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CHAPITRE N°1 : La naissance de l’économie politique.

Parallèlement à l’industrialisation, la pensée économique se transforme pour donner naissance à de nouveaux


courants théoriques. Il ne faut cependant pas exagérer la rupture de la fin du 18ème siècle dans la mesure où de
nombreuses idées développées par les fondateurs de l’ « économie classique » apparaissent déjà dans les
recherches des physiocrates et des penseurs libéraux des lumières. Face à ce courant libéral dominant, qui sert en
grande partie à légitimer les intérêts de la bourgeoisie d’alors, Karl Marx met en avant les défauts et les limites du
capitalisme. De ce double courant, s’affirmera la pensée néo-classique qui annonce les changements théoriques
du 20ème siècle.

I) LA CONSTITUTION DE LA PENSEE ECONOMIQUE.


Au 16ème et 17ème siècles, on passe d’une pensée économique diffuse à la constitution d’un champ particulier,
l’économie politique, qui s’intéresse aux meilleurs moyens d’accumuler de la richesse. Les deux premiers courants
économiques sont le courant mercantiliste et le courant physiocrate. Selon les mercantilistes, l’Etat doit forcément
intervenir dans l’économie alors que selon les physiocrates, il existe un ordre naturel qu’il ne faut surtout pas
perturber. A la fascination que l’Etat exerce sur les premiers succédera donc la fascination du marché à laquelle
céderont les seconds.

A) DES MERCANTILISTES…

Le terme « mercantilisme » est un terme anachronique, forgé par les économistes libéraux de la fin du 18ème siècle
et du 19ème siècle pour critiquer leurs prédécesseurs. Il est repris d’Adam Smith qui, dans ses « Recherches sur la
nature et les causes de la richesse des nations (1776) », accuse les « partisans du système mercantile » d’avoir
jadis formulé des thèses contraires à l’intérêt commun. De fait, le mercantilisme ne s’est jamais posé comme un
véritable corps de doctrine. La pensée mercantiliste résulte d’une multitude d’auteurs (plus de deux cents), des
marchands, des manufacturiers, des hommes politiques (Richelieu, Colbert), des juristes (Jean Bodin), dont les
écrits se diffusent dans toute l’Europe, du début du 16ème au milieu du 18ème siècle. Ils ne forment pas un groupe
homogène mais ont pour point commun leur intérêt à l’égard des « problèmes pratiques immédiats, qui se posaient
à la politique économique, problèmes qui étaient ceux de l’Etat national naissant » (J. Schumpeter, Histoire de
l’analyse économique).

1. Les principes généraux du Mercantilisme


a) Le commerce est source d'enrichissement
b) L'État doit intervenir dans l'économie

2 - DE NOMBREUSES VARIANTES NATIONALES
a) En Espagne et au Portugal : les premiers projets mercantilistes
Selon le mercantilisme espagnol « bullioniste » ou « métalliste », il faut accroître le stock de métaux précieux grâce
aux mines des colonies et surtout l’empêcher de quitter les frontières. La situation de la péninsule Ibérique est
particulière dans la mesure où l'Espagne et le Portugal bénéficient d'une rente de situation, par leur colonisation
précoce de l'Amérique. Après avoir pillé les trésors aztèques et mayas, les premiers colons ont pratiqué l'orpaillage
(chercher des pépites dans les cours d'eau) puis une exploitation minière (les mines d'argent de Zacatecas au
Mexique, du Potosi au Pérou, atteignent leur plein rendement dans la seconde moitié du 16ème siècle, mais se
tarissent déjà vers 1590) d'or puis d'argent s’est mise en place. Cette arrivée de métaux a favorisé très fortement
l'économie espagnole, qui rentre alors dans une période faste appelée le siècle d'or. Mais l'augmentation de la
masse monétaire rompt brutalement les équilibres anciens, et c'est d'abord en Espagne que les phénomènes
inflationnistes se marquent le plus nettement. Toutes ces conditions expliquent pourquoi la réflexion économique
est plus précoce en Espagne que dans les autres pays européens.
Dans les années 1560 naît le courant des arbitristes* (Arbitristes : auteurs, généralement issus de la société
marchande, qui envoient des mémoires (arbitrios) au roi d'Espagne, plus particulièrement dans les années 1560-
1640). Ces écrivains envoient des mémoires au roi afin d'orienter sa politique. Le plus célèbre est Luis Ortiz*( Luis
Ortiz : trésorier et conseiller du roi d'Espagne Philippe II), qui adresse au souverain en 1558 sa Requête pour que
l'argent ne sorte pas du royaume. Tous ces penseurs anticipent sur une décadence qui ne devient effective que
dans les années 1640. Ils font la liste des maux qui menacent le pays, et proposent des solutions Tous s'inquiètent
d'une dépopulation (despoblacion), qui serait essentiellement due à l'émigration vers les nouveaux mondes et à
l'expulsion des Morisques (1609-1610 ; Morisques, Moriscos : musulmans d'Espagne convertis de force au
catholicisme entre 1501 et 1525) Cette réflexion permet de dénoncer avec vigueur le fétichisme (vénération
superstitieuse) des métaux précieux, en montrant clairement que la vraie richesse d'une nation réside dans sa
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population. Ils critiquent également la fiscalité royale. On remarque déjà que l'augmentation de la pression fiscale
atteint un seuil qui décourage toute nouvelle entreprise, en pressentant le mécanisme du rendement décroissant
de l'impôt. On dénonce aussi sa répartition trop inégale, à la fois entre les provinces et entre les catégories
sociales, en prônant une plus grande égalité civile. On se plaint enfin d'un trop long circuit entre les contribuables
et le Trésor, la multiplicité des intermédiaires abaissant le rapport final des impôts royaux. Mais la réflexion des
arbitristes porte surtout sur la fuite de l'argent américain à l'étranger. En raison de l'insuffisance de son artisanat,
l'Espagne est contrainte à importer presque tous les articles manufacturés, alors qu'elle est exportatrice de produits
de base comme la laine d’où le déficit de la balance du commerce. Pour arrêter cette hémorragie, les arbitristes
n'envisagent que le protectionnisme à outrance : prohiber l'importation d'articles manufacturés, encourager la
production nationale, interdire les exportations des produits de l'agriculture et de l'élevage, intensifier la culture du
chanvre, du lin, etc… Ces mesures sont préconisées par tous les mercantilistes d'Europe, mais le mérite des
arbitristes est de bien mettre en valeur la primauté de l'agriculture dans l'économie, secteur que les économistes
ont plutôt tendance à négliger dans les autres pays jusqu'au milieu du 18ème siècle.

b) En Grande-Bretagne : un mercantilisme fondé sur le commerce maritime


Selon le mercantilisme anglais « commercialiste », il faut donc exporter le plus possible aux prix les plus élevés, et
importer le moins possible. Cela permet de dégager un excédent commercial qui fait rentrer de l’or dans le pays.
Les voies pour parvenir à réaliser un solde favorable de la balance du commerce sont pour eux essentiellement
maritimes. L'Angleterre doit développer sur son sol la production des biens manufacturés, afin de s'affranchir de
coûteuses importations et éventuellement de pouvoir dégager des surplus exportables. Bénéficiant de son
insularité, l'Angleterre peut mieux que n'importe quel autre pays contrôler son commerce extérieur, d'autant que sa
marine dépasse désormais celle de l'Espagne et rivalise avec celle des Provinces-Unies (nom porté par la partie
septentrionale(située dans la partie nord) des Pays-Bas de 1579 à 1795) . Bénéficiant déjà d'une base coloniale au
Nouveau Monde, elle peut aussi s'approvisionner avec facilité en épices et autres produits tropicaux, d'un coût très
élevé. Tous ces auteurs militent donc pour l'établissement ou le maintien d'un monopole de fait du transport
maritime britannique. Ce principe entre en application avec l'acte de navigation de 1651: loi promulguée par Oliver
Cromwell, réservant aux navires anglais le commerce extérieur de l'Angleterre et interdisant l'entrée des ports à
tout navire étranger transportant des marchandises ne provenant pas de son propre pays. Le mercantilisme
anglais est donc un mercantilisme protectionnisme dont l’autre mesure symbolique est les corn laws de 1773 qui
interdisent toute importation de blé.
c) En France: un mercantilisme manufacturier

« La commerce est une guerre entre les entreprises et les industries de toutes les nations.
Elle est conduite par 20 000 navires… » Colbert
Selon Jean Bodin, la grandeur d'une nation n'est pas expressément liée à sa richesse monétaire, mais à sa
croissance démographique: « Il ne faut jamais craindre qu'il y ait trop de sujets, trop de citoyens il n'y
a de richesse ni force que d'hommes » : conception populationniste. C’est donc la croissance démographique
qui fait la prospérité et le dynamisme des nations. Ainsi, Bodin perçoit que le développement de l’industrie et du
commerce d’exportation, source de profit, nécessite de la main-d’œuvre et qu’en sens inverse l’expansion du
commerce permet le développement de la population.
Il faut attendre la fin du 16ème siècle et le début du siècle suivant pour que se développe une pensée mercantiliste
française autonome, autour de Barthélémy de Laffemas (1545-1611 ; ce marchand protestant devient valet de
chambre, puis tailleur de Henri IV, avant d'être nommé contrôleur général du commerce en 1602) et d'Antoine de
Montchrestien*( vers 1575-1621 ; tragédien français. À la suite d'un duel meurtrier, il s'enfuit en Angleterre et est
frappé par le contraste existant entre la prospérité britannique et les difficultés économiques de la France. Il rédige
son Traicté d'oeconomie politique à son retour de France, entre 1611 et 1615). Ces deux auteurs développent des
thèses prônant le développement de l'artisanat et de l'industrie à l'intérieur du royaume. On parle de
« mercantilisme « industrialiste ».
- Laffemas remarque que l'économie française a été ruinée par les guerres de religion, et que les meilleurs ouvriers
ont émigré vers l'Angleterre. Pour la rétablir, il convient de développer l'industrie de luxe, comme celles de la soie,
de la dentelle ou du cuir, tout en protégeant les productions nationales par de fortes barrières douanières. Il est
nécessaire aussi de réorganiser les métiers, en intégrant les ouvriers dans une stricte hiérarchie.
- Montchrestien remarque que la France ne dispose, ni sur son territoire, ni dans ses colonies, de mines de métaux
précieux pouvant assurer sa richesse. Pour que le pays s'enrichisse, il faut nécessairement faire venir de l'or et de
l'argent de l'étranger. Pour ce faire, il est indispensable de rétablir la balance du commerce par une politique
appropriée. Le pays dispose d'atouts que n'ont pas ses voisins. C'est le pays le plus peuplé d'Europe, son territoire
est vaste, ses sols sont fertiles, ce qui lui permet d'avoir une importante production agricole. Il faut se servir de
cette base pour favoriser l'établissement de manufactures (Manufacture : entreprise industrielle bénéficiant de
privilèges pour la fabrication et la vente d'un produit déterminé. La maison royale appartient à l'État et travaille pour

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lui. La manufacture royale est une entreprise privée dotée de privilèges royaux), qui permettraient d'assurer un
excédent de production exportable. Les manufactures de luxe (verreries, manufactures de soie, de dentelles ou de
tapisseries) pourraient affranchir le pays d'importations coûteuses. Les manufactures de produits plus grossiers
comme les toiles et les draps fourniraient de l'emploi à une grande quantité de personnes. Seul un engagement
plus important de l'État permettrait de garantir la prospérité de ces établissements. Il est nécessaire de mettre en
place une réglementation commerciale plus stricte, leur assurant des privilèges de fabrication et prohibant l'entrée
de certaines marchandises dans le royaume. Il faut aussi réglementer les métiers pour supprimer les fraudes et les
défauts de fabrication. Cette réglementation devrait être confortée par une tarification douanière avantageant les
productions françaises. Antoine de Montchrestien se fait aussi l'apôtre de la colonisation, notamment en Amérique
du Nord. Il remarque que la marine française, autrefois prospère, connaît un net déclin, et qu'une partie des trafics
lui a été ravie par les marins anglais et hollandais. Partisan d'une politique d'expansion coloniale, cet auteur
propose la création de grandes compagnies de commerce, sur le modèle de la Compagnie des Indes orientales*(
Compagnie des Indes orientales : compagnie de commerce créée par les Provinces-Unies en 1602, se consacrant
au trafic entre l'océan Indien et les PaysBas).

Timidement engagée sous le règne d'Henri IV (1589-1610), la politique manufacturière est rapidement
abandonnée. Si Richelieu (1624-1642) s'efforce un temps de rétablir la marine, il faut attendre le ministériat de
Jean-Baptiste Colbert* (1619-1683) ; un des principaux ministres de Louis XIV. Intendant des finances (1661),
contrôleur général des finances (1665), surintendant des bâtiments, art et manufactures (1664), puis secrétaire
d'État à la maison du roi et à la marine (1669)), pour que ces mesures soient réellement mises en application.
Reprenant les bases posées par les auteurs précédents, Colbert constate que la masse monétaire européenne
est relativement stable. Pour que le pays s'enrichisse, sa balance commerciale doit nécessairement être
excédentaire. Cet excédent ne peut être assuré que par une forte intervention de l'État. Son rôle consiste à
«augmenter l'argent dans le commerce public en l'attirant des pays d'où il vient, en le conservant
au dedans du royaume et empeschant qu'il n'en sortist, et en donnant aux hommes les moyens
d'en tirer profit ». L'État doit pratiquer une politique protectionniste en menant une véritable « guerre des tarifs »
avec l'étranger, en relevant systématiquement les droits de douane afin notamment de protéger les nouvelles
industries. Une mesure symbolique de ce mercantilisme est l’interdiction, par exemple, de toute exportation de blé
afin de créer une surproduction relative conduisant à la baisse du prix du blé et permettant de baisser les salaires
et de rendre l’industrie plus compétitive. L’Etat doit améliorer les infrastructures et stimuler l’exploitation des
ressources nationales. Colbert, considérant que l’Etat doit stimuler la production et les exportations, crée les
manufactures d’Etat et encourage la venue d’artisans étangers porteurs de méthodes de production
nouvelles.Avec Colbert, la monarchie se dote pour la première fois des moyens de ses ambitions. En mettant en
place une politique douanière se traduisant par un protectionnisme sélectif, une politique réglementaire et une
politique manufacturière c’est-à-dire une politique industrielle de création de manufactures d’Etat et de
manufactures royales, le contrôleur général des finances pose les bases d'une tradition interventionniste de l'État
français, encore forte aujourd'hui.

B) …AUX PHYSIOCRATES ou préclassiques.

A LA RECHERCHE DE « LOIS NATURELLES » : LES ANNONCIATEURS DE LA PHYSIOCRATIE.


a) Les intuitions non-conformistes de P. de Boisguilbert (1646-1714) et la réaction au Colbertisme.

Pierre Le Pesant de Boisguilbert (1646-1714) : conseiller du Roi, président et lieutenant général au bailliage (agent
du Roi chargé de fonctions administratives et judiciaires) ; ses réflexions économiques naissent à partir des
expériences auxquelles le confronte sa charge de lieutenant de police : maintien de l’ordre, mais aussi discussion
des prix, surveillance des foires et des marchés, des règlements, des chambres de métier…
Boisguilbert recherche les causes de la diminution de la richesse nationale (Smith recherchera les causes de la
richesse des nations). En effet, à la fin du règne de Louis XIV (1638-1715, roi de 1643 à 1715), il est frappé par la
pauvreté grandissante des campagnes françaises. Pour expliquer l’appauvrissement de la France, Boisguilbert
contredit deux principes mercantilistes. L’augmentation de population n’a pas arrêté la détérioration de la situation
économique : on assiste à une réduction de la production par tête. De plus, l’appauvrissement qu’il dénonce ne
résulte pas d’une pénurie de monnaie ; au contraire la quantité d’espèces a augmenté. L’accroissement de la
richesse nationale doit être recherchée à l’intérieur des frontières mais la richesse ne se confond pas avec les
métaux précieux (critique du chrysodénisme des mercantilistes) ; elle tire sa source de la terre et du travail.
Selon Boisguilbert, l’appauvrissement de la France provient de l’incohérence du système fiscal qui écrase d’impôts
les « petites gens » et réduit donc leur capacité de consommer ; « peu importe que les riches s’enrichissent et
puissent, eux consommer tout à loisir, car un riche fût-il dix fois plus riche qu’un pauvre ne consommera jamais
autant que dix pauvres » ; « c’est le menu peuple qui procure le plus de revenu à l’Etat ; un écu faisant plus de
chemin et par conséquent plus de consommation en une journée chez les pauvres, qu’en trois ois chez les riches

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qui, ne faisant que de grosses affaires, attendent longtemps pour faire sortir leur argent, ce qui est toujours
préjudiciable à un Etat » ; « tous les revenus, ou plutôt toutes les richesses du monde, ne consistent que dans la
consommation ; tous les fruits de la terre les plus exquis et les denrées les plus précieuses n’étant pas d’utilité
d’abord qu’elles ne sont pas consommées » .
De plus, Boisguilbert est sans doute parmi les premiers à concevoir l’idée d’un ordre économique naturel, et il en
déduit une obligation de non-interventionnisme. Par cette démarche, en opposition avec les mercantilistes, il
devient un précurseur du libéralisme ; « La Nature établit d’abord une égale nécessité de vendre et d’acheter dans
toutes les sortes de trafics, de sorte que seul le désir de profit soit l’âme de tous les marchés tant dans le vendeur
que dans l’acheteur ; et c’est à l’aide de cet équilibre ou de cette balance, que l’un et l’autre sont également forcés
d’entendre raison, et de s’y soumettre ».
En effet, selon lui, les difficultés financières du pouvoir n’ont qu’une cause : la baisse du revenu national. Pour y
remédier, il faut soulager l’agriculture accablée d’impôts et libérer le commerce, en particulier le commerce des
grains. En effet, la stimulation de la demande intérieure passe par celle de la consommation et par la libre
circulation sur le marché intérieur. Il considère ainsi que les barrières douanières sont responsables des difficultés
agricoles et de la misère paysanne. Il préconise donc, à l’encontre de la politique de Colbert et de ses successeurs
(au Contrôle général des finances), de « laisser faire la nature et la liberté », la concurrence qui en résultera
permettra l’établissement de prix équitables et de profits normaux. On peut dire qu’en définitive, « Boisguilbert
introduit dans la pensée économique, l’idée d’un ordre économique naturel dont le fonctionnement à condition
d’être libre tend vers un équilibre spontané »
b) Cantillon et le glissement vers le libéralisme.

