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Identification et évaluation
de signaux faibles en toxicovigilance
DELPHINE VIRIOT1
Résumé. La toxicovigilance a pour objet la surveillance des effets toxiques pour l'homme,
SANDRA SINNO-TELLIER1 aigus ou chroniques, d'un mélange ou d'une substance, naturelle ou de synthèse,
ROBERT GARNIER2 disponible sur le marché ou présent dans l'environnement. En l'état actuel de la
JACQUES MANEL3 réglementation, l'article L. 1413-4 du code de la santé publique indique que l'Institut de
1
InVS veille sanitaire (InVS) organise la toxicovigilance en lien avec le réseau de professionnels
Département santé- cités dans la section L. 1341-1. Le dispositif s'appuie ainsi sur les informations collectées
environnement
Unité toxicovigilance et
par les Centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), assurant une réponse à
l'urgence toxicologique 24 heures sur 24. Ce réseau repose également sur les échanges
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surveillance des
intoxications d'informations et de signaux en relation avec la Direction générale de la santé, les
12, rue du Val-d'Osne Agences régionales de santé, les Agences de sécurité sanitaire, la Direction générale de la
94415 Saint-Maurice cedex
France concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la veille
<d.viriot@invs.sante.fr> internationale de l'InVS et les réseaux de toxicovigilance étrangers. Un signal faible en
2
Centre Antipoison de toxicovigilance peut correspondre à un événement de santé, initialement de faible
Paris ampleur, associé à une exposition à une ou des substances naturelles ou de synthèse,
Hôpital Fernand Widal voire, en l'absence d'effet sur la santé, à une exposition émergente à un agent biologique
200, rue du Faubourg
Saint-Denis ou chimique disponible sur le marché ou présent dans l'environnement, pouvant révéler
75475 Paris cedex 10 une menace sanitaire de plus grande ampleur. Différentes situations d'émergence de
France signaux faibles ont été identifiées et seront illustrées avec des exemples : (1) observation
<robert.garnier@lrb.aphp.fr>
3
d'un ou de plusieurs cas évoquant une relation causale de l'événement de santé avec une
Centre antipoison et de exposition ; (2) signalement de cas, groupés ou dispersés, présentant un m^ eme tableau
toxicovigilance de Nancy
Hôpital Central clinicobiologique (symptômes, syndrome, maladie) pour lequel une hypothèse
29, avenue du Maréchal de toxicologique est identifiée ; (3) situation à risque toxicologique émergente mise en
Lattre de Tassigny évidence au cours d'une étude spécifique particulière. Afin d'approcher l'imputabilité du
54035 Nancy cedex
France lien causal, il est nécessaire d'établir une relation précise des faits : éléments de contexte,
<j.manel@chu-nancy.fr> chronologie des événements, symptômes, identification rigoureuse des produits ou des
substances, données métrologiques et analytiques confirmant l'hypothèse et le niveau
Tirés à part :
D. Viriot
d'exposition. L'identification et l'évaluation de ce type de signaux nécessitent une
articulation formalisée entre les différentes parties prenantes. Des circuits de remontée
de signaux par les CAPTV et d'échanges d'information entre les différentes institutions
ont été mis en place. Des critères de validation du signal, d'évaluation de la menace
sanitaire et de passage en alerte ont été proposés. La mobilisation d'une expertise
pluridisciplinaire et multisource est incontournable pour l'évaluation des signaux faibles
en toxicovigilance.
Mots clés : centres antipoison ; intoxication ; santé publique ; signaux.
