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CHAPITRE 14

La durabilité des bétons


d’aluminates de calcium
H. FRYDA, F. SAUCIER, S. LAMBERET, K. SCRIVENER, D. GUINOT

Résumé
Les ciments d’aluminates de calcium offrent de bonnes solutions pour réaliser
des bétons résistant à des conditions extrêmes. C’est le cas des abrasions fortes,
des corrosions acides, bactériennes ou par l’eau de mer, des températures éle-
vées et cycles thermiques et hydriques importants, de l’action du gel-dégel, ou
encore de combinaisons de ces agressions. La bonne résistance de ces ciments
aux agressions chimiques est surtout liée à leur faible basicité, leur hydratation
ne libérant pas de portlandite, ainsi qu’à la formation d’alumine hydratée stable
jusqu’à des pH relativement acides (3 à 4). Ces ciments permettent aussi une
mise en service extrêmement rapide des ouvrages, grâce à une hydratation par-
ticulière dont le mécanisme est aujourd’hui bien compris et bien documenté. Le
mode d’emploi de ces ciments est très proche de celui des ciments Portland et,
moyennant quelques précautions particulières, permet de résoudre de nombreux
problèmes spécifiques de durabilité. La principale précaution est de prendre en
compte le phénomène de conversion en modérant le dosage en eau (usuelle-
ment E/C ≤ 0,40) tout en vérifiant que les propriétés du matériau après conversion
(notamment la résistance mécanique) satisfont les exigences de durabilité de
l’ouvrage. La norme européenne EN 14647 couvre les ciments d’aluminates de
calcium destinés à la fabrication de bétons pour la construction.
Mots-clés
ABRASION, ACIDE, ADJUVANT, ALUMINATE DE CALCIUM, ALUMINEUX, BASE, CIMENT, CONVER-
SION, CORROSION, CYCLE THERMIQUE, EAU DE MER, EAU PURE, ÉROSION, GRANULAT, SEL.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
1.1. L’apport des ciments d’aluminates de calcium,
compléments du ciment Portland
Aujourd’hui, les principales applications des ciments d’aluminates de calcium
(CAC) sont les bétons réfractaires, la formulation de mortiers prêts à l’emploi ain-
si que l’accélération du ciment Portland pour les petits travaux de scellement.
En parallèle, les bétons à base de ciment d’aluminates de calcium continuent à
être utilisés dans une large gamme d’applications spéciales où leur rapidité de
durcissement et de séchage ainsi que leur durabilité sont jugées supérieures à cel-
les du béton de ciment Portland. À titre d’exemple, on mentionnera les réparations
rapides, les sols péri-réfractaires et d’industries chimiques, la protection des ré-
seaux d’égouts, ou encore le renforcement des zones soumises à des abrasions in-
tenses dans les ouvrages hydrauliques ou les mines.
L’étude de la durabilité de ces bétons nécessite :
– d’une part, de bien connaître les spécificités de la chimie des ciments alumi-
neux afin de comprendre leur comportement face aux différents environnements
agressifs ;
– d’autre part, parce qu’on utilise souvent ces bétons comme protection dans des
environnements sévères, voire extrêmes, de faire appel à des méthodes spéciales
pour la caractérisation de leur durabilité.
1.2. Un ciment inventé pour améliorer la résistance aux sulfates
L’invention des ciments alumineux, au début du XXe siècle, s’explique par la vo-
lonté d’améliorer la durabilité des ouvrages exposés aux sols chargés en sulfates.
Il était, en effet, déjà établi que la faible résistance des mortiers et bétons de ci-
ment Portland aux milieux agressifs acides s’expliquait en grande partie par le ca-
ractère très basique de ce ciment et de ses hydrates (voir chapitres 2 et 12).
On peut considérer que les ciments résultent en général de la combinaison d’une
base, la chaux, et d’oxydes acides ou amphotères comme la silice, l’alumine ou
les oxydes de fer. Il est ainsi possible d’évaluer le caractère basique d’un ciment
par le rapport pondéral oxydes acides/oxydes basiques, ou [(SiO2)+ (AI2O3) +
(Fe2O3)]/[(CaO) + (MgO)].
Ce rapport est nettement inférieur à 1 dans les ciments Portland dont l’hydratation
conduit à la libération d’un excès de chaux hydratée Ca(OH)2 ou portlandite, sus-
ceptible d’être directement attaquée par les acides. En 1847, Vicat émet l’idée
qu’un ciment dans lequel le rapport « oxydes acides »/« oxydes basiques » serait
supérieur à 1, résisterait à l’action des sulfates. Au début du XXe siècle, Bied, di-

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La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

recteur du laboratoire de la Société Pavin de Lafarge, reprend cette idée et aboutit


en 1908 à un premier ciment alumineux obtenu par fusion d’un mélange de bau-
xite et de calcaire, commercialisé sous le nom Ciment Fondu®1.
Ce ciment possède ainsi une basicité plus faible que le ciment Portland. Le cons-
tituant principal, l’aluminate monocalcique CaO.Al2O3 (CA en notation cimen-
tière) ayant un rapport pondéral oxydes acides/oxydes basiques supérieur à 1,
l’hydratation ne conduit pas à la libération de portlandite. L’utilisation du ciment
alumineux a bien confirmé sa bonne résistance aux sulfates, ainsi qu’aux solu-
tions acides. De plus, ce ciment possède :
– une grande vitesse d’acquisition des résistances mécaniques ;
– une bonne aptitude au bétonnage par temps froid ;
– un caractère réfractaire jusqu’à 1100 °C environ ;
– une bonne résistance à l’abrasion.
Le constituant principal des CAC est l’aluminate monocalcique CaO.Al2O3 (CA
en notation cimentière). Ces ciments ayant un rapport pondéral oxydes acides/
oxydes basiques supérieur à 1, l’hydratation ne conduit pas à la libération de
portlandite.
On découvrit par la suite que l’augmentation de la teneur en alumine, jusqu’à
80 %, permet d’augmenter sensiblement le caractère réfractaire. Il est ainsi possi-
ble de réaliser des bétons résistant jusqu’à 2000 °C en utilisant des granulats
d’alumine tabulaires.
1.3. Deux procédés industriels pour couvrir une très large plage
de compositions
Le premier ciment alumineux, qui contenait environ 40 % d’alumine, était produit
par fusion complète des matières premières, d’où le dépôt de l’appellation
« Ciment Fondu ». Pour améliorer le caractère réfractaire, on augmente la teneur
en alumine mais au-delà d’environ 55 % d’alumine il devient nécessaire d’utiliser
une cuisson par frittage dans un four rotatif, où la fusion n’est plus que partielle.
Le procédé de fusion se fait généralement dans un four réverbère. La bauxite et le
calcaire sont alimentés sous forme de blocs dans la section verticale du four et
descendent graduellement vers le « laboratoire » où la fusion complète, autour de
1400 °C, permet un très bon mélange des espèces minérales. Ce « bain » homo-
gène est extrait et refroidi pour obtenir le clinker, qui sera ensuite broyé pour ob-
tenir le ciment. La minéralogie du ciment découle directement de la composition

1. Ciment Fondu® est une marque déposée de Kerneos.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

chimique globale des matières premières. La fusion peut aussi se faire dans un
four électrique à arc mais le rendement thermique est moindre.
Le procédé de frittage est pratiquement identique à celui utilisé pour le ciment
Portland, si ce n’est la taille réduite du four rotatif. Les matières premières, alu-
mine et calcaire, sont broyées et homogénéisées avant d’être introduites et chauf-
fées dans le four. La température requise pour la fusion partielle augmente avec
la teneur en alumine, jusqu’à 1600 °C pour un ciment à 70 % d’alumine. A la sor-
tie du four, le ciment est refroidi puis broyé.
Il est d’usage aujourd’hui de distinguer les ciments d’aluminates de calcium par
leur teneur en alumine et cette terminologie sera utilisée par la suite. Il est cepen-
dant important de noter que cette terminologie ne présume pas du rôle du pour-
centage d’alumine sur les propriétés. C’est plutôt la minéralogie et la finesse qui
sont les caractéristiques déterminantes pour l’hydratation et la durabilité.
Le tableau 14.1 et la figure 14.1 illustrent la vaste plage de compositions chimique
et minéralogique couverte par les différents ciments d’aluminates de calcium
commercialisés aujourd’hui. Une plage de composition pour les ciments Portland
est également donnée en référence pour illustrer les principales différences. Pour
la confection des bétons utilisés dans le monde de la construction, on utilise es-
sentiellement du ciment alumineux à 40 % d’alumine, comme par exemple
« Ciment Fondu ».
Tableau 14.1 : exemple de composition chimique.

Al2O3 CaO SiO2 Fe2O3 SO3

Exemples de ciments alumineux

40 % 38 % 3% 16 % < 0,5 %

50 % 38 % 3% 2% < 0,5 %
70 % 29 % 0,30 % 0,20 % < 0,5 %

80 % 19 % <0,3 % <0,2 % < 0,5 %

Plage de composition pour les ciments Portland

4à6% 62 à 67 % 20 à 23 % 3% 2à4%

770
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

SiO2 Fe2O3
Pléochroïte Spinel
(fibre)
C 2S
Gehlenite
Ferrite
(C2AS)
(C4AF)

CaO C12A7 CA CA2 CA6 Al2O3

Figure 14.1 : phases minéralogiques pouvant être présentes dans les ciments
d’aluminates de calcium.
La phase majoritaire est toujours la phase CA (CaO.Al2O3), mais selon les teneurs des autres miné-
raux, on observera une ou plusieurs des autres phases illustrées.

1.4. Un premier siècle d’histoire


L’invention du ciment alumineux en 1908 était motivée par l’amélioration de la
résistance aux sols contenant des sulfates, mais son durcissement rapide apparut
très tôt comme une propriété très utile. Dès les années 20, Lafarge commerciali-
sait son « Ciment Fondu » comme un ciment rapide permettant de gagner du
temps et il fut largement utilisé pour la construction d’ouvrages de génie civil.
Pendant la 2e guerre mondiale, il servit à la construction ou à la réparation urgente
d’affûts d’artillerie, de bunkers et autres ouvrages militaires.
Dans les années soixante, les applications réfractaires se développent et les
« bétons réfractaires monolithiques » commencent à remplacer graduellement les
briques réfractaires. Le ciment alumineux est aussi utilisé couramment pour la
préfabrication de poutres et poteaux car il permet des cycles journaliers sans étu-
vage, ce qui n’est pas possible avec les ciments Portland de l’époque. Cependant
les mécanismes d’hydratation et le phénomène de conversion des hydrates, spé-
cifiques aux aluminates de calcium, ne sont pas bien compris. Ainsi, lorsqu’une
poutre d’un toit s’écroule en Angleterre en 1973, suivi par deux autres incidents
similaires, on constate que les résistances mécaniques des éléments en service
peuvent être bien inférieures aux valeurs mesurées lors de la fabrication. Cet épi-
sode conduira d’abord à une interdiction des ciments alumineux pour la construc-
tion dans plusieurs pays puis à une progression des connaissances, des règles
d’usage et des normes. De cette époque, il demeure toujours en service en Angle-
terre plus de 50 000 bâtiments en béton d’aluminates de calcium jugés sûrs par les
autorités compétentes [BRE 94].
Depuis les années quatre-vingt, les gammes de mortiers prêts-à-l’emploi et autres
produits cimentaires formulés (autolissants, colles carrelage, etc.) ne cessent de

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

s’étoffer et sont devenus incontournables dans le second oeuvre. Les aluminates


de calcium sont largement utilisés comme réactif dans de nombreuses formula-
tions pour obtenir différentes propriétés (compensation de retrait, durcissement
rapide, résistance à la corrosion, etc.).
Aujourd’hui, les bétons de ciment d’aluminates de calcium continuent à être uti-
lisés dans le monde de la construction car ils apportent des propriétés difficiles
à atteindre autrement. Les progrès réalisés dans la compréhension du mécanis-
me de conversion ainsi que le respect des règles de bon usage décrites dans les
normes (dont la récente norme européenne EN 14647) permettent une utilisation
sûre et durable de ces produits dans les bétons.
Dans ce chapitre consacré aux bétons de ciments alumineux, sont présentées tout
d’abord les spécificités de l’hydratation du ciment alumineux qui expliquent en
grande partie le bon comportement de ces bétons vis-à-vis de la durabilité (§ 2).
Les changements volumétriques précoces sont ensuite abordés car leur bonne
gestion est nécessaire au contrôle de la fissuration (§ 3). Le paragraphe 4 traite
successivement des différents types de durabilité correspondant aux domaines
d’utilisation où le ciment alumineux est particulièrement performant : durabilité
en milieu chimiquement agressif, notamment en milieu acide et dans les ouvrages
d’assainissement, durabilité face aux agressions thermiques et résistance à l’abra-
sion mécanique. Les questions de durabilité face aux conditions usuelles d’expo-
sition (carbonatation, corrosion des armatures, eau de mer) sont également
abordées dans cette partie. Enfin, le contexte normatif et les règles de mise en œu-
vre spécifiques de ces ciments et des bétons sont traités dans le paragraphe 5.
Pour les autres questions techniques sortant du cadre de la durabilité, thème cen-
tral de cet ouvrage, on se reportera à d’autres références [SCR 98, CON 97].

2. HYDRATATION DES CIMENTS ALUMINEUX


ET PROPRIÉTÉS LIÉES À LA DURABILITÉ
2.2. Une hydratation rapide dès les premières heures
Les ciments d’aluminates de calcium (« CAC » dans la suite du texte) ne sont pas
des ciments à prise rapide, mais à durcissement rapide. La figure 14.2 présente
l’évolution des concentrations ioniques lors de l’hydratation de l’aluminate mo-
nocalcique CA, principale phase des ciments alumineux. La première étape est la
dissolution conduisant à l’augmentation des concentrations en chaux et en alumi-
ne de la solution. Suit une période d’induction durant laquelle le processus de nu-
cléation se déroule, les concentrations restant stables. Cette période se termine par
la précipitation massive des hydrates accompagnée d’une chute des concentra-
tions, qui conduit à la prise puis au développement de la résistance mécanique.

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La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

25
CaO
20

Concentration (mmol/l)
Al2O3
15

10

0
0 360 720 1 080 1 440

Temps (minutes)

Figure 14.2 : évolution des concentrations en chaux et en alumine lors de l’hydratation


de la phase CA en suspension à eau / solide = 10.
Après une première étape de dissolution de la chaux et de l’alumine, il y a une période dite
« dormante » durant laquelle les concentrations sont stables et qui correspond à la période de nucléa-
tion. La durée de cette période dépend de la minéralogie du CAC et de la présence de fines (filler cal-
caire par exemple) ou d’adjuvants qui peuvent aider à la nucléation. Une fois l’étape de nucléation
passée la précipitation massive est très rapide et entraîne une chute des concentrations en solution.

