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D. DAMIDOT, P. LE BESCOP
Résumé
La stabilité chimique des hydrates est fonction des conditions dans lesquels ils se
trouvent. Elle peut être évaluée à partir d’une approche thermodynamique qui
permet de connaître les états d’équilibre à partir de l’analyse de la solubilité des
phases solides dans l’environnement considéré. L’aspect cinétique de la stabilité
ou de la transformation des hydrates dans le béton est principalement estimé à
travers une approche de transport réactif qui met en jeu les lois classiques de
transport de masse. Généralement, seul un gradient de concentration est pré-
sent, et donc les lois de Fick gouvernent la cinétique de la dégradation, et l’épais-
seur de béton dégradée évolue en fonction de la racine du temps. Les approches
thermodynamiques et les aspects cinétiques sont présentés dans deux cas : l’at-
taque par l’eau pure et l’attaque sulfatique externe. Ces exemples illustrent les
possibilités offertes par la modélisation pour décrire les dégradations du béton
par des attaques chimiques.
Mots-clés
STABILITÉ CHIMIQUE, SOLUBILITÉ, ÉQUILIBRE, DIFFUSION, LIXIVIATION, DIAGRAMMES DE
PHASES, TRANSPORT DE MASSE, LOIS DE FICK, CARBONATATION, EAU DE MER, ATTA-
QUE SULFATIQUE
135
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Les lois qui gouvernent l’hydratation du ciment, c’est-à-dire l’évolution des pha-
ses anhydres au contact de l’eau en phases hydratées, gouvernent de la même ma-
nière l’évolution des phases hydratées si elles sont mises en contact avec un
milieu dans lequel des phases moins solubles sont susceptibles d’exister. Dans le
premier cas, les réactions entre des grains en suspension dans une phase aqueuse
conduisent rapidement à la transformation partielle du produit de départ en phases
hydratées et à la formation d’un solide de microstructure complexe. Ces réactions
sont alors cinétiquement limitées par des phénomènes de diffusion. Dans le se-
cond cas, c’est-à-dire l’évolution d’une pâte de ciment durcie soumise à un envi-
ronnement extérieur, c’est à travers la surface externe, la surface développée par
les pores capillaires et les nanopores, que les différentes phases hydratées qui
constituent le solide massif vont être en interaction avec le milieu extérieur ; cette
interaction sera donc d’autant plus limitée que la porosité capillaire sera fermée.
Il convient en effet de rappeler qu’un matériau cimentaire a un pH très basique et
donc bien différent de son environnement qui sera le plus souvent de pH neutre
ou acide. L’exemple le plus simple concerne la carbonatation : le gaz carbonique
se dissout dans la solution interstitielle basique contenue dans les pores au contact
de l’atmosphère en donnant des ions carbonate. Ceux-ci précipitent avec les ions
calcium sous forme de calcite moins soluble que la portlandite qui se dissout tant
que le CO2 peut pénétrer dans les pores. Si la porosité de la pâte de ciment est suf-
fisamment faible, la précipitation de calcite tend alors à fermer celle-ci et empê-
che le CO2 de pénétrer la structure : c’est l’effet de peau bien connu. On met ainsi
en évidence les deux facteurs déterminant l’évolution de la pâte de ciment durcie
dans un environnement donné : le facteur thermodynamique qui contrôle la stabi-
lité des hydrates en fonction des conditions extérieures, et le facteur microstruc-
tural, en particulier la structure poreuse, qui contrôle l’accessibilité des agents
extérieurs aux phases hydratées à travers la solution interstitielle. Ces deux as-
pects sont successivement repris dans les deux parties de ce chapitre.
136
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
Si les hydrates sont en interaction avec une solution dans laquelle ils ne sont pas
en équilibre, cela conduit à leur dissolution et à la précipitation possible d’autres
phases moins solubles.
