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Demander au Prophète, devant sa tombe : "Messager de

Dieu, invoque Dieu en notre faveur" : instituéou pas ?

Question :

Le fait de s'adresser directement aux morts pour leur demander de nous accorder d'eux-mêmes
quelque chose, cela est interdit, car étant du shirk.

Par contre, j'aimerais savoir si demander au Prophète non pas de nous accorder la guérison,
mais d'invoquer Dieu pour que Lui nous accorde la guérison, cela ne serait pas chose
autorisée.

Car il y a des récits authentique et de grands savants qui ont autorisécela : de demander aux
pieux défunts d'adresser des invocations àDieu pour soi.

Il est rapportéde Mâlik ud-Dâr, le trésorier de Omar, que, pendant le califat de Omar, il y eut
une sécheresse dont les gens souffraient. Un homme s'est alors rendu devant la tombe du
Prophète et a dit : "O Messager de Dieu, demande de la pluie pour ta communauté, car
vraiment ils sont exténués", après quoi le Prophète lui est apparu en rêve et lui a dit : "Va
voir Omar et salue le de ma part, puis dis lui qu'ils recevront de la pluie. Dis lui : sois
attentif, sois attentif !" L'homme est alléle dire àOmar. Ce dernier a dit : "O mon seigneur,
ne m'épargne nul effort sauf ce qui est au delàde mes capacités !".

D'après la traduction que j'ai obtenue, nous avons ici un récit authentique dans lequel un
homme est allésolliciter le prophète dans sa tombe pour qu'il invoque Dieu afin que la pluie
tombe.

Et parmi les savants qui autorisent cela il y a Taqiy ud-dîn as-Subkîou encore ibn Hajar al-
Haytami.

Je sais que ce sont de très grands érudits, donc j'aimerais en savoir un peu plus.

-
Réponse :

D'après la recherche faite par Ibn Taymiyya, cela n'est pas autorisé.

Car demander àune personne d'adresser des invocations àDieu en notre faveur ("‫ي ا‬
،‫ع ف الن‬
‫َه ُ دا‬
‫)"ل ي ا‬, cela est :
– si la personne est vivante : institué(mashrû') ;
– si la personne est défunte : pas institué(pas mashrû').

-
(Note : Adresser nous-même une invocation àDieu, puis Lui demander d'accepter notre
invocation "àcause de telle personne", cela constitue un cas différent : cela relève du du'â
bi-l-wassîla, dont nous avons parlédans un autre article.)
-
Quelqu'un pourrait objecter àcela que de toute façon les prophètes sont vivants dans leur
tombe, comme cela est dit dans ce hadîth : "Les prophètes sont vivants dans leur tombe, ils y
prient" (Silsilat ul-ahâdî
th is-sahîha, 621, voir aussi Fat'h ul-bârî, 6/594-595). Et donc,
comme il était autoriséaux Compagnons de demander au Prophète (sur lui soit la paix)
d'invoquer Dieu en leur faveur, pareillement, même depuis que le Prophète a étéinhumé, il
nous est autoriséànous de nous rendre devant sa tombe et de lui demander d'adresser des
invocations àDieu en notre faveur.

La réponse àcette objection est que si nous avons ce hadîth, nous avons aussi que AbûBakr
(que Dieu l'agrée) a dit, près du corps du Prophète venant de quitter ce monde : "Quant àla
mort qui t'était prédestinée, tu l'as connue" (al-Bukhârî, 1185) ; et nous avons également
que AbûBakr, peu après, a dit aux gens : "Celui qui adorait Muhammad, qu'il sache que
Muhammad est mort. Et celui qui adorait Dieu, alors Dieu est vivant et ne meurt jamais"
(al-Bukhârî , 3467).

Ceci fait que la vie dont les prophètes bénéficient dans leur tombe (et dont le hadîth suscité
fait mention) est quelque chose qui est certes différent de la vie que les défunts autres que les
prophètes connaissent tous après leur mort, mais également différent de la vie de ce monde
(vie que les prophètes n'ont plus, puisqu'ils ont "connu la mort") (cf. Mas'ala-éhayât un-nabî
kîhaqîqat, cheikh Manzûr Nu'mânî).
Même si les prophètes sont vivants dans leur tombe, cela n'est donc pas le même type de vie
qu'ils avaient quand ils étaient sur Terre.
Ce ne sont dès lors pas toutes les règles qui s'appliquaient du vivant des prophètes sur Terre
qui s'appliquent aussi même après leur mort.

Dès lors...

– A) Lorsque le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) était de ce monde :

--- lui adresser la salutation (salâm), cela était institué(mashrû') ;


--- demander au Prophète d'invoquer Dieu en sa faveur, cela était également institué
(mashrû').

Les Compagnons demandaient au Prophète d'invoquer Dieu pour qu'Il leur accorde telle ou
telle chose.
- Ainsi, un bédouin demanda au Prophète d'invoquer Dieu pour qu'Il fasse pleuvoir, et le
Prophète fit des invocations en ce sens (al-Bukhârî , 969, Muslim, 895).
- Umm Harâm lui demanda d'invoquer Dieu pour qu'elle soit du nombre de ces gens de sa
Umma dont il avait vu en rêve qu'ils étaient partis voguant sur la mer, semblables àdes rois
sur leur trône, et le Prophète pria Dieu àce sujet (al-Bukhârî , 2636, Muslim, 1912).
- 'Ukkâsha lui demanda d'invoquer Dieu pour qu'il fasse partie de ces 70 000 personnes qui
seront admis au paradis sans avoir àrendre de compte, le visage resplendissant comme la
lune, et le Prophète invoqua Dieu àcet effet (al-Bukhârî , 5474, Muslim, 216).
- Abû'Âmir, àl'orée de la mort, dit àAbûMûssâde transmettre ses salutations au Prophète, et
de lui demander de demander pardon àDieu pour lui : "‫ق ال‬: ‫م نه ف نزُ ف نزع ته ُل سهم هذُ ف ان زع‬
،‫ق ال ُل ماء‬: "‫ و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي أق رئ أخ ي ُب ن ي ا‬،‫ل ه وق ل ُل س الم‬: ‫"ل ي ُ س ت غ فر‬.
‫ ع لى عامر أب و وُ س تخ ل ف ني‬،‫تما ث م ي س يرُ ف م كث ُل ناس‬. ‫َ ص لى ُل ن بي ع لى ف دخ لت ف رج عت‬
‫ وع ل يه مرمل سري ر ع لى ب ي ته ف ي و س لم ع ل يه‬،‫ ب ظهره ُل سري ر رمال أث ر ق د ف رُش‬،‫وج ن ب يه‬
‫ أب ي وخ بر ب خ برن ا ف أخ برت ه‬،‫وق ال عامر‬: "‫"ل ي ُ س ت غ فر ل ه ق ل‬. ‫ ب ماء ف دعا‬،‫ي دي ه رف ع ث م ف تو ضأ‬
‫ف قال‬: "‫"عامر أب ي ل ع ب يد ُغ فر ُل لهم‬. ‫ ب ياض ورأي ت‬،‫ق ال ث م إب ط يه‬: "‫ُل ق يامة ي وم ُج ع له ُل لهم‬
‫"ُل ناس من خ ل قك من ك ث ير ف وق‬. ‫ف ق لت‬: "‫"ف ا س ت غ فر ول ي‬، ‫ف قال‬: "‫ب ن َ ل ع بد ُغ فر ُل لهم‬
‫ ق يس‬،‫( "ك ري ما مدخ ال ُل ق يامة ي وم وأ خ له ذن به‬al-Bukhârî , 4068, Muslim, 2498).
- Le célèbre verset du Coran dit : "‫س ُْله دمواَُ إِذ أهنُ ده َام هوله َوا‬
‫ست ه َغفه دروَُا جهكودوآها ده َامأهنفد ها‬
َ ‫َه فها‬ َ ُ‫سو دال له ده دام هو‬
‫ست ه َغفه هار ها‬ ‫ُلر د‬
ُ
َُ‫َه له هو هجددوا‬ ‫ه‬
‫"ر ِمي َما ت ُوُبَا ها‬
ُ (Coran 4/64).

