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VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.

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Affaire Faurecia : à grands pouvoirs, grandes responsabilités

Issu de Bulletin Joly Bourse - n°10 - page 414


Date de parution : 01/10/2016
Id : BJB116f5
Réf : BJB oct. 2016, n° 116f5, p. 414

Auteurs :
Rémi Lorrain, avocat à la cour, Darrois Villey Maillot Brochier, ancien secrétaire de la Conférence, Matthieu
Brochier, avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier, ancien secrétaire de la Conférence

Par un arrêt du 30 juin 2016, la cour d’appel a rappelé aux émetteurs l’exigence de qualité et d’accessibilité de l’information qu’ils diffusent, et à
la commission des sanctions de l’AMF la nécessaire motivation et proportionnalité de ses décisions de sanction.

CA Paris, 5-7, 30 juin 2016, no 2015/04219

Extrait :

SUR CE

Sur le fond

Sur les griefs relatifs à l’information financière portée à la connaissance du public et des analystes financiers le 24 avril 2012

La commission des sanctions a sanctionné un grief pris de ce qu’« en confirmant la “guidance” qui avait été communiquée au marché le 8 février 2012, la société Faurecia n’a
pas, compte tenu des informations dont elle disposait, délivré au public une information exacte précise et sincère ». Elle a considéré que « le manquement à l’article 223-1 du
règlement général de l’AMF était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés et était ainsi caractérisé ».

Pour caractériser ce manquement la commission des sanctions s’est appuyée sur les termes des déclarations faites dans le cadre de la conférence téléphonique ayant suivi
la publication du communiqué de presse du 24 avril 2014 et ceux de quatre notes d’analystes financiers ayant suivi cette conférence téléphonique.

Elle a en outre estimé qu’il était établi que le communiqué de presse ne délivrait pas une information exacte, précise, et sincère au motif que ces déclarations permettaient
de constater que la société Faurecia avait, dès cette date, des informations lui permetta[n]t d’anticiper que la marge opérationnelle serait proche de la limite basse de la
fourchette.

Elle a par ailleurs considéré comme constitué le manquement connexe aux dispositions de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF résultant de ce qu’il n’était pas
démontré que le public ait eu accès aux déclarations faites dans ce cadre.

Sur les informations délivrées lors de la conférence téléphonique au regard de celles contenues dans le communiqué de presse

(…) Il ressort de la transcription produite que sur une question posée par M. P., analyste financier de la société Citi, qui interrogeait M. J. sur l’issue finale de la fourchette des
objectifs de bénéfices, ce dernier a répondu que si la société était bien placée par rapport à ses objectifs globaux « néanmoins, si l’Europe se maintient nettement en-
dessous des prévisions, nous atteindrons plutôt le bas de la fourchette (…) ». Puis, après avoir précisé que la société n’avait pas de raison de modifier les objectifs, il a ajouté
qu’une telle modification « dépend(ait) largement de la situation en Europe ». (…)

Ainsi, si comme l’a relevé la commission des sanctions, les déclarations du directeur financier ont été prononcées en réponse à des questions d’un analyste financier, il a
clairement indiqué qu’il existait une forte probabilité qu’à terme les résultats s’inscrivent dans la limite basse des prévisions et que tel était le cas au moment où ces propos
étaient tenus. Le fait que ces indications aient été données grammaticalement au conditionnel ne change rien à la portée de ces propos. C’est donc à juste titre que la
commission des sanctions a considéré que la société Faurecia avait, lors de la conférence téléphonique du 24 avril 2012, indiqué aux analystes financiers que la marge
opérationnelle se situerait dans le bas de la fourchette annoncée le 8 février 2012.

Par ailleurs, la société Faurecia conteste que quatre analystes aient mentionné dans leurs notes que si la « guidance » annoncée le 8 février 2012 avait été confirmée, la
direction de Faurecia avait, à l’occasion de la conférence téléphonique « indiqué », « suggéré » ou « déclaré », suivant les termes retenus par chacun, que ses résultats se
situeraient plus probablement dans le bas de la fourchette de la marge opérationnelle. Elle expose sur ce point que ces quatre notes ne font pas état d’une communication
chiffrée qui aurait été communiquée par la société Faurecia ni d’une indication de sa part selon laquelle la marge opérationnelle serait proche de la limite basse de la
fourchette.

(…) Les termes de ces notes, bien que rédigées au conditionnel et avec des précautions rappelant le lien entre les résultats de la production européenne de véhicules et ceux
de la société, (…) confortent ainsi les termes de la conférence téléphonique relevés précédemment et montrent que les analystes financiers ont considéré les déclarations du
directeur financier comme marqués d’une prévisibilité forte. Il est sans portée que ces notes ne comprennent pas d’éléments chiffrés précis.

Les moyens de la société Faurecia et de M. U. relatifs aux déclarations faites dans le cadre de la conférence téléphonique et aux notes des analystes financiers doivent en
conséquence de ce qui précède, être rejetés.

La société Faurecia et M. U. contestent que les commentaires sur la dégradation du marché automobile en Europe et son potentiel impact sur les objectifs communiqués
lors de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 constituent une information que la société aurait dû communiquer de manière exacte, précise et sincère. Ils font valoir à
ce titre que la dégradation du marché européen de l’automobile a été progressive et durable tout au long de l’année 2012 et qu’elle était publique.

Cependant, les termes même des déclarations faites par le directeur financier, lors de la conférence téléphonique, montrent que la société Faurecia disposait de données
relatives à la production automobile en Europe qui lui étaient apparues comme suffisamment fiables pour considérer qu’il était nécessaire de prévenir les analystes
financiers de la probabilité que son résultat d’exploitation resterait à la limite basse de la fourchette. À ce sujet, si les remontées budgétaires faisaient état d’une « re-
prévision », au titre du 1er trimestre, d’une marge opérationnelle de l’ordre de 624 millions, alors que les limites basse et haute de la fourchette étaient de 610 et 670 millions
d’euros, cette anticipation conforte plutôt l’idée que la prévision de cette marge serait pour l’année de l’ordre de la limite basse et non l’inverse. Enfin, la société requérante
ne démontre pas qu’elle disposait, au contraire, de données qui pouvaient raisonnablement la conduire à penser que sa marge opérationnelle s’orienterait vers la limite
haute. Les déclarations à ce sujet de M. N., analyste financier à la Société Générale, qui, lors de son audition, a indiqué que ces « prévisions étaient raisonnables en espérant
que la situation s’améliorerait au second semestre », ne donnent aucun élément sur le point de savoir s’il existait des éléments tangibles permettant de penser que tel serait
effectivement le cas et n’apportent aucune confirmation de la crédibilité d’une amélioration probable de la situation du marché de la construction automobile au moment
de la conférence téléphonique reprochée. De même, il est sans portée, dans ce contexte, que la Direction des contrôles et des enquêtes de l’AMF n’ait pas considéré que les
prévisions de la société Faurecia étaient fausses ou ne pourraient être atteintes.

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Sur l’accès du public à la conférence téléphonique

Il convient de rappeler à ce sujet que l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF énonce que « Tout émetteur doit assurer en France un accès égal et dans les mêmes
délais aux sources et canaux d’information que l’émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, en particulier à l’occasion
d’opérations financières ». La Commission des sanctions a estimé que la société Faurecia ne démontrait pas que le public ait été invité à se connecter à la conférence
téléphonique du 24 avril 2012 et que ce manquement était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés et qu’il était
ainsi constitué en tous ses éléments.

La société Faurecia fait valoir à ce sujet qu’elle a bien respecté l’égalité d’accès « dans les mêmes délais aux sources et canaux d’information » en conviant plus de 900
personnes à cette conférence téléphonique, parmi lesquelles les grandes agences de presse internationales.

Cependant, le fait qu’elle ait ainsi procédé par « invitation » démontre par lui seul que le public n’a pas eu accès à la conférence téléphonique au sujet de laquelle aucune
autre information ne permettait l’accès du public, l’invitation des grandes agences de presse internationales n’étant sur ce point pas suffisante pour constituer une
invitation du public.

Par ailleurs, si la société Nasdaq OMX, prestataire de services de la société requérante, a attesté que « Selon les termes du contrat [conclu entre elle et la société Faurecia]
elle a mis à disposition de la société Faurecia un lien Internet vers le “replay” de la conférence téléphonique du 24 avril 2012 pour une durée d’un an (12 mois) soit jusqu’au
24 avril 2013 », cette attestation ne démontre toutefois pas à quel moment ce lien a été actif, ni à quelle place il se trouvait sur le site, ce qui ne permet pas de constater que
l’indication de la possibilité d’audition de la retransmission de la conférence téléphonique était visible et accessible au public. Il n’est enfin pas démontré que des personnes
n’ayant pas reçu d’invitation à la conférence téléphonique se soient néanmoins connectées à la diffusion de celle-ci, la liste de personnes produite par la société Faurecia en
pièce 48, n’ayant aucun intitulé et étant insuffisante à rapporter la preuve invoquée.

Il s’en déduit que c’est à juste titre que la Commission des sanctions a considéré que le manquement à l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF était constitué et les
moyens développés sur ce point par la société requérante et M. U. doivent être rejetés.

C’est donc à juste titre que compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, la commission des sanctions a, sans inverser la charge de la preuve, considéré que le
communiqué de presse du 24 avril 2012, qui ne mentionnait pas les précisions sur la forte probabilité que la marge opérationnelle escomptée se situerait dans la limite
basse de la fourchette de ses prévisions, informations que la société Faurecia a néanmoins communiquées aux seuls analystes financiers, sans démontrer que cette
information était aussi accessible pour le public, ne délivrait pas une information exacte, précise et sincère.

Le moyen relatif à l’implication de M. U. dans les faits constitutifs de ce grief sera étudié dans des développements ultérieurs.

Sur le grief relatif à l’information selon laquelle les objectifs de résultats annoncés le 8 février 2012 et confirmés le 24 avril suivant ne seraient pas atteints

Ce grief est fondé sur l’article 223-2 du règlement général de l’AMF qui dispose que « tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute
information privilégiée définie à l’article 621-1 et qui le concerne directement ». La commission des sanctions a retenu sur ce point qu’en portant à la connaissance du public
seulement le 24 juillet 2012, à l’occasion de la publication de ses résultats trimestriels, l’information privilégiée depuis le 26 juin 2012, selon laquelle elle n’atteindrait pas les
objectifs annoncés précédemment, la société Faurecia n’a pas communiqué cette information « dès que possible » et commis un manquement au regard de ce texte.

Sur le caractère précis de l’information

La commission des sanctions a fondé son appréciation relative au caractère précis de l’information sur deux éléments qui sont, d’une part, les indications données lors du
comité exécutif (comex) de la société et transcrites dans son compte-rendu, d’autre part, la première version du projet de présentation des comptes semestriels 2012 datés
du 26 juin 2012.

La société Faurecia soutient à ce sujet que l’interprétation du compte rendu du comex a été tronquée.

Elle traduit ce document de la façon suivante : « Malgré tous les efforts de convergence déployés ces deux derniers mois, le plan à moyen terme montre pour 2012, un écart
par rapport au résultat d’exploitation prévu à l’origine, dans la guidance fournie au marché financier en février 2012 et une importante consommation de trésorerie.

Pour 2013, un flux de trésorerie tout juste équilibré. Une maigre génération de liquidités à partir de 2014. (…) Nous avons bon espoir de contrôler à nouveau la situation.

Les conclusions sont les suivantes :

Nous devons réduire les coûts en Europe et garantir les performances en Europe en cas de faiblesse additionnelle du marché. (…) La seule hausse potentielle concerne le
volume supplémentaire en Amérique du nord ; nous devons parvenir à améliorer la performance du résultat d’exploitation en Amérique du nord et obtenir un bénéfice
marginal si la hausse se matérialise (…) ».

Selon elle, ces termes démontrent qu’elle n’était pas en mesure de chiffrer cette baisse de marge opérationnelle et qu’elle ne pouvait donc communiquer de façon « exacte,
sincère et précise » une révision de la marge d’autant que des améliorations étaient envisagées à la fin du mois de juin (« Improvements expected end of june »).

Il ressort cependant des termes précédemment retranscrits que la société disposait d’informations qui lui permettaient de constater que pour l’année 2012, elle allait
connaître, en dépit des efforts déployés, un résultat d’exploitation moindre que celui qui avait été communiqué au marché et que, de plus, ces résultats moindres
s’accompagnaient d’une importante consommation de trésorerie. Le fait qu’elle ait espéré des améliorations, dont l’origine n’est pas précisée, mais que l’on peut penser
provenir de la baisse de certains coûts, notamment, de l’acier et des matières plastiques, demeurait à ce stade de simples conjectures face à des résultats avérés par les
données chiffrées pour les mois de janvier à mai. Enfin, la conclusion selon laquelle il était nécessaire de réduire les coûts en Europe et il fallait améliorer les performances
des résultats d’exploitation en Amérique du nord, invoque des éléments qui pouvaient certes constituer des leviers mais demeuraient toutefois incertains et aléatoires.

