
ture. Ici, l’un des participants est le meneur de
jeu : son rôle est de faire vivre le monde où se dé-
roulent les aventures et d’arbitrer la partie. Les
autres joueurs incarnent des personnages, habi-
tants du monde et héros des aventures. Il n’y a
ni gagnant, ni perdant – le meneur de jeu n’est
pas l’adversaire des joueurs et vice-versa. Le jeu
se termine quand tous les joueurs estiment que
l’aventure est finie et que l’histoire touche à sa fin
– il faut parfois plusieurs séances de jeu pour cela
et c’est à chaque groupe de jeu de définir le temps
qu’il souhaite consacrer à une partie.
La manière la plus simple d’expliquer un jeu
de rôle est d’imaginer un petit programme :
0. Les joueurs se choisissent un alter ego dans le
jeu. C’est leur personnage.
1. Le joueur dit au meneur de jeu ce que fait son
personnage ou lui pose une question.
2. Le meneur de jeu explique aux joueurs ce qu’il
se passe alors ou répond à la question.
3. On recommence en 1.

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Le jeu prend alors la forme d’un long dia-
logue par lequel les joueurs et le meneur de jeu
construisent un récit. Lorsque le meneur de jeu et
les joueurs ne savent pas comment l’histoire peut
avancer (comment revenir en 1), ils peuvent se
référer à un ensemble de règles et de conseils qui
constitue, en fait, une partie du reste de ce livre.

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Le cadre historique
Mordiou  ! explose volontairement le cadre
historique strict du Grand Siècle pour lui substi-
tuer plusieurs grandes figures à la fois anonymes
et reconnaissables, mélangeant deux règnes,
trois décennies de politique (française et interna-
tionale) et bien des personnages historiques.
Utilisez vos souvenirs d’école ; regardez
les émissions de Stéphane Bern ; lisez Saint-
Simon et Tallemant des Réaux ; revoyez les Trois
Mousquetaires avec Gene Kelly !
L’intérêt de Mordiou  ! est justement de ne
pas vous forcer à ingurgiter une Histoire com-
plète du 17ème siècle pour commencer à jouer. Bien
au contraire, faites avec vos envies, vos connais-
sances, vos détournements. Comprimez l’espace
historique – rappelez-vous simplement qu’il y
avait une guerre de Trente Ans en Allemagne, des
conflits avec l’Espagne et des guerres de religion
en France – en plus de beaucoup de pauvreté,
quelques disettes et des nobles qui passaient leur
temps à se quereller (par armées interposées).
L’essentiel du contexte de Mordiou  ! se
trouve dans la liste des dix figures qui suivent.
Ne leur donnez pas de nom. Le Roi est le Roi,
pas Louis quelque chose. Usez de cet « anony-
mat » pour les modeler à votre guise. Vos joueurs
vous sauront gré, de toute manière, de ne pas les

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assommer avec des précisions diptérophiles. Et
puis, chaque figure est un mélange de plusieurs
personnages historiques.
Toutes les autres figures mineures, à l’excep-
tion des figurants impliqués dans les affaires,
devraient suivre le même modèle : le Duc de
Buckingham est simplement le Duc ; Catherine
de Vivonne, marquise de Rambouillet, est seule-
ment la belle Arthénice ; le Général des Jésuites
est le Général (c’est plus facile) …
Bien entendu, rien ne vous empêche de faire
apparaître quelques personnages historiques
réels, mais limitez-les à des figures patrimoniales :
Molière, Cyrano, D’Artagnan, Voiture, etc.
J Le Roi règne. C’est un souverain semble-t-il
sans beaucoup de poigne ni de pouvoir, mais
il est hédoniste, vindicatif, rancunier, exi-
geant, méfiant et colérique. Son entourage et
ses nombreuses maîtresses se plient en quatre
pour exhausser ses désirs et aussi pour les
susciter à leur avantage. Enfin, quoi qu’il se
passe, c’est toujours lui qui a le dernier mot !
J La Reine est une créature intelligente, volon-
taire, belle et terrible. Sous une apparente naï-
veté, elle a l’œil à tout et protège ses enfants
et ses proches, quel que soit le prix pour le
royaume et les sacrifices qu’elle doive consen-
tir. Malheureusement pour elle et la confiance

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que le peuple et la noblesse lui accorde, elle est
la sœur de l’Impératrice et une étrangère tou-
jours soupçonnée de collusions.
J Le Cardinal est une bête politique. Premier mi-
nistre de la France, premier conseiller du Roi,
à la tête d’un réseau d’agents et d’espions, il
manipule, caresse, corrompt, élimine ses op-
posants, pour la plus grande gloire du pays et
pour la plus grande fortune de ses amis.
J Le Frondeur était un allié du Roi et de la Reine.
Vainqueur des armées de l’Impératrice, popu-
laire et aimé du peuple, trahi, vendu au Cardinal,
emprisonné et évadé, il œuvre dans l’ombre pour
prendre le pouvoir et il attise les feux de la rébel-
lion aussi bien chez le peuple épuisé d’impôts,
d’épidémies et de famines que parmi la noblesse
insatisfaite. Il se verrait certainement à la tête
d’une monarchie républicaine. En attendant, il
a repris sa position à la tête des armées du Roi, ce
qui le tient éloigné de Paris et de la cour.
J Le Parlement dirige la ville de Paris. Ce
contre-pouvoir puissant mais divisé s’op-
pose au Cardinal et à la Reine, sans s’allier au
Frondeur pour autant ni déplaire au Roi qui
pourrait le faire disparaître d’une signature.
Ce sont des notaires et des marchands, mais
ils font battre le cœur de la ville et s’ingénient
à profiter de mille intrigues pour s’enrichir ou
disputer le pouvoir aux grands.

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J Le Pape est à Rome, à plusieurs semaines de
route. Il est loin, mais son influence morale
est certaine, bien que l’Église française se
montre particulièrement indépendante et
capricieuse. Il cherche constamment à mani-
puler le pouvoir royal pour faire avancer ses
propres plans, notamment pour se libérer de
l’influence de l’Impératrice et pour obliger la
France à prendre parti contre le Prince.
J Au-delà du Rhin et de la Meuse, des Alpes et
des Pyrénées, s’étendent les domaines im-
menses de l’Impératrice, maîtresse de l’Eu-
rope. Ne manque guère que la France à ses
joyaux, mais elle s’emploie à en grignoter des
morceaux, bataille après bataille. Le Frondeur
l’a vaincue à de multiples reprises et la tient
encore à distance. Pour combien de temps ?
L’Impératrice est la sœur aînée de la Reine.
J Le Prince est à la tête des églises réformées
d’Europe. Il fait la guerre à l’impératrice et
au Pape – en Allemagne, dans les Flandres,
en Autriche. En France, sa présence est tolé-
rée depuis l’édit de Nantes, mais le Cardinal
en a assez et projette de faire le ménage dans
les places fortes tenues par les réformés, no-
tamment la Rochelle. Le Prince est agressif,
batailleur, enflammé par sa cause. Il ne lâche-
ra rien tant qu’il n’aura pas obtenu l’absolu
droit de conscience pour tous les siens.

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J Le Ministère est à la tête du gouvernement
anglais. Le roi a perdu la tête et l’Angleterre
est désormais une république protestante, qui
s’impose progressivement à travers le monde
grâce à ses marchands, à ses navires et à ses
canons. Le Ministère n’agit pas beaucoup, si-
non pour protéger ses intérêts, mais il a des
espions partout.
J Le Roi des gueux dirige les Cours des miracles
de Paris, mais aussi celles des grandes villes
de province. C’est un monstre aux traits dif-
formes, doté d’une force prodigieuse. On
dit que son armée compte plusieurs dizaines
de milliers de voleurs et de mendiants, tous
contraints par la crainte et le respect – mal-
heur à qui ne paie pas ses cotisations, mais
protection et secours à celui qui obéit. C’est
une excellente source de renseignements,
mais il se vend à tous et poursuit des objectifs
personnels et secrets.
Les héros des histoires
Les personnages sont des amis et des relations
d’un homme étrange appelé « Le Cimmérien ».
C’est un turc qui vit sur l’île Saint Louis (dans
l’un des tout nouveaux bâtiments qui y ont été
construits), seulement entouré de ses serviteurs.
Gros pour ne pas dire obèse, barbu, les cheveux
longs poivre et sel, il ne quitte presque jamais son
immense logis et les serres qu’il y a fait construire,
chauffées par deux énormes poêles à charbon.
Il y cultive des fleurs exotiques et tropicales. Le
Cimmérien est connu pour être un intermédiaire,
un facilitateur et un conseiller. De nombreuses
personnes viennent le voir qui ont des problèmes
à régler le plus discrètement possible, y compris le
Roi ou la Reine qui lui ont rendu visite à quelques
reprises. Même le Cardinal, qui ne l’apprécie pas
tellement, fait appel à ses services.
Comme le Cimmérien ne sort pas de chez lui,
il fait souvent appel à quelques-uns de ses amis
pour accomplir ce qui doit être fait tandis que lui-
même organise, réfléchit et planifie depuis son
logis. Tout commence et finit souvent par l’un
des pantagruéliques festins qu’il donne réguliè-
rement – servis par Antonietta, cuisinière ita-
lienne qui importe la « nouvelle cuisine » (celle
qui deviendra la cuisine française classique).
Les personnages proviennent de multiples
milieux sociaux – nobles ou non, riches et
pauvres. Ils ont en commun d’avoir été sauvés
par le Cimmérien alors qu’ils étaient au plus mal,
engagés dans des histoires qui auraient pu leur
coûter la vie, la fortune ou l’honneur. Depuis, ils
acceptent bien volontiers de lui prêter main forte
dans ses « affaires », d’autant qu’il n’est jamais
en reste de les récompenser fastueusement, en
faveurs, relations et bon argent.
Il est bien entendu possible de partir sur bien
d’autres bases. Le Cimmérien est parfait pour les
aventures rapides, mais vous voudrez peut-être
plonger les personnages dans une intrigue par-
ticulière, en campagne, dont ils seront les prin-
cipaux protagonistes et les moteurs – pas de
simples investigateurs privés chargés de résoudre
le mystère de la semaine. Dans ce cas, partez sim-
plement des aspects des personnages et construi-
sez quelque chose à leur dimension.
L’inspiration principale du Cimmérien
est le héros de Rex Stout : Nero Wolf,
l’homme à l’orchidée. Nous vous conseil-
lons les livres de cet auteur un peu parti-
culier, notamment pour le caractère ico-
noclaste de son héros, plus intéressé par
la connaissance que par la justice et qui
a une manière unique de mener ses en-
quêtes, par agent interposé…

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Inspirations
Quelques sources relativement indispen-
sables pour faire jouer à Mordiou !, ne serait-ce
que pour se gaver de descriptions de la vie quoti-
dienne de l’époque ou de l’ambiance très particu-
lière à donner au jeu.
J Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires
– C’est le point de départ, le patient zéro qui
définit tout le reste. À lire, à relire et à faire
lire. Vingt-ans après n’est pas mal non plus…
J The Musketeers, série britannique produite
par BBC One et BBC Colonies – La série
qui a déterminé l’écart volontaire et l’aban-
don de toute velléité d’historicisme. Elle a
fait comprendre à l’auteur qu’on se moquait
de la précision historique tant qu’on pouvait
en approcher une sorte de vérité archétypale
– et que c’était quand même vachement plus
simple à faire jouer comme ça ! C’est l’une des
principales sources d’inspiration du jeu.
J Jean D’Aillon, Les Enquêtes de Louis Fronsac
– Excellente description des dernières années
de Louis XIII et des premières de Louis XIV,
avec ce qu’il faut d’enquêtes et de complots.
J Juliette Benzoni, Secret d’état – des méchants
méchants, de prudes vierges et des héros hé-
roïques, le tout en plein milieu de la période qui
nous intéresse avec de magnifiques descriptions
de la vie de la Cour et de ses habitants.
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Mécaniques
« Des petites étincelles naissent
les grands embrasements. »
Pour jouer, vous avez besoin d’une poignée de
dés à six faces (notés D) par joueur – au moins
8D si possible – ainsi que des feuilles de person-
nage. Dans l’idéal, chaque joueur doit aussi re-
cevoir trois marqueurs, type jetons de poker ou
Louis d’or, pour représenter ses points de Bonne
Fortune. Le meneur de jeu doit impérativement
avoir cinq jetons sous la main pour gérer les figu-
rants en combat.
Le personnage

Nom
Votre personnage possède un nom.
Prénoms masculins
Abraham Antoine
Adam Augustin
Alexandre Barthélemy
André Benjamin
Anne Bernard
Anselme Berthomieu

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Bertrand Joël
Camille Jonas
Charles Jonathan
Christin Joseph
Christophe Josué
Claude Julien
Clément Louis
Cyprien Luc
Daniel Marc
David Marin
Denis Mathieu
Dominique Michel
Elie Nazaire
Emmanuel Nicodème
Estienne Nicolas
François Noé
Gabriel Octave
Gaspard Paul
Gédéon Philibert
Guillaume Philippe
Henri Pierre
Isaac René
Jacob Robert
Jacques Samson
Jean Samuel
Jean-Gassiot Simon
Jean-Jacques Théophile
Jean-Pierre Thimothée
Jérémie Zacharie

18
Prénoms féminins
Adrianne Jeanne
Anne Jehane
Anthonine Judith
Antoinette Julie
Apolline Léonor
Barbe Loïse
Calanthe Louise
Catherine Madeleine
Charlotte Magdeleine
Chrétienne Marguerite
Christine Marie
Claude Marthe
Diane Melchiore
Éléonore Michelle
Élisabeth Miramonde
Esther Nicole
Évangeline Paule
Éve Pélagie
Françoise Pernette
Gabrielle Philippe
Gratianne Philomène
Guillemette Rachel
Hélène Renée
Henriette Salomé
Iris Sara
Isabeau Suzanne
Isabelle Sybille
Jacqueline Véronique

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La noblesse – Monsieur/Madame…
D’Ancenis De Chênehutte
D’Andaine De Chevillé
D’Arial De Combrée
D’Arçonnay De Commensacq
D’Argonne De Cornillé
D’Arnage De Corsiva
D’Échourgnac De Courbeveille
D’Hambers De Coutras
D’Heugleville De Cubnezais
De Beaumont De Cugand
De Beaupreau De Daumeray
De Bellème De Dieulivol
De Belvès De Dombasle
De Bergonce De Domfront
De Bonnétable De Douville
De Braquetuit De Faugères
De Brau De Gabéric
De Bressol De Ganelon
De Casselon De Garamond
De Castellar De Geneslay
De Castillone De Genevrey
De Castin De Geste
De Cavignac De Gestel
De Chalandray De Gizaucourt
De Champagné De Grez-Neuville
De Champfrémont De Jenson
De Changenêteux De Jonzac
De Chanterène De La Chalange

20
De la Ferrière De Nérac
De La Ferté De Nouroman
De La Réole De Nyoiseau
De Lacapelle De Porspoder
De Lamagne De Pouldergat
De Lassay De Pressigny
De Lencloître De Puymiclan
De Longepierre De Quistinic
De Loulay De Rainfreville
De Mansigné De Ravigny
De Marcillé De Saint-Astier
De Mauléon De Sainte-Bazeille
De Ménéac De Saint-Fulgent
De Meslay De Saint-Loup
De Mézanger De Saint-Pierre
De Miniac De Saint-Privat
De Mirebeau De Salvagnac
De Moiremont De Sansérif
De Monclar De Secondigny
De Moncoutant De Sérignan
De Mondeguesnes De Suré
De Monréal De Tréfumel
De Montreuil-Bellay De Troismonts
De Mont-Saint-Jean De Velloreille
De Montvillier De Verneil
De Morannes Des Épesses
De Mortagne Des Rairies
De Mulsanne Du Pertre
De Mussidan Du Riboul

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Les gens du peuple
valets, artisans, bourgeois, marchands…
Abradors Chevillon
Alzeda Chuchilleau
Arrouet Corsure
Aulel Cortacans
Aulnois Courtelier
Badème Couselette
Bagais Creusot
Barbe Croze
Barbier Dazu
Bascu Doullys
Béarnes Doyant
Béromier Droduel
Bérouelle Dutertre
Boeuvre Faucheux
Bouderuche Fédilière
Bouhier Fouquiet
Branceline Frogeard
Cadefau Gadenas
Capeville Gauseux
Cargolle Gérodie
Casamejane Goisheault
Chadoigne Grandière
Charron Gripray
Chasserin Gusiner
Chauffaille Héripeau
Chaume Iscard
Chauvel Isnard

22
Jacquelin Piedoix
Jacquominot Piguemal
Jorny Polbarbe
La Forge Porveille
La Motte Quatreboeuffs
Lassalle Quesnes
Latouche Ragareux
Laubrière Robien
Le Béchard Rouvre
Le Chênelimon Roymier
Le Clerc Sagedieu
Le Vaillan Sandome
Lebrun Sedauton
Lemaitayer Segnelas
Lemesnil Souvigne
Lhermitte Sugoigne
Liutier Surty
Lolagne Taupier
Marquin Traversain
Massougne Trélaunay
Mateville Triquerie
Meursault Tronville
Moncocol Trouillebois
Mongadiin Vauboudelle
Mouchère Velet
Munnez Villeu
Nacques Viteul
Ogereau Voirière
Périet Voisine

