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CHAPITRE 4

La stabilité chimique des hydrates


et le transport réactif dans les bétons

D. DAMIDOT, P. LE BESCOP

Résumé
La stabilité chimique des hydrates est fonction des conditions dans lesquels ils se
trouvent. Elle peut être évaluée à partir d’une approche thermodynamique qui
permet de connaître les états d’équilibre à partir de l’analyse de la solubilité des
phases solides dans l’environnement considéré. L’aspect cinétique de la stabilité
ou de la transformation des hydrates dans le béton est principalement estimé à
travers une approche de transport réactif qui met en jeu les lois classiques de
transport de masse. Généralement, seul un gradient de concentration est pré-
sent, et donc les lois de Fick gouvernent la cinétique de la dégradation, et l’épais-
seur de béton dégradée évolue en fonction de la racine du temps. Les approches
thermodynamiques et les aspects cinétiques sont présentés dans deux cas : l’at-
taque par l’eau pure et l’attaque sulfatique externe. Ces exemples illustrent les
possibilités offertes par la modélisation pour décrire les dégradations du béton
par des attaques chimiques.
Mots-clés
STABILITÉ CHIMIQUE, SOLUBILITÉ, ÉQUILIBRE, DIFFUSION, LIXIVIATION, DIAGRAMMES DE
PHASES, TRANSPORT DE MASSE, LOIS DE FICK, CARBONATATION, EAU DE MER, ATTA-
QUE SULFATIQUE

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LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1. INTRODUCTION
Les lois qui gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des pha-
ses anhydres au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même ma-
nière l’évolution des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un
milieu dans lequel des phases moins solubles sont susceptibles d’exister. Dans le
premier cas, les réactions entre des grains en suspension dans une phase aqueuse
conduisent rapidement à la transformation partielle du produit de départ en phases
hydratées et à la formation d’un solide de microstructure complexe. Ces réactions
sont alors cinétiquement limitées par des phénomènes de diffusion. Dans le se-
cond cas, c’est-à-dire l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un envi-
ronnement extérieur, c’est à travers la surface externe, la surface développée par
les pores capillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui
constituent le solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette
interaction sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée.
Il convient en effet de rappeler qu’un matériau cimentaire a un pH très basique et
donc bien différent de son environnement qui sera le plus souvent de pH neutre
ou acide. L’exemple le plus simple concerne la carbonatation : le gaz carbonique
se dissout dans la solution interstitielle basique contenue dans les pores au contact
de l’atmosphère en donnant des ions carbonate. Ceux-ci précipitent avec les ions
calcium sous forme de calcite moins soluble que la portlandite qui se dissout tant
que le CO2 peut pénétrer dans les pores. Si la porosité de la pâte de ciment est suf-
fisamment faible, la précipitation de calcite tend alors à fermer celle-ci et empê-
che le CO2 de pénétrer la structure : c’est l’effet de peau bien connu. On met ainsi
en évidence les deux facteurs déterminant l’évolution de la pâte de ciment durcie
dans un environnement donné : le facteur thermodynamique qui contrôle la stabi-
lité des hydrates en fonction des conditions extérieures, et le facteur microstruc-
tural, en particulier la structure poreuse, qui contrôle l’accessibilité des agents
extérieurs aux phases hydratées à travers la solution interstitielle. Ces deux as-
pects sont successivement repris dans les deux parties de ce chapitre.

2. APPROCHE THERMODYNAMIQUE DE LA STABILITÉ DES


HYDRATES EN FONCTION DES CONDITIONS EXTÉRIEURES
Comme il a été décrit dans le chapitre 2, pour qu’une réaction soit possible, la con-
dition thermodynamique indispensable est que la variation d’enthalpie libre asso-
ciée soit négative ΔG < 0. La pâte de ciment durcie qui est la matrice cohésive du
béton est un milieu poreux dont les pores peuvent être, suivant leur taille et les
conditions hydriques, plus ou moins saturés de solution. Ce qui est vrai pour l’hy-
dratation, c’est-à-dire l’évolution vers les phases hydratées des phases anhydres
en contact avec l’eau, l’est bien sûr pour les phases hydratées.

136
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

Si les hydrates sont en interaction avec une solution dans laquelle ils ne sont pas
en équilibre, cela conduit à leur dissolution et à la précipitation possible d’autres
phases moins solubles.
Une approche purement basée sur la thermodynamique, qui ne s’intéresse qu’à
l’état initial et à l’état final sans considération cinétique, peut déjà donner des in-
formations très utiles sur le devenir d’une matrice cimentaire exposée à un envi-
ronnement donné, puisqu’il est possible de savoir si les phases de la matrice
initiale sont stables dans le milieu considéré. Dans le cas contraire, il est aussi pos-
sible de déterminer les phases qui remplaceront les phases initiales. Ainsi, il de-
vient envisageable, par cette première approche, de tester différentes hypothèses
d’une formulation devant résister de façon optimale à un environnement donné.
Par ailleurs, la connaissance des diagrammes de phases qui découlent de l’appro-
che thermodynamique, permet bien souvent d’interpréter de nombreuses expé-
riences de durabilité rapportées dans la littérature qui semblent, a priori,
contradictoires car non réalisées dans les mêmes conditions ou pour les mêmes
compositions. Généralement, la composition de la phase aqueuse représentative
du milieu extérieur et la température seront les deux paramètres majeurs pour fai-
re évoluer les hydrates. Afin d’apporter quelques éléments de réflexion pour les
chapitres suivants, nous allons considérer, à titre d’exemple, ce que prévoit la
thermodynamique quant à l’évolution des phases hydratées de la pâte de ciment
en présence d’eau pure (cas de la lixiviation), d’eau contenant des carbonates (cas
de la carbonatation), puis d’eau contenant des sulfates (cas de l’attaque sulfati-
que). L’effet de la température sera illustré dans ce dernier cas. Dans cette appro-
che, les seules données à connaître sont les constantes d’équilibre
thermodynamiques à prendre en compte c’est-à-dire les produits de solubilité des
hydrates qui se dissolvent mais aussi des hydrates ou solides qui peuvent précipi-
ter à partir de la solution. Nous admettrons ici que la précipitation d’un solide dé-
bute dès que la solution devient sursaturée vis-à-vis de ce solide.
2.1. Simulation thermodynamique de la lixiviation par l’eau pure
Pour illustrer cette approche, nous allons considérer le devenir de C-S-H1 et CH
issus de l’hydratation complète de 10 g de C3S, soient 74,5 mmol de C-S-H (de
rapport C/S de 1,7 noté C-S-H(SII)) et 57 mmol de CH. Le calcul revient à faire
l’expérience suivante : les hydrates finement broyés et initialement placés dans un
litre d’eau pure sous agitation vont se dissoudre pour atteindre leur équilibre de
solubilité. Une fois cet équilibre atteint, la solution est renouvelée, et un nouvel
état d’équilibre est atteint, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ensemble des phases

1. La notation cimentière est rappelée au paragraphe 2 du chapitre 2.

137
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

soient dissoutes. À chaque étape, à partir de la composition de la solution, on cal-


cule l’indice de saturation β (voir encadré ci-après) par rapport aux différents so-
lides afin de définir les solides qui se dissolvent et ceux qui précipitent, puis la
quantité qui doit se dissoudre ou précipiter pour revenir à l’équilibre.