- Plus encore : le Prophète conseilla àOmar que lorsque Uways al-Qarnîse rendrait à
Médine dans le futur, il lui demande de demander àDieu de lui accorder, àlui Omar,
Son Pardon : "‫ ب ن عمر عن‬،‫ق ال ُل خطاب‬: "‫ي قول و س لم ع ل يه َ ص لى َ ر سول سم عت‬: "‫ي أت ي‬
‫ أهل أمدُ مع عامر ب ن أوي س ع ل ي كم‬،‫ من ُل يمن‬، ُ‫ مو ضع إ ال م نه ف برأ ب رص ب ه ك ان ق رن؛ من ث م مر‬،‫رهم‬
‫ب ره أل َ ع لى أق سم ل و ب ر؛ ب ها هو وُل دة ل ه‬. ‫ ي س ت غ فر أن ُ س تط عت ف إن‬،‫"ف اف عل ل ك‬. ‫ف ا س ت غ فر‬
‫"ل ي‬. ‫( "ل ه ف ا س ت غ فر‬Muslim, 2542/225) ; "‫ ب ن عمر عن‬،‫ق ال ُل خطاب‬: ‫ص لى َ ر سول سم عت إن ي‬
َ ‫ي قول و س لم ع ل يه‬: "‫ ل ه ي قال رجل ُل تاب ع ين خ ير إن‬،‫ ول ه أوي س‬،‫ب ياض ب ه وك ان وُل دة‬. ‫ف مروه‬
‫( "ل كم ف ل ي س ت غ فر‬Muslim, 2542/224). An-Nawawîécrit qu'il y a làla preuve du "caractère
recommandéde demander aux Gens de Piétél'invocation (en sa faveur) et la demande de
Pardon divin (en sa faveur), même si celui qui fait cette demande est (encore) plus pieux
qu'eux" : "‫"م نهم أف ضل ُل طال ب ك ان وإن ُل ص الح أهل من وُال س ت غ فار عاءُل د ط لب ُ س تح باب وف يه‬
(Shar'h Muslim,16/95).

- Enfin il est relatédans un hadîth que le Prophète lui-même aurait dit àOmar, quand celui-ci
lui demanda la permission de pouvoir se rendre àla Mecque pour accomplir le petit
pèlerinage : "Ne nous oublie, petit frère, dans tes invocations" : "‫ ب ن س ل يمان مدث نا‬،‫مرب‬
‫ مدث نا‬،‫ ع ب يد ب ن عا صم عن ش ع بة‬، َ ‫ ع بد ب ن سال م عن‬، َ ‫ عن‬،‫ َ ر ضي عمر عن أب يه‬،‫ع نه‬
‫ق ال‬: ‫ ف ي و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي ُ س تأذن ت‬،‫ ف أذن ُل عمرة‬،‫وق ال ل ي‬: "‫من أخ ي ي ا ت ن س نا ال‬
‫" عائ ك‬، ‫ُل دن يا ب ها ل ي أن ي سرن ي ما ك لمة ف قال‬. ‫ ق ال‬،‫ ب عد عا صما ل ق يت ث م ش ع بة‬،‫ب ال مدي نة‬
،‫وق ال ف حدث ن يه‬: "‫( " عائ ك ف ي أخ ي ي ا أ شرك نا‬AbûDâoûd, 1498, dha'îf d'après al-Albânî).

Tout cela relève de la demande adressée àquelqu'un d'intercéder en faveur de soi auprès
de Dieu, de la façon autorisée.
Et plus la personne àqui on fait cette demande est proche de Dieu, plus la chance de voir
l'objet de sa requête acceptée par Dieu.

-
L'être qui invoque Dieu en faveur d'une autre personne fait vis-à-vis de celle-ci un acte
d'entraide et de fraternité(‫ إل ى ُإلم سان ب اب من‬،‫)م س تحب أو وُجب هو ُل ذي ُآلخ ر‬.

Dès lors, la personne qui demande àautrui qu'il invoque Dieu en sa faveur àtel sujet, cette
personne lui adresse une demande d'aide (et il s'agit d'une aide qui ne coûte rien de matériel,
contrairement aux demandes d'aide matérielle, dont il est mieux de se préserver) ; mais cela
ne veut pas dire qu'elle-même n'adressera pas la même demande àDieu. On le voit bien
dans le verset sus-cité, oùil est que les personnes ayant commis du mal devraient se rendre
auprès du Messager de Dieu, et alors elles-mêmes demanderaient pardon àDieu, et le
Messager demanderait pardon àDieu de leur pardonner : "‫س ده َام ُْ هل دمواَُ إِذ أهنُ ده َام هوله َوا‬ ‫جهكودوآها أهنفد ه‬
َ ‫َ فها‬
َُ‫سته َغ هف دروا‬ ‫س هها‬ ‫سو دال له ده دام ته َغفه هر ه‬
‫اوُ َا‬ ُ ‫َه له هو هجددوَُا‬
‫ُلر د‬ ‫"ر ِمي َما ت ه ُوُ َبا ها‬
ُ (Coran 4/64).

