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Le terme « mercantilisme » est un terme anachronique, forgé par les économistes libéraux de la fin du 18ème siècle
et du 19ème siècle pour critiquer leurs prédécesseurs. Il est repris d’Adam Smith qui, dans ses « Recherches sur la
nature et les causes de la richesse des nations (1776) », accuse les « partisans du système mercantile » d’avoir
jadis formulé des thèses contraires à l’intérêt commun. De fait, le mercantilisme ne s’est jamais posé comme un
véritable corps de doctrine. La pensée mercantiliste résulte d’une multitude d’auteurs (plus de deux cents), des
marchands, des manufacturiers, des hommes politiques (Richelieu, Colbert), des juristes (Jean Bodin), dont les
écrits se diffusent dans toute l’Europe, du début du 16ème au milieu du 18ème siècle. Ils ne forment pas un groupe
homogène mais ont pour point commun leur intérêt à l’égard des « problèmes pratiques immédiats, qui se posaient
à la politique économique, problèmes qui étaient ceux de l’Etat national naissant » (J. Schumpeter, Histoire de
l’analyse économique).
« La commerce est une guerre entre les entreprises et les industries de toutes les nations.
Elle est conduite par 20 000 navires… » Colbert
Selon Jean Bodin, la grandeur d'une nation n'est pas expressément liée à sa richesse monétaire, mais à sa
croissance démographique: « Il ne faut jamais craindre qu'il y ait trop de sujets, trop de citoyens il n'y
a de richesse ni force que d'hommes » : conception populationniste. C’est donc la croissance démographique
qui fait la prospérité et le dynamisme des nations. Ainsi, Bodin perçoit que le développement de l’industrie et du
commerce d’exportation, source de profit, nécessite de la main-d’œuvre et qu’en sens inverse l’expansion du
commerce permet le développement de la population.
Il faut attendre la fin du 16ème siècle et le début du siècle suivant pour que se développe une pensée mercantiliste
française autonome, autour de Barthélémy de Laffemas (1545-1611 ; ce marchand protestant devient valet de
chambre, puis tailleur de Henri IV, avant d'être nommé contrôleur général du commerce en 1602) et d'Antoine de
Montchrestien*( vers 1575-1621 ; tragédien français. À la suite d'un duel meurtrier, il s'enfuit en Angleterre et est
frappé par le contraste existant entre la prospérité britannique et les difficultés économiques de la France. Il rédige
son Traicté d'oeconomie politique à son retour de France, entre 1611 et 1615). Ces deux auteurs développent des
thèses prônant le développement de l'artisanat et de l'industrie à l'intérieur du royaume. On parle de
« mercantilisme « industrialiste ».
- Laffemas remarque que l'économie française a été ruinée par les guerres de religion, et que les meilleurs ouvriers
ont émigré vers l'Angleterre. Pour la rétablir, il convient de développer l'industrie de luxe, comme celles de la soie,
de la dentelle ou du cuir, tout en protégeant les productions nationales par de fortes barrières douanières. Il est
nécessaire aussi de réorganiser les métiers, en intégrant les ouvriers dans une stricte hiérarchie.
- Montchrestien remarque que la France ne dispose, ni sur son territoire, ni dans ses colonies, de mines de métaux
précieux pouvant assurer sa richesse. Pour que le pays s'enrichisse, il faut nécessairement faire venir de l'or et de
l'argent de l'étranger. Pour ce faire, il est indispensable de rétablir la balance du commerce par une politique
appropriée. Le pays dispose d'atouts que n'ont pas ses voisins. C'est le pays le plus peuplé d'Europe, son territoire
est vaste, ses sols sont fertiles, ce qui lui permet d'avoir une importante production agricole. Il faut se servir de
cette base pour favoriser l'établissement de manufactures (Manufacture : entreprise industrielle bénéficiant de
privilèges pour la fabrication et la vente d'un produit déterminé. La maison royale appartient à l'État et travaille pour
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lui. La manufacture royale est une entreprise privée dotée de privilèges royaux), qui permettraient d'assurer un
excédent de production exportable. Les manufactures de luxe (verreries, manufactures de soie, de dentelles ou de
tapisseries) pourraient affranchir le pays d'importations coûteuses. Les manufactures de produits plus grossiers
comme les toiles et les draps fourniraient de l'emploi à une grande quantité de personnes. Seul un engagement
plus important de l'État permettrait de garantir la prospérité de ces établissements. Il est nécessaire de mettre en
place une réglementation commerciale plus stricte, leur assurant des privilèges de fabrication et prohibant l'entrée
de certaines marchandises dans le royaume. Il faut aussi réglementer les métiers pour supprimer les fraudes et les
défauts de fabrication. Cette réglementation devrait être confortée par une tarification douanière avantageant les
productions françaises. Antoine de Montchrestien se fait aussi l'apôtre de la colonisation, notamment en Amérique
du Nord. Il remarque que la marine française, autrefois prospère, connaît un net déclin, et qu'une partie des trafics
lui a été ravie par les marins anglais et hollandais. Partisan d'une politique d'expansion coloniale, cet auteur
propose la création de grandes compagnies de commerce, sur le modèle de la Compagnie des Indes orientales*(
Compagnie des Indes orientales : compagnie de commerce créée par les Provinces-Unies en 1602, se consacrant
au trafic entre l'océan Indien et les PaysBas).
Timidement engagée sous le règne d'Henri IV (1589-1610), la politique manufacturière est rapidement
abandonnée. Si Richelieu (1624-1642) s'efforce un temps de rétablir la marine, il faut attendre le ministériat de
Jean-Baptiste Colbert* (1619-1683) ; un des principaux ministres de Louis XIV. Intendant des finances (1661),
contrôleur général des finances (1665), surintendant des bâtiments, art et manufactures (1664), puis secrétaire
d'État à la maison du roi et à la marine (1669)), pour que ces mesures soient réellement mises en application.
Reprenant les bases posées par les auteurs précédents, Colbert constate que la masse monétaire européenne
est relativement stable. Pour que le pays s'enrichisse, sa balance commerciale doit nécessairement être
excédentaire. Cet excédent ne peut être assuré que par une forte intervention de l'État. Son rôle consiste à
«augmenter l'argent dans le commerce public en l'attirant des pays d'où il vient, en le conservant
au dedans du royaume et empeschant qu'il n'en sortist, et en donnant aux hommes les moyens
d'en tirer profit ». L'État doit pratiquer une politique protectionniste en menant une véritable « guerre des tarifs »
avec l'étranger, en relevant systématiquement les droits de douane afin notamment de protéger les nouvelles
industries. Une mesure symbolique de ce mercantilisme est l’interdiction, par exemple, de toute exportation de blé
afin de créer une surproduction relative conduisant à la baisse du prix du blé et permettant de baisser les salaires
et de rendre l’industrie plus compétitive. L’Etat doit améliorer les infrastructures et stimuler l’exploitation des
ressources nationales. Colbert, considérant que l’Etat doit stimuler la production et les exportations, crée les
manufactures d’Etat et encourage la venue d’artisans étangers porteurs de méthodes de production
nouvelles.Avec Colbert, la monarchie se dote pour la première fois des moyens de ses ambitions. En mettant en
place une politique douanière se traduisant par un protectionnisme sélectif, une politique réglementaire et une
politique manufacturière c’est-à-dire une politique industrielle de création de manufactures d’Etat et de
manufactures royales, le contrôleur général des finances pose les bases d'une tradition interventionniste de l'État
français, encore forte aujourd'hui.
Pierre Le Pesant de Boisguilbert (1646-1714) : conseiller du Roi, président et lieutenant général au bailliage (agent
du Roi chargé de fonctions administratives et judiciaires) ; ses réflexions économiques naissent à partir des
expériences auxquelles le confronte sa charge de lieutenant de police : maintien de l’ordre, mais aussi discussion
des prix, surveillance des foires et des marchés, des règlements, des chambres de métier…
Boisguilbert recherche les causes de la diminution de la richesse nationale (Smith recherchera les causes de la
richesse des nations). En effet, à la fin du règne de Louis XIV (1638-1715, roi de 1643 à 1715), il est frappé par la
pauvreté grandissante des campagnes françaises. Pour expliquer l’appauvrissement de la France, Boisguilbert
contredit deux principes mercantilistes. L’augmentation de population n’a pas arrêté la détérioration de la situation
économique : on assiste à une réduction de la production par tête. De plus, l’appauvrissement qu’il dénonce ne
résulte pas d’une pénurie de monnaie ; au contraire la quantité d’espèces a augmenté. L’accroissement de la
richesse nationale doit être recherchée à l’intérieur des frontières mais la richesse ne se confond pas avec les
métaux précieux (critique du chrysodénisme des mercantilistes) ; elle tire sa source de la terre et du travail.
Selon Boisguilbert, l’appauvrissement de la France provient de l’incohérence du système fiscal qui écrase d’impôts
les « petites gens » et réduit donc leur capacité de consommer ; « peu importe que les riches s’enrichissent et
puissent, eux consommer tout à loisir, car un riche fût-il dix fois plus riche qu’un pauvre ne consommera jamais
autant que dix pauvres » ; « c’est le menu peuple qui procure le plus de revenu à l’Etat ; un écu faisant plus de
chemin et par conséquent plus de consommation en une journée chez les pauvres, qu’en trois ois chez les riches
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qui, ne faisant que de grosses affaires, attendent longtemps pour faire sortir leur argent, ce qui est toujours
préjudiciable à un Etat » ; « tous les revenus, ou plutôt toutes les richesses du monde, ne consistent que dans la
consommation ; tous les fruits de la terre les plus exquis et les denrées les plus précieuses n’étant pas d’utilité
d’abord qu’elles ne sont pas consommées » .
De plus, Boisguilbert est sans doute parmi les premiers à concevoir l’idée d’un ordre économique naturel, et il en
déduit une obligation de non-interventionnisme. Par cette démarche, en opposition avec les mercantilistes, il
devient un précurseur du libéralisme ; « La Nature établit d’abord une égale nécessité de vendre et d’acheter dans
toutes les sortes de trafics, de sorte que seul le désir de profit soit l’âme de tous les marchés tant dans le vendeur
que dans l’acheteur ; et c’est à l’aide de cet équilibre ou de cette balance, que l’un et l’autre sont également forcés
d’entendre raison, et de s’y soumettre ».
En effet, selon lui, les difficultés financières du pouvoir n’ont qu’une cause : la baisse du revenu national. Pour y
remédier, il faut soulager l’agriculture accablée d’impôts et libérer le commerce, en particulier le commerce des
grains. En effet, la stimulation de la demande intérieure passe par celle de la consommation et par la libre
circulation sur le marché intérieur. Il considère ainsi que les barrières douanières sont responsables des difficultés
agricoles et de la misère paysanne. Il préconise donc, à l’encontre de la politique de Colbert et de ses successeurs
(au Contrôle général des finances), de « laisser faire la nature et la liberté », la concurrence qui en résultera
permettra l’établissement de prix équitables et de profits normaux. On peut dire qu’en définitive, « Boisguilbert
introduit dans la pensée économique, l’idée d’un ordre économique naturel dont le fonctionnement à condition
d’être libre tend vers un équilibre spontané »
b) Cantillon et le glissement vers le libéralisme.