Une approche purement basée sur la thermodynamique, qui ne s’intéresse qu’à
l’état initial et à l’état final sans considération cinétique, peut déjà donner des in-
formations très utiles sur le devenir d’une matrice cimentaire exposée à un envi-
ronnement donné, puisqu’il est possible de savoir si les phases de la matrice
initiale sont stables dans le milieu considéré. Dans le cas contraire, il est aussi pos-
sible de déterminer les phases qui remplaceront les phases initiales. Ainsi, il de-
vient envisageable, par cette première approche, de tester différentes hypothèses
d’une formulation devant résister de façon optimale à un environnement donné.
Par ailleurs, la connaissance des diagrammes de phases qui découlent de l’appro-
che thermodynamique, permet bien souvent d’interpréter de nombreuses expé-
riences de durabilité rapportées dans la littérature qui semblent, a priori,
contradictoires car non réalisées dans les mêmes conditions ou pour les mêmes
compositions. Généralement, la composition de la phase aqueuse représentative
du milieu extérieur et la température seront les deux paramètres majeurs pour fai-
re évoluer les hydrates. Afin d’apporter quelques éléments de réflexion pour les
chapitres suivants, nous allons considérer, à titre d’exemple, ce que prévoit la
thermodynamique quant à l’évolution des phases hydratées de la pâte de ciment
en présence d’eau pure (cas de la lixiviation), d’eau contenant des carbonates (cas
de la carbonatation), puis d’eau contenant des sulfates (cas de l’attaque sulfati-
que). L’effet de la température sera illustré dans ce dernier cas. Dans cette appro-
che, les seules données à connaître sont les constantes d’équilibre
thermodynamiques à prendre en compte c’est-à-dire les produits de solubilité des
hydrates qui se dissolvent mais aussi des hydrates ou solides qui peuvent précipi-
ter à partir de la solution. Nous admettrons ici que la précipitation d’un solide dé-
bute dès que la solution devient sursaturée vis-à-vis de ce solide.
2.1. Simulation thermodynamique de la lixiviation par l’eau pure
Pour illustrer cette approche, nous allons considérer le devenir de C-S-H1 et CH
issus de l’hydratation complète de 10 g de C3S, soient 74,5 mmol de C-S-H (de
rapport C/S de 1,7 noté C-S-H(SII)) et 57 mmol de CH. Le calcul revient à faire
l’expérience suivante : les hydrates finement broyés et initialement placés dans un
litre d’eau pure sous agitation vont se dissoudre pour atteindre leur équilibre de
solubilité. Une fois cet équilibre atteint, la solution est renouvelée, et un nouvel
état d’équilibre est atteint, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’ensemble des phases
137
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0 m n 0
d’où : ΔG r = ΔG r + RT ln ( a M a N … ) = ΔG r + RT ( IAP ) tel que IAP = produit
des activités des ions.
0
À l’équilibre on a ΔG r = – RT ln K avec K la constante de solubilité,
IAP
donc ΔG r = RT ln ⎛ ----------⎞ = RT ln β , tel que β est l’indice de saturation encore
⎝ K ⎠
noté SI.
La valeur de l’indice de saturation des solides permet de savoir si :
– la solution est sous-saturée par rapport au solide (SI < 0) ;
– la solution est en équilibre avec le solide (SI = 0) ;
– la solution est sursaturée par rapport au solide (SI > 0).
138
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
• SH + C-S-H(SI) + aq.
• C-S-H(SI) + C-S-H(SII) + aq.
• C-S-H(SII) + CH + aq.
Les concentrations au niveau des trois plateaux de concentration en calcium cor-
respondent donc bien à celles des trois points invariants. Ainsi, en reprenant le
diagramme de phases à partir du point invariant de départ, C-S-H(SII) + CH + aq.,
puis en suivant le diagramme en allant vers des concentrations plus faibles en cal-
cium, on s’aperçoit qu’il va y avoir une succession de différentes phases en équi-
libre avec la solution. Les quantités des différentes phases peuvent être calculées
(figure 4.1c) permettant ainsi de bien mettre en évidence cette succession d’étapes
de dissolution/précipitation.