De plus - et c'est Ibn Taymiyya qui a exposécela -, la personne ne doit pas seulement
avoir comme objectif de pouvoir bénéficier de l'invocation de cet homme : elle doit avoir
aussi comme objectif que l'homme àqui elle demande d'invoquer Dieu en sa faveur
bénéficie lui aussi de la bonne action que constitue le fait d'adresser des invocations à
Dieu, et que elle-même bénéficie également du fait d'avoir indiquéàcet homme cette
bonne action. Sinon elle ne suit pas la voie du Prophète quand il demandait àd'autres
d'invoquer Dieu en sa faveur : "‫ُل ناس من ل غ يره ق ال ومن‬: "‫ "ل ي ُ ع‬- ‫ "ل نا" أو‬-، ‫أن وق صد‬
‫ف عل ُئ رب س ي أمره ك ما ب ه ُل مأمور ذل ك وب ف عل ب أمره أي ضا هو وي ن ت فع ب ال دعاء ُل مأمور ذل ك ي ن ت فع‬
،‫ُل مرجوح ُل س ُل من هذُ ل يس ب ه؛ م ت هام و س لم ع ل يه َ ص لى ب ال ن بي م ق تد ف هو ُل خ ير‬. ‫ل م إن وأما‬
‫ ط لب إ ال م ق صو ه ي كن‬،‫ وُإلم سان ذل ك ن فع ي ق صد ل م ماج ته‬،‫ُل م ق تدي ن من ل يس ف هذُ إل يه‬
‫َ إل ى ُل رغ بة إل ى ت رك ه ُل ذي ُل مرجوح ُل س ُل من هو هذُ ب ل ذل ك؛ ف ي ب ه ُل م ت م ين ب ال ر سول‬
‫و س ُل ه ُل مخ لوق إل ى ُل رغ بة من أف ضل ور سول ه‬. ُ‫"ُل م شروع ُل جائ ز ُل س ُل ُألم ياء س ُل من ك له وهذ‬
(MF 1/93 : Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 62).

– B) Depuis qu'il a quitté ce monde, aller auprès de la tombe du Prophète (sur lui soit la paix)
et :

--- lui faire salâm, cela est légal (mashrû') àl'unanimité;


--- par contre, demander au Prophète d'invoquer Dieu en sa faveur, cela n'est pas
autorisé(pas mashrû').

Ibn Taymiyya écrit :


"Certes, il est autoriséde saluer les défunts dans leur tombe et de leur adresser la parole
ainsi : le Prophète a enseignéàses Compagnons, lorsqu'ils visitent les tombes, de dire : "Que
la paix soit sur vous, habitants de ces lieux parmi les croyants et musulmans. Nous vous
rejoindrons si Dieu le veut. Que Dieu nous accorde ainsi qu'àvous Son Pardon. Nous lui
demandons la sécurité pour nous et pour vous. (…)"
Mais il n'est pas autoriséde demander aux défunts d'invoquer Dieu ni de faire autre
chose."
"‫وُل صال ح ين ُألن ب ياء من ُل غائ ب أو ل لم يت ي قال أن ُل ثان ية‬: "‫أو "رب ك ل نا ُ ع" أو "ل ي ل هُل ُ ع‬
"‫"ل نا َ ُ سأل‬، ‫وغ يرها ل مري م ُل ن صارى ت قول ك ما‬. ُ‫جائ ز غ ير أن ه عال م ي س تري ب ال أي ضا ف هذ‬
‫ُألمة س لف من أمد ي ف ع لها ل م ُل تي ُل بدع من وأن ه‬. ‫ومخاط ب تهم جائ زُ ُل ق بور أهل ع لى ُل س الم ك ان وإن‬
‫ق ائ لهم ي قول أن ُل ق بور زُروُ إذُ أ صحاب ه ي ع لم و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي ك ان ك ما جائ زة‬
{‫الم قون ب كم َ شاء إن وإن ا وُل م س لم ين ُل م م ن ين من ُل دي ار أهل ع ل ي كم ُل س الم‬. ‫ل نا َ ي غ فر‬
‫ُل عاف ية ول كم ل نا َ ن سأل ول كم‬. ‫ }ول هم ل نا وُغ فر ب عدهم ت ف ت نا و ال أجرهم ت حرم نا ال ُل لهم‬. ‫وروى‬
‫ق ال أن ه و س لم ل يهع َ ص لى ُل ن بي عن ُل بر ع بد ب ن عمر أب و‬: {‫ك ان ُل رجل ب ق بر ي مر رجل من ما‬
‫}ُل س الم ع ل يه ي ر م تى رومه ع ل يه َ ر إ ال ع ل يه ف ي س لم ُل دن يا ف ي ي عرف ه‬. ‫أب ي س نن وف ي‬
‫أر م تى روم ي ع لي َ ر إ ال ع لي ي س لم م س لم من ما{ ق ال أن ه و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي عن ُو‬
‫}ُل س الم ع ل يه‬. ‫( "غ يره و ال عاء ال ُألم وُت من ي ط لب نأ ُل م شروع من ل يس ل كن‬MF 1/351-352 :
Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 192).

-
I) L'argument principal sur lequel cette interdiction se fonde :

L'argument (dalîl) principal montrant que cela n'est pas instituéest :


- cela est quelque chose relatif àune action des 'ibâdât, mais n'a pas étéinstituépar Dieu
ou Son Messager (c'est-à-dire qu'ils n'ont pas dit explicitement de le faire), et n'a pas été
non plus pratiqué(après le décès du Prophète) par les Compagnons, leurs élèves et les
élèves de leurs élèves ;
- alors même que le besoin (muqtadhî) était présent àleur époque.
En effet, en plusieurs fois après le décès du Prophète (sur lui soit la paix), les Compagnons
eux-mêmes (sans parler de ceux qui sont venus après eux) ont connu de grands problèmes
(une terrible épidémie de peste ; les batailles causées par des malentendus entre eux ; certaines
batailles par rapport auxquelles le calife était extrêmement inquiet de ce qu'il adviendrait ;
plus tard la tyrannie de certains gouverneurs). Si le fait de demander au Prophète (sur lui soit
la paix) alors qu'il est décédé, d'invoquer Dieu pour éloigner les malheurs, cela était mashrû',
des Compagnons l'auraient fait en ces occasions, car le besoin était là(comme ils l'ont fait
quand ils en ont eu besoin tant que le Prophète était en vie sur Terre).

Or ils ne l'ont pas fait.

Ibn Taymiyya écrit :


"On sait par le biais de ce qui est nécessairement connu comme faisant partie de la religion,
par la transmission d'une très grande quantitéde gens et par le consensus des musulmans que
le Prophète n'a pas institué cela pour sa Umma. (…). Aucun des Compagnons du Prophète ni
de ceux qui les ont suivis dans le bien n'a fait non plus cela. Aucun référent ("imâm") parmi
les référents des musulmans n'a non plus recommandéde faire cela : ni l'un des quatre
référents d'écoles ("al-aïmma al-arba'a") ni un autre qu'eux.

Aucun de ces référents n'a dit non plus que, parmi les rites du pèlerinage ou autre, il y avait,
en tant qu'acte recommandé, le fait de demander au Prophète, près de sa tombe, d'intercéder
pour soi ou de prier Dieu pour la Umma ou de demander àDieu d'éloigner de la Umma les
difficultés temporelles ou religieuses.

Pourtant, alors que le Prophète n'était plus de ce monde, ses Compagnons ont étééprouvés
par toutes sortes de difficultés : parfois par la sécheresse, parfois par la diminution de la
subsistance, parfois par la crainte et la puissance de l'ennemi, parfois par des péchés
[commis en grand nombre par des musulmans autour d'eux].
Mais aucun d'entre eux n'est venu auprès de la tombe du Prophète Muhammad (que Dieu
le bénisse et le salue), ni près de la tombe d'Abraham (que la paix soit sur lui), ni près de la
tombe d'un autre prophète, pour lui dire : "Nous nous plaignons de la sécheresse ou de la
puissance de l'ennemi ou de la quantitédes péchés commis. Invoque Dieu pour nous", ou :
"pour ta Umma, pour qu'Il nous donne l'abondance", ou : "pour qu'Il nous donne la
victoire", ou : "pour qu'Il accorde Son pardon."