Economiste français, Richard Cantillon (vers 1680-1690, décès officiel en 1734, mais son décès a peut-être été
maquillé pour échapper aux poursuites judicaires dont il faisait l’objet ; banquier…) est le premier à se démarquer
(sans s’en affranchir totalement) de la pensée mercantiliste et à poser les fondements de la théorie classique
(Essai sur la nature du commerce en général, 1755).
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hostiles aux interventions de l'État. Selon eux, l’Etat doit respecter les lois physiques qui guident l’économie (d’où
le nom de physiocrates ; physis qui signifie nature et cratos pour puissance d’où « gouvernement de la
nature »…symbolisant la confiance en l’harmonie spontanée surgissant de la nature ou, autrement dit, préfigurant
une foi dans les mécanismes de marché…). De plus, ils considèrent que le véritable enrichissement n'est pas
monétaire mais agricole. Modernes par plusieurs aspects de leur pensée, ils comptent parmi les véritables
fondateurs de l’économie politique.
Le contexte :
L’économie de la France sous l’Ancien Régime est agricole pour l’essentiel : 75 % de la richesse nationale provient
de l’agriculture. Par conséquent, les problèmes économiques de ce temps sont d’ordre agricole : révoltes
paysannes, famines, prix du blé, sont à l’origine de tensions prérévolutionnaires. La théorie des physiocrates
correspond à cette situation économico-politique : « la terre qui rapporte une rente est l’unique source de
production nette » Quesnay.
1) LE PRODUIT NET AGRICOLE
L'idée originale est que toute l'activité économique est entretenue par le mouvement du revenu. Quesnay procède
à la première tentative de comptabilité nationale, en représentant la circulation des flux réels et monétaires, ce qui
donne une vision dynamique et non plus statique de l'économie. Par le jeu des échanges, les dépenses des uns
constituent les gains des autres. Il distingue trois classes fondamentales dans la vie économique de la nation : la
classe productive, la classe des propriétaires et la classe stérile. La découverte de la circulation sanguine lui donne
l’intuition d’une représentation de l’économie comme un vaste corps où circulent richesses et marchandises d’une
classe à l’autre. Sa représentation de la société est celle d’une harmonie : à l’image du corps, chaque classe,
comme les organes du corps humain a une fonction indispensable à la vie de tous c’est-à-dire une fonction
nécessaire à maintenir la bonne santé de l’ensemble... Dès lors, il faut empêcher tout ce qui limite la circulation des
biens et des valeurs entre les classes sociales pour que le flux de richesse irrigue bien tout le corps…
- La classe productive des agriculteurs crée plus de valeur qu’elle n’en consomme : « La classe
productive est celle qui fait renaître par la culture du territoire les richesses annuelles de la
nation, qui fait les avances des dépenses des travaux de l'agriculture, et qui paye
annuellement les revenus des propriétaires des terres. (...) »
- La classe des propriétaires comprend le souverain, les propriétaires fonciers et les collecteurs d’impôts ; elle
vit sur du surplus de valeur crée et consomme les biens produits par les autres classes : « Cette classe
subsiste par le revenu ou produit net de la culture, qui lui est payé annuellement par la classe
productive, après que celle-ci a prélevé, sur la reproduction qu'elle fait renaître
annuellement, les richesses pour se rembourser de ses avances annuelles et pour entretenir
ses richesses d'exploitation. »
- La classe stérile comprend tous les citoyens occupés à d’autres travaux que l’agriculture et en particulier les
artisans ; elle se contente de transformer les biens existants et restitue juste la valeur qu’elle utilise ; par exemple,
le bois qui devient meuble ne voit pas sa valeur augmentée par l’artisan…Attention, stérile ne signifie pas inutile
pour Quesnay…
Toutes ces classes sont liées au sein d’un circuit qui mène de la production à la répartition des revenus pour
aboutir à la dépense. Les relations entre les classes sont considérées par Quesnay comme des rapports
économiques, du fait qu’ils consistent soit en achats ou en ventes de marchandises, soit en paiement de revenu.
On a un système d’économie politique du fait que « la société est analysée en termes de circulation de richesses ».
De plus, ces rapports économiques correspondent à l’ordre naturel qui assure la prospérité de la société.
Le tableau représente, selon J. Schumpeter, un apport incontestable à la science économique. Tout d'abord, sa
méthode « permet une extraordinaire simplification » puisque des millions de flux entre producteurs et
consommateurs sont ramenés à quelques relations entre « agrégats sociaux ». Le tableau constitue ainsi le
véritable ancêtre de la Comptabilité nationale.
La présentation par Quesnay montre pour la première fois « l'interdépendance de tous les secteurs et de tous les
éléments du processus économique », elle propose également une première formulation de l'équilibre économique
: « le processus économique est représenté comme un flux circulaire revenant sur lui-même à chaque période » En
revanche, le tableau souffre d'une lacune majeure : il propose une représentation normative de l'économie
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occultant toute idée de croissance. Les marxistes reprocheront à Quesnay d'ignorer la « reproduction élargie » et
de se cantonner à la « reproduction simple ». Cette limite est inhérente au refus d'analyser l'origine du produit net
et à l'idéologie justificatrice du mode de répartition des richesses et des structures sociales existants. Le circuit
économique présente une fuite. Les oisifs, les propriétaires fonciers, perçoivent une rente versée par les
agriculteurs qui provient du produit net. Ils peuvent acquérir des produits de luxe importés. Une partie du produit
net peut ainsi échapper au circuit économique, par manque de civisme des propriétaires. De ce fait, une partie de
la rente ne permet pas de constituer un débouché sûr pour la production agricole ou manufacturière. Question de
l’épargne également comme fuite possible…
CONCLUSION : Les physiocrates sont donc à l'origine de 3 avancées considérables de la théorie économique : ils
sont les premiers libéraux, ils prônent l'enrichissement matériel non monétaire et ils ont créé le 1er circuit
économique. De 1764 à 1789, la France va appliquer une politique de modernisation de son agriculture (sous
l’influence de Turgot, conseiller du Prince) inspirée par les physiocrates. Turgot, nommé Ministre des finances en
1774, rétablit la liberté du commerce pour les céréales. Il pratique une rigueur budgétaire sélective qui atteint les
dépenses improductives de la cour et freine ainsi les charges fiscales sur les paysans. Mais il touche aux intérêts
des puissants. Par conséquent, les idées physiocratiques se heurtent au tissu social réel. Il est chassé du pouvoir
par Louis XVI en 1776.
II)
III) II) LA CONSTITUTION DU COURANT LIBERAL.
Complément:
Bien que très influencé par les physiocrates, en particulier Cantillon, Smith tente de dépasser un certain nombre de
leurs impasses : ainsi la richesse nationale est produite non seulement par le travail des agriculteurs mais aussi
par celui des ouvriers et par les revenus de la propriété. « Le travail annuel de chaque nation est le fonds primitif
qui la fournit de tous les objets nécessaires et utiles à la vie, qu’elle consomme chaque année et qui consistent
toujours soit dans le produit immédiat du travail, soit dans ce que l’on achète avec ce produit aux autres nations. »
De plus, à la différence du schéma de circuit stationnaire de Quesnay, A. Smith, avec la division du travail,
raisonne dans la perspective d’une économie en croissance.
(2.) Quand la recherche de l'intérêt individuel ne conduit pas toujours à l'intérêt général
d) « L’Etat à sa place ! »
Il ajoute le soin «d'élever et d'entretenir ces ouvrages et établissements publics dont une grande société retire
d'immenses avantages, mais qui sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou par
quelques particuliers, attendu que pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais en rembourser la dépense»
Tous les trois héritiers de Smith, Malthus, Say et Ricardo entretiennent entre eux une correspondance dans
laquelle on trouve discussions de problèmes et controverses d’interprétations.
a) Robert MALTHUS (1766-1834)
Sa vie: Thomas Robert Malthus (1766-1834). II est issu d'une famille aisée de la noblesse rurale. Son père est
acquis aux idées sociales de Godwin (1756-1836. William Godwin: pasteur animé de préoccupations sociales
qu'on retrouve en particulier dans son ouvrage Recherches sur la justice politique et son influence sur la moralité et
le bonheur (1793). Partisan d'un rationalisme éclairé, il jette les bases d'un communisme anarchique et a une
grande influence sur les premiers socialistes au début du 19ème siècle. Dans Recherches sur la population (1820), il
réfute les théories de Malthus) et de Condorcet (1743-1794) contre lesquelles réagira son fils. Après de brillantes
études à Cambridge, Malthus devient pasteur anglican dans une commune rurale. Son Essai sur le principe de
population (1798) est un pamphlet contre les idées de Godwin et contre la loi Speenhamland (législation sur les
pauvres de 1795). Après avoir voyagé en Europe, Malthus sera nommé en 1807 professeur d'histoire moderne et
d'économie politique dans un collège privé à Haileburey où il enseignera jusqu'à sa mort, orientant sa réflexion sur
les problèmes d'actualité (prix des subsistances, lois sur les pauvres), entreprenant après 1815, sous l'influence de
Ricardo, une oeuvre théorique exposée notamment dans ses Principes d'économie politique (1820).
(1) Le principe de population « Secourir les pauvres, c’est multiplier la pauvreté… »
Les poor laws ; depuis 1562, l’Angleterre dispose d’un système d’assistance aux pauvres comportant la distribution
de secours par les paroisses aux individus dans l’incapacité de travailler ou au chômage ; le financement de ses
secours provenant d’un impôt, la taxe des pauvres
« Le pouvoir de production de la terre apparaît comme parfaitement capable de répondre à toute demande
potentielle de subsistance par l’homme. Mais ce serait une erreur d’en déduire que population et subsistance
croissent toujours réellement au même rythme…l’un croît par multiplication et l’autre par addition. »
« Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s’il ne peut obtenir de ses parents la subsistance qu’il peut
justement leur demander, et si la société n’a pas besoin de son travail, il n’a aucun droit de réclamer la plus petite
portion de nourriture et, en fait, il est de trop au banquet de la nature ; il n’y a pas de couvert vacant pour lui. »
REMARQUES : Malthus a fortement marqué l’histoire de la pensée parce que ses thèses sur la sélection naturelle
de la population (la sélection naturelle et sociale étant le plus sûr moyen d’enrayer la progression géométrique de
la population) en font un des pères du darwinisme, et parce que les thèses néo-malthusiennes, développées à
propos des pays du tiers-monde, puisent leur source dans le malthusianisme quoiqu’elles en soient bien différents
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puisqu’il s’agit d’interventions étatiques contraires aux principes libéraux de Malthus qui encouragent une
contraception contraire à ses principes moraux. Il est également un des précurseurs des théoriciens de l’offre
(Laffer) qui considèrent que les aides sociales et la redistribution encouragent l’oisiveté.
(2) Le rôle de l’épargne et de la demande.L’excès d’épargne engendre les crises.