Economiste français, Richard Cantillon (vers 1680-1690, décès officiel en 1734, mais son décès a peut-être été
maquillé pour échapper aux poursuites judicaires dont il faisait l’objet ; banquier…) est le premier à se démarquer
(sans s’en affranchir totalement) de la pensée mercantiliste et à poser les fondements de la théorie classique
(Essai sur la nature du commerce en général, 1755).

(1) Une analyse de la valeur :


Cantillon pense que la richesse provient de la terre et de la valeur travail: « La terre est la source ou la matière d’où
l’on tire la richesse, le travail de l’homme est la forme qui la produit, et la richesse en elle-même n’est autre chose
que la nourriture, les commodités et les agréments de la vie ». Il définit ainsi le prix ou la valeur intrinsèque d’une
chose à savoir : la mesure de la quantité de terre et de travail qui entre dans sa production. La valeur intrinsèque
est donc fondée sur le coût de production ou coût réel assimilé au contenu effectif des deux facteurs terre et travail.
Il distingue ensuite la valeur de marché, qui peut varier en fonction de l’offre et de la demande, de la réalité qu’est
la valeur intrinsèque : « si les fermiers dans un Etat sèment plus de blé qu’il n’en faut pour la consommation de
l’année, la valeur intrinsèque et réelle du blé correspondra à la terre et au travail qui entre dans sa production :
mais comme il y en a une trop grande abondance, et plus de vendeurs que d’acheteurs, le prix du blé au marché
tombera nécessairement au-dessous du prix ou valeur intrinsèque ». Les prix du marché oscillent autour de cette
valeur intrinsèque, autrement dit autour des coûts de production. Les écarts qui peuvent se produire entre les deux
grandeurs mettent en jeu des forces économiques qui les résorbent, conduisant ainsi, en général, vers un équilibre
naturel. Autrement dit, il croît en l’ordre naturel ; l’économie s’équilibre naturellement et les prix contribuent à cet
équilibre. Ces mêmes mécanismes se retrouveront chez les classiques.

(2) La circulation de la richesse…entre 3 classes


L’analyse de la richesse et de sa circulation qu’effectue Cantillon exercera une influence certaine sur Quesnay et
sa construction du circuit physiocratique. La richesse trouvant sa source dans la terre (le travail étant ce qui lui
donne forme), la propriété du sol crée trois classes naturelles entre lesquelles s’établit une circulation monétaire :
les propriétaires fonciers (seule classe indépendante ; le revenu de la terre ou rente peut-être dépensé au gré de
« leurs humeurs » qui vont ainsi déterminer demande globale, emploi et population.), les salariés (personnes sous
contrat, à « gages certains » dépendants ; leur rémunération va se fixer au minimum de subsistance), les
entrepreneurs (à « gages incertains » car ils font face à des charges qui s’imposent à eux sans savoir à quels prix
ils pourront écouler leurs marchandises (risques inhérents aux variations de la demande).)… Au total, par le rôle
qu’il attribue à la production agricole et par sa construction d’un circuit économique des dépenses, Cantillon
annonce les physiocrates.

LES PHYSIOCRATES (1756-1777) CONTRE L’ETAT TOUT PUISSANT.


La physiocratie (18ème siècle en France) est un mouvement économique qui durera peu de temps et ne regroupera
que peu de personnes : François Quesnay (1694-1774 ; son chef de file ; médecin de Louis XV), entouré de
quelques nobles et de quelques ecclésiastiques (organisés comme un véritable parti politique, certains nomment
ce groupe de « secte » physiocratique). Les physiocrates s'opposent aux mercantilistes car ce sont des libéraux

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hostiles aux interventions de l'État. Selon eux, l’Etat doit respecter les lois physiques qui guident l’économie (d’où
le nom de physiocrates ; physis qui signifie nature et cratos pour puissance d’où « gouvernement de la
nature »…symbolisant la confiance en l’harmonie spontanée surgissant de la nature ou, autrement dit, préfigurant
une foi dans les mécanismes de marché…). De plus, ils considèrent que le véritable enrichissement n'est pas
monétaire mais agricole. Modernes par plusieurs aspects de leur pensée, ils comptent parmi les véritables
fondateurs de l’économie politique.
Le contexte :
L’économie de la France sous l’Ancien Régime est agricole pour l’essentiel : 75 % de la richesse nationale provient
de l’agriculture. Par conséquent, les problèmes économiques de ce temps sont d’ordre agricole : révoltes
paysannes, famines, prix du blé, sont à l’origine de tensions prérévolutionnaires. La théorie des physiocrates
correspond à cette situation économico-politique : « la terre qui rapporte une rente est l’unique source de
production nette » Quesnay.

1) LE PRODUIT NET AGRICOLE

2) LE TABLEAU ÉCONOMIQUE DE F. QUESNAY (1758)


Selon Quesnay trois principes commandent la mécanique économique, que l'on peut énoncer dans l'ordre :
1 - « les dépenses donnent vie à la production » ;
2 - la production crée des revenus ;
3 - les revenus alimentent les dépenses.
Ceci nous donne le circuit simple suivant, forme la plus abstraite du circuit économique global.

L'idée originale est que toute l'activité économique est entretenue par le mouvement du revenu. Quesnay procède
à la première tentative de comptabilité nationale, en représentant la circulation des flux réels et monétaires, ce qui
donne une vision dynamique et non plus statique de l'économie. Par le jeu des échanges, les dépenses des uns
constituent les gains des autres. Il distingue trois classes fondamentales dans la vie économique de la nation : la
classe productive, la classe des propriétaires et la classe stérile. La découverte de la circulation sanguine lui donne
l’intuition d’une représentation de l’économie comme un vaste corps où circulent richesses et marchandises d’une
classe à l’autre. Sa représentation de la société est celle d’une harmonie : à l’image du corps, chaque classe,
comme les organes du corps humain a une fonction indispensable à la vie de tous c’est-à-dire une fonction
nécessaire à maintenir la bonne santé de l’ensemble... Dès lors, il faut empêcher tout ce qui limite la circulation des
biens et des valeurs entre les classes sociales pour que le flux de richesse irrigue bien tout le corps…
- La classe productive des agriculteurs crée plus de valeur qu’elle n’en consomme : « La classe
productive est celle qui fait renaître par la culture du territoire les richesses annuelles de la
nation, qui fait les avances des dépenses des travaux de l'agriculture, et qui paye
annuellement les revenus des propriétaires des terres. (...) »
- La classe des propriétaires comprend le souverain, les propriétaires fonciers et les collecteurs d’impôts ; elle
vit sur du surplus de valeur crée et consomme les biens produits par les autres classes : « Cette classe
subsiste par le revenu ou produit net de la culture, qui lui est payé annuellement par la classe
productive, après que celle-ci a prélevé, sur la reproduction qu'elle fait renaître
annuellement, les richesses pour se rembourser de ses avances annuelles et pour entretenir
ses richesses d'exploitation. »
- La classe stérile comprend tous les citoyens occupés à d’autres travaux que l’agriculture et en particulier les
artisans ; elle se contente de transformer les biens existants et restitue juste la valeur qu’elle utilise ; par exemple,
le bois qui devient meuble ne voit pas sa valeur augmentée par l’artisan…Attention, stérile ne signifie pas inutile
pour Quesnay…
Toutes ces classes sont liées au sein d’un circuit qui mène de la production à la répartition des revenus pour
aboutir à la dépense. Les relations entre les classes sont considérées par Quesnay comme des rapports
économiques, du fait qu’ils consistent soit en achats ou en ventes de marchandises, soit en paiement de revenu.
On a un système d’économie politique du fait que « la société est analysée en termes de circulation de richesses ».
De plus, ces rapports économiques correspondent à l’ordre naturel qui assure la prospérité de la société.
Le tableau représente, selon J. Schumpeter, un apport incontestable à la science économique. Tout d'abord, sa
méthode « permet une extraordinaire simplification » puisque des millions de flux entre producteurs et
consommateurs sont ramenés à quelques relations entre « agrégats sociaux ». Le tableau constitue ainsi le
véritable ancêtre de la Comptabilité nationale.
La présentation par Quesnay montre pour la première fois « l'interdépendance de tous les secteurs et de tous les
éléments du processus économique », elle propose également une première formulation de l'équilibre économique
: « le processus économique est représenté comme un flux circulaire revenant sur lui-même à chaque période » En
revanche, le tableau souffre d'une lacune majeure : il propose une représentation normative de l'économie

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occultant toute idée de croissance. Les marxistes reprocheront à Quesnay d'ignorer la « reproduction élargie » et
de se cantonner à la « reproduction simple ». Cette limite est inhérente au refus d'analyser l'origine du produit net
et à l'idéologie justificatrice du mode de répartition des richesses et des structures sociales existants. Le circuit
économique présente une fuite. Les oisifs, les propriétaires fonciers, perçoivent une rente versée par les
agriculteurs qui provient du produit net. Ils peuvent acquérir des produits de luxe importés. Une partie du produit
net peut ainsi échapper au circuit économique, par manque de civisme des propriétaires. De ce fait, une partie de
la rente ne permet pas de constituer un débouché sûr pour la production agricole ou manufacturière. Question de
l’épargne également comme fuite possible…

3) ORDRE NATUREL ET LIBÉRALISME



Comme le précise Turgot dans son « Eloge de M. de Gournay » (1759) : « Il est impossible que dans le
commerce abandonné à lui-même l’intérêt particulier ne concoure pas avec l’intérêt général.». Sa
conception de l’Etat dans la vie économique est la suivante : « Le bien général doit être le résultat
des efforts de chaque particulier pour son propre intérêt […]. Ce que l’Etat doit à chacun de ses
membres c’est la destruction des obstacles qui les gêneraient dans leur industrie […]. Les hommes
sont-ils puissamment intéressés au bien que vous voulez leur procurer. Laissez-les-Faire. Voilà le
grand, l’unique principe. » Les physiocrates ont ainsi exercé une certaine influence sur Smith.

CONCLUSION : Les physiocrates sont donc à l'origine de 3 avancées considérables de la théorie économique : ils
sont les premiers libéraux, ils prônent l'enrichissement matériel non monétaire et ils ont créé le 1er circuit
économique. De 1764 à 1789, la France va appliquer une politique de modernisation de son agriculture (sous
l’influence de Turgot, conseiller du Prince) inspirée par les physiocrates. Turgot, nommé Ministre des finances en
1774, rétablit la liberté du commerce pour les céréales. Il pratique une rigueur budgétaire sélective qui atteint les
dépenses improductives de la cour et freine ainsi les charges fiscales sur les paysans. Mais il touche aux intérêts
des puissants. Par conséquent, les idées physiocratiques se heurtent au tissu social réel. Il est chassé du pouvoir
par Louis XVI en 1776.
II)
III) II) LA CONSTITUTION DU COURANT LIBERAL.

A) LES ECONOMISTES CLASSIQUES.



Introduction: L'école classique (Au sens étroit du terme, il n'y a pas eu d'école classique ; les travaux des
auteurs concernés s'étendant sur trois quarts de siècle et manifestant de nombreuses divergences) étend son
règne sur un peu plus d'un demi-siècle inscrivant sa réflexion dans le cadre de la révolution industrielle que connaît
la Grande-Bretagne et qui s'amorce dans quelques autres pays. On peut en effet en marquer le début avec la
parution de l’oeuvre « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » d'Adam Smith en 1776
et l'amorce de son déclin avec la parution des « Principes d'économie politique » de Stuart Mill en 1848. « Les
Principes de l'économie politique et de l'impôt » de Ricardo parus en 1817 en constituent en quelque sorte le point
culminant.
L’école classique est à l’origine du libéralisme moderne. Les idées principales reposent sur :
- le fait que les comportements individuels s’agrègent harmonieusement. Chaque individu, en
recherchant son intérêt personnel, concourt « inintentionnellement » pour l’intérêt général.
- Les libéraux sont des utilitaristes car selon eux, la motivation principale de chacun est de
rechercher la maximisation de son utilité à savoir son dégré de satisfaction.
- Le respect de l’ordre naturel et donc la nécessaire non-intervention de l’Etat.
Contexte :
Le contexte général de l’époque est marquée par le passage de l'artisanat à la grande manufacture, la naissance
de l'industrie, le début du capitalisme. Trois phénomènes sont marquants :
a) le fait nouveau de l'accroissement de la population européenne à partir du début du 18ème siècle. Il est dû pour
l'essentiel aux progrès de l'agriculture et à l'amélioration des conditions d'hygiène. Cette croissance nouvelle de la
population, particulièremeint en Angleterre, provoque une croissance de la demande des biens essentiels : la
nourriture et les vêtements ,
b) la croissance démographique exige une transformation de l'agriculture féodale. C'est ce qui justifie le
mouvement des « enclosures » en Angleterre. Il résulte de ce remembrement à la fois une transformation sociale
de la campagne et une augmentation de la productivité sur de grandes exploitations cultivées de façon moderne ;
c) les manufactures s'organisent de façon efficace en utilisant une série d'innovations technologiques comme la
navette volante, et surtout la machine à vapeur qui va entraîner l'expansion de l'industrie sidérurgique et des
transports.
Le champ d'observation des économistes classiques est donc une économie en transformation. Leurs théories
pour l'essentiel visent à défendre les conditions de développement du capitalisme industriel.
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1) ADAM SMITH (1723-1790) .
Sa vie: Adam Smith (1723-1790). Particulièrement doué, entre à l'université à quatorze ans. À Glasgow, puis à
Oxford, il étudie la philosophie sous la direction de Francis Hutcheson et s'intéresse à l'oeuvre de David Hume.
Nommé en 1751 à la chaire de logique de l'université de Glasgow puis, succédant à Hutcheson, l'année suivante à
celle de philosophie morale, son cours s'organise en quatre parties: théologie naturelle, éthique, jurisprudence,
économie politique. Il publie en 1759 la Théorie des sentiments moraux, ouvrage consacré à la philosophie sociale.
Devenu précepteur du jeune duc de Buccleugh, il l'accompagne dans ses voyages de formation en Europe, ce qui
lui donne l'occasion, en France, de rencontrer Quesnay et Turgot. Les « Recherches sur la nature et les causes de
la richesse des nations » parues en 1776 rencontrent un grand succès connaissant quatre rééditions du vivant de
l'auteur. En 1778 Smith sera nommé commissaire aux douanes et meurt après avoir été recteur de l'université de
Glasgow.

a. Une double approche de la valeur : par le travail et l’utilité.


« Il faut observer que le mot valeur a deux significations différentes. Quelquefois il signifie l'utilité d'un objet, et
quelquefois il signifie la faculté que donne la possession de cet objet d'en acheter d'autres marchandises. On peut
appeler l'une valeur en usage, et l'autre valeur en échange ».
Pour Smith: « Des choses qui ont la plus grande valeur en usage n'ont souvent que peu ou point de valeur en
échange ; et au contraire, celles qui ont la plus grande valeur en échange n'ont souvent que peu ou point de valeur
en usage. Il n'y a rien de plus utile que l'eau, mais elle ne peut presque rien acheter; à peine y a-t-il moyen de rien
avoir en échange. Un diamant, au contraire, n'a presque aucune valeur quant à l'usage, mais on trouvera
fréquemment à l'échanger contre une très grande quantité d'autres marchandises ».
« le travail est a mesure réelle de la valeur échangeable de toute marchandise. »
b. L’augmentation de la production et de l’opulence par la division du travail.
c) L’épargne source de croissance et d’accumulation du capital.
« L’accumulation d’un capital est un préalable nécessaire à la division du travail ; le travail ne peut recevoir de
subdivisions ultérieures qu’en proportion de l’accumulation progressive des capitaux. » (livre 2, introduction,
p.126)
d) De l’égoisme individuel à l’harmonie collective :
(1). Quand l'intérêt particulier conduit à l'intérêt général
« Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre
dîner mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais à leur
égoïsme ; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, mais de leur avantage. »,

La main invisible
Par conséquent, puisque chaque individu tâche, le plus qu'il peut, 1) d'employer son capital à faire valoir l'industrie
nationale, et 2) de diriger cette industrie de manière à lui faire produire la plus grande valeur possible, chaque
individu travaille nécessairement à rendre aussi grand que possible le revenu annuel de la société. À la vérité, son
intention en général n'est pas en cela de servir l'intérêt public, et il ne sait même pas jusqu'à quel point il peut être
utile à la société. En préférant le succès de l'industrie nationale à celui de l'industrie étrangère, il ne pense qu'à se
donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière que son produit ait le
plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est
conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours
ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant
que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il
avait réellement pour but d'y travailler. Je n'ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de
commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle
passion n'est pas très commune parmi les marchands, et qu'il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir.
A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.
« Supposons que les consommateurs demandent davantage de gants qu'il n'en est produit et moins de
chaussures. En conséquence le public se précipitera sur les stocks de gants alors que dans les chaussures les
affaires marcheront mal; le prix des gants aura donc tendance à augmenter, puisque les consommateurs essayent
d'en acheter plus qu'il n'y en a de disponibles; par contre, comme le public délaisse les boutiques de chaussures,
le prix de celles-ci tend à baisser. Comme le prix des gants augmente, le profit dans la ganterie augmente
également; comme le prix des chaussures chute, les profits s'effondrent dans ce secteur. L'intérêt personnel vient
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à nouveau rétablir l'équilibre. Des travailleurs seront licenciés dans le secteur des chaussures où les usines
réduisent leur production; ils iront embaucher dans la ganterie où les affaires vont bien. Le résultat est évident : la
production des gants augmentera et celle des chaussures baissera. C'est exactement le résultat voulu tout d'abord
par la société..» A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.
L’échange conduit ainsi à la division du travail et l’efficacité de cette dernière conditionne croissance et emploi.