Contrairement au ciment Portland, pour lequel la précipitation des C-S-H se fait


préférentiellement autour des particules de ciment, la nucléation des hydrates de
CAC se produit uniformément au sein de la solution interstitielle, ce qui conduit
à une répartition homogène des hydrates dans l’espace intergranulaire. Cette dif-
férence fondamentale entre les deux types de ciment se retrouve dans la compo-
sition des solutions interstitielles. La dissolution du ciment Portland conduit à un
enrichissement initial de la solution essentiellement en chaux, la concentration en
silice restant très basse, ce qui induit la précipitation des silicates de calcium hy-
dratés C-S-H au voisinage des grains de ciment. Dans le cas des CAC, il y a dis-
solution congruente de la chaux et de l’alumine dont les niveaux de concentration
sont similaires. Contrairement aux ions silicate, les ions aluminate diffusent à lon-
gue distance dans la solution interstitielle, ce qui permet la précipitation des hy-
drates partout dans la porosité. Les particules de ciment alumineux ne sont donc
pas enrobées d’une barrière diffusionnelle qui ralentit l’hydratation : c’est la rai-
son principale de l’hydratation rapide des CAC (figure 14.3).

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

CAC

Résistance mécanique
Portland

heures jours

Photo en microscopie d’une suspension de


L’absence de barrière diffusionnelle autour des
ciment alumineux [LAM 01]. La précipitation
particules de CAC permet une hydratation très
massive des hydrates de CAC se fait de façon
rapide par comparaison au ciment Portland.
homogène au sein de la solution.

Figure 14.3 : l’hydratation rapide des CAC est due à l’absence de barrière diffusionnelle

Contrairement au ciment Portland pour lequel la précipitation des C-S-H se fait


préférentiellement autour des particules de ciment, la nucléation des hydrates de
CAC se produit uniformément au sein de la solution interstitielle, ce qui conduit
à une répartition homogène des hydrates dans l’espace intergranulaire. Les par-
ticules de ciment alumineux ne sont donc pas enrobées d’une barrière diffusion-
nelle qui ralentit l’hydratation : c’est la raison principale de l’hydratation
rapide des CAC (figure 14.3).
À partir de la prise, l’hydratation se poursuit très rapidement durant les 2 à 4 pre-
mières heures : pour un rapport E/C de l’ordre de 0,40, la résistance mécanique
croît d’environ 15 MPa par heure durant les deux premières heures, puis ralentit
en raison de la densification du matériau et du manque d’eau libre. Pour une pâte
à rapport E/C = 0,40, le degré d’hydratation de la phase CA peut facilement at-
teindre 80 % dès le premier jour. L’hydratation rapide conduit également à une
dessiccation endogène rapide due à l’intégration des molécules d’eau dans les ré-
seaux cristallins des hydrates. Avec un rapport E/C = 0,40 et à 80 % d’hydrata-
tion, les calculs stœchiométriques indiquent qu’il reste moins de 4 % d’eau libre
dans la pâte de ciment soit moins de 1 % dans le béton. Ceci est confirmé par des
mesures de l’eau libre par la méthode de la bombe à carbure (ou évaporation à
110 °C). Cette hydratation rapide entraîne également une forte exothermie, la
chaleur d’hydratation étant dégagée en quelques heures.

774
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

2.2. Les différents hydrates d’aluminates de calcium : le phénomène


de conversion
L’hydratation de l’aluminate monocalcique CA, qui est la phase principale des
CAC, peut conduire à quatre hydrates différents : CAH10, C2AH8, C3AH6, AH3.
Le schéma de la figure 14.4 donne les différents assemblages d’hydrates possibles
en fonction de la température, le rapport E/C stoechiométrique correspondant à
une hydratation complète de l’anhydre CA en chacun des hydrates considérés,
ainsi que le volume occupé par les hydrates pour chaque réaction.
Le tableau 14.2 donne les densités et les masses molaires. On considère en général
que l’alumine hydratée est présente sous la forme cristallisée gibbsite. En réalité
l’alumine hydratée est difficilement détectée par diffraction des rayons X au jeune
âge et apparaît au microscope comme un produit amorphe dont la densité est pro-
bablement plus faible que celle de la gibbsite.
D’un point de vue thermodynamique, le seul assemblage stable d’hydrates est
[C3AH6 + AH3]. Cependant, les hydrates métastables CAH10 et C2AH8 se for-
ment précocement car leur nucléation est plus facile, mais ils se transformeront
inévitablement pour conduire à l’assemblage stable [C3AH6+AH3]. Cette trans-
formation est connue sous le nom de « conversion ».
Les hydrates métastables sont également souvent nommés « aluminates
hexagonaux » et les hydrates stables « aluminates cubiques », en référence à leur
réseau cristallin.
Bien que les premiers hydrates formés soit les aluminates hexagonaux, le proces-
sus de nucléation de l’aluminate cubique se poursuit. Lorsque ce dernier commen-
ce à précipiter, les concentrations interstitielles en chaux et en alumine diminuent,
ce qui entraîne la dissolution progressive des aluminates hexagonaux. Ce proces-
sus se poursuit jusqu’à disparition totale des aluminates hexagonaux, à la suite de
quoi, le matériau est dans son état stable à long terme.
La densité des hydrates stables étant plus élevée que celle des hydrates métasta-
bles (tableau 14.2), le volume qu’ils occupent est plus faible : la conversion s’ac-
compagne donc d’une modification de la microstructure et d’une augmentation de
la porosité. L’eau libérée par la dissolution des aluminates hexagonaux n’est que
partiellement combinée lors de la formation des aluminates cubiques. Il reste donc
de l’eau libre disponible pour poursuivre l’hydratation des anhydres.

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

CAH10
Température durant l'hydratation Ti ~ < 30 °C
Froid
+ 10 H
197 cm3
E/C* = 0,80
Hydrates
[0,5C2AH8 + 0,5AH3] métastables
Ti ~ > 30 °C
+ 5,5 H
E/C*= 0,44 124 cm3
C2AH8
CA
CA Conversion

[0,33C3AH6 + 0,66AH3] C3AH6


Ti ~ > 70 °C
Chaud

+4H
E/C* = 0,32 93 cm 3

Hydrates
stables

[0,5C2ASH8 + 0,5AH3]
+ SiO2 + 5,7 H
E/C* = 0,45 140 cm3

Réactions de conversion
3CAH10 C3AH6 + 2AH3 + 18H L'eau libérée lors de la conversion
3C2AH8 2C3AH6 + AH3 + 9H est consommée par l'anhydre résiduel.

Figure 14.4 : les différents assemblages d’hydrates et le phénomène de conversion.


La conversion entraîne une réduction du volume occupé par les hydrates. E/C* = rapport eau / ciment
pour une hydratation totale en considérant un ciment alumineux contenant 70 % de la phase CA (le
reste étant considéré comme inerte). Les volumes indiqués sont ceux occupés par les hydrates issus
des réactions considérées.

Tableau 14.2 : densité et masse molaire des aluminates de calcium.

CA CAH10 C2AH8 C3AH6 AH3* C2ASH8 H

Masse molaire (g/mol) 158 338 358 378 65 418 18


3 53 197 183 150 156 216 18
Volume molaire (cm /mol)

Densité 2,98 1,72 1,95 2,52 2,4 1,94 1

* Il s’agit ici des valeurs correspondant à la forme cristallisée gibbsite.

La principale conséquence pratique de ces transformations est une réduction de la


résistance mécanique lors de la conversion. C’est pourquoi, seule la résistance
mécanique après conversion doit être prise en compte lors de la conception des
ouvrages.
La chute de résistance mécanique est due à l’augmentation de la porosité du ma-
tériau et non à la différence de résistance intrinsèque des hydrates eux-mêmes. En
effet, à porosité égale, la résistance mécanique est supérieure avec les hydrates
stables. Le niveau de résistance mécanique obtenu avec les ciments alumineux dé-

776
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

pend donc, comme pour le ciment Portland, du rapport E/C, mais également de
l’état de conversion du système (figure 14.5).
La principale conséquence pratique de la conversion est une réduction de la ré-
sistance mécanique due à l’augmentation de la porosité du matériau et non à la
différence de résistance intrinsèque des hydrates eux-mêmes. Seule la résistance
mécanique après conversion doit être prise en compte lors de la conception des
ouvrages.

100
[GEO 90] - Avant conversion
90 [GEO 90] - Après conversion
Résistance à la compression sur cubes (MPa)

[NEV 81] - Avant conversion


80 [NEV 81] - Après conversion
[ROB 82] - Avant conversion
70 [ROB 82] - Après conversion
[COL 88] - Avant conversion
60 [COL 88] - Après conversion

50

40

30

20

10

0
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65 0,75 0,85
Eau totale/ciment

Figure 14.5 : résistance mécanique en compression d’un béton de ciment alumineux


en fonction du rapport E/C [GEO 90, NEV 81, ROB 62, COL 85].
Comme pour tout liant hydraulique, la résistance diminue lorsque le rapport E/C augmente. Dans le cas
des CAC, les résistances avant et après conversion n’évoluent pas de la même façon avec le rapport
E/C. Seule la résistance mécanique après conversion doit être retenue pour le calcul des ouvrages.

D’un point de vue cinétique, la vitesse de conversion dépend essentiellement de


la température et de l’humidité. La conversion peut avoir lieu durant les premières
heures de durcissement pour un béton dont l’auto-échauffement conduit à une
température interne suffisamment élevée (voir exemples sur la figure 14.18),
comme elle peut prendre plusieurs années pour un béton à faible échauffement qui
restera dans une ambiance tempérée et sèche. Il est donc difficile de prévoir a
priori l’échéance de conversion. Le praticien retiendra donc que la conception
d’un ouvrage utilisant un béton de CAC doit prendre en compte une valeur de ré-
sistance après conversion. La détermination de cette résistance est possible au la-
boratoire en quelques jours en accélérant la conversion par immersion du béton
dans de l’eau chaude (40 à 50 °C).

777
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 14.6 présentant l’évolution des résistances mécaniques en fonction de


l’âge du béton pour différentes températures de cure, illustre ces propos.

Résistance à la compression sur cube (MPa)


100

90
30 °C
80

70

60 38 °C
50 50 °C

40

30 80 °C 30 °C
38 °C
20
50 °C
10 80 °C
0
0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000
Âge (jours)

Figure 14.6 : évolution de la résistance en compression d’un béton de Ciment Fondu


à rapport E/C = 0,40 selon la température de cure (cure isotherme sous eau,
immersion avant la prise).
Ces données, obtenues en condition isotherme, montrent que la conversion est d’autant plus rapide
que la température de cure est élevée. C’est cette accélération du phénomène par la température qui
est utilisée pour évaluer en laboratoire la résistance mécanique après conversion. Le même effet de
la température existe dans les ouvrages par le biais de l’autoéchauffement : selon l’histoire thermique
le degré de conversion sera plus ou moins avancé. Par exemple dans un ouvrage où la température
d’autoéchauffement dépasse les 70 °C la conversion sera pratiquement achevée à la mise en service.

La conversion n’est pas associée à un retrait macroscopique du matériau : elle


n’engendre ni contrainte interne ni fissuration. Certes, le bilan volumique global
de la transformation des hydrates correspond bien à une réduction du volume
occupé par les hydrates. Mais cette transformation opère en réalité suivant un
processus de dissolution/précipitation avec reconstruction de la microstructure
au niveau local. En réalité, la conversion conduit plutôt à une réduction du re-
trait par augmentation de la taille des pores et libération d’eau libre.

De façon à conserver un niveau de résistance correct après conversion, il a été his-


toriquement recommandé de limiter le rapport E/C à 0,40 pour la confection des
bétons de CAC. Cette limite permet de conserver une réserve de ciment anhydre
puisque le rapport E/C au dessus duquel il ne reste plus d’anhydre avant conver-
sion se situe vers 0,44 (figure 14.4, hydratation en C2AH8 + AH3). Les hydrates
stables contenant moins d’eau que les hydrates métastables, la conversion entraî-
ne la libération d’eau. Cette eau permet une hydratation de la réserve d’anhydres,
compensant ainsi la création de porosité liée à la conversion et réduisant l’impact
de celle-ci. Une fois la conversion entamée, les anhydres réagissant avec l’eau li-

778
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

bérée forment directement les hydrates cubiques puisqu’il s’agit de la forme ther-
modynamiquement stable et que l’étape de nucléation a désormais été franchie.
2.3. Un bilan volumique plus favorable en présence de silice réactive
En présence de silice soluble, un autre hydrate stable est susceptible de se former:
la géhlénite hydratée ou strätlingite C2ASH8. Tout comme C3AH6, la nucléation
de ce composé est relativement difficile, si bien que les premiers hydrates qui se
forment sont toujours les hydrates métastables. En revanche, sa densité étant plus
faible que celle de C3AH6, sa formation réduit considérablement l’impact de la
conversion sur la porosité. Les ciments alumineux contiennent assez peu de silice
(~ 5 %), mais l’ajout de laitier, de fumée de silice ou d’autres sources de silice
réactive est susceptible de conduire à la formation de cette phase.
2.4. De nombreuses interactions possibles
Les aluminates de calcium peuvent conduire à différents types d’hydrates par in-
teraction avec d’autres composants.
Il existe une famille d’hydrates souvent nommée famille des phases AFm dans le
langage de la chimie des ciments. Il s’agit de phases dont le réseau cristallin est
caractérisé par l’empilement de feuillets composés de calcium et d’aluminium, et
d’espaces interfeuillets pouvant accueillir un grand nombre d’anions minéraux
tels que les sulfates, les phosphates, les nitrates, les chlorures, les carbonates, mais
aussi des molécules organiques. Par exemple, dans le cas des sulfates, il s’agit de
la phase monosulfoaluminate de calcium: 3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O. Dans le
cas spécifique des sulfates, il peut également se former des phases AFt telle que
l’ettringite 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O dont la structure cristalline est différente
de celle de la famille des AFm (voir le chapitre 2).
Ces interactions sont très souvent exploitées dans le domaine des mortiers prêts à
l’emploi où l’hydratation combinée des ciments alumineux avec d’autres liants
tels le ciment Portland ou le plâtre permet l’obtention de propriétés spécifiques
telles qu’une prise, un durcissement et un séchage rapides, ou encore la compen-
sation du retrait.
Une autre exploitation possible de ces interactions est le traitement de déchets où
ces mélanges de liants permettent un piégeage chimique des composés nocifs par
les phases AFt ou AFm [AUE 95].
Un autre type d’interaction possible est la réaction du ciment alumineux avec des
silices réactives qui peut, sous certaines conditions, conduire à la formation de
phases de type zéolite. Ces phases se caractérisent par un squelette aluminosilica-
te en trois dimensions avec l’existence de canaux pouvant accueillir différents ca-

779
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tions. Ainsi, il a été montré que ce type de phase pouvait piéger très efficacement
le césium [FRY 95, BAG 98] aussi bien à froid qu’après un traitement thermique
de céramisation, alors que cet élément est réputé non piégeable par les hydrates
de ciment Portland.
D’autres propriétés comme la résistance aux acides ou la capacité à durcir en pré-
sence de certains déchets font du ciment alumineux une alternative envisageable
pour l’industrie de traitements des déchets.
2.5. Structure poreuse des ciments d’aluminates de calcium hydratés
Comme pour tout liant hydraulique, la porosité d’une pâte de CAC dépend du rap-
port eau/ciment. Mais dans le cas des CAC, elle dépend également fortement de
l’assemblage des hydrates en présence.
La figure 14.7 illustre la relation entre porosité et rapport E/C, selon le type de
cure et d’hydrates formés. Elle montre l’accroissement de porosité entre l’état
« non converti » et l’état « converti », accroissement responsable de la diminution
de résistance mécanique.
On voit bien sur cette figure qu’il n’est pas possible de prévoir les propriétés du
matériau converti uniquement à partir de celles du matériau non converti, et ce
pour deux raisons :
– l’accroissement de porosité dépend du rapport E/C. Par exemple, lors de la
transformation de CAH10 en [C3AH6 + AH3], la porosité passe de 10 % à 20 %
pour le rapport E/C = 0,30, soit un doublement ; elle passe de 11 % à 30 % pour
le rapport E/C = 0,40, soit un triplement. Les accroissements différents de poro-
sité en fonction du rapport E/C sont dus aux différences de rapport E/C critiques
entre ces deux assemblages d’hydrates ;
– il existe deux états non convertis : CAH10 ou [C2AH8 + AH3] dont les porosi-
tés sont respectivement de 15 % et de 23 % à rapport E/C = 0,50, alors que la
porosité est d’environ 40 % à l’état converti.
On ne peut donc appliquer un facteur correctif unique qui permettrait de prévoir
l’état après conversion en partant de l’état avant conversion. Finalement, comme
on le voit à la figure 14.7, la relation porosité-rapport E/C d’un CAC encadre celle
d’un ciment Portland selon l’état d’hydratation ; à même rapport E/C, la porosité
d’un CAC est plus faible avant conversion et plus élevée après.