« Il est bon de remarquer qu'un produit déterminé offre, dès cet instant, un débouché à d'autres produits pour tout
le montant de sa valeur. En effet lorsque le dernier producteur a terminé un produit, son plus grand soin est de le
vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas entre ses mains. Mais il n'est pas moins pressé de se
défaire de l'argent que lui procure sa vente, pour que la valeur de l'argent ne chôme pas non plus. Or, on ne peut
se défaire de son argent qu'en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le seul fait de la
formation d'un produit ouvre, dès l'instant même, un débouché à d'autres produits. » (Traité, p. 140.)
Sa vie: David Ricardo (1772-1823). Troisième des enfants d'une famille israélite émigrée en Angleterre, il travaille
dès l'âge de 14 ans avec son père comme agent de change, s'enrichit grâce à sa connaissance de la Bourse et à
ses talents de spéculateur et, en 1814, fortune faite, se retire des affaires. II s'intéresse aux mathématiques, à la
chimie, à la géologie, puis, après lecture de Smith et Say, s'adonne à l'économie passant des questions
monétaires aux autres domaines de l'économie, publiant en 1815: Essai sur l'influence des bas prix du blé, et en
1817 : Principes de l'économie politique et de l'impôt. Devenu parlementaire à partir de 1819, il participe aux
grands débats de son temps, étant très écouté notamment sur les questions monétaires.
(
1) La distinction valeur d’usage et valeur d’échange :
« Adam Smith a remarqué que le mot valeur a deux significations différentes, et exprime, tantôt l’utilité d’un objet
quelconque, tantôt la faculté que cet objet transmet à celui qui le possède, d’acheter d’autres marchandises. Dans
un cas, la valeur prend le non de valeur en usage ou d’utilité, dans l’autre, celui de valeur en échange. » Principes
de l’économie politique et de l’impôt.
David Ricardo critique alors Adam Smith qui « après avoir défini avec précision la source primitive de toute valeur
échangeable (...) parle de choses qui ont plus ou moins de valeur selon qu'on peut les échanger contre plus ou
moins de cette mesure ».
« La valeur d'une marchandise, ou la quantité de toute autre marchandise contre laquelle elle s'échange, dépend
de la quantité relative de travail nécessaire pour la produire et non de la rémunération plus ou moins forte accordée
à l'ouvrier. »
(2) La distinction prix naturel – prix courant.
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« Le travail constitue un étalon de mesure aussi proche que possible de ce qui est théoriquement concevable ».
(3) La théorie de la répartition :
«La valeur échangeable d'une denrée quelconque n'est jamais réglée par la plus petite somme de travail néces-
saire pour sa production dans des circonstances extrêmement favorables et qui constituent une sorte de privilège.
Cette valeur dépend au contraire de la plus grande quantité de travail que sont forcés d'employer ceux qui n'ont
point de pareilles facilités et ceux qui pour produire ont à lutter contre les circonstances les plus défavorables.»
(rente différentielle).
(4) L’état stationnaire de Ricardo.
« Il ne pourra plus y avoir d'accumulation, puisque aucun capital ne saurait plus donner de bénéfices ; on n'aura
pas besoin alors d'une augmentation de travail, et la population aura atteint son maximum. Bien avant ce terme
même, la réduction des profits aura arrêté toute accumulation, et la presque totalité des produits du pays, les
ouvriers une fois payés, appartiendra aux propriétaires fonciers et aux collecteurs des dimes et des autres impôts.
»
« (…) Il faut que l'offre et la demande, la quantité offerte et la quantité demandée soient égalisées. S'il se produit
une inégalité, elle est couverte par la concurrence, et la chose a lieu par la hausse ou la baisse de la valeur. Si la
demande augmente, la valeur s'élève; si la demande diminue elle baisse; si l'offre est insuffisante, la valeur monte,
et elle descend si l'offre augmente. La hausse ou la baisse ont lieu jusqu'à ce que l'offre et la demande soient
exactement égales l'une à l'autre; et la valeur à laquelle une marchandise s'élève sur le marché n'est autre que
celle qui, sur ce marché, détermine une demande suffisante pour absorber toutes les quantités offertes ou
attendues. Telle est la loi de la valeur pour toutes les marchandises, qui ne peuvent être multipliées à volonté. Ces
marchandises, sans doute sont une exception. Il existe une autre loi pour la classe bien plus nombreuse des objets
susceptibles d'une multiplication indéfinie.» Les principes d'économie politique, Guillaumin 1873.
« Le prix réel de chaque chose, ce qu'elle coûte réellement à la personne qui a besoin de l'acquérir, est l'équivalent
de la peine et de l'embarras qu'il a fallu pour l'acquérir.» Id.
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«Il n'est pas dans l'économie d'une société quelque chose de plus insignifiant en elle même que la monnaie, si on
la considère autrement que comme un mécanisme pour faire vite et commodément ce que l'on ferait moins vite et
moins commodément s'il n'existait pas [...] l'introduction de la monnaie ne modifie en rien l'action des lois de la
valeur [...] La valeur ou la puissance d'acquisition de la monnaie dépend en premier lieu de l'offre et de la demande
[...] L'offre de monnaie représente donc la quantité que les gens ont besoin de dépenser [...] à l'exception de celles
qu'ils destinent à la thésaurisation [...] La demande de monnaie se compose au contraire, de toutes les
marchandise mises en vente [...] Comme la totalité des marchandises qui sont sur le marché constitue la demande
de monnaie, de même, la totalité de la monnaie constitue la demande de marchandises. La monnaie et les
marchandises se recherchent pour être échangées : elles sont réciproquement l’offre et la demande l’une de
l’autre. » Les principes…
c) la théorie de la production :
d) La sphère d’intervention de l’Etat :
« Les secours du Gouvernement, lorsqu’ils sont appliqués à défaut d’esprit d’entreprise de la part des particuliers,
devraient être accordés de manière à présenter autant que possible un cours d’enseignement dans l’art
d’accomplir de grandes choses au moyen de l’énergie individuelle et de l’association volontaire. » Les Principes…
B) EST-IL PERTINENT DE PARLER D'UNE « ÉCOLE CLASSIQUE » ?
1. Les Classiques forment d'abord le noyau central de la pensée libérale
a. Les contemporains de l'essor du capitalisme
Contemporains de la révolution industrielle (de la fin du 18ème au début du 19ème siècle), les Classiques sont les
fondateurs de l'économie politique en tant que discipline autonome. L'économie politique a pour domaine d'étude
l'ensemble des activités qui concourent à la production, à la circulation et à la répartition des richesses matérielles.
Les pères fondateurs sont tout d'abord les Classiques anglais A. Smith dont par convention, l'ouvrage Recherche
sur les causes et la nature de la richesse des nations (1776) fait de lui le père fondateur. D. Ricardo, lui
systématise la pensée classique sous sa forme la plus rigoureuse dans Principes de l'économie politique et de
l'impôt (1817). T.R. Malthus est célèbre pour son Essai sur le principe de la population (1798) J.-S. Mill encore et
aussi les Classiques français dont J.-B. Say qui en est le principal représentant et défenseur de la Loi des
débouchés.
b. Sur quoi s'accordent les Classiques ?
2. Des divergences théoriques nombreuses
a. Quand l'unité doctrinale masque les oppositions théoriques
Un penseur réformiste :
Dans « Les nouveaux principes d’économie politique ou de la richesse dans ses rapports avec la population»,
Sismondi renie son apologie d’Adam Smith. Il insiste notamment sur la réalité des crises de surproduction qu'il
observe de façon cyclique et sur la nécessité d’une justice sociale. Il affirme également la prééminence du bonheur
social sur la seule efficacité matérielle. Sismondi développe ainsi une approche hétérodoxe. Il propose des
solutions marquées par le réformisme social; il faut une législation sociale qui permette aux ouvriers de se coaliser;
le repos hebdomadaire doit être obligatoire; l'héritage ne doit plus transmettre automatiquement la propriété mais la
richesse doit être associée au mérite des individus. Il pense que l'entreprise doit être liée au salarié et lui verser un
salaire même lorsqu'elle ne le fait pas travailler car il est à l'origine de sa richesse... Nullement socialiste au sens
strict, il ne refuse pas la propriété privée et affirme que l'existence d'un marché est nécessaire. Il est un des
précurseurs du courant social-démocrate en économie en ce sens qu’il prône une politique économique qui
tempère le marché par une régulation assurant protection sociale et favorisant le plein-emploi.
Selon lui, les bases du nouvel ordre social seront constituées par la grande industrie, organisée scientifiquement et
planifiée (d'où le nom d'industrialisme donné parfois à la doctrine saint-simonienne). Dans cet ordre social
nouveau, le rôle primordial sera celui des savants et des industriels et cet ordre sera conforme, pour l'essentiel,
aux intérêts de la majorité et surtout de la partie la plus pauvre de la société. Saint-Simon propose alors une
organisation qui évoque la planification, mais n’imagine pas celle-ci centralisée et étatique. Il décrit une chambre
d’intervention qui comprend des ingénieurs, des poètes, des architectes, des peintres et des musiciens, en
imaginant que ces spécialistes proposeront chaque année des projets de travaux publics (vision très élitiste).
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«Cette chambre s'occupera des travaux suivants : Elle présentera, à l'expiration de la première année de sa
formation, un projet de travaux publics à entreprendre pour accroître les richesses de la France et pour améliorer le
sort de ses habitants, sous tous les rapports d'utilité et d'agréments; elle donnera, ensuite, tous les ans, son avis
sur les additions à faire à son plan primitif et sur les améliorations dont il lui paraîtra susceptible. Les
dessèchements, les défrichements, les percements de routes, les ouvertures de canaux, seront considérés comme
la partie la plus importante de ce projet; les routes et les canaux à faire ne devront pas être conçus seulement
comme des moyens de faciliter les transports; leur construction devra être combinée de manière à les rendre le
plus agréable possible aux voyageurs. Cette chambre présentera un autre travail qui consistera dans un projet de
fêtes publiques.» L'Organisateur, Paris, Corréard, 1820.
En résumé, il envisage «un projet d'amélioration générale du territoire de la France». Son idée n'est donc pas
d'une planification impérative et centralisée, mais il envisage un effet d'entraînement d'un État mécène et
pédagogue. Les élites techniques et artistiques ont le rôle clé dans cette démarche éducative et industrialiste.
OWEN, à l’origine de la première forme de socialisme apparue en Grande-Bretagne, est un utopiste entrepreneur à
succès. Il ne partira pas de l’utopie pour élaborer un projet de communauté lointaine (comme Fourier par exemple),
mais au contraire, il partira d’une usine rentable pour chercher la voie de l’efficacité et de la justice.
En effet, partant d’expériences locales (cf. sa vie), il prévoit un système national fonctionnant selon les principes
qu’il expérimente. Ainsi, il oppose la notion de coopération, à l’exploitation capitaliste et à la compétition.
