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Quatrième secondaire Quand la pression monte

Encore loin du marché du travail, les élèves en fin de secondaire subissent un stress
parfois difficile à maîtriser.

La pression mise sur les élèves de 3e et 4e secondaire pour l’obtention de bonnes
notes en mathématiques, dans le but d’accéder aux maths « fortes » et au profil
en sciences au cégep, est immense – et n’est pas sans conséquence sur la santé
mentale des adolescents. Est-il temps de changer le discours ? 

MAUDE GOYERCOLLABORATION SPÉCIALE

« Je sens beaucoup de pression pour décider ce que je vais faire dans la vie.
Cette année, j’ai fait de l’anxiété de performance, laisse tomber Livia Richard,
15 ans. Je me demande : est-ce que je suis vraiment prête à faire ce choix-là
maintenant ? » 
Inscrite en mathématiques dites fortes, appelées les maths SN (pour sciences
naturelles), Livia obtient de bons résultats et elle songe à s’orienter en sciences
pures. Néanmoins, elle ne parle pas de sa fin de secondaire comme d’un
parcours agréable. « Tous les adultes nous disent que le secondaire 4 est
décisif, que c’est là que les portes s’ouvrent », laisse-t-elle tomber. 
Sa mère Karine tente de l’accompagner du mieux qu’elle le peut : elle cherche à
l’encourager à poursuivre... mais ne veut pas lui ajouter du stress. « Je me sens
parfois prise au dépourvu, confie cette résidante de Windsor. C’est une période
difficile. » 
Un discours qui se répète
La situation vécue par Livia est répandue chez les élèves de 3 e et 4e secondaire,
âgés de 14 à 16 ans. Parce que certains programmes au cégep exigent des
préalables en sciences (et nécessitant les maths SN), plusieurs adultes autour
d’eux, parents et enseignants, leur répètent l’importance des bons résultats
scolaires. 

Vincent Pominville, 17 ans

« Il faudrait peut-être déconstruire cette idée que notre vie est finie si on ne va
pas en sciences naturelles au cégep, lance Vincent Pominville, un élève de
17 ans en arts et lettres au cégep Gérald-Godin, à Pierrefonds. Il y a des
professeurs au secondaire qui poussent pas mal et c’est incompréhensible pour
moi... »
Nadine Mongeon, enseignante du milieu collégial à Blainville, mère d’une fille de
16 ans en 4e secondaire et d’un garçon de 14 ans en 3e secondaire, est du même
avis. Selon elle, il y a une « campagne de peur » dans certaines écoles
secondaires. 
« Ce qui me dérange, c’est la façon dont c’est présenté, dit-elle. Les portes
seront peut-être fermées, mais elles ne sont pas barrées ! Si le jeune se trompe
de choix de cours, il y a plein d’avenues possibles. » 

Trop de pression
À la clinique L’Intervenant, Catherine Parent, cofondatrice et ex-enseignante à
l’école secondaire pendant 18 ans, voit beaucoup de jeunes en difficulté,
stressés, angoissés. « Le tiers de nos demandes de services concernent des
adolescents de 15 ou 16 ans anxieux », souligne-t-elle. 
Selon Vincent Rouleau, enseignant de mathématiques en 4 e secondaire depuis
15 ans, il y a au Québec une « survalorisation de certains programmes » qui est
malsaine. 

D’où vient cette pression ? Elle ne vient pas que des parents... C’est un
discours général de la société alors qu’au fond, de 5 % à 10 % des emplois
demandent un profil sciences avec maths fortes.
Vincent Rouleau, enseignant de mathématiques en 4 e secondaire
Il précise qu’un élève qui se force à suivre des cours qui ne l’intéressent pas et
dans lesquels il n’a pas de bonnes performances portera tout de même le
fardeau de « traîner » sa moyenne générale par la suite, pour entrer au cégep
entre autres. Autrement dit, cela n’ouvre pas nécessairement des portes : cela
peut nuire au dossier et au parcours scolaire de l’élève. 
Les sciences ouvrent certes bien des portes aux études supérieures, mais cela
ne convient pas à tous.

Cet argument est repris par Patrick Jeannotte, conseiller d’orientation dans une
école secondaire à Boucherville : un choix de cours inadéquat est un couteau à
double tranchant, selon lui. 
« L’élève qui choisit un programme contingenté, comme techniques policières,
pourrait être pénalisé par une moyenne générale plus basse », explique-t-il en
précisant qu’ironiquement, le profil sciences n’est pas requis pour ce choix de
carrière. 

D’autres options
Plusieurs options s’offrent aux élèves qui n’ont pas choisi le profil sciences et
changent d’orientation en cours de route : des cours d’appoint à l’entrée au
cégep, une session d’été, des classes du côté de la formation aux adultes, le
Tremplin DEC (programme spécial qui permet à l’élève de poursuivre son
cheminement afin d’intégrer un cursus menant à l’obtention de son diplôme
d’études collégiales). 
Les chemins sont multiples... et cela doit être valorisé et mis de l’avant, croit
Marie-Luce Leclerc, membre de la direction du Pensionnat Saint-Nom-de-Marie
à Montréal. 

Ce n’est pas vrai qu’en dehors des sciences, il n’y a point de salut. Ce n’est
pas une course aux notes ! Mon discours, c’est plutôt de dire aux élèves :
“Va dans ce que tu penses aimer selon tes besoins, tes intérêts, tes
réalisations et tes capacités.”

Marie-Luce Leclerc, membre de la direction du Pensionnat Saint-Nom-de-Marie


à Montréal

Elle rappelle que cela évolue dans le temps. Elle cite en exemple le parcours de
sa fille de 22 ans. Passionnée de mode, elle n’a pas suivi de cours de chimie ni
de physique au secondaire. « Et aujourd’hui, elle étudie en génie ! » 
Pour mieux accompagner et soutenir son adolescent dans son choix de cours et
d’orientation de carrière, Annie Harvey, porte-parole d’Alloprof, propose de
dédramatiser la situation. 
« Il faut ouvrir la conversation et inviter notre enfant à trouver sa voie, note
Mme Harvey. S’il est embêté, on peut lui proposer de se tourner vers le conseiller
d’orientation de son école, mais aussi, vers ses pairs, amis, cousins et cousines.
Ils sont souvent de bonnes ressources pour l’aider à défricher. »

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