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Historiquement, les rôles sociaux des
hommes et des femmes étaient bien mar-
qués et les transgressions assez sévère-
ment châtiées – surtout dans les classes
sociales les plus élevées. Certaines intro-
versions s’envisageaient dans le secret des
alcôves ou avec un statut très particulier
(comme le Chevalier d’Éon).
Dans Mordiou ! la question doit être dé-
battue autour de la table. Dans l’idéal, il est
plutôt intéressant de garder un minimum de
véracité historique, mais personne ne vien-
dra embêter la belle épéiste en cuissardes et
pourpoint de cuir (parce que c’est surtout
dans ce sens-là que les problèmes vont se
poser). Un homme un peu frêle et pusilla-
nime trouvera toujours à se caser dans les
ordres ou comme clerc au Parlement.
En d’autres termes, faites-vous d’abord
plaisir.
Aspects
Votre personnage est défini par quatre as-
pects. Un aspect est une phrase descriptive qui
indique pourquoi votre personnage est intéres-
sant, pourquoi il mérite d’exister et pourquoi on
doit l’admirer. Ces aspects ont une portée essen-
tiellement sociale, intellectuelle et morale.
Commencez par choisir ou tirer au hasard un
aspect dans chacune des quatre listes suivantes.
Vous pouvez mélanger, panacher, transformer
les propositions pour que cela corresponde plus
à ce que vous imaginez. Vous pouvez aussi imagi-
ner vos propres aspects.
J Un aspect qui décrit la première chose que
l’on sait du personnage, sa figure publique, ce
qui le caractérise le plus directement.
1d26 Aspects
11 Aventurier traîne-sabre et va-nu-pieds
12 Bandit de grand chemin fanfaron
13 Bourgeois de Paris bien en affaires
14 Comédien du Français bien trop curieux
15 Courtisan poudré et emperruqué à la langue acérée
16 Noble provincial désargenté, fier et naïf
21 Officier royal déchargé
22 Prêtre en délicatesse avec son ordre
23 Professeur de la Sorbonne méticuleux
24 Spadassin spécialiste des coups tordus
25 Valet débrouillard et facétieux
26 Vieux soldat de métier

25
J Un aspect qui décrit une complication qui af-
fecte la vie du personnage, qui peut lui attirer des
ennuis ou rendre les choses très intéressantes.
1d26 Aspects
11 Amant(e) d’un(e) puissant(e)
12 Amoureux contrarié par la famille de sa promise
13 Ayant usurpé l’identité d’une autre personne
14 Dépositaire d’un secret familial convoité
15 Dissimulant une très grande pauvreté sous des expé-
dients pour garder son rang
16 En quête de vengeance
21 Entretenu(e) par un(e) richissime jaloux(se)
22 Impliqué dans une vieille vendetta familiale
23 Joueur invétéré en dette avec les mauvaises personnes
24 Malade de consomption ou d’une autre affection grave
25 Parent et soutien de famille nombreuse
26 Recherché par les agents de l’une des figures étrangères
J Un aspect qui décrit les relations que le per-
sonnage entretient avec d’autres personnes,
des organisations ou des lieux.
1d26 Aspects
11 Agent secret du Pape corrompu par la vie parisienne
12 Ami de longue date du Frondeur
13 Ancien favori du Roi
14 Correspondant du Ministère
15 Cousin de la dame d’atour de la Reine
16 En affaires avec un membre du Parlement
21 En dette avec Roi des gueux
22 Enflammé pour la cause du Prince
23 Espion de l’Impératrice abandonné
24 Frère d’arme d’un autre personnage
25 Héritier d’une grande famille
26 Sur les listes noires du Cardinal
J Un aspect qui décrit la manière dont le per-
sonnage se bat, ses tactiques et techniques
martiales.
1d26 Aspects
11 Assassin silencieux
12 Bagarreur intrépide
13 Duelliste consommé
14 Épéiste stylé
15 Force de la nature
16 Joueur de couteau sournois
21 Maître pistolier résolu
22 Opportuniste l’air de rien
23 Putrelle sournoise
24 Sabreur nonchalant
25 Technicien de la Sweihander
26 Tireur d’élite au mousquet

Note : tous les exemples donnés ci-dessus


peuvent s’envisager aussi bien pour des person-
nages féminins que masculins.
Aspects de conflits
Afin de faciliter son usage dans les conflits,
chaque aspect social et intellectuel de votre per-
sonnage doit être associé à un aspect secondaire
plus simple, un adjectif descriptif de son carac-
tère profond. Il n’existe pas de listes prédéfinies
car pour un même aspect général, on peut trouver
bien des manières de le décliner.
Voici quelques exemples tirés de personnages
joués autour d’une table :
Arturo di Scalieri
Spadassin spécialiste des coups tordus : Imprévisible
Amoureux contrarié par la famille de sa promise : Revanchard
Ami d’enfance du Frondeur : Grand Cœur
Sabreur nonchalant : Élégant

Gédéon de Ménéac
Spadassin spécialiste des coups tordus : Violent
Ayant usurpé l’identité d’une autre personne : Improvisateur
Espion de l’Impératrice abandonné : Discret
Joueur de couteau sournois : Sournois

Lady Mazarine de Carcassonne


Bandit de grand chemin fanfaron : Impétueuse
Joueuse invétérée en dette avec les mauvaises personnes : Intrépide
Sur les listes noires du Cardinal : Insaisissable
Bretteuse de renom : Impulsive

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Isidore Trouillebois
Aventurier traîne-sabre mulâtre : Impétueux
En quête de vengeance : Impitoyable
Frère d’arme de Mazarine de Carcassonne : Protecteur
Duelliste consommé : Vicieux

Madeleine de Sérignan
Femme du monde aguerrie : Patiente
Engagée sous une fausse identité : Indétectable
Cousine de Mme d’Angely, dame d’atour de la Reine : Urbaine
Duelliste consommée : Précise

Docteur Nicodème Ségnelas


Professeur de la Sorbonne craint et vaguement respecté : Intimidant
Amant de Mme de Montreillon : Vigoureux
Sur les listes noires du Cardinal : Revanchard
Joueur de couteau sournois : Rapide

Gabriel de Mortemart
Fils honteux de petite noblesse mal vue : Impitoyable
Brute épaisse revenue marquée du front : Vétéran
En compte de vie avec le Frondeur : Veinard
Force de la nature : Puissant

30
Styles
Les Styles représentent la manière de faire de
votre personnage. Ils possèdent un score de +0 à
+3. À la création, répartissez les scores suivants :
+3, +2, +2, +1, +1, +0, +0.
Généralement, les styles possédant les plus
hauts scores décrivent bien la manière dont il se
comporte et dont il se considère. Il ne sert à rien
de camoufler un personnage plein de panache
sous les traits d’un timide, parce que cela revien-
drait à le contraindre à ne jamais se comporter
comme il le devrait et donc à perdre le bénéfice
d’un haut score. Voici, pour chacun des styles,
quelques-unes des actions du personnage pour
lesquelles vous serez amené à faire des jets.
Attention – Surveiller, fouiller, comprendre, remarquer.
Éloquence – Baratiner, convaincre, manipuler, séduire.
Érudition – Savoir, connaître, imaginer, réfléchir.
Panache – Paraître, déclamer, danser, impressionner.
Résolution – Vouloir, obtenir, résister, supporter.
Ruse – Louvoyer, dissimuler, tromper, dénicher.
Vigueur – Porter, intimider, travailler, endurer.

Points de Bonne Fortune


Votre personnage possède trois points de
Bonne Fortune quand il est particulièrement en
forme. Il peut perdre des points de Bonne Fortune
quand il est gravement blessé, humilié en public

31
ou lorsqu’il demande au destin un coup de main.
Il récupère un point de Bonne Fortune quand il
a l’occasion de prendre du repos ou lorsque le
meneur de jeu active l’un de ses aspects pour lui
attirer des ennuis.
Un personnage ne peut jamais avoir plus de
trois points de Bonne Fortune, en aucune cir-
constance, même quand le meneur de jeu devrait
lui en remettre un pour avoir contraint un aspect.
Le matériel
Mordiou  ! se préoccupe bien peu des ri-
chesses et du matériel des personnages. Grâce
au Cimmérien qui paye leurs frais, ils ont tou-
jours de quoi manger, se loger, payer des services,
louer des chevaux ou corrompre des témoins ; de
même, leur armement est exactement celui dont
ils ont besoin – et puis dague ou épée, mousquet
ou pertuisane, c’est du pareil au même d’un point
de vue mécanique.
En fait, nous vous invitons simplement à
faire preuve de discernement. Un personnage
emporte sans problème un ou deux pistolets, pas
vingt. S’il possède des aspects de noblesse ou de
richesse, alors il est riche ; dans le cas contraire, il
est vraisemblable qu’il tire le diable par la queue.

32
Résolution des actions

Agir
Lorsque votre personnage veut effectuer une
action dont le résultat est incertain et que quelque
chose ou quelqu’un pourrait l’en empêcher, lan-
cez une poignée de D.
La poignée est égale à la somme de la valeur
d’un Style et de vos points actuels de Bonne
Fortune. Ajoutez 2D quand un aspect est appli-
cable. Enlevez 2D quand les circonstances sont
particulièrement défavorables.
Chaque dé qui affiche une face paire (2, 4, 6)
donne une qualité de réussite – le 6 accorde deux
qualités.
Exemple : Maurice de Saint-Aubin possède un score de
2 en Panache. Il tente de faire bonne impression au moment
où il entre dans les salons de l’hôtel d’Arthénice. Il lance donc
deux dés pour le style, plus trois pour sa Bonne Fortune (il
est très en forme) et ajoute encore deux dés pour son aspect
« Fringant capitaine des régiments du Frondeur », soit sept
dés. Il obtient 2, 3, 3, 4, 4, 5 et 6. Cela fait cinq qualités de
réussite !

33
Difficulté
Pour réussir une action, il faut obtenir un
nombre minimum de qualités :
Difficulté Qualités à obtenir
Simple 1
Malaisé 2
Difficile 3
Très difficile 4

Exemple : Bien paraître aux salons de l’hôtel d’Arthénice


est une tâche difficile – 3.

Degrés de succès
D’une manière générale, plus vous obtenez de
qualités de réussite, plus votre action est réussie.
Qualités obtenues Conséquences
Aucune Non (échec)
Moins que la difficulté Peut-être (réussite mineure)
Égal ou plus que la difficulté Oui (réussite majeure)
Deux fois plus que la difficulté Oui et (réussite exceptionnelle)

Exemple : avec ses cinq qualités, Saint-Aubin s’en sort bien.


Il a obtenu plus de trois qualités, mais moins de six ; c’est donc
une réussite majeure. On le remarque et la grande Arthénice
elle-même vient le saluer à son entrée, mais il n’obtiendra aucune
faveur supplémentaire de son hôtesse que sa bienveillance.

34
Manières
L’action de votre personnage peut être habil-
lée d’une certaine manière afin d’obtenir des ef-
fets particuliers – élégance, rapidité, discrétion…
Pour cela, vous devez écarter 2D de votre poignée
avant d’effectuer le jet. Vous pouvez cumuler plu-
sieurs manières sur un même jet : pour crocheter
une porte rapidement et discrètement, écartez
4D de votre main.
La manière de faire prime sur le degré de suc-
cès : votre personnage n’arrive pas forcément cro-
cheter la serrure sans laisser de traces (oui mais),
voire échoue totalement (non), mais son action
sera, quoi qu’il en soit, rapide et discrète.

35
Conflits
Tous les conflits – sociaux et physiques –
fonctionnent peu ou prou de la même manière.
N’hésitez pas à utiliser des pions ou des figurines
sur un plan pour représenter les positions rela-
tives des uns et des autres et leurs déplacements.
Vous pouvez, bien sûr, vous procurer « Des plans
sur la tomette », dans la collection Chibi, pour
avoir des sources et des exemples de bâtiments et
de lieux compatibles avec l’époque.
Initiative
Chaque joueur lance un nombre de D égal au
total actuel des points de Bonne Fortune de son
personnage et fait la somme des résultats obte-
nus. Le meneur fait de même pour les adversaires
en présence. Chacun agit dans l’ordre descen-
dant – de la plus haute initiative à la plus basse.
Quand un personnage perd ou gagne un point de
Bonne Fortune, il doit retirer son initiative.
Exemple : Marie Fronsac se précipite sur les voleurs qui
ont décidé de piller son petit étal dans les galeries du cimetière
des Saint-Innocents. Elle lance 3d6 (pour sa Bonne Fortune
actuelle) et obtient un total de 14. C’est son initiative jusqu’à
ce qu’elle perde un point de Bonne Fortune – auquel cas, elle
refait immédiatement un jet d’initiative.
Préparation
À son tour de jeu, le joueur décide du style qu’il
veut employer. Il réunit une poignée de D en fonc-
tion de ses points de Bonne Fortune et du style.
Le choix du style est un moment impor-
tant dans le tour de jeu et il existe plu-
sieurs manières de faire. Vous pouvez
bien entendu prendre le style qui possède
le rang le plus élevé, pour lancer plus de
dés. Vous pouvez aussi choisir un style
pour ce qu’il représente réellement et qui
va dicter votre attitude. Enfin, et c’est le
plus courant, vous pouvez simplement
sélectionner l’une des actions propo-
sées par un style donné, parce qu’il cor-
respond à ce que vous voulez réaliser en
tout premier lieu ce tour. Dans tous les
cas, ne cherchez pas à décrire toutes les
actions du personnage à l’avance, unique-
ment votre intention initiale : ce sont les
dés qui détermineront ce que vous pou-
vez réellement effectuer comme action et
tout peut changer selon les circonstances
et les résultats.
Ainsi le résultat du jet n’indique jamais
si le personnage touche un adversaire
ou non. Seulement le nombre d’actions
qu’il peut accomplir. Si le style choisi lui

37
permet de porter des attaques et que vous
choisissez une ou plusieurs actions de ce
type, alors l’adversaire subit les consé-
quences de cette ou ces attaques.

Aspect de conflit
Dans une bagarre, on n’emploie que les as-
pects de conflit – ils permettent de typer une
action, de la décrire avec plus de force. On doit
utiliser au moins une fois tous les aspects avant
de pouvoir en réutiliser un – noircissez la petite
case sur la feuille de personnage pour chaque as-
pect activé, puis effacez ces coches à chaque fois
que les quatre aspects ont été utilisés tour à tour.
Bien entendu, cela signifie que, parfois, le per-
sonnage ne peut bénéficier d’aucun avantage si
rien ne s’applique ; mais cela signifie aussi que, la
plupart du temps, les personnages bénéficient du
bonus de +2D à leur poignée.
En outre, cela pousse les joueurs à varier les
propositions pendant le combat ; un person-
nage, après une attaque en puissance (Puissant),
pourra poursuivre l’enchaînement d’un coup vi-
cieux à l’aine (Vicieux) et achever sans pitié son
adversaire tombé au sol (Impitoyable). Un autre
pourra invoquer son aspect Improvisateur pour
mettre à profit la présence d’un tabouret derrière
son ennemi...

38
Défense
Le personnage peut écarter 0, 1 ou plusieurs
D de sa poignée et les placer en défense. C’est la
difficulté que ses adversaires doivent battre pour
obtenir des effets.
La défense est à Le personnage est
0 Sûr de lui, suicidaire, pressé d’en finir
1 Agressif, peu protégé
2 Attentif
3 Prudent
4 En défense

Notez que la défense d’un personnage ou


d’un figurant qui n’a pas encore joué (notam-
ment au premier tour d’un conflit) est toujours
égale à 2 – seulement 1 si le personnage est sur-
pris par son adversaire. La défense ne change que
lorsque c’est le tour du personnage et qu’il place
certains de ses dés en défense (ou pas).

39
Actions
Le joueur lance les dés restants et compare le
nombre de réussites qu’il obtient à la défense de
ses adversaires. Cela lui indique le nombre d’ac-
tions que son personnage peut accomplir.
Qualités obtenues Effets
Aucune 1 action Bouger
Moins que la défense 1 action dans le style choisi
Égal ou plus que la défense 2 actions dans le style choisi
Deux fois plus que la défense 3 actions dans le style choisi et 1 dégât

Le résultat du jet n’indique pas direc-


tement la réussite du personnage mais le
nombre d’actions qu’il peut effectuer –
chacune ayant un effet particulier.

Chaque action permet, selon les circons-


tances et les intentions, d’obtenir un effet parmi
les suivants :
J Aider : le personnage accorde un bonus de
+1D à la prochaine action d’un allié de votre
choix. Attention, il n’est pas possible de lan-
cer plus de 8D. Il est généralement possible
de garder ce dé bonus plusieurs tours d’affilée
si les circonstances ne changent pas.

40
J Attaquer : le personnage impose un état à
un adversaire ou lui inflige la perte d’un point
d’effort. Un état est une position désavanta-
geuse infligeant une perte d’un point de dé-
fense et disparaissant au début du prochain
tour de la cible – un même adversaire ne
peut jamais subir plus de deux états en même
temps. L’effort est une attrition générale : au
bout de cinq points d’effort perdus, un per-
sonnage perd un point de Bonne Fortune – il
est néanmoins possible de consacrer des ac-
tions pour récupérer des points d’effort.
J Bouger : le personnage manœuvre et se déplace
à travers le champ de bataille pour prendre
position ou engager un adversaire. D’une ma-
nière générale, un mouvement suffit à se por-
ter à peu près n’importe où, à moins que des
obstacles particuliers et difficiles à contourner
ne forcent à utiliser deux mouvements. Il faut
toujours utiliser cette action lorsqu’il est né-
cessaire d’effectuer un mouvement significa-
tif, mais pas pour faire trois pas et engager un
adversaire à portée ou presque. C’est le meneur
de jeu qui détermine, finalement, s’il y a lieu ou
non d’utiliser une telle action.
J Interagir : le personnage joue avec les élé-
ments du décor ou les accessoires, afin d’ob-
tenir des effets propres – monter à cheval,
ouvrir une porte, actionner un levier, etc.

