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Chapitre 4 : YouTubisation des télévisions

en Afrique : vers une nouvelle économie


de l’audiovisuel
Sokna Fatou Seck-Sarr Nzeza Bunketi Buse, Ribio
Enseignante- chercheure Professeur associé
Université Gaston-Berger Université Catholique du Congo

Résumé : Le chapitre vise à discuter de l’hégémonie de YouTube


comme principal infomédiaire des contenus vidéo. L’hypothèse avancée
est celle de tactiques de positionnement aux soubassements économiques
plus qu’éditoriaux renforçant la dépendance des télévisions à la plate-
forme YouTube, laquelle use de stratégies successives pour renforcer sa
position dominante.
L’étude part de l’historicité de la transition des acteurs de l’audiovi-
suel vers le numérique. Elle interroge les métriques de l’algorithme de
YouTube et procède à une analyse des contenus. Les résultats de la re-
cherche reposant sur un corpus de chaînes de télévision (publiques, pri-
vées et web-tv) établies en Afrique de l’Ouest et centrale montrent que
ces dernières subissent le diktat de la plateforme.
Mots-clés : YouTube, Télévision, Afrique, économie politique, pla-
teformisation

93
Introduction
La diffusion de l’information en ligne se caractérise par une pratique
d’intermédiation privilégiée par les moteurs de recherche, les réseaux so-
ciaux numériques et les terminaux mobiles. Ainsi, l’infomédiation, im-
pulsée par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft),
reconfigure des industries culturelles (Bouquillon, Miège et Moeglin,
2015 ; Rebillard et Smyrnaios, 2009, 2019 ; Kalogeropoulos et Nielsen,
2018). Selon le modèle dominant du courtage (Moeglin, 2007), ces pla-
teformes s’approprient une partie importante de la valeur générée par
l’offre de biens et de services en provenance de ces filières (Rebillard et
Smyrniaos, 2019).
Ainsi les éditeurs de presse (écrite), malgré leur migration précoce sur
Internet (Paré, 2011 ; Seck-Sarr, 2017), ne parviennent toujours pas à ti-
rer profit de leur présence numérique. Ils font face aux stratégies offen-
sives de portails nationaux « intermédiaires » (Seneweb, Abidjan.Net,
Lefaso.net, mediacongo.net, cameroon-info.net, etc.) et au diktat des
géants du web (Google, Facebook, Twitter, etc.). Du côté de la télévision,
les chaînes ont perdu le monopole de la diffusion des contenus audiovi-
suels.
En effet, des sites de téléchargement et de partage de vidéos (You-
Tube, Dailymotion, etc.), grâce à des accords de diffusion (ou non) avec
les chaînes traditionnelles, sont aujourd’hui […] les principaux pour-
voyeurs de contenus télévisés (Kredens et Rio, 2015). Du côté de la ré-
ception, les programmes de flux sont de plus en plus disponibles sous
forme de stock, en « rattrapage » ou catch-up pour une durée plus ou
moins longue. Ils sont consommables sur un nombre croissant de sup-
ports, de l’écran de télévision au téléphone mobile, en passant par l’ordi-
nateur personnel et la tablette (Beuscart, Beauvisage et Maillard, 2012).
Après une migration tardive sur Internet, on note une ruée des télévi-
sions vers les plateformes numériques. Facebook et YouTube sont deve-
nus les réceptacles des contenus natives des acteurs de l’audiovisuel.
Longtemps réticentes, les chaînes traditionnelles investissent désormais
YouTube avec différentes motivations et tactiques. Cependant, il existe
très peu d’études sur les relations TV et GAFAM, hormis celles en lien
avec Dailymotion circonscrites au terrain français (Bullich et Lafon,
2019), ou celles axées sur les vidéos d’actualités en ligne plus orientées
sur la plateforme Facebook (Kalogeropoulos et Nielsen, 2018) et les ré-
cents travaux sur Netflix (Perticoz, 2019 ; Sonnac, 2018).