Indice de saturation et produit de solubilité


Considérons la dissolution d’un solide As avec l’équation suivante :
A s ⇔ mM + nN + …

La variation d’enthalpie libre s’écrit :


⎛ a m a n …⎞
0
ΔG r = ΔG r + RT ln ⎜ ---------------------⎟ or asolide = 1
M N
⎜ a ⎟
⎝ As ⎠

0 m n 0
d’où : ΔG r = ΔG r + RT ln ( a M a N … ) = ΔG r + RT ( IAP ) tel que IAP = produit
des activités des ions.
0
À l’équilibre on a ΔG r = – RT ln K avec K la constante de solubilité,

IAP
donc ΔG r = RT ln ⎛ ----------⎞ = RT ln β , tel que β est l’indice de saturation encore
⎝ K ⎠
noté SI.
La valeur de l’indice de saturation des solides permet de savoir si :
– la solution est sous-saturée par rapport au solide (SI < 0) ;
– la solution est en équilibre avec le solide (SI = 0) ;
– la solution est sursaturée par rapport au solide (SI > 0).

La figure 4.1a représente l’évolution des concentrations en calcium et silicate de


la solution en fonction du nombre de fois que la solution est renouvelée puis équi-
librée avec les solides restants. On constate que l’évolution de la concentration en
calcium n’est pas monotone, car il y a une succession de paliers et de chute de la
concentration. Un constat similaire peut être fait à partir de la concentration en si-
licate à une échelle plus petite : toutefois dans ce cas, on assiste aussi à des aug-
mentations de concentrations. Le pH suit la même évolution que la concentration
en calcium (figure 4.1b). Les plateaux correspondent à des points invariants du
système CaO-SiO2-H2O dont le diagramme de phases à 25 °C est donné en
figure 4.2. Sur ce diagramme, les courbes d’équilibre définissent trois intersec-
tions représentatives des trois points invariants (voir encadré « la règle des
phases ») : à un point invariant, deux solides sont donc en équilibre avec la phase
aqueuse notée « aq. » :

138
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

• SH + C-S-H(SI) + aq.
• C-S-H(SI) + C-S-H(SII) + aq.
• C-S-H(SII) + CH + aq.
Les concentrations au niveau des trois plateaux de concentration en calcium cor-
respondent donc bien à celles des trois points invariants. Ainsi, en reprenant le
diagramme de phases à partir du point invariant de départ, C-S-H(SII) + CH + aq.,
puis en suivant le diagramme en allant vers des concentrations plus faibles en cal-
cium, on s’aperçoit qu’il va y avoir une succession de différentes phases en équi-
libre avec la solution. Les quantités des différentes phases peuvent être calculées
(figure 4.1c) permettant ainsi de bien mettre en évidence cette succession d’étapes
de dissolution/précipitation.
En présence d’eau pure, la stabilité des hydrates C-S-H, CH et SH est très diffé-
rente. La portlandite, qui est moyennement soluble, est complètement dissoute
après seulement trois renouvellements. De façon opposée, la silice amorphe reste
présente après avoir équilibré 60 fois le système avec de l’eau pure alors qu’il y
a dissolution complète du C-S-H. La silice amorphe est très peu soluble, ce qui
induit une concentration à l’équilibre proche de l’eau pure, et ainsi elle reste pré-
sente jusqu’à 5183 renouvellements.

0,025
Ca total
Si total
0,02
Concentration (mol/kg)

0,015

0,01

0,005

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(a) Évolution des concentrations ioniques avec le renouvellement de la solution.

139
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

13

12

11

10
pH
9

6
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(b) pH.

0,09

0,08 CH
C–S–H (SII)
0,07 C–S–H (SI)
Concentration (mol/kg)

SiO2 amorphe
0,06

0,05

0,04

0,03

0,02

0,01

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

(c) évolution des phases solides en équilibre.


Figure 4.1 : simulation thermodynamique de la lixiviation d’une pâte de C3S
complètement hydratée par de l’eau pure : (a) évolution des concentrations de la phase
aqueuse, du pH (b) et des solides (c) en fonction du nombre de renouvellements
de la solution.
Un mélange initial de 74,5 mmol de C-S-H(SII) (C/S = 1,7) et 57 mmol de CH, représentant 10 g de
C3S complètement hydraté, est mis en équilibre d’un litre d’eau pure. Une fois le système à l’équilibre,
on calcule les concentrations ioniques, le pH et la quantité de chaque phase en présence et on rem-
place la solution par de l’eau pure. Le calcul est réitéré jusqu’à dissolution complète.

140
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[Si] (mmol/k)g
10
SH

C–S–H (SI)

0,1
C–S–H (SII)

CH
0,01
0 5 10 15 20 25
[Ca] (mmol/lkg)

Figure 4.2 : diagramme de phases stables du système CaO-SiO2-H2O à 25 °C


[DAM 95a].
Le diagramme est tracé en fonction des concentrations en calcium et silicate (l’eau est considérée en
excès donc non représentée), l’ensemble des conditions d’équilibre et donc la solubilité de chaque
hydrate, correspond à une courbe d’équilibre. Le diagramme contient 4 hydrates : SiO2aq amorphe
(SH), un C-S-H de bas C/S (C/S=1,1) noté C-S-H(SI), C-S-H(SII) avec un C/S plus élevé égal à 1,8
et la portlandite (CH).

La règle des phases


Considérons l’équation de Gibbs-Duheim : SdT – VdP + n1dµ1 + … + ncdµc = 0
À partir de cette équation, on constate qu’il y a C + 2 variables intensives (C poten-
tiels chimiques µ, T et P). Dans un système multiphasique, il existe des relations qui
relient les variables intensives au nombre de phases: une équation peut être définie
pour chaque phase. Ainsi avec X phases, le nombre de variables indépendantes à
l’équilibre devient C + 2 – X. Ce nombre de variables indépendantes définit le degré
de liberté f. La règle des phases s’écrit alors : f = C – X + 2.
Le degré de liberté (nombre de variables indépendantes à l’équilibre) diminue lorsque
le nombre de phases à l’équilibre (X) augmente. Par rapport aux systèmes solides-li-
quide étudiés dans ce manuel, la pression (P) et la température (T) sont fixées ainsi le
degré de liberté devient : f = C – X avec T et P constants.
Le système définira un équilibre invariant, lorsque le nombre de solides en équilibre
avec la phase aqueuse est égal au nombre de constituants : f = 0 ⇒ C = X.
Dans les systèmes en relation avec l’hydratation du ciment, des solides précipitent à
partir des ions accumulés en solution. Ainsi, dans un système ayant C constituants, il
faudra avoir C – 1 solides en équilibre avec la phase aqueuse pour définir un équilibre
invariant. Nous utiliserons la nomenclature suivante : la dimension du système est
égale au nombre de constituants et un équilibre invariant est appelé point invariant.