Par ailleurs, ainsi que l’a relevé la décision, le premier projet de présentation des résultats semestriels, établi le lendemain (26 juin), faisait état d’une révision à la baisse des
prévisions pour l’année 2012, la nouvelle fourchette de marge opérationnelle étant fixée entre 580 et 620 millions d’euros, proche de celle finalement retenue de 560 - 610.
Ces données démontrent que, contrairement à ce qu’elle prétend, la société Faurecia, compte tenu des seuls éléments existants à la date des faits, était en mesure de
chiffrer la baisse de marge opérationnelle de façon précise et ce quand bien même elle n’aurait pas disposé des données du mois de juin en raison de son processus de
reporting budgétaire. À ce sujet, la cour relève d’ailleurs qu’il n’a pas été reproché à la société de ne pas avoir communiqué dès le 26 juin 2012 qu’elle n’atteindrait pas les
résultats programmés, mais qu’elle ne l’ait pas fait « dès que possible », notamment, pas au début du mois de juillet, au moment où elle a pu avoir connaissance des
résultats pour le mois de juin 2012 et donc pour le premier semestre de cette année. En outre, si, comme elle l’indique, la « guidance » concernait l’année 2012 et non le seul
semestre, il n’en demeure pas moins que le constat auquel le comex a procédé concernait toute l’année et que dès le lendemain de cette réunion, son directeur de la
communication a pu inscrire dans le projet de présentation des comptes un montant de marge opérationnelle réduit par rapport à ce qui avait été annoncé en février et
confirmé en avril. Enfin, si la société Faurecia a publié à la fin du mois de juillet une marge opérationnelle de 302,5 millions d’euros, cette circonstance démontre que les
données dont elle disposait pouvaient être ajustées à la hausse, mais elle ne remet pas en cause le constat qu’au 26 juin 2012, la société Faurecia disposait d’éléments précis
qui permettaient d’affirmer que les prévisions de résultats annoncées en début d’année ne seraient pas atteintes.

S’agissant des facteurs exogènes qui pouvaient, pour le deuxième semestre, constituer un effet de levier, outre que le montant de l’apport de ces facteurs aux résultats de la
société Faurecia n’était pas connu au 26 juin 2016 et ne peut donc être pris en compte dans l’analyse menée au sujet de la précision des données en cause, il n’en demeure
pas moins que la confirmation d’un impact positif à ce sujet demeurait soumise à un aléa.

Concernant le projet de présentation des résultats semestriels du 26 juillet, il est sans effet que celui-ci n’ait été qu’un document de travail dès lors que les seules données
qu’il comporte montrent que la société était en possession d’éléments qui la conduisait, dans le cadre de la publication de ses résultats semestriels, à préparer une annonce
de réduction des objectifs. De même, le fait que le projet ait fait l’objet de vingt-huit versions est inopérant, puisqu’aucune des autres versions communiquées ne font
apparaître une évolution notable par rapport à la première version, si ce n’est dans la 14e pour laquelle la limite basse de la fourchette est diminuée par rapport à la première
version (570/580 millions), puis la dernière pour laquelle cette limite est encore réduite de 10 millions pour atteindre 560 millions. Ces deux diminutions progressives ne sont
pas de nature à constituer un motif légitime pour la société de ne pas annoncer l’information en cause au plus près possible de la date du 26 juin 2012, à laquelle il est établi
que la société Faurecia détenait des éléments crédibles lui permettant de savoir qu’elle ne réaliserait pas les prévisions de marge opérationnelle annoncées en février de la
même année.

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Sur l’influence sensible sur le cours du titre Faurecia

En application de l’article 621-1, alinéa 1, du règlement général de l’AMF, une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique et qui, si elle
l’était, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés.

La société Faurecia soutient que dès lors que la tendance baissière de la production automobile en Europe était une donnée commune du marché, la préparation de la
présentation de ses comptes n’était pas susceptible d’avoir une influence sensible sur son cours et qu’en tout état de cause, le marché avait anticipé l’impact potentiel de la
baisse de la production automobile sur ses objectifs.

Toutefois, s’il n’est pas contesté que la tendance baissière de la production automobile en Europe était une donnée connue du marché, il n’en demeure pas moins que,
comme l’a relevé la commission des sanctions, un consensus établi par la société Faurecia le 21 juin 2012 démontre que les analystes financiers prévoyaient une marge
opérationnelle pour la médiane à 610 millions d’euros, soit le bas de la fourchette et pour la moyenne à 622 millions d’euros, à l’intérieur de la fourchette. Il s’en déduit que
dans le contexte de la tendance baissière de la production automobile, et quand bien même pourrait-on constater une forte corrélation entre les titres Faurecia et ceux de la
société Peugeot, les analystes n’avaient pas anticipé le fait que la société Faurecia n’arriverait pas à atteindre les résultats annoncés dans sa « guidance ».

Par ailleurs, l’information de la non-réalisation des projections communiquées au public, qui est susceptible de traduire des difficultés rencontrées par elle et donc un
affaiblissement de la valeur de ses titres, est un élément qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions
d’investissement.

Sur l’existence d’un motif légitime pour différer la publication d’une nouvelle « guidance »

La société Faurecia oppose que pour pouvoir émettre un communiqué d’alerte aux résultats, il faut pourtant être en mesure, lorsqu’il s’agit de rectifier une « guidance », de
s’assurer de la fiabilité de la nouvelle prévision avant de la publier. Elle précise sur ce point que la première ébauche de la présentation des comptes semestriels ne saurait
être assimilée à un projet de révision de sa « guidance » et rappelle que cette démarche ne peut être réalisée sans un certain nombre de données dont elle ne disposait pas
encore et d’analyse de ces données.

Cependant, ainsi qu’il a déjà été relevé précédemment, il n’a pas été reproché à la société Faurecia de ne pas avoir fait connaître dès le 26 juin 2012, qu’elle ne pourrait pas
atteindre le minimum de sa « guidance », mais de ne pas l’avoir fait « dès que possible ». Il importait peu à cet égard qu’elle ne puisse pas chiffrer exactement la nouvelle
marge opérationnelle, dès lors que les différentes versions de son document relatif à la publication de ses résultats semestriels démontrent qu’elle disposait de suffisamment
de données pour lui permettre de faire connaître cette information au public avec un degré de précision proche de ce qu’elle a finalement annoncé le 24 juillet 2012. À ce
sujet, la cour relève que la société elle-même indique que le 11 juillet, soit douze jours avant l’annonce qu’elle a délivrée au marché, elle disposait des éléments lui permettant
de chiffrer plus précisément sa marge opérationnelle (p. 29 de ses dernières conclusions). Elle ne justifie en conséquence pas d’un motif légitime justifiant le retard pris à la
communication de l’information selon laquelle elle ne pourrait atteindre la marge opérationnelle prévue par sa « guidance ».

En conséquence de l’ensemble de ce qui précède, c’est à juste titre et par une motivation que la cour d’appel adopte pour le surplus, que la commission des sanctions a
considéré que la société Faurecia n’avait pas communiqué dès que possible l’information privilégiée selon laquelle elle n’atteindrait pas les résultats annoncés par sa
« guidance » annoncée en février 2012, et qu’elle avait de ce fait manqué aux obligations prévues par l’article 223-2 du règlement général de l’AMF.

Il s’ensuit que les moyens développés sur ce point par la société Faurecia sont rejetés.

Le moyen pris par M. U. de l’absence d’éléments démontrant qu’il ait pris un rôle actif dans ce manquement sera examiné dans les développements ultérieurs.

Sur le grief relatif à l’information financière communiquée par la société Faurecia aux analystes financiers au cours de la première semaine du mois de juillet 2012.

Ce grief est fondé sur l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF qui, pour mémoire, dispose que « tout émetteur doit assurer en France un accès égal et dans les
mêmes délais aux sources et canaux d’information que l’émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, en particulier à l’occasion
d’opérations financières ».

La commission des sanctions a retenu sur ce point qu’il ressort de divers courriers électroniques que des échanges ont eu lieu entre M. R., directeur des relations
investisseurs, et trois analystes financiers, lesquels ont ensuite publié des notes abaissant leurs estimations et anticipant un abandon par Faurecia de sa « guidance
annuelle », à l’occasion de la publication des résultats semestriels. Elle en conclut que la société Faurecia a communiqué à certains analystes financiers seulement, des
éléments d’information concernant les prévisions de la société et que ce manquement était de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon
fonctionnement des marchés. La société Faurecia et M. U. contestent cette analyse.

À ce titre, ils exposent que la société n’a pas pris l’initiative d’appeler les analystes financiers, mais qu’il résulte des échanges retenus par la commission des sanctions que ce
sont eux qui ont pris contact avec le directeur des relations investisseurs.

Cependant, les dispositions de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF, qui imposent aux émetteurs d’assurer un accès égal et dans les mêmes délais aux sources et
canaux d’information qu’ils mettent spécifiquement à la disposition des analystes financiers, visent à assurer une égalité d’information, à tout le moins, entre ces
professionnels. Elles n’excluent pas les informations délivrées à l’occasion de contacts bilatéraux qui peuvent survenir entre les analystes financiers et la société et il n’y a, dès
lors, pas lieu d’en réduire la portée aux seuls contacts dont la société prendrait l’initiative. C’est en conséquence à juste titre que la commission des sanctions a considéré que
ce moyen développé devant elle était inopérant.

Les requérants soutiennent que le directeur des relations investisseurs s’est borné à fournir une explication qualitative et non quantitative et qu’il n’a pas divulgué
d’information confidentielle. Ils invoquent le fait que d’autres analystes financiers que ceux avec lesquels ce responsable a eu des contacts ont publié des notes de recherche
dès la fin du mois de mai sans pour autant avoir été en contact avec la société, ce qui démontre, selon eux, que les notes d’analyses des 4, 5 et 6 juillet 2012, publiées à la
suite des contacts en cause ne résultent pas de ceux-ci.

Les éléments du dossier contredisent toutefois cette analyse.

En effet, il résulte, en premier lieu, d’un échange de courriers électroniques, le 3 juillet 2012, entre le directeur des relations investisseurs et un analyste financier de la société
Natixis que ceux-ci ont eu un entretien téléphonique, à la suite duquel, l’analyste a adressé à ce directeur la note qu’il avait rédigée révisant à la baisse le cours du titre
Faurecia et expliquant que « La publication du S1 12, qui pourrait être marquée par l’abandon des guidances annuelles pourrait cependant constituer un point d’inflexion si
le groupe présente un plan de redressement solide (…) ». Puis « Nous attendons une MOP [marge opérationnelle] de 568 M (A… 610 M, soit une baisse de 7 % et 3,4 % du CA (…)
». Par un message du lendemain le directeur des relations investisseurs transmettait cette note à MM. U., J. et K. (directeur de la communication) en précisant « Hier j’ai parlé
avec l’analyste financier et je lui ai fortement conseillé de se mettre assez bas (il s’est calé à 568 m sur 2012) avec une dette élevée (1,5 mds)… ce qu’il a fait. Je continue de
contacter les analystes sous le prétexte du S1 pour les faire baisser, ainsi le 24 juillet le consensus devrait être vers les 580 m… ainsi on ne fera pas de “profit warning” ».

Par ailleurs, par un message du 6 juillet 2012, le directeur des relations investisseurs a adressé aux mêmes personnes, un message transmettant une note d’analyse de la
société Kepler en indiquant « Au tour de Kepler de baisser ses attentes sur nous (après un coup de fil) (…) ». Cette note faisait elle aussi mention d’une marge opérationnelle
inférieure à la limite basse de la « guidance ». En outre, dans une note du 5 juillet 2012, l’analyste de la société CM-CIC, après avoir eu un contact avec M. R, écrivait « (…) Nous
pensons donc que le groupe n’atteindra donc pas ses guidances de ROC dont la fourchette basse était de 610 M (…) » De même, le 19 juillet M. R a transmis aux mêmes
interlocuteurs une étude de la société HSBC faisant état d’une nouvelle « guidance » à 580 millions d’euros de marge opérationnelle, en indiquant « L’analyste révise à la
baisse des attentes sur mes “conseils” ».

Ces messages démontrent que les contacts entre le directeur des relations investisseurs et les analystes financiers ont conduit ceux-ci, à tout le moins, à conclure que la
« guidance » ne serait pas atteinte, ce que la société n’a annoncé que le 24 juillet suivant.

Ce faisant, le directeur des relations investisseurs a excédé le rôle qu’invoque la société Faurecia qui prétend que celui-ci se serait borné à aider les analystes financiers dans
leur travail par la présentation ainsi que l’explicitation de la stratégie et en s’assurant de leur bonne compréhension des messages. Au regard de la force probante des termes
des messages adressés par le directeur des relations investisseurs lui-même, retranscrits ci-dessus, les dénégations des analystes lors de leurs auditions par les enquêteurs,
apparaissent peu convaincantes.

Enfin, il est sans portée que des notes publiées au mois de mai 2012 par d’autres analystes n’ayant pas eu de contact avec le directeur des relations investisseurs, fassent état

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pour l’une de l’éventualité d’une révision à la baisse de la « guidance », et pour les deux autres d’une forte probabilité de résultats dans la limite basse de la fourchette. En
effet, si ces analystes ont pu déduire des données disponibles des conclusions que le directeur des relations investisseurs a ensuite communiquées à d’autres, il n’en
demeure pas moins que les contacts relevés ont rompu l’égalité d’information entre les analystes financiers.

Il s’ensuit que la commission des sanctions a à juste titre considéré que ce comportement qui portait atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des
marchés constituait un manquement aux dispositions de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF, sans avoir à rechercher si les contacts en cause avaient pu avoir
une influence sensible sur le cours du titre Faurecia, ce que ce texte ne requiert pas.

Les moyens développés au sujet du troisième grief sont en conséquence de ce qui précède rejetés.

Sur le rôle de M. U.

M. U. conteste dans ses conclusions avoir eu un rôle actif dans la mise en œuvre des trois manquements. Il oppose que la commission des sanctions s’est fondée à son sujet
sur le seul courrier électronique du 4 juillet 2012 adressé par lui au directeur de la communication précisant qu’il souhaitait « revoir les axes de com en fonction des dernières
nouvelles sur les résultats et des contacts [du directeur des relations investisseurs] avec les analystes ».

S’agissant du premier grief relatif à la conférence téléphonique du 24 avril 2012, il précise qu’il n’a pas participé à cette conférence et n’a pas été interrogé par les enquêteurs
à ce sujet. Il fait valoir qu’aucun élément du dossier ne démontre qu’il aurait participé à la préparation de cet événement alors que lors du conseil d’administration du 17 avril
2012, il a lui-même confirmé les termes de la « guidance ». Il estime « inacceptable » de lui opposer des propos dont il n’a pas été témoin, alors que la preuve de ceux-ci n’est
pas rapportée, il fait valoir que même dans le cas d’une application mécanique de l’article 221-1, dernier alinéa, du Règlement général de l’AMF, il n’est pas justifié de lui
infliger une sanction à ce titre.