Complément:
Bien que très influencé par les physiocrates, en particulier Cantillon, Smith tente de dépasser un certain nombre de
leurs impasses : ainsi la richesse nationale est produite non seulement par le travail des agriculteurs mais aussi
par celui des ouvriers et par les revenus de la propriété. « Le travail annuel de chaque nation est le fonds primitif
qui la fournit de tous les objets nécessaires et utiles à la vie, qu’elle consomme chaque année et qui consistent
toujours soit dans le produit immédiat du travail, soit dans ce que l’on achète avec ce produit aux autres nations. »
De plus, à la différence du schéma de circuit stationnaire de Quesnay, A. Smith, avec la division du travail,
raisonne dans la perspective d’une économie en croissance.
(2.) Quand la recherche de l'intérêt individuel ne conduit pas toujours à l'intérêt général
d) « L’Etat à sa place ! »

Il ajoute le soin «d'élever et d'entretenir ces ouvrages et établissements publics dont une grande société retire
d'immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par
quelques particuliers, attendu que pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais en rembourser la dépense»

e) Une pensée toujours actuelle ?



2) CONTINUATEURS ET CONTROVERSES

Tous les trois héritiers de Smith, Malthus, Say et Ricardo entretiennent entre eux une correspondance dans
laquelle on trouve discussions de problèmes et controverses d’interprétations.
a) Robert MALTHUS (1766-1834)

Sa vie: Thomas Robert Malthus (1766-1834). II est issu d'une famille aisée de la noblesse rurale. Son père est
acquis aux idées sociales de Godwin (1756-1836. William Godwin: pasteur animé de préoccupations sociales
qu'on retrouve en particulier dans son ouvrage Recherches sur la justice politique et son influence sur la moralité et
le bonheur (1793). Partisan d'un rationalisme éclairé, il jette les bases d'un communisme anarchique et a une
grande influence sur les premiers socialistes au début du 19ème siècle. Dans Recherches sur la population (1820), il
réfute les théories de Malthus) et de Condorcet (1743-1794) contre lesquelles réagira son fils. Après de brillantes
études à Cambridge, Malthus devient pasteur anglican dans une commune rurale. Son Essai sur le principe de
population (1798) est un pamphlet contre les idées de Godwin et contre la loi Speenhamland (législation sur les
pauvres de 1795). Après avoir voyagé en Europe, Malthus sera nommé en 1807 professeur d'histoire moderne et
d'économie politique dans un collège privé à Haileburey où il enseignera jusqu'à sa mort, orientant sa réflexion sur
les problèmes d'actualité (prix des subsistances, lois sur les pauvres), entreprenant après 1815, sous l'influence de
Ricardo, une oeuvre théorique exposée notamment dans ses Principes d'économie politique (1820).
(1) Le principe de population « Secourir les pauvres, c’est multiplier la pauvreté… »
Les poor laws ; depuis 1562, l’Angleterre dispose d’un système d’assistance aux pauvres comportant la distribution
de secours par les paroisses aux individus dans l’incapacité de travailler ou au chômage ; le financement de ses
secours provenant d’un impôt, la taxe des pauvres
« Le pouvoir de production de la terre apparaît comme parfaitement capable de répondre à toute demande
potentielle de subsistance par l’homme. Mais ce serait une erreur d’en déduire que population et subsistance
croissent toujours réellement au même rythme…l’un croît par multiplication et l’autre par addition. »
« Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s’il ne peut obtenir de ses parents la subsistance qu’il peut
justement leur demander, et si la société n’a pas besoin de son travail, il n’a aucun droit de réclamer la plus petite
portion de nourriture et, en fait, il est de trop au banquet de la nature ; il n’y a pas de couvert vacant pour lui. »
REMARQUES : Malthus a fortement marqué l’histoire de la pensée parce que ses thèses sur la sélection naturelle
de la population (la sélection naturelle et sociale étant le plus sûr moyen d’enrayer la progression géométrique de
la population) en font un des pères du darwinisme, et parce que les thèses néo-malthusiennes, développées à
propos des pays du tiers-monde, puisent leur source dans le malthusianisme quoiqu’elles en soient bien différents
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puisqu’il s’agit d’interventions étatiques contraires aux principes libéraux de Malthus qui encouragent une
contraception contraire à ses principes moraux. Il est également un des précurseurs des théoriciens de l’offre
(Laffer) qui considèrent que les aides sociales et la redistribution encouragent l’oisiveté.
(2) Le rôle de l’épargne et de la demande.L’excès d’épargne engendre les crises.

(3) Pour un prix élevé des biens de subsistance.


b) Jean Baptiste SAY (1767-1832)
Sa vie: Jean Baptiste Say (1767-1832). II commence par travailler dans une banque comme commis, puis, après
des séjours en Angleterre, il entre dans une compagnie d'assurances. II publie en 1789 une brochure sur la liberté
de la presse. Nommé membre du Tribunat en 1800, il en sera écarté en raison de son hostilité à Bonaparte et,
refusant de se rallier à l'Empire, crée une entreprise textile qui connaîtra un grand succès. En 1803 paraît la
première édition du Traité d'économie politique. En 1820, il enseigne l'économie au Conservatoire des arts et
métiers et occupe en 1821 la première chaire d'économie politique au Collège de France. En 1823 paraît son
Cours complet d'économie politique.
(1). Théorie de la valeur :

(2). Rôle de l'entrepreneur :


Say distingue l'entrepreneur du capitaliste et lui confère un rôle essentiel. Le rôle de l'entrepreneur dans la
production consiste à juger « des besoins et des moyens » de les satisfaire en combinant des facteurs (services
productifs naturels, travail et capital). Le rôle de l'entrepreneur est fondamental dans la répartition, puisque c'est lui
qui rémunère tous les services productifs nécessaires à la production, toutes les rémunérations étant déterminées
par la loi générale de l'offre et de la demande. Ainsi il faut distinguer le capitaliste de l'entrepreneur et donc l'intérêt
(dont le taux est déterminé par la quantité des capitaux disponibles et par les profits qu'ils peuvent rapporter) du
profit (qui dépend de trois éléments : les capitaux nécessaires, les capacités requises, les risques encourus).
D'autre part, l'entrepreneur faisant la liaison entre le marché des produits et le marché des facteurs de production,
il faut distinguer la production de la répartition.
(3). Loi des débouchés

« Il est bon de remarquer qu'un produit déterminé offre, dès cet instant, un débouché à d'autres produits pour tout
le montant de sa valeur. En effet lorsque le dernier producteur a terminé un produit, son plus grand soin est de le
vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas entre ses mains. Mais il n'est pas moins pressé de se
défaire de l'argent que lui procure sa vente, pour que la valeur de l'argent ne chôme pas non plus. Or, on ne peut
se défaire de son argent qu'en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le seul fait de la
formation d'un produit ouvre, dès l'instant même, un débouché à d'autres produits. » (Traité, p. 140.)

c) David RICARDO (1772-1823)



Sa vie: David Ricardo (1772-1823). Troisième des enfants d'une famille israélite émigrée en Angleterre, il travaille
dès l'âge de 14 ans avec son père comme agent de change, s'enrichit grâce à sa connaissance de la Bourse et à
ses talents de spéculateur et, en 1814, fortune faite, se retire des affaires. II s'intéresse aux mathématiques, à la
chimie, à la géologie, puis, après lecture de Smith et Say, s'adonne à l'économie passant des questions
monétaires aux autres domaines de l'économie, publiant en 1815: Essai sur l'influence des bas prix du blé, et en
1817 : Principes de l'économie politique et de l'impôt. Devenu parlementaire à partir de 1819, il participe aux
grands débats de son temps, étant très écouté notamment sur les questions monétaires.
(
1) La distinction valeur d’usage et valeur d’échange :
« Adam Smith a remarqué que le mot valeur a deux significations différentes, et exprime, tantôt l’utilité d’un objet
quelconque, tantôt la faculté que cet objet transmet à celui qui le possède, d’acheter d’autres marchandises. Dans
un cas, la valeur prend le non de valeur en usage ou d’utilité, dans l’autre, celui de valeur en échange. » Principes
de l’économie politique et de l’impôt.
David Ricardo critique alors Adam Smith qui « après avoir défini avec précision la source primitive de toute valeur
échangeable (...) parle de choses qui ont plus ou moins de valeur selon qu'on peut les échanger contre plus ou
moins de cette mesure ».
« La valeur d'une marchandise, ou la quantité de toute autre marchandise contre laquelle elle s'échange, dépend
de la quantité relative de travail nécessaire pour la produire et non de la rémunération plus ou moins forte accordée
à l'ouvrier. »
(2) La distinction prix naturel – prix courant.
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« Le travail constitue un étalon de mesure aussi proche que possible de ce qui est théoriquement concevable ».
(3) La théorie de la répartition :

«La valeur échangeable d'une denrée quelconque n'est jamais réglée par la plus petite somme de travail néces-
saire pour sa production dans des circonstances extrêmement favorables et qui constituent une sorte de privilège.
Cette valeur dépend au contraire de la plus grande quantité de travail que sont forcés d'employer ceux qui n'ont
point de pareilles facilités et ceux qui pour produire ont à lutter contre les circonstances les plus défavorables.»
(rente différentielle).
(4) L’état stationnaire de Ricardo.
« Il ne pourra plus y avoir d'accumulation, puisque aucun capital ne saurait plus donner de bénéfices ; on n'aura
pas besoin alors d'une augmentation de travail, et la population aura atteint son maximum. Bien avant ce terme
même, la réduction des profits aura arrêté toute accumulation, et la presque totalité des produits du pays, les
ouvriers une fois payés, appartiendra aux propriétaires fonciers et aux collecteurs des dimes et des autres impôts.
»

(5) Une analyse libérale du commerce international :


Seule l'ouverture commerciale, légitimée au nom de la théorie dite des avantages comparatifs, et les progrès
techniques permettront de retarder l'échéance redoutée par Ricardo. Il affirme que le libre-échange et la
spécialisation sont toujours favorables, même pour les pays les moins compétitifs. Les pays ont intérêt à se
spécialiser dans les produits pour lesquels ils sont les plus avantagés ou les moins désavantagés. L'application
pratique en sera la lutte pour l'abrogation des corn laws (lois sur les blés). Celles-ci jouaient au profit des
propriétaires fonciers pour lesquels la protection permettait d'écouler leur production à des prix élevés. Ricardo
réclamera au contraire la libre importation du blé pour faire tomber la rente foncière, maintenir les salaires à un
niveau faible, afin de stimuler les profits et donc favoriser la croissance.
Le libre échange, voulu par le Premier ministre, Robert Peel, en 1846, est comme une confirmation posthume des
théories ricardiennes : l’abrogation des droits sur les grains, complétée 3 ans plus tard par la suppression du
monopole de pavillon, entraîne une baisse du prix des céréales et une amélioration du niveau de vie des salariés.

(6) Les politiques économiques à mener chez Ricardo.

(7) le théorème d’équivalence RICARDO-BARRO :


1) PREMIERES REVISIONS AVEC STUART MILL (1806-1873).
Sa vie: Stuart Mill (1806-1873) est considéré comme le dernier des classiques. Fils aîné de James Mill, qui fut dis-
ciple de Ricardo et de Bentham, il a été victime d'une éducation rigoureuse visant à faire de lui un surhomme au
plan intellectuel, ce qui l'a doté à 15 ans d'une formation littéraire et économique exceptionnelle. II travaille à la
Compagnie des Indes à partir de 1825 et jusqu'à la suppression de celle-ci en 1858. Après avoir siégé au
Parlement de 1865 à 1868, il s'établit à Avignon où il mourra. Son attirance vers un socialisme évolutif due à
l'influence de la femme, Mme Taylor, qu'il a épousée après vingt ans d'amour réprimé, se double chez lui d'un indi-
vidualisme profond.

a) La loi de l’offre et de la demande :

« (…) Il faut que l'offre et la demande, la quantité offerte et la quantité demandée soient égalisées. S'il se produit
une inégalité, elle est couverte par la concurrence, et la chose a lieu par la hausse ou la baisse de la valeur. Si la
demande augmente, la valeur s'élève; si la demande diminue elle baisse; si l'offre est insuffisante, la valeur monte,
et elle descend si l'offre augmente. La hausse ou la baisse ont lieu jusqu'à ce que l'offre et la demande soient
exactement égales l'une à l'autre; et la valeur à laquelle une marchandise s'élève sur le marché n'est autre que
celle qui, sur ce marché, détermine une demande suffisante pour absorber toutes les quantités offertes ou
attendues. Telle est la loi de la valeur pour toutes les marchandises, qui ne peuvent être multipliées à volonté. Ces
marchandises, sans doute sont une exception. Il existe une autre loi pour la classe bien plus nombreuse des objets
susceptibles d'une multiplication indéfinie.» Les principes d'économie politique, Guillaumin 1873.
« Le prix réel de chaque chose, ce qu'elle coûte réellement à la personne qui a besoin de l'acquérir, est l'équivalent
de la peine et de l'embarras qu'il a fallu pour l'acquérir.» Id.

b) Pour J.S. Mill, partisan de la valeur-travail, La monnaie et l'échange sont


neutres par rapport à la production

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«Il n'est pas dans l'économie d'une société quelque chose de plus insignifiant en elle même que la monnaie, si on
la considère autrement que comme un mécanisme pour faire vite et commodément ce que l'on ferait moins vite et
moins commodément s'il n'existait pas [...] l'introduction de la monnaie ne modifie en rien l'action des lois de la
valeur [...] La valeur ou la puissance d'acquisition de la monnaie dépend en premier lieu de l'offre et de la demande
[...] L'offre de monnaie représente donc la quantité que les gens ont besoin de dépenser [...] à l'exception de celles
qu'ils destinent à la thésaurisation [...] La demande de monnaie se compose au contraire, de toutes les
marchandise mises en vente [...] Comme la totalité des marchandises qui sont sur le marché constitue la demande
de monnaie, de même, la totalité de la monnaie constitue la demande de marchandises. La monnaie et les
marchandises se recherchent pour être échangées : elles sont réciproquement l’offre et la demande l’une de
l’autre. » Les principes…
c) la théorie de la production :
d) La sphère d’intervention de l’Etat :
« Les secours du Gouvernement, lorsqu’ils sont appliqués à défaut d’esprit d’entreprise de la part des particuliers,
devraient être accordés de manière à présenter autant que possible un cours d’enseignement dans l’art
d’accomplir de grandes choses au moyen de l’énergie individuelle et de l’association volontaire. » Les Principes…

B) EST-IL PERTINENT DE PARLER D'UNE « ÉCOLE CLASSIQUE » ?
1. Les Classiques forment d'abord le noyau central de la pensée libérale
a. Les contemporains de l'essor du capitalisme
Contemporains de la révolution industrielle (de la fin du 18ème au début du 19ème siècle), les Classiques sont les
fondateurs de l'économie politique en tant que discipline autonome. L'économie politique a pour domaine d'étude
l'ensemble des activités qui concourent à la production, à la circulation et à la répartition des richesses matérielles.
Les pères fondateurs sont tout d'abord les Classiques anglais A. Smith dont par convention, l'ouvrage Recherche
sur les causes et la nature de la richesse des nations (1776) fait de lui le père fondateur. D. Ricardo, lui
systématise la pensée classique sous sa forme la plus rigoureuse dans Principes de l'économie politique et de
l'impôt (1817). T.R. Malthus est célèbre pour son Essai sur le principe de la population (1798) J.-S. Mill encore et
aussi les Classiques français dont J.-B. Say qui en est le principal représentant et défenseur de la Loi des
débouchés.
b. Sur quoi s'accordent les Classiques ?
2. Des divergences théoriques nombreuses
a. Quand l'unité doctrinale masque les oppositions théoriques

b. Ricardo : de l'héritage à une pensée novatrice


C) LES ÉCONOMISTES CLASSIQUES FACE A LA PAUVRETÉ AU 19ème SIÈCLE ?
1. Chez les Classiques, la pauvreté n'est pas une conséquence du système libéral
a. La pauvreté peut-elle être vaincue?
b. Say et Ricardo, deux analyses divergentes

2. Marx, « un Classique pas comme les autres »


a. Marx, l 'anti-Malthus
Marx, qualifié assez souvent de « dernier des Classiques » ne cessera de lutter contre la fatalité de la misère
ouvrière. S'il accepte une loi, ce n'est certes pas celle de Malthus, mais bien plutôt celle du socialiste allemand F.
Lassalle, la loi d'airain des salaires: le salaire perçu par l'ouvrier se borne dans le système capitaliste à ce qui
indispensable pour assurer sa subsistance. Dans Gründrisse (1858), Marx, traitant Malthus d'imbécile parce qu'il «
ramène stupidement des conditions très complexes et changeantes à une seule relation et à deux égalités : d'une
part, la reproduction naturelle des hommes; d'autre part, la reproduction naturelle des végétaux qui s'affrontent
comme deux séries naturelles » refuse de réduire les divers rapports historiques à un rapport numérique abstrait.
S'il y a, dit-il des lois naturelles, c'est à un niveau déterminé de l'évolution historique.

b. Le véritable enjeu n'est pas la pauvreté


Le vrai problème n'est pas celui de la pauvreté, mais celui de la paupérisation, terme créé par Marx pour désigner
la baisse du niveau de vie du prolétariat au cours de la révolution industrielle qui est la conséquence de
l'accumulation croissante du capital. La surpopulation n'existe que par rapport aux besoins momentanés de
l'exploitation capitaliste. En produisant l'accumulation du capital, et à mesure qu'elle y réussit, la classe salariée
produit elle-même « les instruments de sa mise en retraite » ou de sa métamorphose en surpopulation relative.
Pour Marx, « une loi de population abstraite et immuable n'existe que pour la plante et l'animal », écrit-il dans Le
Capital (1867). Il n'existe de loi qu'historique et celle du capitalisme est celle de la surpopulation nécessaire que
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dans l'intérêt du système économique lui-même. Marx verra, cinquante ans après Ricardo, dans la tendance à la
baisse du taux de profit une des contradictions fondamentales du capitalisme et en tirera la conclusion qu'un
changement radical de la vie économique doit être réalisé.