En présence d’eau pure, la stabilité des hydrates C-S-H, CH et SH est très diffé-
rente. La portlandite, qui est moyennement soluble, est complètement dissoute
après seulement trois renouvellements. De façon opposée, la silice amorphe reste
présente après avoir équilibré 60 fois le système avec de l’eau pure alors qu’il y
a dissolution complète du C-S-H. La silice amorphe est très peu soluble, ce qui
induit une concentration à l’équilibre proche de l’eau pure, et ainsi elle reste pré-
sente jusqu’à 5183 renouvellements.
0,025
Ca total
Si total
0,02
Concentration (mol/kg)
0,015
0,01
0,005
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
139
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
13
12
11
10
pH
9
6
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
(b) pH.
0,09
0,08 CH
C–S–H (SII)
0,07 C–S–H (SI)
Concentration (mol/kg)
SiO2 amorphe
0,06
0,05
0,04
0,03
0,02
0,01
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
140
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[Si] (mmol/k)g
10
SH
C–S–H (SI)
0,1
C–S–H (SII)
CH
0,01
0 5 10 15 20 25
[Ca] (mmol/lkg)
141
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
142
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[CO3] (mmol/kg)
0,1
calcite
SH
CH
100 C–S–H (SI)
10
[Ca] (mmol/kg)
C–S–H (SII) [Si] (mmol/kg)
0,09
0,08
Concentration (mol/kg)
0,07
CH
0,06 C–S–H (SII)
0,05 C–S–H (SI)
SiO2 amorphe
0,04 Calcite
0,03
0,02
0,01
0
0 10 20 30 40 50 60
Renouvellement (litre)
143
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
144
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[SO4] (mmol/kg)
gypse
10
0,1
CH
0,01
0,1 1
100 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
Considérons maintenant que les ions sulfate sont apportés par la mirabilite
(Na2SO4.10H2O) dont la solubilité est très grande (plusieurs mol/kg). Il convient
donc de connaître le diagramme de phases du système CaO-Al2O3-CaSO4-Na2O-
H2O à 25°C qui avec ses quatre constituants hormis l’eau est plus difficile à re-
présenter. Ainsi, pour comparer plus facilement les résultats au diagramme CaO-
Al2O3-CaSO4-H2O précédent, la concentration en NaOH est fixée à 500 mmol/
kg ce qui permet de rester avec une représentation cartésienne à trois axes ortho-
gonaux (figure 4.6).
145
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
[SO4] (mmol/kg)
NaOH = 500 mmol/l
500
gypse
ettringite
AH3
CH C3AH6
10 25
146
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
[SO4] (mM/kg)
300
250
AH3 + ett. + gypse
200
150
100
ettringite
0
0 10 100 250 500
[Na] mM/kg
147
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
[SO4] (mmol/kg)
gypse 10
ettringite
0,1
0,01 monosulfoaluminate
de calcium
CH
0,01
0,1
AH3
40 C3AH6
[Al] (mmol/kg)
[Ca] (mmol/kg)
148
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
sité totale mais aussi connectivité et distribution des pores. Dans ce contexte, les
phénomènes mis en jeu sont :
– un transport de matière entre le matériau et le milieu aqueux externe, pouvant
s’opérer par diffusion ou/et par convection ;
– des réactions chimiques de dissolution/précipitation provoquées par les varia-
tions de concentration résultant du transport de matière.
3.1. Transports de matière
Si l’on considère dans un premier temps le transport non réactif en milieu saturé,
on peut évoquer la diffusion gouvernée par le gradient local de concentration du
soluté, processus détaillé au paragraphe 4 du chapitre 3, et la convection qui est
un entraînement des espèces en solution par le flux d’eau.
3.1.1. La diffusion moléculaire : les lois de Fick
La première loi de Fick relie le flux à travers une surface et le gradient de concen-
tration ; la seconde loi de Fick relie les variations spatiales et temporelles des con-
centrations.