Faire cela relève donc des innovations qu'aucun référent des musulmans n'a déclarées
recommandées (…). Et toute innovation qui n'est ni obligatoire ni recommandée est mauvaise
et constitue, àl'unanimitédes musulmans, un égarement."
"‫وُل صال ح ين ُألن ب ياء من مات ل من ي قول ال وك ذل ك‬: ‫َ سل ل ي َ ُ ع َ ر سول ي ا َ ن بي ي ا‬
‫ي قول و ال ي عاف ي ني أو ي ن صرن ي أو ي هدي ني أو ل ي ي غ فر أن ل ي َ سل ل ي َ ُ س ت غ فر ل ي‬:
‫ي قول و ال ْ لم ني ُل ذي ف الن ا إل يك أ ش كو أو ع لي ُل عدو ت س لط أو رزق ي ن قص أو ذن وب ي إل يك أ ش كو‬:
‫ب ه ي س ت عاذ م عاذ خ ير أن ت أو ي س تج ير من ت ج ير أن ت أو جارآ أن ا ض ي فك أن ا ن زي لك أن ا‬. ‫ي ك تب و ال‬
‫من إل ى ب ال مح ضر وي ذهب ب ف الن ُ س تجار أن ه مح ضرُ أمد ي ك تب و ال ُل ق بور ع ند وي ع ل قها ورق ة أمد‬
‫صارىُل ن ي ف ع له ك ما وُل م س لم ين ُل ك تاب أهل من ُل بدع أهل ي ف ع له مما ذل ك ون حو ُل مح ضر ب ذل ك ي عمل‬
‫ف ي أو وُل صال ح ين ُألن ب ياء ق بور ع ند ُل م س لم ين من ُل م ب تدعون ي ف ع له وك ما ك نائ سهم ف ي‬
‫م غ ي بهم‬. ُ‫ُل ن بي أن ُل م س لم ين وب إجماع ُل م توُت ر وب ال ن قل ُإل س الم ي ن من ب اال ضطرُر ع لم مما ف هذ‬
‫ألم ته هذُ ي شرع ل م و س لم ع ل يه َ ص لى‬. ‫هلأ ب ل ذل ك من ش ي ئا ي شرعوُ ل م ق ب له ُألن ب ياء وك ذل ك‬
‫ ن قل ُألن ب ياء عن ع ندهم ل يس ُل ك تاب‬،‫ ن قل ن ب يهم عن ع ندهم ل يس ُل م س لم ين أن ك ما ب ذل ك‬،‫ب ذل ك‬
‫ ل هم وُل تاب ع ين ن ب يهم أ صحاب من أمد هذُ ف عل و ال‬،‫ُل م س لم ين أئ مة من أمد ذل ك ُ س تحب و ال ب إم سان‬
‫أن ألم د ي س تحب أن ه غ يرها و ال ُل حج م نا سك ف ي ال ُألئ مة من أمد ذك ر و ال غ يرهم و ال ُألرب عة ُألئ مة ال‬
‫ن زل ما إل يه ي ش كو أو ألم ته ي دعو أو ل ه ي ش فع أن ق بره ع ند و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي ي سأل‬
‫وُل دي ن ُل دن يا م صائ ب من ب أم ته‬. ‫ب ال جدب ف تارة موت ه ب عد ُل ب الء من ب أن وُع ي ب ت لون أ صحاب ه وك ان‬
‫ي أت ي م نهم أمد ني ك ول م وُل م عا صي ب ال ذن وب وت ارة ُل عدو وق وة ب ال خوف وت ارة ُل رزق ب ن قص وت ارة‬
‫ف ي قول ُألن ب ياء من أمد ق بر و ال ُل خ ل يل ق بر و ال و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ر سول ق بر إل ى‬: ‫ن ش كو‬
‫ي قول و ال ُل ذن وب ك ثرة أو ُل عدو ق وة أو ُل زمان جدب إل يك‬: ‫أو ي رزق هم أن ألم تك أو ل نا َ سل‬
‫أئ مة من أمد هاي س تحب ل م ُل تي ُل محدث ة ُل بدع من ي ش بهه وما هذُ ب ل ل هم؛ ي غ فر أو ي ن صرهم‬
‫ُل م س لم ين أئ مة ب ات فاق م س تح بة و ال وُج بة ف ل ي ست ُل م س لم ين‬. ‫و ال وُج بة ل ي ست ب دعة وك ل‬
‫( "ُل م س لم ين ب ات فاق ض الل ة وهي س ي ئة ب دعة ف هي م س تح بة‬MF 1/161-162 : Qâ'ïda jalî la fi-t-
tawassul wa-l-wassî la, pp. 33-34) (voir également p. 63, p. 103).

-
Il n'y a que le récit que vous avez cité, celui dit de Mâlik ud-dâr :

En voici le texte : "‫ق ال( ُل دُر مال ك عن‬: ‫ق ال )ُل ط عام ع لى عمر خازن وك ان‬: ‫زمن ف ي ق حط ُل ناس أ صاب‬
،‫ف قال و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي ق بر إل ى رجل ف جاء عمر‬: "‫ ر سول ي ا‬، َ ‫ألم تك ُ س ت سق‬
‫هل كوُ ق د ف إن هم‬." ‫ل ه ف ق يل ُل م نام ف ي رجلُل ف أت ى‬: "‫ ف أق رئ ه عمر ُئ ت‬،‫أن كم وأخ بره ُل س الم‬
،‫ل ه وق ل م س ت ق يمون‬: ‫ ع ل يك‬،‫ُل ك يس ع ل يك ُل ك يس‬." ‫ف أخ بره عمر ف أت ى‬. ‫ق ال ث م عمر ف ب كى‬: "‫ي ا‬
‫ "ع نه عجزت ما إ ال آل و ال رب‬: Mâlik ud-Dâr, celui qui était responsable des réserves de
nourriture, relate que, pendant le califat de Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée), il y eut
une sécheresse*. Un homme se rendit alors devant la tombe du Prophète et dit : "O Messager
de Dieu, demande (àDieu) de la pluie pour ta Umma, car celle-ci est détruite." (Le
Prophète) apparut alors àcet homme en rêve et lui dit : "Rends-toi auprès de Omar et
transmets-lui la salutation, et informe-le qu'ils seront sur le droit chemin**. Et dis lui :
"Agis avec intelligence, agis avec intelligence !"" L'homme vint rencontrer Omar et
l'informa de ce qui s'était passé. Omar pleura alors et dit : "O Dieu, je ne manque pas (àmes
devoirs) sauf ce qui est au delàde mes capacités !" (Ibn AbîShayba, n°32002).
(Cette histoire a étéauthentifiée par Ibn Hajar : Fat'h ul-bârî, 2/639 ; Ibn Kathîr : Al-Bidâya
wa-n-Nihâya, 7/100-101. Ibn Taymiyya y a fait allusion in Al-Iqtidhâ', p. 344.)
(* Cette période de sécheresse dura 9 mois, àcheval sur la fin de l'an 17 et une bonne partie
de l'an 18 de l'hégire : FB 2/641).
( ** : Dans la version citée par Ibn Kathîr, on lit qu'il lui dit alors : "et informe-le qu'ils
recevront de la pluie".)