41
J Récupérer : le personnage récupère un point
d’effort en soufflant quelques instants. Il est
aussi possible, à son tour, d’utiliser une ac-
tion pour permettre à un allié de se débarras-
ser d’un état (et lui redonner ainsi son point
de défense).
J Réserver : le personnage prévoit d’annuler
une action adverse à venir, le visant ou visant
un allié spécifique à désigner. Vous pouvez
mettre de côté plusieurs actions de ce type
(esquiver, se mettre à couvert, bloquer, etc.)
qui annulent autant d’actions adverses en
rapport. Notez qu’il est impossible d’annuler
un point de dégâts avec une action Réserver –
seulement une action adverse.
Dans le cas des actions Aide et Réserver, les
personnages peuvent constituer des épargnes
spécifiques en plaçant des jetons ou des dés sup-
plémentaires dans les cases prévues à cet effet
sur la feuille de personnage. Ces provisions sont
disponibles tant que les conditions ne changent
pas drastiquement : il suffit d’utiliser un D d’aide
(tant qu’on ne lance pas plus de 8D, défense
comprise) ou de dépenser un D de réserve au mo-
ment où on en a besoin.
Les styles ne permettent pas tous d’accomplir
les mêmes actions, comme indiqué dans la liste
suivante. Il n’est pas non plus possible de choisir

42
la même action plus d’un certain nombre de fois
au cours du même tour – c’est principalement ce
qui différencie les styles : il est beaucoup plus fa-
cile d’attaquer avec la Vigueur qu’avec la Ruse et il
est impossible d’attaquer avec l’Érudition. Notez
que l’action Interagir peut être choisie autant de
fois que l’on souhaite pour tous les styles.
Ainsi, un personnage peut, en réussissant un
excellent jet, porter jusqu’à trois attaques tout en
infligeant un dégât à ses adversaires.
Attention – Aider x3, Réserver x2, Bouger x1
Éloquence – Réserver x3, Aider x2, Attaquer x1
Érudition – Aider x3, Réserver x2, Récupérer x1
Panache – Bouger x3, Attaquer x2, Réserver x1
Résolution – Récupérer x3, Bouger x2, Attaquer x1
Ruse – Bouger x3, Aider x2, Attaquer x1
Vigueur – Attaquer x3, Bouger x2, Aider x1

Décrire
Le joueur peut décrire les actions de son
personnage et les conséquences de celles-ci
en s’appuyant sur deux éléments : d’une part,
l’application technique des actions qu’il a choi-
sies ; d’autre part en variant les descripteurs (les
verbes) qu’il emploie pour habiller les actions.
Voici quelques exemples de descripteurs pour
chaque style, mais vous pouvez aisément pana-
cher et mélanger selon les besoins :

43
Attention – Camoufler/cacher ; Esquiver ; Immobiliser ;
Reculer ; Repérer/surveiller ; Surprendre.
Éloquence – Contraindre ; Convaincre/manipuler ; Défier ;
Intimider/charmer ; Railler ; Réconforter.
Érudition – Conseiller/aviser ; Évaluer/jauger ; Moucher/taire ;
Protéger/couvrir ; Se mettre à couvert ; Tirer parti/improviser.
Panache – Bondir/jaillir ; Estafiler/parer ; Impressionner ;
Repousser/attirer ; Se dégager/rompre ; Se relever/rouler.
Résolution – Charger/engager ; Désarmer/réarmer ;
Interrompre/arrêter ; Retenir/attraper ; Se calmer ; Se secouer.
Ruse – Aveugler/cingler ; Contourner ; Désorienter ; Mentir/
ruser ; Se dissimuler ; Voler/piquer/arracher.
Vigueur – Estourbir ; Foncer ; Piétiner ; Renverser/déséquili-
brer ; Saisir/étrangler/tenir/bloquer.

Exemple : Marie Fronsac effectue un jet de Panache et


obtient trois réussites contre une défense de 2 pour ses adver-
saires. Sa première action était Bouger, sa seconde Attaquer.
Le joueur décrit alors comme Marie bondit sur les voleurs
en passant au-dessus de l’étal, trempant son lourd torchon
dans un baquet d’eau au passage (ce n’est pas vraiment une
action ici), avant d’abattre le linge pour cingler les joues et le
cou d’un larron, provoquant la perte d’un point d’effort chez
les adversaires.

44
Conséquences sur les adversaires
Le joueur doit essayer de rester dans les li-
mites des conséquences indiquées par la forme
générale des adversaires. Ceux-ci possèdent des
points de Bonne Fortune et des points d’effort.
Si le personnage inflige un Dégât, il peut effecti-
vement faire perdre un point de Bonne Fortune
et sans doute éliminer un adversaire (assommé,
en fuite, tué). Si le personnage inflige la perte
d’un point d’effort, l’incidence sera plus impor-
tante s’il s’agissait du dernier point disponible
plutôt qu’un point intermédiaire.
Quand vous décrivez l’action de votre
personnage, vous devez tenir compte des
états, efforts et dégâts que votre résultat
au jet vous permet d’infliger. Tant que
votre résultat ne fait pas tomber votre
adversaire à 0 points de Bonne Fortune,
il n’est pas hors-jeu (mort, totalement
incapacité, incapable de bouger, humilié
dans une joute verbale ou sorti de la scène
d’une quelconque manière).
Par exemple, votre personnage souhaite
immobiliser un adversaire. Si votre ré-
sultat vous permet de choisir une action
pour le ceinturer (Bloquer, par exemple),
il subira un état « ceinturé » si vous vou-
lez réduire sa défense pour favoriser vos

45
alliés ; à moins que votre personnage ne
lui coupe le souffle d’une prise de l’ours
et lui fasse perdre un point d’effort. Dans
ce dernier cas, s’il perd son dernier point
de Bonne Fortune, votre personnage a
pu lui faire une clef au cou pour le faire
s’évanouir ou a pu le passer par-dessus
bord. Une même action d’attaque peut
amener de nombreuses conséquences
possibles.

Les états
Infliger un état à un adversaire signifie
le mettre dans une position tactique difficile
jusqu’au début de son prochain tour : il est aveu-
glé, désorienté, déséquilibré, embêté de mille
manières – il subit alors la perte d’un point de
défense. On peut prévenir l’arrivée d’un état en
y consacrant une action en réserve. Un allié peut
aussi utiliser une action Récupérer pour y mettre
fin. Un personnage ne peut jamais subir plus de
deux états simultanés. Un état disparaît au dé-
but du tour de la cible sans occasionner de pertes
de points d’effort.

46
Dégât
Quand un personnage subit un dégât, il perd
généralement un point de Bonne Fortune. Mais
un dégât peut aussi être utilisé pour obtenir des
effets différents et assez définitifs : un adver-
saire qui inflige un dégât peut parvenir à fuir
sans qu’on puisse le rattraper ou atteindre l’un
de ses objectifs immédiats comme mettre le feu à
une traînée de poudre pour faire sauter la Sainte-
Barbe d’un fortin, appeler des renforts, bloquer
une porte ou prendre un innocent en otage, etc.
C’est au meneur de jeu d’utiliser ces dégâts au
mieux de ses envies et de ses intérêts narratifs.
Règles supplémentaires
J Parade – Un personnage peut dépenser la
moitié de ses D de défense pour annuler une
action adverse quand il est pris pour cible. On
ne peut pas parer un dégât infligé.
J Adversaires multiples – Un personnage peut
choisir d’engager plusieurs adversaires à la
fois en diminuant sa poignée de 2D pour cha-
cun après le premier. Il utilise la défense la plus
haute de ceux-ci, mais applique les effets des ac-
tions Attaquer à tous les adversaires affrontés :
chaque état ou effort est ainsi infligé à chaque
adversaire, bien que le personnage n’inflige tou-
jours qu’un seul dégât s’il y parvient.

47
J Coup de collier – Un personnage peut tou-
jours dépenser un point d’effort pour jouer
une action de plus.
Gérer les adversaires
Pour le meneur de jeu, le travail n’est pas très
compliqué. Les adversaires des personnages pos-
sèdent 5 points d’effort communs (cinq jetons
entre les mains du meneur de jeu).
Quand les personnages infligent une perte
d’effort, le meneur de jeu met un jeton de côté.
Quand les cinq jetons sont ainsi écartés, l’un des
adversaires perd un point de Bonne Fortune (ce
qui peut souvent suffire à l’éliminer) – le choix
de l’adversaire dépend des circonstances et du
récit, mais ce n’est pas forcément celui qui a
subi la perte d’effort : pensez à mettre en scène
les conséquences des actions de manière large et
dynamique en, essayant de garder une certaine
cohérence aux combats.
Le meneur de jeu reprend alors l’ensemble des
jetons d’effort en main et recommence à les dé-
penser. N’oubliez pas que les adversaires peuvent
aussi réserver, récupérer, dépenser de l’effort
pour utiliser des actions supplémentaires, etc.
Enfin, n’oubliez pas que la perte d’un point de
Bonne Fortune diminue la poignée de dés d’un
adversaire (quand celui-ci a plus d’un point de
Bonne Fortune) et qu’il faut relancer l’initiative.

48
Poignée
Bonne
Adversaire moyenne Exemples
Fortune
de dés
Peu puissant 6 1 Malandrin, ruffian, soldat
de base, badaud agressif…
Solide 7 2 Spadassin, mercenaire,
garde du corps…
Très solide 8 3 Mercenaire vétéran,
mousquetaire entraîné,
assassin, agent d’une fi-
gure, grand méchant…

Les adversaires possèdent leur propre tableau


d’action en fonction de leur style propre.
BRUTAL SOURNOIS FLAMBOYANT
Attaquer 3 Aider 3 Bouger 3
Bouger 2 Bouger 2 Attaquer 2
Récupérer 1 Attaquer 1 Réserver 1

49
Doser l’adversité
Un adversaire très solide est l’équivalent
d’un personnage à la création (il est même
un poil plus puissant). Cela signifie qu’il a
autant de chance que celui-ci de l’empor-
ter dans un duel direct. C’est un humain
capable et efficace. Deux comme lui contre
un seul personnage et c’est pratiquement la
défaite assurée pour ce dernier.
Il faut sans doute aligner plus de trois ad-
versaires peu puissants pour commencer à
sérieusement inquiéter un personnage seul.
Une rencontre facile, histoire de donner
un peu de rythme à l’histoire et fatiguer
les personnages, ne devraient pas dépas-
ser deux adversaires peu puissants par
personnage ou un adversaire solide par
personnage.

Récupérations
J Effort – un personnage récupère tous ses
points d’effort à la fin d’un conflit.
J Bonne Fortune – un personnage regagne un
point de Bonne Fortune à chaque fois qu’il a
pu se reposer. Une nuit de sommeil ne suffit
pas toujours : il faut que le personnage soit en
sécurité et que ses affaires soient relativement
en ordre. On ne regagne jamais qu’un seul
point de Bonne Fortune par période de repos,

50
mais elles doivent être relativement aisées à
obtenir, à la discrétion du meneur de jeu.
J Zéro Bonne Fortune – un personnage qui
tombe à zéro point de Bonne Fortune est hors
d’état d’agir jusqu’au prochain repos qu’il
peut prendre.
On ne meurt pas vraiment dans Mor-
diou  ! – ce n’est pas dans les canons du
genre que de tuer l’un des héros de l’his-
toire d’un mauvais coup d’épée. Mais ils
sont souvent blessés et écartés de l’action
pendant un temps relativement long (par-
fois le temps d’être soignés en grand se-
cret par une jeune fille qui vient chaque
jour leur porter à manger et changer les
pansements – juste pour découvrir qu’elle
est une princesse que l’on va marier au
grand méchant qui a trahi le personnage).
Tomber à zéro de Bonne Fortune, c’est
exactement cela  : se retrouver écarté
des aventures durant un temps plus ou
moins loin, tel Porthos coincé dans une
auberge tandis que ses amis foncent vers
l’Angleterre…
Pour le reste, soyez simplement cohérent
avec l’univers.

51
Un exemple de combat
Lady Mazarine de Carcassonne, une jeune
femme volcanique et incendiaire, et son compa-
gnon Gédéon de Ménéac, un type à l’allure in-
quiétante, se sont introduits dans une maison
en rénovation – et donc vide de ses occupants
– non loin de la porte du Temple, persuadés que
c’est là qu’est retenue une jeune fille dont la fa-
mille peine à réunir la rançon (vous trouverez la
description de ces personnages page 29).
Alors qu’ils s’élèvent dans de grands escaliers
aux murs fraîchement chaulés, ils surprennent
effectivement une conversation animée entre des
forbans, les uns assurant qu’on peut bien s’amu-
ser un peu pour passer le temps et que la jeune
fille leur en saura gré, les autres répétant que les
ordres sont de ne lui faire aucun mal – et chacun
sait ce que cela signifie de désobéir à ces ordres.
Gédéon jette un œil et découvre la présence
de cinq hommes, deux spadassins armés d’épées
et trois malandrins tout droit venus de la Cour
des miracles. Au fond de trois pièces en enfilade,
vides à l’exception d’escabeaux et de draps souil-
lés de plâtre et de peinture qui protègent les plan-
chers, se trouve la jeune fille solidement attachée
à un lourd fauteuil.

52
Gédéon s’élance pour traverser les pièces
aussi vite que possible, afin de surprendre les
ravisseurs et protéger la jeune fille, tandis que
Mazarine s’avance tranquillement pour défier les
marauds.
Un peu de technique : les deux spadassins
sont des adversaires solides (7D, 2 BF), tandis
que les malandrins sont peu puissants (6D, 1
BF). Le meneur de jeu a cinq jetons en main au
début du combat.
Initiative : Gédéon (3D pour 13), Mazarine
(3D pour 10), les spadassins (2D pour 4), les ma-
landrins (1D pour 3).
Premier tour : Gédéon utilise sa Ruse et
tente, du moins au début de son déplacement,
de se montrer Discret. Il réunit une poignée de
3D pour sa ruse, 3D pour sa Bonne Fortune et
2D pour son aspect (qu’il coche). Il choisit de
mettre 3D en défense et lance 5D. Comme ils
n’ont pas encore agi, ses adversaires possèdent
une défense par défaut égale à 2. Gédéon obtient
6, 5, 5, 4, 2 : quatre qualités ! D’entrée de jeu,
il obtient une réussite exceptionnelle : Gédéon
peut choisir trois actions parmi celles proposées
par la Ruse et inflige, quoi qu’il arrive, un dégât !
Le joueur décrit comment, en deux bonds (deux
actions Bouger), Gédéon se glisse au travers des
trois pièces, dans le dos des malandrins qui se
querellent. Alors qu’il avance en direction de la

53
jeune fille, il fait un soudain écart pour porter un
coup de poignard dans le cou du malandrin qui la
garde. Celui-ci s’effondre aussitôt (un dégât lui
fait perdre son unique point de Bonne Fortune
et il est directement éliminé). Enfin, Gédéon at-
tire l’attention des autres adversaires et permet à
Mazarine de se placer parfaitement (action Aider
– Mazarine peut placer un jeton dans la case Aide
de sa feuille de personnage, pour plus tard).
Mazarine entre dans la pièce avec toute la
bravade dont elle est habituellement capable, ses
longs cheveux de feu noués par un ruban noir,
ses yeux verts lançant des éclairs de fureur. Elle
utilise donc son style Panache (3D) auquel elle
attache l’aspect Intrépide (qu’elle coche). Elle
réunit une poignée de 8D, en place deux en dé-
fense et obtient à son jet : 6, 6, 6, 5, 5, 2 ! Sept
qualités ! Elle jaillit de l’encadrement de la porte
(une action Bouger) pour se porter au milieu des
ravisseurs. D’un coup d’épée, elle perce le cœur
d’un malandrin (un dégât pour une perte, défi-
nitive, d’un point de Bonne Fortune) et de deux
traits de métal déchire le pourpoint de l’un des
spadassins (deux actions Attaquer, infligeant la
perte de deux efforts – le meneur de jeu se débar-
rasse de deux de ses cinq jetons).

54
Les deux spadassins dégainent leurs rapières.
Le premier se précipite vers Gédéon pour l’empê-
cher de libérer la fille, tandis que le second engage
immédiatement Mazarine. Ils ont chacun 7D et
choisissent d’en placer 2 en défense. Le premier
est Flamboyant, le second est Brutal.
Le premier spadassin lance 5D et obtient : 4, 4,
3, 2, 2 pour quatre succès, face aux 3 de défense de
Gédéon – il peut effectuer deux actions. Il se précipite
dans sa direction (une action Bouger) et le force à
reculer de grands coups d’épée (une action Attaquer
pour infliger un état « déséquilibré », réduisant la dé-
fense de Gédéon à 2 pour le reste du tour).
Le second spadassin lance lui-aussi 5D et ob-
tient : 6, 4, 4, 2, 1 (décidemment, le meneur de jeu
a de la chance). Il blesse Mazarine au bras (un dé-
gât pour une perte d’un point de Bonne Fortune)
et lui porte trois furieuses bottes qui la font recu-
ler vers la fenêtre (trois actions Attaquer, infli-
geant la perte de trois efforts).
Reste le dernier malandrin encore debout qui
a vu deux de ses camarades tomber en un éclair.
Furieux, il se précipite vers Gédéon qu’il perçoit
en difficulté. Il choisit de placer 1 en défense et
de lancer 5D sur les six dont il dispose : 3, 2, 1,
1, 1. Ce n’est pas son jour. Il ne peut effectuer
qu’une seule action (Bouger, pour se rapprocher
de Gédéon) et ne parvient pas à profiter du désé-
quilibre de son adversaire.