En ce qui concerne le deuxième grief relatif à l’information de la non-réalisation de la « guidance », M. U. oppose qu’il s’est exprimé avec prudence lors du conseil
d’administration du 17 avril 2012. Il ajoute que la décision a reconnu, d’une part, que les effets des plans de réduction des coûts ne pouvaient être anticipés au 25 juin 2012,
d’autre part, que les différentes versions du projet de présentation des résultats signifient bien qu’à la date du 26 juin 2012, il n’avait aucune indication fiable permettant de
communiquer au public une nouvelle « guidance ». Il indique en outre qu’il n’a pas eu connaissance de ce projet qui est la pièce maîtresse de l’argumentation de la
commission des sanctions. Il confirme que comme il l’a indiqué aux enquêteurs, il n’a eu conscience de la remise en cause des prévisions qu’autour de la mi-juillet.

Au sujet du troisième grief, outre le moyen nouveau relatif à l’inapplicabilité en droit de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF, déclaré précédemment irrecevable,
M. U. fait valoir qu’il lui est reproché un rôle actif dans les échanges entre M. R. et les analystes financiers sur la base de simples courriers internes qui ne sont pas échangés
entre lui-même et les analystes. Il rappelle qu’il ne s’agissait pas en l’espèce de « piloter » le consensus mais de s’assurer que ceux-ci prenaient bien en considération les
éléments exogènes de plus en plus déterminants affectant la situation de la société ce qu’il a désigné comme étant une opération d’assainissement. Il oppose qu’il était tout
à fait légitime que le directeur des relations investisseurs lui transmette les notes des analystes financiers qui sont déterminantes pour un émetteur et qu’il ne saurait lui être
reproché de s’être intéressé au consensus, alors que précisément, il est exigé des émetteurs qu’ils s’assurent de la bonne perception des risques qui pèsent sur leur situation
financière.

Ainsi que l’a rappelé la décision, l’article 221-1, dernier alinéa, du règlement général de l’AMF dans sa version non modifiée issue de l’arrêté du 26 février 2007 énonce que
« Les dispositions du présent titre sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur, de l’entité ou de la personne morale concernée ». En application de cette
disposition, il importe peu que le dirigeant ait, ou non, pris une part active aux pratiques sanctionnées. Il est en conséquence sans portée que M. U. n’ait pas pris part à la
conférence téléphonique, ni à la préparation de celle-ci, ou encore s’agissant du deuxième grief, qu’il n’ait pas reçu le projet de communication des résultats.

Par ailleurs, si la décision relève, s’agissant du deuxième grief, que les effets des plans de réduction des coûts ne pouvaient être anticipés au 25 juin 2012, ce n’est pas pour
admettre qu’une incertitude relative à ce plan pouvait légitimer le fait de ne pas informer le marché de ce que la limite basse de la « guidance » ne serait pas atteinte, mais
seulement pour écarter le moyen développé à ce sujet. En effet, la mise en œuvre d’un tel plan ne pouvait, en tout état de cause, pas avoir d’effet dans un délai aussi bref que
celui du second semestre et ne pouvait légitimer le retard avec lequel la société Faurecia a communiqué l’information relative à la non réalisation de ses prévisions. Par
ailleurs, ainsi que la cour l’a relevé dans les motifs du rejet des moyens de la société Faurecia sur ce point, les différentes versions de son document relatif à la publication de
ses résultats semestriels démontrent qu’elle disposait de suffisamment de données pour lui permettre de faire connaître cette information au public avec un degré de
précision proche de ce qu’elle a finalement annoncé le 24 juillet 2012 et M. U., en sa qualité de dirigeant, ne pouvait ignorer cette situation et devait la faire communiquer dès
que possible.

S’agissant du troisième grief, il résulte des termes des courriers électroniques précédemment détaillés que M. U. était informé des contacts du directeur des relations
investisseurs avec certains seulement des analystes financiers, ainsi que de la teneur des informations délivrées par celui-ci. Il ne saurait en conséquence être exonéré de la
responsabilité qui lui incombe de ne pas avoir veillé au respect des dispositions de la réglementation boursière.

Les moyens de M. U. sont en conséquence rejetés.

Sur le montant des sanctions

La commission des sanctions compte tenu de la gravité des manquements et des éléments fournis sur la situation de la société a prononcé une sanction pécuniaire de
2 000 000 € à l’encontre de la société et de 100 000 € à l’encontre de M. U.

La société Faurecia et M. U. soutiennent que la décision ne permet pas à la cour d’apprécier la proportionnalité entre les sanctions prononcées et la gravité des faits relevés
ainsi que le dommage qui en serait résulté.

Ils font valoir, que la société n’avait jamais fait l’objet d’aucune sanction de l’AMF et que la commission des sanctions a relevé qu’elle ne disposait d’aucun élément sur un
profit réalisé. Elle oppose que la motivation ne permet pas d’identifier ce que la commission des sanctions considère comme un manquement grave, ni ce qui est entendu
par la « situation de la société ». Elle soutient enfin que la motivation ne respecte pas les termes de la directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril
2014 qui énonce les critères sur lesquels doit s’apprécier la gravité du manquement relevé.

C’est à juste titre que les parties soutiennent que la motivation de la décision ne permet pas à la cour d’apprécier la proportionnalité des sanctions prononcées à la gravité
des pratiques et à la situation de la société Faurecia. La seule référence, de façon générale à « la gravité des manquements relevés » et aux « éléments fournis sur la situation
de la société » ne permettent ni à la cour, ni aux personnes concernées, de savoir ce que la commission des sanctions a retenu à…

La décision doit en conséquence être réformée sur ce point et la cour doit, en vertu de l’effet dévolutif du recours, statuer à nouveau sur ce chef.

Il convient de relever à ce titre que les trois manquements relevés ont porté atteinte aux règles instituées pour la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des
marchés, pour le premier et le troisième en ne respectant pas le principe d’égalité de l’accès à l’information, pour le deuxième en ne délivrant pas, dès que possible, aux
investisseurs une information susceptible de déterminer leurs décisions.

Ces comportements émanant d’une entreprise importante par sa taille, son chiffre d’affaires et sa place sur le marché mondial des équipements automobiles sont graves en
ce qu’ils ont entretenu et amplifié une distorsion entre, d’un côté, les attentes des investisseurs, de l’autre, la réalité des perspectives de résultats. Par ailleurs, même s’ils ont
été mis en œuvre durant une période réduite, ils ont été répétés.

Par ailleurs, il résulte du document de référence de la société Faurecia qu’elle a réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 18 milliards d’euros, une marge opérationnelle de
538 millions d’euros et que sa capitalisation boursière s’est élevée, la même année, à 3,3 milliards d’euros. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour fixe la sanction
pécuniaire infligée à la société Faurecia à la somme de 1 000 000 d’euros.

Par ailleurs, compte tenu de l’importance du rôle d’impulsion que les dirigeants d’entreprise se doivent d’exercer dans la mise en œuvre du respect des dispositions relatives
à l’information et la protection des investisseurs, les griefs retenus contre la société Faurecia constituent aussi des manquements graves de la part de M. U. Eu égard à la
rémunération communiquée dans le document de référence de la société Faurecia pour l’année 2013, la cour fixe la sanction pécuniaire infligée à M. U. à la somme de
100 000 €.

Par ces motifs

Déclare irrecevables les moyens développés par la société Faurecia dans ses mémoires des 16 décembre 2015 et 26 février 2016, pris, d’une part, de l’erreur de droit

4/17
commise dans l’interprétation de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF, d’autre part, du caractère inapplicable de cette disposition aux contacts établis
entre elle et les analystes au début du mois de juillet 2012 ;

Déclare irrecevable le moyen développé par M. Delabrière dans son mémoire du 16 décembre 2012, pris du caractère inapplicable de l’article 223-10-1 du règlement général
de l’AMF aux contacts établis entre la société Faurecia et les analystes au début du mois de juillet 2012 ;

Réforme la décision attaquée en ce qu’elle a fixé à l’encontre de la société Faurecia une sanction pécuniaire de 2 000 000 € et à l’encontre de M. U. une sanction pécuniaire
de 100 000 € ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Fixe à 1 000 000 € la sanction infligée à la société Faurecia ;

Fixe à 100 000 € la sanction infligée à M. U. ;

Rejette les autres moyens plus amples ou contraires de la société Faurecia et de M. U.

CA Paris, 5-7, 30 juin 2016, no 2015/04219

Note de l'auteur
NDA – Les auteurs tiennent à remercier Gaspard de Monclin pour sa contribution.

Le 8 février 2012, la société Faurecia a présenté ses résultats annuels pour l’exercice 2011 et annoncé un objectif de marge opérationnelle compris entre
610 et 670 millions d’euros pour l’année 2012.

Le 24 avril 2012, la société a publié un communiqué sur ses résultats du premier trimestre et confirmé ses objectifs annuels. Le même jour, elle a
organisé une conférence téléphonique à laquelle a participé une cinquantaine d’analystes financiers et de journalistes. À cette occasion, le directeur
financier de la société a indiqué que ses résultats annuels se situeraient dans le bas de la fourchette annoncée le 8 février 2012.

Le 25 juin 2012, le comité exécutif de la société s’est réuni, avec pour ordre du jour les résultats prévisionnels du premier semestre, en deçà des objectifs
annoncés. Un projet de communiqué était préparé le lendemain en vue de la publication des résultats semestriels le 24 juillet 2012, faisant état d’une
révision à la baisse des objectifs annuels.

Le 24 juillet 2012, la société a publié un communiqué, présentant ses résultats semestriels et annonçant un objectif révisé de marge entre 560 et
610 millions d’euros, ce qui avait été anticipé par plusieurs analystes début juillet.

Après enquête, le 18 décembre 2014, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a condamné la société et son dirigeant à des
amendes d’un montant respectif de 2 000 000 € et 100 000 €, retenant trois griefs pour avoir manqué aux obligations d’information prévues aux
articles :

223-10-1 et 223-1 du règlement général de l’AMF, en communiquant à certains analystes financiers, à l’occasion d’une conférence téléphonique
qui s’est tenue le 24 avril 2012, des éléments d’information plus précis que ceux communiqués le même jour au public, à qui, en conséquence, il
n’aurait pas été délivré une information exacte, précise et sincère ;

223-2 du règlement, en s’abstenant de communiquer dès que possible, à compter du 26 juin 2012, l’information privilégiée selon laquelle
Faurecia ne pouvait atteindre ses prévisions de résultats, portée à la connaissance du public seulement le 24 juillet 2012 ;

223-10-1 du règlement, en communiquant à certains analystes financiers, au cours de la première semaine de juillet 2012, l’information selon
laquelle Faurecia ne pouvait atteindre ses prévisions de résultats.

Le 30 juin 2016, la cour d’appel de Paris a confirmé la décision de la Commission concernant la société Faurecia et son dirigeant, dans un arrêt riche
d’enseignements sur la qualité de l’information exigée des émetteurs (I), les relations de ces derniers avec les analystes (II), le rôle et la responsabilité de
leurs dirigeants (III). En revanche, elle a réformé la décision quant à la motivation et la proportionnalité des sanctions boursières (IV).

I – Sur la qualité de l’information d’un émetteur


Sur le premier grief, la cour a considéré, comme la commission, que, le 24 avril 2012, la société avait donné le même jour deux informations différentes :
d’une part, dans son communiqué, en confirmant son objectif de marge annuelle ; d’autre part, au cours de la conférence téléphonique du même jour,
en indiquant qu’il existait une forte probabilité que les résultats s’inscrivent dans la limite basse des prévisions.

La cour en a déduit que le communiqué publié avant la conférence téléphonique comportait une information qui n’était pas « exacte, précise et
sincère », puisque la société savait déjà, en raison des mauvais chiffres de la production automobile, que sa guidance ne se situait que dans la partie
basse de la fourchette qui venait pourtant d’être confirmée. Faisant fi du fait que la fourchette n’était pas inexacte, la cour juge ainsi comme la
commission que la révision à la baisse des objectifs, même dans la fourchette prévue initialement, justifie une information du marché. Sauf cassation
ou revirement à venir, les dirigeants des émetteurs devront veiller lors des conférences à ne pas varier d’un iota des communiqués de leur société.

Sur le second grief, la cour a relevé que la société avait préparé le 26 juin 2012, à la suite du comité exécutif de la veille, un projet de communiqué
portant sur ses résultats semestriels et mentionnant la révision à la baisse de ses objectifs, finalement annoncée dans un communiqué du 24 juillet
2012.

La cour a considéré que la révision des objectifs était une information suffisamment précise pour établir un projet de communiqué, nonobstant le fait
qu’il s’agissait d’un projet et qu’il était basé sur les résultats des cinq premiers mois seulement. Les requérants plaidaient devant la cour qu’ils n’avaient
pu rectifier la guidance plus tôt, c’est-à-dire avant de disposer de projections fiables, sous peine d’induire le marché en erreur. La cour a balayé cet
argument, relevant que la société elle-même indiquait, dans ses conclusions qu’elle disposait déjà le 11 juillet, des éléments lui permettant de chiffrer
plus précisément sa marge opérationnelle. La cour a également estimé que la révision des objectifs était susceptible de se produire et d’avoir une
influence sensible sur le cours de la société, dès lors qu’il s’agissait d’un élément « qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un
des fondements de ses décisions d’investissement car elle était susceptible de traduire des difficultés rencontrées par la société et donc un
affaiblissement de la valeur de ses titres ».