Abstract
Identification and assessment of weak toxicovigilance signals
Toxicovigilance is the monitoring of acute or chronic toxic effects to humans of chemical
substances and mixtures, whether natural, manmade, commercially available or present in
the environment. Current regulations (section L. 1413-4 of the Public Health Code) require
the French Institute for Public Health Surveillance (InVS) to organize toxicovigilance in
France through a network including the participants referred to in section L.1341-1 (i.e.,
poison control and toxicovigilance centres). These poison centres answer toxicological
doi: 10.1684/ers.2013.0635
Article reçu le 29 janvier 2013, inquiries from the public and health professionals 24 hours a day 7 days a week. The
accepté le 30 mai 2013 questions and cases of human exposure are entered into a national information system.
valuation de signaux
Pour citer cet article : Viriot D, Sinno-Tellier S, Garnier R, Manel J. Identification et e
faibles en toxicovigilance. Environ Risque Sante 2013 ; 12 : 303-10. doi : 10.1684/ers.2013.0635
The network relies on exchanges of information and signals between all the stakeholders:
the poison centres, InVS, Ministry of Health, regional health agencies (ARS), national
health and safety agencies, consumer affairs offices (DGCCRF), and international health
surveillance networks. Weak toxicovigilance signals may correspond to: i) health events
associated with exposure to a natural or synthetic substance, initially of low intensity; or ii)
emerging exposure to a biological or chemical agent that could lead to a public health
threat despite the lack of any reported adverse effect. Several sets of these emerging
signals have been identified and are illustrated by examples in this paper: 1) one or several
cases associated with an exposure; 2) sporadic cases or clusters, with the same clinical and
toxicological expression; and 3) emerging risks detected through a specific toxicological
expert study. The detection and assessment of weak signals require specific organization
between all partners and institutions. We propose criteria to validate toxicological signals
and assess potential health threats to determine whether alerts should be issued.
Multidisciplinary expert assessments and queries of different data sources are essential to
assess weak signals in toxicovigilance.
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Key words: poison control and toxicovigilance centers; poisoning; signals; public health.
T - Le signal concerne-t-il
une vigilance ayant un échelon local
D ou un circuit spécifique de remontée ? Menace imminente OUI Signalement
E
pour la santé publique sans délai
Y a-t-il une menace imminente
T pour la santé publique ?
O NON
X
- Quelle est la portée
I
C du signal inhabituel ou inattendu : Nombre de régions
régionale ou nationale ? 1 région
O concernées ?
V
I
≥ 2 régions ou possibilité Capacités investigations
G
I
≥ 2 régions NON locales suffisantes ?
L
E OUI
N
C Signalement à l’ARS
Signalement à l’InVS
E et à la Cire
4. Évaluation de la menace Prise en charge au niveau NATIONAL Appui national Prise en charge RÉGIONALE
- Le nombre de cas Ou de personnes
concernées est-il élevé ?
- Les effets sanitaires concernés Organisation par l’InVS d’une réunion tél. Vérification/validation du signal
sont-ils graves (morbidité,
mortalité) ? Ou l’agent considéré
Vérification/validation du signal Investigation, appui à la gestion
est-il particulièrement dangereux ?
(consolidation) locale, retour d’information InVS
Y a-t-il un risque de diffusion
I
hors de la région du signalement
n initial ou d’implication
d’autres régions ? OUI
V Alerte nationale ? Alerte locale ?
S
NON NON
o 5. Décision du niveau Niveau 3
u d’action Alerte de la DGS
(DUS)
A - Décision collective
R
S Niveau 2
Information du réseau
15 Recherches complémentaires
Niveau 1
Information du réseau, classement
6. Clôture de l’affaire
Figure 1. Évaluation des signaux sanitaires reçus par les Centres antipoison et de toxicovigilance en France.
produit par jour), supérieure à la limite de sécurité de l'InVS), l'ensemble de ces éléments a conduit à décider du
300 mg (avis Anses 2007-SA-0231 du 8 septembre 2008 [3]). passage en alerte et à informer immédiatement les
Un apport excessif d'épigallocatéchine a également été autorités sanitaires (Direction générale de la santé
mis en évidence avec une dose de 451 mg (équivalent à [DGS]). Des mesures de gestion ont ensuite été rapide-
deux sachets par jour), supérieure à la quantité recom- ment mises en œuvre en lien avec les services concernés
mandée par l'Autorité européenne de sécurité des (saisie par la DGCCRF des stocks résiduels de produits,
aliments (AESA) de 30 mg pour un individu de 60 kg. retrait du produit des sites identifiés. . .). Une vigilance a
Enfin, l'Ashwagandha est une espèce figurant sur la liste B été maintenue afin d'identifier précocement et prévenir la
de la pharmacopée et non autorisée dans les complé- survenue d'autres cas potentiels.