Là où les classiques y voient une harmonie, il estime que l’intérêt de chacun se trouve en opposition avec celui des
autres, il en résulte « un véritable état de guerre social ». Ce ne sont pas les hommes qui sont coupables mais le
régime dans lequel ils vivent, régime qui conduit les industriels à minimiser leurs coûts en employant des femmes
et des enfants, cette pression à la baisse des salaires générant au niveau global une sous-consommation qui
réduit d’autant les débouchés.
Owen présente également, un système national de formation des classes laborieuses qui exige une intervention de
l’Etat à plusieurs niveaux :
- création d’un office national chargé de l’éducation de nouvelles générations ;
- création de séminaires de formation pour les instructeurs ;
- contrôle statistique du marché du travail pour utiliser au mieux la force de travail.
Cette volonté d’Owen de développer l’instruction s’explique par sa conception de l’homme qui selon lui est avant
tout le fruit de son éducation.Enfin, il prend également une part active au mouvement ouvrier syndical et coopératif.
En 1833, il fonde le Grand syndicat national unifié dont l’objectif est de coordonner l’action revendicative et de
substituer à l’économie de marché une économie coopérative. Instance de coordination, le syndicat permet aux
coopératives de production et de consommation d’élargir leur champ d’action du niveau local au niveau national en
facilitant et multipliant les échanges.
b) JEAN-JOSEPH PROUDHON (1809-1865).
Sa vie : Joseph Proudhon (1809-1865). II est au début imprimeur puis s'installe comme journaliste à
Paris. En juin 1848, il est élu député à la Constituante ; il crée en 1849 la Banque du peuple destinée
à prouver la possibilité du crédit gratuit mais cette expérience se solde par un échec. Traduit déjà en
1842 devant la cour d'assises de Besançon mais acquitté, il sera à nouveau inculpé et emprisonné en
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mars 1849 pour délit de presse et sera l'objet d'une nouvelle condamnation en 1858 à la suite de
laquelle il s'exilera à Bruxelles jusqu'en 1863. Son oeuvre, de « Qu'est-ce que la propriété ? » (1840)
dans laquelle on trouve la célèbre formule « la propriété c'est le vol » jusqu'à « Du principe
fédératif » (1863) et « Théorie de la propriété » (1865) exercera une grande influence sur les
milieux ouvrier et intellectuel. Les anarchistes revendiquent encore aujourd'hui son message. Issu
du peuple, cumulant les prix d’excellence au collège malgré d’immenses difficultés matérielles, il
expérimente très jeune l’injustice que représentent les inégalités sociales ce qui le marquera
profondément toute sa vie. Il s’est ainsi forgé une personnalité complexe faite de révolte et de
culture…
Pour faire disparaître le profit capitaliste analysé comme « droit d'aubaine », il considère qu’il faut instaurer le crédit
gratuit. En effet, il refuse que ceux qui sont privés d’argent restent toujours dans l’esclavage du salariat et de la
misère. Il imagine que le crédit gratuit pourrait permettre aux plus entreprenants de créer et de combattre le
pouvoir du capital et de la propriété privée en les transformant en chefs d’entreprise. Son socialisme est celui d’une
offre abondante stimulée par un coût du crédit nul rendant l’investissement très attractif.
Ce devait être l'objectif d'une « Banque d'échange » qui devait supprimer l'intérêt du capital. La « Banque du
Peuple » qu'il créa en 1849 ne fonctionna pas, mais l'idée de Proudhon contribua à relancer par la suite les projets
de Crédit Social.
Par ailleurs, dans « Systèmes des contradictions économiques », Proudhon développe le principe de mutualité. Le
mutualisme de Proudhon, par une sorte d'extension des idées de la Révolution française (en ce sens qu’il reprend
et développe la théorie du contrat social de Rousseau), est fondé sur un contrat liant chaque homme à tous les
autres. La notion de contrat, « seul lien moral que puissent accepter des êtres égaux et libres », se substituerait au
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principe d'autorité. Les unités de production seraient organisées en associations de travailleurs qui contracteraient
librement entre eux, et qui échangeraient biens et services au prix de revient selon la loi d'équivalence. Le
mutualisme est appelé à réguler tout un ensemble d’institutions (assurances mutuelles, crédit mutuel, secours
mutuel, enseignement mutuel). Le mutualisme conduit alors à invalider le capitalisme qui fait du producteur un
instrument de la propriété personnifiée par le capital et le communisme étatique qui en fait le subordonné d’un
régime despotique.
Enfin, il est pour le fédéralisme. Il définit la fédération comme un principe d’association qui relie les divers niveaux
de la société par l’intermédiaire d’une convention fondatrice permettant en toute liberté d’établir des principes qui
vont ensuite avoir force d’autorité sur ceux qui se sont engagés sans contrainte à les suivre dans l’intérêt de tous.
On aurait ainsi une société plurielle dont la commune, disposant d’une large autonomie, serait le fondement,
passant par les provinces gérant leurs échanges avec d’autres provinces, membres de la fédération ou extérieures
à elles aboutissant à la confédération, système qui, selon lui, multiplierait les échanges et les relations sociales et
conjurerait les menaces de guerres.
CONCLUSION : L'histoire du mouvement ouvrier sera dominée par l'opposition entre les partisans de l'action
directe, de la grève, de la révolution (Saint-Simon, Fourier, Marx) et les partisans de la réforme progressive de la
société, de l'auto-organisation du prolétariat et du mouvement coopératif de Proudhon, qui se disait d'ailleurs «
révolutionnaire mais non bousculeur », précisant que « les révolutions durent des siècles ».Les associations, les
coopératives, les mutuelles, sont des institutions qui se sont développées et confirment la justesse de nombreuses
intuitions de Proudhon. Mais loin de remplacer le capitalisme, ces institutions l’ont aménagé et adouci.
c) CHARLES FOURIER (1772-1837).
Sa vie : Charles Fourier (1772-1837). Fils d'un riche drapier mais ruiné en 1793 dans une spéculation
sur les denrées coloniales, devient petit employé de commerce. II va alors consacrer son activité à
critiquer le système économique de son temps auquel il veut substituer un nouvel ordre modelé sur les
passions et qui permettrait de retrouver l'harmonie naturelle. Le système des phalanstères qu'il
imagine constitue une société coopérative de production et de consommation dans laquelle chaque
sociétaire cumule les intérêts du capital, du travail et de la direction.
Fourier prend le contre-pied de la pensée classique qui ne fait pas de sentiment. Il veut réformer un monde qui lui
déplaît. Loin d’essayer de comprendre les lois de l’économie marchande comme K. Marx ou Proudhon, Fourier va
passer sa vie à définir le monde idéal qu’il veut construire. Il élabore ainsi des utopies (peu lui importe le réalisme
et le compromis). En fait, il refuse le monde industriel qu’il voit naître…
«Le progrès de l'industrie n'est qu'un leurre pour la multitude. Dans l'Angleterre tant vantée, la moitié de la
population est réduite à travailler seize heures par jour, une partie même dans des ateliers infects, pour gagner
sept sous de France dans un pays où la subsistance est plus coûteuse qu'en France. Combien la nature est sage
en inspirant aux sauvages un profond dédain pour cette industrie civilisée, fatale à ceux qui l'exercent et profitable
seulement aux oisifs et à quelque chefs ! »
(4) Le Phalanstère :
Fourier condamne le capitalisme et préconise de le remplacer par « l’association libre » dans le cadre d’une
communauté.
« L’objectif de la communauté c’est l’abolition du salariat par l’acquisition de la propriété associée. »
C’est donc l’inverse de la lutte des classes, puisqu’il faut réconcilier les intérêts antagonistes du capitaliste et du
travailleur.
Son imagination réformatrice aboutit au monde idéal du Phalanstère. Le Phalanstère, société de production et de
consommation tout à la fois, comprend 1620 hommes et femmes combinant 810 caractères psychologiques
distingués par Fourier et permettant une division du travail selon les passions…Chaque individu a droit au travail
qui, dans la Phalange, est considéré comme un besoin et une source de satisfaction. Les groupes se divisent en
séries passionnées qui collaborent pour réaliser certaines tâches le plus souvent agricoles…Il imagine une
répartition des revenus qui combine le talent, le travail et le capital ; il fixe même des proportions précises pour
rétribuer chaque facteur de production.
« Croire que la science économique n’est qu’une matière d’enseignement, c’est oublier qu’elle a fait
monter les hommes sur les barricades. Prendre un livre d’économie et le déclarer mortellement
ennuyeux revient à prendre un livre qui traite du b.a.b.a de la stratégie militaire, quitte à affirmer
aussitôt : l’étude de l’art militaire ne doit avoir aucun intérêt. » R.Heilbronner
1) LA CONTESTATION SOCIALISTE
a) DES SOCIALISTES REFORMATEURS A L’ECOLE ALLEMANDE : UN ETAT INTERVENTIONNISTE.
(1) LES SOCIALISTES REFORMATEURS.
(2) L’ECOLE ALLEMANDE : LA THEORIE ORGANIQUE DE L’ETAT.
b) UNE NOUVELLE FORCE POLITIQUE
3) LA MOBILISATION OUVRIÈRE
Les premières mobilisations ouvrières ont été particulièrement radicales en Angleterre. Vers 1820, le mouvement
luddiste rassemble les briseurs de machines qu'ils accusent d'être des tueuses d'emplois. Aux États-Unis, des
travailleurs irlandais fondent en 1869 une organisation secrète, les « Chevaliers du travail » rendue responsable
des attentats anarchistes qui secouent Chicago en 188I. Une autre organisation syndicale révolutionnaire,
réclamant l'abolition du capitalisme, les IWW Industrial Workers of the World, tente à partir de 1905 de
concurrencer le mouvement réformiste américain.
Le syndicalisme contestataire trouve sa terre d'élection en France où il s'alimente du souvenir du massacre des
Communards en 1871. La Confédération Générale du Travail créée en 1895 est fortement influencée par les idées
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anarchistes qui inspirent en 1906 la Charte d'Amiens : le syndicat refuse toute inféodation à un parti mais aussi tout
compromis avec un État bourgeois. La Charte appelle les ouvriers à se mobiliser pour abattre le système
capitaliste par la grève générale et à lui substituer une société fondée sur l'autogestion.
3. Une montée en puissance à la fin du 19ème siècle
Entre les années 1880 et 1914, les effectifs syndicaux augmentent très rapidement. À la veille de la guerre,
l'Angleterre et l'Allemagne comptent chacune 4 millions de syndiqués et les États-Unis près de 3 millions. La
France reste en retard avec 1 million seulement d'adhérents. Cette croissance s'explique par l'ouverture des
syndicats aux ouvriers non qualifiés dont l'importance grandit avec la seconde industrialisation mais aussi par le
contexte conjoncturel. Lors de la Grande Dépression, le ralentissement de la croissance développe le chômage et
la baisse des prix pousse les patrons à baisser les salaires. Dans tous les pays développés, le tournant des
années 1890 est marqué par une accumulation de grèves et de violences pour lutter contre la dégradation de la
condition ouvrière. Le retour de la croissance pendant la « Belle Époque » suscite une nouvelle vague de grèves
de 1905 à 1914. Partout le mouvement ouvrier se mobilise pour obtenir des améliorations concrètes, la journée de
8 heures et une augmentation des salaires, face aux méthodes de rationalisation du travail qui visent à élever la
productivité en imposant le chronométrage et les cadences dans les usines.