Après avoir caractérisé tous les éléments de l’information privilégiée définie à l’article 621-1 du règlement, la cour a, comme la commission, jugé que la
société avait tardé et méconnu son obligation de communiquer « dès que possible » une information privilégiée. Ce faisant, la cour confirme l’exigence
aiguë, réitérée récemment par la commission et la cour1 , que les émetteurs communiquent dès que possible la révision de leurs objectifs. Ce, quand
bien même ces informations seraient basées sur des informations provisoires et incomplètes, au risque d’avoir à corriger ensuite les nouvelles

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estimations une fois les informations provisoires complétées.

II – Sur les rapports entre l’émetteur et les analystes


Sur le premier grief encore, il était reproché à la société et son dirigeant d’avoir organisé le 24 avril 2012 une conférence téléphonique ouverte sur
invitation aux analystes et journalistes, mais non accessible au public, en contradiction avec l’article 223-10-1 du règlement exigeant de l’émetteur qu’il
assure « un accès égal et dans les mêmes délais aux sources et canaux d’information que l’émetteur ou ses conseils mettent spécifiquement à la
disposition des analystes financiers ».

Les requérants faisaient valoir devant la cour que l’obligation découlant de ce texte ne concernait pas l’information du public2. La cour a refusé de
répondre à cet argument, considérant qu’il était irrecevable car tardif3, mais l’a rejeté implicitement, en confirmant la condamnation après avoir relevé
qu’il n’était pas prouvé que le public pouvait avoir accès à la conférence téléphonique : « La société Faurecia fait valoir à ce sujet qu’elle a bien respecté
l’égalité d’accès “dans les mêmes délais aux sources et canaux d’information” en conviant plus de 900 personnes à cette conférence téléphonique,
parmi lesquelles les grandes agences de presse internationales. Cependant, le fait qu’elle ait ainsi procédé par “invitation” démontre par lui seul que le
public n’a pas eu accès à la conférence téléphonique au sujet de laquelle aucune autre information ne permettait l’accès du public, l’invitation des
grandes agences de presse internationales n’étant sur ce point pas suffisante pour constituer une invitation du public ».

La cour confirme ainsi que l’article 223-10-1 du règlement ne concerne pas seulement l’accès à l’information des analystes, mais également tout
investisseur et, partant, le public, comme la commission l’avait déjà relevé au bénéfice de la société Air France KLM dans une précédente décision :
« Considérant qu’il résulte de ce texte que les émetteurs doivent assurer l’égalité d’accès à l’information entre analystes et investisseurs »4. Dans le
même sens, le projet de position-recommandation de l’AMF du 14 avril 20165 prévoit que « les émetteurs doivent également veiller à respecter le
principe d’égalité d’accès à l’information : – entre les différentes catégories d’investisseurs, en application de l’article 223-10-1 (…) »6.

Dès lors, avant même que ce projet ne se confirme, la jurisprudence Faurecia impose d’ores et déjà que « si une société communique une information
financière à certains investisseurs, analystes ou partenaires financiers (par exemple lors de roadshows ou de rendez-vous individuels ou collectifs ou
dans le cadre de contrats de financement) dans quelque pays que ce soit, cette information doit également être mise à la disposition du public. S’il
s’agit d’une information privilégiée, elle doit être diffusée sous la forme d’un communiqué selon les modalités prévues aux articles 221-3 et suivants du
règlement général de l’AMF ».

Sur le troisième grief, la cour a considéré comme la commission qu’il était démontré que la société avait pris contact début juillet 2012 avec certains
analystes pour les inciter à faire baisser leurs prévisions de résultats, ainsi que, par voie de conséquence, le consensus, dans le but d’éviter d’avoir à
émettre un « profit warning ».

La cour s’est fondée sur les emails recueillis par les enquêteurs lors de l’enquête, qu’il s’agisse de correspondances internes à la société ou avec les
analystes, pour considérer que les informations données à quelques-uns de ces derniers avaient eu pour dessein illégitime de piloter le consensus : « Le
directeur des relations investisseurs a excédé le rôle qu’invoque la société Faurecia qui prétend que celui-ci se serait borné à aider les analystes
financiers dans leur travail par la présentation ainsi que l’explicitation de la stratégie et en s’assurant de leur bonne compréhension des messages (…) les
contacts relevés ont rompu l’égalité d’information entre les analystes financiers ».

Ainsi est-il confirmé que les sociétés cotées et leurs dirigeants devront veiller à ne pas partager d’informations privilégiées avec les analystes, et encore
moins à favoriser certains analystes plutôt que d’autres7.

III – Sur la responsabilité du dirigeant d’un émetteur


La commission avait retenu la responsabilité du dirigeant de la société. Devant la cour, le dirigeant de la société a voulu démontrer grief après grief qu’il
n’avait pas participé directement aux manquements reprochés à la société : il n’était pas présent lors de la conférence téléphonique ; il n’avait pas
connaissance du projet de nouvelle guidance ; il n’avait tenu aucun rôle actif dans les échanges entre son directeur des relations investisseurs et les
analystes.

La cour lui a répondu qu’« il import[ait] peu que le dirigeant ait, ou non, pris une part active aux pratiques sanctionnées », insistant au contraire sur le
rôle déterminant selon elle du dirigeant dans la bonne application de la réglementation boursière, dans un attendu à la rédaction aussi sévère que
soignée : « Compte tenu de l’importance du rôle d’impulsion que les dirigeants d’entreprise se doivent d’exercer dans la mise en œuvre du respect des
dispositions relatives à l’information et la protection des investisseurs ».

Avec pareille motivation, aussi sévère que générale, les dirigeants de sociétés cotées peuvent craindre des sanctions personnelles systématiques, pour
chaque manquement commis par la société. Pour pouvoir encore espérer ne pas être condamné avec leur société, ils devront être en mesure de
prouver une action positive, leur implication directe et personnelle afin que la société respecte ses obligations.

IV – Sur la motivation des décisions de la commission


La cour s’est rangée derrière les appelants pour juger que la motivation de la décision ne lui permettait pas d’apprécier « la proportionnalité des
sanctions prononcées à la gravité des pratiques et à la situation de la société Faurecia ». En effet, alors que la commission s’était contentée d’affirmer
que les manquements étaient graves, sans plus de précision, la cour a rappelé que la sanction devait être motivée et proportionnée, la motivation
permettant d’apprécier la proportionnalité.

Pour déterminer la sanction proportionnelle et la motiver, la cour s’est attachée à la gravité des manquements relevés et à leur nombre : « Les trois
manquements relevés ont porté atteinte aux règles instituées pour la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés, pour le
premier et le troisième en ne respectant pas le principe d’égalité de l’accès à l’information, pour le deuxième en ne délivrant pas, dès que possible, aux
investisseurs une information susceptible de déterminer leurs décisions. Ces comportements (…) ont retenu et amplifié une distorsion entre, d’un côté,
les attentes des investisseurs, de l’autre, la réalité des perspectives de résultats. Par ailleurs, même s’ils ont été mis en œuvre durant une période réduite,
ils ont été répétés ».

La cour a également pris en considération la situation de la société, pour réduire de moitié la sanction prononcée contre la société, sans pour autant
expliquer les raisons pour lesquelles la sanction initiale était excessive : « Ces comportements émanant d’une entreprise importante par sa taille, son
chiffre d’affaires et sa place sur le marché mondial des équipements automobiles sont graves (…). Par ailleurs, il résulte du document de référence de la
société Faurecia qu’elle a réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 18 milliards d’euros, une marge opérationnelle de 538 millions d’euros et que sa
capitalisation boursière s’est élevée, la même année, à 3,3 milliards d’euros. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour fixe la sanction pécuniaire
infligée à la société Faurecia à la somme de 1 000 000 d’euros ».

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En revanche, la cour a refusé de réduire la condamnation du dirigeant, en raison de l’importance rappelée ci-avant du rôle du dirigeant, mais
également de sa rémunération.

Pour finir, il faut souligner que dans deux autres arrêts rendus le même jour, la cour a réduit d’autres sanctions prononcées par la commission, en
critiquant soit la motivation soit la proportionnalité des mesures décidées par celle-ci.

En révisant par trois fois le même jour les sanctions prononcées, la cour se conforme à la directive Transparence révisée, et par la même occasion à
l’article L. 621-15, III ter , du Code monétaire et financier issu de l’ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015, tout en avertissant la commission qu’elle
exigera à l’avenir une motivation plus soignée des sanctions prononcées.

Ainsi, qu’il s’agisse des émetteurs et de leurs dirigeants comme de la commission des sanctions de l’AMF, la cour d’appel de Paris rappelle qu’« à grands
pouvoirs, grandes responsabilités ».

+
NOTES DE BAS DE PAGE

1 – AMF sanct., 3 mars 2015, SAN-2015-04, Air France ; AMF sanct., 30 mai 2015, SAN-2015-10, Tekka ; AMF sanct., 5 juin 2015, SAN-2015-12, Gaussin ;
AMF sanct., 23 juill. 2015, SAN-2015-15, Faiveley ; AMF sanct., 2 avr. 2015, SAN-2015-07, Huis Clos ; CA Paris, 5-7, 24 mars 2016, n° 2015/11472.
2 – Les requérants fondaient probablement leur argumentation sur la position-recommandation AMF n° 2013-25, guide relatif à l’analyse financière,
selon laquelle : « L’AMF rappelle aux émetteurs qu’ils doivent garantir un accès égal à l’information qu’ils diffusent, conformément aux dispositions
de l’article 223-10-1 du règlement général de l’AMF. Ainsi, il n’est pas acceptable qu’un émetteur écarte certains analystes financiers des réunions
collectives qui doivent s’adresser à l’ensemble de la population d’analystes, y compris aux analystes crédit ».
3 – La cour a considéré que ce moyen ne figurait pas dans la déclaration de recours contre la décision ou le mémoire à déposer dans les quinze
jours à compter du recours, en contradiction avec l’article R. 641-46-1 du Code monétaire et financier : « I.- Le recours devant la cour d’appel de Paris
est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d’appel de Paris contre récépissé. À peine
d’irrecevabilité prononcée d’office, elle comporte les mentions prescrites par l’article 648 du Code de procédure civile et précise l’objet du recours.
Lorsque la déclaration ne contient pas l’exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, sous la même sanction, déposer cet exposé au greffe dans
les quinze jours qui suivent le dépôt de la déclaration. La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits.
Ces pièces et documents sont remis au greffe de la cour d’appel en même temps que la déclaration. Le demandeur au recours joint à la déclaration
une copie de la décision attaquée ».
4 – AMF sanct., 3 mars 2015, SAN-2015-04, Air France.

5 – Projet de position-recommandation sur l’information permanente et la gestion de l’information privilégiée des sociétés cotées, in Consultation
publique de l’AMF sur les modifications à apporter au règlement général et à la doctrine « Émetteur » en vue de l’entrée en application du
règlement Abus de marché.
6 – Sur ce sujet, v. AMF sanct., 10 déc. 2009, SAN-2010-06 et Pailler P., « Condamnation de la stratégie de communication financière de Faurecia »,
RD bancaire et fin. 2015, comm. 26.
7 – V. la critique de la décision de la commission des sanctions dans la même affaire : Martin Laprade F., « Affaire Faurecia : est-ce la fin de l’analyse
financière en France ? », BJB avr. 2015, n° 112h2, p. 15.

Issu de Bulletin Joly Bourse - n°10 - page 414


Date de parution : 01/10/2016
Id : BJB116f5
Réf : BJB oct. 2016, n° 116f5, p. 414

Auteurs :
Rémi Lorrain, avocat à la cour, Darrois Villey Maillot Brochier, ancien secrétaire de la Conférence, Matthieu
Brochier, avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier, ancien secrétaire de la Conférence

7/17
Répartition des pouvoirs et des responsabilités dans la SA

Issu de Gazette du Palais - n°30 - page 73


Date de parution : 06/09/2016
Id : GPL272y4
Réf : Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 272y4, p. 73

Auteur :
Bruno Dondero, agrégé des facultés de droit, professeur à l'école de droit de la Sorbonne (Paris 1), directeur de
Sorbonne Affaires - Finances (IRJS)

L'article L. 225-253, alinéa 2, du Code de commerce prévoit qu'aucune décision de l'assemblée générale ne peut avoir pour effet d'éteindre
une action en responsabilité contre les administrateurs ou contre le directeur général pour faute commise dans l'accomplissement de son
mandat. Doit être rejeté le pourvoi en cassation formé contre l'arrêt d’appel qui relève que le dirigeant, qui a préparé le projet de cession du
fonds soumis à l'assemblée générale, a agi avec une légèreté blâmable envers la société en acceptant un prix très inférieur à sa valeur, sans
justifier de la recherche d'un acquéreur à un meilleur prix, ni de la méthode de détermination de ce prix, la responsabilité de ce dirigeant
étant donc engagée.

Cass. com., 8 mars 2016, n o 14-16621, ECLI:FR:CCASS:2016:CO00247, M. X, D (rejet pourvoi c/ CA Paris, 19 févr. 2014), M me Mouillard, prés. ; SCP Meier-
Bourdeau et Lécuyer, SCP Monod, Colin et Stoclet, av.

Cet arrêt, même s’il n’est pas destiné à publication au Bulletin , apporte une réponse à une question tout de même fondamentale, qui est celle de
l’incidence d’une autorisation de l’assemblée des associés sur une décision fautive du dirigeant, s’agissant de l’action en responsabilité exercée contre
ce dernier par la société, ou par un associé agissant pour le compte de la société, dans le cadre de l’exercice ut singuli de l’action sociale.

En l’espèce, une société, qui exploitait un cabinet d’expertise comptable, procédait à sa cession, pour un prix qui n’était pas symbolique (300 000 €),
mais qui était vu comme dérisoire par un associé minoritaire. L’opération était réalisée par le dirigeant, et par la suite, l’associé minoritaire saisissait les
juges d’une demande d’indemnisation par le dirigeant du préjudice subi par la société.

