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Artistes, Chefs d'orchestre, Portraits
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Finlande
Un parcours exceptionnel
Puis, comme de nombreux jeunes nordiques prometteurs, il étudia au Conservatoire de Leipzig entre 1877 et 1879 avec les réputés Karl Reinecke,
Ernst F. Richter, Henry Schradieck et Salomon Jadassohn qui firent tant pour la renommée de l’établissement. À ce stade, il se vit contraint
d’abandonner ses études de violon en raison de problèmes physiques au niveau de la main gauche. En fait il était gaucher et cela semble avoir affecté
ses potentialités. Dès cette époque, le grand éditeur allemand Breitkopf & Härtel commença à publier quelques compositions comme son opus 1,
Albumblätter pour piano et son opus 2, Lyrisch Stücke, également pour piano. Dans la ville saxonne de Leipzig, il eut l’occasion d’observer de près de
grands chefs d’orchestre de la trempe de Hans von Bülow et Arthur Nikisch et de se plonger dans la fiévreuse atmosphère wagnérienne du temps.
L’utilisation de la mythologie germanique par Richard Wagner stimula également son intérêt pour ce sujet et pour l’art populaire de son propre pays.
Il séjourna ensuite à Paris et y étudia notamment avec le Norvégien Johann Svendsen qui y passa plusieurs mois (1879-1880) et fréquenta au plus
près de nombreuses personnalités françaises de premier plan. Au contact de trois musiciens norvégiens de grande valeur se développa davantage
encore son nationalisme ; il s’agissait de Johann Svendsen donc, de Christian Sinding et d’Edvard Grieg.
De retour à Helsinki il fit ses débuts publics comme chef d’orchestre le 19 septembre 1878. Ensuite, il vécut un temps encore en Allemagne, à Leipzig
(1880-1881) puis à Dresde (1881-1882). C’est de cette époque que datent ses œuvres considérées parmi les plus importantes : La Mort de Kullervo et
la Première Rhapsodie finlandaise. Il retourna au pays en 1882. Dans la capitale finlandaise Martin Wegelius venait de fonder une école de musique
(future Académie Sibelius). L’ambitieux jeune homme posa sa candidature pour un poste de professeur de théorie mais Wegelius se le réserva. Dès
lors, Kajanus, déçu mais non désespéré, décida de former un orchestre. L’entreprise, pour le moins inhabituelle et audacieuse chez un très jeune
musicien de 26 ans, ne manqua pas d’être jugée pour le moins comme très hasardeuse. Cette décision ne souleva d’abord que scepticisme (y compris
de la part de Wegelius) car dans un proche passé plusieurs tentatives avait été amorcées en ce sens… sans résultat durable. Néanmoins, porté par son
enthousiasme intact, il mit sur pied la Société orchestrale d’Helsinki qui devait soutenir les
concerts de l’Orchestre philharmonique d’Helsingfors, fondé il y a peu. Le point de départ de
cette aventure musicale est daté du 30 août 1882. Kajanus en restera le directeur jusqu’à sa
mort, un demi-siècle plus tard. Cette Société orchestrale d’Helsinki, première réalisation de ce
style dans le pays, et, première formation professionnelle dans les pays du Nord de l’Europe,
deviendra plus tard l’Orchestre philharmonique d’Helsinki.
Trois ans après, une école d’orchestre fut organisée pour assurer la formation des interprètes
voués à l’orchestre (en rivalité évidente avec l’école de Wegelius). Il dirigea l’école jusqu’en
1914, date à laquelle elle fut intégrée à l’Institut de musique concurrente marquant alors la fin
d’une longue rivalité opposant les ennemis Kajanus et Wegelius et leurs écoles respectives.
En 1888, un chœur symphonique destiné à participer aux grandes œuvres chorales avec
orchestre vit le jour. La propre sœur de Kajanus, Selma, en assuma la direction entre 1894 et
1899. Elle était également pianiste, harpiste et membre de l’orchestre de son père. L’arrivée de
cet orchestre souleva finalement un fort enthousiasme dans la capitale finlandaise et durant les
premières années Kajanus dirigea environ huit concerts par an et des concerts populaires en
sus. Kajanus et son orchestre donnèrent pour la première fois en Finlande la Symphonie n° 9
avec chœur de Beethoven, le 12 avril 1888. A l’automne 1889 il se rendit à Berlin (avec sa
troisième épouse Lilli) et afin de parfaire sa formation auprès d’Hans von Bülow. En 1890, il
effectua un court séjour à l’étranger et dirigea face au Philharmonique de Berlin son poème
symphonique Aino avec succès en février de cette année. Sibelius, alors étudiant dans la capitale
germanique auprès d’Albert Becker, se trouvait dans la salle, découvrit l’œuvre et songea lui
aussi à tirer une partie de son inspiration du fameux Kalevala.
Kajanus, assez tôt dans sa carrière, s’était lié d’amitié avec Sibelius, amitié parfois tendue et orageuse, parsemée de brouilles et de réconciliations.