780
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Calcul théorique hydratation en C3AH6 + AH3


7 j 70 °C [COT 70]
7 j 70 °C [CAP 94]
Calcul théorique hydratation en C2AH8 + AH3
50 %
( )

Calcul théorique hydratation en CAH10


45 % 7 j 10 °C [COT 70]
7 j 10 °C [CAP 94]
40 %
Ciment Portland [TAY 91]
35 %
30 %
p

25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 0,5 0,55 0,6 0,65
Eau/ciment
Figure 14.7 : porosité mesurée sur pâte de ciment [COT 70, CAP 94, TAY 91].
Les courbes correspondent à un calcul théorique (données du tableau 14.2) en considérant que le
ciment contienne 70 % de phase CA estimée être la seule phase réactive. Lorsque le rapport E/C est
inférieur au rapport E/C critique, le degré d’hydratation de la phase CA est arrêté à la valeur qui cor-
respond à la consommation totale de l’eau libre ; au-dessus il est égal à 100 % (suffisamment d’eau
pour hydrater tout le CA). 7j à 10 °C → hydratation en CAH10 / 7j à 70 °C → hydratation en
C3AH6+AH3.

La figure 14.8 illustre l’effet de la conversion sur la taille des pores pour un rap-
port E/C = 0,40. Une hydratation à 20 °C conduit à la formation de CAH10. Avec
un rapport E/C = 0,40, bien inférieur au rapport E/C critique pour cet hydrate,
l’essentiel des vides a été comblé par les hydrates, et la porosité capillaire corres-
pondant aux pores entre 100 et 1000 nm (0,1 à 1 µm), est très faible. Une cure à
50 °C conduit à la formation de C3AH6 + AH3. Le rapport E/C de 0,4 étant supé-
rieur au rapport E/C critique de ces hydrates, il y a création d’une porosité capil-
laire. Celle-ci devient majoritaire car la porosité intrinsèque des hydrates de CAC
convertis est très faible (hydrates très denses).

781
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,12
Converti
24 h 50 °C
0,1
Non converti
24 h 20 °C
0,08

Volume (cm3/g)
0,06

0,04

0,02

0
1 10 100 1 000 10 000
Taille des pores (nm)

Figure 14.8 : répartition de la taille des pores d’une pâte de Ciment Fondu gâchée
avec un rapport E/C = 0,40.
Mesures au porosimètre à mercure. La conversion entraîne non seulement une augmentation de la
porosité, mais également une augmentation importante de la taille des pores.

Indépendamment de la porosité, la perméabilité est évidemment une grandeur clé


vis-à-vis de la durabilité. Le tableau 14.3 présente des valeurs de perméabilité à
l’oxygène de bétons de CAC. Pour les deux premières références, les données ont
été obtenues à partir d’éprouvettes de bétons réalisées en laboratoire. Dans les autres
cas, elles sont issues de mesures effectuées sur des carottes prélevées sur des ouvra-
ges anciens, de 28 à 70 ans d’âge, ce qui explique les rapports E/C relativement éle-
vés utilisés à l’époque. La perméabilité est très variable, de 1 à 3000.10–18 m2,
reflétant la large plage des rapports E/C (de 0,32 à 0,70).
Les observations réalisées sur ces ouvrages ont permis de mettre en évidence sur
la plupart de ceux-ci, l’existence d’un gradient de perméabilité entre le cœur et la
peau (les 50 premiers mm), cette dernière étant moins perméable. Deux explica-
tions sont proposées:
• il était d’usage à l’époque d’arroser les surfaces des bétons de CAC en guise de
cure. L’autoéchauffement des bétons de CAC étant important du fait de l’hydra-
tation rapide, le cœur d’un ouvrage relativement massif (épaisseur > 50 cm) peut
atteindre 70 à 80 °C durant les premières 24 heures, l’hydratation conduisant
alors directement à une conversion totale. Le refroidissement de la surface con-
serve une peau non convertie ou partiellement convertie, avec une porosité et
une perméabilité plus faible qu’au cœur du matériau. Ce gradient d’hydratation a
été observé par analyse microstructurale de certaines carottes. C’est probable-
ment cet effet que l’on peut constater en comparant les résultats du cas 7 de
l’étude BRE 1998 : l’aspersion par de l’eau froide de la surface du béton conduit

782
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

à un gradient de perméabilité d’un facteur 10 entre le cœur et la peau, ce qui


n’est pas le cas en l’absence de refroidissement;
• le gradient de perméabilité est beaucoup plus fort dans certains bétons conser-
vés en environnement marin : une différence d’un facteur 100 est par exemple
observée pour les cas 4 et 5 de l’étude [BRE 98]. Une analyse microstructurale
de ces bétons a montré que la peau contenait des ions chlorure avec formation de
monochloroaluminate 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O (sel de Friedel), et de sulfates,
mais que le cœur en était pratiquement exempt. A l’instar du comblement de la
porosité par carbonatation, il est possible que la formation de cette phase résul-
tant de l’interaction entre les ions chlorure de l’eau de mer et les aluminates de
calcium hydratés conduise à une réduction de la porosité rendant la peau du
béton pratiquement étanche.
Tableau 14.3 : quelques données de perméabilité.
Résistance Perméabilité O2
Origine de l’échantillon
Source Âge Eau/CAC en compression
de béton (10–18 m2)
(MPa)
Béton Alag®(a), conversion 1 56 (cylindres
[LER 04] complète en laboratoire 0,36 84 converti
semaine élancement 2)
par immersion à 70 °C 24h
Béton de Ciment Fondu 16 non converti
[DUN 05] 0,37
coulé au laboratoire 47 converti
Carottes sur pilier
1 en surface
[BRE 98], cas 1 de fondation 40 ans ~ 0,55 17 à 39
10 à coeur
de château d’eau
Carottes sur pilier 10 en surface
[BRE 98], cas 4 60 ans 0,65
dans la Tamise 3000 à cœur

60 en surface
[BRE 98], cas 5 Carottes dans quai Halifax 65 ans 0,7 29
2600 à cœur
Carottes sur pont
[BRE 98], cas 6 de Frangey, 30 ans 0,32 54 1à3
béton précontraint
70 à 140
Carottes sur poutres
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,46 41 (sur cube) pas de différence sur-
avec démoulage à 24 h
face / cœur
Carottes sur poutres
de l’usine LCA, projection 30 en surface
[BRE 98], cas 7 28 ans 0,56 19 (sur cube)
d’eau froide en surface 250 à cœur
dès 5 h
24 à 28 (sur cube)
Carottes pile de pont 3 en surface (0-50 mm)
[BRE 05] 70 ans ~ 0,50 (60 à 70 lors de la
Montrose bridge 46 à cœur (300-350 mm)
construction)

(a) Alag® est une marque déposée de Kerneos.

783
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.6. Des hydrates plus résistants aux acides


La durabilité des ciments alumineux dans les milieux de pH acide est, d’une ma-
nière générale, supérieure à celle des ciments Portland. Cela s’explique par la sta-
bilité de l’alumine hydratée AH3 jusqu’à des pH de 3,5 environ (figure 14.9) :
cette phase n’est dissoute que lorsque le pH interne du ciment descend en dessous
de cette valeur. Cette propriété confère au ciment alumineux un bon comporte-
ment dans des environnements agressifs tels que ceux rencontrés dans les domai-
nes de l’assainissement ou des effluents industriels [ROB 62, MAT 87, DUM 89].
La résistance aux acides a cependant ses limites puisqu’il y a dissolution aux pH
inférieurs à 3,5. Il s’agit surtout ici de préciser dans quelles conditions cette résis-
tance se manifeste de manière significative ou non. Des études de laboratoire ont
permis de préciser ces conditions et de définir un modèle explicatif de la corrosion
acide [BAY 90].
Les hydrates de CAC contenant du calcium se dissolvent dès que le pH descend en
dessous de 11. Mais l’alumine issue de cette dissolution peut précipiter tant que le
pH interne reste supérieur à 3,5, obstruer la porosité et ainsi ralentir l’attaque de
l’acide (figure 14.11). Bien que l’alumine hydratée soit clairement observée par mi-
croscopie électronique, cette phase est souvent non détectée par diffraction des
rayons X ce qui suggère une organisation sous forme de gel ou de micro cristallites.
Concentration Al (mol/l)

7 . 10– 3

Précipitation
Al(OH)3

10– 3

4 8 10 pH

Figure 14.9 : courbe de solubilité de l’alumine hydratée AH3 en fonction du pH.

C’est la stabilité de l’hydrate AH3 jusqu’à pH 3 à 4 qui explique principalement la capacité du ciment
d’aluminates de calcium à résister aux attaques acides.

La durabilité des ciments alumineux dans les milieux de pH acide est, d’une ma-
nière générale, supérieure à celle des ciments Portland. Cela s’explique par la
stabilité de l’alumine hydratée AH3 jusqu’à des pH de 3 à 4. Cette propriété con-
fère au ciment alumineux un bon comportement dans des environnements
agressifs tels que ceux rencontrés dans les domaines de l’assainissement ou des
effluents industriels.

784
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Leur capacité de neutralisation est un autre facteur important de la résistance des


CAC en milieu acide. Cette capacité est représentée par la quantité d’acide néces-
saire pour dissoudre une quantité donnée de ciment. Le calcul se fait à partir de la
composition chimique du matériau cimentaire : 2 moles d’ions H+ sont nécessai-
res pour neutraliser chaque mole de calcium et 3 pour l’alumine. La silice ne con-
tribue pas à la capacité de neutralisation. De plus amples détails sur le calcul sont
présentés dans [ESP 96].
Contrairement au ciment Portland, la neutralisation par le CAC se fait en deux
étapes (figure 14.10) :
– la première à pH > 3,5, où les hydrates alumino-calciques sont dissous et où
AH3 précipite ;
– la seconde à pH < 3,5, où le gel d’alumine est attaqué et participe à la capacité
de neutralisation du matériau.

14
Ciment Portland
12

10

8
pH

6
Ciment alumineux
4

0
0 10 20 30 40 50
Capacité de neutralisation (mg/g)

Figure 14.10 : évolution du pH lors de la neutralisation d’une pâte de ciment Portland


ou de ciment alumineux par un acide.
La chute du pH est due à la dissolution des hydrates par l’acide. La courbe du CAC rend compte d’une
dissolution en deux temps. Dans un premier temps il y a dissolution des aluminates de calcium hydra-
tés. Mais la stabilité de l’alumine hydratée AH3 à pH > 3,5 impose un palier de pH jusqu’à dissolution
complète de cet hydrate.

785
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Pâte de ciment Zone poreuse Pâte de ciment Zone de précipitation


Acide Acide
Portland décalcifiée alumineux du gel d'alumine

13 12

Ca Ca

3,5
~ 3,5

Al
Acide

Gel d'alumine

Acide
Acide

pH pH
pH

Figure 14.11 : illustration de l’attaque par un acide, cas du ciment Portland


comparé au ciment alumineux.
Cas du ciment Portland : la pénétration de Cas du ciment alumineux : la différence provient
l’acide entraîne la dissolution de la chaux hydra- du fait que l’alumine hydratée reste stable
tée et des C-S-H. La lixiviation du calcium con- jusqu’à pH 3,5. La formation d’un gel d’alumine
duit à un gradient de pH entre la surface et le permet une stabilisation du pH à 3,5 et un bou-
cœur du matériau. chage de la porosité, ce qui ralentit l’attaque de
l’acide.

Lorsque le pH est inférieur à 3, tous les hydrates se dissolvent. Des expériences


ont montré que la conversion conduit à une plus grande résistance aux acides.
Ceci a été mis en évidence par les expériences suivantes : les pertes de masse ont
été mesurées sur des prismes de pâte pure de ciment alumineux gâchés avec un
rapport E/C = 0,235, puis immergées dans des solutions acides à pH < 3 renouve-
lées deux fois par jour. Les résultats montrent que la résistance du ciment alumi-
neux s’améliore généralement s’il est préalablement converti en hydrates stables
par un traitement thermique à 50 °C, bien que cette transformation s’accompagne
d’une augmentation de la porosité, qui passe de 2 % à 15 % environ. Ce résultat
est clairement dû à la haute stabilité thermodynamique de C3AH6.
Des expériences ont montré que la conversion conduit à une plus grande résis-
tance aux acides. La résistance s’améliore généralement s’il est préalablement
converti en hydrates stables par un traitement thermique à 50 °C, bien que cette
transformation s’accompagne d’une augmentation de la porosité, qui passe de
2 % à 15 % environ. Ce résultat est clairement dû à la haute stabilité thermody-
namique de C3AH6.

786
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

La valeur du pH, facile à mesurer, est très souvent utilisée pour caractériser la
concentration d’une solution acide. Sur un plan pratique, il serait donc intéressant
de définir les limites de pH acceptables sans attaque exagérée. Mais, en réalité,
c’est la concentration de l’acide qui est le paramètre prépondérant. Or, il n’y a pas
de relation universelle entre la concentration de l’acide et le pH, la relation entre
ces deux paramètres dépendant de la force de l’acide.
La force de l’acide peut être caractérisée par son pKa (tableau 14.4) : plus le pKa
est faible et plus l’acide est fort. La figure 14.12, relative à des pâtes de ciment
alumineux hydratées à 20 °C et converties à 50 °C, montre clairement qu’on ne
peut définir de limites de pH dans l’absolu, mais que celles-ci sont seulement va-
lables pour un acide donné : les limites de pH sont plus basses pour les acides forts
(comme les acides chlorhydrique et nitrique) que pour les acides faibles (comme
les acides lactique et acétique) parce que, à pH égal, les solutions d’acides faibles
ont une concentration plus élevée que les solutions d’acides forts. Par exemple,
l’acide acétique 0,1 N a un pH de 2,9 alors que l’acide chlorhydrique, à la même
concentration, a un pH de 1.