III) CRITIQUE DU COURANT PRINCIPAL .


1) L’ANALYSE DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTEME
CAPITALISTE.

a) Jean Charles Léonard Simonde de SISMONDI (1773-1842).


Sa vie : Sismondi (1773-1842). Historien et économiste suisse, fils de pasteur, il travaille dans une
banque à Lyon mais sous la menace de la Terreur s'expatrie en Angleterre puis part ensuite en
Italie, ce qui lui permet d'être confronté successivement avec une société industrielle et une société
agricole. La publication par Sismondi en 1803 de « De la richesse commerciale » constitue une
vulgarisation des idées de Smith, par contre « Les nouveaux principes d’économie politique ou de la
richesse dans ses rapports avec la population» qui paraissent en 1819 constituent un réexamen de
sa conception de l'ordre économique, un approfondissement de l'analyse des crises et une rupture
avec les économistes ricardiens, rupture qui s'accentuera avec « les Études sur l'économie
politique » de 1837-1838 et qui le conduit à considérer l'économie comme une branche des sciences
sociales. Il est également l'auteur d'une monumentale « Histoire des Français » qui devait comporter
31 volumes mais s'est arrêtée à la maison des Valois.

Un penseur réformiste :
Dans « Les nouveaux principes d’économie politique ou de la richesse dans ses rapports avec la population»,
Sismondi renie son apologie d’Adam Smith. Il insiste notamment sur la réalité des crises de surproduction qu'il
observe de façon cyclique et sur la nécessité d’une justice sociale. Il affirme également la prééminence du bonheur
social sur la seule efficacité matérielle. Sismondi développe ainsi une approche hétérodoxe. Il propose des
solutions marquées par le réformisme social; il faut une législation sociale qui permette aux ouvriers de se coaliser;
le repos hebdomadaire doit être obligatoire; l'héritage ne doit plus transmettre automatiquement la propriété mais la
richesse doit être associée au mérite des individus. Il pense que l'entreprise doit être liée au salarié et lui verser un
salaire même lorsqu'elle ne le fait pas travailler car il est à l'origine de sa richesse... Nullement socialiste au sens
strict, il ne refuse pas la propriété privée et affirme que l'existence d'un marché est nécessaire. Il est un des
précurseurs du courant social-démocrate en économie en ce sens qu’il prône une politique économique qui
tempère le marché par une régulation assurant protection sociale et favorisant le plein-emploi.

b) Claude Henri de Rouvroy, comte de SAINT-SIMON (1760-1825).


Sa vie : Saint-Simon (1760-1825) : premier socialiste français de l'ère industrielle. C’est un
industriel qui s'est adonné à de nombreuses et diverses activités, qui s'est enrichit puis s'est ruiné
avant de survivre grâce à l'amitié que lui ont témoignée ses nombreux disciples aux yeux desquels il
a pu apparaître comme un nouveau Messie. A sa mort ses disciples prêcheront la Doctrine de Saint-
Simon et constitueront une véritable religion, avant qu'en 1832 ne s'opère une diaspora
(dispersion) de l'École.
(1) Au niveau politique :
A la différence des socialistes révolutionnaires qui choisissent les travailleurs contre les propriétaires, Saint-Simon
oppose les producteurs et ceux qui s’occupent de fonctions bureaucratiques et honorifiques et ne créent rien.
L'essai « Sur la querelle des abeilles et des frelons » (qu'on trouve dans « les Essais sur la politique qui convient
aux hommes du 19ème siècle »,) nous montre que les abeilles (les « industriels », catégorie que dans « le
Catéchisme des industriels » Saint-Simon dit être formée « de trois grandes classes qu'on appelle les cultivateurs,
les fabricants et les négociants ») produisent par leur activité le miel (l'argent) que les frelons (les nobles de
l'Ancien et du Nouveau Régime et, d'une façon plus générale, l'ensemble de la bureaucratie gouvernementale), «
sangsues de la nation », dissipent en ponctionnant les ressources budgétaires. Dans « Le système industriel »
(1820-1822) il développe des idées pré-socialistes et imagine même une élite qui organise, réalise des grands
travaux et éduque par l’exemple toute la société.

Selon lui, les bases du nouvel ordre social seront constituées par la grande industrie, organisée scientifiquement et
planifiée (d'où le nom d'industrialisme donné parfois à la doctrine saint-simonienne). Dans cet ordre social
nouveau, le rôle primordial sera celui des savants et des industriels et cet ordre sera conforme, pour l'essentiel,
aux intérêts de la majorité et surtout de la partie la plus pauvre de la société. Saint-Simon propose alors une
organisation qui évoque la planification, mais n’imagine pas celle-ci centralisée et étatique. Il décrit une chambre
d’intervention qui comprend des ingénieurs, des poètes, des architectes, des peintres et des musiciens, en
imaginant que ces spécialistes proposeront chaque année des projets de travaux publics (vision très élitiste).

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«Cette chambre s'occupera des travaux suivants : Elle présentera, à l'expiration de la première année de sa
formation, un projet de travaux publics à entreprendre pour accroître les richesses de la France et pour améliorer le
sort de ses habitants, sous tous les rapports d'utilité et d'agréments; elle donnera, ensuite, tous les ans, son avis
sur les additions à faire à son plan primitif et sur les améliorations dont il lui paraîtra susceptible. Les
dessèchements, les défrichements, les percements de routes, les ouvertures de canaux, seront considérés comme
la partie la plus importante de ce projet; les routes et les canaux à faire ne devront pas être conçus seulement
comme des moyens de faciliter les transports; leur construction devra être combinée de manière à les rendre le
plus agréable possible aux voyageurs. Cette chambre présentera un autre travail qui consistera dans un projet de
fêtes publiques.» L'Organisateur, Paris, Corréard, 1820.
En résumé, il envisage «un projet d'amélioration générale du territoire de la France». Son idée n'est donc pas
d'une planification impérative et centralisée, mais il envisage un effet d'entraînement d'un État mécène et
pédagogue. Les élites techniques et artistiques ont le rôle clé dans cette démarche éducative et industrialiste.

(2) Au niveau économique :


Au plan économique, il faut se référer à sa célèbre parabole qui nous montre que si disparaissaient les 3 000 «
hommes de génie » (1 750 artisans, 600 cultivateurs, 200 négociants, 450 savants et artistes) « la nation
deviendrait un corps sans âme », tandis qu'il ne résulterait aucun mal pour la nation de la disparition des 30 000
dirigeants de l'État et du clergé, y compris les 10 000 propriétaires les plus riches. « Ces suppositions », nous dit
Saint-Simon, « font voir que la société actuelle est véritablement le monde renversé », ce qui appelle au
renversement du système. On voit ainsi que pour Saint-Simon « l'âge d'or du genre humain n'est point derrière
nous, il est devant nous, il est dans la perfection de l'ordre social ».
2) LES RECONSTRUCTIONS SOCIETALES OU LE SOCIALISME
UTOPIQUE.
a) ROBERT OWEN (1771-1858).
Sa vie : Robert Owen (1771-1858). Propriétaire d'une entreprise textile florissante, il va, en
industriel éclairé, la transformer en entreprise modèle, y recherchant la voie de l'efficacité et de la
justice. II y réduit la durée du travail, améliore les conditions de vie et de travail de ses salariés,
fonde une école modèle pour leurs enfants, organise une crèche et un jardin d'enfants. De cette
expérience, il va tirer un plan pour résorber la pauvreté et le chômage dont il fait ensuite le point de
départ d'une nouvelle conception de la société fondée sur la coopération. Rejetant la lutte des
classes, croyant aux vertus de l'éducation (« l'homme ne forme pas lui-même son caractère ; on le lui
forme », disait-il), il considère que le travail est la source de toute richesse, c'est sur l'exemplarité de
son projet communautaire qu'il compte pour transformer la société.

OWEN, à l’origine de la première forme de socialisme apparue en Grande-Bretagne, est un utopiste entrepreneur à
succès. Il ne partira pas de l’utopie pour élaborer un projet de communauté lointaine (comme Fourier par exemple),
mais au contraire, il partira d’une usine rentable pour chercher la voie de l’efficacité et de la justice.
En effet, partant d’expériences locales (cf. sa vie), il prévoit un système national fonctionnant selon les principes
qu’il expérimente. Ainsi, il oppose la notion de coopération, à l’exploitation capitaliste et à la compétition.
Là où les classiques y voient une harmonie, il estime que l’intérêt de chacun se trouve en opposition avec celui des
autres, il en résulte « un véritable état de guerre social ». Ce ne sont pas les hommes qui sont coupables mais le
régime dans lequel ils vivent, régime qui conduit les industriels à minimiser leurs coûts en employant des femmes
et des enfants, cette pression à la baisse des salaires générant au niveau global une sous-consommation qui
réduit d’autant les débouchés.
Owen présente également, un système national de formation des classes laborieuses qui exige une intervention de
l’Etat à plusieurs niveaux :
- création d’un office national chargé de l’éducation de nouvelles générations ;
- création de séminaires de formation pour les instructeurs ;
- contrôle statistique du marché du travail pour utiliser au mieux la force de travail.
Cette volonté d’Owen de développer l’instruction s’explique par sa conception de l’homme qui selon lui est avant
tout le fruit de son éducation.Enfin, il prend également une part active au mouvement ouvrier syndical et coopératif.
En 1833, il fonde le Grand syndicat national unifié dont l’objectif est de coordonner l’action revendicative et de
substituer à l’économie de marché une économie coopérative. Instance de coordination, le syndicat permet aux
coopératives de production et de consommation d’élargir leur champ d’action du niveau local au niveau national en
facilitant et multipliant les échanges.
b) JEAN-JOSEPH PROUDHON (1809-1865).
Sa vie : Joseph Proudhon (1809-1865). II est au début imprimeur puis s'installe comme journaliste à
Paris. En juin 1848, il est élu député à la Constituante ; il crée en 1849 la Banque du peuple destinée
à prouver la possibilité du crédit gratuit mais cette expérience se solde par un échec. Traduit déjà en
1842 devant la cour d'assises de Besançon mais acquitté, il sera à nouveau inculpé et emprisonné en
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mars 1849 pour délit de presse et sera l'objet d'une nouvelle condamnation en 1858 à la suite de
laquelle il s'exilera à Bruxelles jusqu'en 1863. Son oeuvre, de « Qu'est-ce que la propriété ? » (1840)
dans laquelle on trouve la célèbre formule « la propriété c'est le vol » jusqu'à « Du principe
fédératif » (1863) et « Théorie de la propriété » (1865) exercera une grande influence sur les
milieux ouvrier et intellectuel. Les anarchistes revendiquent encore aujourd'hui son message. Issu
du peuple, cumulant les prix d’excellence au collège malgré d’immenses difficultés matérielles, il
expérimente très jeune l’injustice que représentent les inégalités sociales ce qui le marquera
profondément toute sa vie. Il s’est ainsi forgé une personnalité complexe faite de révolte et de
culture…

(1) Contre la propriété :


Proudhon écrit au début de son mémoire de 1840 « La propriété c'est le vol ». Il veut dire par là que c'est la
propriété qui rend possible l'exploitation des travailleurs car elle permet au propriétaire de percevoir un revenu sans
travail. Il attaque alors le « droit d'aubaine » des propriétaires, « qui suivant la circonstance et l'objet, prend tour à
tour les noms de rente, fermage, loyers, intérêt de l'argent, bénéfice, agio, escompte, commission, privilège,
monopole, prime, cumul, sinécure, pot de vin... ». Il dénonce ainsi l’appropriation par le capitaliste de la force
collective.
En effet, pour lui : « Seul le travail est productif ». La terre et le capital ne peuvent être productifs sans
le travail. Le raisonnement du propriétaire selon lequel il est en droit d’exiger une aubaine (un avantage inespéré)
pour prix du service de son instrument, de la force productive de sa terre, est faux. En effet, cela revient à
considérer que les capitaux produisent par eux-mêmes quelque chose, or ce produit est imaginaire. Par
conséquent, selon Proudhon : entre le patron et l'ouvrier il y a une constante « erreur de compte ». Le patron paye
à l'ouvrier la valeur de son travail individuel, mais conserve pour lui le produit de la force collective de tous. Ainsi, le
profit est donc l'usage non payé de la force collective du travail. Toute production est nécessairement collective,
donc tout capital accumulé est une propriété sociale (différent du concept de plus-value de Marx). Le salarié étant
payé à son salaire de subsistance, il ne peut acheter la valeur des produits qu’il réalise. Le propriétaire a donc le
privilège de lui extorquer la valeur que la collectivité va engendrer. En résumé, les propriétaires « volent » le
supplément de valeur qu’engendre la force collective par rapport à la force individuelle.
(2) La réforme sociale sans révolution violente :
Proudhon ne croit pas à la révolution violente ; il veut développer au sein même du capitalisme une anti-société qui
appliquerait les principes d’association, de mutuelle. Il est partisan de l’auto-organisation des agents économiques
ce qui passe par le refus des intermédiaires inutiles. Ainsi, les travailleurs pourront s’attribuer la valeur
supplémentaire obtenue par leur coopération. Dès lors, il faut, selon lui, rendre la propriété inoffensive en la
mettant à la disposition de tous. Il s’oppose cependant au communisme :
« La communauté est inégalitaire, mais dans le sens inverse de la propriété. La propriété est
l'exploitation du faible par le fort, la communauté est l'exploitation du fort par le faible ». Il dira
encore : « la communauté, c'est la religion de la misère ».
Il voit dans le communisme une forme d'esclavage. En effet, il refuse toute tendance au monopole et à la
centralisation. Pour lui, small is beautiful. Il se méfie des centralisateurs qui veulent tout regrouper sous une même
autorité centrale qui planifie et dirige. Il critique d’ailleurs les monopoles et les bureaucraties publiques comme
privées. Il s’oppose notamment à l’Etat producteur qui crée des monopoles et fait vivre de subventions des firmes
dotées de privilèges.
En fait, Proudhon exalte l’individualisme et la dignité humaine considérant que toute restriction à la liberté est un
mal. Il préfigure l'anarchisme :
« L'anarchie est la condition d'existence des sociétés actuelles, comme la hiérarchie est la condition
des sociétés primitives ».
(3) Des propositions :

Pour faire disparaître le profit capitaliste analysé comme « droit d'aubaine », il considère qu’il faut instaurer le crédit
gratuit. En effet, il refuse que ceux qui sont privés d’argent restent toujours dans l’esclavage du salariat et de la
misère. Il imagine que le crédit gratuit pourrait permettre aux plus entreprenants de créer et de combattre le
pouvoir du capital et de la propriété privée en les transformant en chefs d’entreprise. Son socialisme est celui d’une
offre abondante stimulée par un coût du crédit nul rendant l’investissement très attractif.
Ce devait être l'objectif d'une « Banque d'échange » qui devait supprimer l'intérêt du capital. La « Banque du
Peuple » qu'il créa en 1849 ne fonctionna pas, mais l'idée de Proudhon contribua à relancer par la suite les projets
de Crédit Social.

Par ailleurs, dans « Systèmes des contradictions économiques », Proudhon développe le principe de mutualité. Le
mutualisme de Proudhon, par une sorte d'extension des idées de la Révolution française (en ce sens qu’il reprend
et développe la théorie du contrat social de Rousseau), est fondé sur un contrat liant chaque homme à tous les
autres. La notion de contrat, « seul lien moral que puissent accepter des êtres égaux et libres », se substituerait au
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principe d'autorité. Les unités de production seraient organisées en associations de travailleurs qui contracteraient
librement entre eux, et qui échangeraient biens et services au prix de revient selon la loi d'équivalence. Le
mutualisme est appelé à réguler tout un ensemble d’institutions (assurances mutuelles, crédit mutuel, secours
mutuel, enseignement mutuel). Le mutualisme conduit alors à invalider le capitalisme qui fait du producteur un
instrument de la propriété personnifiée par le capital et le communisme étatique qui en fait le subordonné d’un
régime despotique.