Néanmoins, ils se fréquentèrent et s’apprécièrent beaucoup. A la fin des années 1890 et au début du siècle suivant ils faisaient partie d’une élite
culturelle se rassemblant régulièrement dans les bons restaurants de la ville (par exemple chez Kämp ou König). Là, ils débattaient des sujets
politiques et sociaux qui agitaient le pays ; la musique et les arts faisaient bien sûr aussi partie des discussions passionnées. On buvait plus que de
raison et on imaginait un avenir meilleur. Si bien qu’au bout de quelques années (autour de 1910) Kajanus commença à souffrir de troubles
cardiaques et hépatiques, en partie liés à son penchant pour l’alcool.
Kajanus devint directeur musical à l’Université d’Helsinki entre 1897 et 1926. Un des premiers, dès les années 1890, il défendit et continua à
défendre activement la musique de Sibelius tout au long de sa carrière. Les deux hommes s’étaient rencontrés à l’époque où le cadet étudiait à
l’Institut de musique de Wegelius. Leur relation amicale fut quelque malmenée en 1897 lorsqu’il succéda à Faltin comme enseignant à l’Université
alors que le poste avait été initialement accordé à Sibelius.
Au fil des ans, l’Orchestre d’Helsinki donna les créations des six
premières symphonies de Sibelius sous la baguette du compositeur. La
Septième Symphonie, la dernière, fut dirigée par Kajanus qui se taillait
depuis longtemps une immense réputation de chef sibélien authentique.
Un nouveau défi surgit plus tard lorsqu’il dut lutter contre la présence
menaçante d’un second orchestre concurrent, l’Orchestre symphonique
d’Helsinki, dirigé par un chef finlandais de très grand talent, Georg
Schnéevoigt (1872-1947). Après bien des conflits opposant les deux
hommes au fort caractère et leurs ambitions affirmées, les deux
formations finirent par fusionner. Parallèlement, Kajanus fit une
splendide carrière de chef invité en Europe. Il dirigea et rencontra le
succès à Copenhague, Saint-Pétersbourg, Moscou, Turin, Paris et
Budapest ainsi que dans les États baltes et ailleurs en Scandinavie. Cette
absorbante activité d’interprète et le talent époustouflant de Sibelius
éclipsèrent définitivement ses velléités de compositeur. Il fut le premier
d’une longue lignée de chefs d’orchestre finlandais de grande réputation
internationale qui allaient exercer leur art jusqu’à aujourd’hui.
A partir des années 1920, il élargit ses centres d’intérêt et soutint des
compositeurs contemporains comme Igor Stravinsky, Serguei Prokofiev,
Maurice Ravel, Arthur Honegger, César Franck, Paul Hindemith… Le
concert qu’il donna à l’occasion de son 75ème anniversaire révéla son
état de fatigue car il dut diriger assis. Ses enregistrements de
symphonies de Sibelius réalisés à Londres dans les années 1930-32
« sont incontournables » comme le précise justement Jean-Christophe
le Toquin.
Il conduisit son concert d’adieu avec l’Orchestre de la Société philharmonique le 28 avril 1932 (qui marquait aussi le 50ème anniversaire de
l’orchestre). A cette occasion il fut fait docteur honorifique de l’université d’Helsinki. Malgré son déclin général il composa encore un peu et corrigea
ses partitions antérieures. Au printemps 1933 ses troubles circulatoires s’aggravèrent sensiblement et la survenue de la gangrène obligea
l’amputation de la jambe gauche. Il décéda quelques semaines plus tard à Helsinki le 6 juillet 1933 âgé de 77 ans.
Pour la petite histoire, Kajanus s’est marié à quatre reprises. La première fois en 1881 avec la cantatrice norvégienne Johanne Müller, peu avant de
rentrer à Helsinki en juillet 1882. Elle disparut en couches deux ans plus tard. Il épousa sans tarder Inez Johanna Bärlund qui elle aussi décéda
quatre ans plus tard, en 1888. Puis, il se lia avec Elisabeth (Lilli) Kurikka (1865-1928), actrice et chanteuse et vécut avec elle une liaison fougueuse et
passionnée ; ils s’unirent en 1889. Le mariage ne fut pas heureux et Lilli refusa longtemps le divorce, auquel elle consentit enfin en 1917. Kajanus qui
vivait depuis plusieurs années (cinq ans semble-t-il) avec Helena (Ella) Stigell l’épousa en avril 1917. Ils restèrent ensemble jusqu’à sa mort. Il a eu
trois filles devenues musiciennes.
Un style national-romantique
Illustrations :
Tableau Symposion d’Akseli Gallen-Kallela, représentant une réunion à l’hôtel Kämp du parti jeune finnois de gauche à droite : Akseli
Gallen-Kallela, Oskar Merikanto, Robert Kajanus et Jean Sibelius
Dessin : Robert Kajanus chef d’orchestre par Albert Edelfelt
Photo : lors du dîner de son 70e anniversaire
Photo : avec Lilli Kurikka
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