Acides

3
chlorhydrique maléique lactique

orthophosphorique
Perte de masse (%)

citrique
acétique
pyrophosphorique
2
nitrique

succinique
1
sulfurique

0
oxalique

–1
0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5
pH
Figure 14.12 : perte de masse d’une pâte de Ciment Fondu hydratée à 20 °C,
et convertie à 50 °C, en fonction du pH et de différents acides.
La force de l’acide est un paramètre important pour définir les limites acceptables. Le pH est facile à
mesurer, mais c’est plutôt la concentration de l’acide qui permet de prévoir l’intensité de l’attaque: très
faible à 0,01 N, celle-ci devient sensible à 0,1 N et forte à 1 N. C’est pourquoi pour un pH donné l’at-
taque est plus sévère avec un acide faible qu’avec un acide fort.

Une autre notion importante à considérer est la solubilité des sels issus de l’atta-
que acide (tableau 14.4). D’une manière générale, les sels formés en surface à la

787
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

suite des réactions d’attaque chimique peuvent, selon leurs produits de solubilité
respectifs, précipiter et former une couche protectrice sur la surface d’attaque ou,
au contraire, se dissoudre et renouveler le front d’attaque.
À titre d’exemple, dans le cas de l’acide sulfurique, on estime que la mise en con-
tact brutale d’une pâte de ciment et d’une solution de pH inférieur à 1,8 suffit à
former en surface une couche de sulfate de calcium qui bloquera la pénétration de
la solution. C’est pourquoi les acides sulfurique et phosphorique, qui sont pour-
tant des acides forts, sont souvent moins agressifs qu’on pourrait le penser. Par
contre l’acide chlorhydrique et l’acide nitrique, qui sont tous deux également des
acides forts, sont très agressifs pour les ciments alumineux car la solubilité de
leurs sels est très élevée.
Ce mécanisme de couche protectrice dû à la précipitation de sels est particulière-
ment important en système fermé non évolutif. Dans le cas de milieux régulière-
ment renouvelés ou agités, les phénomènes de dilution et d’érosion mécanique
modifient le comportement du système.
Tableau 14.4 : pK des acides étudiés et solubilités des sels de calcium et d’aluminium.

Valeur des pK Solubilité (g/kg)

pK1 pK2 pK3 Ca Al

Acétique 4,75 – – 3.74 t.p.s


Lactique 3,86 – – 31 t.s

Maléique 1,83 6,07 – 29 –

Oxalique 1,23 4,19 – 0,007 i


Succinique 4,16 5,61 – 1,9 –

Chlorhydrique 0 – – 745 699

Nitrique 0 – – 1211 637

Ortho-phosphorique 2,12 7.21 12,67 – –

Pyrophosphorique 0,85 1,49 5,77 p.s. –

Sulfurique 0 1,92 – 2,4 313


p.s. = peu soluble, t.p.s = très peu soluble, t.s. = très soluble, i = insoluble.
Les solubilités des sels formés permettent d’expliquer la faible agressivité des acides oxalique, suc-
cinique, phosphoriques et même sulfurique, comparativement aux acides lactique, chlorhydrique et
nitrique très dissolvants. La solubilité des sels formés durant l’attaque acide apparaît comme un
paramètre prépondérant dans le déroulement du processus et qui permet de prévoir l’agressivité
d’un acide sur les bétons, particulièrement en ce qui concerne les acides forts. La solubilité du sel
de calcium est la plus importante, puisqu’il s’agit du premier sel formé par la réaction des hydrates
avec l’acide. Le sel d’aluminium se forme uniquement dans une deuxième étape si le pH résiduel
est inférieur à 3,5.

788
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

D’une manière générale, l’élévation de la température accroît la vitesse des réac-


tions chimiques. On doit donc s’attendre à une accélération de l’attaque acide.
C’est effectivement ce qui est expérimentalement constaté, mais dans certains cas
seulement. L’attaque de l’acide sulfurique d’un mortier ISO (1 partie de ciment
pour 2 parties de sable en masse) est plus rapide à 40 °C qu’à 20 °C ; en revanche,
pour l’acide acétique (mais aussi pour l’acide lactique) l’influence de la tempéra-
ture apparaît négligeable, sans qu’une explication claire ne soit encore fournie.
2.7. Optimisation de la durabilité par les granulats
Le caractère neutralisant des granulats est un facteur important lorsque la quantité
d’acide est limitée, c’est-à-dire en système fermé : des essais ont montré que la
perte de masse enregistrée en milieu sulfurique concentré est, dans ce cas, moins
élevée avec des granulats calcaires qu’avec des granulats siliceux.
En système ouvert, avec renouvellement de la solution, l’action des phases qui
contribuent à la neutralisation de l’acide est peu perceptible. En revanche, il est
important, pour le bon comportement de l’ensemble, que les granulats et la pâte
de ciment offrent une résistance comparable vis-à-vis de l’acide. En effet, l’atta-
que de la pâte de ciment, si elle est plus importante que celle des granulats, con-
duit au déchaussement de ces derniers, ce qui accélère le processus de
dégradation. Cet effet est accentué par une éventuelle abrasion mécanique. Le ci-
ment alumineux, même s’il offre dans la plupart des cas une bonne résistance à la
corrosion, peut trouver avantage en cas d’agression très sévère, à être utilisé avec
des granulats particuliers [STU 54, HUG 78]. Alag®, un granulat synthétique de
même composition que Ciment Fondu, a les mêmes caractéristiques chimiques et
minéralogiques que le ciment alumineux et développe de ce fait une liaison ho-
mogène avec la pâte de ciment, ce qui présente un intérêt particulier dans certains
contextes [GEO 83]. La surface du béton offre dans ce cas, une meilleure résis-
tance : l’attaque progresse uniformément suivant un front de corrosion bien régu-
lier et s’en trouve ralentie.
La figure 14.13 illustre la résistance relative de divers mortiers soumis à des cy-
cles d’immersion dans l’acide sulfurique à pH 2. Les photographies (figure 14.14)
présentent les éprouvettes corrodées.

789
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

12
Portland - Sable siliceux

10 Ciment fondu - Sable siliceux

Perte de masse (%)


Ciment fondu - Granulats Alag
8

0
0 10 20 30 40
Nombre d'immersions

Figure 14.13 : résistance relative de divers mortiers soumis à des cycles d’immersion
dans l’acide sulfurique à pH = 2.
À chaque immersion, les prismes 2 × 2 × 10 cm sont plongés dans 250 ml de solution. L’expérience
montre que le béton de Ciment Fondu résiste bien dans plusieurs milieux de forte corrosion acide.
Cette résistance peut être encore renforcée par le choix de granulats alumineux Alag [ESP 96].

Figure 14.14 : éprouvettes après quarante immersions dans l’acide sulfurique.


Les conditions expérimentales sont celles de la figure 14.13. Toutes les éprouvettes, de dimensions
2 × 2 × 16 cm, sont en Ciment Fondu, mais diffèrent par la nature du sable utilisé : sable siliceux pour
le groupe 1, sable Alag pour le groupe 2. Dans chaque groupe, l’éprouvette la plus à gauche qui sert
de témoin a été conservée dans l’eau, les deux autres ont été soumises à quarante immersions dans
une solution d’acide sulfurique de pH égal à 2. Les éprouvettes de Ciment Fondu + sable siliceux sont
peu dégradées compte tenu de la sévérité de l’attaque. Quant aux éprouvettes de Ciment Fondu +
sable alumineux, elles sont presque intactes.

790
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

La porosité est toujours un paramètre essentiel de durabilité. Ce paramètre a été


étudié sur des mortiers ISO de ciment alumineux, hydratés pendant 6 jours à
50 °C, dont on a fait varier le rapport ET/C (ET = eau totale)
Les pertes de masse mesurées après immersion dans une solution d’acide lactique
0,1 N confirment l’influence négative d’une porosité élevée. Ceci, par contre,
n’est plus vrai dans le cas de l’acide sulfurique. La raison en est que les sels de
l’acide sulfurique sont beaucoup moins solubles que ceux de l’acide lactique et
obturent la porosité. Dans ce cas, et en admettant que l’on reste dans une plage de
rapports ET/C courants, la dégradation est pratiquement indépendante de la poro-
sité initiale.
En conclusion préliminaire, l’utilisateur confronté à un problème d’environne-
ment acide peut prévoir le comportement d’un mortier ou d’un béton par l’exa-
men des paramètres décrits précédemment. En l’absence d’informations précises
sur la composition du milieu acide, on peut considérer qu’un béton de ciment alu-
mineux compact, ayant un rapport ET/C inférieur ou égal à 0,35, résistera à une
solution de pH supérieur ou égal à 3,5. Dans ces conditions, l’acide réagit avec les
hydrates avec précipitation d’aluminates de calcium complexes. À ce niveau de
pH, l’alumine hydratée peut être considérée comme inerte.
La connaissance de la concentration de la solution permet d’affiner l’évaluation.
Généralement, la dissolution est très faible, voire inexistante, pour une concentra-
tion de 0,01 N, correspondant par exemple à un pH égal à 2 dans le cas d’un acide
fort. Dans les zones de concentration ou de pH correspondant à une attaque po-
tentielle, c’est la solubilité des sels susceptibles de se former qui déterminera l’in-
tensité de la dégradation à redouter.
Dans la pratique, ces notions sont à nuancer selon que le système est ouvert ou
fermé (solution renouvelée ou non), et selon que les contraintes sont d’ordre chi-
mique uniquement ou combinent plusieurs types d’agression (érosion mécanique,
contraintes thermiques, etc.).

3. RETRAIT, FLUAGE ET MAÎTRISE DE LA FISSURATION


PRÉCOCE DES BÉTONS DE CAC
3.1. Impact de l’hydratation rapide sur le risque de fissuration
Par comparaison avec le ciment Portland, l’hydratation beaucoup plus rapide du
ciment alumineux affecte la cinétique des changements volumiques et le dévelop-
pement des contraintes associées, d’au moins trois façons différentes :
1) par comblement rapide de la porosité et une diminution de l’humidité résiduelle
en raison de la fixation de l’eau par les hydrates ; cela a pour effet une diminution

791
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

rapide du rayon de courbure des ménisques avec augmentation des dépressions


capillaires ;
2) par échauffement plus important du béton favorisant la formation de gradients
thermiques ;
3) par une cinétique de durcissement globalement plus rapide donnant moins de
temps pour la relaxation d’une partie des contraintes par fluage.
En raison de ces cinétiques accélérées, bien que le retrait total du béton de ciment
alumineux soit du même ordre de grandeur que celui observé sur le béton de ci-
ment Portland, l’expérience montre qu’il est préférable d’utiliser des joints de
fractionnement plus rapprochés afin de contrôler efficacement le risque de fissu-
ration.
La cinétique rapide d’hydratation rend également plus délicate la quantification
des changements volumétriques. La figure 14.15 compare les changements volu-
métriques mesurés sur deux séries de prismes d’un même béton, démoulés respec-
tivement 3 heures et 24 heures après la mise en œuvre. Sur les prismes démoulés
à 3 heures, on mesure un gonflement dû à l’échauffement (modéré) du matériau,
puis un retrait d’environ 300 µm durant les premières 24 heures. Toutefois, après
10 mois, la différence entre les deux séries de mesures n’est plus que d’environ
100 µm.

Changement volumétrique mesuré


en fonction du début des mesures
Mesure sur prisme de béton - Conservation à 20 °C - 50 % h.r.
100
Début des mesures 3 h après
0 contact eau-ciment
– 100 Début des mesures 24 h
Retrait (millionième)

après contact eau-ciment


– 200

– 300

– 400

– 500

– 600

– 700

– 800

– 900
0,1 1 10 100 1 000

Temps (jours)
Figure 14.15 : retrait de prismes béton 75 × 100 × 200 mm démoulés 3 h ou 24 h
après gâchage.
Bien que les changements volumétriques soient importants pendant les 24 premières heures, en rai-
son de la progression rapide de l’hydratation, on constate que le retrait à 28 jours est du même ordre
de grandeur pour les deux séries de mesures (entre 500 et 650 µm/m).

792
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

3.2. Impact de la conversion : pas de retrait mais plus de fluage


Lorsque la conversion se produit, les hydrates métastables, moins denses, se dis-
solvent avant de re-précipiter en hydrates stables plus denses. Le phénomène de
conversion implique une réorganisation importante de la matière solide avec aug-
mentation à la fois de la porosité et de l’eau libre (excédentaire lors de la recris-
tallisation du C3AH6). Cette transformation ne s’accompagne pas d’un retrait
mais plutôt d’un gonflement mesurable sur prismes de béton confiné non res-
treints. On ne sait pas si ce gonflement s’explique par une relaxation des contrain-
tes internes ou par une réduction des contraintes dues à l’augmentation de la taille
des pores. Des mesures d’émissions acoustiques pendant la conversion ont mon-
tré qu’il ne se forme pas de microfissure, confirmant l’hypothèse d’une redistri-
bution des contraintes pendant que la matière se réorganise.
Le fluage des bétons de CAC a été peu étudié et on applique généralement les rè-
gles du béton de ciment Portland. Cependant, il semble qu’au moment de la con-
version, une relaxation accrue des contraintes soit possible. La figure 14.16
illustre une série d’essais de fluage où la conversion était provoquée volontaire-
ment par une cure continue à 40 °C. On met en évidence un taux de déformation
fortement accéléré pendant la conversion qui pourrait s’expliquer par l’augmen-
tation du taux de charge effectif, puisque la résistance mécanique diminue. On
peut aussi penser que la dissolution/reprécipitation des hydrates, qui s’accompa-
gne de libération d’eau, permette une redistribution des contraintes du matériau
sous charge. Dans le cas où l’autoéchauffement initial est suffisamment important
(~ 70 °C, cas des sections épaisses), la conversion peut se produire dès les premiè-
res heures d’hydratation. Cela pourrait expliquer qu’en dépit des contraintes
d’origine thermique parfois élevées, le béton de ciment alumineux ne semble pas
particulièrement sensible à la fissuration d’origine thermique.

793
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Rc = 65 MPa après
4,50 90 jours de fluage
Rc = 50 MPa après
21 jours de fluage
4,00 Taux de charge
50 % / 30 MPa

3,50

Taux de charge
3,00 40 % / 24 MPa
Fluage (‰)

2,50 Rc = 60 MPa
à la mise Taux de charge
sous contrainte 30 % / 18 MPa
2,00

1,50
Taux de charge
20 % / 12 MPa
1,00

0,50

0,00
0,1 1 5 8 14 28 56 100 1 000
Durée (jours)

Figure 14.16 : impact de la conversion sur le taux de fluage d’éprouvettes de béton


soumises à 4 taux de charge différents.
Fluage sous charge en compression sur ces cylindres de bétons de CAC à rapport E/C = 0,40. Le
gâchage est effectué à 20 °C. Les cylindres sont confinés dès la conception puis conservés sous char-
ge à 40 °C ce qui conduit à la conversion entre une et deux semaines. On constate une accélération
de la vitesse de déformation durant la conversion.