Enfin, il est pour le fédéralisme. Il définit la fédération comme un principe d’association qui relie les divers niveaux
de la société par l’intermédiaire d’une convention fondatrice permettant en toute liberté d’établir des principes qui
vont ensuite avoir force d’autorité sur ceux qui se sont engagés sans contrainte à les suivre dans l’intérêt de tous.
On aurait ainsi une société plurielle dont la commune, disposant d’une large autonomie, serait le fondement,
passant par les provinces gérant leurs échanges avec d’autres provinces, membres de la fédération ou extérieures
à elles aboutissant à la confédération, système qui, selon lui, multiplierait les échanges et les relations sociales et
conjurerait les menaces de guerres.

CONCLUSION : L'histoire du mouvement ouvrier sera dominée par l'opposition entre les partisans de l'action
directe, de la grève, de la révolution (Saint-Simon, Fourier, Marx) et les partisans de la réforme progressive de la
société, de l'auto-organisation du prolétariat et du mouvement coopératif de Proudhon, qui se disait d'ailleurs «
révolutionnaire mais non bousculeur », précisant que « les révolutions durent des siècles ».Les associations, les
coopératives, les mutuelles, sont des institutions qui se sont développées et confirment la justesse de nombreuses
intuitions de Proudhon. Mais loin de remplacer le capitalisme, ces institutions l’ont aménagé et adouci.
c) CHARLES FOURIER (1772-1837).

Sa vie : Charles Fourier (1772-1837). Fils d'un riche drapier mais ruiné en 1793 dans une spéculation
sur les denrées coloniales, devient petit employé de commerce. II va alors consacrer son activité à
critiquer le système économique de son temps auquel il veut substituer un nouvel ordre modelé sur les
passions et qui permettrait de retrouver l'harmonie naturelle. Le système des phalanstères qu'il
imagine constitue une société coopérative de production et de consommation dans laquelle chaque
sociétaire cumule les intérêts du capital, du travail et de la direction.

Fourier prend le contre-pied de la pensée classique qui ne fait pas de sentiment. Il veut réformer un monde qui lui
déplaît. Loin d’essayer de comprendre les lois de l’économie marchande comme K. Marx ou Proudhon, Fourier va
passer sa vie à définir le monde idéal qu’il veut construire. Il élabore ainsi des utopies (peu lui importe le réalisme
et le compromis). En fait, il refuse le monde industriel qu’il voit naître…
«Le progrès de l'industrie n'est qu'un leurre pour la multitude. Dans l'Angleterre tant vantée, la moitié de la
population est réduite à travailler seize heures par jour, une partie même dans des ateliers infects, pour gagner
sept sous de France dans un pays où la subsistance est plus coûteuse qu'en France. Combien la nature est sage
en inspirant aux sauvages un profond dédain pour cette industrie civilisée, fatale à ceux qui l'exercent et profitable
seulement aux oisifs et à quelque chefs ! »

(1) Pour le garantisme social :


Charles Fourier est un des premiers penseurs de l’Etat providence. Il imagine un stade de garantisme social qui
précède l’Harmonie, degré supérieur de la société. Il imagine ainsi un projet de « ferme fiscal » qui assure une
protection sociale aux plus défavorisés, garantissant un minimum de subsistance à chacun et permettant la
création de cités-jardins :
«Selon ce plan le roi opinerait à forcer les réunions économiques, et à rassembler toute la classe
pauvre, toutes les familles sans moyens dans des fermes fiscales où on leur procurerait à peu de
frais des occupations gaies et très productives, aux jardins, aux étables, et à des fabriques de leur
choix.» Nouveau monde industriel et sociétaire.

(2) Pour le droit au bonheur
Pour Fourier, « l’ordre social mutile l’homme et ses désirs » «Le bonheur sur lequel on a tant raisonné
(ou plutôt déraisonné) consiste à avoir le plus de passions possibles, et les plus ardentes et les plus
excessives, et à pouvoir les satisfaire toutes.»
Le cœur de son système de pensée consiste à imaginer que le travail doit devenir un plaisir
«Il faudra donc, en régime sociétaire, que le travail soit aussi attrayant que le sont aujourd'hui nos
festins et nos spectacles. Dans ce cas, le remboursement du minimum avancé sera garanti par
l'attraction industrielle ou passion du peuple pour des travaux très agréables et très lucratifs :
passion qui ne pourra se soutenir qu'autant qu'on aura une méthode de répartition équitable,
allouant à chaque individu, homme femme ou enfant, trois dividendes affectés à ses trois facultés
industrielles, Capital, Travail et Talent, et pleinement satisfaisants pour lui.» Nouveau Monde
industriel et sociétaire.
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(3) Pour l’association industrielle :
Fourier propose une « association industrielle » fondée sur « l’attraction passionnée ». Cette association doit se
réaliser spontanément, chacun étant libre de s’orienter selon ses aptitudes et ses goûts. L’idée de base consiste à
libérer cette force instinctuelle qui est réprimée par la société. En permettant à chacun de ne suivre que ses désirs
profonds, on pourra établir une division du travail satifaisant le besoin de tous.

(4) Le Phalanstère :
Fourier condamne le capitalisme et préconise de le remplacer par « l’association libre » dans le cadre d’une
communauté.
« L’objectif de la communauté c’est l’abolition du salariat par l’acquisition de la propriété associée. »
C’est donc l’inverse de la lutte des classes, puisqu’il faut réconcilier les intérêts antagonistes du capitaliste et du
travailleur.
Son imagination réformatrice aboutit au monde idéal du Phalanstère. Le Phalanstère, société de production et de
consommation tout à la fois, comprend 1620 hommes et femmes combinant 810 caractères psychologiques
distingués par Fourier et permettant une division du travail selon les passions…Chaque individu a droit au travail
qui, dans la Phalange, est considéré comme un besoin et une source de satisfaction. Les groupes se divisent en
séries passionnées qui collaborent pour réaliser certaines tâches le plus souvent agricoles…Il imagine une
répartition des revenus qui combine le talent, le travail et le capital ; il fixe même des proportions précises pour
rétribuer chaque facteur de production.

A) LES PREMIERES MISES EN CAUSE DU LIBERALISME ET DU CAPITALISME.


« Croire que la science économique n’est qu’une matière d’enseignement, c’est oublier qu’elle a fait
monter les hommes sur les barricades. Prendre un livre d’économie et le déclarer mortellement
ennuyeux revient à prendre un livre qui traite du b.a.b.a de la stratégie militaire, quitte à affirmer
aussitôt : l’étude de l’art militaire ne doit avoir aucun intérêt. » R.Heilbronner

1) LA CONTESTATION SOCIALISTE
a) DES SOCIALISTES REFORMATEURS A L’ECOLE ALLEMANDE : UN ETAT INTERVENTIONNISTE.
(1) LES SOCIALISTES REFORMATEURS.
(2) L’ECOLE ALLEMANDE : LA THEORIE ORGANIQUE DE L’ETAT.
b) UNE NOUVELLE FORCE POLITIQUE

3) LA MOBILISATION OUVRIÈRE

1. L'essor des syndicats réformistes


Jusqu'au milieu du 19ème siècle, les ouvriers sont restés inorganisés. Le libéralisme a d'ailleurs conduit à
l'interdiction des coalitions et la grève est assimilée à une émeute qui entraîne immédiatement l'intervention des
forces de l'ordre. Les brusques flambées de violence qui entrecoupent la résignation ouvrière, comme lors de la
poussée révolutionnaire de 1848, sont noyées dans le sang et suivies de répressions impitoyables. Foyer de la
première révolution industrielle, l'Angleterre est le premier pays où le syndicalisme ouvrier prend de l'ampleur.
Ouverts à l'origine aux seuls ouvriers qualifiés regroupés par métiers, les Trade Unions britanniques se
développent rapidement à partir de 1850. Réformistes, ils ne cherchent pas à détruire le capitalisme mais veulent
lui arracher, par la négociation et le recours à la grève, des concessions améliorant le sort de leurs adhérents.
Reconnus par l'État en 1875, ils s'ouvrent à partir de 1890 aux ouvriers non qualifiés, particulièrement nombreux
dans les industries de la deuxième industrialisation. En 1914, le syndicalisme britannique est le plus puissant
d'Europe et il peut s'enorgueillir d'avoir obtenu des améliorations substantielles de la condition ouvrière. Le
syndicalisme se développe aussi en Allemagne à partir de 1875 en s'inspirant des mêmes principes réformistes.
Aux États-Unis, le mouvement ouvrier réformiste s'incarne dans l'AFL, American Federation of Labour, apparue en
1886.
2. Le syndicalisme révolutionnaire

Les premières mobilisations ouvrières ont été particulièrement radicales en Angleterre. Vers 1820, le mouvement
luddiste rassemble les briseurs de machines qu'ils accusent d'être des tueuses d'emplois. Aux États-Unis, des
travailleurs irlandais fondent en 1869 une organisation secrète, les « Chevaliers du travail » rendue responsable
des attentats anarchistes qui secouent Chicago en 188I. Une autre organisation syndicale révolutionnaire,
réclamant l'abolition du capitalisme, les IWW Industrial Workers of the World, tente à partir de 1905 de
concurrencer le mouvement réformiste américain.
Le syndicalisme contestataire trouve sa terre d'élection en France où il s'alimente du souvenir du massacre des
Communards en 1871. La Confédération Générale du Travail créée en 1895 est fortement influencée par les idées
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anarchistes qui inspirent en 1906 la Charte d'Amiens : le syndicat refuse toute inféodation à un parti mais aussi tout
compromis avec un État bourgeois. La Charte appelle les ouvriers à se mobiliser pour abattre le système
capitaliste par la grève générale et à lui substituer une société fondée sur l'autogestion.
3. Une montée en puissance à la fin du 19ème siècle

Entre les années 1880 et 1914, les effectifs syndicaux augmentent très rapidement. À la veille de la guerre,
l'Angleterre et l'Allemagne comptent chacune 4 millions de syndiqués et les États-Unis près de 3 millions. La
France reste en retard avec 1 million seulement d'adhérents. Cette croissance s'explique par l'ouverture des
syndicats aux ouvriers non qualifiés dont l'importance grandit avec la seconde industrialisation mais aussi par le
contexte conjoncturel. Lors de la Grande Dépression, le ralentissement de la croissance développe le chômage et
la baisse des prix pousse les patrons à baisser les salaires. Dans tous les pays développés, le tournant des
années 1890 est marqué par une accumulation de grèves et de violences pour lutter contre la dégradation de la
condition ouvrière. Le retour de la croissance pendant la « Belle Époque » suscite une nouvelle vague de grèves
de 1905 à 1914. Partout le mouvement ouvrier se mobilise pour obtenir des améliorations concrètes, la journée de
8 heures et une augmentation des salaires, face aux méthodes de rationalisation du travail qui visent à élever la
productivité en imposant le chronométrage et les cadences dans les usines.

B) LE SOCIALISME SCIENTIFIQUE.

Sa vie : Karl Marx (1818-1883). II connaît, par l'intermédiaire de son père et de son beau-père, le libéralisme d'une
bourgeoisie juive libérée par Napoléon, ce qui se traduira chez lui par une conscience déchirée mais aussi en
même temps une croyance en l'intelligibilité du processus social et une foi dans le progrès. Ses études de
philosophie à l'université de Bonn puis à celle de Berlin et la rencontre avec les jeunes hégéliens dont il ne tardera
pas à se démarquer, lui enseignent que ce qui est rationnel c'est la société à construire. Le journalisme politique à
Cologne puis à Paris - où il rencontre Engels - et auquel il se consacrera pendant quelques années le conduira à
prendre conscience des problèmes sociaux et des questions économiques. Après avoir découvert le socialisme et
s'être adonné à la lecture des grands classiques anglais, Marx va écrire en 1848 « Le Manifeste communiste »
puis, après des travaux préparatoires, constitués notamment par « les Manuscrits philosophico-économiques » de
1844, Marx se consacre à la théorie de l'économie en rédigeant, à Londres où il se fixera en 1849 et où il vécut
jusqu'à la fin de sa vie, « Les fondements de la critique de l'économie politique » en 1859 et surtout « le Capital »
dont il dira qu'il est « la bombe la plus redoutable jamais lancée à la tête des bourgeois » mais dont seule une
partie, le livre I, sera éditée de son vivant en 1867, ouvrage ayant d'emblée connu une grande portée et
connaissant de nombreuses traductions. Parallèlement, en compagnie d'Engels, Marx va organiser l'action du
prolétariat en constituant en 1864 l'Association internationale des travailleurs dont il rédigera l'adresse inaugurale
et les principaux documents. Il mourra en 1883 l'année de la naissance de Keynes.

PRESENTATION GENERALE : LE CADRE D’ANALYSE

a) UN CONCEPT FONDAMENTAL : LE MODE DE PRODUCTION :

Le mode de production est le concept central de toute analyse marxiste:

«Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de
leur volonté; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives
matérielles. L'ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s'élève un
édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Réduits à leurs grandes
lignes, les modes de production asiatique (le mode de production asiatique se caractérise par la domination du despote),
antique, féodal et bourgeois moderne nous apparaissent comme des époques progressives de la formation économique de la
société. »

L'histoire de l'humanité est une succession de modes de production, l'antique se caractérise par l'esclavage, le féodal
par le servage, le bourgeois par le salariat. La vision marxiste est donc évolutionniste; l'histoire évoluerait de manière
linéaire. L'évolution des différents modes de production doit se terminer par le mode de production socialiste et le
communisme, où les classes seront abolies et l'État dépérira.

Pour Marx, chaque type de société peut schématiquement être décomposé en deux éléments :
- la base technique et économique ;
- et la superstructure sociale.

La base économique met en correspondance un certain niveau de développement des forces productives avec les
rapports de production. Les forces productives comprennent d'une part les moyens de production matériels (outils,
techniques, machines...) et, d'autre part, la force productive de travail (les hommes qui manient ces instruments de
production). Les rapports de production, quant à eux, servent à désigner les formes de la propriété et de la répartition
des revenus qui sont à la base de la division des sociétés en classes sociales. C'est à partir de cette base
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économique que s'édifie une superstructure sociale qui comprend les institutions politiques et juridiques et
l'ensemble des idées philosophiques, religieuses, morales et politiques. Finalement, la base économique désigne les
rapports de l'homme avec la matière tandis que la superstructure sociale fait référence aux rapports des hommes
entre eux.

L'adéquation entre les forces productives et les rapports de production correspond à une situation d'équilibre des
sociétés qui en fait ne se rencontre qu'exceptionnellement, sinon il n'y aurait pas de changement social. La
dynamique des modes de production est engendrée par la rupture de cette correspondance et une contradiction
croissante entre le développement des forces productives et les rapports anciens de production.

À la suite de découvertes et d'inventions, les forces productives représentent un élément dynamique tandis que les
rapports de production, étant plus stables, deviennent une entrave au développement des forces productives. Cette
contradiction entre le développement des forces productives et les rapports de production débouche sur des crises
économiques et sociales récurrentes qui ne peuvent finalement se résoudre que par un changement de mode de
production. Par exemple, les rapports féodaux qui freinaient le développement technique et économique ont dû
finalement céder la place au capitalisme. Autrement dit, la Révolution est un mécanisme de changement essentiel
pour Marx.

Dans le Manifeste du Parti communiste, la formulation est plus abrupte :


«Inutile de nous provoquer avec vos idées bourgeoises de liberté... Vos idées sont elles-mêmes les produits du système bour-
geois de production et de propriété, tout comme votre droit n'est que la volonté de votre classe érigée en loi : et il n'y a rien
d'autre dans cette volonté que les nécessités matérielles de votre classe. »

Ou encore dans Misère de la philosophie :


«En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production et en changeant le mode de
production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin à bras vous donnera la société
avec le suzerain : le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel. »

Cependant, le matérialisme historique ne se confond pas avec un déterminisme économique mécanique. Les
nouveaux rapports de production peuvent eux-mêmes contribuer à stimuler le développement des forces productives
:
«Au cours de la domination de classe à peine séculaire, la bourgeoisie a créé des forces productives plus massives et plus
colossales que ne l'avaient fait dans le passé toutes les générations dans leur ensemble. » Elle « a joué dans l'histoire un rôle
éminemment révolutionnaire ».