55
Deuxième tour : Mazarine doit tirer sa nou-
velle initiative puisqu’elle a perdu un point de
Bonne Fortune : 7. Elle continue d’agir avant les
spadassins.
Gédéon utilise sa Ruse et son aspect Violent
(qu’il coche) pour se porter au contact du spadas-
sin face à lui. Il place deux dés en défense et lance
les autres : 6, 6, 5, 4, 1, 1. Cinq succès pour une
réussite exceptionnelle ! D’un mouvement rapide
de son poignard, il élimine le dernier malandrin
qui s’était un peu trop approché (un dégât qu’il
choisit d’infliger de cette manière). Il porte un
coup vif au spadassin (action Attaquer pour un
effort – le meneur de jeu n’a plus que deux jetons
en main), le forçant à se décaler d’un pas pour
lui laisser le chemin vers le fauteuil et là, d’un
dernier geste, il tranche les liens qui attachent la
belle kidnappée (action Interagir).
Mazarine continue sur sa lancée – Panache
et l’aspect Impétueuse, plaçant deux dés en dé-
fense. Comme elle n’a plus que 2D provenant
de sa Bonne Fortune, elle choisit d’utiliser le dé
d’aide offert par Gédéon au tour précédent. Elle
lance 6D contre les 2 de défense de son adver-
saire : 6, 6, 4, 4, 1, 1. Elle tue son adversaire d’un
enchaînement de bottes d’une redoutable effi-
cacité (tout d’abord, un dégât pour réduire la
Bonne Fortune du spadassin, puis deux actions
Attaquer pour faire perdre au meneur de jeu les

56
deux derniers jetons d’effort qu’il tient encore en
main, provoquant la perte d’un nouveau point de
Bonne Fortune aux adversaires des personnages.
Le meneur récupère aussitôt les cinq jetons qu’il
a écarté pour recommencer un nouveau cycle).
La dernière action de Mazarine consiste à bon-
dir vers Gédéon pour lui prêter main forte (une
action Bouger).
Le spadassin, se sentant un peu seul, place
3D en défense et utilise les 4D restants pour ten-
ter de fuir : 6, 6, 4, 2. Six qualités contre les 2
de défense de Gédéon : le meneur choisit de ne
pas infliger de perte de Bonne Fortune aux per-
sonnages, mais le spadassin utilise ses trois ac-
tions pour fuir (Bouger, trois fois) et il fait tom-
ber plusieurs escabeaux pour couvrir sa course,
empêchant ainsi Gédéon et Mazarine de le pour-
suivre (c’est ainsi que le meneur utilise le dégât
produit).
Rapidement, Mazarine enveloppe la jeune
fille dans une cape tandis que Gédéon fait les
poches des morts, puis ils quittent la place.

57
Évolution des personnages
Mordiou ! n’est pas tellement conçu pour que
les personnages évoluent beaucoup – du moins
techniquement, sur la feuille. Ils sont déjà très
forts à la création et il y a peu de raison de les
augmenter encore. Mordiou ! c’est de l’aventure
à l’ancienne, pas de la superproduction bourrée
de testostérone.
Éventuellement, au bout de quelques séances
de jeu, après un point saillant de leurs aventures,
les personnages peuvent gagner un point dans
l’un de leurs styles, ajouter un multiplicateur à
une action dans un style (passer de x1 à x2 par
exemple) ou même ajouter un nouvel aspect.
En vérité, l’essentiel de l’évolution des per-
sonnages doit se faire par le gain de faveurs, de
protections, de sources de revenus. Nous avons
choisi de ne pas matérialiser ces gains dans le jeu
pour ne pas en faire un enjeu technique (et comp-
table). Mais c’est quelque chose que le meneur
de jeu doit impérativement prendre en compte
(peut-être même sous une forme comptable de
son côté de l’écran, sans rien dire aux joueurs).
Qui protège les personnages ? Qui peut ou doit
leur rendre des services ? Qui peut leur renvoyer
l’ascenseur ? Quelles faveurs peuvent-ils exiger ?
Quelles fils peuvent-ils tirer pour éviter la Bastille
ou en sortir au plus vite ?

58
Univers
« En matière d’État, il faut tirer profit de
toutes choses, et ce qui peut être utile ne
doit jamais être méprisé. »
Comme indiqué dans l’introduction, ne
vous attendez pas à trouver ici un petit précis
du Grand Siècle – son histoire, ses mœurs, ses
tragédies – non plus qu’un atlas géographique
complet du vieux Paris (vous pouvez vous repor-
ter à la carte réalisée pour Mordiou ! disponible
sur le site http://legrumph/org ou à la carte de
Gomboust de 1652, que vous trouverez sur le
site de la Gallica). Néanmoins, voici quelques
conseils de mise en scène et des informations
éparses sur l’époque – le reste, ce sont toutes les
images d’Épinal qui ne manqueront pas de vous
venir en partie.
Quelques faits

À propos des richesses


J Une livre tournois vaut 20 sous ou 240 de-
niers. Une livre tournois correspond peu ou
prou à 15 euros actuels. Un ouvrier parisien
touche entre 15 et 20 livres par mois ; une

60
rente royale peut apporter quelques centaines
ou quelques milliers de livres à son récipien-
daire. Un écu d’argent vaut trois livres. Une
pistole vaut deux écus (on l’appelle aussi dou-
blon). Le Louis d’or vaut dix livres. Le liard de
cuivre vaut quatre deniers.
J La location annuelle d’une petite maison
dans une rue populaire de Paris représente un
budget d’environ 500 livres. Les plus pauvres
s’entassent donc dans de minuscules appar-
tements ou des galetas. Cette même mai-
son vaut sans doute plus de 3 000 livres à
l’achat. Un petit hôtel particulier vaut environ
30 000 livres.
À propos de Paris
J Paris compte près d’un demi-million d’habitants
qui se pressent dans un espace bien trop étroit.
J On entre et on sort de Paris par les portes, qui
sont fermées à la nuit. Des murailles enfer-
ment la ville. Il y a le dedans et il y a le dehors.
Les passages sont contrôlés, notamment par
les contrôleurs fiscaux des diverses denrées.
J Les rues de Paris sont sales, fangeuses, mal
pavées, étroites, très animées. On s’y déplace
avec précaution, souvent assez lentement – il
faut près de deux heures, à pied, pour joindre
la Porte Saint Denis (au nord) à la Porte Saint
Jacques (au sud). Les ponts, notamment,

61
sont encombrés, constamment embou-
chonnés, par les troupeaux, les chariots, les
tombereaux.
J Il n’y a pas de véritable système d’égout, mais
des voituriers passent chaque jour, avec leurs
tombereaux, pour ramasser à la pelle les sale-
tés et les emporter hors les murs.
J On se déplace à pied, à cheval, dans des chaises
à porteur, en fiacre, en vinaigrette. Il vaut mieux
porter des bottes si on ne veut pas abîmer ses
chaussures d’intérieur en cuir fin. Dans les
grandes maisons, il y a des serviteurs pour net-
toyer les bottes et chausses des visiteurs avant
qu’ils ne rentrent dans la demeure.
J Paris est une ville envahie par les animaux : les
chevaux des cavaliers et des fiacres bien sûr, mais
aussi des milliers de chiens à demi sauvages, de
chats agressifs, de rats presque aussi gros que les
chats et de pigeons aussi affamés que les rats. Et
puis, il y a ces milliers de moutons, de cochons,
de vaches qui traversent les portes chaque jour
pour aller mourir dans les abattoirs du quartier
Saint Jacques. Enfin, toutes les cours abritent
des poules, canards, lapins, oies et autres petits
animaux destinés aux tables. Pour finir, il existe
plus de trente étables pour vaches laitières au
sein même de la ville !

62
J Paris est une ville extrêmement dangereuse.
On s’y fait détrousser à la vitesse de l’éclair ;
même le soir, les maisons ne sont jamais à
l’abri d’une visite de chauffeurs. Les morts
sont nombreux la nuit – assassinés, volés,
abandonnés – sans compter la masse de pau-
vreté qui succombe à la maladie. Les gens ai-
sés se font toujours accompagner de gardes
du corps en nombre.
J Les quartiers de Paris sont bien délimités, or-
ganisés autour de grandes églises qui servent
de point de repère. Chaque quartier possède
bien souvent une ambiance qui lui est propre.
Ici, on baigne dans le sang des bêtes que l’on
égorge chaque jour par centaines ; là, on est
pressé par la foule qui vend, achète, crie et se
dispute. Ici, on circule dans des rues silen-
cieuses et recueillies ; là, les ateliers résonnent
de mille coups et d’appels incessants. Chaque
quartier possède sa propre hiérarchie judi-
ciaire, fiscale, civile sous les ordres des hié-
rarchies générales de Paris sous le contrôle du
Roi et du Parlement.

63
LES QUARTIERS DE PARIS
La Cité
La Grève
La Verrerie
Les Halles
Place Maubert
Saint André des Arts
Saint Antoine
Saint Denis
Saint Eustache
Saint Gervais
Saint Honoré
Saint Jacques de la Boucherie
Saint Louis
Saint Martin
Sainte Avoye
Saint Germain l’Auxerrois
Sainte Opportune

J Autour de Paris, à l’extérieur des murs, les fau-


bourgs commencent à s’étendre et grignotent
chaque année un peu plus les pâtures, les la-
bours et les jardins.
J Les quais sur la Seine sont peu nombreux. Partout,
les berges descendent vers le fleuve, boueuses et ins-
tables, seulement renforcées de pontons branlants.
Mais les bateaux, péniches, gabarres, sont innom-
brables et l’activité frénétique. On retrouve chaque
matin plusieurs noyés échoués sur les rives.

64
J Le centre du pouvoir royal est le Louvre – c’est
là aussi que travaille le Cardinal. Le centre
du pouvoir policier est le Grand Châtelet. Le
centre du pouvoir du Parlement est le Palais
sur l’île de la Cité. Le Roi des Gueux tient sa
Cour des miracles dans les ruelles affreuses
qui bordent la rue Saint-Denis, au fief d’Alby.
À propos des gens
J La société française est très fortement hiérar-
chisée et les apparences font tout. Vêtements
et accessoires fixent la classe d’une personne
et ses aspirations sociales, tout comme sa
domesticité.
J Au sommet de la hiérarchie sociale, les nobles
proches de la Cour vivent dans un état d’im-
punité absolu, sauf lorsque le Roi lui-même y
met fin. Les nobles ne se battent pas avec la
roture, excepté sur les champs de bataille. Les
duels sont interdits par le Roi et le Cardinal.
J Les officiers de la Couronne sont tous ceux
qui possèdent un office – depuis les grands
offices de la judicature, jusqu’aux offices mi-
neurs de contrôleurs des métiers. Ce sont les
fondations de l’administration des siècles à
venir. Un office est souvent héréditaire, mais
on peut les vendre, les céder, les échanger, etc.
Les prix vont de quelques milliers de livres
pour une charge modeste jusqu’à un million

65
pour les charges prestigieuses. Obtenir un of-
fice est, pour un roturier, l’assurance d’accé-
der à la noblesse en une ou deux générations.
J Les artisans, y compris médecins, intellectuels
ou aubergistes, appartiennent à des métiers aux
règles contraignantes et bien établies. Il existe
une hiérarchie des métiers et un artisan ne peut
espérer vivre de ses talents s’il ne se plie pas à
toutes les exigences de ses pairs (cf. page 110).
J La masse des serviteurs, ouvriers et aides sur-
vit grâce à la débrouille et aux combines. Il est
fréquent de voler ses maîtres, de récupérer les
trognons de chandelles pour les revendre, de
détourner et de trafiquer vin et nourriture. La
contrebande est une activité fort lucrative,
bien que dangereuse.
J Les religieux sont très nombreux – prêtres,
moines, moniales – et occupent d’immenses
propriétés foncières dans Paris et ses faubourgs.
Les monastères, couvents et abbayes sont sou-
vent des lieux de savoir, d’enseignement, mais
aussi des foyers politiques importants.
J Les gens sont souvent superstitieux, mys-
tiques. On croit au diable, aux fantômes, à la
sorcellerie, au pouvoir des phyltres, de l’astro-
logie et de l’alchimie.

66
J La vie intellectuelle parisienne est foison-
nante. Il y a la Sorbonne bien sûr, mais aussi
des dizaines de collèges et de lieux d’ensei-
gnement pour tous les fils et les filles de la
noblesse et de la grande bourgeoisie. On im-
prime et on vend des milliers d’ouvrages. Il y
a des théâtres, l’Académie Française nouvel-
lement créée, l’Académie Royale de Musique.
Et puis, il y a les salons – dont le plus célèbre
est celui de la belle Arthénice. Dramaturges,
tragédiens, comédiens, poètes, musiciens,
courent après les mécènes et leur offrent un
peu de leur talent en échange de soutiens fi-
nanciers conséquents.
J La justice est prompte et violente : celui qui est accu-
sé subit toujours la question ordinaire, qui le laisse
parfois invalide jusqu’à la fin de ses jours. Ensuite,
il est très souvent incarcéré dans des conditions ef-
froyables. Enfin, il existe peu d’autres sentences que
la peine de mort, mais celle-ci est très variée, avec ou
sans souffrances. Les petits crimes entraînent bien
souvent des punitions corporelles plus ou moins
violentes, associées à d’affreuses humiliations pu-
bliques. Cependant, tout le monde, y compris les
condamnés, trouve cela normal.
J La société est assez libre – on se trouve entre la
rigueur religieuse du Moyen-Âge et les raideurs
morales qui se révèleront à la fin du règne du
Roi. Les « mœurs italiennes » (l’homosexualité)
sont acceptées et parfois encouragées, le liber-
tinage ne gêne personne – de toute manière, de
grands personnages de l’Église s’y adonnent et
savent protéger leurs petits plaisirs.
Des secrets
Voici quelques secrets amusants qui
concernent les grandes figures de l’univers. Il est
probable que les personnages n’en sauront ja-
mais rien, mais cela peut vous aider à déterminer
la manière dont les choses évoluent.
J À sa naissance, le fils du précédent roi était un
monstre contrefait. Il fut échangé avec le bâ-
tard d’une servante qui naquit en même temps.
Celle-ci éleva le monstre durant quelques an-
nées tandis que son propre fils, à son insu, était
éduqué pour devenir le nouveau Roi. Toutefois,
malgré ses difformités, l’enfant écarté ressem-
blait encore trop à son père. Il fut enlevé avec
sa mère, tous deux promis à la mort. C’est le
Frondeur qui se chargea de la tâche. Il tua la
servante, mais au moment de passer son épée
dans le pauvre corps du jeune garçon, quelque
part dans une forêt hivernale des abords de
Paris, il fut attaqué par des gueux qui sauvèrent
le gamin et s’enfuirent avec lui. Le Frondeur
a toujours assuré avoir enterré l’enfant et son
secret – et il n’en parle à personne. Le Roi
n’est pas au courant de cette histoire, mais le
Cardinal l’a découvert récemment en fouillant
de vieux papiers. Le frère monstrueux du Roi
est depuis devenu le Roi des Gueux.

69
J La Reine et sa sœur l’Impératrice se détestent
cordialement. Contrairement à ce qu’on croit,
la Reine pousse le Cardinal et le Roi à la guerre
et soutient le Prince en grand secret.
J Le Prince tente de traiter avec le Cardinal
pour prendre l’Impératrice sur deux fronts et
affaiblir le Pape. Le Cardinal est tenté, mais il
a peur du pouvoir que les réformés pourraient
prendre en France et il sait que le Roi s’oppo-
sera à toutes décisions dans ce sens.
J Le Parlement, qui voudrait se débarrasser du
Cardinal, est en discussion avec l’Impératrice
et il serait prêt à plusieurs importantes conces-
sions territoriales si celle-ci l’aidait à éliminer le
premier ministre ou à le faire chasser par le Roi.
J le Pape et le Cardinal étaient tous deux au
séminaire en même temps et ils se détestent
cordialement depuis leur jeunesse.

70
Des figures et des factions
Autour des grandes figures de Mordiou  !
s’agitent des dizaines de figurants importants
qui seront tour à tour clients, alliés et ennemis
des personnages.
Autour du Roi
J Le confident : Père de Chalaronne, confes-
seur du roi – âgé et assez strict, il tente de
faire passer au Roi son goût du libertinage et
de la fête.
J L’amant : Mme de Chessy, la « Belle Candide »,
favorite du Roi et mère d’un enfant bâtard –
un peu gourde, elle se comporte comme si elle
était la Reine elle-même.
J L’espion : Antoine Vauclaix, frère de lait du
Roi et longtemps resté à ses côtés au cours de
sa jeunesse – débrouillard, fidèle et intrépide,
il est devenu l’espion et l’agent secret person-
nel du Roi après un séjour dans les régiments
royaux avec une lieutenance offerte.
J L’agent de confiance : Charles de Barbas, ca-
pitaine des Mousquetaires, chef des Gardes
de la Maison Royale et protecteur du Louvres
– direct, franc, courageux, il est intransigeant
avec la sécurité du Roi et de la Reine.
J L’éminence grise : Capitaine de Marchampt,
précepteur et maître d’armes du Roi depuis sa
prime jeunesse – c’est un homme âgé, discret
et l’un des rares amis du Roi.
J Le traître : Philippe de Thel, Premier Valet
de la Chambre du Roi – ce n’est pas son vrai
nom et il a été placé là par le Roi des Gueux.

72
J Le courtisan : M. De Villié-Morgon, fin, spiri-
tuel, libertin – fournisseur du Roi en produits
récréatifs et organisateur des « amusements et
récréations privés ».
J L’émissaire : M. de Belmont, secrétaire per-
sonnel du Roi, possédant l’autorisation de si-
gnature et gérant les relations avec tous ceux
qui servent la Couronne.
J Le problème insoluble : Madame Monsols
a envoyé plusieurs lettres au Roi, sans rece-
voir de réponse. Le capitaine de Marchampt,
semblant reconnaître le nom, l’a fait recher-
cher. Sans succès, elle semble avoir disparu.
Madame Monsols est la sœur de la servante
qui fut tuée par le Frondeur.
J Le secret : Mme Avenas, astrologue et alchi-
miste, que le Roi consulte en secret. Plusieurs
décisions importantes ont été prises suite
à ces rencontres – concernant notamment
la guerre contre l’Impératrice et l’attitude à
adopter vis-à-vis du Frondeur.

73
Autour de la Reine
J Le confident : Mme d’Eccheguery, dame
d’atour et maîtresse de la Chambre de la Reine
– amie très proche depuis l’arrivée de la Reine
en France, elle est totalement désintéressée et
adore « sa » Reine.
J L’amant : la Reine ne trompe pas le Roi.
J L’espion : Mme de Montreillon, de l’Académie
Royale des Sciences, botaniste et aventurière
– elle voyage beaucoup à travers le Royaume
et au-delà, accomplissant diverses missions
pour la Reine.
J L’agent de confiance : Mme d’Angely. C’est
elle qui gère les contacts extérieurs de la Reine
et ses activités discrètes, comme les relations
avec le Cimmérien.
J L’éminence grise : Père Erhmann, confes-
seur de la Reine – un homme épais, à la barbe
noire, bourru et peu aimable, mais toujours
d’excellent conseil.
J Le traître : Mme de Vaupelteigne, dame
d’atour – catholique et papiste, elle déteste la
Reine depuis qu’elle a appris qu’elle soutenait
le Prince en secret.
J Le courtisan : Mme de Corrombles, organise
les menus plaisirs de la Reine – bals et jeux –
et anime ses salons avec toute l’intelligence et
la malice dont elle sait faire preuve.