Dans une direction (équations 1D), ces lois s’écrivent respectivement :
∂c
J e, x = – D e ----- (1)
∂x
∂c De ∂2 c
et ----- = ------ -------- (2)
∂t p ∂x 2
avec, Je le flux (en mol.m–2.s–1), De le coefficient de diffusion effectif de l’espèce
diffusante (en m2.s–1) dans le milieu de porosité p et c (x) la concentration à l’abs-
cisse x (en mol.m–3).
Ces équations peuvent être résolues analytiquement dans certains cas simplifiés
comme :
– la diffusion d’un traceur non réactif à travers une lame mince poreuse (voir la
figure 3.36). En portant la quantité cumulée relâchée en fonction du temps, on
obtient aux temps longs un comportement asymptotique linéaire dont la pente
permet de déterminer le coefficient de diffusion effectif De de l’espèce migrante
dans le matériau de porosité p ;
– la lixiviation d’un traceur non réactif. Aux premiers instants, tout se passe
comme si le milieu solide était semi-infini, puisque le relâchement ne concerne
que les premières couches du matériau. La quantité lixiviée varie initialement
comme la racine carrée du temps. En portant la quantité relâchée dans le lixiviat
149
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
150
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
Q
Si ua est la vitesse de convection ( u a = ---- en m.s–1), le gradient temporel de con-
A
∂c ∂c
centration ----- de la seconde loi de Fick est alors à corriger du terme – u a ----- .
∂t ∂x
3.2. Transport réactif
Les évolutions physico-chimiques d’un béton en interaction avec son environne-
ment dépendent principalement des couplages chimie-porosité-transport. Les dis-
solutions/précipitations de minéraux notamment modifient la surface spécifique
du solide, le volume poreux et la distribution des tailles de pores. Or la porosité
(volume et taille) ainsi que son degré de saturation influent fortement sur les pro-
priétés de transport par convection-diffusion. Le nombre et la nature des sites de
sorption ou d’échanges ioniques peuvent également être modifiés. Les modèles
qui tentent de rendre compte de ces phénomènes couplés peuvent donc devenir
rapidement très complexes.
Dans le cas simplifié d’un transport diffusif unidirectionnel dans un béton saturé,
le bilan matière dans un volume élémentaire représentatif d’épaisseur 2dx peut
s’écrire sous la forme :
2
∂c i ∂ c i 1 ∂C i
------- = D a ---------- – --- -------- (5)
∂t 2 p ∂t
∂x
avec :
ci concentration en phase liquide du constituant i (en mole . m–3 de solution) ;
p porosité ;
Ci concentration en phase solide du constituant i (en mole . m–3 apparent de matériau).
A priori, la quantité de constituant i arrivant ou partant par réaction chimique suit
une cinétique de dissolution ou de précipitation. L’approximation de l’équilibre
local peut être formulée dès lors que ces cinétiques sont infiniment plus rapides
que les vitesses de transport d’espèces en solution. Dans le cas des pâtes de ci-
ment, cette hypothèse a été confirmée par Buil [BUI 90] ainsi que par les travaux
d’analyse dimensionnelle de Barbarulo [BAR 00].
Les moyens mathématiques et numériques permettant de résoudre les équations
de diffusion couplées à des réactions chimiques ont été exposés en particulier par
Lichtner [LIC 85, LIC 96]. Des outils permettant de réaliser ces calculs de trans-
port réactif ont été développés notamment pour des modélisations géochimiques
de systèmes hydrogéologiques [VAN 01]. Ce type de codes a été utilisé par exem-
ple pour simuler l’attaque sulfatique externe d’une pâte de ciment CEM I
[PLA 02, BAR 02].
151
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
l0 l1 lk – 2 lk – 1
152
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
8 0,5
5 4 3 2 1 5 4 3 2 1
Portlandite 0,4
6 Monosulfoaluminate
de calcium
mol/L
0,3
mol/L
4 C–S–H
0,2
2
0,1 Ettringite
0 0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 0 0,4 0,8 1,2 1,6
Distance de la surface (mm) Distance de la surface (mm)
Profils minéralogiques modélisés pour 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.