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Le champ en construction des YouTube studies (Vernallis, 2013 ; Bur-
gess et Green 2009) se focalise sur les pratiques « amateures » (Flichy,
2010) et la régulation de la créativité (Bullich, 2020). Dans le même
temps, les motivations ayant occasionné les réticences et ensuite la ruée
des chaînes de télévision restent tout simplement occultées. Or, la vidéo
d’actualités associée à une publicité en ligne constitue une niche que les
entreprises de presse tentent de saisir difficilement, la plateforme de par-
tage vidéo de Google, YouTube, se positionne en leader. L’objectif est
de discuter de l’hégémonie de YouTube en mobilisant les logiques de
l’économie politique de la communication. La manière dont cette plate-
forme est parvenue à conquérir la télévision et à exercer son pouvoir sur
elle, interpelle particulièrement. Un autre facteur, qui tend à être négligé
dans ces travaux, mais mérite une attention particulière concerne la non-
maîtrise des algorithmes ou leur prise en compte dans les logiques d’au-
dience, de publicité, de monétisation ou encore dans les contenus édito-
riaux.
Ce chapitre entend investir la problématique de l’intermédiation TV
et GAFAM et éclairer le jeu d’acteurs entouré des stratégies successives
de YouTube, dans le but de se positionner dans l’écosystème numérique
audiovisuel. Les tactiques approximatives des télévisions pour bénéficier
de l’effet viral et espérer obtenir des revenus supplémentaires sont mises
en lumière. Comment les télévisions africaines se positionnent-elles sur
les réseaux socionumériques (RSN) Facebook et Twitter en général ; et
YouTube en particulier ? Quelles contreparties financières et symbo-
liques y trouvent-elles ? Les médias numériques africains sont-ils entiè-
rement sous l’emprise des plateformes (Demers et al., 2020) au point de
devenir une « presse de plateforme » (Bell et Owen, 2017) ? C’est à ces
nouvelles configurations principalement orientées vers une nouvelle éco-
nomie politique du numérique, mais aussi une nouvelle économie de la
publicité (Bizimana ; Kane, 2019), que nous allons nous intéresser.
Plus concrètement, il s’agit d’appréhender les logiques socio-écono-
miques notamment celles en lien avec la publicité et la monétisation des
contenus d’une part et de saisir les différences d’appropriation éventuel-
lement entre télévisions (publiques, privé et Web TV) ou encore, dans
une moindre mesure, les logiques éditoriales sous-jacentes d’autre part.
L’hypothèse – forte – avancée ici est celle de tactiques de positionnement
privilégiées par les télévisions africaines aux soubassements écono-
miques (publicité et monétisation) plus qu’éditoriaux renforçant leur dé-
pendance à la plateforme YouTube, laquelle use de stratégies successives
pour renforcer sa position hégémonique.

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Afin de mettre à l’épreuve cette hypothèse, l’étude part de l’historicité
de la transition des acteurs traditionnels de l’audiovisuel vers les plate-
formes. Ensuite, dans l’objectif d’évaluer la présence numérique des TV,
elle interroge les métriques des algorithmes de YouTube (nombre de vi-
déos, nombre d’abonnés, nombre de vues, durée des vidéos, vidéos les
plus populaires, insertions ou encarts publicitaires, etc.) et procède à une
analyse des contenus mis en ligne (formats, thématiques et durées).

Le chapitre est structuré en trois parties : une première précise l’an-


crage théorique et la démarche méthodologique ; une seconde présente
les résultats de l’étude en distinguant la transition des TV vers Internet
ainsi que leur présence numérique sur les RSN. Une troisième partie pro-
longe la réflexion, en abordant les aspects en lien avec la monétisation et
la YouTubisation des chaînes de télévision.