ments alimentaires. Cet exemple illustre la complexité de ce type de signal
Ces éléments conduisent à la troisième étape de pour lequel la validation du lien causal est le point
validation du signal avec l'évaluation du lien de causalité critique, qui nécessite une expertise toxicologique pour
entre l'exposition et les signes cliniques. Les faits signalés construire une hypothèse toxicologique à partir des
ont été reportés sur un chronogramme et interprétés par éléments disponibles (exposition, symptomatologie,
les toxicologues du CAPTV de Paris. Les effets cliniques chronologie des événements, éléments analytiques,
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observés ont été estimés cohérents avec les substances élimination des diagnostics différentiels. . .). Ces faits
identifiées, notamment la caféine. Il est important de montrent également que le signalement d'un seul cas
noter que la présence d'autres substances n'est pas peut conduire à un passage en alerte.
écartée. Le produit a été considéré comme impropre à la
consommation.
L'étape suivante consistait à évaluer la menace
sanitaire et à décider de la pertinence de passer du
Signalement de cas, groupés ou dispersés,
signal à l'alerte. Il s'agissait concrètement de répondre présentant un me^me tableau
collectivement aux trois questions suivantes : clinicobiologique pour lequel
– question 1 : le nombre de cas ou de personnes une hypothèse toxicologique est identifiée
exposées est-il élevé ? ; (entrée « symptômes, syndrome,
– question 2 : les effets sanitaires concernés sont-ils graves
maladie »)
ou potentiellement graves (morbidité, mortalité) ? Ou
l'agent considéré est-il particulièrement dangereux ? ; Le signal faible peut correspondre à la survenue de cas
– question 3 : y a-t-il un risque de diffusion hors de la groupés dans le temps et/ou dans l'espace sans lien
zone du signalement initial ou d'implication d'autres potentiel avec un agent identifié lors du signalement.
régions ? La diffusion fait référence au risque de diffusion En septembre 2012, les centres hospitaliers d'Hyères et
de la contamination elle-m^ eme (qu'il s'agisse d'une de Brignoles ont signalé à l'Agence régionale de santé
contamination des milieux ou de la contamination d'un Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et à la Cellule
produit de consommation – alimentaire ou non alimen- interrégionale d'épidémiologie (Cire) Sud la survenue
taire), au risque d'exposition de personnes susceptibles de trois cas présentant un tableau clinique similaire :
de se déplacer avant l'apparition d'un effet éventuel et/ou troubles de l'accommodation, sécheresse buccale, dysu-
au risque de transport de la contamination par les rie et malaise. La veille, le centre hospitalier de Brignoles
personnes contaminées. avait signalé au CAPTV de Marseille le cas d'une patiente
Une réponse positive à au moins deux de ces présentant les m^ emes symptômes, associés à une
questions amène à catégoriser le signalement en alerte. rétention urinaire. La survenue de troubles ophtalmolo-
Dans l'exemple, une réponse positive a été apportée giques et neurologiques a d'abord conduit à évoquer le
avec certitude aux deux dernières questions. Un seul cas a diagnostic de botulisme. Ce diagnostic a été infirmé,
été signalé et le bilan des données des cas humains cliniquement, par l'absence d'aggravation de la situation
d'intoxications dans le système d'information commun et, formellement, par l'absence de toxine botulique chez
des centres antipoison n'a pas conduit à identifier des cas les patients. L'expertise toxicologique du CAPTV de
supplémentaires. Cependant, le nombre réel de per- Marseille et l'analyse des signalements en lien avec la
sonnes concernées était difficilement déterminable mais Cire ont permis d'orienter les actions de l'ARS.