141
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

2.2. Simulation thermodynamique de la carbonatation


Si, maintenant, l’eau pure est remplacée par une eau contenant du CO2 en concen-
tration correspondant à l’équilibre avec pCO2 = 0,1 Atm, soit une concentration
en carbonate de 3,4 mmol.kg–1 pour un pH de 4,4, la démarche reste la même,
mais, cette fois-ci, le diagramme de phases à considérer est celui du système CaO-
SiO2-CO2-H2O (figure 4.3). Cette figure présente le diagramme du système CaO-
SiO2-H2O défini dans le cas précédent, auquel on ajoute un troisième axe pour te-
nir compte de la concentration en carbonate. On constate qu’un nouveau solide
apparaît, la calcite (CaCO3). Les conditions d’équilibre des phases correspondent
maintenant à des surfaces tandis que les courbes représentent des conditions
d’équilibres communes à deux solides. Les points invariants sont la résultante de
l’intersection de trois surfaces d’équilibre. Ainsi le diagramme comporte lui aussi
trois points invariants :
• CH + C-S-H(SII) + calcite + aq.
• C-S-H(SII) + C-S-H(SI) + calcite + aq.
• C-S-H(SI) + SH + calcite + aq.
Globalement, l’évolution des points invariants avec la concentration en ions cal-
cium est similaire à celle du diagramme de phases du système CaO-SiO2-H2O
avec la présence de calcite sauf aux très faibles concentrations. L’évolution des
phases avec les renouvellements d’eau reste donc proche de celle du cas précédent
(figure 4.4), à la différence près qu’il y a une consommation supplémentaire de
calcium pour former la calcite. Ceci conduit à faire disparaître plus rapidement
CH et les C-S-H et à former une plus grande quantité de SiO2 amorphe, car moins
de silice a été dissoute auparavant lors des équilibres avec C-S-H avant de former
SiO2 amorphe. Par contre, la calcite, plus soluble que SiO2 amorphe, disparaît
après 49 renouvellements. SiO2 amorphe est complètement dissoute après
6312 renouvellements ce qui est supérieur au cas de l’eau pure car la quantité de
silice amorphe formée est ici plus grande.

142
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[CO3] (mmol/kg)
0,1

calcite

SH
CH
100 C–S–H (SI)
10
[Ca] (mmol/kg)
C–S–H (SII) [Si] (mmol/kg)

Figure 4.3 : diagramme des phases stables du système CaO-SiO2-CO2-H2O à 25 °C


[DAM 95b]. L’eau est en excès et n’est donc pas représentée. La solubilité de chaque
hydrate correspond à une surface d’équilibre. Le diagramme contient 5 phases solides :
SiO2aq amorphe (SH), un C-S-H de bas C/S (C/S = 1,1) noté C-S-H(SI), un C-S-H(SII)
avec un C/S plus élevé égal à 1,8, la portlandite (CH) et la calcite.

0,09

0,08
Concentration (mol/kg)

0,07
CH
0,06 C–S–H (SII)
0,05 C–S–H (SI)
SiO2 amorphe
0,04 Calcite

0,03

0,02

0,01

0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)

Figure 4.4 : simulation thermodynamique de la lixiviation d’une pâte de C3S


complètement hydratée par une eau contenant 3,4 mmol/kg d’ions carbonate :
le mélange initial contient 74,5 mmol de C-S-H(SII) (C/S = 1,7) et 57 mmol de CH
représentant 10 g de C3S complètement hydraté. Une fois le système à l’équilibre, on
calcule les concentrations ioniques, le pH et la quantité de chaque phase en présence
et on remplace la solution par de l’eau carbonatée. Le calcul est réitéré jusqu’à
dissolution complète. La figure représente l’évolution des phases solides en équilibre
après chaque renouvellement.

Ces deux exemples donnent un aperçu de l’utilisation des diagrammes de phases.


Toutefois, dès que le système contient plus de trois constituants dans la phase
aqueuse, il devient difficile de les représenter graphiquement. Cependant, on peut
fixer alors un ou plusieurs paramètres pour rester dans une dimension inférieure

143
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ou égale à 3. D’une façon non exhaustive, le système chimique représentatif d’une


matrice cimentaire dans l’environnement contient un grand nombre d’éléments
chimiques, tels que Ca, Si, Al, Fe, H, O, Na, K, S, Cl, C, Mg…, ce qui rend aussi
quasiment impossible une exploration expérimentale de toutes les possibilités
d’assemblages de phases stables ou métastables dans des conditions données,
d’où l’importance du calcul des diagrammes de phases.
2.3. Simulation thermodynamique de l’attaque sulfatique
Pour continuer notre approche de la durabilité par la stabilité des phases à travers
l’utilisation des diagrammes de phases, nous allons utiliser ces derniers pour dé-
finir les conditions de formation de l’ettringite à partir de la concentration en ions
sulfate en faisant intervenir deux paramètres : le type de sels contenant les ions
sulfate (gypse, CaSO4,2H2O ou mirabilite, Na2SO4,10H2O) et la température.
Commençons par le système le plus simple qui correspond au cas du gypse, qui
revient à connaître l’évolution des phases en fonction de la concentration en sul-
fate de la solution. La connaissance du diagramme de phases du système CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O est donc nécessaire. Comme ce dernier a trois constituants en
plus de l’eau, il peut être représenté dans un système cartésien avec trois axes cor-
respondant respectivement à la concentration totale en calcium, aluminate et sul-
fate en solution. Afin de faciliter la compréhension de l’évolution du système
avec la concentration en sulfate, cette dernière sera prise pour axe z du repère car-
tésien.
Le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 25 °C
(figure 4.5) contient 5 phases stables : le gypse, la portlandite, le gel d’alumine
sous sa forme gibbsite, l’hydrogrenat C3AH6 et l’ettringite. Il est immédiat de
comprendre que l’hydrogrenat ne peut pas être en équilibre avec de fortes con-
centrations en sulfate et a fortiori en présence de gypse puisque le domaine de
stabilité de l’ettringite sépare les domaines de stabilité du gypse et de l’hydrogre-
nat. La composition de la phase aqueuse aux quatre points invariants du système
(tableau 4.1) montre que l’ettringite a un très grand domaine de stabilité vis-à-
vis de la concentration en sulfate et qu’elle se contente de quelques micromoles
de sulfate pour se former.

144
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

[SO4] (mmol/kg)
gypse
10

0,1

ettringite AH3 0,01

CH
0,01
0,1 1

100 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.5 : diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 25 °C


[DAM 93].
Tableau 4.1 : points invariants du diagramme de phases stables CaO-Al2O3-CaSO4-H2O
à 25 °C [DAM 93].