La cour d’appel saisie du litige condamnait le dirigeant à indemniser la société de la perte de chance de céder le fonds de commerce à un prix
supérieur. Le dirigeant condamné formait un pourvoi en cassation, qui reprochait en substance à la cour d’appel de ne pas avoir tiré les conséquences
légales de ses propres constatations, puisque la vente litigieuse avait été acceptée par l’assemblée des actionnaires. En l’espèce, une délibération de
l’assemblée générale avait en effet, selon les termes repris par la Cour de cassation lorsqu’est évoqué le pourvoi, « approuvé et autorisé la vente du
fonds de commerce de la société au prix de 300 000 euros au profit de la société ECA et avait donné tous pouvoirs, notamment, [au dirigeant] pour
négocier et signer un acte de cession ».

La question était ainsi clairement posée : pouvait-on imputer au dirigeant un acte qui avait été « approuvé et autorisé » par les associés, alors même que
le caractère préjudiciable de l’acte résultait du prix consenti, et que le montant du prix avait été expressément visé par la délibération des associés ?

La Cour de cassation devait affronter une question particulièrement difficile (1). Elle apporte une réponse certes intéressante, mais partielle (2).

1. Une question particulièrement difficile. Lorsque les associés décident que la société accomplira un acte, autorisent cet acte, ou bien l’approuvent,
dans quelle mesure la responsabilité du dirigeant social peut-elle être recherchée, s’agissant des conséquences préjudiciables de l’acte en question ?

La question est particulièrement délicate en ce qu’elle oblige à définir de manière précise les charges et les devoirs du dirigeant social, ainsi que les
pouvoirs des associés. Il faut savoir ce que le dirigeant est en mesure de faire, mais déterminer aussi dans quelle mesure il reste responsable lorsque les
associés se sont prononcés. Si l’assemblée lui demande d’exécuter un acte, par exemple la vente du fonds de commerce de la société, le dirigeant (i)
est-il entièrement déchargé de toute responsabilité au regard de cet acte ? (ii) doit-il fournir une information particulière aux associés pour prétendre
être déchargé ? (iii) ou bien ne peut-il en aucun cas se soustraire à sa responsabilité si l’on considère que l’acte relève de la sphère de ses pouvoirs ? (iv)
ou bien encore y a-t-il une responsabilité collective du dirigeant et des actionnaires ?

La question est particulièrement délicate, et y répondre imposerait de définir les pouvoirs du dirigeant avec une précision encore inédite dans notre
droit des sociétés. C’est sans doute pour cela que la Cour de cassation choisit de n’apporter qu’une réponse partielle, même si cela suffit formellement à
résoudre le cas d’espèce.

2. Une réponse intéressante mais seulement partielle. La Cour de cassation rejette le pourvoi, mais elle va chercher pour cela un motif de pur droit
qu’elle substitue aux motifs de l’arrêt d’appel qui étaient critiqués. Les magistrats de la chambre commerciale fondent leur décision sur l’article L. 225-
253, alinéa 2, du Code de commerce, qui dispose qu’aucune décision de l'assemblée générale ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en
responsabilité contre les administrateurs ou contre le directeur général pour faute commise dans l'accomplissement de son mandat. Du
rapprochement de ce texte et de la situation de l’espèce, il est déduit que la responsabilité du dirigeant demeure entière, en dépit de l’intervention de
l’assemblée générale des actionnaires.

On est de prime abord un peu surpris, car le texte sur lequel la Cour de cassation fonde son arrêt n’est pas véritablement destiné à tracer les frontières
des pouvoirs et des responsabilités attribuables au dirigeant, mais plutôt à empêcher que l’assemblée des actionnaires, influencée par le dirigeant
ayant causé un préjudice à la société ou par les amis de celui-ci, ne prive la société de sa créance d’indemnisation.

Mais il est vrai que le texte permet aussi de répondre à la question que posait la présente affaire. Disons que la lettre du texte apparaît répondre à cette
question…

Plus intéressants sont les mots par lesquels les juges du fond avaient précisé la mission du dirigeant, et qui permettent de comprendre pourquoi sa
responsabilité avait été retenue. Certes, l’assemblée générale avait connaissance du prix de cession, et y avait même consenti. Pour autant, c’était le
dirigeant qui avait « préparé le projet de cession du fonds soumis à l'assemblée générale » et il avait « agi avec une légèreté blâmable envers la société
Xithe en acceptant un prix très inférieur à sa valeur, sans justifier de la recherche d'un acquéreur à un meilleur prix, ni de la méthode de détermination
de ce prix ». Le dirigeant était donc à l’origine du projet soumis à l’assemblée générale, qui n’avait statué que sur les éléments qu’il lui avait fournis.

Issu de Gazette du Palais - n°30 - page 73


Date de parution : 06/09/2016
Id : GPL272y4
Réf : Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 272y4, p. 73

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Auteur :
Bruno Dondero, agrégé des facultés de droit, professeur à l'école de droit de la Sorbonne (Paris 1), directeur de
Sorbonne Affaires - Finances (IRJS)

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Pouvoir et responsabilité au sein de l'Administration

Issu de Petites affiches - n°83 - page 11


Date de parution : 27/04/2015
Id : PA201508305
Réf : LPA 27 avril 2015, n° PA201508305, p. 11

Auteur :
Par Jérôme Onno, Docteur en droit

Pouvoir et responsabilité sont naturellement étroitement liés. La seconde apparaît même comme le corollaire du premier, comme la nécessaire
contrepartie au fait de décider et d'agir. C'est sur ce fondement, d'ailleurs, que s'est forgée la responsabilité politique, qui n'est rien d'autre que la
nécessité de rendre des comptes de l'usage que l'on fait du pouvoir que l'on détient.

Naturellement, ce lien entre pouvoir et responsabilité se retrouve au sein de l'administration locale, où il concerne évidemment les élus, mais aussi les
agents de la fonction publique locale, qui exercent certes un pouvoir de nature et d'origine différentes, mais peuvent les uns comme les autres voir leur
responsabilité engagée.

Or cette responsabilité se transforme. Elle s'étend naturellement, du fait des transferts de compétences liés à la décentralisation et aux normes
nombreuses que les collectivités doivent mettre en œuvre, sans en avoir nécessairement les moyens, ce qui est facteur d'insécurité pour les élus comme
pour les agents.

Mais surtout, elle change de nature, sous l'effet d'une tendance à la judiciarisation de la société française, qui tend à faire du procès le lieu de la
reconnaissance du statut de la victime, d'une réparation symbolique davantage encore que matérielle, qui privilégie le procès pénal au recours à la
justice administrative.

Ce constat n'est pas nouveau et il a été abondamment étudié ces dernières années 2. L'originalité et l'intérêt de l'ouvrage de Tony Jouzel résident dans
l'analyse qu'il propose des conséquences de cette situation au niveau local. Selon lui en effet, elle nourrit une volonté des élus locaux de diminuer leur
responsabilité qui entraîne, de manière presque mécanique, un accroissement du pouvoir des fonctionnaires territoriaux.

Naturellement, cette volonté de diminuer leur responsabilité ne traduit pas chez les élus une forme de défaillance morale, « ce n'est pas une tentative
de ne pas avoir à supporter la contrepartie légitime de leur pouvoir » 3. Il s'agit d'une adaptation à une situation où le poids de cette responsabilité est
jugé impossible à porter au regard des moyens, matériels comme symboliques, qui sont offerts aux élus locaux 4.

Les moyens pour parvenir à cette diminution de responsabilité sont multiples. Cela passe par des tentatives de restreindre la responsabilité directe des
élus locaux. Ceux-ci, soit directement, lorsque la situation de cumul des mandats avec une fonction parlementaire, encore assez répandue, leur en
donne l'occasion, soit indirectement, par le biais d'organisations telles que l'Association des maires de France (AMF), font pression auprès de l'État pour
que, d'une part, il réfrène l'inflation normative qui s'impose, entre autres, aux collectivités territoriales et que, d'autre part, il apporte aux élus quelques
moyens de mieux assumer leur charge, sans se mettre en danger. Si le résultat sur le premier point peut laisser sceptique, des progrès indéniables ont
été enregistrés sur le second.

Différentes dispositions ont permis aux élus locaux de mieux gérer leur mandat et en particulier son articulation avec leur vie professionnelle5. Surtout,
la loi du 10 juillet 2000 6, dite loi Fauchon, en encadrant les cas où la responsabilité des élus peut être mise en cause, a permis d'apporter à ces derniers
davantage de sécurité juridique.

Mais on le voit, les élus locaux sont dépendants de leur capacité à influer sur l'État, ou en tout cas, de la bonne volonté de celui-ci, pour atténuer leur
responsabilité. Or si le législateur s'est effectivement préoccupé de corriger les effets les plus criants de ces problèmes de responsabilité, une tendance
contraire se joue, qui voit l'État réduire l'autonomie des collectivités et donc leur capacité à moduler leur responsabilité, sans pour autant atténuer celle-
ci.

Une telle situation résulte de l'importance maintenue de l'État dans le cadre de la décentralisation, du fait que cette dernière a été en quelque sorte
non seulement accompagnée, mais surveillée par la déconcentration. Il en découle de nombreuses obligations pesant sur les collectivités.

Mais ce système conduit également les élus locaux à se reposer sur l'État, seul à même, bien souvent, en particulier pour les maires des nombreuses
petites communes, de fournir l'expertise technique et juridique indispensable à l'exercice de leurs missions.

Or même si elle ne concerne pas directement la responsabilité de l'élu, cette immixtion de l'État « aggrave le poids de la responsabilité des décideurs
locaux, car [elle] les empêche d'agir correctement et donc de gérer convenablement leur responsabilité » 7.

Un autre biais pour diminuer la responsabilité des élus locaux réside dans la modification des transferts de compétences. Si les élus des collectivités les
plus modestes réclament le plus souvent, purement et simplement, un arrêt de tout nouveau transfert, les autres préconisent plutôt de meilleurs
transferts, c'est-à-dire par blocs, afin de pouvoir agir efficacement et bien sûr en les accompagnant des moyens de les assumer.

Mais quoi qu'il en soit, cela n'apparaît pas non plus comme une solution efficace en termes de responsabilité. En effet, l'État, confronté à une difficulté à
fournir les prestations que la pression sociale réclame de lui et que son impécuniosité l'empêche de continuer à assurer lui-même, se repose sur les
collectivités pour répondre à cette demande.

En outre, les élus locaux, particulièrement les élus municipaux, sont directement confrontés à l'expression de ces besoins, dans leur relation avec les
citoyens. Il apparaît donc très difficile de réduire substantiellement le niveau des compétences.

Enfin, une autre solution consisterait, pour les élus locaux, à diminuer leurs actions, dans la cadre des compétences qui leur sont dévolues, pour
diminuer leur responsabilité. Cette hypothèse est théoriquement séduisante, puisqu'elle repose sur le choix de l'élu de « ne pas utiliser les possibilités
offertes par les compétences dont il est titulaire » 8 .

Mais en pratique, là encore, une telle attitude paraît difficile à tenir, du fait notamment de la pression sociale, de l'attente des habitants et des électeurs,
ainsi d'ailleurs que, dans certains cas, de la surveillance du juge administratif 9.

En conséquence de ces velléités des élus locaux d'atténuer leur responsabilité, par différents moyens, plus ou moins efficaces, s'ouvre un espace de
pouvoir. Celui-ci est bien souvent rempli par les fonctionnaires territoriaux, qui disposent à cette fin de multiples atouts.

Ils sont, en premier lieu, soumis à un niveau de responsabilité relativement modeste, ce qui peut les encourager à l'action. En effet, sous réserve
naturellement de la faute personnelle, l'agent voit la responsabilité de la collectivité substituée à la sienne. En outre, dans un autre registre, sa

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responsabilité disciplinaire est assez rarement recherchée 10. Seuls les agents locaux de direction, fonctionnaires occupant des emplois fonctionnels et
membres de cabinet, se trouvent dans une situation plus exposée, mais leur responsabilité se trouve, en ce qui les concerne, engagée vis-à-vis de
l'exécutif.

À cette situation s'ajoutent la conviction, pour les fonctionnaires, d'être les garants de l'intérêt général, qui les légitime dans leur volonté d'agir, et une
compétence technique, assise sur des connaissances et souvent une certaine longévité dans leur poste, qui leur en donne les moyens.

Enfin, les modifications dans la structure même des organisations des collectivités territoriales, avec le développement de la recherche de la
performance et la substitution, au moins partielle, des réseaux aux anciennes relations hiérarchiques pyramidales, sont autant de facteurs d'autonomie
et donc d'opportunité d'action pour les agents.

Au final donc, les fonctionnaires territoriaux voient s'étendre leur possibilité d'agir. Ils s'en saisissent, avec naturellement presque autant de nuances
qu'il y a de collectivités. Cette tendance pose naturellement la question essentielle de la démocratie. Non qu'il faille nier la légitimité, technique, des
agents territoriaux.

Mais celle-ci ne doit pas empiéter sur la légitimité élective des élus, qui est première en démocratie et qui figure, de surcroît, au cœur même de la
décentralisation. On voit donc qu'une insuffisante réflexion sur la responsabilité des élus locaux peut conduire, au-delà de conséquences néfastes
intrinsèques, à fragiliser notre démocratie locale. C'est tout l'intérêt de l'ouvrage de Tony Jouzel de l'avoir souligné. Souhaitons que juges et législateur
en prennent clairement conscience.