potentiellement élevé et l'extension géographique pré- Les premières investigations ont révélé une source
visible du phénomène était au moins multirégionale, commune de contamination : la consommation de pains
étant donné les modalités d'accès au produit en vente au blé noir, achetés dans des magasins, fournis par une
libre sur Internet. L'enqu^ ete menée par la DGCCRF a m^ eme boulangerie. Les signes cliniques étant évocateurs
permis d'identifier 14 sites de vente en ligne. Le risque de d'un syndrome anticholinergique, les cas pouvaient e ^tre
diffusion d'un produit impropre à la consommation était liés à la consommation de produits à base de farine de
donc avéré. sarrasin possiblement contaminée par des graines ou des
Lors d'une réunion d'expertise collective (toxicolo- plantes de la famille des Solanaceae, contenant des
gues des CAPTV, experts de l'Anses, épidémiologistes de alcaloïdes atropiniques.
Plusieurs plantes appartenant à la famille des Solana- signalés avaient été exposés à un lot de farine issu de cette
ceae, comme le Datura, contiennent, en effet, des minoterie. Dans les autres minoteries, les concentrations
alcaloïdes atropiniques (hyoscyamine, scopolamine, atro- en atropine et scopolamine étaient du m^ eme ordre de
pine) dotés d'effets anticholinergiques [4]. grandeur que celles qui avaient été mesurées chez le
Dans ce type de signalement, la première étape est la céréalier.
caractérisation des cas et de leur exposition avec : L'expertise toxicologique de ces résultats a confirmé
– l'élaboration d'une définition de cas ; que les quantités mesurées représentaient un risque pour
– le recensement des cas par recherche active et le consommateur car des doses de l'ordre d'une centaine
sensibilisation auprès des réseaux de professionnels de de mg/kg sont suffisantes pour entraîner une intoxication
santé ; [5].
– la recherche des agents possiblement en cause. Ces éléments permettaient de valider le signal et de
Les cas ont été définis par l'ARS PACA et la Cire Sud passer à l'étape suivante d'évaluation de la menace.
comme toute personne ayant présenté les symptômes Un bilan des données sanitaires a été réalisé par l'InVS
suivants depuis le 18 septembre : troubles visuels (diplo- en lien avec les CAPTV, avec l'interrogation du système
pie, troubles de l'accommodation, mydriase) et séche- d'information commun des centres antipoison et le bilan
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resse buccale avec éventuellement, troubles des signalements réalisés aux ARS et transmis aux Cire.
dyspeptiques, troubles dysphagiques, ataxie (vertiges), Du 1er janvier 2012 (date de mise sur le marché de la farine
une à quatre heures après la consommation de produits contaminée) au 28 novembre 2012, un total de 43 cas a été
contenant de la farine de sarrasin (pain, cr^ epes. . .). identifié dont 29 en région PACA, 12 en région Rhône-
Début octobre, la DGS a adressé un message aux Alpes et 2 en Languedoc-Roussillon.
services d'urgences, de neurologie et de réanimation, Aucun décès n'a été signalé. L'évolution a été
ainsi qu'aux services d'aide médicale urgente (SAMU) et favorable dans les 12 heures après le début d'apparition
aux centres 15 de la région, pour recueillir les cas dont ils des signes, excepté un cas grave avec des symptômes qui
auraient connaissance. L'ARS PACA a également émis un ont persisté.
communiqué de presse (http://www.ars.paca.sante.fr/12- Pour l'ensemble des cas, la farine provenait du m^ eme
10-2012-Mise-a-jour-intox.145346.0.html). lot contaminé. Le risque de diffusion hors de la région du
En outre, l'InVS a sensibilisé l'ensemble des centres signalement initial s'est avéré important : l'épisode initia-
antipoison pour identifier la remontée éventuelle de cas lement local s'était donc révélé e ^tre d'ampleur nationale.