74
J L’émissaire : M. de Neuhman, ami d’enfance
– resté auprès de l’Impératrice pour servir
de liaison, il tente d’aplanir la haine secrète
entre les deux souveraines.
J Le problème insoluble : Mme Etheria
Chilavert, la vieille duègne, rigide et froide,
aux ordres de l’Impératrice et toujours à juger
et critiquer – la Reine ne peut se résoudre à la
renvoyer, mais la hait de tout son cœur.
J Le secret : le Dauphin. Il est le fils du Roi des
Gueux. Profitant de ses entrées secrètes au
Louvre, il a fait droguer la Reine au laudanum
par son agent, Philippe de Thel, et il a abusé
d’elle – la mettant accidentellement enceinte.
Personne ne sait rien, mais la Reine se doute
de quelque chose.

75
Autour du Cardinal
J Le confident : Mme de Frontenas, ancienne
amante et amie d’enfance – une personne
discrète mais observatrice, à la prodigieuse
mémoire.
J L’amant : Mme de Saint-Genest, femme d’un
président du Parlement – leur liaison est se-
crète, dissimulée aux yeux de tous, mais un
fils en est le fruit.
J L’espion : M. de Messimy, ancien capitaine des
Gardes, habile et débrouillard – enfant trou-
vé, élevé par une gouvernante du Cardinal,
c’est devenu un maître du déguisement.
J L’agent de confiance : Thysbée de Lioncœur,
aventurière et spadassin – orpheline suite à
l’assassinat de ses parents, elle travaille pour
le Cardinal dans l’espoir de retrouver leur
meurtrier.
J L’éminence grise : le Père Joseph, conseil-
ler occulte, moine capucin et puissance de
l’ombre.
J Le traître : Monsieur de Saint-Priest, secré-
taire du Cardinal – il informe la Reine de ce
qu’il voit et entend.
J Le courtisan : Le Cardinal protège les
hommes de lettres, principalement l’obscur
M. de Gerland qui l’aide à écrire ses pièces.

76
J L’émissaire : Charles Linards, premier valet
du Cardinal, messager, émissaire, discret et
efficace sous une mine longue et austère.
J Le problème insoluble : Monsieur d’Orgeuil-
lan, puissant mari d’une nièce du Cardinal
– joueur colérique et homme violent, surtout
dans le secret de son intérieur ; il connaît
malheureusement le secret du fils du Cardinal
avec Mme de Saint-Genest.
J Le secret : Émile de Saint-Genest, le fils ca-
ché du Cardinal, maintenant entré au Collège
de Clermont – il connaît le secret de sa nais-
sance et déteste son Président de père, fat et
imbécile. Il souffre pourtant de ne pouvoir
rien dire.

77
Autour du Frondeur
J Le confident : M. de Fulvy, ordonnance, va-
let, garde du corps et amant occasionnel –
l’homme de l’ombre, toujours sur les pas du
Frondeur.
J L’amant : M. de Vivien, jeune capitaine en son
régiment – son amant du moment, drôle, spi-
rituel, courageux et follement amoureux.
J L’espion : Mme de Sambourg, amie proche
– bien en cour et à Paris, là où ça discute et
où les informations confidentielles circulent,
tenant ainsi le Frondeur au fait des derniers
ragots.
J L’agent de confiance : M. de Baon, éclaireur
taciturne – homme de terrain, vétéran de l’ex-
ploration des terres de la Nouvelle-France et
des guerres aux Indes.
J L’éminence grise : Général d’Argentenay,
vieux cheval de bataille, fin stratège et joueur
d’échecs – c’est lui qui est à l’origine des idées
« républicaines » du Frondeur.
J Le traître : M. de Junay, de l’état-major du
Frondeur et secrètement aux ordres du Roi.
J Le courtisan : Mme de la Fronde (comme on
l’appelle affectueusement), sœur du Frondeur
– elle s’occupe de sa maison et organise sa vie
lorsqu’il n’est pas au front.

78
J L’émissaire : M. de Vallières, capitaine des ar-
mées du Roi, en liaison avec le Ministère de
la Guerre – diplomate et enrobé, seul capable
de faire passer les ordres du Ministre auprès
du Frondeur et d’obtenir les crédits pour la
guerre sans barguigner.
J Le problème insoluble : M. Wiedelking, en-
voyé du Prince – personnalité détestable,
mais le Frondeur est obligé de le supporter
pour lutter contre l’Impératrice.
J Le secret : Ancy le Franc, émissaire du Roi
des Gueux – « On sait ce qui s’est passé cette
nuit-là ».

79
Autour du Parlement
J Le confident : Président Villemoiron, ami du
Cimmérien – toujours disponible pour ses
agents, même si son influence est assez faible.
J L’amant : Président Étourvy, libertin aimable,
léger et très aimé du peuple de Paris pour ses
manières courtoises, son populisme bon en-
fant et ses prodigalités.
J L’espion : Commissaire Bercenay, du Grand
Châtelet – toujours sur le terrain, il connaît
Paris comme sa poche.
J L’agent de confiance : Président Saint
Pouange, notaire – toujours chargé des mis-
sions délicates et secrètes.
J L’éminence grise : Président Trichey, ancien
procureur du Roi – l’intellectuel et le stratège
du Parlement.

80
J Le traître : Président Robert, agent de l’Impé-
ratrice, l’un de ses espions à Paris.
J Le courtisan : Président Petitchéu, ami de la
Reine – intelligent et spirituel, il organise les
festivités de Paris.
J L’émissaire : Président Quincerot, diplomate
calme et patient – il gère les relations du
Parlement avec le Roi.
J Le problème insoluble : Président Champlost,
riche, puissant, influent – il déteste le Roi et
soutient ouvertement le Frondeur.
J Le secret : Président Vosnon, l’âme damnée
du Roi des Gueux.

81
Autour de l’Impératrice
J Le confident : Mme de Pesseingimpel, amie
d’enfance – femme dure qui s’occupe des en-
fants de l’Impératrice.
J L’amant : M. de Verboczy, peintre et astro-
nome – peu intéressé par la politique, mais
formidable amant.
J L’espion : Mme de Ravigny, infiltre les salons
mondains de Paris pour écouter les femmes
dont les maris comptent.
J L’agent de confiance : M. de Wunderlish, an-
cien amant de l’Impératrice – homme dénué
de toute morale et de toute émotion, un tueur.
J L’éminence grise : M. de Platz, secrétaire par-
ticulier de l’Impératrice – fin, discret, intelli-
gent, connaît beaucoup de monde.
J Le traître : M. Quebemann, réformé et agent
du Prince – chargé de la lecture des missives
diplomatiques à l’état-major de l’Impératrice.
J Le courtisan : Mme de Rangosh, Première
Dame de Chambre de l’Impératrice – filtre
toutes les visites et les demandes.
J L’émissaire : El Reyño, grand d’Espagne, ré-
gent de la Couronne et cousin de la Reine –
dirige le pays pour le compte de l’Impératrice
et agit dans le sud de la France.

82
J Le problème insoluble : la Sœur, troisième
sœur de l’Impératrice et de la Reine – enfer-
mée dans un couvent, à moitié folle, elle est la
cause de la haine entre les deux femmes.
J Le secret : Père de Kasprowicz, confesseur de
l’Impératrice – il sait qu’elle a complètement
perdu la foi et qu’elle lutte pour la retrouver,
sans beaucoup de succès.

83
Autour du Prince
J Le confident : M. de Priebke, compagnon de
chasse et garde du corps – un vieil ami entiè-
rement dévoué au Prince.
J L’amant : Mlle Abriana Cavalini, catholique et
nièce du Pape – elle hait son oncle qui a eu
des gestes interdits envers elle quand elle était
petite.
J L’espion : Fra Greco, ami et amoureux de la
signora Cavalini – il travaille au Vatican et a
accès au secrétariat central de la Curie où il
entend beaucoup de choses.
J L’agent de confiance : Bolrobas, assassin pa-
tenté et voyageur aux mille identités – on dit
qu’il n’a pas dormi deux fois au même endroit
depuis trente ans.
J L’éminence grise : M. de Nuyens, hollandais,
maître drapier et fin politique – diplomate et
retors, il hait l’Impératrice de toutes ses forces
depuis qu’elle a fait tuer sa famille.
J Le traître : M. de Toth, théologien et pasteur
réformé qui tente d’isoler le Prince de ses sui-
vants au cours de prêches homériques – pour
lui, le Prince n’a aucune volonté d’en finir
avec l’Impératrice.
J Le courtisan : M. Rielh, envoyé auprès du
Ministère en Angleterre – il parcourt Londres
pour trouver des appuis et des fonds.

84
J L’émissaire : M. de la Fosse-Corduan, chef
des Réformés de France, appui du Prince et
contact secret avec la Reine.
J Le problème insoluble : M. de Renzenbrinck,
capitaine d’une bande de mercenaires et
de pillards – utile, mais dangereux pour sa
cruauté et la mauvaise réputation qu’il donne
du Prince.
J Le secret : Abdul Hamad Ibn Gaznir, repré-
sentant de l’Empire Ottoman – il soutient
financièrement le Prince pour alléger la pres-
sion en Transylvanie.

85
Autour du Pape
J Le confident : Père Angusto, vieux prêtre,
confesseur du Pape depuis l’enfance – encore
robuste même s’il n’a plus toutes ses dents.
J L’amant : Mme du Thoult, maîtresse de l’Ar-
chevêque de Paris et bienfaitrice de l’Hôtel-
Dieu – une femme sérieuse en public et bien
légère en privé.
J L’espion : le Général, chef des Jésuites de
France, chassés par le pouvoir – ils conti-
nuent à agir dans l’ombre.
J L’agent de confiance : le Nonce, l’envoyé du
Pape auprès des cours d’Europe – retors et
diplomate, il active les agents papistes pour
obtenir des informations.
J L’éminence grise : Cardinal Simeoni, secré-
taire d’état à la Curie – fin politique, il tente
d’affermir l’importance du Pape pour l’église
française, généralement très indépendante.
J Le traître : Ulrich Zimmer, garde-suisse qui
projette d’assassiner le Pape – au nom du
Prince mais sans la connaissance ou l’accord
de celui-ci.
J Le courtisan : M. de Hartz, envoyé de l’Im-
pératrice pour coordonner les actions reli-
gieuses et militaires.

86
J L’émissaire : l’Archevêque de Paris, cousin du
Roi, batailleur et revêche – allié au Frondeur
et assez indépendant de Rome.
J Le problème insoluble : M. Cavalini, frère du
Pape et père de la maîtresse du Prince, est
un farouche défenseur de l’indépendance de
l’Italie contre l’Impératrice.
J Le secret : Cecco Cirigliano, scientifique et
philosophe italien – actuellement confiné au
secret dans les geôles du Vartican à cause de
ses recherches en physique et en chimie qui
remettent les dogmes religieux en cause.

87
Autour du Ministère
J Le confident : M. Emmerson, patron de
presse et rédacteur de la London Gazette –
enflammé et très bien informé.
J L’amant : L’Archevêque, chef de l’église angli-
cane, première figure morale du pays.
J L’espion : M. L’Estrange, principal agent se-
cret anglais en France – recherché et surveillé,
mais protégé par son statut diplomatique.
J L’agent de confiance : Capitaine Tatcher, de
la Navy – agent secret du Ministère à travers
le pays et le monde, l’équivalent d’un double-
zéro de l’époque.
J L’éminence grise : M. Wenkins, pasteur fon-
damentaliste et anti-papiste – ses prêches
enflamment l’opinion.
J Le traître : Mme de la Noue, alias Lady
Needham, maîtresse du Premier Ministre et
espionne du Cardinal.
J Le courtisan : le Premier Ministre, rigoureux,
rigide, presque cruel dans sa religion – mili-
tariste et conquérant, il est au centre du nou-
veau gouvernement.
J L’émissaire : M. Wilmot, du Foreign Office –
il est le chef de la diplomatie anglaise.

88
J Le problème insoluble : Ian McIntyre, écos-
sais et chef de la résistance des peuples du
nord contre le Ministère.
J Le secret : le Duc, jadis assassiné sur ordre du
Premier Ministre, était le chef d’une société
secrète, la Clef des Aubes, qui œuvre encore
dans l’ombre, notamment au Canada et aux
Indes.

89
Autour du Roi des Gueux
J Le confident : Gautier, garde du corps et soi-
gneur – le Roi des Gueux souffre de douleurs
et de fièvres terribles, mais tente de n’en lais-
ser rien paraître.
J L’amant : Isabelle, la bohémienne qui danse
au Pont-Neuf – elle rejoint régulièrement les
soirées libertines chez les nobles qui l’invitent
et sait repérer, écouter et faire parler.
J L’espion : Jusquin, greffier au Grand Châtelet,
au contact des commissaires, des exempts et
des archers du guet.
J L’agent de confiance : Le Giseux, assassin
et monte-en-l’air, rusé et rapide – il inspire
grande frayeur à beaucoup de monde.
J L’éminence grise : Tantine, vieille maquerelle,
intelligente et rouée, très bonne organisatrice
et grande amie du Roi des Gueux.
J Le traître : Sentine, une jeune servante de
l’entourage immédiat du Roi des Gueux – re-
tournée par le Cardinal.
J Le courtisan : Phillibert, séducteur, beau –
il a des entrées partout en ville et des ami-
tiés (féminines et ancillaires) dans toutes les
bonnes maisons de Paris.

90
J L’émissaire : Le Pendu, ancien officier royal
ayant rejoint la Cour des miracles – c’est l’in-
termédiaire du Roi des Gueux avec le pouvoir
du Grand Châtelet.
J Le problème insoluble : La Claudique, le père
adoptif du Roi des Gueux, qui connaît le se-
cret de sa naissance a disparu – il est au secret
à la Bastille, entre les mains du Cardinal.
J Le secret : la Vieille Égyptienne connaît les
secrets d’une préparation soulageant les dou-
leurs du Roi des Gueux – mais les ingrédients
sont difficiles à trouver et elle n’a passé son
secret à personne.

91
Des questions en pagaille
Voici de quoi vous aider à mettre en scène les
aventures de vos héros. Ce sont de simples infor-
mations, fort générales, qu’il vous appartiendra
sans doute d’approfondir si vous en ressentez le
besoin, mais qui suffiront certainement à habiller
vos parties d’une certaine patine de la véracité.
Où vivent le Roi et la Reine ?
Le Louvre est le palais des Rois de France. C’est
là que vivent officiellement le Roi et la Reine, qu’ils
tiennent leur Cour et que se traitent les affaires
du Royaume. En plein cœur de Paris, le Louvre est
constamment ouvert et n’importe qui peut péné-
trer dans l’enceinte – ce qui assure une cohue per-
pétuelle de courtisans, de solliciteurs, de curieux et
de touristes venus admirer le siège du pouvoir. Les
Mousquetaires en journée et les Gardes du Corps
la nuit assurent une veille constante et une protec-
tion vigilante des lieux et de leurs habitants – ce
qui n’empêche guère les très nombreuses allées et
venues, par d’innombrables portes et poternes.
Pouvant abriter plus de mille personnes,
Fontainebleau est le grand château de villégiature
de la cour. Situé à soixante kilomètres au sud-est
de Paris, on s’y transporte plusieurs fois par an
pour de longues parties de plaisir. C’est là aussi
qu’on accueille les plénipotentiaires étrangers,
les souverains en visite et les amis de la France.
92
À Saint-Germain-en-Laye, où il passe une
grande partie de son temps, le Roi vit comme un
particulier, loin de la cour : il s’y occupe de peinture,
de vénerie, de musique et de cuisine. C’est là aussi
qu’il coule des jours tranquilles en compagnie de ses
maîtresses et des femmes dont il tombe amoureux.
Versailles n’est alors qu’un pavillon de chasse,
construit par le Roi lorsqu’il veut faire retraite en
petite compagnie et chasser dans le calme. C’est
sa retraite, son îlot de solitude, au loin des pro-
blèmes de la cour.
Où vit le Cardinal ?
Le Cardinal, lorsqu’il est à Paris, occupe
un magnifique palais qu’il s’est fait construire
et qu’il a, depuis, offert au Roi (bien qu’il en
conserve l’usufruit) : le Palais-Cardinal. Abritant
un théâtre, des bibliothèques, des jardins magni-
fiques et des appartements plus beaux encore,
le Palais est beaucoup plus clair, plus moderne,
plus chaleureux que le Louvre.
Le Cardinal possède aussi un magnifique
château sur la route qui mène de Paris à Saint-
Germain-en-Laye. Le Château du Val de Ruel est
somptueux, avec des jardins à l’italienne, agré-
mentés de bassins, de jets d’eau, de grottes de
rocailles – et là encore, un théâtre. Le Roi aime y
rejoindre son ministre et plusieurs conseils d’état
s’y sont déjà tenus.

93
Comment sont organisées
les armées du Roi ?
Les armées du Roi de France sont en pleine
réorganisation, mais profitent largement des
succès du Frondeur contre l’Impératrice. Fortes
de près de deux cents mille hommes, elles sont
organisées en quatre grandes armées : Flandres,
Rhin, Allemagne et Italie – auxquelles il convient
d’ajouter l’armée des Pyrénées, dont la fonction
essentielle reste de surveiller les frontières avec
l’Espagne. Chaque armée compte de vingt à trente
mille hommes, renforcés par des mercenaires.
Les armées sont elles-mêmes divisées en régi-
ments de mille à six mille soldats et officiers, dirigés
par un colonel, presque toujours noble, et repérés
par leurs couleurs singulières. Il y a tout d’abord
les régiments permanents : les Vieux Corps –
Picardie, Champagne, Navarre et Piémont – et
les Petits Vieux – Bourbonnais, Béarn, Auvergne,
Flandres et Guyenne. Ceux-là sont les régiments
du Roi, payés et commandés par lui et ses officiers.
Ensuite, il y a les régiments propriétaires, dont
l’existence est décidée par le Roi, mais qui sont
levés, financés et commandés par de grands per-
sonnages qui en deviennent les colonels. Pour fi-
nir, n’oublions pas les régiments royaux étrangers,
constitués de volontaires venus d’autres pays : les
Suisses, les Irlandais, les Ecossais, les Allemands,
les Liégeois et les Italiens.