Points invariants Composition de la solution (mmol/kg)


calculés à 25°C [Ca] [Al] [SO4] pH

C3AH6 + AH3 + ettringite + aq. 5,61 3,47E-1 1.0E-2 11,97

C3AH6 + CH + ettringite + aq. 21,95 7,0E-3 7.0E-3 12,52

gypse + AH3 + ettringite + aq. 15,34 7,0E-3 15.22 10,25

gypse + CH + ettringite + aq. 33,89 1,0E-7 12.38 12,49

Considérons maintenant que les ions sulfate sont apportés par la mirabilite
(Na2SO4.10H2O) dont la solubilité est très grande (plusieurs mol/kg). Il convient
donc de connaître le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-
H2O à 25°C qui avec ses quatre constituants hormis l’eau est plus difficile à re-
présenter. Ainsi, pour comparer plus facilement les résultats au diagramme CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O précédent, la concentration en NaOH est fixée à 500 mmol/
kg ce qui permet de rester avec une représentation cartésienne à trois axes ortho-
gonaux (figure 4.6).

145
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[SO4] (mmol/kg)
NaOH = 500 mmol/l
500

gypse

ettringite

AH3

CH C3AH6

10 25

[Ca] (mmol/kg) [Al] (mmol/kg)

Figure 4.6 : diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-H2O à 25 °C


calculé avec une concentration en NaOH fixée à 500 mmol/kg [DAM 93].

Comme la concentration en sodium utilisée pour le calcul est moyenne


(500 mmol/kg), les phases contenant du sodium sont sous-saturées et, donc, n’ap-
paraissent pas comme des phases stables. Les phases stables de la figure 4.6 sont
donc identiques à celles de la figure 4.5 sans sodium. Cependant, les concentra-
tions en sulfate pour stabiliser les phases sont très différentes comme on peut le
mettre facilement en évidence si les deux diagrammes sont tracés sur la même fi-
gure (figure 4.7). En présence de sodium, les concentrations en sulfate, aluminate
et hydroxyde augmentent, alors que celle en calcium diminue. Ainsi en présence
de 500 mmol/kg de sodium, ce ne sont plus quelques micromoles de sulfate qui
sont nécessaires pour stabiliser l’ettringite mais quelques dizaines de millimoles,
donc, une différence de plusieurs ordres de grandeur. L’évolution des bornes in-
férieures et supérieures des concentrations en sulfate nécessaires pour stabiliser
l’ettringite en fonction de la concentration en sodium peut être définie en traçant
l’évolution de la concentration en sulfate pour les points invariants AH3+
C3AH6+ ettringite + aq. et AH3 + gypse + ettringite + aq. en fonction de la con-
centration en NaOH (figure 4.8).
La température tout comme la pression est un paramètre important qui modifie les
équilibres. Dans les applications classiques des bétons, la pression ne varie géné-
ralement pas contrairement à la température. À titre d’exemple, nous avons con-
sidéré le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85 °C
(figure 4.9) afin de comparer les domaines de stabilité de l’ettringite entre 20 °C
et 85 °C. La première différence notable est la présence d’une nouvelle phase sta-
ble à 85 °C, le monosulfoaluminate de calcium hydraté qui s’intercale entre les

146
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

domaines de stabilité de l’ettringite de l’hydrogrenat : il y a donc 6 points inva-


riants au lieu de 4. En conséquence, les plus faibles concentrations en sulfate con-
duiront à stabiliser le monosulfoaluminate de calcium hydraté à la place de
l’ettringite : à 85 °C, la concentration en sulfate minimale pour stabiliser l’ettrin-
gite est environ 50 fois plus grande qu’à 25 °C (voir tableaux 4.1 et 4.2).
On constate qu’une élévation de la température, induit aussi une augmentation
de la concentration en ions sulfate pour stabiliser l’ettringite et cet effet couplé
à celui des alcalins, conduit à des concentrations en sulfate très élevées pour sta-
biliser l’ettringite.

Système dans [SO4] (mmol/kg)


500 mmol/l NaOH

Système dans l'eau

[Al] (mmol/kg)

[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.7 : comparatif des diagrammes de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O


en présence ou non de 500 mmol/kg de NaOH.

[SO4] (mM/kg)
300

250
AH3 + ett. + gypse

200

150

100
ettringite

50 AH3 + ett. + C3AH6

0
0 10 100 250 500
[Na] mM/kg

Figure 4.8 : évolution de la concentration en sulfate pour les points invariants


AH3 + C3AH6 + ettringite + aq. et AH3 + gypse + ettringite +aq.
en fonction de la concentration en NaOH.

147
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

[SO4] (mmol/kg)
gypse 10

ettringite
0,1

0,01 monosulfoaluminate
de calcium
CH
0,01
0,1
AH3
40 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)

Figure 4.9 : diagramme de phases stables du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85 °C


[DAM 92].
Tableau 4.2 : composition de la solution aux points invariants du diagramme de phases
stables du système CaO-Al2O3-CaSO4-H2O à 85°C [DAM 92].

[Ca] [Al] [SO4]


Solides en équilibre avec la phase aqueuse pH
(mmol/kg) (mmol/kg) (mmol/kg)

AH3 + monosulfoaluminate de calcium


5,09 1,685 0,55 11,80
+ ettringite +aq.
CH + monosulfoaluminate de calcium
11,33 0,116 0,41 12,26
+ ettringite +aq.

C3AH6 + AH3 + monosulfoaluminate de calcium +


6,085 2,287 0,078 11,92
aq.

C3AH6 + CH + monosulfoaluminate de calcium +


10,65 0,308 0,06 12,23
aq.

Gypse + AH3 + ettringite +aq. 13,15 0,237 12,57 10,87

Gypse + CH + ettringite +aq. 20,51 0,0006 10,57 12,17

3. APPROCHE TEMPORELLE À TRAVERS LE TRANSPORT


RÉACTIF DE MATIÈRE DANS LA MICROSTRUCTURE
Dans l’approche purement thermodynamique, nous avons considéré que le systè-
me était finement dispersé et ainsi que toute la matière était immédiatement dis-
ponible pour réagir avec une vitesse infinie aussi bien pour la dissolution que pour
la précipitation. Ceci est bien évidemment différent des conditions réelles pour
lesquelles les échanges de matière seront gouvernés par la microstructure : poro-