Quand cette personne vint relater son rêve àOmar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée), celui-ci
eut recours àla prière spéciale pour demander àDieu la pluie (salât ul-istisqâ).

"‫ف ي س ت س قي ب ه ُ س ت س قوُ و س لم ع ل يه َ ص لى ُل ن بي عهد ع لى ق حطوُ إذُ ك ان وُ ق ال أن س عن‬


‫ف ي س قون ل هم؛‬. ‫ إمارة ف ي ك ان ف لما‬،‫( "ُل حدي ث ف ذك ر عمر‬Al-Ismâ'îlî: FB 2/238). "‫عمر أن أن س عن‬
‫ ُل خطاب ب ن‬،‫ إذُ ك ان‬،ُ‫ف قال ُل مط لب ع بد ب ن ب ال ع باس ُ س ت س قى ق حطو‬: "‫إل يك لن توس ك نا إن ا ُل لهم‬
‫ و س لم ع ل يه َ ص لى ب ن ب ي نا‬،‫ق ال ؛"ف ا س ق نا ن ب ي نا ب عم إل يك ن تو سل وإن ا ف ت س ق ي نا‬:
‫ "ف ي س قون‬: Quand il y eut la sécheresse, Omar ibn ul-Khattâb (emmena les gens et) demanda
àal-Abbâs (que Dieu l'agrée) d'invoquer Dieu pour qu'Il leur accorde la pluie : Omar dit à
Dieu : "O Dieu, nous prenions le Prophète comme intermédiaire, et Tu nous donnais la
pluie. Maintenant nous prenons comme intermédiaire l'oncle du Prophète [al-Abbâs],
donne-nous donc la pluie" (al-Bukhârî , 964, 3504).

On n'est pas certain de l'identitéde celui qui a adresséla demande suscitée au Prophète devant
sa tombe et qui l'a ensuite vu ce rêve. Certains pensent qu'il s'agirait de Bilâl ibn ul-Hârith
al-Muzanî(FB 2/639).
En tous cas, ce que cet homme a fait làconstitue une singularité(tafarrud), car cela n'a
pas étépratiquépar les autres Salaf Sâlih (les Compagnons, leurs élèves et les élèves de
leurs élèves).

Dès lors, ce qu'il a fait, et même la réponse du Prophète obtenue en rêve, ne prouvent pas que
demander cela au Prophète soit mashrû', comme nous allons le voir...

II) Si faire pareille demande est interdit, comment se fait-il que le Prophète ait répondu en rêve à
l'homme lui ayant adressé cette demande (lui ayant demandé d'invoquer Dieu) ?

3 remarques sont àfaire par rapport àcela :

La 1ère remarque :

C'est quand cette personne est venue relater son rêve àOmar ibn ul-Khattâb (que Dieu
l'agrée) que celui-ci a eu recours àla prière pour demander àDieu la pluie (salât ul-
istisqâ). Or, pour ce faire Omar a demandéàal-Abbâs (que Dieu l'agrée) de faire
l'invocation àDieu.
En effet, nous venons de voir que Omar dit alors àDieu : "O Dieu, nous prenions le
Prophète comme intermédiaire, et Tu faisais pleuvoir. Maintenant nous prenons comme
intermédiaire l'oncle du Prophète [al-Abbâs]" : "‫ص لى ب ن ب ي نا إل يك ن تو سل ك نا إن ا ُل لهم‬
َ ‫ و س لم ع ل يه‬،‫( "ف ا س ق نا ن ب ي نا ب عم إل يك ن تو سل وإن ا ف ت س ق ي نا‬al-Bukhârî
, 964, 3507).
Ici Omar a voulu dire : "nous prenons comme intermédiaire l'oncle du Prophète pour qu'il
T'adresse les invocations [au nom de notre groupe]" (cf. Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya,
1/298-299).

Si le fait de demander au Prophète (sur lui soit la paix) de faire des invocations alors
qu'il n'est plus de ce monde était institué(mashrû'), Omar ne se serait pas désintéressé
des invocations que le Prophète peut adresser àDieu dans sa tombe lorsque quelqu'un
lui en fait la demande, pour se tourner vers celles de al-Abbâs !

En effet, étant donnéque les invocations que le Prophète adresse àDieu ont sans conteste
infiniment plus de valeur et de chance d'être exaucées que celles que al-Abbâs Lui adresse,
Omar aurait demandéàtout le monde de se rendre devant la tombe du Prophète pour
demander àson illustre occupant d'invoquer Dieu pour qu'Il fasse pleuvoir. Ou au moins lui-
même, Omar, se serait rendu devant sa tombe et le lui aurait demandé.

Or Omar ne l'a pas fait.

-
La 2nde remarque :

Quelqu'un pourrait objecter àce que nous venons d'exposer que, pour autant, le Prophète (sur
lui soit la paix) a répondu, en rêve, àla demande de cette personne. Or les rêves oùon voit le
Prophète sont véridiques, c'est bien le Prophète dont il s'agit.

La réponse àcette objection est :


Certes.

Cependant, réfléchissons bien àcette réponse du Prophète en rêve : il lui a dit d'aller voir le
calife pour lui demander, lui, d'invoquer Dieu ou de désigner quelqu'un pour qu'il le fasse.

Cette réponse donnée par le Prophète en rêve montre que la voie correcte àsuivre en
pareil cas n'est pas de demander au Prophète, lui qui a quittéce monde, d'invoquer
Dieu. La voie correcte c'est de s'adresser au dirigeant pour qu'il organise une prière en
faveur de la pluie (salât ul-istisqâ') et fasse lui-même des invocations àDieu ou charge
quelqu'un de pieux de le faire.

Ce récit contient donc, tout au contraire, la preuve que demander cela au Prophète n'est pas
institué.

-
La 3ème remarque :

Quelqu'un pourrait objecter àcela que, malgrétout, le Prophète y a quand même répondu ; si
cela était interdit, il n'y aurait pas eu de réponse de sa part.

La réponse àcette autre objection est que ceci est un raisonnement erroné, car les deux choses
ne sont pas liées (layssâmutalâzimayn).

En effet, que le Prophète ait répondu àcette demande en rêve, cela ne prouve pas le
caractère légal (mashrû') de l'objet de cette demande ou de la façon d'avoir adressécette
demande.