1 – (*) T. Jouzel, «Pouvoir et responsabilité au sein de l'Administration décentralisée», Paris, L'Harmattan, 2014, 376 p., 38 €.
2 – (1) Pour une synthèse, on pourra se reporter, au sein d'une très abondante production, à A. Falzoï, «La pénalisation, âme d'une judiciarisation de la
société française» : Rev. rech. jur. 2007, no 4, p. 1979-1985.
3 – (2) P. 39.
4 – (3) Pour une illustration de cet état d'esprit de nombreux maires, v. l'article «La hantise des maires d'être mis en cause pour des délits involontaires» :
Le Monde 30 avr. 1999.
5 – (4) Sur ce point, on consultera avec profit le guide «statut de l'élu(e) local(e)», très pédagogique et régulièrement mis à jour qui figure sur le site de
l'AMF : www.amf.asso.fr.
o
6 – (5) L. n 2000-647, 10 juill. 2000 : JO 11 juill. 2000, p. 10484.
7 – (6) P. 117.
8 – (7) P. 155.
9 – (8) V. par exemple, CE, 23 oct. 1959, Doublet : Lebon 1959, p. 540, sur l'obligation de prendre les meures adéquates pour garantir l'ordre public.
10 – (9) V. par exemple, le constat formulé p. 88 par J.-M. Auby, J.-B. Auby, D. Jean-Pierre et A. Taillefait dans leur «Droit de la fonction publique», Paris,
Dalloz, 2009, coll. Précis.

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Les groupes de sociétés : vers une meilleure corrélation entre pouvoirs et responsabilités

Issu de Petites affiches - n°122 - page 5


Date de parution : 19/06/2012
Id : PA201212205
Réf : LPA 19 juin 2012, n° PA201212205, p. 5

Auteur :
Par Catherine D'hoir-Lauprêtre, Maître de conférences à l'université Jean Moulin-Lyon 3

Les groupes de sociétés représentent un phénomène économique très difficile à cerner pour les juristes car ils comportent des éléments
d’identification contradictoires, à savoir la pluralité juridique de leurs composantes (des sociétés affiliées) et leur état de dépendance
économique à l’égard d’une société chef de file : si ce pouvoir de domination exercé par cette dernière fait partie du fonctionnement normal
d’un groupe de sociétés, il existe toutefois certaines circonstances établies dans lesquelles la responsabilité d’une filiale peut être imputée à
la société mère. Cette analyse, consacrée dans certains domaines du droit, devrait être généralisée pour définir des règles de responsabilité
spécifiques aux groupes de sociétés.

La notion de groupe de sociétés est plus que jamais au cœur de l'actualité. Pouvant se définir comme un ensemble constitué par des sociétés
juridiquement autonomes, placées sous la dépendance économique d'une société mère chef de file, le groupe de sociétés n'a toujours pas de
personnalité juridique reconnue et ne peut donc être titulaire de droits et d'obligations. La Cour de cassation vient encore récemment de le rappeler à
des juges du fond soucieux de se conformer à la position adoptée par la Cour de justice de l'Union européenne dans cette affaire 2 : un groupe
d'entreprises britanniques avait été condamné au niveau européen pour des pratiques anticoncurrentielles sur le fondement de l'ancien article 81 du
traité de Rome (TFUE, art. 101), consistant dans l'interdiction de vendre à des agents non-agréés, les sociétés concessionnaires étant soumises à une
interdiction plus générale de vendre en dehors de leur territoire, notamment à l'exportation ; une société française non agréée pour la distribution de
ces produits assigna les sociétés du groupe en dommages et intérêts sur la base d'un refus de vente, obtenant la condamnation du groupe tant en
première instance qu'en appel. Mais la Cour de cassation cassa l'arrêt confirmatif au motif « qu'un groupe de sociétés ne peut, faute de personnalité
morale, être titulaire de droits et d'obligations et se voir infliger une condamnation » 3.

Le groupe de sociétés n'a pas d'existence juridique, et continue à être le théâtre d'un ensemble de situations gérées au cas pas cas par les tribunaux qui
s'en tiennent à l'application des règles de droit traditionnelles inadaptées à la réalité économique : stricte indépendance juridique ou à l'inverse
confusion patrimoniale des sociétés groupées, effet relatif des conventions ou apparence trompeuse. Le droit des sociétés appréhende les notions de
filiale et de participation financière 4 afin de soumettre la société mère à des obligations de notification et d'information, d'établissement de comptes
consolidés et d'un rapport sur la gestion du groupe (C. com., art. L. 233-16). Le pouvoir de domination de la société mère peut prendre différentes
formes : il peut se traduire par l'existence de participations financières directes ou indirectes (jusqu'à 100 % du capital social), par la création de liens
contractuels (réseaux de franchise par exemple), par l'existence d'une communauté de dirigeants et de flux financiers entre les sociétés du groupe, par
une certaine ingérence dans la gestion du personnel des filiales de la part de la société chef de file. Parallèlement, les filiales se retrouvent dans un état
de dépendance économique entraînant une perte d'autonomie et du pouvoir de décision, au nom de l'intérêt du groupe, concept prétorien permettant
de justifier les agissements de la société mère tombant sous le coup d'une qualification pénale 5 : toutefois, la recherche de critères communs
d'identification du groupe de sociétés est rejetée par la majorité des juristes qui renonce à mettre en œuvre un régime juridique adapté au phénomène
des groupes de sociétés (I). Pourtant, pour des raisons d'équité évidentes, des droits économiques tels que le droit social ou le droit de la concurrence
consacrent une approche économique globale du groupe de sociétés afin de pouvoir engager la responsabilité des sociétés mères pour les agissements
de leurs filiales 6 : cette reconnaissance permet alors d'établir une adéquation entre pouvoirs et responsabilités, le caractère collectif d'une activité ou
d'un engagement souscrit dans l'intérêt commun constituant la source d'une responsabilité commune des sociétés du groupe 7 (II).

I. Le rejet d'une analyse globale autour de l'intérêt de groupe


La société holding, détenant le capital des filiales, parfois à 100 %, exerce sur celles-ci une domination à différents niveaux : administratif, comptable,
financier, commercial, juridique. Les filiales perdent peu à peu toute autonomie de gestion et de décision, leurs propres dirigeants étant placés
directement sous les ordres de la société mère. Les magistrats, confrontés à la demande de créanciers impayés ou de victimes des agissements des
filiales, doivent rechercher la personne juridiquement responsable. En se livrant à une étude synthétique des décisions rendues dans différents
domaines du droit, il ressort que l'adoption d'une position commune novatrice, fondée sur des critères économiques, s'avère difficile notamment en
droit des affaires et plus particulièrement en droit des entreprises en difficulté (B) : mais la tâche apparaît impossible dans le domaine du droit des
contrats (A) .

A. L'autonomie juridique au détriment des critères économiques


Les magistrats confrontés en droit des affaires à la mise en cause d'une société mère pour les agissements de sa filiale ignorent très souvent les données
économiques, traduisant ici la volonté d'occulter cet aspect pourtant fondamental lorsqu'une société mère est impliquée. Deux arrêts récents de la
chambre commerciale de la Cour de cassation sont instructifs, plaçant sur le devant de la scène juridique tantôt la société mère, tantôt la filiale. Dans la
première décision 8 une convention est conclue par une société mère d'un groupe Getaba avec une société Ourry, ces sociétés ayant pour activités la
collecte, le transport et le traitement des déchets ménagers et industriels : l'objet de cette convention se rapportait à la prestation fournie par la société
Ourry, consistant dans l'obtention d'une autorisation administrative en vue de l'extension d'une décharge. En raison de leurs activités, les sociétés du
groupe Geteba et la SA Ourry entretenaient de longue date des relations d'affaires suivies ; dans ce domaine particulier d'activité, les relations d'affaires
entre cocontractants prennent couramment la forme d'une lettre de confirmation d'accords négociés oralement ; ainsi les parties ont-elles convenu
des modalités de la convention et de la rémunération de la société Ourry, par le biais d'une lettre datée de novembre 1994 précisant que cette
rémunération serait versée par la filiale du groupe Getaba, la société Sita-sud, lettre confirmée quelques mois plus tard par un courrier à entête de la
société mère, revêtant par ailleurs la qualité d'administrateur au sein de la société Sita-sud. La convention ayant été exécutée, la société Ourry réclama
paiement à la société Sita-sud qui refusa de s'exécuter. La Cour de cassation, statuant sur le fondement de l'article 1165 du Code civil, casse l'arrêt de la
cour d'appel qui avait condamné la filiale à payer en se fondant sur le contenu du second courrier, adressé par la filiale elle-même confirmant les
termes de la première lettre. La Cour de cassation s'en tient quant à elle strictement à l'entête du second courrier, au nom de la société mère. La cour
d'appel de renvoi a statué en ce sens, confirmant que la société mère n'avait pas en l'espèce le pouvoir d'engager sa filiale (même en sa qualité
d'administrateur), rejetant toute argumentation fondée sur une éventuelle absence d'autonomie de la filiale résultant d'une forte participation
financière et d'une communauté de dirigeants, ou bien encore de l'intérêt commun de toutes les sociétés du groupe d'obtenir l'exécution de cette

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convention, la société mère s'étant ici engagée par écrit au nom de sa filiale 9.

Dans la seconde affaire, la société mère d'un groupe allemand et une société française, spécialisées dans le traitement des eaux usées, avaient conclu
un accord-cadre de coopération pour l'exécution duquel la société française a contracté avec une des filiales du groupe. Suite à une mauvaise
exécution de ses engagements contractuels, cette dernière fut assignée en responsabilité contractuelle par la société française. Les juges du fond ont
écarté la responsabilité de la filiale du groupe au motif que les engagements souscrits n'étant que l'exécution du contrat-cadre, ils ne pouvaient
s'analyser que comme un engagement du concepteur soit de la société mère : arrêt cassé par les juges de la Cour de cassation sur le fondement des
articles 1134 et 1165 du Code civil, au motif que seuls les signataires parties à la convention sont seuls débiteurs des engagements contractés 10.

Cette analyse, juridiquement incontestable au regard du droit commun des contrats, permet à des sociétés appartenant à un même groupe
d'échapper à toute responsabilité malgré leur implication établie dans la conclusion d'une convention cadre souscrite dans l'intérêt du groupe, qu'il
s'agisse d'une filiale dans la première espèce, ou de la société mère dans la seconde. Mesurant sans doute le manque d'équité ressortant de telles
décisions, la Cour de cassation tente d'en réduire les effets en permettant parfois au créancier d'une filiale de se placer sur le terrain de la responsabilité
délictuelle pour rechercher la responsabilité solidaire de la société mère, lorsqu'il est prouvé qu'elle s'est immiscée dans la gestion de sa filiale, qu'elle a
été par exemple l'unique interlocuteur du créancier dans l'exécution du contrat litigieux, créant ainsi une apparence trompeuse. L'action du
demandeur a ici pour fondement l'article 1382 du Code civil du fait de l'immixtion supposée de la société mère dans la gestion de sa filiale, considérée
comme un comportement fautif : il appartient aux juges d'apprécier si les conditions d'une telle immixtion sont réunies. Ainsi, dans une affaire
impliquant la société Marks and Spencer, cette dernière avait concédé trois baux commerciaux à une filiale du groupe Plein Ciel Diffusion. Suite à un
arriéré locatif important et après délivrance d'un commandement de payer, elle décida d'assigner en paiement la société mère et sa filiale locataire :
elle invoquait la présence des mêmes organes de direction au sein des deux sociétés, l'utilisation du même logo, l'intervention de la société mère dans
l'exécution du contrat de bail et la décision unilatérale prise par celle-ci d'arrêter l'activité de sa filiale en notifiant elle-même la libération des lieux
loués, tous ces éléments caractérisant selon la société Marks and Spencer l'immixtion de la société mère dans la gestion de sa filiale et justifiant sa
condamnation solidaire à régler les dettes de sa filiale. Tout comme les juges d'appel, la Cour de cassation n'a pas suivi la bailleresse dans son
raisonnement, rejetant toute preuve d'immixtion en l'espèce et refusant de consacrer une adéquation pourtant légitime entre l'exercice d'un pouvoir
de domination et la mise en jeu d'une responsabilité en découlant 11. Or à partir des mêmes constatations de fait, d'autres magistrats de la Cour de
cassation rendent des solutions opposées 12 , démontrant par là même le caractère inadapté et inéquitable des fondements traditionnels.

Ce refus de prendre en considération des critères économiques communs à tous les groupes de sociétés s'étend à d'autres domaines du droit, revenant
à nier l'existence même du groupe de sociétés et ses modes de fonctionnement.

B. L'autonomie patrimoniale au détriment des relations intra-groupe


En droit des entreprises en difficulté, les tribunaux recourent à des fondements juridiques tels que la fictivité, la confusion des patrimoines pour
étendre la procédure collective d'une personne à une autre 13. Un exemple nous est donné dans le domaine des groupes de sociétés, à travers le cas de
la très médiatisée affaire Métaleurop. La SAS Métaleurop Nord, filiale à 99 % de la SA Métaleurop, a été placée en redressement judiciaire en janvier
2003, puis en liquidation judiciaire en mars, les mandataires de justice demandant alors l'extension de la procédure à la société mère : la demande fut
rejetée par le tribunal, les liquidateurs et le ministère public faisant appel du jugement qui ordonna une expertise. Au vu du rapport d'expertise, les
appelants demandèrent la réformation du jugement en invoquant le caractère fictif de la SAS.

Les juges d'appel quant à eux constatèrent une confusion entre les patrimoines des deux sociétés, et ordonnèrent l'extension de procédure avec
maintien de l'activité de la SA.

Cette confusion patrimoniale résultait de différents éléments mis en évidence par le rapport d'expertise : des conventions de trésorerie et de change
déséquilibrées au détriment de la filiale, des conventions de « refacturation de services » entre les sociétés, des charges salariales supportées par la
filiale seule alors que les salariés travaillaient dans l'intérêt de l'ensemble du groupe, sans qu'aucun accord ne précise les modalités de leur mise à
disposition, des avances de fonds par la société mère destinées à soutenir financièrement sa filiale... Pour autant, l'arrêt fut cassé, les juges de la Cour de
cassation estimant qu'il n'existait pas de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines entre les deux sociétés 14.

La Cour de cassation valide de telles opérations par ailleurs courantes et normales au sein des groupes de sociétés dont l'intérêt commande ce genre
de relations pour sauvegarder la compétitivité ou améliorer la rentabilité du groupe : mais les juges n'ont pas recherché si ces opérations s'étaient
avérées préjudiciables pour la filiale concernée, et si la société mère avait accordé à celle-ci une juste contrepartie à l'effort consenti 15 .