148
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

sité totale mais aussi connectivité et distribution des pores. Dans ce contexte, les
phénomènes mis en jeu sont :
– un transport de matière entre le matériau et le milieu aqueux externe, pouvant
s’opérer par diffusion ou/et par convection ;
– des réactions chimiques de dissolution/précipitation provoquées par les varia-
tions de concentration résultant du transport de matière.
3.1. Transports de matière
Si l’on considère dans un premier temps le transport non réactif en milieu saturé,
on peut évoquer la diffusion gouvernée par le gradient local de concentration du
soluté, processus détaillé au paragraphe 4 du chapitre 3, et la convection qui est
un entraînement des espèces en solution par le flux d’eau.
3.1.1. La diffusion moléculaire : les lois de Fick
La première loi de Fick relie le flux à travers une surface et le gradient de concen-
tration ; la seconde loi de Fick relie les variations spatiales et temporelles des con-
centrations.
Dans une direction (équations 1D), ces lois s’écrivent respectivement :
∂c
J e, x = – D e ----- (1)
∂x
∂c De ∂2 c
et ----- = ------ -------- (2)
∂t p ∂x 2
avec, Je le flux (en mol.m–2.s–1), De le coefficient de diffusion effectif de l’espèce
diffusante (en m2.s–1) dans le milieu de porosité p et c (x) la concentration à l’abs-
cisse x (en mol.m–3).
Ces équations peuvent être résolues analytiquement dans certains cas simplifiés
comme :
– la diffusion d’un traceur non réactif à travers une lame mince poreuse (voir la
figure 3.36). En portant la quantité cumulée relâchée en fonction du temps, on
obtient aux temps longs un comportement asymptotique linéaire dont la pente
permet de déterminer le coefficient de diffusion effectif De de l’espèce migrante
dans le matériau de porosité p ;
– la lixiviation d’un traceur non réactif. Aux premiers instants, tout se passe
comme si le milieu solide était semi-infini, puisque le relâchement ne concerne
que les premières couches du matériau. La quantité lixiviée varie initialement
comme la racine carrée du temps. En portant la quantité relâchée dans le lixiviat

149
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

en fonction de la racine carrée du temps, on obtient une estimation du coefficient


de diffusion apparent Da (De = pDa) du traceur dans le matériau considéré.
Ceci dit, les solutions analytiques n’existent pas en général. Dans le calcul com-
plet, l’équation la plus générale (équation 3D) est résolue numériquement.
3.1.2. La diffusion ionique : la relation de Nernst-Planck
En solution, le déplacement des ions sous l’effet d’un gradient de concentration
ne peut se faire que de manière concertée. En effet, ils sont soumis à des forces
électrostatiques provenant des autres ions et du solvant. Afin de conserver l’élec-
troneutralité dans la solution lors de la diffusion, les ions, qui n’ont pas tous la
même vitesse de déplacement en solution, subissent une accélération ou un ralen-
tissement sous l’action du champ électrique local. Pour une analyse détaillée de
ces phénomènes dans le contexte des matériaux cimentaires, le lecteur pourra se
reporter au chapitre 3, paragraphe 4 et aux références [MAR 98, BAR 00,
TRU 00].
Dans le cas de la diffusion ionique unidirectionnelle dans une solution, le flux J
d’ions i s’exprime par la relation :
∂c i z i F ∂ψ
J e, i, x = – D e, i ------- – c i D e, i ------- ------- (3)
∂x RT ∂x
Avec F la constante de Faraday, R la constante des gaz parfaits, T la température
absolue, ci la concentration de l’ion i, zi sa valence et ψ le potentiel électrique.
Cette relation dite de Nernst-Planck est l’expression généralisée du transport par
diffusion. Pour pouvoir résoudre cette équation, une approche numérique est né-
cessaire puisqu’il convient de traiter simultanément toutes les espèces présentes.
3.1.3. La convection : la loi de Darcy
À la diffusion peut se superposer un processus de convection, lorsque le liquide
dans lequel la diffusion s’effectue est animé d’un mouvement global de translation.
Pour les fluides incompressibles, le débit volumique du fluide de viscosité dyna-
mique µ et s’écoulant au travers du matériau d’épaisseur dx et de section A soumis
dP
à un gradient de pression ------- s’exprime par la relation de Darcy (chapitre 3 § 3) :
dx
k dP
Q = – --- A ------- (4)
μ dx
où k est la perméabilité (exprimé en m2).

150
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

Q
Si ua est la vitesse de convection ( u a = ---- en m.s–1), le gradient temporel de con-
A
∂c ∂c
centration ----- de la seconde loi de Fick est alors à corriger du terme – u a ----- .
∂t ∂x
3.2. Transport réactif
Les évolutions physico-chimiques d’un béton en interaction avec son environne-
ment dépendent principalement des couplages chimie-porosité-transport. Les dis-
solutions/précipitations de minéraux notamment modifient la surface spécifique
du solide, le volume poreux et la distribution des tailles de pores. Or la porosité
(volume et taille) ainsi que son degré de saturation influent fortement sur les pro-
priétés de transport par convection-diffusion. Le nombre et la nature des sites de
sorption ou d’échanges ioniques peuvent également être modifiés. Les modèles
qui tentent de rendre compte de ces phénomènes couplés peuvent donc devenir
rapidement très complexes.
Dans le cas simplifié d’un transport diffusif unidirectionnel dans un béton saturé,
le bilan matière dans un volume élémentaire représentatif d’épaisseur 2dx peut
s’écrire sous la forme :
2
∂c i ∂ c i 1 ∂C i
------- = D a ---------- – --- -------- (5)
∂t 2 p ∂t
∂x
avec :
ci concentration en phase liquide du constituant i (en mole . m–3 de solution) ;
p porosité ;
Ci concentration en phase solide du constituant i (en mole . m–3 apparent de matériau).
A priori, la quantité de constituant i arrivant ou partant par réaction chimique suit
une cinétique de dissolution ou de précipitation. L’approximation de l’équilibre
local peut être formulée dès lors que ces cinétiques sont infiniment plus rapides
que les vitesses de transport d’espèces en solution. Dans le cas des pâtes de ci-
ment, cette hypothèse a été confirmée par Buil [BUI 90] ainsi que par les travaux
d’analyse dimensionnelle de Barbarulo [BAR 00].
Les moyens mathématiques et numériques permettant de résoudre les équations
de diffusion couplées à des réactions chimiques ont été exposés en particulier par
Lichtner [LIC 85, LIC 96]. Des outils permettant de réaliser ces calculs de trans-
port réactif ont été développés notamment pour des modélisations géochimiques
de systèmes hydrogéologiques [VAN 01]. Ce type de codes a été utilisé par exem-
ple pour simuler l’attaque sulfatique externe d’une pâte de ciment CEM I
[PLA 02, BAR 02].

151
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les aspects cinétiques de la transformation des hydrates dans le béton peuvent


être décrits en appliquant les lois fondamentales de la diffusion et de la convec-
tion (ou perméation). Dans ces lois qui décrivent le transport réactif, les réac-
tions chimiques de dissolution/précipitation sont exprimées en considérant un
bilan de chaque espèce qui tient compte aussi bien des concentrations en solution
que des concentrations en phase solide.