Tout se passe comme si, dans un premier temps, les nouveaux rapports de production stimulaient les forces pro-
ductives qui, sur leur lancée, finissent par se développer de manière autonome jusqu'à déborder le cadre des
rapports de production qui leur ont donné l'élan initial. Selon le moment auquel on se place dans l'histoire d'un mode
de production, les rapports de production peuvent donc constituer soit un stimulant soit une entrave pour le déve-
loppement des forces productives.`

b) MARX ET LA PHILOSOPHIE :
1) L’ALIENATION :
Marx soutient que dans la société capitaliste, l'homme est aliéné (du latin alienus : "qui appartient à un autre"), c'est-
à-dire rendu étranger à lui-même, et que seul un changement de société peut supprimer cette aliénation
Sa démarche s'inspire de la théorie de l'aliénation religieuse du philosophe "hégélien" Ludwig Feuerbach (1804-1872).
Dans L'Essence du christianisme (1841), cet auteur présente Dieu comme un produit de l'esprit humain, qui en le
créant l'a doté de ses propres attributs. Cette automystification amène les hommes à se prosterner devant ce qui
n'est que le produit de leur imagination, mais qui leur apparaît comme une puissance étrangère et dominatrice ;
s'étant dépouillés de leurs propre attributs en les transférant à la divinité, les hommes sont en fait devenus étrangers à eux-
mêmes, ils sont aliénés. Ainsi, la religion « opium du peuple » détourne l’homme des problèmes concrets qu’il doit
affronter ; elle transmute le rapport maître-esclave en rapport divinité-créature ; elle fait intervenir une « vie future »,
satisfaction illusoire en contrepartie de la résignation à la vie actuelle. L'invention de la religion provient selon
Feuerbach d'un trait essentiel distinguant les hommes des animaux: la conscience, définie non seulement comme le
sentiment de soi en tant qu'individu, mais aussi par le fait que l'homme se connaît comme espèce.
L'analyse de Feuerbach trouve sa transposition fidèle dans la thèse de l'aliénation économique qui, pour Marx en
1844, caractérise la société capitaliste. Cette thèse repose sur un a priori philosophique très particulier, l'idée que
l'essence de l'homme, sa nature profonde, est le travail. Or le travail dans la société capitaliste, loin d'être la libre
manifestation de la personnalité humaine, est pour Marx un travail aliéné, et cette aliénation se manifeste sous trois
formes : le producteur est rendu étranger au produit de son travail (qui appartient à son employeur), à l'activité de
production (qu'il ne peut organiser comme il l'entend), et à son être générique, dans la mesure où il ne voit plus dans
l'activité productive, affirmation de l'essence du genre humain, que le moyen de son existence individuelle.
L’aliénation économique transforme alors les rapports concrets de l’homme avec la matière et ses semblables en
rapports abstraits, monétaires, l’argent devenant ainsi le pouvoir aliéné de l’humanité.
Marx pense que le seul moyen d'en finir avec cette situation est l'abolition de la propriété privée des moyens de
production, des échanges marchands et la monnaie, qui permettra de construire une société de "libre producteurs

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associés". Dans une telle société, il ne fait aucun doute pour lui que l'homme, réconcilié avec son travail, sera en
même temps réconcilié avec son "être générique" : les rapports sociaux seront "transparents".

2) LE MATERIALISME DIALECTIQUE ET HISTORIQUE :

Contrairement à l'idéalisme, le matérialisme considère la matière comme donnée première et la conscience ou pensée
comme donnée seconde. Cette doctrine affirme donc le primat de la matière sur l’esprit. La pensée est alors conçue
comme un produit du monde réel. Empruntant au matérialisme, notamment par l'intermédiaire de Feuerbach (1775-
1833), l'idée de noyau matériel et à Hegel (1770-1831) le noyau rationnel de la dialectique (processus de
développement de la pensée et de l’être par dépassement des contradictions (de la thèse et l’antithèse à la synthèse)
chez Hegel), Marx fonde ainsi le matérialisme dialectique (philosophie marxiste qui, liant une conception matérialiste
du monde et l’héritage de la dialectique de Hegel, voit dans l’univers un tout matériel dont la dynamique est assurée
par le jeu de contradictions internes) et historique (conception marxiste de l’histoire qui fait dépendre, en dernière
instance, tous les phénomènes historiques, politiques et sociaux du facteur économique, et attribue un rôle moteur à
la lutte des classes).

Le champ d'application des lois étudiées par le matérialisme historique est variable, certaines lois, comme celle du rôle
déterminant du mode de production dans le développement de la société, jouent à toutes les phases du développement,
d'autres n'opèrent qu'à certains stades du développement, comme la loi de la lutte de classes qui n'agit que dans les sociétés
divisées en classes hostiles.
Marx présente ainsi une vision de ce que serait une science de l’histoire. On peut la résumer en trois thèses :
- Thèse 1) « Les hommes font leur propre histoire, mais sur la base des conditions données, héritées du
passé. »
- Thèse 2) Parmi celles-ci, « les conditions de la reproduction matérielle de la société sont déterminantes en
dernière instance. »
Ces deux premières thèses définissent une théorie matérialiste de l’histoire, mais non déterministe : la subjectivité y
a sa place, les hommes se font eux-mêmes, en même temps qu’ils agissent.
«La doctrine matérialiste, qui veut que les hommes soient des produits des circonstances et de l'éducation, oublie que ce sont
précisément les hommes qui transforment les circonstances, et que l'éducateur a besoin d'être éduqué. La coïncidence du
changement des circonstances et de l'activité humaine, ou autochangement ne peut être comprise rationnellement qu'en tant
qu'activité révolutionnaire.» IIème thèse sur Feuerbach.
Il s'agit d'un matérialisme dialectique, en ce qu'il perçoit tout rapport (les rapports sociaux qui définissent les
conditions, comme les rapports entre les conditions et la conscience pratique) comme une
contradiction : un rapport qui en même temps définit, unit, et oppose les deux termes. D'où la possibilité de trouver
chez Marx des citations comme quoi l'économie (voire «le rapport immédiat du travailleur à son outil») détermine tout
le reste («prenez le moulin à eau, vous avez le féodalisme») et puis de rigoureuses mises en garde soulignant
l'autonomie des différentes pratiques, de la conscience et de la politique vis-à-vis de l'économique.
- Thèse 3) Toutes les formes sociales ont jusqu'ici «aliéné» une majorité de l'humanité, c'est-à-dire ont
dépossédé les individus, les ont rendus «étrangers» à leurs capacités créatrices, qu'elles s'expriment dans
leur produit, dans leur mode de coopération, dans la maîtrise même de leur propre activité. Les rapports de
la société bourgeoise poussent les individus à cette aliénation extrême. L'émancipation du prolétariat serait
«donc» l'émancipation de l'humanité toute entière. Variante encore plus forte : parce que la société
bourgeoise développe au maximum l'aliénation, pour cette raison-là, elle crée la force qui abolira toute
aliénation, marquera la fin de la «préhistoire de l'humanité». On peut alors considérér que cette dernière
thèse transforme le matérialisme historique en une téléologie, en religion donnant un sens à l'histoire.
«Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert les classes, pas plus que la lutte des classes. Ce que j'ai apporté
de nouveau, c’est :
1) de démontrer que l'existence des classes n'est liée qu'à des phases historiques déterminées du développement de la
production;
2) que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat;
3) que cette dictature elle-même ne représente qu'une transition vers l'abolition de toutes les classes et vers une société sans
classes.» Lettre de K. Marx à Weydemeyer, 5 Mars 1852.

c) MARX ET L’ECONOMIE :

Dans l'économie, discipline jeune qui n'a pu naître qu'au moment où les individus sont devenus des sujets
autonomes, c'est-à-dire dans la société bourgeoise, Marx distingue trois grandes écoles : Les mercantilistes laïcisent
leur discipline mais l'économie qu'ils bâtissent est un ensemble de normes ou de préceptes éthiques car les individus
ne sont pas encore totalement autonomes. C'est pour le Prince qui est alors le seul véritable sujet économique que
les mercantilistes décrivent les méthodes d'enrichissement. Mais ils débouchent sur une conception trop métalliste
de la richesse. Promoteurs d'un système dans lequel l'or et l'argent, c'est-à-dire la monnaie, sont l'unique richesse, ils
traduisent la volonté profonde de la société bourgeoise qui est de faire de l'argent, mais ils confondent l'argent avec
le capital et jugent tout le processus de production du point de vue de la circulation. Or, selon Marx : « La science
réelle de l'économie moderne commence seulement là où l'examen théorique passe du procès de circulation au
procès de production ».

19
Les physiocrates font faire à la discipline un pas en avant considérable. Leur apport est de trois sortes : la
conception des lois naturelles de l'économie ; le concept de circuit économique qui sera repris par Marx et discuté
par lui dans les schémas de la reproduction ; le thème du produit net que Marx transpose en termes de plus-value et
de surtravail. En portant leur attention sur l'analyse des éléments matériels du capital, l'étude des formes que prend
le capital dans la sphère de la circulation, la recherche de l'origine du surproduit, non plus dans la sphère de la
circulation, comme le faisaient les mercantilistes, mais dans celle de la production, les physiocrates ont « le mérite
d'avoir analysé le capital dans les limites de l'horizon bourgeois, ce qui fait d'eux les véritables pères de l'économie
moderne ».

Ce sont toutefois les classiques qui représentent pour Marx les véritables fondateurs de la discipline. On peut
résumer comme suit l'attitude de Marx à leur égard. Smith est l'économiste de la période de la manufacture ; il voit
dans le travail le principe créateur de toute richesse ; il fait place à l'intérêt personnel et assouplit ainsi le caractère
mécaniste du mercantilisme. Ricardo codifie l'économie politique classique qui découvre et exprime l'opposition
économique des classes.

d) MARX ET LA POLITIQUE :

Les modes de production qui se sont succédé dans l'histoire ont toujours été marqués par le caractère antagonique
des rapports de production qu'ils contenaient :
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes. » Manifeste du parti communiste.

La base matérielle de cet antagonisme n'est autre que l'exploitation d'une classe par une autre. Chez Marx ce terme a
une signification économique précise : il y a exploitation lorsque des membres d'une société prélèvent, sans
contrepartie matérielle équivalente, une fraction du produit du travail d'autres membres de la société. Par exemple,
dans la société féodale, les seigneurs exploitent les paysans par le biais de la corvée et des droits féodaux.
La Révolution Française a marquée le passage d’une structure sociale basée sur trois ordres à une structure binaire.
En effet, La société capitaliste réduit le conflit entre les classes à l’opposition de deux classes uniquement : la
bourgeoisie et le prolétariat.
Apport : Marx introduit le terme de bipolarisation de la structure sociale qui est un processus se traduisant par
l’accroissement du prolétariat en raison de la diminution de la petite bourgeoisie et de la paysannerie et par l’intensification de
la lutte des classes l’opposant à la bourgeoisie. En effet, la concentration économique doit conduire des travailleurs
indépendants (agriculteurs, commerçants et artisans) à devenir ouvriers aux conditions de vie précaires : c’est la
prolétarisation des travailleurs indépendants.
L’opposition entre la bourgeoisie et le prolétariat est basée sur la possession ou non des moyens de production ou à
la place dans le système productif.
La bourgeoisie est, selon Marx, la classe sociale détentrice des moyens de production et donc en mesure d’exploiter
le prolétariat.
Le prolétariat est, selon Marx, la classe sociale composée d’individus qui, ne possédant que leur force de travail, sont
obligés de travailler pour un chef d’entreprise et subissent la précarité liée à leur statut.
L’exploitation est le fait pour une classe de s’approprier une partie de la richesse créee par une autre classe.
Peu importe l’époque ou la société considérée, l’histoire est marquée par la lutte des classes. Le conflit est alors
présenté comme le facteur essentiel de changement social, d’évolution de la société et par conséquent comme le
moteur de l’histoire.
La lutte des classe (selon Marx) est l’ensemble des conflits économiques et politique opposant des classes aux
intérêts économiques divergents. Pour Marx, les conflits peuvent être économiques et avoir pour objectif la
diminution de l’exploitation ou politique et avoir pour objectif la suppression de l’exploitation (grâce à l’abolition du
capitalisme).
La proposition selon laquelle le capitalisme est condamné par le jeu de ses contradictions internes ne signifie
nullement qu'il doit disparaître de lui-même. Comme les révolutions sociales antérieures, la révolution qui doit abolir
le capitalisme ne peut résulter que d'une intense lutte de classes : l'avènement du communisme nécessite le
renversement du pouvoir de la bourgeoisie par le prolétariat, ce qui passe par la prise et la transformation du pouvoir
d'Etat, considéré comme l'instrument de la "dictature" de la classe dominante sur la société.

1) LA DYNAMIQUE DU SYSTEME :

1) VALEUR D’USAGE ET VALEUR D’ECHANGE :


2 ) TRAVAIL VIVANT ET TRAVAIL MORT :

PRECISION : l’hypothèse de détermination par les conditions individuelles est clairement écartée par Marx : « On
pourrait imaginer que si la valeur d’une marchandise est déterminée par la quantité de travail dépensée pendant sa
production, plus un homme est paresseux ou inhabile, plus sa marchandise a de valeur, parce qu’il emploie plus de
temps à sa fabrication. »
RAISONNEMENT :
« Le temps de travail qu’il faut pour produire un article comprend aussi le temps de travail qu’il
faut pour produire les articles consommés dans l’acte de sa production. En d’autres termes, le
temps de travail nécessaire par les moyens de production consommés compte dans le produit
nouveau. »
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Imaginons que nous ayons à rechercher la valeur d'une table (valeur d'échange). Et admettons que la fabrication
de cette marchandise impose l'utilisation de :
- matières premières (bois)
- machines
- main-d' œuvre
PRECISION : Définition de la marchandise
La marchandise... « est un objet extérieur, une chose qui, par ses propriétés, satisfait les besoins humains de
n'importe quelle espèce ». La marchandise est tout bien produit en vue d'être vendu sur le marché et susceptible
d'être reproduit en grande quantité. De cette définition il se déduit que :
- Tout produit ou bien n'est pas obligatoirement une marchandise : l'exemple traditionnel en est l' œuvre d'art,
comme la Joconde, qui est un produit en tant que tel, mais non une marchandise. Les copies de ce tableau sont
par contre des marchandises parce que reproductibles.
- en sens inverse les produits qui ne sont pas présentés à la vente sur un marché ne sont pas des marchandises
(exemple : produits autoconsommés).
Cette notion première de marchandise permet de définir l' objet de l'Économie Politique comme « l' étude des lois
de la production, de la reproduction et de la distribution des marchandises ».
Illustrons par un exemple cette proposition.
Dans une entreprise déterminée, imaginons que la production d'une table impose le travail d'un ouvrier pendant
une journée, soit 8 heures de travail. Le travail vivant est estimé par cette dépense de 8 heures. La fabrication de
cette table exige 100 kilos de bois.
-la production de 100 kilos de bois demande quatre heures de travail (celui des bûcherons)
-la construction de la machine utilisée par notre ouvrier a nécessité 2000 heures de travail,
représentant la valeur d'échange de cette machine
-la machine sert à la réalisation de 1000 tables différentes.
La détermination du travail mort nous oblige à préciser quelle quantité de travail incorporée dans les matières
premières et la machine est transmise à chaque table.
A partir des hypothèses émises plus haut :
Déterminer le travail mort intégré dans la table:
Quelle est la valeur de la table ?
3) CAPITAL CONSTANT ET CAPITAL VARIABLE :
ATTENTION : Il faut donc éviter l’erreur consistant à identifier capital constant et capital fixe, ce dernier n'étant
qu'un élément constitutif du capital constant.
4 ) CAPITAL VARIABLE ET PLUS-VALUE :
ATTENTION : il faut éviter la confusion habituelle consistant à assimiler capital variable et capital circulant.
5) DEFINITION DE LA VALEUR D’UNE MARCHANDISE :
6) LA VALEUR DE LA FORCE DE TRAVAIL :
Citons le passage célèbre où Marx présente la source de la plus-value: «Pour pouvoir tirer une
valeur échangeable de la valeur usuelle d'une marchandise, il faudrait que l'homme aux écus ait
l'heureuse chance de découvrir au milieu de la circulation, sur le marché même, une marchandise
dont la valeur usuelle possédât la vertu particulière d'être source de valeur échangeable, de sorte
que la consommer serait réaliser du travail et par conséquent créer de la valeur. Et notre homme
trouve effectivement sur le marché une marchandise douée de cette vertu spécifique, elle s'appelle
puissance de travail ou force de travail ». (Capital)

Mais que représente le temps de travail nécessaire à la production de la force de travail ?


Prenons un exemple pour illustrer cette proposition de MARX.
Supposons qu'un travailleur ait besoin quotidiennement des marchandises suivantes : 150 grammes de viande ;
500 grammes de pain; 1 litre de vin ; 200 grammes de pomme de terre. En admettant que ces marchandises aient
les valeurs correspondantes :
- 150 grammes de viande deux heures de travail ;
- 500 grammes de pain une heure de travail ;
- 1 litre de vin deux heures de travail ;
- 200 grammes de pomme de terre une heure de travail,
Calculer la valeur de la force de travail:
Seulement, notre exemple n'est qu'une caricature des propositions de MARX, car nous avons admis que seuls les
biens qui permettent à notre ouvrier de subsister entrent dans la composition de son panier de consommation. Or,
dans l'analyse marxiste, on doit distinguer deux types de biens nécessaires à l'entretien de la force de travail :
21
- Une première catégorie de biens assure la survie des travailleurs. Entrent dans cette catégorie la
nourriture, l'habillement, le logement, qui sont indispensables. Disons que cela constitue l'élément
physiologique de la valeur de la force de travail.
- Parallèlement à cet élément physiologique, la valeur de la force de travail est déterminée dans chaque
pays par « un standard » de vie traditionnelle. Ainsi, une deuxième catégorie de biens, qui assure aux
travailleurs la satisfaction d'un certain nombre de besoins inhérents au stade de développement atteint
par la société dans laquelle ils s'insèrent, vient s'intégrer au panier de consommation de nos salariés. Ils
constituent ce que MARX appelle "l'élément historique et social" et qui dépend "du degré et des habitudes
de confort".
L'addition de ces deux éléments définit la valeur de la force de travail. Soulignons que la valeur de la force de
travail est déterminée par référence à la valeur des marchandises composant le panier de consommation.
PRECISION : Le seul énoncé de ce mode d'évaluation de la valeur de la force de travail révèle clairement que
celle-ci n'est pas immuable, ni dans le temps ni dans l'espace. En effet, le degré de développement atteint par une
société affecte profondément, par le biais de l'élément historique et social, la valeur de la force de travail. Ainsi, les
travailleurs d’aujourd’hui ont des besoins inconnus (cf. télévision, automobile ...) de leurs homologues du début du
siècle. De la même manière, on imagine aisément que les besoins sont plus réduits dans les pays africains qu'ils
ne le sont dans les pays européens. La valeur de la force de travail y sera, par voie de conséquence, plus faible.
7) LE MECANISME DE LA CREATION DE LA PLUS-VALUE :

Concrétisons cette analyse en reprenant notre exemple de la fabrication de tables :
La production sociale de cette marchandise nécessitait l'emploi d'un ouvrier pendant une journée de travail de 8
heures. Cet ouvrier utilisait à cet effet des matières premières et une machine. Par référence à la loi marxiste, nous
définissons la valeur sociale de cet objet par l'addition du travail vivant et du travail mort, soit : …………
La valeur de la table était donc de …… heures de travail, ce qui définissait, en l'absence de déséquilibre sur le
marché des biens, son prix de vente.