3.3. Un retrait variable selon la minéralogie du ciment alumineux


Parce que la minéralogie des CAC couvre une large plage de compositions, la na-
ture et la quantité de phases hydrauliques varient. Cela influence le retrait sans
qu’une règle générale n’ait été proposée à ce jour. La figure 14.17 compare le re-
trait au jeune âge de bétons identiques si ce n’est qu’ils ont été gâchés avec deux
ciments d’aluminates de calcium différents contenant respectivement 40 % et
50 % d’alumine. Le retrait est plus faible dans le cas du ciment à 50 % d’alumine,
bien qu’il soit plus riche en CA, la principale phase hydraulique. Ainsi, en plus
des autres paramètres de formulation pouvant influencer l’amplitude du retrait
(rapport E/C, taille de pores, cure, etc.), il convient de prendre aussi en compte la
classe du ciment alumineux utilisé.

794
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

0
Ciment à 40 % d'alumine
– 0,01 Ciment à 50 % d'alumine

– 0,02

Retrait (%) – 0,03

– 0,04

– 0,05

– 0,06

– 0,07
0 20 40 60 80 100
Temps de séchage (jours)

Figure 14.17 : mesure de retrait sur prismes bétons démoulés 3 heures


après le début du durcissement.
De façon générale, le retrait des bétons de CAC est du même ordre de grandeur que celui des bétons
de ciment Portland mais il se manifeste beaucoup plus rapidement ; environ 60 % du retrait long terme
est atteint dès 48 heures.
Bétons dosés à 400 kg/m3, E/C = 0,38, granulats siliceux. La première mesure est faite 2 heures après
le début du durcissement, puis les prismes sont enveloppés dans un film étanche jusqu’à l’échéance
de 24h, puis conservés à 20 °C / 50 % H.R. Dans la même étude, le retrait mesuré sur des primes
compagnons démoulés à 24 heures est environ moitié moindre.

3.4. Cinétique de retrait des bétons de CAC : importance


de la composante thermique dans les dalles et murs épais
La chaleur d’hydratation totale du ciment alumineux est du même ordre de gran-
deur que celle du ciment Portland (∼ 500 kJ/kg) mais l’hydratation étant plus ra-
pide, cette chaleur est dégagée plus rapidement. Ce comportement favorise
l’élévation de température par autoéchauffement dans les éléments de section im-
portante. La figure 14.18 indique les températures enregistrées sur des ouvrages
réels : une dalle sur sol de 80 mm d’épaisseur, une dalle de 200 mm d’épaisseur
et un massif d’appui de section supérieure à 1,2 m. Étant donné l’importance de
la composante thermique pour les sections épaisses, une bonne gestion du risque
de fissuration doit en tenir compte. La modélisation de l’autoéchauffement néces-
site de prendre en considération la modification des hydrates avec la température
[FRY 01].

795
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

100
1,2 m
90

80 Massif 120 cm 1,8 m


Température (°C)
70
7m
60
5m
50
5m
40 Dalle 20 cm
20 cm
30
5m
20 Dalle 8 cm
5m
10 8 cm

0
0 4 8 12 16 20 24

Temps (heures)

Figure 14.18 : exemple du régime thermique en fonction du temps pour des éléments
en béton de ciment alumineux de différentes épaisseurs (mesures in situ).
Bien que la chaleur d’hydratation du CAC soit similaire à celle d’un ciment Portland, son dégagement
est plus précoce en raison de l’hydratation plus rapide, et l’élévation de température en fonction de
l’épaisseur est plus importante. Sur la courbe enregistrée dans le massif de 1,2 m d’épaisseur, le dé-
crochement observé entre 5 et 6 heures indique que la conversion des hydrates a débuté : le ralen-
tissement du flux chaleur est dû à un manque d’eau pour réagir avec l’anhydre, puis le flux accélère
à nouveau car la conversion, induite par la température élevée, libère de l’eau qui permet de repren-
dre l’hydratation de l’anhydre restant, et donc sa dissolution, principale source de chaleur.

4. DURABILITÉ SPÉCIFIQUE DES BÉTONS DE CAC


4.1. Dégradation du béton d’enrobage et corrosion des armatures
4.1.1. Passivation des armatures dans un béton de CAC
La valeur de pH = 11,5 est souvent citée dans la littérature pour la solution inters-
titielle d’un béton de CAC, à comparer à 12,5 pour le ciment Portland. Il s’agit ici
du pH d’équilibre des phases pures. Les valeurs réelles mesurées sur des solutions
extraites de pâtes ou de bétons sont en général supérieures d’un ordre de
grandeur: pH = 12,5 pour le ciment alumineux et pH = 13,5 pour le ciment Port-
land (tableau 14.5).
Bien que plus faible que dans le cas du ciment Portland, le pH du ciment alumi-
neux est cependant suffisant pour assurer la passivation des armatures, ce qui a pu
être montré par des mesures de potentiel de corrosion. Même s’il contient relati-
vement peu d’alcalins (moins de 0,4 %), cela suffit à assurer une réserve alcaline
efficace, dans la mesure où ces alcalins ne sont pas adsorbés par les hydrates de
CAC comme ils peuvent l’être par les C-S-H du ciment Portland.

796
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Tableau 14.5 : composition et pH de la solution interstitielle de pâtes de Ciment Fondu,


d’après les travaux de Hanson [HAN 05] et Macias [MAC 96].

Concentration en mmol/l
pH
Na K Ca Al Si Cl S

Ciment Portland 13,4 121,4 286,4 2,0 0,6 1,2 10,4 6,3

CAC converti 12,8 42,2 46,3 0,1 26,3 0,0 6,2 0,0

CAC converti 12,7 39,1 62,5 0,1 27,3 0,0

CAC non converti 12,7 53,9 94,5 0,2 89,1 0,7 6,0 0,0

CAC non converti 12,6 41,3 75,6 0,2 47,4 0,0

4.1.2. Carbonatation et corrosion


Comme avec le ciment Portland, les hydrates d’aluminates de calcium sont sus-
ceptibles de se carbonater. Mais contrairement au ciment Portland, la carbonata-
tion ne conduit pas systématiquement à une réduction de porosité. Cela dépend en
fait du type d’aluminate de départ (tableau 14.6).
Tableau 14.6 : bilan volumique de la carbonatation des hydrates de CAC.

Carbonatation de CAH10 (non converti) Carbonatation de C3AH6 (converti)

CAH10 + CO2 → CaCO3 + AH3 + 7H 1/3 C3AH6 + CO2 → CaCO3 + 1/3 AH3 + H
Masse (g) 338 100 156 Masse (g) 126 100 52
Volume (cm3) 196 37 22 Volume (cm3) 50 37 22

→ Réduction du volume solide de 48 % → Augmentation du volume solide de 17 %

Une étude menée sur dix ans [DUN 00, DUN 05] a montré que la cinétique de
carbonatation et la corrosion induite des armatures au sein d’un béton de CAC
sont globalement les mêmes que celles qui se produisent dans un béton de ciment
Portland, à rapport E/C identique. Les résultats suivants ont pu être obtenus à par-
tir de cette étude.
Carbonatation : la vitesse de carbonatation d’un béton de CAC est davantage dé-
pendante de l’état de conversion que du rapport E/C (figure 14.19). La carbona-
tation est moins rapide dans un béton de CAC converti que dans un béton non
converti hydraté en CAH10, ceci malgré la porosité et la perméabilité supérieures
du béton converti. Deux éléments permettent de mieux comprendre ce résultat :
d’une part la carbonatation des hydrates non convertis conduit à une augmenta-
tion de porosité du béton, alors que le contraire est observé dans le cas des hydra-
tes convertis (tableau 14.6). Par ailleurs, la plus grande stabilité thermo-

797
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dynamique des hydrates convertis se traduit par une plus faible solubilité et une
moindre disponibilité en ions calcium pour alimenter la formation de calcite.
Corrosion des armatures induite par la carbonatation : une fois le béton carbo-
naté jusqu’à l’armature, la relation entre vitesse de corrosion et humidité relative
est sensiblement la même dans un béton de CAC et un béton de ciment Portland
(figure 14.20). On note, toutefois, que la vitesse de corrosion est plus importante
dans un béton converti par rapport à un béton non converti.
Profondeur de carbonatation (mm)

50

45 Ciment fondu E/C = 0,37 C

40
Carbonatation totale Ciment fondu E/C = 0,55 C
(cube 100 mm)
35 Ciment fondu E/C = 0,37 NC
30
Ciment fondu E/C = 0,55 NC
25
Ciment fondu E/C = 0,8 NC
20
Ciment Portland E/C = 0,49
15

10 Ciment Portland E/C = 0,57

5 Ciment Portland E/C = 0,68


0
0 52 104 156 208 260 312 364 416 468 520
Temps (semaines)

a) Cinétique de carbonatation avec Ciment Fondu non converti (extension « NC », CAH10) et converti
(extension « C », C3AH6+AH3) à différents rapports E/C. Comparaison avec un ciment Portland.
Profondeur de carbonatation à 10 ans (mm)

50
45
40 Carbonatation totale
(cube 100 mm)
35
30
25
20
CAC non converti
15
CAC converti
10
Portland
5
0
0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8
E/C
b) Profondeur de carbonatation à 10 ans en fonction du rapport E/C.
Figure 14.19 : mesure du front de carbonatation dans des cubes de 100 mm conservés
à l’air ambiant à 20 °C et 65 % d’humidité relative pendant 10 ans [DUN 05].
Ces données montrent que la vitesse de carbonatation des bétons de CAC est similaire à celle d’un
béton de ciment Portland.

798
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

1 000
Cure à l'eau, 1 % CO2 Cure à l'eau, 4 % CO2 Cure à l'eau, 10 % CO2
Cure à l'air, 1 % CO2 Cure à l'air, 4 % CO2 Cure à l'air, 10 % CO2

Béton de ciment Portland


100
Vitesse de corrosion (μm/an)

10

Limite de corrosion
1

0,1

0,01
40 50 60 70 80 90 100
Humidité relative (%)

Figure 14.20 : vitesse de corrosion des armatures au sein de bétons de Ciment Fondu
et de ciment Portland complètement carbonatés artificiellement en atmosphère
à 1 %, 4 % et 10 % CO2.
Dosage 400 kg/m3 de Ciment Fondu, rapport E/C = 0,40. Cure Ciment Fondu : « à l’air » = 100 % HR
24 h puis 65 % H.R. 20 °C avant carbonatation/« à l’eau » = 100 % H.R. 24 h puis sous eau à 38 °C
28 jours puis 65 % H.R., 20 °C avant carbonatation [DUN 05]. La vitesse de corrosion d’un béton de
CAC complètement carbonaté est similaire à celle d’un béton de Portland.

Les aluminates de calcium peuvent réagir avec les ions chlorure et conduire à la
formation de monochloroaluminate de calcium 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O.
Certaines études montrent que l’interaction entre une matrice de CAC hydratée et
une solution contenant des chlorures, conduit à la formation d’une peau très dense
et imperméable. Cette peau est principalement formée de monochloroaluminate
et de gel d’alumine. Les conditions de sa formation ne sont pas complètement élu-
cidées. Elle pourrait être due à un comblement de la porosité par le chloroalumi-
nate et le gel d’alumine résultant du processus de dissolution des aluminates...
Une telle observation a déjà été faite par Kurdowsky [KUR 90, KUR 03] sur des
échantillons de pâte pure en contact avec des solutions concentrées de chlorures,
et par Dunster [DUN 97] sur des bétons de structures en contact avec de l’eau de
mer.

799
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Des profils de concentration en chlorure dans des ouvrages maritimes anciens


sont donnés par la figure 14.21 du paragraphe 4.3 traitant de la durabilité à l’eau
de mer.
Les aluminates de calcium ayant la capacité de se combiner chimiquement avec
les ions chlorure en formant du monochloroaluminate, il est probable qu’une
même teneur en chlorures totaux se traduise par un taux de chlorures libres (seuls
responsables de la corrosion) plus faible avec les aluminates de calcium par rap-
port au ciment Portland. Mais il n’a pas été possible de trouver, dans la littérature,
de données suffisamment précises confirmant ou infirmant cette hypothèse.
Une étude récente de Hansson [HAN 05] sur la corrosion d’armatures métalliques
au contact de solutions interstitielles reconstituées a montré que des ajouts incré-
mentaux de chlorures libres dans une solution d’aluminates de calcium conduit à
une augmentation progressive de la vitesse de corrosion dans des proportions si-
milaires à ce qui peut être observé avec une solution interstitielle de ciment Port-
land. Par contre, l’analyse des produits de corrosion [HAN 06] montre quelques
différences quant à leur nature et à leur localisation selon qu’il s’agit de CAC ou
de ciment Portland. Des expériences de corrosion induite par courant anodique
dans des mortiers contenant des chlorures ont montré que les fissures n’apparais-
sent, dans la matrice de CAC, que pour un taux de corrosion plus poussé que dans
une matrice de ciment Portland [AND 01a, AND 01b]. Ceci pourrait être dû à la
formation de produits de corrosion différents. Sachant que la résistance mécani-
que du liant n’était pas supérieure.
4.1.3. Corrosion constatée dans des ouvrages anciens
Les données existantes concernent deux types d’ouvrages : des ouvrages mariti-
mes en contact avec l’eau de mer et des poutres précontraintes dans des immeu-
bles.
Pour les ouvrages maritimes, l’enrobage des armatures était en général supérieur
à 90 mm. Ces armatures ont été jugées en bon état après 70 ans. Les taux de chlo-
rure au niveau des aciers se situaient aux alentours de 0,5 % par rapport au ciment,
sans que l’on connaisse la fraction libre et celle fixée sous forme chloroaluminate.
Concernant les poutres précontraintes, les enrobages utilisés étaient assez faibles,
de l’ordre de 15 mm, et les bétons étaient de mauvaise qualité, avec des rapports
E/C compris entre 0,6 et 0,8. Une étude de Crammond [CRA 93] de 109 poutres
âgées de 20 à 35 ans et réalisée sur 14 ouvrages, a montré que 90 % des poutres
étaient carbonatées jusqu’à l’armature et que 23 % des poutres carbonatées mon-
traient des signes de corrosion des armatures.