3.3. Outils de simulations et exemples d’utilisation


Pour traiter spécifiquement de la dégradation des matériaux cimentaires, diffé-
rents modèles ont été élaborés sur la base des principes évoqués précédemment.
Les principales approches existantes sont celles de Adenot [ADE 92] et de Gérard
[GER 96] pour la décalcification de pâtes de ciment, puis celles de Marchand
[MAR 01], de Planel [PLA 02] et de Guillon [GUI 04] dont les domaines d’appli-
cation sont plus étendus (attaque sulfatique externe, eau de mer). Ce paragraphe
ne couvre pas de manière exhaustive les travaux de modélisation publiés, mais
présente plutôt quelques résultats sélectionnés pour illustrer la variété des confi-
gurations simulées et des outils développés.
3.3.1. Cas de la lixiviation par l’eau pure
Les travaux d’Adenot portant sur la modélisation de la lixiviation d’une surface
libre de pâte de ciment CEM I soumise à une eau pure de pH neutre, ont débouché
sur le développement du code DIFFUZON [ADE 92].
Ce modèle repose sur les hypothèses d’un transport par diffusion et d’équilibres
chimiques locaux. Le matériau dégradé est divisé en zones séparées par des fronts
de dissolution ou de précipitation (figure 4.10).

Zone1 Zonek – 1 Zonek

Milieu agressif Milieu infini


( ci = cte = ci, 0) ( ci = cte = ci, 1)

l0 l1 lk – 2 lk – 1

Figure 4.10 : schéma de principe du zonage unidirectionnel de la partie dégradée


de la pâte de ciment, constituée d’un assemblage de domaines multiminéraux
de minéralogie constante (zones), séparés par des frontières mobiles
(fronts de dissolution ou de précipitation).

Dans chaque zone, de composition minéralogique constante (nature des phases


solides fixée mais teneur variable), délimitée par des fronts mobiles de dissolution
ou de précipitation, un système d’équations composé de la combinaison des équa-

152
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

tions de diffusion, d’équilibres chimiques et de bilans de matière est résolu numé-


riquement.
La porosité et le coefficient de diffusion de chaque zone sont supposés constants.
La porosité est déterminée à partir de la nature et des quantités moyennes de pha-
ses solides présentes (elles sont donc différentes d’une zone à l’autre). Le coeffi-
cient de diffusion peut être soit calculé à partir de la porosité et de la quantité de
C-S-H, soit imposé et pris égal à une valeur déterminée expérimentalement.
Les principaux phénomènes pris en compte dans cette modélisation sont donc la
diffusion des principales espèces chimiques du ciment hydraté, la dissolution ou
la précipitation des différentes phases minérales initialement présentes ainsi que
la décalcification progressive des C-S-H jusqu’à la formation d’un gel superficiel
très peu soluble.

8 0,5
5 4 3 2 1 5 4 3 2 1
Portlandite 0,4
6 Monosulfoaluminate
de calcium
mol/L

0,3
mol/L

4 C–S–H
0,2
2
0,1 Ettringite

0 0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 0 0,4 0,8 1,2 1,6
Distance de la surface (mm) Distance de la surface (mm)
Profils minéralogiques modélisés pour 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.

5 4 3 2 1
C–S–H Portlandite
Solution C–S–H C–S–H
Gel C–S–H Ettringite
agressive Ettringite Monosulfoaluminate Ettringite 5 4 3 2 1
de cacium Monosulfoaluminate
de calcium

Distribution expérimentale des phases minérales après 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.

Figure 4.11 : comparaison entre les résultats expérimentaux


et ceux issus d’une modélisation DIFFUZON dans le cas d’une pâte de ciment CEM I
lixiviée par une solution faiblement minéralisée de pH 8,5 d’après Adenot [ADE92].
En partie basse de la figure, on peut observer une coupe de pâte de CEM I lixiviée (partie droite). On
y distingue cinq zones dont la minéralogie est indiquée sur le schéma de principe (partie gauche). La
partie supérieure de la figure représente les variations de compositions minéralogiques obtenues par
simulation. Les simulations permettent de retrouver les phases mises en évidence par diffraction de
rayons X, en particulier la dissolution totale de la portlandite dans les zones 2, 3, 4 et 5 externes.

Différentes configurations de matériaux cimentaires lixiviés par des solutions fai-


blement minéralisées de pH compris entre 4,5 et 11,5 ont pu être ainsi simulées
[RIC 04]. Le modèle permet de déterminer :
– les quantités lixiviées (calcium, silicium, sulfate et hydroxyde) et leur évolu-
tion au cours du temps ;

153
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– la profondeur du front de dissolution de la portlandite et sa vitesse de propaga-


tion ;
– la minéralogie dans chaque zone (figure 4.11).
Les résultats ainsi obtenus par la modélisation ont pu être validés par confronta-
tion avec les données expérimentales.
Ce modèle unidimensionnel a été simplifié pour étudier quelques problèmes plus
complexes comme l’influence de conditions aux limites variables ou le rôle joué
par les fissures. L’hypothèse simplificatrice consiste à considérer que la lixivia-
tion des matériaux cimentaires peut être décrite par la seule évolution du calcium
puisque tous les hydrates majeurs en contiennent [BUI 90, GER 96, MAI 00]. La
décalcification est décrite par une équation unique qui est l’équation du bilan mas-
se pour le calcium, que l’on peut écrire :
2
∂ ( pc Ca ) ∂ c Ca ∂C Ca
-------------------- = D e -------------- – ------------
- (6)
∂t ∂x
2 ∂t

Les termes CCa (concentration de calcium en phase solide), p (porosité) et De


(coefficient de diffusion effectif) sont exprimés sous la forme de fonctions de la
concentration du calcium en solution (figure 4.12). Les données de sortie sont
l’évolution de la quantité cumulée de calcium lixivié (figure 4.13) et de l’épais-
seur dégradée [RIC 04]. Ces données sont validées par l’expérience. Ce type d’ap-
proche implantée dans un code aux éléments finis a permis de coupler le
comportement mécanique des bétons avec une dégradation d’origine chimique
[GER 96, TOR 98].

Cca (mol/m3) Porosité p De (m2/s)


15 000 0,6 9,0e-11

0,5
10 000 6,0e-11
0,4
5 000 3,0e-11
0,3

0 0,2 0,0e-11
0 22 0 22 0 22
cca (mol/m3) cca (mol/m3) cca (mol/m3)

Figure 4.12 : fonctions employées dans le modèle simplifié Diffu-Ca


pour simuler la décalcification d’une pâte CEM I, d’après Mainguy et al. [MAI 00].
Les fonctions sont choisies sur la base de données expérimentales. La première est basée sur les
équilibres des C-S-H dans des solutions à concentrations variables en calcium, la deuxième est cal-
culée à partir des caractéristiques des solides formés et la troisième est déduite de mesures de coef-
ficients de diffusion de pâtes de ciment à porosité variable.