Ibn Taymiyya écrit qu'il y a ainsi des hadîths oùon voit qu'une personne demanda quelque
chose au Prophète quand celui-ci était vivant, et celui-ci y répondit favorablement, mais
ensuite il s'y trouva un tort (sharr) pour cette personne : le Prophète le savait, mais suite à
l'insistance de la personne il a quand même répondu favorablement àsa requête (Al-Iqtidhâ',
pp. 320-321). (Il y a ce hadîth : "‫ق ال ُل خدري س ع يد أب ي عن‬: ‫عمر ق ال‬: "‫ ر سول ي ا‬، َ ‫سمعتدا ل قد‬
‫ ي ح س نان ُن اوف ل ف الن ا‬،‫ ي ناري ن أعطيتههما أن ك ي ذك رُن ُل ث ناء‬." ‫ق ال‬: ‫ع ل يه َ ص لى ُل ن بي ف قال‬
‫و س لم‬: "‫ إل ى ع شرة من أعطيت ده ل قد !ك ذل ك هو ما ف الن ا و َ ل كن‬،‫ذُآ ي قول ف ما مائ ة‬. ‫أمدك م إن و َ أما‬
‫ن ارُ ي ع ني )إب طه ت حت ت كون ي ع ني( ي تأب طها ع ندي من م سأل ته ل يخرج‬." ‫ق ال‬: ‫عمر ق ال‬: "‫ر سول ُي‬
َ ‫ق ال "إي اهم؟ ت عط يها ِل هام‬: "‫ إ ال ي أب ون أ ص نع؟ ف ما‬،‫ "ُل بخل ل ي َ وي أب ى ذُآ‬: Ahmad, 11004).

De même, parfois une personne adresse une demande àDieu, et Dieu l'exauce (istijâba) bien
que sa demande contienne quelque chose d'interdit :
- soit l'objet de sa demande même est interdit ;
- soit c'est la façon par laquelle il a adressésa demander qui est interdite.
Mais Dieu exauce quand même la demande, àcause de la dévotion dans l'invocation, ou bien
tout simplement pour éprouver la personne qui a fait cette demande.

Ainsi, faire une invocation (du'â) àDieu contre soi-même ou sa famille est interdit : "‫ت دعوُ ال‬
‫ ع لى‬،‫ ع لى ت دعوُ و ال أن ف س كم‬،‫ف يها ي سأل ساعة َ من ت وُف قوُ ال أموُل كم؛ ع لى ت دعوُ و ال أوال ك م‬
‫( "ل كم ف ي س تج يب عطاء‬Muslim 3009). Pourtant, le hadîth précise que Dieu exauce parfois
l'invocation qu'on Lui a ainsi adressée contre soi-même ou ses proches.
Dès lors, pour ce qui est du récit de la demande d'invocation en faveur de la pluie, le fait que
la personne ait obtenu réponse en rêve de la part du Prophète ne prouve nullement qu'il soit
instituéd'adresser àcelui-ci ce genre de requête.

Ibn Taymiyya a citéun récit oùon lit qu'une personne venue àMédine s'est rendue devant la
tombe du Prophète (sur lui soit la paix), et a exprimédevant lui son souhait de manger tel
mets. Le récit dit que, un peu plus tard, un homme vivant, de la famille du Prophète, est venu
lui apporter cette nourriture, mais lui a également transmis ce reproche de la part du
Prophète : "Pars d'auprès de nous ! Car auprès de nous on n'exprime pas le souhait de ce
genre de chose !" ("‫ص لى ُل ن بي ق بر ع ند إل ى جاء ب ال مدي نة ُل مجاوري ن ب عض أن ل نا م كي وك ذل ك‬
َ ‫ُألط عمة من ن وعا ع ل يه ف ا ش تهى و س لم ع ل يه‬. ‫ف قال إل يه ُل ها شم ي ين ب عض ف جاء‬: "‫ُل ن بي إن‬
‫ ل ك ب عث و س لم ع ل يه َ ص لى‬،‫ل ك وق ال ذل ك‬: ‫مث هال ي ش تهي ال ع ندن ا ي كون همن فإنها !ع ندن ا ِمن ُخرج‬
ُ‫ "هذ‬: Al-Iqtidhâ', p. 321). Si ce récit est authentique, il s'explique ainsi : Le Prophète (sur lui
soit la paix) a dûentendre la demande faite par cette personne devant sa tombe, et a alors
chargé- en rêve - un membre de sa famille - un Hachémite - d'apporter la nourriture souhaitée
par cette personne, mais également de lui dire qu'elle avait agi de façon interdite et qu'elle
devait donc quitter les lieux.
-

En tous cas, on le voit : la istijâba d'une demande ne prouve pas le caractère mashrû' de
l'objet de cette demande, ou de la façon d'adresser cette demande.

-
En un mot : Une façon de faire qui est erronée (khata' ijtihâdîqat'î) ne peut pas être suivie,
même si celui qui l'a faite est un grand personnage, a fait ainsi sur la base d'un ijtihâd, et donc
même si lui il aura une récompense pour cet ijtihâd qu'il a fait.

III) La personne qui se rend devant la tombe du Prophète (sur lui soit la paix) et lui demande d'invoquer
Dieu en sa faveur (pour la pluie ou pour autre chose), suivant en cela l'avis de as-Subkîpar exemple,
cette personne commet-elle un péché en adressant cette demande au Prophète ?

Ce qui est certain c'est que, comme nous l'avons vu, d'après la recherche de Ibn Taymiyya
cette action est interdite.

Maintenant :
- soit la personne connait la dimension interdite de cette invocation mais transgresse ; elle a
alors acquis un péché;
- soit elle ne connait pas que cela est interdit et croit au contraire que cela est un bien ;
cependant, le fait qu'elle a cru que cela est un bien résulte d'un manquement de sa part (parce
que résultant d'un ijtihâd de sa part alors qu'elle n'en avait pas les capacités ; ou résultant d'un
manque d'approfondissement de la question et d'un avis formuléàla va-vite ; ou résultant d'un
avis forméet formuléselon ses intérêts) ; elle a alors acquis un péché;
- soit elle ne connait pas que cela est interdit et croit au contraire que cela est bien ;
cependant, le fait qu'elle a cru que cela est un bien résulte d'un ijtihâd digne de ce nom de sa
part ; ou bien résulte du fait qu'elle a suivi (taqlîd) l'avis d'un grand savant qui, lui, a fait un
ijtihâd, et ce parce que, ayant confiance en les compétences de ce savant, elle a cru que son
avis est juste. L'action reste alors un péché, mais cette personne en sera
systématiquement excusée.
Et lorsque dans les 2 premiers de ces 3 cas, elle a dûment commis un péché, cela est comme
tous les péchés qu'un croyant commet : Dieu peut le lui pardonner par Sa Faveur.

(Cf. Al-Iqtidhâ', pp. 321-322 ; pp. 246-249 ; p. 272.)

-
En fait l'effort d'ijtihâd est chose qui rapportera récompense àcelui qui l'a effectué(s'il a les
compétences de faire cet ijtihâd et ensuite s'il a menécelui-ci de façon digne de ce nom).