B) LE SOCIALISME SCIENTIFIQUE.
Sa vie : Karl Marx (1818-1883). II connaît, par l'intermédiaire de son père et de son beau-père, le libéralisme d'une
bourgeoisie juive libérée par Napoléon, ce qui se traduira chez lui par une conscience déchirée mais aussi en
même temps une croyance en l'intelligibilité du processus social et une foi dans le progrès. Ses études de
philosophie à l'université de Bonn puis à celle de Berlin et la rencontre avec les jeunes hégéliens dont il ne tardera
pas à se démarquer, lui enseignent que ce qui est rationnel c'est la société à construire. Le journalisme politique à
Cologne puis à Paris - où il rencontre Engels - et auquel il se consacrera pendant quelques années le conduira à
prendre conscience des problèmes sociaux et des questions économiques. Après avoir découvert le socialisme et
s'être adonné à la lecture des grands classiques anglais, Marx va écrire en 1848 « Le Manifeste communiste »
puis, après des travaux préparatoires, constitués notamment par « les Manuscrits philosophico-économiques » de
1844, Marx se consacre à la théorie de l'économie en rédigeant, à Londres où il se fixera en 1849 et où il vécut
jusqu'à la fin de sa vie, « Les fondements de la critique de l'économie politique » en 1859 et surtout « le Capital »
dont il dira qu'il est « la bombe la plus redoutable jamais lancée à la tête des bourgeois » mais dont seule une
partie, le livre I, sera éditée de son vivant en 1867, ouvrage ayant d'emblée connu une grande portée et
connaissant de nombreuses traductions. Parallèlement, en compagnie d'Engels, Marx va organiser l'action du
prolétariat en constituant en 1864 l'Association internationale des travailleurs dont il rédigera l'adresse inaugurale
et les principaux documents. Il mourra en 1883 l'année de la naissance de Keynes.
PRESENTATION GENERALE : LE CADRE D’ANALYSE
«Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de
leur volonté; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives
matérielles. L'ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s'élève un
édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Réduits à leurs grandes
lignes, les modes de production asiatique (le mode de production asiatique se caractérise par la domination du despote),
antique, féodal et bourgeois moderne nous apparaissent comme des époques progressives de la formation économique de la
société. »
L'histoire de l'humanité est une succession de modes de production, l'antique se caractérise par l'esclavage, le féodal
par le servage, le bourgeois par le salariat. La vision marxiste est donc évolutionniste; l'histoire évoluerait de manière
linéaire. L'évolution des différents modes de production doit se terminer par le mode de production socialiste et le
communisme, où les classes seront abolies et l'État dépérira.
Pour Marx, chaque type de société peut schématiquement être décomposé en deux éléments :
- la base technique et économique ;
- et la superstructure sociale.
La base économique met en correspondance un certain niveau de développement des forces productives avec les
rapports de production. Les forces productives comprennent d'une part les moyens de production matériels (outils,
techniques, machines...) et, d'autre part, la force productive de travail (les hommes qui manient ces instruments de
production). Les rapports de production, quant à eux, servent à désigner les formes de la propriété et de la répartition
des revenus qui sont à la base de la division des sociétés en classes sociales. C'est à partir de cette base
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économique que s'édifie une superstructure sociale qui comprend les institutions politiques et juridiques et
l'ensemble des idées philosophiques, religieuses, morales et politiques. Finalement, la base économique désigne les
rapports de l'homme avec la matière tandis que la superstructure sociale fait référence aux rapports des hommes
entre eux.
L'adéquation entre les forces productives et les rapports de production correspond à une situation d'équilibre des
sociétés qui en fait ne se rencontre qu'exceptionnellement, sinon il n'y aurait pas de changement social. La
dynamique des modes de production est engendrée par la rupture de cette correspondance et une contradiction
croissante entre le développement des forces productives et les rapports anciens de production.
À la suite de découvertes et d'inventions, les forces productives représentent un élément dynamique tandis que les
rapports de production, étant plus stables, deviennent une entrave au développement des forces productives. Cette
contradiction entre le développement des forces productives et les rapports de production débouche sur des crises
économiques et sociales récurrentes qui ne peuvent finalement se résoudre que par un changement de mode de
production. Par exemple, les rapports féodaux qui freinaient le développement technique et économique ont dû
finalement céder la place au capitalisme. Autrement dit, la Révolution est un mécanisme de changement essentiel
pour Marx.
Cependant, le matérialisme historique ne se confond pas avec un déterminisme économique mécanique. Les
nouveaux rapports de production peuvent eux-mêmes contribuer à stimuler le développement des forces productives
:
«Au cours de la domination de classe à peine séculaire, la bourgeoisie a créé des forces productives plus massives et plus
colossales que ne l'avaient fait dans le passé toutes les générations dans leur ensemble. » Elle « a joué dans l'histoire un rôle
éminemment révolutionnaire ».
Tout se passe comme si, dans un premier temps, les nouveaux rapports de production stimulaient les forces pro-
ductives qui, sur leur lancée, finissent par se développer de manière autonome jusqu'à déborder le cadre des
rapports de production qui leur ont donné l'élan initial. Selon le moment auquel on se place dans l'histoire d'un mode
de production, les rapports de production peuvent donc constituer soit un stimulant soit une entrave pour le déve-
loppement des forces productives.`
b) MARX ET LA PHILOSOPHIE :
1) L’ALIENATION :
Marx soutient que dans la société capitaliste, l'homme est aliéné (du latin alienus : "qui appartient à un autre"), c'est-
à-dire rendu étranger à lui-même, et que seul un changement de société peut supprimer cette aliénation
Sa démarche s'inspire de la théorie de l'aliénation religieuse du philosophe "hégélien" Ludwig Feuerbach (1804-1872).
Dans L'Essence du christianisme (1841), cet auteur présente Dieu comme un produit de l'esprit humain, qui en le
créant l'a doté de ses propres attributs. Cette automystification amène les hommes à se prosterner devant ce qui
n'est que le produit de leur imagination, mais qui leur apparaît comme une puissance étrangère et dominatrice ;
s'étant dépouillés de leurs propre attributs en les transférant à la divinité, les hommes sont en fait devenus étrangers à eux-
mêmes, ils sont aliénés. Ainsi, la religion « opium du peuple » détourne l’homme des problèmes concrets qu’il doit
affronter ; elle transmute le rapport maître-esclave en rapport divinité-créature ; elle fait intervenir une « vie future »,
satisfaction illusoire en contrepartie de la résignation à la vie actuelle. L'invention de la religion provient selon
Feuerbach d'un trait essentiel distinguant les hommes des animaux: la conscience, définie non seulement comme le
sentiment de soi en tant qu'individu, mais aussi par le fait que l'homme se connaît comme espèce.
L'analyse de Feuerbach trouve sa transposition fidèle dans la thèse de l'aliénation économique qui, pour Marx en
1844, caractérise la société capitaliste. Cette thèse repose sur un a priori philosophique très particulier, l'idée que
l'essence de l'homme, sa nature profonde, est le travail. Or le travail dans la société capitaliste, loin d'être la libre
manifestation de la personnalité humaine, est pour Marx un travail aliéné, et cette aliénation se manifeste sous trois
formes : le producteur est rendu étranger au produit de son travail (qui appartient à son employeur), à l'activité de
production (qu'il ne peut organiser comme il l'entend), et à son être générique, dans la mesure où il ne voit plus dans
l'activité productive, affirmation de l'essence du genre humain, que le moyen de son existence individuelle.
L’aliénation économique transforme alors les rapports concrets de l’homme avec la matière et ses semblables en
rapports abstraits, monétaires, l’argent devenant ainsi le pouvoir aliéné de l’humanité.
Marx pense que le seul moyen d'en finir avec cette situation est l'abolition de la propriété privée des moyens de
production, des échanges marchands et la monnaie, qui permettra de construire une société de "libre producteurs
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associés". Dans une telle société, il ne fait aucun doute pour lui que l'homme, réconcilié avec son travail, sera en
même temps réconcilié avec son "être générique" : les rapports sociaux seront "transparents".
Contrairement à l'idéalisme, le matérialisme considère la matière comme donnée première et la conscience ou pensée
comme donnée seconde. Cette doctrine affirme donc le primat de la matière sur l’esprit. La pensée est alors conçue
comme un produit du monde réel. Empruntant au matérialisme, notamment par l'intermédiaire de Feuerbach (1775-
1833), l'idée de noyau matériel et à Hegel (1770-1831) le noyau rationnel de la dialectique (processus de
développement de la pensée et de l’être par dépassement des contradictions (de la thèse et l’antithèse à la synthèse)
chez Hegel), Marx fonde ainsi le matérialisme dialectique (philosophie marxiste qui, liant une conception matérialiste
du monde et l’héritage de la dialectique de Hegel, voit dans l’univers un tout matériel dont la dynamique est assurée
par le jeu de contradictions internes) et historique (conception marxiste de l’histoire qui fait dépendre, en dernière
instance, tous les phénomènes historiques, politiques et sociaux du facteur économique, et attribue un rôle moteur à
la lutte des classes).
Le champ d'application des lois étudiées par le matérialisme historique est variable, certaines lois, comme celle du rôle
déterminant du mode de production dans le développement de la société, jouent à toutes les phases du développement,
d'autres n'opèrent qu'à certains stades du développement, comme la loi de la lutte de classes qui n'agit que dans les sociétés
divisées en classes hostiles.
Marx présente ainsi une vision de ce que serait une science de l’histoire. On peut la résumer en trois thèses :
- Thèse 1) « Les hommes font leur propre histoire, mais sur la base des conditions données, héritées du
passé. »
- Thèse 2) Parmi celles-ci, « les conditions de la reproduction matérielle de la société sont déterminantes en
dernière instance. »
Ces deux premières thèses définissent une théorie matérialiste de l’histoire, mais non déterministe : la subjectivité y
a sa place, les hommes se font eux-mêmes, en même temps qu’ils agissent.
«La doctrine matérialiste, qui veut que les hommes soient des produits des circonstances et de l'éducation, oublie que ce sont
précisément les hommes qui transforment les circonstances, et que l'éducateur a besoin d'être éduqué. La coïncidence du
changement des circonstances et de l'activité humaine, ou autochangement ne peut être comprise rationnellement qu'en tant
qu'activité révolutionnaire.» IIème thèse sur Feuerbach.
Il s'agit d'un matérialisme dialectique, en ce qu'il perçoit tout rapport (les rapports sociaux qui définissent les
conditions, comme les rapports entre les conditions et la conscience pratique) comme une
contradiction : un rapport qui en même temps définit, unit, et oppose les deux termes. D'où la possibilité de trouver
chez Marx des citations comme quoi l'économie (voire «le rapport immédiat du travailleur à son outil») détermine tout
le reste («prenez le moulin à eau, vous avez le féodalisme») et puis de rigoureuses mises en garde soulignant
l'autonomie des différentes pratiques, de la conscience et de la politique vis-à-vis de l'économique.