154
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

10

mortier

Quantité cumulée de Ca relâché


pâte
8

(mol/dm2)
6 béton

2 } Résultats expérimentaux

} Modélisation Diffu-Ca

0
0 5 10 15
Racine carrée du temps (en jours)

Figure 4.13 : validation du modèle Diffu-Ca : comparaison des résultats expérimentaux


et de la modélisation pour des matériaux à base de CEM I [RIC 04].
Les quantités de calcium lixivié dans les pâtes, mortiers et bétons, suivent des lois en racine carrée
du temps, caractéristiques de phénomènes diffusifs. La modélisation permet de retrouver les lois ex-
périmentales. On peut montrer que les quantités de calcium relâchées dans les mortiers et bétons se
déduisent de la connaissance de celles relâchées par les pâtes pures de même rapport E/C : il suffirait
pour cela de multiplier la donnée sur pâte par la teneur volumique en pâte du mortier ou du béton
[BOU 94].

3.3.2. Cas de l’attaque sulfatique externe


La phénoménologie de l’attaque sulfatique externe des bétons est détaillée dans
le chapitre 12. La présence de sulfates solubles dans l’environnement des maté-
riaux à base de ciment Portland induit des transformations minéralogiques, prévi-
sibles par les approches purement thermodynamiques comme celle présentée au
paragraphe 2.3 de ce chapitre ou encore celle développée par Albert [ALB 02],
qui peuvent remettre en cause l’intégrité mécanique du matériau cimentaire ainsi
sollicité. Dans ce contexte il est donc essentiel de modéliser les mécanismes cou-
plés chimie-transport mis en jeu pour ensuite prévoir leur impact sur le compor-
tement mécanique du béton.
Pour étudier les effets du transport d’ions dans les pâtes de ciment totalement ou
partiellement saturées et les réactions de dissolution/précipitation associées, Mar-
chand et Samson [MAR 01] ont développé un modèle numérique de transport
réactif appelé STADIUM. La loi de transport considérée prend en compte les in-
teractions électriques des ions en solution (relation de Nernst-Planck) et les mou-
vements hydriques grâce à un terme convectif. Sa résolution numérique par
éléments finis permet de déterminer les profils de concentrations ioniques à cha-
que pas de temps. Ces nouveaux profils conduisent à un déséquilibre qui est en-

155
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

suite compensé par des dissolutions ou précipitations selon les produits de


solubilité des minéraux pris en compte.
Cet outil a été utilisé notamment pour analyser l’impact des solutions de sulfate
de sodium sur la durabilité des bétons. Plusieurs configurations, en terme de type
de ciment, de rapport eau/ciment, et de concentration en sulfate ont été simulées
[MAR 02]. Une réorganisation significative de la microstructure a été mise ainsi
théoriquement en évidence, avec la précipitation des minéraux incorporant des
sulfates, la dissolution de la portlandite et la décalcification des C-S-H
(figure 4.14).
80

70 portlandite
C-S-H
60 ettringite
Concentration (g/kg)

hydrogrenat
50 gypse

40

30

20

10

0
0 1 2 3 4 5 6

Position (cm)
Figure 4.14 : distribution des phases solides pour un béton de rapport eau/ciment de
0,65, exposé 20 ans à une solution de sulfate de sodium à 10 mmol/L [MAR 02].
La simulation permet de connaître les profils de concentration des différents hydrates dans le maté-
riau après une durée d’exposition donnée. Comme dans le cas d’une exposition dans l’eau pure, la
portlandite est totalement dissoute dans la partie externe du béton. Une zone riche en gypse est pré-
sente dans la zone externe et coexiste avec de l’ettringite.

Dans un contexte semblable, d’autres calculs destinés à résoudre le problème cou-


plé de diffusion/dissolution/précipitation, ont été menés par Planel [PLA 02] avec
le code de géochimie HYTEC [VAN 03]. La composition du ciment anhydre a été
utilisée pour déterminer les quantités initiales des quatre minéraux hydratés pris
en compte : portlandite, monosulfoaluminate de calcium hydraté, ettringite et
gypse. Les espèces ioniques Ca2+, SO42–, Na+, Al(OH)4– et OH– ont été consi-
dérées. Les calculs de diffusion (lois de Fick) ont été menés avec un coefficient
de diffusion et une porosité constante, quelle que soit la zone considérée. Les pro-
fils de concentrations en phases solides obtenus après douze semaines de dégra-
dation en présence de sulfates, sont représentés sur la figure 4.15. Parmi les points

156
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

intéressants, on peut noter la similitude du profil obtenu avec la distribution mi-


néralogique simulée par STADIUM : un front associé à la dissolution de la port-
landite et un front associé à la précipitation d’ettringite ainsi qu’une zone de
néoformation de gypse. Par contre, dans cet exemple, la localisation par modéli-
sation de la zone de gypse n’est pas totalement conforme aux observations expé-
rimentales, probablement en raison de la difficulté à rendre compte des variations
du coefficient de diffusion dans la partie altérée du matériau.

portlandite
monosulfoaluminate
Coups/s

ettringite Profils DRX


gypse
Concentration

Simulation HYTEC

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0
Épaisseur (mm)

Figure 4.15 : comparaison entre les profils minéralogiques expérimentaux et ceux issus
du calcul HYTEC pour une pâte de ciment CEM I immergée pendant 12 semaines dans
une solution contenant 15 mmol.L–1 de sulfate de sodium et maintenue à pH 7 [PLA 02].
Les courbes de la partie supérieure représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de
diffraction des rayons X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur
dans le matériau. Elles font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et pro-
gressant au cours du temps :
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.
Les profils obtenus par simulation sont reportés sur la partie inférieure de la figure. Ils sont globale-
ment similaires aux données expérimentales même si la zone dans laquelle le gypse précipite n’est
pas tout à fait localisée au même endroit.

3.3.3. Cas de l’eau de mer


L’eau de mer constitue un milieu chimique modérément agressif vis-à-vis du bé-
ton. En raison du caractère multi-ionique de ce milieu aqueux, les mécanismes
physico-chimiques se déroulant dans le réseau poreux du béton sont complexes et
fortement couplés (chapitre 12). La simulation numérique est dans ce cas un outil

157
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

performant d’aide à l’identification et à la hiérarchisation des phénomènes domi-


nants.
L’évolution minéralogique d’un béton soumis à l’action de l’eau de mer a été si-
mulée par E. Guillon [GUI 04]. La composition du matériau sain hydraté est celle
déterminée par le code CEMHYD3D [BEN 97]. Les interactions avec l’eau de
mer ont été modélisées à l’aide d’un code de transport diffusif multi-espèces cou-
plé à un code d’équilibres chimiques (PHREEQC).
Cette simulation met en évidence la dissolution du monosulfoaluminate de cal-
cium initial au profit de la précipitation de chloroaluminate de calcium et d’ettrin-
gite (figure 4.16). Les précipitations de calcite, de brucite et de gypse au voisinage
de la surface exposée prédites par le calcul sont globalement en accord avec les
observations expérimentales à la microsonde [REG 77].

Porosité
portlandite
0,16

0,14

0,12
Proportion (%)

0,1

0,08

0,06

calcite ettringite
0,04
brucite
gypse
0,02
AFm
chloroaluminate

0
0,5 1 1,5 2
Profondeur (mm)
Figure 4.16 : évolutions après 4 jours simulés des proportions volumiques des espèces
solides en fonction de la profondeur dans le matériau, pour un ciment CEM I
soumis à de l’eau de mer [GUI 04].