d'intoxication supplémentaires. Lors d'une réunion d'expertise collective, l'ensemble
Afin de caractériser l'agent en cause, les actions de ces éléments a conduit à décider du passage en alerte
suivantes ont été menées : et à informer immédiatement les autorités sanitaires
– identification du circuit de distribution ; (DGS). Des mesures de gestion ont ensuite été rapide-
– analyse de la composition des denrées impliquées. ment mises en place, en lien avec les services concernés
Les enqu^ etes de traçabilité des graines de sarrasin (retrait des lots de farine par la DGCCRF, information des
avant transformation ont été réalisées par la Direction consommateurs par affichettes dans les magasins, infor-
générale de l'alimentation (DGAl), celles sur la farine et le mation des distributeurs. . .). Des prélèvements de
produit fini ont été effectuées par la DGCCRF et les contrôle ont été demandés aux minoteries, ainsi qu'un
Directions départementales de la protection des popu- retrait de leur produit en cas d'identification de Datura.
lations (DDPP) 83 et 84. Cet exemple illustre les moyens particuliers d'investi-
Elles ont permis d'identifier un céréalier alimentant gation nécessaires à mettre en œuvre pour ce type de
quatre minoteries livrant de la farine à des fabricants dans signal. Le nombre de cas initialement restreint a permis
deux régions (PACA et Bretagne). Les produits fabriqués d'identifier in fine une menace de plus grande ampleur.
avec cette farine avaient ensuite été vendus dans plus de Une expertise toxicologique a été nécessaire pour valider
100 points de vente et dans plusieurs régions, depuis le le lien causal entre la survenue des signes cliniques et
1er janvier 2012. l'exposition à des contaminants. Enfin, une enqu^ ete de
La deuxième étape consistait à évaluer le risque traçabilité complexe a été mise en œuvre par les services
toxique. La consultation des experts toxicologues du de l'État pour identifier la source de contamination et
CAPTV de Marseille et du réseau de toxicovigilance a engager les actions nécessaires aux différents points de
permis d'orienter les analyses vers la recherche de deux contrôle pour protéger le consommateur.
composés caractéristiques de ce type de contamination :
l'atropine et la scopolamine. Des analyses ont été faites
dans les graines du céréalier et la farine des minoteries Situation à risque toxicologique émergente
par la DGCCRF. mise en évidence au cours d'une étude
Les concentrations en atropine et scopolamine dans la
spécifique particulière
farine d'une des minoteries étaient élevées (respective-
ment, 16 467 mg d'atropine/kg de farine et 7 042 mg de Dans le cadre du Comité de coordination de la
scopolamine/kg de farine). Les trois cas initialement toxicovigilance (CCTV) coordonné par l'InVS, de
nombreux travaux sont réalisés, soit à la demande du de signaux dans le domaine de la toxicovigilance en lien
ministère de la Santé et d'agences sanitaires (Anses, avec un mélange ou une substance naturelle ou de
ANSM), soit par auto-saisine. Les rapports sont consul- synthèse, disponible sur le marché ou présent dans
tables en ligne sur le site : http://www.centres-antipoison. l'environnement.
net/CCTV/index.html. Les principales caractéristiques d'un signal faible sont
Le signal faible peut correspondre à la mise en les suivantes : phénomène émergent, avec des incertitu-
évidence d'un phénomène toxicologique émergent au des concernant l'exposition (origine de la contamination,
cours d'une étude d'objectif initial autre, comme l'illustre caractéristiques et dangerosité de l'agent), initialement
l'exemple suivant. localisé, concernant un nombre restreint de personnes,
Les poppers sont un groupe de substances contenant lors du signalement et pouvant révéler une menace de
des nitrites organiques, utilisés à des fins récréatives et plus grande ampleur.
aphrodisiaques, mais susceptibles d'^ etre à l'origine Pour identifier et évaluer ces signaux, plusieurs points
d'accidents graves, en particulier de méthémoglobiné- déterminants ont été mis en évidence. Afin de permettre
mie. Ce risque avait justifié que, par décret no 90-274 du une transmission précoce et réactive des informations, les
26 mars 1990, la vente et la distribution gratuite au public circuits de remontée de signaux par les CAPTV et
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de poppers contenant des nitrites d'amyle (= pentyle) et d'échanges d'information entre les différentes institu-
de butyle ou leurs isomères aient été interdites en 1990. tions ont été formalisés selon que le signal est de portée
D'autres nitrites organiques ont été utilisés, en rem- régionale ou nationale.