800
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

4.2. Durabilité en présence de sulfates


La motivation initiale qui a conduit à l’invention du ciment alumineux en 1908
était la nécessité de disposer d’un ciment résistant mieux que le ciment Portland
aux sulfates. Entre 1916 et 1923, plus de 7000 tonnes de Ciment Fondu ont été
utilisées avec succès sur certains segments de la ligne de chemin de fer Paris-
Lyon-Marseille où les sols sont riches en gypse et en anhydrite. Des essais d’im-
mersion dans des solutions saturées en sulfate de calcium par Touché en 1926
[TOU 26] et par Miller en 1933 [MIL 33] avaient démontré l’intérêt d’utiliser des
CAC pour des ouvrages en contact avec des sulfates.
Des études plus récentes ont montré que le type de sulfate était un paramètre im-
portant dans l’interaction avec les CAC. D’une manière générale on peut classer
l’agressivité des sulfates vis-à-vis des CAC dans l’ordre croissant suivant :
Sulfate de calcium < Sulfate de magnésium < Sulfate de sodium
non agressif faiblement agressif le plus agressif
Avec le ciment Portland, le sulfate de magnésium est plus agressif que le sulfate
de sodium, ce qui suggère des mécanismes de dégradation différents.
Sur le fond, la raison pour laquelle les CAC résisteraient mieux que les ciments
Portland aux sulfates n’est pas claire. Tous les mécanismes précis de détérioration
des ciments Portland par attaques sulfatiques n’ont pas nécessairement été bien
décrits. On sait cependant que la dégradation intervient en général par fissuration
due à l’expansion causée principalement par l’ettringite qui se forme par réaction
des sulfates d’origine interne ou externe avec la matrice cimentaire. De telles
réactions sont possibles avec les CAC dans des conditions particulières, et ont
déjà été observées.
Indépendamment des causes inhérentes à leur composition chimique particulière
(faible basicité et absence de chaux libérée par l’hydratation), la bonne résistance
aux sulfates des CAC est en relation avec la formation d’une couche protectrice à
la surface des bétons comme l’ont montré les études de Crammond [CRA 90] et
de Dunster [DUN 01].
Ces auteurs ont mis en évidence l’existence d’une peau dense contentant des sul-
fates qui semble agir comme une barrière empêchant la pénétration de ces ions.
Les conditions de formation de cette peau que l’on observe également dans le cas
des chlorures, ne sont pas encore bien comprises.
Si la formation d’ettringite et de gypse est possible avec le CAC comme avec le
ciment Portland, les conditions de formation de ces phases peuvent être différen-
tes. Dans le cas des CAC, la formation de ces composés s’accompagne nécessai-

801
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

rement d’une précipitation d’alumine hydratée AH3 qui pourrait combler la


porosité et densifier le béton au fur et à mesure de la pénétration des sulfates :
2C2AH8 + 3SO4 + 19H → C3A.3CaSO4.32H2O + AH3
2C2AH8 + SO4 → 4(CaSO4.2H2O) + 2AH3 + 2H

4.3. Durabilité à l’eau de mer


Une revue extensive de la littérature [LEA 70, BRO 75] conclut à une meilleure
tenue systématique des CAC à l’eau de mer comparativement aux ciments Port-
land avec ou sans ajouts. D’autres études [DUN 97, BRE 98] ; concernant des
ouvrages construits en béton de CAC en contact avec l’eau de mer ont montré une
très bonne durabilité après plus de 70 ans, et ce malgré les rapports E/C relative-
ment élevés de l’époque (> 0,6).
L’ensemble des études sur la durabilité des ouvrages en bétons de CAC exposés
à l’eau de mer pendant plusieurs décennies a mis en évidence l’existence systé-
matique d’une peau très dense et imperméable de 10 à 50 mm d’épaisseur en
surface du béton.
Cette peau possède des teneurs en chlorures et en sulfates assez élevées, teneurs
qui diminuent en allant vers le cœur de l’ouvrage (figure 14.21). Elle est compo-
sée de phases en feuillets de type AFm, monosulfoaluminate ou monochloroalu-
minate, de gel d’alumine et de CAH10. Le même type de peau est observé lors des
études sur l’interaction des CAC avec les sulfates ou les chlorures.

3,5
% Cl– en masse/masse de ciment

Cl– Halifax
3
Cl– Dagenham

2,5 Cl– Montrose

1,5

0,5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)

a) Profil pour le dosage des chlorures.

802
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

2,5

% SO3 en masse/masse de ciment


SO3 Halifax

2 SO3 Dagenham

SO3 Montrose
1,5

0,5

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
Profondeur dans l'ouvrage (mm)

b) Profil pour le dosage des sulfates.


Figure 14.21 : profils de concentration en chlorures et en sulfates au sein de structures
maritimes âgées de plus de 70 ans [DUN 97].
On constate l’existence systématique d’une peau très dense et imperméable de 10 à 50 mm d’épais-
seur en surface du béton avec des teneurs en chlorures et en sulfates assez élevées, teneurs qui di-
minuent en allant vers le cœur de l’ouvrage. Cette peau est composée de phases de type AFm,
monosulfoaluminate ou monochloroaluminate, de gel d’alumine et de CAH10.

4.4.Durabilité face à la corrosion d’origine bactérienne


4.4.1. Mécanisme de corrosion dans les réseaux d’assainissement :
attaque acide d’origine bactérienne
Les réseaux d’assainissement (transport des eaux usées) sont parfois soumis à des
conditions d’exposition très agressives pour le béton. L’effluent n’est pas en lui-
même particulièrement agressif pour le béton excepté par érosion, possible lors-
que les débits sont importants et les eaux chargées en sédiments solides. Par con-
tre, la flore bactérienne qui s’y développe crée un écosystème pouvant être très
agressif pour le béton dans les parties émergées. La figure 14.22 décrit cet éco-
système.
Depuis la découverte de la formation d’acide sulfurique d’origine bactérienne
dans les réseaux d’assainissement par Parker [PAR 45], les recherches sur ce thè-
me ont été nombreuses [THO 78, ROG 93, SCH 87, SCR 99, MON 00]. Il est ain-
si clairement établi que les bactéries sont le moteur de la production d’acide
sulfurique qui reste locale, au voisinage du matériau. Une fois l’acide sulfurique
généré par les bactéries, une attaque acide classique des hydrates d’aluminates de
calcium a lieu telle que décrite dans le paragraphe 2.6.

803
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

PAROIS BÉTON
Bactérie
EFFLUENT TROU D'HOMME aérobique S H
(Thiobacillus) S H2SO
2SO
0
4
4
O2O2
H2SHS
SULFATES
2
DANS EFFLUENT
Bactérie anaréobiques
sulfato-réductrices
H2S
H2S EFFLUENT
H2S DÉGAGEMENT
H2 S
Bactérie aréobiques
Thiobacillus
Ɣ7HPSVGHUpWHQWLRQORQJ GÉNÉRATION
H
H2SS
2 Ɣ7HPSpUDWXUHVpOHYpHV H2SO4
Les turbulences favorisent Ɣ(IIOXHQWULFKHHQVXOIDWHV
le dégagement de H2S Ɣ9HQWLODWLRQIDLEOH
SO4
2– 2- Ɣ7XUEXOHQFH
H SO
HS S 2 ATTAQUE ACIDE
HS 4
-2–
SS2- S MATRICE CIMENTAIRE
CC
Bactérie sulfato-réductrice

Figure 14.22 : mécanisme de génération d’acide sulfurique par les bactéries


dans les réseaux d’assainissement.
L’environnement généré par les bactéries dans les égouts est très agressif pour les bétons. C’est la
partie émergée qui est la plus attaquée avec une corrosion par l’acide sulfurique. Cet acide est généré
in-situ par les bactéries avec un mécanisme en deux temps : (i) dégagement de sulfure d’hydrogène
(H2S) par réduction des sulfates de l’effluent, source d’énergie des bactéries anaérobiques y vivant
(ii) formation d’acide sulfurique (H2SO4) sur les parois émergées par oxydation du H2S par les bacté-
ries aérobiques Thiobacillus.

4.4.2. Tenue des bétons de CAC soumis à la corrosion d’origine


bactérienne : données de laboratoire et études d’ouvrages réels
La chimie de la corrosion bactérienne telle qu’elle se produit dans le contexte des
réseaux d’assainissement est gouvernée par des paramètres qui ne sont pas tou-
jours pris en compte dans les études classiques de laboratoires qui ne font inter-
venir que des acides minéraux. Ces paramètres sont d’ordre biologique, comme
l’interaction bactéries/substrat, et chimique (les réactions en égout se passent dans
des conditions d’humidité et de concentration d’ions qui sont très éloignées de la
chimie des solutions aqueuses). Il convient de prendre en compte l’évolution du
comportement du béton et de la propagation de la corrosion bactérienne lors de
l’abaissement du pH par la flore bactérienne.
Une série d’études de laboratoire a été menée à l’université de Hambourg en utilisant
une chambre permettant de recréer des conditions proches de la réalité du terrain
[SAN 84, EHR 96]. Ces essais permettent de prendre en compte et de quantifier le
rôle important de l’activité bactérienne et de son développement. Les études compa-
ratives menées sur différents matériaux ont mis en évidence des lois de corrosion
différentes pour les ciments Portland et les ciments alumineux (figure 14.23) :
– diminution du pH de surface jusqu’à pH = 1 dans le cas des ciments Portland
usuels ou résistants aux sulfates ;

804
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

– stabilisation du pH à environ 3 dans le cas du matériau à base de ciment alumi-


neux, confirmant une interaction réelle entre le substrat cimentaire et l’activité
des bactéries.
7
Ciment Portland
6 Ciment Portland résistant sulfate
Ciment alumineux
5

4
pH

0
0 100 200 300 400
Temps (jours)

Figure 14.23 : évolution du pH en surface des éprouvettes de mortier


lors d’un test de corrosion biogénique [EHR 99].
Sur un écosystème recréé en laboratoire, on observe que le pH se stabilise aux alentours de 3 pour
les mortiers de ciment alumineux alors qu’il descend jusqu’à 1 avec les mortiers de ciment Portland.

Des observations réalisées sur le terrain dans des ouvrages en services depuis de
nombreuses années viennent confirmer ces données. Par ailleurs l’étude, en con-
ditions réelles de service, d’un mortier combinant ciment alumineux et granulat
alumineux (Alag) a abouti au même résultat, à savoir, une stabilisation du pH à
une valeur voisine de 3 (figure 14.24).

12

10

8
pH

0
0 2 4 6 8 10
Temps de service (année)

Figure 14.24 : évolution du pH mesuré en surface d’un mortier de CAC + Alag


en service en Floride.
Dans ce réseau d’égout de Floride, le pH en surface d’un mortier d’aluminates de calcium a été suivi
au cours des années. On constate que le pH se stabilise aux alentours de 3, alors qu’il peut descen-
dre aussi bas que pH=1 sur des surfaces adjacentes en béton de ciment Portland.

805
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les observations et les mesures réalisées dans un trou d’homme en service depuis
10 ans, et présentant la particularité d’être protégé pour partie par un revêtement
époxy, et pour l’autre partie par un mortier de ciment alumineux + granulats Alag,
ont confirmé des différences de pH en surface du matériau de protection selon de
la nature de celui-ci. Un pH = 4 a été mesuré sur la surface du mortier alumineux,
comparativement au pH = 1 mesuré sur la surface du matériau époxy (fi-
gure 14.25). Ceci vient confirmer l’existence d’une interaction entre le matériau
fait de 100 % de ciment alumineux et l’effluent, conduisant à réduire la chute de
pH en surface de ce matériau.

Mortier ciment alumineux


Époxy
+ granulat Alag
pH = 1 en surface
pH = 4 en surface
de l’epoxy
du Sewpercoat

Figure 14.25 : mesure de pH de surface sur de l’époxy et du mortier alumineux


dans un trou d’homme en service depuis 10 ans.
Le pH en surface des parois de CAC est de 4 alors qu’il est de 1 quelques dizaines de centimètres à
côté au contact d’une paroi recouverte d’époxy. Cette limitation de la baisse du pH dans une plage de
stabilité de l’alumine hydratée (AH3) explique la bonne durabilité des bétons de CAC.

Un site expérimental construit en Afrique du Sud dans les années 90 a permis de


comparer en conditions réelles le comportement de différents types de bétons sou-
mis à des conditions particulièrement agressives [ALE 01, GOY 01]. Ce site avait
été choisi en raison des conditions propices à la corrosion d’origine bactérienne :
effluent chargé, température élevée, faible pente impliquant un temps de rétention
élevé. La dernière inspection après 12 années de service a clairement démontré la
supériorité du ciment alumineux : les parois des conduites en béton de CAC pré-
sentent une corrosion minime tandis que les conduites en béton de ciment Port-
land étaient parfois corrodées sur toute leur épaisseur.
Des observations de terrain ont également été menées, notamment en Australie, en
Malaisie, en Afrique du Sud et en Égypte [DUM 90, BAK 96] sur des réseaux mis
en place respectivement dans les années 1950 et dans les années 1980. Ces mis-
sions d’expertise ont pu mettre en évidence la bonne résistance de structures réali-
sées avec des ciments alumineux, même dans des zones parfois très agressives.

806
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Bien que ce phénomène ne soit pas totalement expliqué, il a été constaté à maintes
reprises dans différents réseaux d’assainissement à travers le monde, et ce depuis
de nombreuses années.
En raison de leur résistance à la corrosion d’origine bactérienne, les aluminates
de calcium ont été employés dans le domaine de l’assainissement depuis le début
de leur commercialisation, soit en tant que revêtements protecteurs de tuyaux mé-
talliques soit dans des travaux de réhabilitation.
La raison de la bonne durabilité des bétons de ciment alumineux vis-à-vis de la
corrosion d’origine bactérienne réside principalement dans leur capacité à limi-
ter l’abaissement du pH, celui-ci se stabilisant aux alentours de pH = 3 à 4, plage
de stabilité de l’alumine hydratée AH3.

4.5. Durabilité aux alcalins


Le béton de ciment Portland est peu affecté par des solutions d’hydroxyde de so-
dium ou de potassium, sauf en cas d’alcali-réaction, où les alcalins sont répartis
dans la masse du béton. Aucun cas d’alcali-réaction dans des bétons de CAC n’a
été rapporté à ce jour. Il est d’ailleurs probable que cette pathologie ne puisse se
développer dans les bétons de CAC du fait de la faible teneur en alcalin de ces
ciments et surtout de l’absence de Ca(OH)2 nécessaire à la réaction de gonfle-
ment.
Par contre, ces bases fortes diminuent en général la résistance mécanique des
mortiers et bétons de ciment alumineux, même s’il n’y a pas de dégradation exté-
rieure visible [ROB 62]. Les carbonates de sodium et potassium ont un effet sem-
blable, croissant avec la concentration. Cependant, des expérimentations ont
montré que cette dégradation reste très faible lorsque le mortier de ciment alumi-
neux est entièrement immergé dans la solution basique.
L’hydrolyse alcaline est une pathologie spécifique des ciments alumineux. Elle
n’a que très rarement été observée dans le cas de bétons de génie civil produits
selon les règles de l’art. Elle se caractérise par un effritement, voire un ramollis-
sement du béton avec formation de tâches brunâtres. Elle a été observée dans des
bétons à forte teneur en alcalin, à rapport E/C très élevé (> 0,70) et complètement
carbonatés.
Le même terme d’hydrolyse alcaline est également utilisé pour désigner un désor-
dre bien connu dans les bétons réfractaires isolants. Il s’agit dans ce cas d’un pe-
lage de surface qui semble être lié à la carbonatation. Les bétons dans lesquels
cette dégradation se manifeste sont extrêmement poreux (rapport E/C > 1) et très
riches en alcalins.