94
La formation de ces régiments s’effectue par le-
vée de volontaires. Il n’existe pas de centralisation
de la chose et on recrute aux échelons des géné-
ralités, pays, baillages, sénéchaussées et paroisse.
Par ailleurs, des recruteurs sillonnent le pays et «
convainquent » des solides gaillards de s’engager
après leur avoir payé force canons de vin.
L’infanterie constitue les deux-tiers des ef-
fectifs des armées de France. Si les mousquets
et pistolets à rouet commencent à remplacer les
arquebuses, l’essentiel de son armement consiste
en armes blanches : longues piques, pertuisanes,
épées, rapières et miséricordes.
La cavalerie est constituée de la fine fleur de
la gentilhommerie : Dragons, Mousquetaires,
Gendarmes écossais et royaux, Gardes du Corps,
Chevau-légers, etc. Ici, pas d’uniforme, chacun
s’équipant à ses frais.
Pour finir, l’artillerie se développe progres-
sivement – des batteries sont affectées à chaque
armée, dirigées pour le Roi par le Grand Maître
d’Artillerie, qui en contrôle la fabrication, l’appro-
visionnement et les affectations. Un tiers sont des
pièces lourdes, avec des boulets de 15 à 30 livres ; le
reste sont des pièces légères, de 1 à 7 livres.
La Marine royale constitue un tout autre do-
maine, affectée à un ministère spécifique et qui
peine depuis longtemps à empêcher les Anglais
de commander aux océans.

95
Comment se vit l’Église catholique
en France ?
Au siècle précédent, face à la Réforme, le
concile de Trente a élaboré d’innombrables ré-
ponses pour l’Église catholique, qui rentrent pro-
gressivement en usage à travers l’Europe. Mais
cela ne va pas sans résistance et freins divers.
Tout d’abord, les oppositions entre la science
et la religion sont de plus en plus vives : on a brûlé
Giordano Bruno au tournant du siècle, mais la rai-
son s’affirme néanmoins, notamment en France
avec la création de l’Académie Royale des Sciences.
Ensuite, l’Église française, soumise à un Roi et à
un Cardinal jaloux de leurs pouvoirs, ne rend pas de
compte au Pape – d’autant que les Jésuites ont été
chassés de France et leurs établissements fermés. Et
puis, on assiste au développement de thèses assez
radicalement opposées au papisme, comme le jansé-
nisme qui trouve un énorme écho dans le Royaume
(la bonté de l’homme est l’œuvre de Dieu et non de
son libre arbitre – pour simplifier).
L’Église de France est donc essentiellement
politique : selon les lieux, on soutient le Roi ou la
Reine, le Cardinal ou le Frondeur, le Pape ou les
pauvres. Les supérieurs des couvents et des ab-
bayes sont des personnages politiques avant que
d’être des religieux. Ils s’impliquent dans tous les
complots, fomentent et ourdissent tout autant que
le premier courtisan ou le premier bourgeois venu.

96
Quelles sont les places fortes des Réformés ?
Après l’édit de Nantes, les Réformés ont obte-
nu de conserver des places fortes – La Rochelle,
Montauban, Cognac, La Charité sur Loire,
Saumur pour les plus importantes. Ce sont des
lieux de sûreté pour eux, où ils peuvent émigrer
en sécurité et pratiquer leur foi dans les enceintes
des villes. Néanmoins, le Roi et le Cardinal n’at-
tendent qu’un faux-pas pour révoquer les accords
et les chasser de là – il suffirait que le Prince
manque à respecter l’un de ses engagements ou
qu’il ne tienne pas l’un des trop nombreux sei-
gneurs protestants qui aspirent à marcher sur la
Couronne.
À Paris, il est fait interdiction aux Réformés de
pratiquer leur religion à l’intérieur des enceintes
et ils doivent sortir des murs pour rejoindre leurs
temples dans les faubourgs, souvent sous les laz-
zis des passants catholiques.
Y-a-t-il un quartier juif à Paris ?
Les Juifs furent chassés de Paris par les rois
de France à l’époque des croisades et n’y retour-
nèrent que bien après l’époque de Mordiou ! mais
ils ne furent jamais totalement absents de la capi-
tale. Ils se serrent dans deux ou trois rues, non
loin de la Place Royale, à proximité de la Bastille
et de la Porte Saint Antoine : le Pletzel.

97
Comment entrer et sortir de Paris ?
Paris est enfermé dans l’enceinte construite
par Charles V et poursuivie, vers l’ouest, par le
présent Roi.
Dans sa partie septentrionale, c’est une mu-
raille impressionnante, de plus de quatre-vingt
dix mètres de large, avec un chemin de ronde,
une muraille coiffant une large butte de terre, des
fossés profonds, une nouvelle butte et d’autres
fossés encore. Des batteries d’artillerie y sont
installées sur l’escarpe.
Au sud de la Seine, la ville reste confinée dans
les limites de l’ancienne enceinte de Philippe
Auguste, seulement adaptée aux nouvelles règles
de la guerre par le creusement de fossés et d’ar-
rière-fossés, le remplacement des crénelures des
tours par des toits coniques et l’installation de
pont-levis. Ce sont des remparts de six à huit
mètres de hauteur pour une épaisseur de trois
mètres à la base qui jettent d’inquiétantes ombres
sur les entrelacs de ruelles qu’ils protègent.
Rive droite, on trouve six portes seulement –
d’ouest en est : la porte Saint-Honoré, la porte
Montmartre, la porte Saint-Denis, la porte
Saint-Martin, la porte du Temple et la porte
Saint-Antoine (où se dresse la Bastille) – aux-
quelles il convient toutefois d’ajouter la porte de
la Conférence, très récente, le long de la Seine
vers l’ouest.

98
Rive gauche, d’est en ouest, on trouve huit
portes : la porte de la Tournelle, la porte Saint-
Victor, la porte Saint-Marcel (ou porte Bordelle),
la porte Saint-Jacques, la porte Saint-Michel (ou
porte d’enfer), la porte Saint-Germain, la porte
de Bussi et la porte de Nesle à l’aplomb de la ter-
rifiante Tour de Nesle.
En dehors de ces portes, souvent encom-
brées et bien gardées, il est impossible d’entrer
et de sortir de Paris. Elles sont ouvertes une de-
mi-heure avant le lever du soleil et fermées une
demi-heure après le coucher. Seuls les officiers
en charge de la place peuvent autoriser à passer
en dehors de ces horaires – par exemple pour un
courrier royal. Les autres voyageurs sont refoulés
et doivent trouver à se loger dans les faubourgs,
y compris si leur diligence arrive simplement en
retard ou ne parvient pas à rentrer à cause des
embouteillages.
Comment se déplacer à Paris ?
Si l’on souhaite s’éviter les tracas de la marche
à pied – et donc des salissures inévitables qui
sont tellement agressives qu’elles peuvent défi-
nitivement tâcher un vêtement ou des bottes en
seulement quelques instants – il existe principa-
lement trois moyens :
J On peut louer des chevaux, à fort prix, dans
de nombreuses écuries de la capitale – ou y
laisser le sien lorsqu’on en est propriétaire.
De très nombreuses auberges proposent aussi
ce service.
J Une ordonnance royale autorise des particu-
liers à louer des chaises à porteur (caisses sou-
tenues par deux brancards portés par des la-
quais). Ces chaises et le personnel sont situés
dans des points précis de la capitale, mais il
est toujours assez rapide d’envoyer un vas-y-
dire (un galopin des rues) pour en mander un
rapidement.
J Enfin, les fiacres sont de plus en plus nom-
breux dans les rues de la capitale. C’est une
voiture de louage, conduite par un cocher, que
l’on peut louer pour une durée déterminée –
jusqu’à plusieurs heures si besoin.
Quoiqu’il en soit, personne, à cheval, en cha-
riot, en diligence ou en fiacre, ne peut se dépla-
cer plus vite que la foule qui déambule lentement
dans les rues et bloque tous les passages. Il est

100
peu conseillé de forcer le passage si on n’est pas
précédé d’une troupe de cavaliers armés, car on
a vu des responsables d’accidents se faire échar-
per et tuer par la populace qui n’apprécie pas les
chauffards.
Où boire et manger à Paris ?
Paris compte plus de cinq mille tavernes et ca-
barets. Ce sont des lieux sombres, confinés et en-
fumés, considérés d’un mauvais œil par les auto-
rités morales et surveillés de près par les autorités
civiles. Refuges pour les criminels, tripots où l’on
joue aux dés, aux cartes et aux boules, alcôves où les
servantes à la cuisse mercenaire arrondissent leurs
gages auprès de clients esseulés, les cabarets et les
tavernes sont avant tout des lieux de rencontre, de
socialisation, où l’on mène sans doute grand ta-
page en certaines occasions, mais où surtout l’on
boit en compagnie d’amis et de compagnons.
Jusqu’à peu, on ne buvait que du vin dans
ces endroits : dans des pots en étain pour les
tavernes, en détail et au verre dans les cabarets
(qui ont aussi le droit de nourrir leurs clients, en
payant des taxes beaucoup plus élevées). La bière,
le cidre et le poiré y sont formellement interdits
par la loi – et réservés aux gargotes à ciel ouvert
qui nourrissent une foule de passants et de tra-
vailleurs à travers la ville. Ici, c’est du vin d’Île-
de-France que l’on sert, du vin léger et vert, du

101
vin de l’année – les vins capiteux sont passés de
mode et ceux de Guyenne et du sud fort recher-
chés et fort chers.
Depuis quelques années, de nouvelles bois-
sons sont apparues dans ces lieux de débauche :
on a commencé à mélanger du citron, des gro-
seilles, des framboises ou des pêches à de l’eau
– créant ainsi les limonades – ou à des eaux-de-
vie – les spiritueux, offrant de nouvelles sources
d’ivresses plus fines et plus subtiles.
Mais la grande évolution du temps, c’est l’ar-
rivée du café, boisson des turcs et des italiens, «
la sobre liqueur purement cérébrale qui, tout au
contraire des spiritueux, augmente la netteté et la
lucidité. » Quand les cabarets et les tavernes sont
obscurs et renfermés, les « cafés » sont vastes,
clairs, pleins de miroirs et de lumières, de tables
en marbre et de hautes fenêtres. Liqueurs et fruits
confits accompagnent pâtisseries fines lorsque
les belles dames et les beaux messieurs viennent
y déguster le Nectar de Procope.
1d6 1d6 Noms de cabarets et tavernes
1-2 1 La Boisselière
2 La Cave
3 La Croix de Lorraine
4 La Fosse aux lions
5 La Pissotte
6 La Pomme de pin
3-4 1 La Rose rouge
2 La Tête noire
3 Le Chêne vert
4 Le Dauphin
5 Le Guerbois
6 Le Lion d’or
5-6 1 Le Mouton blanc
2 Le Petit Diable
3 Le Petit More
4 Le Petit Père noir
5 Le Puits de vérité
6 Les Trois Entonnoirs
Quelle est cette mode de la nouvelle cuisine ?
À l’époque de Mordiou ! la cuisine française
est en plein chambardement et c’est à ce mo-
ment-là que se crée la grande gastronomie que
nous connaissons et qu’apparaissent argenterie,
vaisselle et verrerie modernes.
C’est l’arrivée de nouveau goûts : on aban-
donne les épices et on redécouvre les plantes
aromatiques, comme le thym, le laurier, le per-
sil, l’estragon, la ciboulette ou le romarin. On
invente le bouquet garni.
C’est l’arrivée de nouvelles textures aussi :
les anciennes sauces maigres, à l’exception de la
moutarde, disparaissent au profit des sauces aux
œufs, au beurre et à la crème : le roux, à base de
beurre et de farine ; les fonds de sauces et coulis
de cuisson ; les sauces émulsionnées, comme le
beurre blanc et la sauce hollandaise. Et puis, on
fait des mousses, on invente les compotes et les
confitures, les gelées et les marmelades ; on tra-
vaille le feuilleté des pâtes.
C’est une cuisine plus lourde parfois, mais
aussi plus verte : les légumes et les fruits de-
viennent très demandés alors qu’ils étaient
méprisés parce qu’ils sortaient de terre. On les
mange toute l’année, sans plus tenir compte des
saisons : artichauts, asperges, petits pois, cham-
pignons, cardons, topinambour ou haricots.

104
Antonietta, la cuisinière du Cimmérien, est
l’une des grandes inventrices de ce temps et ses
blanquettes, bourguignons, osso bucco, vol-
au-vent, ris de veau, escargots et autres délices
en bouche, font la réputation de la table de son
maître.
Où vont les crottes, poubelles et eaux
usées de Paris ?
Paris, de tout temps, a été une ville d’une sa-
leté repoussante. Les rois de France ont tenté de
remédier au problème en faisant paver les rues,
avec une rigole au milieu, en taxant les habitants
pour payer une toute nouvelle profession, les voi-
turiers (qui, armés de pelles et de seaux, récoltent
les immondices pour les charger dans des tombe-
reaux roulants et les conduire au loin de Paris),
en établissant des égouts.
À l’époque de Mordiou  ! la ville dispose
de huit voiries à l’extérieur des murs – des dé-
charges à ciel ouvert où l’on entasse ordures
ménagères, immondices, matières fécales, cha-
rognes, carcasses et autres déchets. La plus vaste
est celle de Montfaucon, située au nord-est de la
ville, en passant la porte du Temple – un endroit
immonde, turpide, où les plus pauvres tentent de
trouver quelques rogatons, sous l’œil impavide
des corbeaux qui fréquentent l’effroyable gibet
de Montfaucon.

105
En ville, les fosses d’aisances remplissent
d’importants réservoirs situés dans les murs des
habitations, qui sont vidés régulièrement par des
vidangeurs. Mais ces fosses fuient, polluent les
puits et, parfois, affaiblissent tant les murs que
ceux-ci explosent littéralement, submergeant et
noyant les passants, coupant les rues et provo-
quant des effondrements meurtriers.
Comment Paris est-il alimenté
en eau potable ?
Paris possède d’innombrables puits tant
publics que privés. Les nappes alluviales de la
Seine sont aisément accessibles (entre six et dix
mètres de profondeur sur les deux rives), mais
les eaux sont aisément polluées – fosses d’ai-
sance, puisards, décomposition des corps dans
les cimetières.
Paris alimente aussi ses fontaines en cap-
tant diverses sources dans les reliefs calcaires du
nord-est de la cité – Belleville, Savies, Pré Saint-
Gervais – et en les conduisant par plusieurs
aqueducs d’importance jadis construits par les
établissements religieux les plus riches. En ville,
l’eau circule par des tuyaux de plomb enterrés et
desservent les fontaines. Mais le débit de ces fon-
taines est irrégulier, surtout en période de séche-
resse, et fournit à peine plus de deux litres d’eau
par jour et par parisien.