placement des substances interdites. Pour évaluer
La remontée de l'information repose principalement
l'intér^
et d'une éventuelle évolution réglementaire,
sur la capacité des professionnels de santé, en particulier
l'ANSM (à l'époque, l'Afssaps) a saisi le CCTV pour que
des toxicologues des CAPTV, à repérer un signal faible, à
soit effectuée une analyse rétrospective des cas collectés
le valider et transmettre l'information. À cette étape,
par les CAPTV français depuis 1999. L'étude effectuée
l'échelon local est déterminant pour permettre la
pour répondre à cette saisine a analysé 829 cas d'exposi-
détection précoce et la remontée de ces signaux faibles.
tion collectés de 1999 à 2010 [6] et découvert une
Une part des signaux faibles pourrait d'ailleurs e ^tre
trentaine de cas d'un nouveau syndrome associant divers
difficilement repérable dans une base de données par
troubles visuels survenant quelques minutes à quelques
des méthodes automatisées, sans l'attention et l'intuition
jours après l'inhalation : le tableau clinique correspondait
de l'expert ; c'est le cas en particulier pour les
à une diminution de l'acuité visuelle pour deux tiers des
phénomènes émergents et inhabituels dont le nombre
cas et à la présence de phosphènes (c'est-à-dire l'appari-
de cas et/ou la gravité peuvent e ^tre initialement de faible
tion de tâches lumineuses/scintillantes éblouissantes). Les
ampleur.
symptômes régressaient, généralement spontanément,
en quelques jours à quelques semaines. La revue Après la détection du signal, son évaluation nécessite
bibliographique réalisée dans le cadre de ce rapport a la mise en place de moyens spécifiques afin de
identifié trois publications décrivant des cas semblables, caractériser l'agent et d'évaluer le risque toxicologique.
au cours de la dernière décennie. La collaboration des Un point critique majeur est la détermination du lien
centres antipoison et des services d'ophtalmologie a causal entre le tableau clinique et l'agent, nécessitant le
permis d'identifier un nouveau type de rétinopathie report précis des faits sur un chronogramme, l'analyse
maculaire, caractérisée par des anomalies des segments des éléments intrinsèques de caractérisation causale
extérieurs des photorécepteurs centraux, à l'examen (données clinicobiologiques, caractérisation qualitative
tomographique en cohérence optique. Cette étude a et quantitative de l'exposition, élimination des diagnostics
donc permis de mettre en évidence un syndrome différentiels) et leur confrontation aux données extrinsè-
rarement identifié et d'attirer l'attention sur l'importance ques, issues de la littérature.
d'informer les consommateurs de poppers et les méde- La détection des signaux faibles peut nécessiter
cins, en particulier les ophtalmologues, sur la toxicité la collaboration de plusieurs réseaux de collectes
potentielle des poppers sur la rétine. de cas d'exposition : CAPTV, centres d'évaluation et
Cet exemple illustre la possibilité d'identifier et d'information sur la pharmacodépendance et d'addi-
d'évaluer des signaux faibles en dehors des procédures ctovigilance (CEIP-A), centres régionaux de pharma-
de remontée de signaux, dans le cadre des sujets de fond covigilance (CRPV), réseau de toxicovigilance en
du CCTV. milieu agricole (Phyt'attitude), réseau national de vigi-
lance et de prévention des pathologies professionnelles
(RNV3P), réseau de vigilance en dermato-allergologie
(Revidal-Gerda), laboratoires d'analyses toxicologiques,
Discussion et conclusion services hospitaliers d'accueil des urgences et de
réanimation, etc. L'investigation de ces signaux
Plusieurs situations d'émergence de signaux faibles faibles nécessite systématiquement des expertises
ont été identifiées et démontrent la diversité de ce type pluridisciplinaires.
Références
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