- Thèse 3) Toutes les formes sociales ont jusqu'ici «aliéné» une majorité de l'humanité, c'est-à-dire ont
dépossédé les individus, les ont rendus «étrangers» à leurs capacités créatrices, qu'elles s'expriment dans
leur produit, dans leur mode de coopération, dans la maîtrise même de leur propre activité. Les rapports de
la société bourgeoise poussent les individus à cette aliénation extrême. L'émancipation du prolétariat serait
«donc» l'émancipation de l'humanité toute entière. Variante encore plus forte : parce que la société
bourgeoise développe au maximum l'aliénation, pour cette raison-là, elle crée la force qui abolira toute
aliénation, marquera la fin de la «préhistoire de l'humanité». On peut alors considérér que cette dernière
thèse transforme le matérialisme historique en une téléologie, en religion donnant un sens à l'histoire.
«Ce n'est pas à moi que revient le mérite d'avoir découvert les classes, pas plus que la lutte des classes. Ce que j'ai apporté
de nouveau, c’est :
1) de démontrer que l'existence des classes n'est liée qu'à des phases historiques déterminées du développement de la
production;
2) que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat;
3) que cette dictature elle-même ne représente qu'une transition vers l'abolition de toutes les classes et vers une société sans
classes.» Lettre de K. Marx à Weydemeyer, 5 Mars 1852.
c) MARX ET L’ECONOMIE :
Dans l'économie, discipline jeune qui n'a pu naître qu'au moment où les individus sont devenus des sujets
autonomes, c'est-à-dire dans la société bourgeoise, Marx distingue trois grandes écoles : Les mercantilistes laïcisent
leur discipline mais l'économie qu'ils bâtissent est un ensemble de normes ou de préceptes éthiques car les individus
ne sont pas encore totalement autonomes. C'est pour le Prince qui est alors le seul véritable sujet économique que
les mercantilistes décrivent les méthodes d'enrichissement. Mais ils débouchent sur une conception trop métalliste
de la richesse. Promoteurs d'un système dans lequel l'or et l'argent, c'est-à-dire la monnaie, sont l'unique richesse, ils
traduisent la volonté profonde de la société bourgeoise qui est de faire de l'argent, mais ils confondent l'argent avec
le capital et jugent tout le processus de production du point de vue de la circulation. Or, selon Marx : « La science
réelle de l'économie moderne commence seulement là où l'examen théorique passe du procès de circulation au
procès de production ».
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Les physiocrates font faire à la discipline un pas en avant considérable. Leur apport est de trois sortes : la
conception des lois naturelles de l'économie ; le concept de circuit économique qui sera repris par Marx et discuté
par lui dans les schémas de la reproduction ; le thème du produit net que Marx transpose en termes de plus-value et
de surtravail. En portant leur attention sur l'analyse des éléments matériels du capital, l'étude des formes que prend
le capital dans la sphère de la circulation, la recherche de l'origine du surproduit, non plus dans la sphère de la
circulation, comme le faisaient les mercantilistes, mais dans celle de la production, les physiocrates ont « le mérite
d'avoir analysé le capital dans les limites de l'horizon bourgeois, ce qui fait d'eux les véritables pères de l'économie
moderne ».
Ce sont toutefois les classiques qui représentent pour Marx les véritables fondateurs de la discipline. On peut
résumer comme suit l'attitude de Marx à leur égard. Smith est l'économiste de la période de la manufacture ; il voit
dans le travail le principe créateur de toute richesse ; il fait place à l'intérêt personnel et assouplit ainsi le caractère
mécaniste du mercantilisme. Ricardo codifie l'économie politique classique qui découvre et exprime l'opposition
économique des classes.
d) MARX ET LA POLITIQUE :
Les modes de production qui se sont succédé dans l'histoire ont toujours été marqués par le caractère antagonique
des rapports de production qu'ils contenaient :
« L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes. » Manifeste du parti communiste.
La base matérielle de cet antagonisme n'est autre que l'exploitation d'une classe par une autre. Chez Marx ce terme a
une signification économique précise : il y a exploitation lorsque des membres d'une société prélèvent, sans
contrepartie matérielle équivalente, une fraction du produit du travail d'autres membres de la société. Par exemple,
dans la société féodale, les seigneurs exploitent les paysans par le biais de la corvée et des droits féodaux.
La Révolution Française a marquée le passage d’une structure sociale basée sur trois ordres à une structure binaire.
En effet, La société capitaliste réduit le conflit entre les classes à l’opposition de deux classes uniquement : la
bourgeoisie et le prolétariat.
Apport : Marx introduit le terme de bipolarisation de la structure sociale qui est un processus se traduisant par
l’accroissement du prolétariat en raison de la diminution de la petite bourgeoisie et de la paysannerie et par l’intensification de
la lutte des classes l’opposant à la bourgeoisie. En effet, la concentration économique doit conduire des travailleurs
indépendants (agriculteurs, commerçants et artisans) à devenir ouvriers aux conditions de vie précaires : c’est la
prolétarisation des travailleurs indépendants.
L’opposition entre la bourgeoisie et le prolétariat est basée sur la possession ou non des moyens de production ou à
la place dans le système productif.
La bourgeoisie est, selon Marx, la classe sociale détentrice des moyens de production et donc en mesure d’exploiter
le prolétariat.
Le prolétariat est, selon Marx, la classe sociale composée d’individus qui, ne possédant que leur force de travail, sont
obligés de travailler pour un chef d’entreprise et subissent la précarité liée à leur statut.
L’exploitation est le fait pour une classe de s’approprier une partie de la richesse créee par une autre classe.
Peu importe l’époque ou la société considérée, l’histoire est marquée par la lutte des classes. Le conflit est alors
présenté comme le facteur essentiel de changement social, d’évolution de la société et par conséquent comme le
moteur de l’histoire.
La lutte des classe (selon Marx) est l’ensemble des conflits économiques et politique opposant des classes aux
intérêts économiques divergents. Pour Marx, les conflits peuvent être économiques et avoir pour objectif la
diminution de l’exploitation ou politique et avoir pour objectif la suppression de l’exploitation (grâce à l’abolition du
capitalisme).
La proposition selon laquelle le capitalisme est condamné par le jeu de ses contradictions internes ne signifie
nullement qu'il doit disparaître de lui-même. Comme les révolutions sociales antérieures, la révolution qui doit abolir
le capitalisme ne peut résulter que d'une intense lutte de classes : l'avènement du communisme nécessite le
renversement du pouvoir de la bourgeoisie par le prolétariat, ce qui passe par la prise et la transformation du pouvoir
d'Etat, considéré comme l'instrument de la "dictature" de la classe dominante sur la société.
1) LA DYNAMIQUE DU SYSTEME :
PRECISION : l’hypothèse de détermination par les conditions individuelles est clairement écartée par Marx : « On
pourrait imaginer que si la valeur d’une marchandise est déterminée par la quantité de travail dépensée pendant sa
production, plus un homme est paresseux ou inhabile, plus sa marchandise a de valeur, parce qu’il emploie plus de
temps à sa fabrication. »
RAISONNEMENT :
« Le temps de travail qu’il faut pour produire un article comprend aussi le temps de travail qu’il
faut pour produire les articles consommés dans l’acte de sa production. En d’autres termes, le
temps de travail nécessaire par les moyens de production consommés compte dans le produit
nouveau. »
20
Imaginons que nous ayons à rechercher la valeur d'une table (valeur d'échange). Et admettons que la fabrication
de cette marchandise impose l'utilisation de :
- matières premières (bois)
- machines
- main-d' œuvre
PRECISION : Définition de la marchandise
La marchandise... « est un objet extérieur, une chose qui, par ses propriétés, satisfait les besoins humains de
n'importe quelle espèce ». La marchandise est tout bien produit en vue d'être vendu sur le marché et susceptible
d'être reproduit en grande quantité. De cette définition il se déduit que :
- Tout produit ou bien n'est pas obligatoirement une marchandise : l'exemple traditionnel en est l' œuvre d'art,
comme la Joconde, qui est un produit en tant que tel, mais non une marchandise. Les copies de ce tableau sont
par contre des marchandises parce que reproductibles.
- en sens inverse les produits qui ne sont pas présentés à la vente sur un marché ne sont pas des marchandises
(exemple : produits autoconsommés).
Cette notion première de marchandise permet de définir l' objet de l'Économie Politique comme « l' étude des lois
de la production, de la reproduction et de la distribution des marchandises ».
Illustrons par un exemple cette proposition.
Dans une entreprise déterminée, imaginons que la production d'une table impose le travail d'un ouvrier pendant
une journée, soit 8 heures de travail. Le travail vivant est estimé par cette dépense de 8 heures. La fabrication de
cette table exige 100 kilos de bois.
-la production de 100 kilos de bois demande quatre heures de travail (celui des bûcherons)
-la construction de la machine utilisée par notre ouvrier a nécessité 2000 heures de travail,
représentant la valeur d'échange de cette machine
-la machine sert à la réalisation de 1000 tables différentes.
La détermination du travail mort nous oblige à préciser quelle quantité de travail incorporée dans les matières
premières et la machine est transmise à chaque table.
A partir des hypothèses émises plus haut :
Déterminer le travail mort intégré dans la table:
Quelle est la valeur de la table ?
3) CAPITAL CONSTANT ET CAPITAL VARIABLE :
ATTENTION : Il faut donc éviter l’erreur consistant à identifier capital constant et capital fixe, ce dernier n'étant
qu'un élément constitutif du capital constant.
4 ) CAPITAL VARIABLE ET PLUS-VALUE :
ATTENTION : il faut éviter la confusion habituelle consistant à assimiler capital variable et capital circulant.
5) DEFINITION DE LA VALEUR D’UNE MARCHANDISE :
6) LA VALEUR DE LA FORCE DE TRAVAIL :
Citons le passage célèbre où Marx présente la source de la plus-value: «Pour pouvoir tirer une
valeur échangeable de la valeur usuelle d'une marchandise, il faudrait que l'homme aux écus ait
l'heureuse chance de découvrir au milieu de la circulation, sur le marché même, une marchandise
dont la valeur usuelle possédât la vertu particulière d'être source de valeur échangeable, de sorte
que la consommer serait réaliser du travail et par conséquent créer de la valeur. Et notre homme
trouve effectivement sur le marché une marchandise douée de cette vertu spécifique, elle s'appelle
puissance de travail ou force de travail ». (Capital)
Mais le capitaliste pour assurer la réalisation de cette marchandise emploie des facteurs de production. Il les
achète à leur valeur.
Le prix d'achat, ou son équivalent valeur travail, de chacun d'entre eux est de
- 4 heures pour les matières premières
- 2 heures pour la machine
- 6 heures pour la main-d'œuvre (cf. la définition de la valeur journalière d'un ouvrier).
En acquérant ces facteurs de production à leur valeur, le capitaliste a donc dépensé une somme correspondant à
………………………. heures de travail.
Maintenant, si nous comparons le prix d'achat des facteurs, ou son équivalent valeur, qui est de ………heures, et
le prix de vente, ……………. heures, la différence apparaît instantanément. Celle-ci, ……………. heures de travail,
constitue ce que l'on dénomme plus-value.