5 4 3 2 1
C–S–H Portlandite
Solution C–S–H C–S–H
Gel C–S–H Ettringite
agressive Ettringite Monosulfoaluminate Ettringite 5 4 3 2 1
de cacium Monosulfoaluminate
de calcium
Distribution expérimentale des phases minérales après 3 mois de lixiviation dans une solution à pH 8,5.
153
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
0,5
10 000 6,0e-11
0,4
5 000 3,0e-11
0,3
0 0,2 0,0e-11
0 22 0 22 0 22
cca (mol/m3) cca (mol/m3) cca (mol/m3)
154
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
10
mortier
(mol/dm2)
6 béton
2 } Résultats expérimentaux
} Modélisation Diffu-Ca
0
0 5 10 15
Racine carrée du temps (en jours)
155
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
70 portlandite
C-S-H
60 ettringite
Concentration (g/kg)
hydrogrenat
50 gypse
40
30
20
10
0
0 1 2 3 4 5 6
Position (cm)
Figure 4.14 : distribution des phases solides pour un béton de rapport eau/ciment de
0,65, exposé 20 ans à une solution de sulfate de sodium à 10 mmol/L [MAR 02].
La simulation permet de connaître les profils de concentration des différents hydrates dans le maté-
riau après une durée d’exposition donnée. Comme dans le cas d’une exposition dans l’eau pure, la
portlandite est totalement dissoute dans la partie externe du béton. Une zone riche en gypse est pré-
sente dans la zone externe et coexiste avec de l’ettringite.
156
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
portlandite
monosulfoaluminate
Coups/s
Simulation HYTEC
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0
Épaisseur (mm)
Figure 4.15 : comparaison entre les profils minéralogiques expérimentaux et ceux issus
du calcul HYTEC pour une pâte de ciment CEM I immergée pendant 12 semaines dans
une solution contenant 15 mmol.L–1 de sulfate de sodium et maintenue à pH 7 [PLA 02].
Les courbes de la partie supérieure représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de
diffraction des rayons X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur
dans le matériau. Elles font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et pro-
gressant au cours du temps :
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.
Les profils obtenus par simulation sont reportés sur la partie inférieure de la figure. Ils sont globale-
ment similaires aux données expérimentales même si la zone dans laquelle le gypse précipite n’est
pas tout à fait localisée au même endroit.
157
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Porosité
portlandite
0,16
0,14
0,12
Proportion (%)
0,1
0,08
0,06
calcite ettringite
0,04
brucite
gypse
0,02
AFm
chloroaluminate
0
0,5 1 1,5 2
Profondeur (mm)
Figure 4.16 : évolutions après 4 jours simulés des proportions volumiques des espèces
solides en fonction de la profondeur dans le matériau, pour un ciment CEM I
soumis à de l’eau de mer [GUI 04].
D’autres systèmes multi-ioniques naturels ont été modélisés en vue de prédire les
interactions entre un milieu géologique et des structures souterraines en béton
[TRO 06]. Il reste cependant encore difficile de quantifier l’impact de ces réac-
tions chimiques sur les propriétés physiques des matériaux cimentaires.
158
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
0,45 C1,65SH2,45
C1,1SH1,9
0,4
0,35
Fraction volumique (%)
0,3
Porosité
0,25
0,2
0,15
CH
0,1
AFt
0,05
AFm
0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500
Temps (h)
Figure 4.17 : évolution de la composition minéralogique et de la porosité
d’une pâte de CEM I en fonction du temps à une profondeur donnée lors d’une lixiviation
par une eau pure [GUI 04].