807
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les mécanismes précis mis en jeu n’ont pas à ce jour été clairement identifiés.
Une hypothèse de mécanisme avancé jusqu’à présent est une carbonatation en
présence d’alcalins. Si ce mécanisme est probable dans le cas des bétons réfrac-
taires isolants, il ne semble pas être approprié au cas précédent conduisant à un
ramollissement. En effet, des expériences récentes menées par les auteurs ont
montré qu’il peut y avoir carbonatation en présence d’alcalin sans ramollisse-
ment. De même, il peut y avoir ramollissement sans carbonatation. Le fait que la
carbonatation se soit systématiquement développée dans les pathologies de ter-
rain est probablement une conséquence de la forte porosité des bétons sans qu’il
n’y ait nécessairement un rapport direct avec la pathologie. Quelques résultats ré-
cents suggèrent un rôle possible de certains types de sables. Ce point est actuelle-
ment en cours d’étude.
4.6. Durabilité en ambiance hivernale
D’une façon générale, le béton de ciment alumineux montre une bonne durabilité
au gel autant dans les tests de laboratoire que sur des ouvrages réels.
Le tableau 14.7 présente des résultats de tenue au gel de bétons de ciment d’alu-
minates de calcium soumis en laboratoire aux essais de gel-dégel rapide (ASTM
C666) et de résistance à l’écaillage en présence de sels fondants (ASTM C672).
L’ensemble des résultats est satisfaisant, les modules d’élasticité dynamiques re-
latifs demeurant tous supérieurs à 100 % après 300 cycles de gel-dégel. Les bé-
tons ayant été testés « avant » et « après » conversion (la conversion a été
accélérée par un traitement thermique), il est possible de conclure que la tenue au
gel n’est pas dégradée par l’évolution des hydrates.
Tableau 14.7 : exemple de résultats d’essais de cycles de gel-dégel et d’écaillage
en présence de sels de déverglaçage.

Teneur ASTM C666 ASTM C672


Liant E/L en air Conversion Module d’élasticité dynamique Cote visuelle d’écaillage
(%) relatif (%) après 300 cycles après 50 cycles

Avant 104,6 % 0
2,7 %
Après 101,6 % 2
100 % CAC 0,40
Avant 117,2 % 0
4,5 %
Après 104,8 % 0

808
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Avant 104,1 % 1
2,5 %
Après 104,6 % 3
70 % CAC
0,40
30 % Laitier
Avant 104,9 % 1
6,0 %
Après 122,0 % 1

Interprétation des résultats :


– le module d’élasticité dynamique relatif correspond au rapport entre la valeur initiale et la valeur
après 300 cycles. Le test est stoppé si la valeur mesurée devient inférieure à 60 % ;
– la cote visuelle d’écaillage exprime la sévérité de l’écaillage ; elle varie entre 0 « pas d’écail-
lage » et 5 « écaillage sévère ».

La figure 14.26 montre l’évolution de la masse de débris d’écaillage pour un bé-


ton de ciment d’aluminates de calcium dosé à 400 kg/m3, de rapport E/C = 0,40,
avant et après conversion, et exposé à 4 sels fondants différents selon la procédure
ASTM C672. L’utilisation de glycol et d’urée visait à évaluer la tenue potentielle
des bétons rapides utilisés pour la réparation des dalles d’aéroport où l’utilisation
de chlorure est interdite. Selon les maîtres d’ouvrage, le critère d’acceptation va-
rie entre 0,50 et 1,00 kg de particules écaillées par mètre carré de surface, après
50 cycles ; la figure 14-26 montre que les valeurs mesurées sont toutes inférieures
à ces seuils.

0,5
NaCl avant conversion NaCl après conversion
Masse des débris d'écaillage (kg/m2)

CaCl avant conversion CaCl après conversion


0,4
Urée avant conversion Urée après conversion
Glycol avant conversion Glycol après conversion
0,3

0,2

0,1

0
0 10 20 30 40 50 60
Nombre de cycle gel-dégel

Figure 14.26 : masse des débris d’écaillage en fonction du nombre de cycle de gel-dégel
pour un béton de ciment alumineux exposé à 4 sels fondants différents
(procédure ASTM C672).
Bétons dosés à 400 kg/m3 de Ciment Fondu ; E/C = 0,40. Sachant que le critère d’acceptation varie
entre 0,50 et 1 kg/m2 après 50 cycles de gel-dégel, les 8 séries d’éprouvettes illustrées ici montrent
un écaillage très limité. Les bétons convertis ne montrent pas plus d’écaillage que les bétons non-
convertis.

809
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans le port d’Halifax, au Canada, certains quais ont été construits en Ciment
Fondu dans les années trente. Ces segments de quai sont exposés à l’eau de mer,
à l’action des marées et à environ 100 cycles de gel-dégel par année. Un diagnos-
tic fait en 1992, après environ de 60 ans d’exposition, a conclu à une bonne dura-
bilité [DUN 97].
Les essais de laboratoire, indiquent une bonne tenue à l’action du gel malgré des
facteurs d’espacement des bulles d’air aussi élevés que 600 µm, alors que dans le
cas des bétons de ciment Portland l’espacement moyen recommandé pour une
bonne résistance à l’écaillage est de l’ordre de 250 µm.
Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour déterminer si la distri-
bution spécifique de la porosité de la pâte de ciment alumineux réduit les con-
traintes développées lors du gel, ou encore si la fixation des chlorures dans la
phase chloroaluminate participe à cette bonne tenue. En l’absence de réponses
claires à ces questions, il est recommandé d’utiliser un adjuvant entraîneur d’air
pour les bétons devant être exposés à des conditions de gel sévère.
4.7. Durabilité face aux agressions thermiques
Les bétons de ciments alumineux sont particulièrement adaptés aux industries où
l’on est confronté à des températures élevées, de cycles thermiques répétés et/ou
à de chocs thermiques violents. La bonne tenue aux cycles thermiques et hydri-
ques s’explique en particulier par l’absence de portlandite Ca(OH)2, présente
dans la pâte hydratée de ciment Portland.
Suivant leur nature, les hydrates des bétons de CAC (CAH10, C2AH8, C3AH6) et
de ciments Portland (essentiellement C-S-H et Ca(OH)2) se décomposent et per-
dent leur eau de cristallisation à des températures comprises entre 200 °C et
500 °C. Dans le cas d’un feu violent, la pression de vapeur ainsi générée peut
d’ailleurs conduire à l’éclatement du béton. Après refroidissement, la reprise
d’humidité par le béton, peut permettre la réhydratation des composés déshydra-
tés. Dans le cas des ciments Portland, la décomposition de la portlandite Ca(OH)2
vers 450 °C, conduit à la formation de chaux CaO. La réhydratation de la chaux
conduit à la cristallisation de chaux hydratée accompagnée d’un gonflement qui
peut provoquer l’éclatement de la pâte de ciment. Ainsi, les bétons de ciment
Portland peuvent offrir une bonne tenue au feu, mais en raison de la présence de
portlandite, ils ne supportent pas les cycles thermiques et hydriques répétés. La
bonne tenue aux cycles thermiques des bétons de ciment alumineux est illustrée
par la figure 14.27 qui compare l’évolution de la résistance à la compression de
cylindres de différents bétons soumis à des cycles thermiques entre 25 °C/90 %
d’humidité relative et 500 °C.

810
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

60
Ciment fondu + granulats Alag

Résistance à la compression (MPa)


Ciment fondu + Traprock
50 OPC + Traprock

OPC + sable + gravier


40

30

20

10

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Nombre de cycles thermiques (25 °C-500 °C)

Figure 14.27 – évolution de la résistance à la compression de bétons


exposés à des cycles thermiques et hydriques.
Après mûrissement, les bétons sont séchés à 110 °C, puis chauffés jusqu’à 500 °C et ensuite refroidis
lentement jusqu’à 20 °C – 90 % H.R. L’absence de portlandite dans les bétons de CAC explique qu’ils
résistent à de nombreux cycles thermiques, pour autant que les granulats soient également capables
de résister à ces changements.

La nature des granulats détermine la température maximale supportable par un


béton de ciment alumineux. Le quartz subit un changement de phase accompagné
d’un gonflement de 0,85 % et de l’éclatement du matériau à 574 °C ; les granulats
calcaires se décarbonatent autour de 800 °C alors que certains granulats de roches
métamorphiques acceptent des températures supérieures. Le granulat synthétique
Alag est souvent utilisé en combinaison avec le ciment alumineux dans le cas de
températures élevées pouvant aller jusqu’à 1100 °C. Parce qu’il est obtenu en
concassant du clinker d’aluminates de calcium, le granulat Alag a une grande af-
finité pour la pâte de ciment alumineux, notamment en termes de coefficient de
dilatation thermique, spécialement après déshydratation. Cette compatibilité par-
ticipe à la bonne durabilité observée en conditions industrielles comme dans le
cas, par exemple, des dallages de verrerie, des aires de dépotage de crasses de fon-
derie, des planchers autour de hauts fourneaux, des quais à coke sur lesquels le
coke est déchargé directement du four et repris par chargeuse. Les aires destinées
à l’entraînement des pompiers, qui sont également soumises à des chocs thermi-
ques répétés, bénéficient de la bonne durabilité du béton de ciment alumineux ex-
posé aux conditions des incendies.
Les chocs cryogéniques sont une autre forme d’agression thermique. L’expérien-
ce montre que les bétons combinant ciment alumineux et granulats Alag résistent
bien aux chocs thermiques résultant du déversement de gaz liquides (– 180 °C).

811
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

4.8. Durabilité face aux agressions mécaniques :


choc, abrasion, érosion
Certaines zones d’ouvrages sont fortement mises à l’épreuve par des passages ré-
pétés d’engins ou par l’écoulement d’eau chargée en particules abrasives. C’est
pourquoi, il est courant d’utiliser des bétons de ciment alumineux dans les sols in-
dustriels sollicités, tels que les aires de manœuvre d’engins de levage, de camions
ou d’avions, car l’expérience montre que ces bétons possèdent une résistance à
l’abrasion supérieure à celle des bétons de ciment Portland :
– d’une part, en raison de la dureté nettement plus élevée du ciment alumineux
comparée à celle du ciment Portland, dureté qui se traduit par une résistance à
l’usure nettement supérieure, à granulats identiques ;
– d’autre part, en raison de l’excellente affinité chimique pâte-granulat dans les
bétons où le ciment alumineux est combiné aux granulats synthétiques Alag,
affinité qui se traduit par une résistance nettement améliorée, notamment la
résistance aux chocs.
Le tableau 14.8 compare la résistance à l’abrasion mécanique de bétons de CAC
et de ciment Portland (ASTM C779, meule rotative) et à l’usure par érosion (essai
type CNR, jet d’eau sous 10 MPa de pression chargée de sable siliceux). Le test
à la meule rotative est normalement contrôlé par la dureté des granulats. Les mê-
mes granulats naturels ayant été utilisés dans les formules 1 et 2, la différence ob-
servée entre les deux types de béton s’explique par la plus grande dureté de la pâte
de ciment alumineux. Le test d’érosion donne une autre vision du matériau puis-
que c’est la phase la plus faible qui est attaquée par le fluide turbulent. On constate
également ici que le liant alumineux améliore la résistance à l’usure.
Tableau 14.8 : comparaison de la résistance à l’abrasion de trois bétons
par deux méthodes différentes*.

ASTM C779 Érosion type CNR


Formules bétons comparées Temps requis pour profondeur Index cm3 érodés Index
d’usure de 6,35 mm (min) relatif par 100 cm2 de surface relatif

Béton OPC + granulats naturels 4,8 100 % 11,0 100 %


Béton CAC + granulats naturels 9,3 196 % 7,3 150 %
Béton CAC + granulats Alag 16,3 342 % 4,8 231 %

* Les trois formules ont été testées au cours du même programme d’essai avec le même appa-
reillage.

Dans les conditions d’usure les plus sévères, l’utilisation de granulats Alag permet
d’obtenir des résistances à l’usure fortement majorées. Avec un béton de Ciment
Fondu + Alag, l’essai AFNOR P 61-302 d’usure au sable a donné un indice de ré-

812
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

sistance de 34,2 après 200 tours (au lieu de 75 tours dans la norme). L’essai ASTM
C704 donne de même une abrasion de 5,4 cm3, résultat considéré comme excellent.
Les bétons de ciment alumineux sont aussi utilisés dans les ouvrages hydrauliques
tels que les déversoirs, les vannes de purge, les égouts, dans lesquels l’effluent est
chargé en matière solide. L’utilisation de béton de Ciment Fondu + Alag pour la
réalisation en 1989 d’un radier anti-usure sur le barrage EDF de Saint-Egrève,
constitue un bon exemple : les sables et les cailloux charriés par le fleuve arrivent
sur cet ouvrage à une vitesse de un à quatre mètres par seconde. Une étude d’éro-
sion réalisée par la Compagnie nationale du Rhône a donné un indice de 0,5 pour
le béton de Ciment Fondu + Alag à comparer aux valeurs de 4 à 8 mesurées sur
béton courant (indice de référence = 1 pour le verre). Un essai de résistance à la
cavitation réalisé au CERG de Grenoble en 1999 avait mis également en évidence
la meilleure tenue du béton combinant Ciment Fondu et Alag. Un inventaire fait
en 2001 montrait plus d’une centaine d’ouvrages hydrauliques, en France et à
l’étranger, étaient revêtus de ce type de béton dans les zones où l’usure est la plus
intense.
La résistance aux chocs est une autre propriété spécifique où les bétons de CAC.
On utilise cette propriété, par exemple, dans les ouvrages torrentiels en montagne,
souvent soumis à d’importants charriages de graviers et de blocs rocheux. Les
puits de chute de minerai dans les mines sont un autre exemple d’application : les
blocs de minerai sont déversés dans des boyaux à forte pente que l’on doit recou-
vrir de béton pour en éviter l’usure prématurée. Ce béton de protection est soumis
continuellement aux impacts des blocs et à l’usure par abrasion.
Au-delà des différents tests de laboratoire, ce sont les nombreuses applications
en conditions réelles qui démontrent le mieux la très grande de résistance à
l’abrasion, à l’érosion et aux chocs des bétons de CAC. Afin d’éviter des répara-
tions répétées, on les utilise pour protéger des infrastructures industrielles, des
ouvrages hydrauliques, des puits de chute de minerai, des aires de brûlage, etc.
Afin de comparer les performances relatives de différentes formules de béton
dans ces conditions extrêmes, une version modifiée du test SABS 541 a été déve-
loppée en Afrique du Sud [VAN 04]. Quatre plaques de béton de 300 mm de coté
sont fixées sur les ouvertures d’une boite rotative chargée avec des boulets d’acier
de 40 mm de diamètre. L’appareil est mis en rotation (60 tr/min). La perte de vo-
lume des plaques après 24 et 48 heures est mesurée. La figure 14.28 illustre les
résultats obtenus dans le cadre d’un important programme comparatif réalisé en
2002. Sur les 41 formules testées, 13 ont résisté 48 heures : les 6 formules à base
de ciment alumineux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de bé-
ton de ciment Portland. Les résultats détaillés de cette étude mettent en évidence
qu’à résistance en compression égale, la résistance au choc des bétons de CAC,

813
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

mesurée par ce test sur une plage de résistances comprise entre 60 et 110 MPa, est
supérieure. Les retours d’expérience montrent la bonne tenue des bétons d’alumi-
nates utilisés pour protéger les puits de chute de minerais, à l’exemple du puits
n° 5 de la mine Free State Gedult (Welkom, Afrique du Sud) qui était toujours en
service après avoir conduit 25 millions de tonnes de minerai.