Mais le capitaliste pour assurer la réalisation de cette marchandise emploie des facteurs de production. Il les
achète à leur valeur.
Le prix d'achat, ou son équivalent valeur travail, de chacun d'entre eux est de
- 4 heures pour les matières premières
- 2 heures pour la machine
- 6 heures pour la main-d'œuvre (cf. la définition de la valeur journalière d'un ouvrier).
En acquérant ces facteurs de production à leur valeur, le capitaliste a donc dépensé une somme correspondant à
………………………. heures de travail.
Maintenant, si nous comparons le prix d'achat des facteurs, ou son équivalent valeur, qui est de ………heures, et
le prix de vente, ……………. heures, la différence apparaît instantanément. Celle-ci, ……………. heures de travail,
constitue ce que l'on dénomme plus-value.

8) LE DEGRE D’EXPLOITATION :

9) COMMENT ACCROITRE LA PLUS-VALUE ?

2) LES CRISES COMME LOI DU DEVELOPPEMENT DU CAPITALISME :

(1) LES CONSEQUENCES DE L’ACCUMULATION SUR LA CLASSE OUVRIERE…ET LA CONSOMMATION… :

(2) LES CONSEQUENCES DE L’ACCUMULATION SUR LA CLASSE CAPITALISTE…

(3) A LONG TERME : LA BAISSE TENDANCIELLE DU TAUX DE PROFIT :

(4) LES CONSEQUENCES DE LA BAISSE DU TAUX DE PROFIT :

LES CONTINUATEURS.
1) LES PROLONGEMENTS :

a. L’HERITAGE MARXISTE OU LES DISCIPLES : ENGELS, LENINE, STALINE.

(1) ENGELS :
Engels est le premier des disciples et celui dont l'apport demeure le moins contesté.
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CITATION :
« J’ai été deuxième violon et je crois être arrivé à une certaine virtuosité ; j’étais rudement content
d’avoir un premier violon tel que Marx. »

SA VIE : Friedrich Engels (1820-1895). II interrompt ses études à la fin de l'enseignement secondaire pour
travailler dans les bureaux de la filature de coton familiale puis entre au service d'un négociant de Brème.
Effectuant son service militaire à Berlin, il fréquente l'université, rencontre les jeunes hégéliens avec lesquels il
rompra pour passer aux positions du communisme philosophique. Après une première rencontre avec Marx, à
Cologne en 1843, rencontre marquée d'une « attitude empreinte de méfiance » suivant ses propres dires, une
seconde rencontre l'année suivante à Paris va donner naissance à une amitié durable et parfaite, marquée en
particulier par la cosignature de nombreux ouvrages. Parti pour Manchester où son père avait une manufacture,
Engels y observe les conditions de vie des ouvriers d'où il tire matière à un important ouvrage. Il adhère à la Ligue
des justes qui se transformera en Ligue des communistes pour le compte de laquelle il est chargé, avec Marx, de
la rédaction du programme qui deviendra Le manifeste communiste. Après avoir pris part à la révolution allemande
de 1848, Engels retourne en Angleterre s'établissant définitivement à Londres et, tout en occupant jusqu'en 1869
un emploi dans la firme Ermen and Engels, se consacre à des travaux scientifiques et à une action politique dans
une sorte de division du travail avec Marx qu'il contribue à aider financièrement durant de nombreuses années.

Engels a donc été le fidèle compagnon de Marx et il a d’ailleurs financièrement contribué à assurer sa survie.
Anecdote : Quand Karl Marx est démuni, c’est F. Engels qui subvient en partie à ses besoins. Lorsque le
« prophète » doit cacher l’enfant qu’attend de lui sa servante, c’est Engels qui en accepte l’embarrassante
paternité..
Outre les ouvrages qu’il a cosigné avec Marx, il est également l’auteur d’un certain nombre d'oeuvres essentielles.
- « La situation des classes laborieuses en Angleterre » est non seulement un ouvrage d'histoire
économique descriptif de la révolution industrielle et dans lequel Marx ne manquera pas de puiser nombre
d'informations, mais aussi un ouvrage de théorie politique montrant le rôle du prolétariat comme moteur
de l'histoire.
- L’ « Anti Dühring » constitue une analyse du matérialisme dialectique ; il se divise en trois parties :
philosophie, économie politique, socialisme balayant ainsi les trois domaines constitutifs du marxisme.
- Dans « L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État », Engels montre comment se sont
modifiées les formes du mariage et de la famille en fonction du développement et comment l'État, qui
apparaît avec la division sociale du travail, donc à un certain stade de développement, est un instrument
d'oppression au service des classes dirigeantes et disparaîtra quand les classes disparaîtront.
COMPLEMENT : QU'EST-CE QUE LE MARXISME ?
1) une théorie, le matérialisme dialectique et historique qui prend appui sur les œuvres de K. Marx et de F. Engels.
Elle se présente comme une critique de l'économie politique qui trouve son expression dans « Le Capital », mais
c'est aussi une science de l'histoire des sociétés...
2) un mouvement social cherchant à remplacer le capitalisme par le biais d'une lutte des classes vigoureuse afin
d'aboutir au socialisme qui abolit l'exploitation de l'homme par l'homme... puis enfin vise à établir le communisme
où disparaît l'Etat coercitif et où chacun vivra selon ses besoins.
Un ensemble de théoriciens vont compléter l'œuvre de K. Marx et de F. Engels. Le marxisme deviendra ainsi
l'idéologie dominante au sein du mouvement ouvrier en Europe occidentale au début du 20ème siècle.
PRECISION : Marx a toujours refusé le qualificatif de marxiste…

(2) LENINE :
SA VIE : Vladimir Illitch Oulianov dit Lénine (1870-1924). Étudiant en droit à Saint Petersbourg, il entre en contact
avec les cercles marxistes et devient un disciple de Plekhanov (théoricien politique russe ; il fut le principal
divulgateur des idées marxistes en Russie et rallia en 1903 les mencheviks) dont il se séparera en 1903 lors de la
scission entre bolcheviks (majoritaires) et mencheviks (minoritaires). Condamné à trois ans d'exil en Sibérie (1897-
1900), il regagnera la Russie lors de la révolution de 1905 puis émigrera en résidant à Genève ou Paris. Rentré en
Russie après la chute du tsarisme, il prendra en octobre 1917 la direction de la révolution. Nommé président du
Conseil des commissaires du peuple, il lancera successivement le communisme de guerre en 1918, puis la NEP
(Nouvelle politique Economique) en 1921, constituera en 1919 la troisième Internationale et transformera en 1922
l'ancien empire russe en URSS.
L'impérialisme stade suprême du capitalisme est la principale contribution à l'économie de Lénine. Pour lui,
l'impérialisme est une phase du capitalisme caractérisée par cinq traits :

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- la concentration de la production (stade monopoliste du capitalisme se substituant à la libre concurrence),
- la fusion du capital bancaire et du capital industriel conduisant à la constitution du capitalisme financier,
- l'exportation des capitaux faisant que les métropoles deviennent rentières vivant de l'exploitation des pays
sous-développés,
- la formation à l'échelle internationale de groupements capitalistes,
- l'achèvement du partage territorial du globe générateur de guerres (ce qui à la même époque pouvait faire
dire à Jaurès que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage »).
Lénine affirme alors que l’impérialisme est porteur d’une tendance à la stagnation.
Il relève entre autre une conséquence particulière de l'impérialisme: les surprofits coloniaux peuvent servir à
corrompre les couches supérieures du prolétariat des pays exploiteurs, conduisant les syndicats à verser dans le
réformisme. Plus généralement l'analyse de l'impérialisme pose la question du développement inégal et des modes
de transition des régimes économiques. Dans son ouvrage « Que faire », il développe un certain nombre d'idées
sur le plan politique, telle que la nécessité d'organiser la classe ouvrière en un parti politique régi par les principes
du centralisme démocratique et coordonnant l'action des organisations ouvrières, mais aussi, une fois la prise de
pouvoir effectuée, d'instaurer la dictature du prolétariat.
COMPLEMENT :
Si la référence au léninisme dans les partis marxistes n'est plus guère aujourd'hui de mise, reste à se poser la
question de sa signification historique dans l'histoire du marxisme. Deux visions en ont été proposées dès la mort
même de Lénine. Pour Zinoviev, un fidèle partisan de Lénine, le léninisme se présentait comme l'application du
marxisme à la Russie, comme un « produit du particularisme russe », ce qui en limitait quelque peu la portée. Pour
Staline au contraire, « le léninisme est le marxisme de l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne.
Plus exactement le léninisme est la théorie et la tactique de la révolution prolétarienne en général(…). »

b. LUXEMBURG ET HILFERDING.
(1) Rosa Luxemburg :
SA VIE : Rosa Luxemburg (1871-1919). Elle fonde en 1893 le Parti social démocrate polonais. Elle vivra en
Allemagne à partir de 1897 et y deviendra membre du Parti social démocrate à l'intérieur duquel elle développe
une critique radicale du révisionnisme de Bernstein. Parallèlement, elle enseigne l'économie à l'école du Parti.
Durant la Première Guerre mondiale, elle s'oppose à la politique de participation à l'union sacrée de la social-
démocratie allemande et est emprisonnée à de multiples reprises à cause de son opposition à la guerre. Entrée
dans le groupe Spartakus en 1917, elle est assassinée dans sa prison à la suite de la révolution spartakiste et son
corps jeté dans un canal.
Dans « L'accumulation du capital » (1925), elle s'interroge sur l'avenir du capitalisme, ses possibilités de dévelop-
pement et ses contradictions internes. Elle explique alors que pour dépasser une de ses contradictions, la crise de
surproduction, les pays capitalistes cherchent des débouchés commerciaux dans le reste du monde. Ainsi, elle
suggère de ne plus considérer le capitalisme comme un ensemble clos, mais au contraire comme une économie
se développant au sein d'un environnement économique précapitaliste, qui lui sert (notamment) de débouché pour
ses productions excédentaires. Cette hypothèse, explique Rosa Luxemburg, est conforme au développement
historique du capitalisme. Parvenues à un certain stade de ce développement, les grandes puissances capitalistes
se lancent dans la constitution d'empires coloniaux ou de zones d'influence dans les pays moins développés, afin
de garantir à leurs capitalistes les débouchés dont ils ont besoin pour poursuivre leur activité : le capitalisme entre
dans l'ère de l'impérialisme (mais l’impérialisme ne fait que reculer la fin du capitalisme). Mais si le besoin de
débouchés nouveaux est sans limite, le monde à conquérir ne l'est pas. Une fois celui-ci incorporé en totalité à la
zone d'influence du capitalisme, l'accumulation bute sur l'absence de débouchés extérieurs : l'achèvement de la
mondialisation du capitalisme, en détruisant l'environnement précapitaliste dont il ne peut se passer, constitue la
limite de son existence historique. Elle en déduit que le jour où la mondialisation sera ainsi achevée, le capitalisme
étant parvenu à désintégrer toutes les formations sociales antérieures, la crise sera alors inévitable et l'avènement
du socialisme inéluctable. En réalité, avant que cette limite ne soit atteinte, le cours de l'histoire risque de
s'accélérer : l'aggravation des rivalités entre les puissances impérialistes précipite l'éventualité d'une guerre
mondiale, écrit Rosa Luxemburg en 1913.
(2) Rudolf Hilferding :
Rudolf Hilferding (1877-1941) relève de ce qu'on appelle l'austro-marxisme (école de pensée qui s’est développée
à Vienne de la fin du 19ème au début des années 1930 ; réflexions portées sur les grands problèmes des sciences
sociales…). Économiste, Hilferding a commencé par défendre la théorie de la valeur de Marx dans « La critique de
Marx par Böhm-Bawerk ». Son grand ouvrage est cependant Le « Capital financier » (étude sur le développement
récent du capitalisme ; 1910). Avec le développement des sociétés par actions qui sépare la propriété du capital de
24
la réalisation effective de la production, il note que le capital industriel en vient à être dominé par le capital
bancaire. Pour décrire cette nouvelle structure du capitalisme (capitalisme organisé ou capitalisme de monopole),
Hilferding forge le concept de capital financier (c’est-à-dire le capital bancaire (sous forme argent) qui se
transforme en capital industriel). Il théorise le système en vigueur en Allemagne et en Europe centrale de la
« banque universelle » qui possède et émet des actions, détient des postes de direction dans l’industrie et décrit
ainsi le tableau de cette domination du capital industriel par le capital bancaire comme la tendance d’une nouvelle
phase du capitalisme.
Cette analyse débouche sur la question de l'impérialisme que Hilferding définit comme « la politique économique
du capital financier » qui utilise l'appareil d'État pour défendre ses intérêts contre les concurrents étrangers, par le
protectionnisme et l’expansionnisme. Outre les conflits pour les matières premières et les débouchés, on voit se
développer une lutte pour les sphères d’influence entre les capitaux cherchant des espaces pour l’investissement à
l’étranger. L'exportation du capital devient ainsi le moteur de la politique impérialiste, l'objet d'une lutte économique
qui se transforme rapidement en lutte politique, laquelle dégénère en nationalisme, racisme et militarisme.
Hilferding soutient également, que la concentration industrielle aboutira à la formation d'un cartel général englobant
toute l’économie, et que la concentration du capital argent conduira à la constitution d'une banque centrale.

2) LE RÉVISIONNISME DE BERNSTEIN :
Venu au marxisme après avoir étudié L'Anti Dühring, chef de la social-démocratie allemande, il s'était déjà engagé
dans une violente polémique avec Marx et Engels en 1879, après s'être déjà montré en désaccord avec les
analyses de Marx des journées de juin 1848 et de la Commune de Paris de 1871.
SA VIE : Eduard Bernstein (1850-1932). Né à Berlin dans une famille juive de tradition libérale, il se rapproche du
socialisme dès 1870. En Allemagne le socialisme est alors divisé en plusieurs courants sectaires et parfois
antisémites. Bernstein adhère au parti « eisenachien » qui s'oppose à l'Association générale allemande des
travailleurs de Lassalle. Au congrès d'unification en 1875, il entre au comité directeur du nouveau parti. Les
organisations social-démocrates étant dissoutes par Bismarck, Bernstein s'exile en Suisse dont il sera expulsé en
1898 s'installant alors à Londres où il fréquente Engels. En 1896 avec la publication d'une série d'articles sur les «
Problèmes du socialisme » s'amorce son révisionnisme. Bernstein sera nommé secrétaire d'État au Trésor après la
révolution de 1918.
CONTEXTE : Dans son ouvrage « Les présupposés du socialisme et les devoirs de la social-démocratie » (1899),
Bernstein va remettre en question ses convictions antérieures sous l'influence notamment du boom commercial
des années 1890.
Il conteste la théorie marxiste de la valeur. Si la valeur peut être créée en dehors du travail, rien ne prouve plus
que le travail soit la source de la plus-value et le profit du travail impayé. Donc le capitalisme, caractérisé selon lui
par une souplesse et une mobilité accrue, n'est pas nécessairement mauvais ; avec les sociétés anonymes, il peut
même se démocratiser. Déterminisme économique, concentration, paupérisation sont en conséquence remis en
question. Selon lui,
- la concentration des entreprises n'est ni aussi massive ni aussi générale que pouvait le prédire la pensée
marxiste, petites et grandes entreprises se développant parallèlement ;
- il n'y a pas de prolétarisation des classes moyennes qui sont au contraire partout en expansion ;
- les crises que peut connaître le système capitaliste ne conduisent pas à son effondrement car il n'y a ni
baisse tendancielle du taux de profit, ni surproduction et que, de plus, se sont mis en place des
mécanismes de contrôle (développement du crédit, élargissement du marché, apparition de cartels et
organisation de la production).
En matière politique, Bernstein remet en question la lutte de classes. On assiste, dit-il, à une différenciation
croissante des capitalistes et, par ailleurs, se développe une série de sous-luttes internes à la classe ouvrière.
L'analyse des classes étant ainsi révisée, la fin du capitalisme n'est plus déterminée.
COMPLEMENT :
Ce qui conduit Bernstein à prendre parti en ce qui concerne le socialisme en trois propositions :
- D'une part celui-ci ne peut se résumer à l'expropriation des capitalistes car le prolétariat doit manifester
son aptitude à gérer les entreprises.
- D'autre part le socialisme ne saurait se réduire à l'action et à la domination d'une classe sociale, le
prolétariat, car il faut tenir compte des classes moyennes que la dynamique du capitalisme n'abolit pas.
- Enfin, l'avènement du socialisme ne peut se concevoir comme une rupture brutale avec le capitalisme car
il s'agit au contraire d'un processus durable de réformes progressives. Ce qui importe pour le mouvement
ouvrier, c'est de lutter pour des réformes en Allemagne, d'où la formule célèbre de Bernstein « le
mouvement est tout, le but final n'est rien ».

