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AUTEUR(S)

  Jean AYEL : Ingénieur de l’École nationale supérieure des arts et industries de


Strasbourg - et de l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs -
Docteur-Ingénieur - Ancien responsable du cycle Produits pétroliers et moteurs -
à l’École nationale supérieure du pétrole et des moteurs

INTRODUCTION

Malgré les progrès continuels du raffinage du pétrole et de la pétrochimie, les


huiles de base minérales ou synthétiques pures ne possèdent pratiquement
jamais toutes les propriétés requises pour leurs principales applications
automobiles, industrielles, marines ou aéronautiques. Aussi, est-il nécessaire
d’incorporer aux lubrifiants finis (huiles et graisses) des additifs dont la
teneur peut varier de moins de 1 % pour certaines huiles industrielles à plus
de 25 % pour les dernières huiles pour moteurs Diesel de véhicules
industriels très sollicités ou pour certains lubrifiants de travail des métaux.
Les additifs sont destinés soit à renforcer certaines propriétés intrinsèques
des huiles de base comme le point d’écoulement, l’indice de viscosité, la
résistance à l’oxydation, les propriétés antiusure et antifriction ou le pouvoir
de protection antirouille, soit à leur apporter des propriétés qu’elles ne
possèdent pas (ou peu) naturellement comme la détergence, le pouvoir
dispersif, l’alcalinité en vue de neutraliser les composés acides, le pouvoir de
protection contre la corrosion des métaux non ferreux, ou les propriétés
extrême-pression (EP). Dans certains cas, ils peuvent aussi combattre des
défauts apportés par d’autres additifs. Ainsi, les additifs antimousse évitent la
formation de mousses entraînée par la présence dans le lubrifiant d’additifs
tensioactifs comme les détergents, les dispersants, les agents émulsifiants
des fluides aqueux ou même les additifs d’onctuosité et les antirouilles.
La formulation d’un lubrifiant contenant de nombreux additifs, parfois jusqu’à
vingt, est une opération généralement longue, qui peut demander deux à
trois ans d’études, qui requiert une grande expérience et un savoir-faire
pluridisciplinaire et qui est souvent fort coûteuse car reposant sur de
nombreux essais en laboratoire, sur bancs d’essai ou en service. Ainsi, par
exemple, le prix d’un seul essai sur moteur oscille entre 15 000 et 75 000
euros et il faut en réaliser un grand nombre pour qualifier une formule d’huile
moteur.
Il ne faut pas croire qu’un additif donné agit dans n’importe quelle condition.
En réalité, son action dépend de quatre ensembles de facteurs principaux :
 sa nature chimique, son degré de pureté et sa concentration dans
l’huile (ou la graisse) ;
 les interactions avec les autres additifs présents dans la formule.
Dans certains cas, il peut y avoir antagonisme entre deux additifs.
Ainsi, un additif antiusure peut perdre de son efficacité en présence
d’un additif plus polaire que lui qui, par exemple, va former un film
barrière, solidement adsorbé sur les surfaces, s’opposant
physiquement à l’adsorption de l’additif antiusure – c’est le cas d’un
additif détergent ou d’un additif antirouille – ou, encore, va le
« séquestrer » au sein du liquide en l’empêchant d’agir au niveau des
surfaces ; c’est ce qui se passe en présence d’additifs dispersants.
Naturellement, il convient d’éviter ou de limiter ces antagonismes.
Dans d’autres cas, au contraire, il y a synergie, c’est-à-dire que les
effets bénéfiques obtenus par l’association de deux ou de plusieurs
additifs sont supérieurs à ceux obtenus séparément avec chaque
produit. Des effets synergiques bien connus concernent, par exemple,
l’association de deux (ou trois) additifs antioxydants : un inhibiteur
radicalaire (phénol et/ou amine aromatique) et un destructeur
d’hydroperoxydes (dithiophosphate de zinc). D’autres synergies sont
relatives aux propriétés antifriction, antiusure et extrême pression des
lubrifiants ; ce sont celles des associations de corps gras ou de dérivés
de corps gras avec des additifs extrême-pression soufrés, d’additifs EP
soufrés avec des additifs antiusure phosphorés, d’additifs EP soufrés
avec des additifs EP chlorés, etc. Bien entendu, le formulateur tire
profit de ces synergies ;
 la nature des huiles de base : composition chimique, pureté, degré
de raffinage, grade de viscosité, etc. Ainsi, moins les huiles minérales
raffinées au solvant ou hydrotraitées contiennent d’hydrocarbures
aromatiques et d’impuretés soufrées, azotées et oxygénées, plus elles
sont réceptives aux additifs antioxydants et antiusure. Plus une huile
de base présente un pouvoir solvant élevé dû, par exemple, à une forte
aromaticité ou à des fonctions ester ou éther, moins les additifs à
action de surface comme les antiusure et les extrême-pression se
montrent efficaces. Ces derniers additifs sont plus actifs, car plus
mobiles, dans une huile de base fluide que dans une huile visqueuse,
etc. ;
 les conditions tribologiques de fonctionnement du mécanisme  à
lubrifier conditionnant le régime de lubrification : température de
contact, pression de contact, vitesses de glissement et,
éventuellement, de roulement, rhéologie du film d’huile, type
d’ambiance (atmosphère neutre, oxydante, corrosive, humide,
poussiéreuse...), présence de vibrations, état de la mécanique (usure,
jeux, rugosité et états de surface, accumulation de dépôts sur les
surfaces...) et, naturellement, nature des matériaux des surfaces.
Ainsi, tel dialkyldithiophosphate de zinc à chaîne alkyle courte, très
antiusure en présence de métaux ferreux ou de molybdène, peut être
sans effet, ou même avoir un effet néfaste, en présence d’une surface
chromée. Celle-ci, en revanche, appréciera les diaryldithiophosphates
de zinc à chaîne longue ainsi que les biphénols encombrés et les
esters visqueux.
Il existe des molécules d’additifs ne possédant qu’une seule fonction tandis
que d’autres, à structure souvent plus complexe, sont multifonctionnelles.
C’est ainsi le cas des dialkyldithiophosphates de zinc, à la fois antioxydants,
antiusure, anticorrosifs et légèrement dispersants. C’est aussi le cas des
additifs détergents de type alkylphénate sulfure de calcium ou de magnésium
dont la structure phénolique et la présence de soufre leur confèrent des
propriétés antioxydantes intéressantes ; de plus, le soufre leur procure une
efficacité antiusure non négligeable et si, par ailleurs, ils sont rendus alcalins
par dispersion colloïdale de carbonate de calcium ou de magnésium, ils sont
aussi dotés d’un caractère antiacide. On utilise aussi la possibilité de greffer
sur une molécule ayant une action spécifique, par exemple un polymère
améliorant l’indice de viscosité, un motif chimique destiné à lui conférer une
autre propriété comme un pouvoir dispersif dû au greffage d’un motif polaire
azoté, par exemple.

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