C'est dans cette approche globale de l'intérêt de groupe qu'une société mère peut décider un ou plusieurs abandons de créances à l'égard de ses filiales
(lui permettant ainsi de soutenir une filiale en difficulté et d'engager une charge déductible fiscalement), voire leur accorder des avances de fonds pour
compenser les efforts financiers au préalable exigés.

Mais les juges refusent de se livrer à une telle analyse économique globale de ces relations intra-groupe, ce qui serait pourtant utile pour apprécier par
exemple la condition d'ouverture d'une sauvegarde à l'égard d'une filiale, à savoir le caractère insurmontable des difficultés auxquelles elle est
confrontée 16 ou bien pour établir l'existence d'un état de cessation des paiements d'une filiale : la Cour de cassation refuse ici aussi de prendre en
compte sur le plan comptable les opérations intra-groupe, décidant que « les créances clients-groupe ne font pas partie de l'actif disponible d'une
filiale en difficulté en raison de l'incapacité des sociétés du groupe de régler leurs dettes intra-groupe et en raison de l'aléa dans le fait de compter sur
les filiales de commercialisation qui dégagent des bénéfices et facturent des clients hors groupe » : dans une autre affaire, les magistrats adoptent le
même raisonnement pour apprécier l'existence d'un passif exigible, alors même qu'en l'espèce les dettes intra-groupe n'avaient pas fait l'objet d'une
demande de remboursement, au motif que « les relations économiques des sociétés au sein d'un groupe ne sauraient conduire en droit chacune de
celles-ci à renoncer à recouvrer ses créances », attendu qui revient à ignorer les spécificités du fonctionnement d'un groupe de sociétés 17 et même au-
delà qui revient à nier la portée juridique des délais de paiement que tout agent économique peut accorder à un partenaire, affilié ou non, sans qu'ils
puissent être considérés en droit comme une renonciation à tout paiement ! C'est oublier que l'ordonnance de décembre 2008 a consacré
expressément les réserves de crédit et les moratoires dans le cadre de la définition de la cessation des paiements (C. com., art. L. 631-1). La même
formation de la Cour de cassation (dans un autre arrêt toujours non publié au Bulletin ...) a d'ailleurs fait récemment application de cette nouvelle
définition emprunte de réalisme économique, jugeant qu'une avance de trésorerie entre sociétés groupées, qui n'était pas bloquée et dont le
remboursement n'avait pas été demandé, constituait un actif disponible 18.

Mais la contradiction et le manque de cohérence ne s'arrêtent pas là : un arrêt de la chambre commerciale du 17 mai 2011 (non publié bien sûr) a jugé
que les avances en compte courant versées par une société mère à sa filiale (ne disposant par ailleurs ni de crédits bancaires, ni d'un carnet de
commandes suffisant pour couvrir à terme ses charges d'exploitation) ont permis d'entretenir artificiellement une trésorerie et retarder la constatation
de la cessation des paiements... de trois mois, permettant ainsi aux juges d'annuler (sur le fondement des nullités de la période suspecte) des cessions
de créances destinées à rembourser ces mêmes avances consenties 19!

En résumé, il est difficile de trouver dans ces décisions opportunistes une quelconque volonté de cohérence et de recherche de critères communs
permettant de consacrer la notion de groupe de sociétés. Pourtant, les flux patrimoniaux font partie de la vie normale des groupes de sociétés et
peuvent permettre par exemple d'écarter l'état de cessation des paiements s'ils sont effectués en respectant à terme les équilibres financiers au sein
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des différentes sociétés du groupe. À défaut, ils devraient être générateurs de responsabilité fondée sur le non-respect de l'intérêt de groupe. Mais dans
tous les cas, ils ne peuvent être niés. Cela nécessite d'avoir une vision globale de ce phénomène économique afin de rechercher si le pouvoir de
domination exercé par la société mère sur ses filiales peut ou non dans certains cas engager sa responsabilité. Une telle attitude est adoptée, lorsqu'il
s'agit de rechercher la responsabilité d'une société mère dans le cadre des restructurations sociales au sein des filiales en difficulté, mais aussi en cas de
comportement répréhensible de filiales ayant mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles 20 : les juridictions compétentes se montrent alors plus
innovantes, permettant d'espérer la construction d'un véritable droit de la responsabilité des sociétés mères, au-delà de quelques textes épars.

II. La recherche d'une corrélation entre pouvoir de domination et responsabilité


L'évolution du droit de la responsabilité vers une meilleure indemnisation des victimes et vers une ébauche d'un principe général de responsabilité du
fait d'autrui repose sur la notion de pouvoir de contrôle et de direction sur l'activité de l'auteur du dommage 21. Dans le domaine des groupes de
sociétés, la société mère exerce ce type de pouvoir sur ses filiales : si certaines juridictions mettent en évidence cette situation de fait, dans le domaine
du droit social mais aussi en droit de la concurrence (A) , pour autant le fondement de la responsabilité des sociétés mères du fait de leurs filiales n'est
pas clairement posé, le législateur ne s'y risquant pas lui-même (B).

A. Une approche économique globale du groupe de sociétés


Une société en redressement ou en liquidation judiciaire, qu'elle soit ou non sous le contrôle d'une société mère, est soumise à des contraintes sociales
telles que recourir à des licenciements pour motif économique (au terme de l'article L. 1233-3 du Code du travail, un tel licenciement est effectué par
l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi, ou d'une
modification d'un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié, et consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des
mutations technologiques). La jurisprudence, de manière constante, a complété les dispositions de la loi en jugeant que les difficultés économiques
(justifiant par exemple une cessation d'activité) devaient s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe, incluant même les sociétés situées à
l'étranger. Par ailleurs, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsqu’un projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une
même période de trente jours, l'employeur a l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi intégrant lui-même un plan de reclassement des
salariés dont le licenciement pour motif économique ne peut être évité, plan de reclassement devant être présenté par l'employeur aux représentants
du personnel réunis, informés et consultés 22 : le reclassement des salariés est à rechercher lui aussi à l'intérieur du groupe. Quant à la validité du plan
de sauvegarde de l'emploi, elle est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe 23 . Il
appartient donc aux mandataires de justice de la procédure collective ouverte à l'égard d'une filiale, de solliciter l'étroite collaboration des autres
sociétés du groupe pour pouvoir mettre en œuvre un plan à l'échelle de cette entité économique, ce qui au niveau d'un groupe international soulève de
sérieuses difficultés. Le non-respect de ces dispositions n'entraîne pas la nullité de la procédure de licenciement pour l'entreprise en redressement ou
en liquidation judiciaire, mais les licenciements sont jugés sans cause réelle et sérieuse et ouvrent droit à indemnisation au profit des salariés
concernés. Il est donc tentant pour ces salariés de rechercher à étendre cette responsabilité à la société chef de file de l'entreprise en difficulté, mais
aussi aux autres sociétés du groupe, pour leur manque de coopération dans l'établissement de ces plans sociaux 24 : cela a été rendu possible par
plusieurs arrêts récents de la chambre sociale de la Cour de cassation qui, en consacrant cette approche globale du groupe de sociétés, ont permis de
conférer la qualité de coemployeur à la société mère, indépendamment de tout lien de subordination caractéristique du contrat de travail 25. Seul un
arrêt de cassation du 15 janvier 2010 26 condamne une telle approche au motif « qu'une société relevant du même groupe que l'employeur n'est pas, en
cette seule qualité, débitrice envers les salariés qui sont au service de ce dernier d'une obligation de reclassement et qu'elle ne répond pas, à leur égard,
des conséquences d'une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l'emploi ». Mise à part cette solution (se
rapprochant dans son mode de raisonnement des arrêts de la chambre commerciale), il ressort de ces décisions la mise en évidence d'un certain
nombre d'indices traduisant une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les sociétés groupées concernées, se manifestant notamment par
une immixtion dans la gestion du personnel de la filiale 27. Les situations décrites par les juges du fond font apparaître le même état de fait soit
l'existence d'une unité de direction sous la conduite de la holding du groupe privant sa filiale de toute autonomie industrielle, commerciale et
administrative, par exemple « en reprenant tous les brevets de licences d'exploitation, décidant des choix stratégiques et de gestion du site industriel,
assurant la gestion des ressources humaines... et ayant imposé la cessation d'activité de sa filiale et organisé le licenciement des salariés en leur
attribuant elle-même une prime... » 28 . Très souvent les juges relèvent que la filiale n'est qu'un simple établissement de la société mère, sans réelle
autonomie financière et de gestion, cette dernière ayant un pouvoir de contrôle et de direction sur l'ensemble des salariés de la filiale dont le dirigeant
n'a aucun pouvoir pour donner des instructions 29. Les éléments de fait caractéristiques sont la perte de toute autonomie de la filiale en difficulté,
totalement dépendante de la société mère sur les plans administratif, commercial, stratégique, comptable et financier. Même si l'expression consacrée
par les magistrats de « confusion d'intérêts, d'activités et de direction » nous semble inappropriée comme contraire à l'hétérogénéité juridique du
groupe, ces jurisprudences marquent la volonté de faire reconnaître la responsabilité solidaire des sociétés mères en raison de leur pouvoir de
domination exercé sur leurs filiales sans contrepartie, moralisant ainsi un aspect du droit des affaires qui en a bien besoin 30. Mais en recourant au
concept de coemploi, le risque encouru est une extension des règles juridiques au coemployeur, tant dans les relations individuelles de travail que dans
les relations collectives 31.

Le droit de la concurrence œuvre dans le même sens : il est intéressant de souligner que pour le droit de l'Union, la notion d'entreprise comprend «
toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement ». Cette unité
économique peut être constituée sur le plan juridique de plusieurs personnes physiques ou morales et répondre de toute infraction aux règles de la
concurrence. Dans l'affaire Akzo Nobel 32 , la Cour de justice de l'Union européenne a eu l'occasion de préciser sa jurisprudence relative à l'imputation,
au sein des groupes de sociétés, de la responsabilité pour les infractions au droit des ententes : dans cette affaire, malgré le fait qu'elle n'avait pas
participé elle-même aux ententes, la société mère Akzo Nobel NV a été condamnée au paiement d'une amende solidairement avec ses filiales. Pour
cela, deux conditions devaient être cumulativement remplies 33 :

— d'une part, la société mère doit être en mesure d'exercer une influence déterminante sur sa filiale, même si elle ne détient pas directement son
capital social mais par le biais d'une société interposée 34 . Il doit être tenu compte des différents liens organisationnels, économiques et juridiques
existant entre les filiales et la société mère ;

— d'autre part, la société mère doit effectivement exercer cette influence, par exemple lorsque la filiale est incapable de déterminer librement son
comportement sur le marché, lorsqu'elle n'agit plus de façon autonome mais applique essentiellement les instructions données par la société mère.
Une holding, même non opérationnelle sur le marché considéré, dont l'unique objet est d'assurer la coordination et la direction financière de ses filiales,
peut ainsi exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de ces dernières 35.

À ce stade, la Cour de justice énonce qu'une société mère détenant 100 % du capital de sa filiale, directement ou non, est réputée exercer une telle
influence sur le comportement de sa filiale.

Elle pose ainsi une présomption simple que la société mère peut renverser « en apportant des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que
sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché ». Pour autant, une telle preuve n'est pas rapportée par le fait que la filiale intervienne sur le
marché en son nom et pour son propre compte, et non en représentation de sa société mère.

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De même, il ne saurait être tiré davantage argument du fait que la société mère n'ait jamais eu de clients communs avec sa filiale, qu'elle ait été
absente des marchés investis par sa filiale et des marchés connexes, que l'activité relative aux produits concernés ne constitue qu'une très faible part du
chiffre d'affaires global de la société mère et que ces produits ne représentent que quelques-uns des très nombreux produits de l'activité de la filiale 36.

Le droit français de la concurrence doit reprendre à son compte cette interprétation lorsque l'autorité de la concurrence et les juridictions nationales
appliquent le droit communautaire 37.

S'appuyant sur la notion économique d'entreprise, la Commission européenne applique une sanction pécuniaire à chaque société, en tant que sujet de
droit personnellement responsable, conformément au principe d'individualité des peines : elle fixe les quotesparts du montant de l'amende infligée à
chaque société 38.

Cette appréhension de l'existence du groupe de sociétés repose toutefois sur des critères qui ne reflètent pas encore exactement la réalité économique
dans la mesure où ils font toujours appel à l'idée inappropriée de confusion (d'intérêts, de dirigeants, et d'activités), d'où la nécessité de rechercher des
critères propres au droit des groupes de sociétés.

B. La recherche de nouveaux critères pour l'adoption de nouvelles règles de responsabilité


Au lieu d'affirmer que l'adoption de nouvelles règles de responsabilité au sein des groupes de sociétés encouragerait ces derniers à se délocaliser vers
des terres meilleures 39, il faut proposer l'énoncé de critères communs d'identification du groupe de sociétés, critères applicables à toute situation
juridique, permettant de déterminer la ou les personnes responsables, soit par exemple :

— une seule entité économique constituée par plusieurs personnes dotées de la personnalité juridique ;

— un pouvoir de domination exercé par la société mère (société qui prend le plus souvent la forme juridique d'une sociétéholding dont l'unique objet
est la gestion des filiales dont elle détient parfois jusqu'à 100 % du capital social) ;

— un état de dépendance économique avéré, plus ou moins fort, en vue d'appliquer la stratégie définie dans l'intérêt du groupe par la société mère.