8) LE DEGRE D’EXPLOITATION :
LES CONTINUATEURS.
1) LES PROLONGEMENTS :
(1) ENGELS :
Engels est le premier des disciples et celui dont l'apport demeure le moins contesté.
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CITATION :
« J’ai été deuxième violon et je crois être arrivé à une certaine virtuosité ; j’étais rudement content
d’avoir un premier violon tel que Marx. »
SA VIE : Friedrich Engels (1820-1895). II interrompt ses études à la fin de l'enseignement secondaire pour
travailler dans les bureaux de la filature de coton familiale puis entre au service d'un négociant de Brème.
Effectuant son service militaire à Berlin, il fréquente l'université, rencontre les jeunes hégéliens avec lesquels il
rompra pour passer aux positions du communisme philosophique. Après une première rencontre avec Marx, à
Cologne en 1843, rencontre marquée d'une « attitude empreinte de méfiance » suivant ses propres dires, une
seconde rencontre l'année suivante à Paris va donner naissance à une amitié durable et parfaite, marquée en
particulier par la cosignature de nombreux ouvrages. Parti pour Manchester où son père avait une manufacture,
Engels y observe les conditions de vie des ouvriers d'où il tire matière à un important ouvrage. Il adhère à la Ligue
des justes qui se transformera en Ligue des communistes pour le compte de laquelle il est chargé, avec Marx, de
la rédaction du programme qui deviendra Le manifeste communiste. Après avoir pris part à la révolution allemande
de 1848, Engels retourne en Angleterre s'établissant définitivement à Londres et, tout en occupant jusqu'en 1869
un emploi dans la firme Ermen and Engels, se consacre à des travaux scientifiques et à une action politique dans
une sorte de division du travail avec Marx qu'il contribue à aider financièrement durant de nombreuses années.
Engels a donc été le fidèle compagnon de Marx et il a d’ailleurs financièrement contribué à assurer sa survie.
Anecdote : Quand Karl Marx est démuni, c’est F. Engels qui subvient en partie à ses besoins. Lorsque le
« prophète » doit cacher l’enfant qu’attend de lui sa servante, c’est Engels qui en accepte l’embarrassante
paternité..
Outre les ouvrages qu’il a cosigné avec Marx, il est également l’auteur d’un certain nombre d'oeuvres essentielles.
- « La situation des classes laborieuses en Angleterre » est non seulement un ouvrage d'histoire
économique descriptif de la révolution industrielle et dans lequel Marx ne manquera pas de puiser nombre
d'informations, mais aussi un ouvrage de théorie politique montrant le rôle du prolétariat comme moteur
de l'histoire.
- L’ « Anti Dühring » constitue une analyse du matérialisme dialectique ; il se divise en trois parties :
philosophie, économie politique, socialisme balayant ainsi les trois domaines constitutifs du marxisme.
- Dans « L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État », Engels montre comment se sont
modifiées les formes du mariage et de la famille en fonction du développement et comment l'État, qui
apparaît avec la division sociale du travail, donc à un certain stade de développement, est un instrument
d'oppression au service des classes dirigeantes et disparaîtra quand les classes disparaîtront.
COMPLEMENT : QU'EST-CE QUE LE MARXISME ?
1) une théorie, le matérialisme dialectique et historique qui prend appui sur les œuvres de K. Marx et de F. Engels.
Elle se présente comme une critique de l'économie politique qui trouve son expression dans « Le Capital », mais
c'est aussi une science de l'histoire des sociétés...
2) un mouvement social cherchant à remplacer le capitalisme par le biais d'une lutte des classes vigoureuse afin
d'aboutir au socialisme qui abolit l'exploitation de l'homme par l'homme... puis enfin vise à établir le communisme
où disparaît l'Etat coercitif et où chacun vivra selon ses besoins.
Un ensemble de théoriciens vont compléter l'œuvre de K. Marx et de F. Engels. Le marxisme deviendra ainsi
l'idéologie dominante au sein du mouvement ouvrier en Europe occidentale au début du 20ème siècle.
PRECISION : Marx a toujours refusé le qualificatif de marxiste…
(2) LENINE :
SA VIE : Vladimir Illitch Oulianov dit Lénine (1870-1924). Étudiant en droit à Saint Petersbourg, il entre en contact
avec les cercles marxistes et devient un disciple de Plekhanov (théoricien politique russe ; il fut le principal
divulgateur des idées marxistes en Russie et rallia en 1903 les mencheviks) dont il se séparera en 1903 lors de la
scission entre bolcheviks (majoritaires) et mencheviks (minoritaires). Condamné à trois ans d'exil en Sibérie (1897-
1900), il regagnera la Russie lors de la révolution de 1905 puis émigrera en résidant à Genève ou Paris. Rentré en
Russie après la chute du tsarisme, il prendra en octobre 1917 la direction de la révolution. Nommé président du
Conseil des commissaires du peuple, il lancera successivement le communisme de guerre en 1918, puis la NEP
(Nouvelle politique Economique) en 1921, constituera en 1919 la troisième Internationale et transformera en 1922
l'ancien empire russe en URSS.
L'impérialisme stade suprême du capitalisme est la principale contribution à l'économie de Lénine. Pour lui,
l'impérialisme est une phase du capitalisme caractérisée par cinq traits :
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- la concentration de la production (stade monopoliste du capitalisme se substituant à la libre concurrence),
- la fusion du capital bancaire et du capital industriel conduisant à la constitution du capitalisme financier,
- l'exportation des capitaux faisant que les métropoles deviennent rentières vivant de l'exploitation des pays
sous-développés,
- la formation à l'échelle internationale de groupements capitalistes,
- l'achèvement du partage territorial du globe générateur de guerres (ce qui à la même époque pouvait faire
dire à Jaurès que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage »).
Lénine affirme alors que l’impérialisme est porteur d’une tendance à la stagnation.
Il relève entre autre une conséquence particulière de l'impérialisme: les surprofits coloniaux peuvent servir à
corrompre les couches supérieures du prolétariat des pays exploiteurs, conduisant les syndicats à verser dans le
réformisme. Plus généralement l'analyse de l'impérialisme pose la question du développement inégal et des modes
de transition des régimes économiques. Dans son ouvrage « Que faire », il développe un certain nombre d'idées
sur le plan politique, telle que la nécessité d'organiser la classe ouvrière en un parti politique régi par les principes
du centralisme démocratique et coordonnant l'action des organisations ouvrières, mais aussi, une fois la prise de
pouvoir effectuée, d'instaurer la dictature du prolétariat.
COMPLEMENT :
Si la référence au léninisme dans les partis marxistes n'est plus guère aujourd'hui de mise, reste à se poser la
question de sa signification historique dans l'histoire du marxisme. Deux visions en ont été proposées dès la mort
même de Lénine. Pour Zinoviev, un fidèle partisan de Lénine, le léninisme se présentait comme l'application du
marxisme à la Russie, comme un « produit du particularisme russe », ce qui en limitait quelque peu la portée. Pour
Staline au contraire, « le léninisme est le marxisme de l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne.
Plus exactement le léninisme est la théorie et la tactique de la révolution prolétarienne en général(…). »
b. LUXEMBURG ET HILFERDING.
(1) Rosa Luxemburg :
SA VIE : Rosa Luxemburg (1871-1919). Elle fonde en 1893 le Parti social démocrate polonais. Elle vivra en
Allemagne à partir de 1897 et y deviendra membre du Parti social démocrate à l'intérieur duquel elle développe
une critique radicale du révisionnisme de Bernstein. Parallèlement, elle enseigne l'économie à l'école du Parti.
Durant la Première Guerre mondiale, elle s'oppose à la politique de participation à l'union sacrée de la social-
démocratie allemande et est emprisonnée à de multiples reprises à cause de son opposition à la guerre. Entrée
dans le groupe Spartakus en 1917, elle est assassinée dans sa prison à la suite de la révolution spartakiste et son
corps jeté dans un canal.
Dans « L'accumulation du capital » (1925), elle s'interroge sur l'avenir du capitalisme, ses possibilités de dévelop-
pement et ses contradictions internes. Elle explique alors que pour dépasser une de ses contradictions, la crise de
surproduction, les pays capitalistes cherchent des débouchés commerciaux dans le reste du monde. Ainsi, elle
suggère de ne plus considérer le capitalisme comme un ensemble clos, mais au contraire comme une économie
se développant au sein d'un environnement économique précapitaliste, qui lui sert (notamment) de débouché pour
ses productions excédentaires. Cette hypothèse, explique Rosa Luxemburg, est conforme au développement
historique du capitalisme. Parvenues à un certain stade de ce développement, les grandes puissances capitalistes
se lancent dans la constitution d'empires coloniaux ou de zones d'influence dans les pays moins développés, afin
de garantir à leurs capitalistes les débouchés dont ils ont besoin pour poursuivre leur activité : le capitalisme entre
dans l'ère de l'impérialisme (mais l’impérialisme ne fait que reculer la fin du capitalisme). Mais si le besoin de
débouchés nouveaux est sans limite, le monde à conquérir ne l'est pas. Une fois celui-ci incorporé en totalité à la
zone d'influence du capitalisme, l'accumulation bute sur l'absence de débouchés extérieurs : l'achèvement de la
mondialisation du capitalisme, en détruisant l'environnement précapitaliste dont il ne peut se passer, constitue la
limite de son existence historique. Elle en déduit que le jour où la mondialisation sera ainsi achevée, le capitalisme
étant parvenu à désintégrer toutes les formations sociales antérieures, la crise sera alors inévitable et l'avènement
du socialisme inéluctable. En réalité, avant que cette limite ne soit atteinte, le cours de l'histoire risque de
s'accélérer : l'aggravation des rivalités entre les puissances impérialistes précipite l'éventualité d'une guerre
mondiale, écrit Rosa Luxemburg en 1913.
(2) Rudolf Hilferding :
Rudolf Hilferding (1877-1941) relève de ce qu'on appelle l'austro-marxisme (école de pensée qui s’est développée
à Vienne de la fin du 19ème au début des années 1930 ; réflexions portées sur les grands problèmes des sciences
sociales…). Économiste, Hilferding a commencé par défendre la théorie de la valeur de Marx dans « La critique de
Marx par Böhm-Bawerk ». Son grand ouvrage est cependant Le « Capital financier » (étude sur le développement
récent du capitalisme ; 1910). Avec le développement des sociétés par actions qui sépare la propriété du capital de
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la réalisation effective de la production, il note que le capital industriel en vient à être dominé par le capital
bancaire. Pour décrire cette nouvelle structure du capitalisme (capitalisme organisé ou capitalisme de monopole),
Hilferding forge le concept de capital financier (c’est-à-dire le capital bancaire (sous forme argent) qui se
transforme en capital industriel). Il théorise le système en vigueur en Allemagne et en Europe centrale de la
« banque universelle » qui possède et émet des actions, détient des postes de direction dans l’industrie et décrit
ainsi le tableau de cette domination du capital industriel par le capital bancaire comme la tendance d’une nouvelle
phase du capitalisme.