D’autres systèmes multi-ioniques naturels ont été modélisés en vue de prédire les
interactions entre un milieu géologique et des structures souterraines en béton
[TRO 06]. Il reste cependant encore difficile de quantifier l’impact de ces réac-
tions chimiques sur les propriétés physiques des matériaux cimentaires.

158
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

La modélisation des attaques chimiques permet de simuler correctement les évo-


lutions de la minéralogie des matériaux cimentaires au cours du temps. Il est ain-
si possible de prévoir la pénétration des fronts de dégradation.

3.4. Impact du transport réactif sur la microstructure


La simulation numérique permet également d’estimer l’évolution de la porosité
totale du matériau. La figure 4.17 montre par exemple que la porosité augmente
avec l’avancée de la lixiviation, conséquence d’une plus forte dissolution par rap-
port aux précipitations. Le coefficient de diffusion n’est donc pas constant et il
convient d’estimer la rétroaction de la chimie (impact des dissolutions/précipita-
tions) sur la microstructure et donc sur le transport de matière. L’approche sim-
plifiée estime l’influence de la variation de la porosité totale sur le coefficient de
diffusion par des lois empiriques [TOG 98, MAI 00, PEY 06]. Cette méthode, ba-
sée sur la porosité totale, sans description fine du réseau poreux, s’avère être suf-
fisante pour simuler l’augmentation de la diffusivité de la zone lixiviée d’une pâte
de ciment CEM I (figure 4.18).
0,5

0,45 C1,65SH2,45
C1,1SH1,9
0,4

0,35
Fraction volumique (%)

0,3

Porosité
0,25

0,2

0,15
CH
0,1

AFt
0,05

AFm
0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500
Temps (h)
Figure 4.17 : évolution de la composition minéralogique et de la porosité
d’une pâte de CEM I en fonction du temps à une profondeur donnée lors d’une lixiviation
par une eau pure [GUI 04].

159
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

3,0E-10

2,5E-10

2,0E-10
D (m2/s)

1,5E-10

1,0E-10

Coefficient de diffusion
5,0E-11

0,0E+00
0,000 0,002 0,004 0,006 0,008 0,010
Distance (m)

Figure 4.18 : évolution de coefficient de diffusion effectif dans les différentes zones
créées lors de la lixiviation de la pâte de ciment [KAM 05].
Les modifications de la structure poreuse consécutives à la lixiviation de la pâte de ciment se tradui-
sent par une augmentation du coefficient de diffusion effectif dans la zone dégradée. Les valeurs por-
tées sur cette courbe sont obtenues par calcul.

Toutefois, cette approche est généralement moins efficace dans le cas par exem-
ple de précipitation d’une couche protectrice qui diminue très peu la porosité glo-
bale totale mais très fortement les paramètres du transport [LAG 00]. Les
principaux moyens qui ont été élaborés pour mieux rendre compte des relations
entre la diffusivité des matériaux cimentaires et leur microstructure sont, d’une
part, des modèles d’homogénéisation qui, à partir des fractions volumiques et des
caractéristiques des constituants élémentaires retenus pour décrire le système hé-
térogène, permettent d’évaluer la diffusivité macroscopique [GAR 98, HAS 02,
CAR 03, PIV 04, BAR 06, STO 06], et, d’autre part, des outils numériques capa-
bles de générer des microstructures 3D [GAR 92, BEN 97, NAV 99, YE 03,
BEJ 06].
Si l’on souhaite avoir une approche la plus représentative possible, il convient de
coupler le code de transport réactif avec un code qui, d’une part, génère, puis,
d’autre part, fait évoluer, une microstructure numérique 3D à l’échelle micromé-
trique ou sub-micrométrique. Il est alors possible d’extraire la porosité ainsi que
la distribution des pores et leur connectivité afin de calculer les propriétés de
transport locales (coefficient de diffusion et perméabilité). Ce type d’approche
nécessite de disposer de puissants moyens de calcul, alors que les méthodes d’ho-
mogénéisation sont actuellement plus accessibles.

160
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons

La connaissance de l’évolution du matériau induite par le transport réactif permet


aussi de faire un couplage chimio-mécanique. Dans cet esprit, plusieurs travaux
ont porté sur la modélisation de l’évolution des propriétés mécanique de maté-
riaux cimentaires soumis à une décalcification [CAR 96, TOR 98, ULM 99, LEB
01, KAM 03, GUI 04, NGU 05, LAC 06] ou à une attaque sulfatique [SNY 95,
JU 99, PLA 06, LEB 06]. Les approches multi-échelles couplant le transport réac-
tif et le comportement mécanique sont inéluctablement appelés à se généraliser
pour une gestion durable des infrastructures de génie civil.
45

E/C 0,25 F-E


40
E/C 0,25 modèle
E/C 0,40 F-E
35
E/C 0,40 modèle
E/C 0,50 F-E
30
Module d'Young (GPa)

E/C 0,50 modèle

25

20

15

10

0
0 0,2 0,4 0,6 0,8
Porosité capillaire
Figure 4.19 : comparaison pour trois pâtes de ciment CEM I de E/C différents
et dégradées chimiquement, des modules d’élasticité prédits par une relation « modèle »
et par calcul 3D aux éléments finis en fonction de la porosité capillaire noté F-E
dans la figure [GUI 06].
Les conséquences mécaniques des dégradations chimiques ne peuvent être que
partiellement prédites au moment où ce livre est rédigé. Des progrès significatifs
semblent toutefois possibles au vu des travaux en cours.

4. CONCLUSION
Une approche thermodynamique utilisant les conditions d’équilibre permet de
bien comprendre les conditions de stabilité chimique des hydrates et donc de sa-
voir si des évolutions peuvent intervenir quand la composition de la phase inters-
titielle du béton évolue lors d’un échange de matière avec le milieu extérieur. Le

161
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

point crucial pour que l’approche thermodynamique soit pertinente est la qualité
de la base de données thermodynamiques qui est associée aux codes de calcul des
équilibres géochimiques. L’aspect cinétique relatif à la stabilité où la transforma-
tion des hydrates contenus dans la matrice poreuse du béton, dépendra de la vites-
se de transport de la matière dans le réseau poreux du béton qui peut être estimée
à travers les lois classiques de transport de masse en fonction des gradients appli-
qués. Le transport réactif permet de bien rendre compte de dégradations de façon
macroscopique, comme dans le cas de la lixiviation, en reproduisant la zonation
souvent observée.
L’utilisation d’une approche tridimensionnelle du transport réactif sur des mi-
crostructures numériques réalistes permettra d’aller plus loin dans l’étude de l’im-
pact de la stabilité ou de la transformation des hydrates sur la microstructure et
ses propriétés. Ainsi il deviendra possible d’obtenir une évolution espace-temps
de propriétés comme le module élastique et donc de relier dégradation chimique
et propriétés d’usage.

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