Mais cet effort de compréhension n'a pas d'incidence sur le statut de l'action auprès de Dieu :
si le résultat de cet effort de compréhension est complètement erroné(khata' ijtihâdîqat'î),
l'action qui a étéfaite en fonction de cet avis (qui disait qu'elle est une action souhaitable ou
autorisée) demeure mauvaise.
Aussi, celui qui prend connaissance de cette erreur ne peut pas suivre cet avis au prétexte que
c'est un avis ayant étéémis par tel illustre personnage.

-
On ne considère pas les avis de ulémas et de pieux comme étant infaillibles.

Cependant, quand il est établi par des arguments irréfutables qu'ils ont fait une erreur (khata'
qat'î), on ne les dénigre (ta'n) pas non plus. On dit seulement que tel avis qu'Untel a émis est
erroné, et on ajoute qu'il aura inshâAllâh une récompense pour son ijtihâd.

Ceci est valable pour tout mujtahid, qu'il soit un Compagnon, un Tâbi'î,un Tâbi' ut-tâbi'în, ou
un postérieur.

C'est le juste milieu des Sunnites.

Et cela est différent de la position des Chiites, chez qui le imam ne fait aucune erreur, et dire
qu'il a fait une erreur est perçu et présentécomme le fait de le dénigrer et de le discréditer.

IV) L'interdiction de demander à un pieux défunt (prophète ou non) d'adresser à Dieu des invocations
pour soi, cela renferme par ailleurs une précaution :

Ibn Taymiyya écrit : "(Dieu) - PuretéàLui - nous a interdit d'appeler les anges et les
prophètes. Bien qu'Il nous ait informéque les anges prient pour nous et Lui demandent de
nous accorder Son pardon [voir Coran 40/7-9], nous n'avons pas le droit de leur demander
de faire cela. De même en est-il en ce qui concerne les prophètes et les pieux : même s'ils
sont vivants dans leur tombe, et même àsupposer qu'ils invoquent Dieu en faveur des
vivants, et même s'il y a des Hadîths qui indiquent cela, personne ne doit leur demander de
faire cela [invoquer Dieu en sa faveur]. Aucun de nos pieux prédécesseurs n'a fait cela.
Et cela est une porte menant au shirk et àles invoquer eux-mêmes et non plus Dieu. Cela
contrairement au fait de demander àl'un d'eux [d'invoquer Dieu en sa faveur] alors qu'il
est vivant : cela ne conduit pas au shirk…"
"‫وُألن ب ياء ُل م الئ كة * عاء عن س بحان ه ف نهى‬. ‫وي س ت غ فرون ل نا ي دعون ُل م الئ كة أن ل نا إخ باره مع‬،
‫م نهم ذل ك ن ط لب أن ل نا ف ل يس هذُ مع‬. ‫مونوُل صال ُألن ب ياء وك ذل ك‬، ‫وإن ق بورهم ف ي أم ياء ك ان وُ وإن‬
‫ ب ه ور ت وإن ل ألم ياء ي دعون أن هم ق در‬،‫ذل ك م نهم ي ط لب أن ألم د ف ل يس آث ار‬، ‫من أمد ذل ك ي ف عل ول م‬
‫ت عال ى َ ون من وع با ت هم ب هم ُل شرآ إل ى ذري عة ذل ك أل ن ُل س لف؛‬. ‫ف ي أمدهم من ُل ط لب ب خ الف‬
‫( "ُل شرآ إل ى ي ف ضي ال ف إن ه م يات ه‬MF 1/330 : Qâ'ïda jalî la fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p.
176-177) (* ‫ُلعا هام ُل ل غوي ب م ع ناه‬: ‫)أموُت أو غائ بون وهم ُل مط لق ن دُءهم‬.
"‫ُل قرآن ف ي ك ث ير هذُ وم ثل‬: ‫غ يرهم و ال ُألن ب ياء و ال ُل م الئ كة من ال َ غ ير *ي دعى أن ي نهى‬. ‫ف إن‬
ُ‫ال ف إن ه ُل ش فاعةو ُل دعاء من م يات ه يف أمدهم من ي ط لب ما ب خ الف ؛ُل شرآ إل ى ذري عة أو شرآ هذ‬
‫ذل ك إل ى ي ف ضي‬. ‫من ي نهى ف إن ه ب ح ضرت ه م يات ه ف ي ي ع بد ل م وُل صال ح ين ُألن ب ياء من أمدُ ف إن‬
‫ب هم ُل شرآ إل ى ذري عة ذل ك ف إن موت هم ب عد عائ هم ب خ الف ذل ك؛ ي ف عل‬. ‫هو م غ ي بهم ف ي عاوهم وك ذل ك‬
‫ُل شرآ إل ى ذري عة‬. ‫ُل شرآ إل ى ذل ك ي فض ل م "ل ي ُ ع" ل ه ق الو ُل م الئ كة من م ل كا أو ن ب يا رأى ف من‬
‫ ُل شرآ إل ى ي ف ضي ذل ك ف إن م غ ي به ف ي عاه من ب خ الف ب ه؛‬،‫ ق د ك ما ب ه‬،‫ال وُل م يت ُل غائ ب ف إن وق ع‬
‫وق صد ف دعا ب ه ُل شرآ إل ى ذل ك أف ضى و ش فاع ته ب دعائ ه ُل ق لوب ت ع ل قت إذُ ب ل ي شرآ من ي نهى‬
‫ غ ير أو ت م ثال ه أو ق بره م كان‬،‫وم ب تدعة ُل ك تاب أهل من ضاهاهم ومن ُل م شرك ون ف يه وق ع ق د ك ما ذل ك‬
‫( "ُل م س لم ين‬MF 1/179 : Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 49) (* ‫ُلعا هام ُل ل غوي ب م ع ناه‬:
‫)أموُت أو غائ بون وهم ُل مط لق ن دُءهم‬.
"ُ‫ ُألن ب ياء من مات من عاء ي شرع ل م ُل م الئ كة ** عاء ي شرع ل م وإذ‬،‫م نهم ن ط لب أن و ال وُل صال ح ين‬
‫ل وجه ين وي ش ف عون ي دعون ك ان وُ وإن ل ش فاعةوُ ***ُل دعاء‬: ‫أمدهما‬: ‫هم ذل ك من ب ه َ أمرهم ما أن‬
‫ ي ط لب ل م وإن ي ف ع لون ه‬،‫ ط لب ول و ي ف ع لون ه ال ب ه ي مروُ ل م وما م نهم‬،‫ُل ط لب ف ي ف ائ دة ف ال م نهم‬
‫ُل ثان ي م نهم؛‬: ‫هذه ف ف يه ب هم ُل شرآ إل ى ي ف ضي ُل حال هذه ف ي م نهم ُل ش فاعة وط لب * عاءهم أن‬
‫( "ُل م ف سدة‬MF 1/180) (** ‫ب م ع نى‬: ‫ب م ع نى ***( )ُل حاجة ق ضاء ل ط لب ن دُءهم‬: ‫)ت عال ى َ ي دعوُ أن‬
(* ‫ُلعا هام ُل ل غوي ب م ع ناه‬: ‫)ُل مط لق ن دُءهم‬.