1332
1319
1 400

1268
Formules

1203
comparables
Volume perdu par abrasion (cm3)

1 200

1049
1039
950
1 000

838

796
770
753
740

724
800
709

700
653
647

631
546

600
469

441
436
413
370
339

400
236

CAC OPC
200
CAC OPC
0
24 h 48 h
Figure 14.28 : volume de béton érodé après 24 et 48 heures d’abrasion
pour 13 formules de bétons.
Version modifiée du test SABS 541 : des plaques de bétons sont fixés sur les 4 côtés d’une « boîte
rotative » contenant des boulets d’acier ; le volume perdu par abrasion est mesuré après 24 h et 48 h
de rotation à 60 tr/min. Étant donné la sévérité du test, les plaques sont parfois détruites en cours d’es-
sai.
Pour cette étude, 41 formules ont été testées en variant notamment le type de liant (CAC vs OPC), le
type de granulats, le rapport E/C, le type et la quantité de fibres. Seulement 13 séries d’éprouvettes
ont résisté à 48 heures d’abrasion avec la méthode utilisée. Les six formules à base de ciment alumi-
neux ont montré une usure moindre que 7 formules à base de béton de ciment Portland.

5. CONCEPTION DE BÉTONS ALUMINEUX DURABLES


5.1. Contexte normatif européen : norme EN 14647
La norme EN 14647, ratifiée en octobre 2005, concerne les ciments d’aluminates
de calcium contenant entre 35 % et 58 % d’alumine et utilisés pour la confection
de bétons ou de mortiers pour la construction. Lors de son entrée en vigueur dé-
finitive, en juillet 2007, cette norme européenne a remplacé les normes française
NF P-315 et britannique BS 915 Partie 2 (qui couvraient uniquement le ciment
alumineux à 40 % d’alumine).

814
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Les CAC destinés aux produits formulés en usine (mortiers prêts à l’emploi) ne
sont pas couverts par la norme EN 14647, de même que les ciments à haute teneur
en alumine destinés aux applications réfractaires, chacun de ces domaines possé-
dant ses propres référentiels normatifs.
Le tableau 14.9 résume les exigences de la norme EN 14647 pour les ciments alu-
mineux.
Tableau 14.9 : exigences physiques et chimiques de la norme EN 14647.

Propriétés Méthode normalisée Exigence

Paramètres physiques

Temps de prise EN-196-1 ≥ 90 minutes

Résistance à la compression à 6 heures EN-196-1 ≥ 18,0 MPa

Résistance à la compression à 24 heures EN-196-1 ≥ 40,0 MPa

Paramètres chimiques

Teneur en alumine (Al2O3) EN 196-2 35 % ≤ Al2O3 ≤ 58 %

Teneur en sulfure (S2–) EN 196-2 ≤ 0,10 %

Teneur en chlorures EN 196-2 ≤ 0,10 %

Teneur en alcalins EN 196-2 ≤ 0,4 %

Teneur en sulfates (SO3) EN 196-2 ≤ 0,5 %

Comme il s’agit d’un ciment spécial, un guide d’utilisation du ciment alumineux


dans les mortiers et bétons a été adjoint à la norme sous la forme d’une annexe
informative (annexe A). Cette annexe rappelle les spécificités du ciment d’alumi-
nates de calcium, dont notamment le phénomène de conversion, et passe en revue
les différentes applications pouvant en bénéficier : résistance aux attaques chimi-
ques, résistance à l’usure, durcissement rapide, bétonnage par temps froid, etc.
À propos de la durabilité des bétons d’aluminates de calcium, l’annexe A de la
norme européenne rappelle l’importance de vérifier l’adéquation à l’usage (fit
for purpose). Ainsi, au-delà des règles de formulation recommandées (teneur en
ciment minimale de 400 kg/m3, rapport eau totale/ciment ≤ 0,4), la performance
observée en conditions réelles d’utilisation demeure une source d’information
incontournable pour le concepteur.

815
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5.2. Des règles d’utilisation proches de celles des bétons de ciment


Portland
Bien évidemment, la résistance chimique élevée des ciments alumineux permettra
d’édifier des ouvrages durables dans un environnement chimiquement agressif si
les bétons sont réalisés selon les règles de l’art et avec des granulats appropriés.
D’une manière générale, les techniques habituellement utilisées pour la mise en
œuvre des bétons de ciment Portland sont applicables aux bétons de ciment alu-
mineux. On ne citera donc, ci-après, que des règles spécifiques à respecter tout
particulièrement.
La propreté est un facteur primordial pendant la mise en œuvre : tout contact avec
des traces de béton d’autre nature ou de chaux doit être soigneusement évité, sous
risque de prise accélérée. Les matériels seront donc propres et débarrassés de tou-
te trace de béton frais ou durci. Le silo de ciment sera complètement vidé et net-
toyé avant introduction du ciment alumineux.
Depuis la fin des années soixante-dix, un dosage en ciment minimal de 400 kg/m3
a été recommandé pour permettre d’obtenir une ouvrabilité suffisante avec un rap-
port Etotale/C maximal de 0,4, mais aussi pour assurer une résistance mécanique –
après conversion – suffisante dans la majorité des applications. Toutefois,
l’annexe A de la norme européenne EN 14647 rappelle que la formulation du béton
doit être établie en fonction des exigences de résistance mécanique et de durabilité
de l’ouvrage à construire ; une formulation unique ne saurait répondre aux exigen-
ces de tous les cas de figure.
Les différentes études de durabilité à long terme menées dans les années soixante,
soixante-dix et quatre-vingt expriment les formulations en Eau totale plutôt qu’en
Eau efficace. Ainsi, la recommandation historique d’une valeur maximale de Eto-
tale/Ciment de 0,4 correspond, selon la porosité des granulats utilisés, à des rap-
ports Eefficace/Ciment de l’ordre de 0,33 à 0,38.
Le dosage optimal en ciment alumineux dépend de la nature des granulats, de leur
granulométrie et de leur dimension maximale, du rapport ET/C et de l’ouvrabilité
recherchée. Des valeurs entre 400 et 550 kg/m3 sont courantes avec les bétons de
ciment alumineux.
La maniabilité ne doit être améliorée qu’en augmentant le dosage en ciment, ou à
l’aide d’adjuvants plastifiants ou superplastifiants – en respectant le rapport ET/C
– mais en aucun cas en ajoutant de l’eau seulement.
L’eau de gâchage doit être propre et conforme à la norme en vigueur applicable
au gâchage des bétons. L’eau recyclée des centrales à béton ne doit pas être utili-
sée car sa forte teneur en chaux pourrait provoquer la prise en quelques minutes.

816
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

L’eau de mer provoque des retards de prise et ne doit pas être utilisée pour les bé-
tons de structure.
5.3. Un choix de granulats mettant en valeur les propriétés
des ciments alumineux
Le choix des granulats est évidemment important. D’une manière générale, on
proscrira les granulats susceptibles de libérer des alcalins comme, par exemple,
les granites altérés, les roches contenant des éléments schisteux, micacés, felds-
pathiques et les granulats de laitier.
La nature des granulats sera choisie en fonction des propriétés finales recherchées
pour le béton ou le mortier. Ainsi, les granulats calcaires durs seront les plus ap-
propriés pour répondre à des critères de résistance mécanique traditionnelle. Ce-
pendant, on utilisera plutôt des granulats de dureté supérieure tels que le basalte
ou, mieux, Alag ou le corindon pour garantir une bonne durabilité des bétons dans
des conditions d’abrasion exceptionnelles. Dans le cas d’environnements déve-
loppant des contraintes différentielles importantes (chocs thermiques, impacts,
poinçonnement, etc.), on privilégiera Alag, car il permet une meilleure liaison
chimique pâte/granulat et confère au béton une grande homogénéité de compor-
tement mécanique, thermique et chimique.
La courbe granulaire optimale des granulats utilisés dépend essentiellement du
mode de mise en place utilisé. D’une manière générale, la présence de fines infé-
rieures à 0,160 mm est très préjudiciable aux résistances mécaniques; on utilisera
par conséquent des sables lavés pour les bétons de structure
5.4. Une mise en œuvre usuelle prenant en compte les flux thermiques
Les règles de mise en œuvre sont celles des bétons conventionnels. Comme pour
tous les bétons, il est essentiel d’assurer pour les bétons de ciment alumineux une
bonne compacité. Etant donné l’ouvrabilité modérée et le caractère thixotropique
des bétons de ciment alumineux en l’absence de superplastifiant, il est nécessaire
d’utiliser les moyens de serrage mécaniques (aiguilles vibrantes ou coffrage vi-
brant).
La cure demande une attention particulière en raison de l’autoéchauffement plus
important du béton de CAC, spécialement pour les sections supérieures à
100 mm. D’une part, on doit utiliser des moyens appropriés pour éviter la dessic-
cation précoce du béton en surface. D’autre part, on ne doit pas favoriser le diffé-
rentiel thermique entre la peau et le cœur du béton, ce qui augmente le risque de
fissuration d’origine thermique. Une méthode de cure contraignante utilisée dans
le passé consistait à retirer les coffrages non porteurs dès l’échauffement du béton
(environ quatre heures après le bétonnage) et d’arroser en permanence pendant au

817
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

moins vingt-quatre heures. Cet arrosage ne visait pas tant à refroidir l’ouvrage
dans sa masse qu’à maintenir une humidité permanente en surface. L’utilisation
de produit de cure (pour autant qu’il demeure efficace malgré l’auto-échauffe-
ment) ou la couverture avec des bâches plastique étanches élimine avantageuse-
ment les contraintes liées à la cure par arrosage.
Pour le bétonnage par temps froid, les ciments alumineux, en raison de leur exo-
thermicité précoce et rapide, offrent des possibilités de bétonnage supérieures à
celles des ciments Portland. Il est possible, en effet, de les mettre en œuvre jus-
qu’à – 10 °C. Toutefois, pour garantir au béton une qualité indispensable à sa bon-
ne durabilité, il est important de ne pas utiliser de granulats gelés, de gâcher à
l’eau tiède (voire chaude), et de protéger le béton pour qu’il ne gèle pas durant les
quatre à cinq premières heures qui suivent la fin de la mise en place, le temps que
l’hydratation débute.
Pour le bétonnage par temps chaud, on doit éviter une température élevée du bé-
ton plastique non seulement pour maintenir une ouvrabilité et une durée pratique
d’utilisation correctes, mais aussi pour minimiser les impacts d’un autoéchauffe-
ment trop important. On appliquera les précautions nécessaires pour réduire la
température du béton : ne pas stocker au soleil les constituants du béton, arroser
les granulats, utiliser une eau de gâchage la plus froide possible, etc. L’utilisation
d’un retardateur est toujours souhaitable (voir titre suivant). L’anomalie de temps
de prise, phénomène spécifique des ciments alumineux observé entre 26° et 30°,
induit à la fois une perte d’ouvrabilité du béton plastique et un retard de prise de
quelques heures. Cette anomalie ne doit jamais être corrigée par un ajout d’eau
mais plutôt en prenant des mesures assurant une température du béton frais infé-
rieure à 25 °C (eau froide ou ajout de glace, granulats à l’abri du soleil, etc.)
5.5. Une adjuvantation simple… mais spécifique
Le choix des adjuvants doit permettre de répondre aux contraintes de mise en pla-
ce en termes de délais, de fluidité, etc., et de garantir, malgré ces contraintes, l’ob-
tention d’un produit final de bonne qualité en termes de structure et de résistances
mécaniques et chimiques. En première approche, on retiendra que les adjuvants
usuels du ciment Portland sont peu ou pas efficaces avec le ciment alumineux.
Les plastifiants les plus efficaces des ciments alumineux sont aussi des retardateurs;
il s’agit essentiellement de produits en poudre utilisés par les manufacturiers de mor-
tiers en sac : les acides, les citrates, les tartrates, les complexants tels que les sels
d’EDTA, les tripolyphosphates, l’hexamétaphosphate de sodium, le carbonate et le
bicarbonate de sodium. Ces produits agissent principalement comme complexants du
calcium, leurs effets respectifs sur la rhéologie des bétons sont légèrement différents,
mais très efficaces et peuvent être optimisés par mélange.

818
La durabilité des bétons d’aluminates de calcium

Les superplastifiants des ciments Portland de type lignosulphonate, mélamine ou


naphtalène sont peu efficaces avec le ciment alumineux. Par contre, les molécules
récentes de type polycarboxylates ont un puissant effet de fluidification, rendant
possible la production de bétons très maniables, voire fluides. La durée de cet ef-
fet fluidifiant varie – selon le ciment alumineux utilisé – entre 15 et 90 minutes.
Les retardateurs simples apportent parfois aussi un faible effet fluidifiant : il
s’agit des sucres (glucose, saccharose), des polysaccharides (amidon, cellulose).
L’accélérateur le plus fréquemment utilisé est le carbonate de lithium, avec le-
quel il est possible d’obtenir un réglage très précis de la prise et du durcissement,
pour autant qu’il soit uniformément dispersé dans la masse du béton.
Il n’y a pas de contre-indication à l’usage des entraîneurs d’air avec le ciment alu-
mineux. Mais il est recommandé de vérifier si le produit utilisé n’entraîne pas une
modification des vitesses de prise et de durcissement incompatible avec l’appli-
cation considérée.

6. CONCLUSION
Le ciment alumineux a été conçu depuis son origine pour présenter une excellente
résistance aux agressions extérieures. L’usage a montré qu’il accroît la durabilité
des bétons et mortiers dans des environnements réputés difficiles tels que les sols
chargés en sulfates, les milieux marins, les réseaux d’assainissement ou les sites
industriels.
Ces milieux présentent rarement un seul facteur agressif, chimique ou mécanique,
et rassemblent un ensemble de contraintes aussi diverses que corrosion chimique,
érosion, poinçonnements et impacts, compression et flexion, chocs thermiques
d’intensité variable dans le temps et souvent mal déterminées, ce qui les rend
complexes à étudier. De nombreuses études de laboratoire ont permis d’appréhen-
der les mécanismes mis en jeu lors de ces agressions et, par là même, de mieux
répondre pour chaque cas aux attentes de durabilité, par un choix approprié des
granulats et par une attention particulière portée aux conditions de mise en place.
Le phénomène de conversion doit en particulier être pris en compte dès la con-
ception des ouvrages en vérifiant que les propriétés du béton après conversion
sont en adéquation avec les propriétés attendues.
Le ciment alumineux est un ciment spécial dont les propriétés de durabilité spé-
cifiques peuvent être avantageusement valorisées dans certaines applications
exigeantes. Cette bonne durabilité en milieux agressifs est confirmée depuis de
nombreuses années par l’expérience pratique.
Souvent, le ciment alumineux, sans être nécessairement la solution la mieux adap-
tée pour un type d’environnement ou de contrainte considéré individuellement,

819
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

constitue une solution durable parce qu’il présente une grande résistance vis-à-vis
de la plupart des agressions mécaniques et physico-chimiques qui sont souvent
présentes simultanément dans les environnements agressifs. Cette résistance par-
ticulière est confirmée depuis de nombreuses années par l’expérience pratique.
Le développement durable devient aujourd’hui une approche incontournable
d’évaluation des choix des méthodes et des matériaux de construction. La capaci-
té des bétons d’aluminates de calcium à protéger les ouvrages et à en augmenter
la longévité est une option à la disposition des concepteurs pour améliorer le bilan
global de la construction à réaliser. Ainsi, une plus longue tenue à l’usure, une
bien meilleure résistance à la corrosion bactériogénique ou encore le piégeage ef-
ficace d’ions toxiques autrement libérés dans l’environnement sont autant de
moyens d’augmenter la durabilité des ouvrages.

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