Une fois le groupe identifié, il appartient à la société mère de respecter la pluralité juridique du groupe, même à l'égard d'une filiale détenue à 100 %, et
donc de ne pas abuser de son pouvoir de domination, même sous couvert de l'intérêt de groupe, à peine d'engager sa responsabilité personnelle aux
côtés de celle de sa filiale. Car l'intérêt de groupe suppose l'existence de justes contreparties (financières, commerciales, sociales...) proportionnées aux
efforts consentis par les filiales et permettant à la société mère de prouver qu'elle n'a pas eu un comportement blâmable. Une société mère qui ne
respecte pas un tel équilibre abuse de son pouvoir de domination et doit alors assumer les conséquences dommageables de son comportement
tendant à réduire une filiale à l'état de succursale, niant sa personnalité juridique 40.

Le courant de « moralisation de la vie des affaires » a démarré dès 2001 avec la loi portant sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 qui
a renforcé les obligations d'information à la charge des sociétés cotées, notamment en matière sociale et environnementale 41, dispositions étendues
en 2010 à toutes les sociétés par la loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (loi Grenelle II) : cette loi est la
première législation consacrant expressément la responsabilité des sociétés mères à l'égard de leurs filiales en liquidation judiciaire, incitant même les
sociétés mères à adopter une démarche volontaire de prise en charge des obligations de prévention et de réparation pesant sur leurs filiales en
difficulté (C. com. art. L. 233-5-1). Au terme de l'article L. 512-17 du Code de l'environnement : « Lorsque l'exploitant est une société filiale au sens de
l'article L. 233-1 du Code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à son encontre, le liquidateur, le
ministère public ou le représentant de l'État dans le département peut saisir le tribunal ayant ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire pour faire
établir l'existence d'une faute caractérisée commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander,
lorsqu'une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures de remise en état du ou des sites
en fin d'activité ».

Le second alinéa permet de rechercher verticalement, dans les mêmes conditions la responsabilité de la société chef de file du groupe lorsque la
société condamnée (filiale ou sous-filiale) ne peut pas financer les mesures de remise en état en fin d'activité 42.

Une telle responsabilité n'est pas sans rappeler l'action en responsabilité pouvant être intentée contre tout dirigeant de fait ou de droit ayant commis
une faute de gestion à l'origine de l'insuffisance d'actif de l'entreprise en liquidation judiciaire, la loi prévoyant en cas de pluralité de dirigeants leur
condamnation solidaire (C. com., art. L. 651-2). Mais on reste sur des fondements traditionnels alors que la responsabilité de la société mère doit être
établie au regard de la violation de l'intérêt de groupe, résultant de l'absence de contrepartie aux efforts consentis par la filiale débitrice.

On reste sur le terrain de la responsabilité personnelle pour faute, évitant le domaine plus risqué de la responsabilité objective du fait d'autrui, fondée
sur la notion de contrôle. C'est pourtant ce qu'a tenté d'introduire le projet de réforme présenté au garde des Sceaux par le professeur Pierre Catala :
l'article 1360, alinéa 2 de l'avant-projet propose un nouveau type de responsabilité du fait d'autrui, en l'absence de tout lien de préposition, à l'encontre
de celui qui « contrôle l'activité économique ou patrimoniale d'un professionnel en état de dépendance bien qu'agissant pour son propre compte,
lorsque la victime établit que le fait dommageable est en relation avec l'exercice du contrôle... il en est ainsi notamment des sociétés mères pour les
dommages causés par leurs filiales » 43 .

La formulation retenue semble associer automatiquement contrôle et fait dommageable pour établir la responsabilité en faisant abstraction du
comportement des personnes impliquées, avec de nombreuses zones d'incertitudes (quant au champ d'application limité par la notion légale stricte
de contrôle, quant à la détermination de la faute de la société mère...).

Or si l'on veut moraliser le fonctionnement des groupes de sociétés sans craindre les vagues annoncées de délocalisation, il ne faut pas renoncer à toute
idée de faute : le pouvoir de domination et l'exercice d'un contrôle ne sont pas en eux-mêmes constitutifs d'un comportement fautif mais l'abus de l'un
comme de l'autre doivent en revanche permettre de rechercher la responsabilité de l'auteur de cet abus, à l'instar du droit des pratiques
anticoncurrentielles, et ce dans tous les domaines du droit, en s'appuyant sur des critères propres aux groupes de sociétés.

1 – (*) Article né d’une intervention lors de la journée d’études en l’honneur du professeur Yves Reinhard qui s’est déroulée à l’université Jean Moulin-
Lyon 3 le 26 avril 2012.
o
2 – (1) CJCE, 21 sept. 2006, n C-167/04.
o
3 – (2) Cass. com., 15 nov. 2011, n 10-21701.
4 – (3) V. définitions légales visées aux articles L. 233-1 et s. du Code de commerce.
5 – (4) Concept consacré dès 1985 par la chambre criminelle par l'arrêt Rozemblum (Cass. crim., 4 févr. 1985).
6 – (5) On peut citer ainsi des décisions de la chambre sociale et, au niveau européen, de la Cour de justice de l'Union européenne, position reprise dans
le cadre du droit interne, v. Y. Chaput : «L'autonomie de la filiale en droit des pratiques anticoncurrentielles» : Contrats, conc. consom. 2010, n o 1, étude 1.
e
7 – (6) V. J. Carbonnier, Les obligations, PUF, 2000, 4 éd., coll. Thémis.
o
8– (7) Cass. com., 15 sept. 2009, n 08-16551.
9 – (8) Sur les différents fondements envisageables ici, A. Constantin : RTD com. 2011, 365.
o
10 – (9) Cass. com., 14 sept. 2010, n 09-14564 : Rev. sociétés 2011, p. 284, obs. M. Pariente.
e
11 – (10) Cass. 3 civ., 25 févr. 2004, no 01-11764 : Dr. sociétés juin 2004, no 6, comm. 96, obs. F.-G. Trébulle.
(11) En ce sens, Cass. 1re civ., 26 oct. 2011, no 10-17026 : BJS 2012, p. 70, obs. M. Menjucq.
15/17
(11) En ce sens, Cass. 1re civ., 26 oct. 2011, no 10-17026 : BJS 2012, p. 70, obs. M. Menjucq.
12 –
13 – (12) Pour une synthèse, v. B. Grimonprez, «Une responsabilité des sociétés mères du fait de leurs filiales» : Rev. sociétés 2010, 715.
o o
14 – (13) Cass. com., 19 avr. 2005, n 05-10094 : JCP E 2005, 1274, n 1, obs. P. Petel.
o
15 – (14) Sur la notion d'intérêt de groupe en droit pénal, Rozemblum, préc. – Cass. crim., 20 mars 2007 : Dr. soc. 2007, comm. n 141, obs. R. Salomon.
o
16 – (15) Cass. com., 26 juin 2007, n 06-20820 : D. 2007, 1864 obs. A. Lienhard ; Rev. proc. coll. 2007, p. 222, obs. B. Saintourens.
o
17 – (16) Cass. com., 24 mars 2009, n 08-12212, Smoby, décision elle aussi non publiée au Bulletin... mais largement commentée : BJS 2009, 691, note F.-
X. Lucas ; RJDA 2009, n 868 ; Rev. proc. coll. 2009, n o 107, obs. B. Saintourens.
o
o
18 – (17) Cass. com., 16 nov. 2010, n 09-71278 ; V. E. Mouial-Bassilana, « Avance de trésorerie et nouvelle définition légale de la cessation des paiements » :
BJS mars 2011, p. 207, n 112 ; Dr. sociétés 2011, no 37, note J.-P. Legros ; D. 2010, 2830, obs. Y. Reinhard ; BJS 2011, no 3, p. 207, obs. E. Mouial-Bassilana ;
o

solution déjà adoptée par la chambre commerciale sous l'empire de la législation antérieure – Cass. com., 12 mai 2009 : LEDEN sept. 2009, p. 2, obs. F.-X.
Lucas ; Rev. proc. coll. 2009, n o 104, obs. B. Saintourens.
o o
19 – (18) Cass. com., 17 mai 2011, n 10-30425 ; V. J.-P. Sortais, « Avances en compte courant et cessation des paiements » : BJE juill. 2011, p. 273, n 116.
20 – (19) TFUE, art. 101 et 102, anciennement CE, art. 81 et 82.
e
21 – (20) V. S. Porchy-Simon, Les obligations, Dalloz, 6 éd., § 771 et s.
22 – (21) C. trav., art. L. 1235-10.
23 – (22) C. trav., art. L. 1235-10, al. 2.
24 – (23) P. Roussel Galle, H. Bourbouloux et G. Couturier, «Le groupe de sociétés en procédure collective» : LPA 22 avr. 2010, p. 54.
o o
25 – (24) Cass. soc., 12 juin 2007, n 05-42551, Aspocomp : JCP S 2007, 1618, note P. Coursier – Cass. soc., 14 nov. 2007, n 05-21239 : RD trav. 2008, p. 103 –
Cass. soc., 28 sept. 2010, no 09-41243 – Cass. soc., 22 juin 2011, no 09-69021, Recyclex anciennement Métaleurop, arrêt non publié mais très instructif –
Cass. soc., 28 sept. 2011, no 10-12278, Mic – Cass. soc., 30 nov. 2011, no 10-22964 : LEDEN janv. 2012, p. 7, no 11, obs. G. Dedessus-Le-Moustier ; BJS févr. 2012,
p. 168, no 75, obs. G. Loiseau ; JCP S 2011, 1528, coemploi et groupe de sociétés, par G. Loiseau ; conception validée par ailleurs la Cour de justice de
l'Union européenne.
o
26 – (25) Cass. soc., 13 janv. 2010, n 08-15776, Flodor : JCP G 2010, 1206, obs. S. Béal et V. Daudet ; D. 2010, 1129, note B. Dondero.
27 – (26) V. Recyclex, préc.
28 – (27) Mic, préc.
29 – (28) Cass. soc., 28 sept. 2010, préc.
30 – (29) H. de Frémont, «Reclassement et groupes de sociétés, une intervention nécessaire du législateur !», note sous Cass. soc., 13 janv. 2010 : LPA 5-
6 avr. 2010, p. 15.
31 – (30) Soit les dispositions relatives aux organes représentatifs du personnel, à l'application des accords de branche, ou encore à l'application des
accords d'intéressement... V. Y. Pagnerre, «L'extension de la théorie des coemployeurs, source de destruction du droit du travail» : JCP S 2011, 1423.
o
32 – (31) CJCE, 10 sept. 2009, n C-97/08 : Rev. Europe, nov. 2009, comm. 427, note L. Idot.
o
33 – (32) Les bases de cette jurisprudence ont été posées par les arrêts du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries c/ Commission (n 48/69) ; Geigy c/
Commission (no 52/69), ainsi que du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can c/ Commission (no 6/72).
o
34 – (33) CJCE, 20 janv. 2011, n C-90/09 P, General Química e.a. c/ Commission : dans une telle situation, la société holding, la société interposée et la
dernière filiale du groupe font partie d'une même unité économique et, donc, constituent une seule entreprise au sens du droit de la concurrence de
l'Union.
o
35 – (34) En ce sens, CJCE, 29 sept. 2011, n C-520/09 P, Arkéma.
o
36 – (35) CJCE, 29 sept. 2011, n C-521/09 P, Elf Aquitaine c/ Commission , pts 53-54, 56-57, 80, 96.
o
37 – (36) V. par exemple, la décision n 12-D-09 du 13 mars 2012 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur
des farines alimentaires, décision rappelant que «l'application du droit européen de la concurrence suppose que soient réunies les trois conditions
d'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits ou les services faisant l'objet de la pratique, d'existence de pratiques susceptibles
d'affecter ces échanges et de caractère sensible de cette affectation» : cette décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris, qui a
annulé la décision pour avoir appliqué le droit communautaire de la concurrence au motif que les conditions n'étaient pas réunies, arrêt qui a fait
l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à un arrêt de cassation le 31 janvier 2012, nos 10-25772, 10-25775 et 10-25882
os o
38 – (37) CJCE, 3 févr. 2011, n T-122/07 à T-124/07, Siemens — CJCE, 14 juill. 2011, n T-190/06, Total et Elf Aquitaine.
39 – (38) P. Morvan, «Coemploi dans les groupes» : JCP S 2012, 1052.
40 – (39) B. Lebars : JCP G 2009, act. 115 ; dans la lignée de l'affaire Rozemblum, préc., le recours à l'intérêt de groupe constitutif d'un fait justificatif en
matière pénale – Cass. crim., 10 févr. 2010, no 09-83691 : Dr. soc. 2010, comm. 103, par R. Salomon.
41 – (40) C. com., art. L. 225-102-1, al. 5.
42 – (41) C. Malecki, «La loi Grenelle II et la gouvernance d'entreprise sociétale» : BJS 2010, p. 704 ; V. Mercier, «Responsabilité sociétale des entreprises et
droit des sociétés : entre contrainte et démarche volontaire» : Dr. sociétés 2011, n o 4, étude 6 ; B. Rolland, «Responsabilité environnementale et groupes
de sociétés», in Responsabilité environnementale : D. 2009, p. 215.
43 – (42) B. Fages, «Réforme de la responsabilité du fait d'autrui et sort réservé aux sociétés mères» : RDC 2007, p. 115 ; Rapport du groupe de travail de la
Cour de cassation sur l'avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription du 15 juin 2007.

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Chronique de jurisprudence de droit des sociétés

Issu de Gazette du Palais - n°30 - page 67


Date de parution : 06/09/2016
Id : GPL269a7
Réf : Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 269a7, p. 67

Auteur :
Sous la direction de Bruno Dondero, agrégé des facultés de droit, professeur à l'école de droit de la Sorbonne
(Paris 1), directeur de Sorbonne Affaires - Finances (IRJS)

Issu de Gazette du Palais - n°30 - page 67


Date de parution : 06/09/2016
Id : GPL269a7
Réf : Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 269a7, p. 67

Auteur :
Sous la direction de Bruno Dondero, agrégé des facultés de droit, professeur à l'école de droit de la Sorbonne
(Paris 1), directeur de Sorbonne Affaires - Finances (IRJS)

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