106
Mais, en premier lieu, on boit l’eau de la
Seine, puisée par les plus pauvres et portée dans
les bonnes maisons par des porteurs d’eau. Elle
est, de fait, bien meilleure que celle des fontaines.
Les édiles de Paris sont extrêmement attentifs à
la qualité des eaux du fleuve et interdisent les
activités polluantes – de même, le grand égout
qui contourne la ville par le nord se jette dans la
Seine bien en aval de Paris.
Enfin, depuis le début du siècle, se dresse sur
le Pont Neuf la Pompe de la Samaritaine : la pre-
mière machine élévatrice d’eau de Paris. Son bâ-
timent d’habitation sur pilotis – le seul du Pont
Neuf – abrite deux immenses roues de moulins
qui puisent l’eau de la Seine afin d’alimenter le
Louvre, les Tuileries et les jardins du Roi. Son
horloge munie d’un carillon rythme la vie du
centre-ville.
Lisez-vous la Gazette ?
Tout Paris lit la Gazette de Théophraste
Renaudot, le premier journaliste du monde. La
Gazette paraît chaque semaine – ses huit pages
contiennent des nouvelles variées, de France et
du Monde, des articles politiques, diplomatiques,
scientifiques, littéraires. La Gazette est soutenue
par le Roi et le Cardinal et on dit que les deux y
participent parfois sous des noms d’emprunt.
Théophraste Renaudot tient aussi un « Bureau

107
d’adresses », accueillant offres et demandes
d’emplois, mais aussi propositions de ventes,
locations, services et autres petites annonces à 3
sous.
Se bat-on en duel ?
Le Cardinal a interdit les duels et, pour avoir
bravé cet édit, quelques nobles ont déjà été déca-
pités ou pourrissent dans les geôles de la Bastille.
Pour autant, on continue à vider ses querelles de
bien des manières : les plus sages fréquentent de
multiples académies d’escrime où, en outre de
recevoir les leçons dispensées par les meilleurs
maîtres d’armes de la place, ils peuvent régler
leurs différends à épées mouchetées ; les plus
violents se rendent nuitamment dans les fos-
sés derrière le Temple pour s’y écharper en toute
discrétion.
Où châtie-t-on les criminels ?
C’est le Prévôt de Paris, assisté d’un lieute-
nant criminel et d’un lieutenant civil, qui dili-
gente les enquêtes criminelles et fait appliquer
les lois dans la ville. Il est à la tête de plus de mille
deux-cents officiers – commissaires extraordi-
naires, commissaires de quartier, exempts, ar-
chers du Roi – installés au Grand Châtelet.
Les criminels sont jugés par le Parlement qui
possède délégation de justice et rend des arrêts au

108
nom du Roi – cette prérogative s’étend même à
une grande partie du Royaume et on vient de loin
s’y faire juger. Cour souveraine, on ne peut faire
appel de ses décisions, mais le Roi se mêle souvent
de présider la cour ou de modifier les sentences.
La plupart des exécutions publiques, générale-
ment précédées de supplices divers, sont menées
sur la Place de Grève, en bord de Seine. C’est là
que le Bourreau, tête nue et vêtu du grand man-
teau rouge frappé d’une épée noire, officie princi-
palement avec ses assistants. Mais l’autre grand
lieu de justice, c’est le Gibet de Montfaucon – les
Fourches de la Grande Justice de Paris : seize im-
menses piliers entre lesquelles sont accrochées
les dépouilles des suppliciés, jusqu’à cinquante
à la fois, avant qu’ils ne soient simplement je-
tés comme des charognes dans la voirie proche.
Ailleurs, on trouve quelques échelles et piloris
où sont châtiés ou pendus les criminels les plus
communs, afin de rappeler à tous et tout le temps
que la justice du Roi frappe et protège.
Quels sont les métiers de Paris ?
Les métiers de Paris sont organisés en ju-
randes et en confréries qui suivent des règles
complexes et contraignantes, mais qui leur as-
surent aussi bon nombre de privilèges et de pro-
tections – notamment contre ceux qui voudraient
exercer sans en avoir le droit. Les six corps sont

109
les métiers les plus importants de la ville, qui
ouvrent les processions et cortèges et bénéficient
des plus grands privilèges.
Les six corps : apothicaires-épiciers, bonnetiers,
drapiers, merciers, orfèvres, pelletiers.
La première classe : les affineurs d’or et d’argent,
bouchers, batteurs d’or, barbiers-perruquiers,
brasseurs, chirurgiens, chapeliers, charpen-
tiers, libraires, marchands de vin, maçons,
maître en faits d’armes, paveurs, peintres,
sculpteurs, tireurs d’or, tapissiers, teintu-
riers, tanneurs.
La deuxième classe : armuriers heaumiers, bou-
langers des faubourgs, bourreliers, cartiers-
papetiers, corroyeurs, ceinturiers, charcu-
tiers, charrons, chandeliers, chaudronniers,
couvreurs, écrivains, fourbisseurs, fondeurs,
fripiers, gantiers-parfumeurs, horlogers, lin-
gères, lapidaires, limonadiers, maréchaux,
menuisiers, ouvriers en drap d’or et de soie,
ouvriers en bas de soie, plumassiers, pâtis-
siers, potiers d’étain, peaussiers, parchemi-
niers, paumiers, plombiers, poissonniers
d’eau douce, rôtisseurs, selliers, serruriers,
teinturiers en laine, fil et soie, tonneliers, ver-
riers-faïenciers, vinaigriers, vitriers.

110
La troisième classe : arquebusiers, balanciers,
boisseliers, boursiers-gibeciers, crieurs de
vieux fer, cordonniers, couteliers, coutu-
riers, coffretiers, cuisiniers, doreurs, éven-
taillistes, éperonniers, faiseurs d’instruments
de mathématiques, fruitiers-orangers, fou-
lons, graveurs, gainiers, grainiers, joueurs
d’instruments et maîtres à danser, jardiniers,
miroitiers, mégissiers, potiers de terre, pei-
gniers-tabletiers, sages-femmes, tailleurs,
taillandiers, teinturiers du petit teint, ton-
deurs, tourneurs, vanniers.
La quatrième classe : aiguilliers, bateliers, bou-
tonniers, bouquetières, brodeurs, bonne-
tiers-ouvriers, chaînetiers, cloutiers, car-
deurs, cordiers, découpeurs, émailleurs,
épingliers, émouleurs de grandes forces, fi-
lassiers, ferreurs d’aiguillettes, faiseurs de
cordes à boyaux, layetiers, nattiers, oiseliers,
patenôtriers en bois et en corne, patenôtriers
en jais, ambre et corail, pêcheurs à verges,
pécheurs à engins, papetiers, savetiers, tisse-
rands, tissutiers-rubaniers, vergetiers-bros-
siers, vidangeurs.

111
112
Les affaires
« Les plus nobles conquêtes sont celles
des cœurs et des affections. »
Voici, en sus de quelques conseils pour conce-
voir les vôtres, quelques affaires à proposer à vos
joueurs. Ce ne sont pas des scénarios complète-
ment développés et linéaires, mais des intrigues
complètes avec leurs tenants et leurs aboutis-
sants, quelques conseils de mise en scène et beau-
coup d’espace pour vos talents de meneur de jeu.
Intrigues et complots
Mordiou ! est un jeu de cape et d’épée – et
l’un des attendus du genre, ce sont des intrigues
plus ou moins complexes, des complots plus ou
moins amples, dans lesquels les personnages
jouent le rôle du chien dans un jeu de quille, pour
les favoriser ou les abattre.
Monter une intrigue ou un complot
D’une manière générale, on peut commencer
à écrire une histoire en partant de celui ou celle
qui vient voir le Cimmérien pour lui demander
son aide. Qui est cette personne ? Quel est son
problème ?

113
1d26 Problèmes
11 Culpabilité réelle ou imaginaire
12 Décès suspect ou assassinat
13 Disparition d’un proche
14 Inquiétudes pour un tiers
15 Menaces avérées
16 Mensonges et trahison
21 Peur diffuse
22 Querelle
23 Repentir et confession
24 Témoignage d’un crime
25 Violences incompréhensibles
26 Vol ou escroquerie

La seconde question que l’on peut se poser


est : est-ce que la personne qui a besoin d’aide
est la cible de l’intrigue, son enjeu principal ; ou,
est-ce qu’il ne s’agit que d’une victime collatérale
d’une histoire qui ne la regarde pas ?
La troisième question est naturellement celle
du ou des adversaires impliqués. Que veulent-
ils ? Que cherchent-t-ils à obtenir ? Pour qui
travaillent-ils ?
Tisser des liens et des évènements
L’intrigue va pouvoir fonctionner dès lors
que l’on crée des points de contacts entre les
différentes parties impliquées : la personne qui
vient voir le Cimmérien, les différentes parties

114
adverses, les victimes collatérales, etc. Chaque
point de contact est un évènement particulier
qui permet aux personnages de glaner des in-
formations sur les factions en présence : il peut
s’agir d’une rencontre, d’un vol, d’un assassinat,
d’une querelle, d’une réunion, etc. Chaque point
de contact laisse des traces que les personnages
peuvent découvrir et qui doivent leur permettre
d’aller plus loin.
D’une manière générale, ce sont ces points de
contact qui font avancer l’intrigue et les objectifs
des factions agissantes et qui créent les condi-
tions de risques qui pourraient bien les perdre.
Accroches
Lorsque vous utilisez le Cimmérien pour lan-
cer les aventures, vous avez habituellement trois
grands moyens de commencer :
J Le Cimmérien invite les personnages à sa
table et leur expose le problème, enchaînant
avec une conversation à bâton rompue sur la
manière de s’y prendre ou sur les implications
du cas. C’est souvent le cas quand l’identité
du commanditaire doit rester assez floue.
J Les personnages rencontrent directement la
personne qui est venue voir le Cimmérien. La
rencontre peut se dérouler chez elle ou chez le
Cimmérien et c’est cette personne qui expose
son problème et répond aux questions.

115
J L’aventure commence in media res : le
Cimmérien a déjà utilisé son réseau de
mouches et d’informateurs pour déterminer
l’endroit où il faut taper et les personnages
sont sur place, sans avoir eu besoin de mener
l’enquête au préalable.
En fonction du temps dont vous disposez ou
de l’importance que vous voulez donner à chaque
partie de l’aventure – immersion, enquête, ac-
tion – choisissez l’accroche qui vous semble la
plus appropriée.
Conflits et conséquences
Un des points sur lesquels il convient de
porter votre attention, c’est la gestion de la vio-
lence dans Mordiou ! ou, plus exactement, de ses
conséquences. C’est un jeu de cape et d’épée et
une grande partie des mécaniques de résolution
tournent autour de la mise en scène de combats
trépidants. Aussi, il est tout à fait convenable que
les coups de main, les duels et les batailles ran-
gées s’enchaînent.
Toutefois, les personnages ne sont pas libérés
de leurs obligations sociales et ils doivent rendre
des comptes des morts et des blessés qu’ils sè-
ment. La justice du Roi n’aime pas les fauteurs
de trouble, les assassins et les soudards, s’ils ne
travaillent pas pour elle.

116
C’est dans ces circonstances que les protec-
tions et les appuis prennent toute leur impor-
tance. Tant que les personnages peuvent justifier
de l’emploi de la violence – face à des brigands,
en légitime défense, pour sauver un innocent,
etc. – tout devrait bien se passer. Mais leurs ad-
versaires aussi bénéficient parfois de protections
qui peuvent envoyer les personnages moisir à la
Bastille, à la Conciergerie ou au Grand Châtelet.
D’un autre côté, il y a bien des fois où toutes
les parties impliquées ont intérêt à maintenir le
plus grand secret sur ces échauffourées et les ca-
davres sont assez faciles à faire disparaître tant
qu’on peut acheter ou intimider les témoins.
Dans tous les cas, n’hésitez pas à jouer de ces
conséquences et des comptes à rendre : les per-
sonnages tueront sans doute bon nombre d’ano-
nymes, mais peut-être aussi des ennemis nom-
més et bénéficiant de protections et d’amitiés qui
exerceront leur vengeance, à un moment ou à un
autre.
Réputation, soutiens,
protections, lettres de cachet
Ce qui nous permet d’arriver au dernier point
de cette section : les personnages évoluent peu
par l’expérience, au contraire de la plupart des
jeux de rôle. Toutefois, au fur et à mesure de leurs
aventures, ils vont rendre service à des gens et

117
engranger des faveurs ou, au contraire, déplaire à
d’autres et voir s’accumuler les menaces.
Il est certain que l’attitude des personnages
fera tout. Sauront-ils se concilier l’indulgence
d’ennemis haut placés en courbant l’échine et
en demandant pardon ? Sauront-ils user des
secrets qu’ils surprendront ? Sauront-ils faire
pression à bon escient sur de plus humbles
qu’eux ? Comment géreront-ils querelles et
insultes publiques ?
Nous vous invitons à être excessivement at-
tentif à cette partie du jeu et à prendre de nom-
breuses notes sur les relations que les person-
nages entretiennent avec les figurants, surtout si
vous jouez régulièrement ou en campagne…

118
L’affaire des lettres volées
Mme de Ravigny (cf. page 82) vient prier le
Cimmérien de bien vouloir retrouver un paquet
de lettres qui ont été dérobées dans les tiroirs
d’un secrétaire de ses appartements parisiens.
Mme de Ravigny est une personne de qualité,
bienvenue dans bon nombre de cercles de la belle
société de la capitale et possédant même des en-
trées en cour.
En vérité, Mme de Ravigny est une espionne de
l’Impératrice qui identifie et surveille les agents du
Prince à Paris et en informe sa maîtresse par le biais
d’une « cousine » à Aix, Mme de Champfrémont, à
qui elle envoie de nombreuses missives codées – et
en reçoit autant. Normalement, le code est tel que
Mme de Ravigny ne craindrait pas un détourne-
ment de sa correspondance. Mais ici, les circons-
tances sont un peu différentes : parmi les lettres
volées se dissimule une missive enflammée en-
voyée par un amant obstiné, un jeune officier des
armées impériales – si M. de Ravigny l’apprenait,
il saurait s’arranger pour faire tuer le jeune homme
dans un « accident ».
Le Cimmérien ne connaît pas la nature des
lettres de la « cousine », mais Mme de Ravigny
lui a clairement exprimé l’importance de la lettre
de l’officier, Wilhelm de Kurtz. Celle-là, plus que
toutes les autres, doit lui revenir.

119
Bien entendu, le Cardinal est parfaitement
conscient des activités de Mme de Ravigny. S’il
n’intervient pas, c’est que, d’une part, Mme
de Ravigny espionne les Réformés et non la
Couronne, et que, d’autre part, il espère parvenir
à craquer le code pour lire les missives et profiter
de leur contenu.
Un agent de la Réforme, Roger Tabarec, a ré-
cemment surpris les activités de Mme de Ravigny,
sans bien comprendre encore son rôle ou ses ob-
jectifs. Après quelques jours de surveillance, alors
qu’il pose bon nombre de questions, il séduit une
servante de la maisonnée et parvient à voler les
lettres. Ses activités ne sont pas passées inaperçues
du Cardinal, mais le temps que ses « mouches »
(ses espions de troisième ordre engagés pour des
actions de surveillance et de filature) réagissent et
le prévienne, le beau s’est envolé.
Il diligente alors son principal agent, Thysbée
de Lioncœur (cf. page 76), afin qu’elle retrouve les
lettres rapidement et élimine l’agent réformé.
L’histoire commence in media res quand, à
Montargis, à l’auberge du Sabot d’Argent, sur la
route de Nevers, les personnages allaient mettre la
main au collet de Roger Tabarec (oui, le Cimmérien
est très fort qui a su retrouver l’homme avant d’en-
voyer les personnages). Un coup de feu éclate,
Tabarec s’effondre, tué net. Des spadassins font ir-
ruption. Ils sont payés par Thysbée pour récupérer

120
les lettres, mais agissent de manière trop brusque.
Au cours du combat qui s’ensuit dans l’auberge,
Thysbée, qui attend dans un carrosse à l’extérieur,
cherche l’occasion de mettre la main sur les lettres
en fouillant le cadavre, mais elle ne se montre que
si elle peut trouver une telle opportunité. Dans tous
les cas, Thysbée parvient à fuir dès que possible ; si
elle n’y parvient pas, elle fait jouer certains blancs-
seings qu’elle possède pour faire incarcérer les per-
sonnages par les agents du guet qui ne manquent
pas d’arriver rapidement – au moins jusqu’au len-
demain ou même quelques jours.
L’homme ne porte aucune lettre sur lui, seule-
ment un papier indiquant qu’il a envoyé un paquet
par la malle poste jusqu’à La Charité sur Loire où il
pourra le récupérer en échange du dit papier.
La Charité sur Loire, à 280 kilomètres de
Paris, est une place de sûreté de la Réforme. Là,
les personnages peuvent tenter de récupérer le
paquet de lettres, mais des agents du Prince sont
aussi présents qui attendent Roger Tabarec (M.
de Sept-Forge, plus vieux, et Gaspard Jorny, plus
jeune, accompagnés de quelques hommes). Eux-
aussi veulent les lettres. L’affaire est mal enga-
gée : les personnages sont en territoire réformé.
Les choses peuvent se résoudre par la diplomatie
ou par la bagarre – suivie d’une fuite échevelée
pour quitter la ville. L’important, quoi qu’il en
soit, est de retrouver la lettre de l’amant.

121
Sur la route du retour, Thisbée peut, bien en-
tendu, intervenir – elle cherche les lettres si les
personnages ont pu les retrouver – et usera de dis-
crétion et de fourberie pour les obtenir (les faire
voler, faire arrêter les personnages, etc.), à moins
qu’elle ne soit prête à négocier. C’est une personne
intelligente et diplomate quand il le faut.
De retour à Paris, les personnages voulant
rendre la lettre à Mme de Ravigny, découvrent
qu’elle a été enlevée par des hommes masqués,
enfermée dans une sorte de carrosse et conduite
hors des enceintes par la porte Saint-Denis (en
tout cas s’ils font leur travail d’enquêteur et ques-
tionnent les gens pour retracer son parcours). Le
carrosse était ancien, abîmé et marqué d’une ar-
moirie à demi-effacée – celle d’une famille dispa-
rue depuis longtemps, mais le carrosse était chez
un loueur d’une rue proche.
Le coupable de l’enlèvement de Mme de
Ravigny est son propre mari. Il avait déjà dis-
crètement trahi sa femme au Cardinal dans l’es-
poir que celui-ci l’en débarrasse. Sans succès,
comme on l’a vu. Cette fois, il a engagé un ban-
dit de grand chemin, mercenaire allemand en
rupture de contrat, Staplen Jengsen, pour faire
le travail. Dans son château près d’Ambleville,
en Normandie, il a rameuté la maréchaussée et
leur déclare avoir reçu une demande de rançon.
Il espère que les gendarmes feront l’échange et

122
compte sur le mercenaire pour que les choses
« dérapent » et que Mme de Ravigny soit tuée. En
attendant, les méchants – Jengsen et ses hommes
– se cachent dans un petit pavillon de chasse à
quelques kilomètres du château de M. de Ravigny
(et il n’est pas certain que Mme de Ravigny n’ait
pas déjà subi les derniers outrages).
Reste à voir comment les personnages sau-
ront se dépêtrer de ce rebondissement et la ma-
nière dont ils rendront justice à chacun.
Intermède : prisonnière des Maures !
Ce qui suit est un petit intermède à placer
n’importe quand au cours des aventures des per-
sonnages – généralement avant de lancer une
affaire. C’est une simple situation tactique, un
combat, à mener à fond de train.
Marduk Ibn Balbek, seigneur barbaresque,
est venu de Marseille avec ses hommes, en toute
discrétion, pour enlever la très belle et encore
trop jeune Mlle de Séranlay, afin de l’emporter
dans son harem.
L’action commence in media res, au moment
où les personnages, lancés au grand galop, rat-
trapent les deux carrosses du Maure et les cava-
liers qui les accompagnent sur une petite route
vers le sud de la France.
C’est un combat à cheval, avec le paysage qui
défile à grande vitesse tout autour, avec des car-
rosses qui bringuebalent et une jeune fille terri-
fiée à qui il faut éviter l’accident.