Cette analyse débouche sur la question de l'impérialisme que Hilferding définit comme « la politique économique
du capital financier » qui utilise l'appareil d'État pour défendre ses intérêts contre les concurrents étrangers, par le
protectionnisme et l’expansionnisme. Outre les conflits pour les matières premières et les débouchés, on voit se
développer une lutte pour les sphères d’influence entre les capitaux cherchant des espaces pour l’investissement à
l’étranger. L'exportation du capital devient ainsi le moteur de la politique impérialiste, l'objet d'une lutte économique
qui se transforme rapidement en lutte politique, laquelle dégénère en nationalisme, racisme et militarisme.
Hilferding soutient également, que la concentration industrielle aboutira à la formation d'un cartel général englobant
toute l’économie, et que la concentration du capital argent conduira à la constitution d'une banque centrale.
2) LE RÉVISIONNISME DE BERNSTEIN :
Venu au marxisme après avoir étudié L'Anti Dühring, chef de la social-démocratie allemande, il s'était déjà engagé
dans une violente polémique avec Marx et Engels en 1879, après s'être déjà montré en désaccord avec les
analyses de Marx des journées de juin 1848 et de la Commune de Paris de 1871.
SA VIE : Eduard Bernstein (1850-1932). Né à Berlin dans une famille juive de tradition libérale, il se rapproche du
socialisme dès 1870. En Allemagne le socialisme est alors divisé en plusieurs courants sectaires et parfois
antisémites. Bernstein adhère au parti « eisenachien » qui s'oppose à l'Association générale allemande des
travailleurs de Lassalle. Au congrès d'unification en 1875, il entre au comité directeur du nouveau parti. Les
organisations social-démocrates étant dissoutes par Bismarck, Bernstein s'exile en Suisse dont il sera expulsé en
1898 s'installant alors à Londres où il fréquente Engels. En 1896 avec la publication d'une série d'articles sur les «
Problèmes du socialisme » s'amorce son révisionnisme. Bernstein sera nommé secrétaire d'État au Trésor après la
révolution de 1918.
CONTEXTE : Dans son ouvrage « Les présupposés du socialisme et les devoirs de la social-démocratie » (1899),
Bernstein va remettre en question ses convictions antérieures sous l'influence notamment du boom commercial
des années 1890.
Il conteste la théorie marxiste de la valeur. Si la valeur peut être créée en dehors du travail, rien ne prouve plus
que le travail soit la source de la plus-value et le profit du travail impayé. Donc le capitalisme, caractérisé selon lui
par une souplesse et une mobilité accrue, n'est pas nécessairement mauvais ; avec les sociétés anonymes, il peut
même se démocratiser. Déterminisme économique, concentration, paupérisation sont en conséquence remis en
question. Selon lui,
- la concentration des entreprises n'est ni aussi massive ni aussi générale que pouvait le prédire la pensée
marxiste, petites et grandes entreprises se développant parallèlement ;
- il n'y a pas de prolétarisation des classes moyennes qui sont au contraire partout en expansion ;
- les crises que peut connaître le système capitaliste ne conduisent pas à son effondrement car il n'y a ni
baisse tendancielle du taux de profit, ni surproduction et que, de plus, se sont mis en place des
mécanismes de contrôle (développement du crédit, élargissement du marché, apparition de cartels et
organisation de la production).
En matière politique, Bernstein remet en question la lutte de classes. On assiste, dit-il, à une différenciation
croissante des capitalistes et, par ailleurs, se développe une série de sous-luttes internes à la classe ouvrière.
L'analyse des classes étant ainsi révisée, la fin du capitalisme n'est plus déterminée.
COMPLEMENT :
Ce qui conduit Bernstein à prendre parti en ce qui concerne le socialisme en trois propositions :
- D'une part celui-ci ne peut se résumer à l'expropriation des capitalistes car le prolétariat doit manifester
son aptitude à gérer les entreprises.
- D'autre part le socialisme ne saurait se réduire à l'action et à la domination d'une classe sociale, le
prolétariat, car il faut tenir compte des classes moyennes que la dynamique du capitalisme n'abolit pas.
- Enfin, l'avènement du socialisme ne peut se concevoir comme une rupture brutale avec le capitalisme car
il s'agit au contraire d'un processus durable de réformes progressives. Ce qui importe pour le mouvement
ouvrier, c'est de lutter pour des réformes en Allemagne, d'où la formule célèbre de Bernstein « le
mouvement est tout, le but final n'est rien ».
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IV) LES NEOCLASSIQUES.
Contexte:
Les années 1870-1914 sont celles du capitalisme triomphant dans les pays gagnés par la révolution industrielle, où
une nouvelle vague d’innovations, concernant notamment les industries chimiques et électriques, dynamise la
croissance à partir de la fin du 19ème siècle. Au niveau interne, la classe des capitalistes manufacturiers s’est
définitivement débarrassé de la domination de la classe aristocratique des propriétaires terriens. Elle a déjà
réprimé les premiers mouvements ouvriers. Au niveau externe, les principales puissances capitalistes
industrialisées étendent de 1870 à 1914 leur domination politique et économique à l’ensemble du monde : c’est la
période des conquêtes coloniales. Cependant, l’expansion ne se fait pas sans heurts : le processus de croissance
reste entrecoupé de récessions profondes, et la rivalité entre les grandes puissances s’aiguise dans le cadre du
partage du monde qui se réalise à cette époque. Sur le plan des idées économiques, cette période est marquée
par un renouvellement de grande ampleur. Alors que la théorie classique semble avoir atteint ses limites une
nouvelle théorie émerge dans les années 1870 à travers notamment trois fondateurs: Léon Walras (1834-1910),
Stanley Jevons (1835-82), Carl Menger (1840-1921). Ce courant appelé « néo-classique » ou « marginaliste »,
génère un nouveau paradigme (au sens de Kuhn : modèle d’approche théorique de la réalité sociale ; consensus
sur les questions à élucider, les méthodes de travail à utiliser, les représentations et habitudes de pensée).
Remarque: La thèse faisant du marginalisme une réponse idéologique de la bourgeoisie au Capital
de Marx néglige le fait que les premiers marginalistes ignoraient tout de cette œuvre (comme Marx
semble avoir ignoré les travaux de Jevons, Walras ou Menger).
Les néoclassiques sont les héritiers des classiques.
Une lecture élémentaire fait apparaître leur filiation avec les Classiques et tout particulièrement avec A. Smith. Cela
conduit généralement à faire un tout des Classiques et des néoclassiques et ce type de classement peut se
justifier. Faire des néoclassiques des « smithiens » et résumer les Classiques par la pensée du père fondateur est
pratique, mais une telle classification conduit cependant à une simplification abusive. Les néoclassiques sont en
fait bien autre chose que les Classiques. Ils se constituent d'ailleurs en opposition avec les Classiques. Ils vont
ajouter à leur lecture de l'économie une approche plus formelle et systématique en termes de marché et
d'équilibre. Seuls J.-B. Say et J.-S. Mill avaient esquissé cette démarche. Il ne fait aucun doute que parler de
révolution de la pensée économique avec les néoclassiques n'est pas exagéré.
B.) Les néoclassiques, une école qui manifeste sa rupture avec les Classiques ou La révolution théorique
des néoclassiques ou la « révolution marginaliste » ou les néoclassiques: une nouvelle
exigence théorique dans un contexte précis.
Les Classiques concentraient leur intérêt sur les problèmes de croissance et de répartition : d'où vient la richesse
d'un pays ? Comment peut-on l'accroître ? Comment cette richesse se répartit-elle entre les agents économiques ?
Les premiers néoclassiques vont rompre avec cette démarche et centrer leur attention sur le fonctionnement des
marchés et les conditions d'équilibre entre l'offre et la demande sur les différents marchés.
a) Raisonnement à la marge et formalisation mathématique:
b) Les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité marginale.
a). Le principal échec du marché : les effets externes et leurs non prises en compte.
[Meade mobilise l'exemple célèbre du producteur de pommes qui habite à côté d'un apiculteur. Lorsque le
pomiculteur plante de nouveaux arbres, il fournit une floraison plus importante aux abeilles de l'apiculteur, si bien
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que l'augmentation de la production de pommes bénéficie directement et gratuitement à la production de
l'apiculteur. De même, une firme qui invente un nouveau produit risque de se voir copiée par un imitateur: il s'agit
d'un effet externe positif, puisque le copieur ne paie pas pour accéder à la technologie. L’implantation d'une usine
qui profite aux commerçants locaux constitue également un exemple d’effets externes positifs
b) La réflexion sur l’intervention légitime de l’Etat en cas d’échec du marché.
(1) LA FONCTION D’ALLOCATION A TRAVERS LA REFLEXION SUR LA PRISE EN CHARGE DES BIENS COLLECTIFS
EN CAS D’ECHEC DU MARCHE:
(2)L’ACTION REDISTRIBUTIVE DE L’ETAT PEUT-ÊTRE DEFENDUE, Y COMPRIS DANS UN CADRE LIBERAL:
Selon Rawls (Philosophe américain ; 1921-2002), dont « la théorie de la justice » a renouvelé l’analyse des
inégalités, les seules inégalités acceptables sont celles qui assurent une amélioration des conditions de vie des
plus démunis et une réelle égalité des chances. Le rôle du réglementeur est de mettre en place un système
d’inégalités justes et socialement acceptables, permettant de concilier incitation à entreprendre ou à travailler et
protection des plus faibles (les citoyens doivent ressentir que le système est équitable, même s’il reste inégal.
Cette approche d’inspiration libérale et modérée est à la base des politiques « d’affirmative action » aux Etats-Unis.
(3) L’ETAT DOIT VEILLER AU FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DES MARCHES (FONCTION DE
REGLEMENTATION !!!)
* Complément d’informations :
Lorsque le monopole est justifié, l'État doit cependant en surveiller le fonctionnement. L'existence de monopoles
n'est pas nécessairement condamnable. Le monopole peut résulter d'une innovation, comme l'a montré
Schumpeter. En effet, une firme qui invente un nouveau produit ou procédé a beaucoup investi en recherche-déve-
loppement et il semble normal qu'elle bénéficie en contrepartie d'une rente temporaire d'innovation. Pour inciter les
firmes à innover, l'État peut garantir juridiquement le monopole sur l'exploitation des résultats de la recherche, en
octroyant aux firmes innovatrices un brevet. De même, lorsqu'il existe de fortes économies d'échelle, il est plus
efficient qu'une seule firme desserve le marché, dès lors que la demande totale correspond à la taille minimale
optimale: on se trouve alors dans une situation qualifiée de monopole naturel. En effet, s'il existe plusieurs firmes,
chacune doit supporter le coût fixe (par exemple le coût de construction d'une voie de chemin de fer) et le coût
unitaire de production est d'autant plus élevé qu'elles doivent se partager la demande totale. Dès lors que le
monopole naturel n'est pas contestable, il revient à l'État de le réguler, afin d'éviter que le monopoleur n'utilise son
pouvoir de marché.
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