-
Dans quelle mesure cet acte constituant une Bid'a ghayr mukaffira pourrait-il conduire peu à peu
jusqu'au Shirk Akbar ?

Par l'évolution suivante :

– Au début une personne se rend devant la tombe d'un pieux défunt (prophète ou non), et dit
au défunt : "Je souffre de telle maladie, je te demande donc de demander àDieu de
m'accorder la guérison" (‫)ي ش ف ي ني أن َ ت دعو أن أ سأل ك‬. La personne fait ainsi pendant
des années, chaque fois qu'elle se trouve dans une difficulté(maladie, sécheresse, soucis de
l'existence, revers de fortune, etc.) ; c'est déjàde la bid'a, bien que cela ne va pas jusqu'au
shirk akbar.

– Ensuite arrive un moment où elle se rend devant la tombe de ce pieux défunt (prophète ou
non) et se contente de dire àcelui-ci : "Je souffre de telle maladie, je te demande la
guérison" (‫( )ُل ش فاء أ سأل ك‬sous-entendu : "je te demande de demander àDieu de
m'accorder la guérison") ; jusque-làc'est toujours de la bid'a qui ne va pas jusqu'au shirk
akbar (même pour le moment oùce prophète était vivant, cette formulation "‫أ سأل ك‬
‫ "ُل ش فاء‬est ambigüe, car pouvant signifier : "‫ "ي ش ف ي ني أن َ ت دعو أن أ سأل ك‬- ce qui est
autorisétant que ce prophète est vivant -, le terme "‫ "ُل ش فاء‬désignant seulement le résultat
final de l'Action de Dieu, Action dont l'intercession avait étédemandée àce prophète ; mais
pouvant aussi signifier : "‫ "أن ت ت ش ف ي ني أن أ سأل ك‬- ce qui est interdit -, le terme "‫"ُل ش فاء‬
désignant cette fois l'action de ce prophète conférant la guérison).

– Cependant, les enfants de cette personne, l'ayant entendue pendant des années adresser
cette dernière demande au pieux défunt, devant sa tombe, se mettent alors àse rendre devant
cette tombe et àdire àson habitant : "Je souffre de telle maladie, je te demande que tu me
guérisses" (‫)ت ش ف ي ني أن أ سأل ك‬. Eux se sont mis àcroire que c'est le défunt lui-même qui va
les guérir, car son toucher est miraculeux ; ils lui disent donc : "Je souffre de telle maladie ;
je te demande donc de te rendre en âme auprès de moi, pour me toucher, ou souffler sur
moi, ce qui entraînera ma guérison, car c'est Dieu qui a conféréàton toucher / souffle cet
effet !" (‫إلي ت أت ي أن أ سأل ك‬
‫علي ت ن فخ أو ف تم سح ني ب رومك ها‬
‫)ف أ ش في ها‬. Voilàencore une bid'a
qui ne va pas jusqu'au shirk akbar. Et quand ils font ainsi, si apparition il y a, c'est un djinn
qui est intervenu.

– Par la suite les petits-enfants de cette personne, l'ayant entendue pendant des années
adresser cette dernière demande au pieux défunt, devant sa tombe, se mettent àse rendre
devant cette tombe et àdire àson habitant : "Je souffre de telle maladie, je te demande de
décider de me guérir, par ta seule volonté, car Dieu t'a confiéla gestion de la guérison de
cette maladie" (‫) َ أعطاكها ُل تي وق درت ك ب ح كمك ت ش ف ي ني أن أ سأل ك‬. Ce faisant, ils adhèrent
àl'une des 6 options mentionnées dans notre article : Les Mushrikûn n'adhèrent pas tous à
toute la "aslu tahwîd ir-rubûbiyya". Les voilàdans le shirk fi-r-rubûbiyya. Et quand ils font
ainsi, leur invocation est "reçue" par un djinn.

– Des descendants de ces personnes imagineront que l'esprit de ce pieux défunt les entend
partout, et ils peuvent donc désormais leur adresser ces demandes sans avoir besoin de se
rendre devant sa tombe. C'est alors un autre shirk fi-l-ulûhiyya qui voit le jour, par le fait
d'attribuer àun autre que Dieu la facultéde tout entendre.

Et voilàcomment cette action bid'a conduit àune ou plusieurs actions de shirk akbar.
L'histoire de l'humanitéest làpour le prouver : c'est ainsi que certains shirk sont apparus.
D'ailleurs le shirk que font certains chrétiens est néde la même façon : lire un premier et un
second articles.

En fait la perception que l'homme a par rapport àun homme défunt n'est pas la même
que celle qu'il a par rapport àun homme vivant qui se trouve devant lui. La personne qui
s'adresse àun homme défunt pour lui présenter des problèmes qu'elle rencontre et lui
demander d'invoquer Dieu qu'Il fasse disparaître ces problèmes, a le sentiment de s'adresser à
un esprit qui le voit et l'entend d'une façon différente de celle des vivants. C'est de làque
provient la difficultéet c'est làce qui entraîne ce que nous venons de voir.
Cela est fort différent du cas oùla personne s'adresse àun homme vivant qui se trouve devant
elle pour lui présenter ses problèmes et lui demander d'invoquer Dieu en sa faveur.

Ibn Taymiyya écrit : "Celui qui voit un prophète ou un ange et lui dit : "Invoque (Dieu) pour
moi, cela ne conduira pas àl'associer àDieu. Contrairement àcelui qui lui demande cela
alors qu'il est absent : cela conduira àl'associer àDieu, comme cela s'est vérifié: l'absent et
le défunt ne peut pas empêcher cela [puisqu'il n'est pas là]. Lorsque les coeurs s'attachent à
l'invocation (que le défunt ferait) et àson intercession, cela conduit àl'associer àDieu : on se
rendra alors au lieu de sa tombe, ou près de sa statue, et autres choses, comme ce en quoi les
polycultistes sont tombés, ainsi que ceux qui les ont imitéparmi les gens du Livre et les
mubtadi' des musulmans" : "‫ذل ك ي فض ل م "ل ي ُ ع" ل ه وق ال ُل م الئ كة من م ل كا أو ن ب يا رأى ف من‬
‫ب ه ُل شرآ إل ى‬. ‫ ُل شرآ إل ى ي ف ضي ذل ك ف إن م غ ي به ف ي عاه من ب خ الف‬،‫ ق د ك ما ب ه‬،‫ف إن وق ع‬
‫ي شرآ من ي نهى ال وُل م يت ُل غائ ب‬. ‫إل ى ذل ك أف ضى و ش فاع ته ب دعائ ه ُل ق لوب ت ع ل قت إذُ ب ل‬
‫من ضاهاهم ومن ُل م شرك ون ف يه وق ع ق د ك ما ذل ك غ ير أو ت م ثال ه أو ق بره نم كا وق صد ف دعا ب ه ُل شرآ‬
‫( "ُل م س لم ين وم ب تدعة ُل ك تاب أهل‬MF 1/179 : Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassula wa-l-wassîla, p. 49).

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