124
L’affaire du tragédien traqué
Hector de Castelbois est poète et tragédien ;
on le joue même à l’hôtel de Bourgogne et il
est régulièrement invité en l’hôtel d’Arthénice.
Seulement voilà : on vient par trois fois d’at-
tenter à sa vie – cela ressemble à des accidents,
certes, mais si la première fois, quand des maté-
riaux de construction ont manqué l’écraser en
tombant d’un échafaudage, ne laissait rien sus-
pecter, les deux autres occasions – un fiacre lancé
à grande vitesse, puis un tire-laine qui manqua le
faire tomber dans la Seine – lui ont fait très peur.
Castelbois n’ose plus sortir de chez lui que pour
venir expliquer son cas au Cimmérien. Il pense
que cela est lié à l’amour qu’il porte à la jeune
demoiselle Judith de Fresney, qui a de nombreux
courtisans mais qui le favorise.
Deux personnes peuvent éveiller l’attention
des personnages : M. de Bellème, Mousquetaire
hautain, et M. de Moncoutant, jeune bellâtre de
petite noblesse. Cependant, le premier n’est plus
à Paris, retourné servir le Roi dans les armées du
Frondeur ; quant au second, il est bien trop falot
pour ourdir un tel plan – d’autant qu’il en aime
déjà une autre.
Toutefois, une enquête menée sur les lieux des
attentats permet d’obtenir quelques témoignages
– de la part de mendiants ou de boutiquiers de

125
la place. Deux hommes ont été vu à chaque fois,
grands, blonds, solides, parlant français avec un
fort accent étranger. Les traquer dans Paris jusqu’à
leur auberge non loin de la porte Saint Antoine
n’est qu’une question de temps – excepté qu’ils
ont été assassinés dans leur chambre par trois
hommes portant de lourds manteaux rouges.
Deux pistes s’offrent alors aux personnages :
d’une part, les manteaux rouges sont la marque
d’une compagnie de mercenaires, les Brabançons,
dont on dit qu’il en traînerait quelques-uns dans
le quartier du Temple. D’autre part, il y a eu un
survivant, un troisième homme blond à l’accent
étranger qui se cache désormais et qui connaît
une partie de l’histoire.
C’est désormais aux personnages de décider
de la marche à suivre et de ce qu’ils font de cette
histoire.
La vérité de cette affaire : les trois étrangers
sont des réformés flamands, engagés pour faire
cesser les exactions d’une bande de pillards qui
attaquent uniquement les caravanes marchandes
flamandes et réformées qui descendent sur Paris.
Des marchands illustres ont été tués dans les der-
nières attaques et les autres armateurs impliqués
ont décidé d’envoyer des agents. Ceux-ci ont dé-
couvert qu’un certain Castelbois serait le chef des
brigands et ont effectivement tenté d’éliminer le
jeune tragédien.

126
Mais ils se sont trompés de Castelbois : ce-
lui qui les intéresse est Trancrède de Castelbois,
supérieur du prieuré des frères bénédictins de
Compiègne et frère du précédent. Tancrède,
sous la protection d’un agent du Cardinal, M. de
Crépy, organise les attaques sur les convois ve-
nus des Flandres. Il cache certains mercenaires
brabançons sous la robe des moines, entrepose
les marchandises, les revend, paye sa part à M.
de Crépy et utilise le reste pour sa fortune per-
sonnelle. L’objectif est de compromettre le com-
merce avec le Nord afin d’affaiblir les Flandres et
d’obliger les marchands à demander protection
au Roi en échange de leur soumission. C’est sur
les ordres de Tancrède, informé des infortunes
d’Hector, que des Brabançons ont été dépêchés
pour assassiner les flamands.

127
L’affaire de l’héritage du Duc
Mme d’Eccheguery (cf. page 74) engage le
Cimmérien parce qu’il y a des fantômes dans sa
maison. Ne rigolez pas, elle y croit dur comme fer et
semble avoir des preuves. La nuit, on déplace des ob-
jets, des meubles chez elle, jusque dans sa chambre
– alors qu’elle a toujours eu le sommeil léger.
En vérité, ce n’est pas un fantôme, mais sa
servante, Éloïse, qui drogue la dame et fouille,
chaque nuit, la maison à la recherche d’un ancien
secret. Éloïse est un espion anglais au service de
M. L’Estrange (cf. page 88). Elle s’est arrangée
pour que la servante de Mme d’Eccheguery quitte
son service pour rentrer aider sa vieille mère bien
malade et pour être engagée à sa place. À l’exté-
rieur de la maison, deux autres espions sont
prêts à intervenir sitôt qu’elle trouvera ce qu’elle
cherche : John Barry et Quentin York.
Bien entendu, les personnages ne sont pas
les seuls sur cette affaire. Des agents de l’Impé-
ratrice surveillent M. L’Estrange et ont assisté
à certaines rencontres entre Éloïse et son supé-
rieur. Ils suivent désormais Éloïse et, au petit
matin où elle trouve enfin ce qu’elle cherche et
quitte la maison à toutes jambes, elle est brutale-
ment enlevée et conduite aux moulins du Temple
pour y être interrogée. Gageons que les person-
nages assisteront à l’enlèvement s’ils surveillent

128
la maison – ou arriveront peu de temps après.
Autant dire qu’avec des agents impériaux, anglais
et français présents au même endroit au même
moment pour les mêmes raisons, les choses vont
vite devenir intéressantes.
Mais pourquoi donc  ? Le Duc (cf. page 89)
était le premier ministre du Roi anglais avant que
celui-ci ne perde la tête. Le Duc fut assassiné dans
des circonstances étranges au début des évène-
ments révolutionnaires, mais on raconte que,
sentant le vent tourner, il cacha en France un tré-
sor unique et incroyable. Le Duc était un amou-
reux de la France ; il y venait souvent et visitait
même le Louvre, dans le plus grand secret. On
parla d’une liaison avec la Reine – même le Roi
en eut vent. Pourtant, ce n’était pas Reine que le
Duc aimait, mais sa première dame d’atour, Mme
Eccheguery, veuve d’un officier du Frondeur.
Le Ministère a appris, par l’un des derniers
serviteurs du Duc encore vivant, que Mme d’Ec-
cheguery pourrait être le dépositaire du secret du
Duc et, avant que de l’enlever et de la torturer
pour obtenir l’information, il a été décidé de la
surveiller et de fouiller toutes ses propriétés.
Éloïse finit effectivement par retrouver une
ultime lettre du Duc à son aimée : une lettre
d’amour qui porte, en allégorie, le secret du tré-
sor – « le soleil couchant illumine notre amour à
l’ombre des joyaux d’une céleste couronne. »

129
Interrogée, Mme d’Eccheguery se rappelle de
cette phrase qui fait allusion à de longues pro-
menades sur les côtes normandes, dans la région
d’Étretat.
Développements ultérieurs : vous imaginez
bien la suite (si vous avez lu Maurice Leblanc)
– et les rebondissements possibles quand le
Cardinal, le Roi, le Ministère et l’Impératrice
lanceront des agents à la recherche du trésor.
Mais qu’en est-il ? Après tout, le Duc était à la
tête d’une société secrète – le trésor est peut-être
gardé, à moins qu’il ne soit plus là.

130
L’affaire des disparus de Clermont
Pour cette histoire, vous pouvez lire avec inté-
rêt le roman « Les Ferrets de la Reine » de Jean
d’Aillon, qui décrit en détail la vie au collège de
Clermont.
Vendredi midi : le principal du collège de
Clermont reçoit les personnages, envoyés par le
Cimmérien, car deux de ses élèves ont disparu
dans la nuit de jeudi à vendredi. Il faut les retrou-
ver rapidement – dès lundi, il devra envoyer une
lettre aux parents de l’un d’eux et au tuteur de
l’autre. Aucun des deux jeunes n’a le profil de fu-
gueur et le principal est très inquiet, même s’il ne
le montre pas.
J Joseph Mondier, 14 ans, fils d’un maître dra-
pier de Beauvais, bagarreur, fier, pas du genre
à se laisser marcher sur les pieds par des élèves
appartenant à la noblesse, mais suffisamment
bon en grec pour mériter de rester au collège.
J Simon Margny, 14 ans, le meilleur ami de
Joseph, boursier présenté au collège par son tu-
teur, le père Gauline, de Gretz-Armainvilliers.
Il semble qu’ils aient quitté l’enceinte du col-
lège, jeudi soir, en passant par un couloir de service
menant à l’extérieur, en usant d’une fausse clef.

131
Il est bien sûr possible d’interroger leurs cama-
rades de chambrée – François de Mondeguènes
en premier lieu, qui est le chef de chambrée, un
jeune noble arrogant qui déteste Joseph pour son
irrespect des convenances, mais n’a pas grand-
chose à dire ; Antoine de Montjavout, ensuite,
ami des deux disparus, qui a répondu de manière
évasive au principal mais semble en savoir un peu
plus long : Joseph faisait régulièrement le mur,
grâce à une fausse clef, pour aller écouter de la
musique dans les cabarets du quartier des uni-
versités et traîner avec les étudiants. Simon l’ac-
compagnait parfois et lui-même est sorti en deux
ou trois occasions. Depuis plusieurs semaines,
Joseph avait la tête ailleurs : il était tombé amou-
reux d’une fille nommée Clarisse, qui travaille
au Marché Neuf, sur l’Île de la Cité. François af-
firme ne rien savoir de ces absences nocturnes.
Une fouille des coffres des deux gamins ne donne
pas grand-chose : quelques livres remis lors
de prix par le collège, des confiseries venues de
Beauvais et un petit sac de mousseline contenant
d’étranges graines à identifier.
Les choses commencent à se compliquer
quand les personnages enquêtent au Marché
Neuf : il y a bien une Clarisse qui travaille ici, avec
son père, Anicet Bonneval – mais celui-ci a été
retrouvé assassiné jeudi matin, égorgé, le corps
abandonné sur les berges de la Seine du côté des

132
quais Saint Paul. Quant à Clarisse, personne ne
l’a vue depuis jeudi soir. Pour toutes informa-
tions supplémentaires, prière de s’adresser au
commissaire Le Varlan, au Grand Châtelet.
En vérité : Anicet Bonneval est maraîcher. Il
vend des légumes au Marché Neuf trois jours par
semaine en compagnie de sa fille, Clarisse, et loue
une chambrette à quelques pas, Rue au Feurre. Le
reste du temps, il s’occupe de ses champs, serres
et jardins dans les environs de Rosny-sous-Bois,
à environ 25 kilomètres de Paris. Mais Bonneval
cultive aussi des plans exotiques dans ses serres
– il n’a pas la patente des apothicaires-épiciers
pour vendre graines et feuilles (d’autant que
celles qu’il propose ne sont pas encore acceptées
par la profession), mais il compte tout de même
quelques clients très particuliers.
L’un d’entre eux est une Vieille Égyptienne (cf.
page 91) qui lui achète des graines et des feuilles
de Colatier. C’est un tonique puissant qui rentre
dans la composition de la thériaque qu’elle pré-
pare pour le Roi des Gueux. Une fois par mois,
Bonneval se rend, nuitamment, à une adresse
Rue Saint Denis pour y livrer sa marchandise.
Or, des agents du Cardinal, menés par le si-
nistre Isaac (un reitre cruel et implacable), sont sur
la piste de l’Égyptienne. Ils veulent l’éliminer pour
presser le déclin physique du Roi des Gueux. Ils
enlèvent Bonneval un soir de livraison (mercredi

133
soir de cette semaine), tentent de le faire parler,
sans succès, et l’assassinent un peu rapidement.
Le commissaire Le Varlan n’a que très peu
d’indices. Pour lui, c’est un simple crime crapu-
leux – veuf, Bonneval devait sans doute laisser
sa fille seule pour aller voir des filles rue Tire-
boudin. Il aura été tué et dépouillé à son retour.
Un visite au logis parisien de Bonneval et de
sa fille révèle de nouvelles informations : il loge
dans une simple chambre au quatrième étage
d’un immeuble de rapport. Une concierge qui
nourrit ses lapins n’a pas vu la fille depuis jeu-
di soir – elle avait passé la journée au Grand
Châtelet en attendant d’être interrogée et lui a
dit vouloir rejoindre une tante à Soisson dès que
possible. Cependant, la chambre révèle des traces
de violence : un spadassin gît, mort, poussé sous
le lit. Il a été tué d’un unique coup de couteau
porté dans le flanc, par derrière, qui lui a section-
né l’artère hépatique et a provoqué une hémor-
ragie interne fatale. La mort remonte à un peu
moins de vingt-quatre heures.
C’est Joseph qui, ayant appris les malheurs
de son aimée le jeudi après-midi au cours de sa
sortie hebdomadaire, est revenu le soir. Il a sur-
pris le malandrin qui bousculait un peu Clarisse
pour lui faire avouer les secrets de son père et l’a
tué d’un simple coup de couteau extrêmement
chanceux.

134
Il est aussi possible de se porter à la ferme de
Bonneval à Rosny-sous-Bois : un petit corps de
ferme, des jardins et deux grandes serres sur l’ar-
rière. Au moment où les personnages arrivent, ils
surprennent des spadassins qui arrachent les plans
des serres et les brûlent dans un grand feu à la fumée
visible de loin. Les spadassins sont bien payés pour
faire peur aux curieux ou les affronter et ils ont assez
peur de Isaac pour ne rien dire à son sujet.
Il est d’ailleurs peu probable que les personnages
aient le fin mot de l’histoire, pour l’instant, concer-
nant le colatier et l’Égyptienne. De toute manière, leur
objectif est de retrouver les jeunes gens disparus.
Les deux collégiens et leur amie Clarisse
sont sur la route de Soisson. Joseph est terrifié
par l’assassinat dont il s’est rendu coupable. Il se
voit déjà pendu au gibet de Montfaucon. Simon
est d’un grand secours et Clarisse, de deux ans
leur aînée, a un peu plus la tête sur les épaules.
Néanmoins, de nouvelles épreuves attendent
les jeunes gens : un groupe de sergents recru-
teurs des armées du Frondeur leur tombe des-
sus au cours de leur tournée dans l’arrière-pays
parisien. Trois fugueurs, c’est parfait pour eux.
Clarisse tente de s’enfuir et est blessée d’un coup
de pistolet. Laissée pour morte, elle est recueillie
par des paysans et c’est dans un lit douillet, des
cataplasmes sur la blessure, que les personnages
la retrouvent s’ils remontent la route de Soisson.

135
Les gamins, par contre, sont encore entre les
mains des recruteurs – il faudra les convaincre,
sans doute avec de larges compensations finan-
cières, de laisser partir leurs prises ou organiser
leur évasion.
Ah, au fait : les graines trouvées dans le coffre
de Joseph sont des graines de Gommier bleu –
c’est un sédatif, fourni par Clarisse, et Joseph ne
manquait jamais d’en glisser dans la nourriture
de François de Mondeguènes les soirs où il pen-
sait s’absenter. Il faudra toutes les connaissances
d’un botaniste du Jardin royal des plantes,
comme Denis Joncquet, pour renseigner les
personnages.

136
Table des
Matières
CRÉDITS.......................................................................................3

INTRODUCTION............................................................... 5
C’est quoi un jeu de rôle ?.....................................................6
Le cadre historique......................................................................8
Les héros des histoires..............................................................13
Inspirations...................................................................................... 15

MÉCANIQUES......................................................................17
Le personnage................................................................................17
Nom.............................................................................................17
Prénoms masculins.............................................................17
Prénoms féminins............................................................... 19
La noblesse….........................................................................20
Les gens du peuple…....................................................... 22
Aspects.....................................................................................25
Aspects de conflits............................................................29
Styles............................................................................................31
Points de Bonne Fortune................................................31
Le matériel............................................................................. 32
Résolution des actions.............................................................33
Agir..............................................................................................33
Difficulté................................................................................34
Degrés de succès.................................................................34
Manières...................................................................................35

137
Conflits.............................................................................................36
Initiative ..................................................................................36
Préparation.............................................................................37
Aspect de conflit.................................................................38
Défense ...................................................................................39
Actions.....................................................................................40
Décrire......................................................................................43
Conséquences sur les adversaires............................45
Les états...................................................................................46
Dégât .......................................................................................47
Règles supplémentaires.................................................47
Gérer les adversaires........................................................48
Récupérations.....................................................................50
Un exemple de combat............................................................52
Évolution des personnages...................................................58

UNIVERS...................................................................................60
Quelques faits..............................................................................60
À propos des richesses....................................................60
À propos de Paris................................................................61
À propos des gens.............................................................. 65
Des secrets.....................................................................................69
Des figures et des factions....................................................71
Autour du Roi................................................................... 72
Autour de la Reine..........................................................74
Autour du Cardinal........................................................76
Autour du Frondeur...................................................... 78
Autour du Parlement.....................................................80
Autour de l’Impératrice............................................... 82

138
Autour du Prince.............................................................84
Autour du Pape.................................................................86
Autour du Ministère..................................................... 88
Autour du Roi des Gueux.........................................90
Des questions en pagaille.....................................................92
Où vivent le Roi et la Reine ?..................................92
Où vit le Cardinal ?..........................................................93
Comment sont organisées
les armées du Roi ?........................................................... 94
Comment se vit l’Église
catholique en France ?....................................................96
Quelles sont les places
fortes des Réformés ?...................................................97
Y-a-t-il un quartier juif à Paris ?.........................97
Comment entrer et sortir de Paris ?......................98
Comment se déplacer à Paris ?.................................100
Où boire et manger à Paris ?.......................................101
Quelle est cette mode
de la nouvelle cuisine ?..................................................104
Où vont les crottes, poubelles
et eaux usées de Paris ?................................................105
Comment Paris est-il alimenté
en eau potable ?..................................................................106
Lisez-vous la Gazette ?...............................................107
Se bat-on en duel ?......................................................... 108
Où châtie-t-on les criminels ?................................ 108
Quels sont les métiers de Paris ?............................109

139
LES AFFAIRES......................................................................113
Intrigues et complots.................................................................113
Monter une intrigue ou un complot.......................113
Tisser des liens et des évènements...........................114
Accroches................................................................................ 115
Conflits et conséquences...............................................116
Réputation, soutiens,
protections, lettres de cachet.......................................117
L’affaire des lettres volées....................................................119
Intermède : prisonnière des Maures !.......................124
L’affaire du tragédien traqué............................................125
L’affaire de l’héritage du Duc........................................ 128
L’affaire des disparus de Clermont.................................131

140

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