25
IV) LES NEOCLASSIQUES.
Contexte:
Les années 1870-1914 sont celles du capitalisme triomphant dans les pays gagnés par la révolution industrielle, où
une nouvelle vague d’innovations, concernant notamment les industries chimiques et électriques, dynamise la
croissance à partir de la fin du 19ème siècle. Au niveau interne, la classe des capitalistes manufacturiers s’est
définitivement débarrassé de la domination de la classe aristocratique des propriétaires terriens. Elle a déjà
réprimé les premiers mouvements ouvriers. Au niveau externe, les principales puissances capitalistes
industrialisées étendent de 1870 à 1914 leur domination politique et économique à l’ensemble du monde : c’est la
période des conquêtes coloniales. Cependant, l’expansion ne se fait pas sans heurts : le processus de croissance
reste entrecoupé de récessions profondes, et la rivalité entre les grandes puissances s’aiguise dans le cadre du
partage du monde qui se réalise à cette époque. Sur le plan des idées économiques, cette période est marquée
par un renouvellement de grande ampleur. Alors que la théorie classique semble avoir atteint ses limites une
nouvelle théorie émerge dans les années 1870 à travers notamment trois fondateurs: Léon Walras (1834-1910),
Stanley Jevons (1835-82), Carl Menger (1840-1921). Ce courant appelé « néo-classique » ou « marginaliste »,
génère un nouveau paradigme (au sens de Kuhn : modèle d’approche théorique de la réalité sociale ; consensus
sur les questions à élucider, les méthodes de travail à utiliser, les représentations et habitudes de pensée).
Remarque: La thèse faisant du marginalisme une réponse idéologique de la bourgeoisie au Capital
de Marx néglige le fait que les premiers marginalistes ignoraient tout de cette œuvre (comme Marx
semble avoir ignoré les travaux de Jevons, Walras ou Menger).
Les néoclassiques sont les héritiers des classiques.
Une lecture élémentaire fait apparaître leur filiation avec les Classiques et tout particulièrement avec A. Smith. Cela
conduit généralement à faire un tout des Classiques et des néoclassiques et ce type de classement peut se
justifier. Faire des néoclassiques des « smithiens » et résumer les Classiques par la pensée du père fondateur est
pratique, mais une telle classification conduit cependant à une simplification abusive. Les néoclassiques sont en
fait bien autre chose que les Classiques. Ils se constituent d'ailleurs en opposition avec les Classiques. Ils vont
ajouter à leur lecture de l'économie une approche plus formelle et systématique en termes de marché et
d'équilibre. Seuls J.-B. Say et J.-S. Mill avaient esquissé cette démarche. Il ne fait aucun doute que parler de
révolution de la pensée économique avec les néoclassiques n'est pas exagéré.

A) Les néoclassiques, dans la continuité des Classiques

B.) Les néoclassiques, une école qui manifeste sa rupture avec les Classiques ou La révolution théorique
des néoclassiques ou la « révolution marginaliste » ou les néoclassiques: une nouvelle
exigence théorique dans un contexte précis.

1) La grande question de la valeur :



Critique par Jevons de la théorie ricardienne de la valeur : « C’est un fait que le travail, une fois qu’il
a été dépensé, n’a pas d’influence sur la valeur future d’un objet : il a disparu et est perdu pour
toujours. Dans le commerce, ce qui a disparu est disparu pour toujours : nous devons toujours partir
à zéro à chaque moment, et payer les valeurs des choses en considérant leur utilité future ».

2) Homo oeconomicus et micro-économie.


3) le fonctionnement des marchés et les conditions d'équilibre entre l'offre et la demande sur les différents
marchés.

Les Classiques concentraient leur intérêt sur les problèmes de croissance et de répartition : d'où vient la richesse
d'un pays ? Comment peut-on l'accroître ? Comment cette richesse se répartit-elle entre les agents économiques ?
Les premiers néoclassiques vont rompre avec cette démarche et centrer leur attention sur le fonctionnement des
marchés et les conditions d'équilibre entre l'offre et la demande sur les différents marchés.
a) Raisonnement à la marge et formalisation mathématique:
b) Les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité marginale.

c) Modèle de comportement optimisateur :


C. Trois courants néoclassiques traditionnels
1. Trois écoles.
26
La diversité s'est concrétisée dès le départ par l'émergence de trois approches spécifiques. La première est celle
de Lausanne, également qualifiée d'école de l'équilibre général; la seconde est celle de l'école anglaise qui
prolonge les travaux de S. Jevons ; la troisième, l'école autrichienne est la plus subjective, c'est aussi en son sein
que l'on trouve les économistes les plus favorables au libéralisme.
- L'école de Lausanne (L’école de Lausanne : Pareto (1848-1923) reprend l'œuvre de Walras à Lausanne),
fondée par L. Walras, a pour cadre l'économie pure. Il s'agit de définir un modèle théorique, en
l'occurrence celui de la concurrence pure et parfaite (CPP), dans lequel on situe l'analyse et ce sont les
conclusions de l'analyse, parce qu'elles éclairent le fonctionnement des mécanismes de l'économie, qui
justifient ce choix. Ainsi, si Walras se situe dans le cadre de la CPP c'est parce qu'il pense pouvoir
montrer que les autres types de marché (monopole par ex.) sont moins efficaces. Son but est de répondre
à la question de savoir s'il existe un système des prix qui assure l'équilibre entre l'offre et la demande sur
tous les marchés. Si cette question est importante, c'est que, de sa réponse, dépend la capacité du
marché à assurer l'allocation des ressources de façon efficace.
- L'école anglaise (L’école de Cambridge : Francis Edgeworth (1845-1926), Alfred Marshall (1842-1924),
Arthur Pigou (1877-1959) forment l'école de Cambridge après Jevons) tente d'intégrer à la fois l'approche
nouvelle de Cournot en termes de marché, l'analyse en termes de valeur utilité et la tradition anglaise de
Ricardo. Elle est particulièrement marquée par S. Mill qui, tout en considérant que le marché est source
d'efficacité économique, estime que dans de nombreux cas il est déficient, ce qui rend nécessaire une
intervention de l'État. La tradition anglaise veut prendre en compte la complexité de la vie économique et
sociale et le décalage potentiel entre l'affectation par le marché et l'optimum social.
- L'école de Vienne (L’école de Vienne : Böhm Bawerk (1851-1914), Von Wieser (1851-1926), Von Mises
(1851-1926), et Von Hayek (1899-1992) constituent l'école autrichienne après Menger.) se distingue de
façon marquée par celle de Lausanne. Adoptant une démarche qualifiée de «subjectivisme
méthodologique», les Autrichiens (C. Menger et F. Von Wieser) centrés sur l'étude du comportement de
l'individu dans sa diversité et sa liberté sont souvent hostiles à l'idée que la démarche abstraite de Walras
peut faire avancer la connaissance de la vie sociale. La modélisation mathématique et le recours à des
statistiques globalisantes ne sont pas les moyens privilégiés de la connaissance.
- L’école suédoise : Wicksell (1851-1926) et Ohlin (1899-1979)
2) Des clivages…
•a) Deux approches de l'utilité; l'approche cardinale et l'approche ordinale.
* « Un homme peut savoir que le troisième verre de vin lui procure moins de
plaisir que le second, mais il ne peut en aucune façon savoir quelle quantité
de vin il doit boire après le second verre pour avoir un plaisir égal à celui
que lui a procuré ce second verre de vin. De là, la difficulté de considérer
l’ophélimité (l’utilité subjective, terme créé par Pareto pour éviter les
confusions résultant de l’emploi du mot utilité) comme une quantité, si ce
n’est en tant que simple hypothèse. » « Manuel d’économie politique », Pareto,
Paris, 1906.

** « L’homme peut savoir si le plaisir que lui procure une certaine
combinaison 1 de machandises est égal au plaisir qu’il retire d’une autre
combinaison 2, ou s’il est plus grand ou plus petit »

•b) Equilibre partiel et équilibre général…



Complément : Quelles sont les hypothèses de la concurrence parfaite chez les néoclassiques ?
On évoque traditionnellement quatre hypothèses traditionnelles : l'atomicité du marché. Cette expression désigne
l'impossibilité pour un acheteur ou un vendeur d'être d'une taille suffisante pour pouvoir influencer les prix.
L’homogénéité du produit, les biens vendus sur le marché par les différents producteurs doivent être strictement
identiques, pour que le consommateur puisse comparer précisément les prix. La libre entrée et la libre sortie du
marché : aucune barrière juridique, technique ou financière n'empêche un nouveau concurrent d'entrer sur le
marché ou un agent d'en sortir. Enfin, la 4ème hypothèse est celle de la fluidité ou la transparence de l'information
tous les acteurs au marché ont toutes les informations dont ils ont besoin concernant les prix, les techniques de
production ou la qualité des produits.
D) La pensée néoclassique ou la défense de l'économie de marché.
En matière de politique économique, les néoclassiques apparurent d'abord comme les défenseurs du libéralisme
économique. Mais au-delà du conflit d'analyse sur la théorie de la valeur et la justification du profit, la pensée
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néoclassique est fondamentalement une défense de l'économie de marché. Tous ne défendent pas un libéralisme
absolu, et plus que des nuances séparent les auteurs quant à la politique de l'État. Mais ces divergences et ces
limites au libéralisme économique ne doivent pas masquer le trait dominant de la pensée qui est une défense
multiforme de l'économie de marché et le plus souvent des politiques libérales.
1) Le Libéralisme des Néoclassiques
- J.-B. Say (1767-1832), économiste français, est un précurseur des néoclassiques ; il démontre dans sa célèbre
loi des débouchés que « l'offre crée sa propre demande » et donc que les déséquilibres sur le marché des biens et
services ne peuvent être que ponctuels et non durables. L'économie est en équilibre, l'État n'a pas à intervenir. Il
parle d’ailleurs d’ « Etat-ulcère ».
- L. Walras pense aussi que l'État a comme rôle de faire respecter l'ordre naturel du marché. En effet, si les
conditions de la concurrence pure et parfaite sont respectées (atomicité du marché, transparence du marché,
homogénéité des produits, libre entrée sur le marché, mobilité des facteurs de production et rationalité des agents
économiques), les trois marchés qui composent l'économie (le marché des biens et des services, celui du travail et
celui du capital) sont en équilibre. La libre variation du prix permet, sur chaque marché, d'ajuster l'offre et la
demande. L'économie s'autorégule, l'État doit respecter cet ordre naturel car toute intervention de sa part risque de
le perturber. Pour Walras, l’Etat doit veiller au maintien des mécanismes de marché. Il souligne qu’il y a
complémentarité et non pas opposition entre concurrence et Etat : « Dire libre concurrence n’est pas du tout dire
absence de toute intervention de l’Etat. Cette intervention est nécessaire pour établir et maintenir la libre
concurrence là même où elle est possible » (1896).

Précision: Plus nuancé que ses nombreux disciples du 20ème siècle, Walras expliquera qu’ « il ne faut
pas doter l’individu de toutes les vertus et l’Etat de tous les défauts » (1896). Par exemple, il
s’intéressera comme Smith à la question de l’instruction des ouvriers : « Il appartient sans conteste à
l’Etat de développer l’instruction pour accroître la productivité du travail. » Fidèle également aux
thèses de Smith sur ce point, Walras proposera que l’Etat intervienne dans la définitions des conditions
de travail (il sera dès lors fortement critiqué par Leroy-Beaulieu). Remarquant que si les deux tiers des
grèves portent sur la question des salaires le dernier concerne les conditions de travail, il fait observer
que ces grèves causent un grave préjudice aux salariés, aux chefs d’entreprises et à la société dans son
ensemble. Walras propose donc, une intervention rationnelle de l’Etat qui s’exercerait ici en vue d’un
meilleur fonctionnement des marchés « pour détourner du travail des entreprises où les salaires
tendent à baisser vers les entreprise où les salaires tendent à augmenter ».

- L’optimum de Pareto avance que, si la concurrence pure et parfaite règne sur l’ensemble des marchés,
l’allocation des ressources assurée par le fonctionnement des marchés est optimale. Cela signifie que la répartition
des revenus ne pourra être modifiée sans diminuer l’ophélimité (terme que Pareto préfère à celui d’utilité afin
d’éviter la connotation morale d’ « utilité ») d’au moins un membre de la société. En effet, selon le critère de Pareto,
une situation est jugée supérieure à une autre quand l’un au moins des participants y obtient une ophélimité
supérieure, sans que d’autres y perdent. L’optimum est atteint quand aucun individu ne peut améliorer sa position
sans qu’au moins un autre ne voit la sienne se dégrader.
- Selon Paul Leroy-Beaulieu, représentant éminent du libéralisme économique de la fin du 19ème siècle (fondateur
et directeur de l’économiste français de 1873 à 1916) : « L’Etat est un organisme pesant, uniforme, lent à concevoir
et à se mouvoir, propre à certaines tâches générales. La faculté inventive, le don de l’adaptation rapide lui
manquent […]. Les entreprises privées, en vertu de la flexibilité dont elles jouissent, de leur rapidité aux
adaptations successives, de la part plus grande qu’elles font aux responsabilités, à l’intérêt personnel, à
l’innovation, à la concurrence, doivent être préférées à l’Etat » (1890).
TRANSITION : Pourtant, différentes écoles néoclassiques, en raisonnant en termes de « défaillances de marché »,
défendent ainsi l’idée selon laquelle il incombe à l’Etat de combler ces failles et définissent ainsi le domaine de
l’économie publique. Elles nous proposent, une théorie normative de la dépense publique qui établit des lois
opérant un partage entre les initiatives privées régulées par le marché et les productions recquérant l’intervention
de la puissance publique.

2) 2) LA PRISE EN CHARGE PAR L'ÉTAT DE CERTAINES ACTIVITÉS


LES APPROFONDISSEMENT DES ECONOMISTES NEOCLASSIQUES AU 20ème SIECLE

a). Le principal échec du marché : les effets externes et leurs non prises en compte.

[Meade mobilise l'exemple célèbre du producteur de pommes qui habite à côté d'un apiculteur. Lorsque le
pomiculteur plante de nouveaux arbres, il fournit une floraison plus importante aux abeilles de l'apiculteur, si bien
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que l'augmentation de la production de pommes bénéficie directement et gratuitement à la production de
l'apiculteur. De même, une firme qui invente un nouveau produit risque de se voir copiée par un imitateur: il s'agit
d'un effet externe positif, puisque le copieur ne paie pas pour accéder à la technologie. L’implantation d'une usine
qui profite aux commerçants locaux constitue également un exemple d’effets externes positifs
b) La réflexion sur l’intervention légitime de l’Etat en cas d’échec du marché.
(1) LA FONCTION D’ALLOCATION A TRAVERS LA REFLEXION SUR LA PRISE EN CHARGE DES BIENS COLLECTIFS
EN CAS D’ECHEC DU MARCHE:
(2)L’ACTION REDISTRIBUTIVE DE L’ETAT PEUT-ÊTRE DEFENDUE, Y COMPRIS DANS UN CADRE LIBERAL:
Selon Rawls (Philosophe américain ; 1921-2002), dont « la théorie de la justice » a renouvelé l’analyse des
inégalités, les seules inégalités acceptables sont celles qui assurent une amélioration des conditions de vie des
plus démunis et une réelle égalité des chances. Le rôle du réglementeur est de mettre en place un système
d’inégalités justes et socialement acceptables, permettant de concilier incitation à entreprendre ou à travailler et
protection des plus faibles (les citoyens doivent ressentir que le système est équitable, même s’il reste inégal.
Cette approche d’inspiration libérale et modérée est à la base des politiques « d’affirmative action » aux Etats-Unis.
(3) L’ETAT DOIT VEILLER AU FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DES MARCHES (FONCTION DE
REGLEMENTATION !!!)

* Complément d’informations :
Lorsque le monopole est justifié, l'État doit cependant en surveiller le fonctionnement. L'existence de monopoles
n'est pas nécessairement condamnable. Le monopole peut résulter d'une innovation, comme l'a montré
Schumpeter. En effet, une firme qui invente un nouveau produit ou procédé a beaucoup investi en recherche-déve-
loppement et il semble normal qu'elle bénéficie en contrepartie d'une rente temporaire d'innovation. Pour inciter les
firmes à innover, l'État peut garantir juridiquement le monopole sur l'exploitation des résultats de la recherche, en
octroyant aux firmes innovatrices un brevet. De même, lorsqu'il existe de fortes économies d'échelle, il est plus
efficient qu'une seule firme desserve le marché, dès lors que la demande totale correspond à la taille minimale
optimale: on se trouve alors dans une situation qualifiée de monopole naturel. En effet, s'il existe plusieurs firmes,
chacune doit supporter le coût fixe (par exemple le coût de construction d'une voie de chemin de fer) et le coût
unitaire de production est d'autant plus élevé qu'elles doivent se partager la demande totale. Dès lors que le
monopole naturel n'est pas contestable, il revient à l'État de le réguler, afin d'éviter que le monopoleur n'utilise son
pouvoir de marché.
























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