159
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
3,0E-10
2,5E-10
2,0E-10
D (m2/s)
1,5E-10
1,0E-10
Coefficient de diffusion
5,0E-11
0,0E+00
0,000 0,002 0,004 0,006 0,008 0,010
Distance (m)
Figure 4.18 : évolution de coefficient de diffusion effectif dans les différentes zones
créées lors de la lixiviation de la pâte de ciment [KAM 05].
Les modifications de la structure poreuse consécutives à la lixiviation de la pâte de ciment se tradui-
sent par une augmentation du coefficient de diffusion effectif dans la zone dégradée. Les valeurs por-
tées sur cette courbe sont obtenues par calcul.
Toutefois, cette approche est généralement moins efficace dans le cas par exem-
ple de précipitation d’une couche protectrice qui diminue très peu la porosité glo-
bale totale mais très fortement les paramètres du transport [LAG 00]. Les
principaux moyens qui ont été élaborés pour mieux rendre compte des relations
entre la diffusivité des matériaux cimentaires et leur microstructure sont, d’une
part, des modèles d’homogénéisation qui, à partir des fractions volumiques et des
caractéristiques des constituants élémentaires retenus pour décrire le système hé-
térogène, permettent d’évaluer la diffusivité macroscopique [GAR 98, HAS 02,
CAR 03, PIV 04, BAR 06, STO 06], et, d’autre part, des outils numériques capa-
bles de générer des microstructures 3D [GAR 92, BEN 97, NAV 99, YE 03,
BEJ 06].
Si l’on souhaite avoir une approche la plus représentative possible, il convient de
coupler le code de transport réactif avec un code qui, d’une part, génère, puis,
d’autre part, fait évoluer, une microstructure numérique 3D à l’échelle micromé-
trique ou sub-micrométrique. Il est alors possible d’extraire la porosité ainsi que
la distribution des pores et leur connectivité afin de calculer les propriétés de
transport locales (coefficient de diffusion et perméabilité). Ce type d’approche
nécessite de disposer de puissants moyens de calcul, alors que les méthodes d’ho-
mogénéisation sont actuellement plus accessibles.
160
La stabilité chimique des hydrates et le transport réactif dans les bétons
25
20
15
10
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8
Porosité capillaire
Figure 4.19 : comparaison pour trois pâtes de ciment CEM I de E/C différents
et dégradées chimiquement, des modules d’élasticité prédits par une relation « modèle »
et par calcul 3D aux éléments finis en fonction de la porosité capillaire noté F-E
dans la figure [GUI 06].
Les conséquences mécaniques des dégradations chimiques ne peuvent être que
partiellement prédites au moment où ce livre est rédigé. Des progrès significatifs
semblent toutefois possibles au vu des travaux en cours.
4. CONCLUSION
Une approche thermodynamique utilisant les conditions d’équilibre permet de
bien comprendre les conditions de stabilité chimique des hydrates et donc de sa-
voir si des évolutions peuvent intervenir quand la composition de la phase inters-
titielle du béton évolue lors d’un échange de matière avec le milieu extérieur. Le
161
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
point crucial pour que l’approche thermodynamique soit pertinente est la qualité
de la base de données thermodynamiques qui est associée aux codes de calcul des
équilibres géochimiques. L’aspect cinétique relatif à la stabilité où la transforma-
tion des hydrates contenus dans la matrice poreuse du béton, dépendra de la vites-
se de transport de la matière dans le réseau poreux du béton qui peut être estimée
à travers les lois classiques de transport de masse en fonction des gradients appli-
qués. Le transport réactif permet de bien rendre compte de dégradations de façon
macroscopique, comme dans le cas de la lixiviation, en reproduisant la zonation
souvent observée.
L’utilisation d’une approche tridimensionnelle du transport réactif sur des mi-
crostructures numériques réalistes permettra d’aller plus loin dans l’étude de l’im-
pact de la stabilité ou de la transformation des hydrates sur la microstructure et
ses propriétés. Ainsi il deviendra possible d’obtenir une évolution espace-temps
de propriétés comme le module élastique et donc de relier dégradation chimique
et propriétés d’usage.
Bibliographie
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