1. Ancrage théorique et méthodologique

1.1. Les mutations de l’EPC : modèle du courtage - infomédiation - plate-


formisation

Ce travail s’inscrit dans l’économie politique de la communication


(EPC) avec un ancrage spécifique sur les modèles socio-économiques de
l’infomédiation, en l’occurrence le modèle du courtage mais aussi les
platform studies.
L’EPC (Huet et al., 1978 ; Mœglin, 2012 ; Miège, 2017) a pour parti-
cularité de saisir les logiques les différentes modalités de production et
de diffusion au sein de chaque filière : livre, musique enregistrée, cinéma,
presse écrite, radio et télévision. À ce niveau, il convient de préciser que,
contrairement aux pratiques contemporaines, la filière audiovisuelle en
Afrique subsaharienne assure la production de ces contenus. Ce n’est que
tout récemment avec l’avènement de la Télévision Numérique Terrestre
(TNT) que des maisons de productions se sont positionnées dans la
chaîne de valeur. Pendant ce temps, les moteurs de recherche comme
Google, les RSN et les applications pour terminaux mobiles, servent d’in-
termédiaires dans la diffusion des contenus audiovisuels. Une nouvelle
configuration de la distribution qui oblige à reconsidérer le modèle éco-
nomique de la filière audiovisuelle.

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Les modèles socio-économiques ont fait l’objet de plusieurs travaux
dans le champ des industries culturelles (Miège et al. 1986). Ils procè-
dent à une « analyse du fonctionnement des industries concernées, de
l’étape de conception jusqu’aux marchés finaux en passant par les étapes
organisant la production elle-même » (Miège, 2017, p. 51). Au regard
des travaux, cinq (5) modèles se dégagent dont deux (2) génériques
(l’éditorial et le flot) et trois (3) introduits avec l’arrivée des TIC (le
compteur, le club et le courtage). Le flot constitue le modèle par essence
des programmes télévisuels. Il est caractérisé par des productions en dif-
fusion continue afin de fidéliser le consommateur (Flichy, 1980). Il s’ap-
puie sur un financement indirect par dotation publique (subventions ou
redevance audiovisuelle) et ou au travers de la publicité. Toutefois, dans
le contexte de migration vers les plateformes, la télévision recourt à un
autre modèle, celui du courtage informationnel. Introduit par Pierre
Mœglin, les caractéristiques de ce modèle pourraient se résumer à l’auto-
nomisation de la fonction d’intermédiation ; à la rémunération de l’inter-
médiaire au contact (ou au clic) entre offre et demande ; à l’agrégation
d’offres et de demandes potentiellement illimitées ; au recours systéma-
tique à des outils de tracking et de profilage destinés à personnaliser les
prestations, à anticiper les attentes des consommateurs et à leur fournir
des recommandations pour des consommations ultérieures (Mœglin,
2015). Les mastodontes du Web souscrivent au modèle du courtage.
Aujourd’hui, la position centrale de l’infomédiation dans la filière de
l’information en ligne n’est plus à démontrer. Elle s’apparente à l’appa-
riement (matching) de l’offre d’information avec la demande éclatée et
individualisée, des internautes. L’infomédiation « comporte également
une mise à disposition de contenus ou de liens sous une forme en partie
éditorialisée » (Cotte, Després-Lonnet, 2004). Divers travaux ont abordé
cette pratique amplifiée avec l’avènement du web 2.0. À ce propos, Bus-
tamante (2004) identifie trois composantes de l’infomédiation : sociale
(guidage des internautes), économique (commercialisation, notamment
publicitaire), et éditoriale (packaging ou mise en forme des contenus).
Dans le même sillage, Rebillard et Smyrniaos (2011) distinguent l’info-
médiation algorithmique incarnée par les moteurs de recherche, qui per-
met d’organiser l’offre hétérogène et éclatée informationnelle diffusée
sur Internet, l’infomédiation sociale s’appuyant sur des procédés de re-
commandation entre pairs, et l’infomédiation applicationnelle ou tran-
sactionnelle, proposant des marges aux éditeurs pour pouvoir distribuer
leur contenu payant. Dans une perspective commerciale, l’infomédiation

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repose sur la production de la relation entre une « offre » – d’informa-
tions, de contenus, d’accès à des programmes, etc. – et une « demande »
(Bullich et Schmitt, 2019). L’alliage de ces divers versants de l’infomé-
diation participe à la plateformisation de l’information en ligne.
Envisagées sous l’angle de l’EPC, les réflexions conduites autour des
platform studies accordent un intérêt aux dimensions techniques (Plantin
et al., 2018). Combinant le modèle du courtage avec les composantes al-
gorithmiques et sociales de l’infomédiation, la plateformisation de l’in-
formation « marque le passage, pour la production et la diffusion d’infor-
mation, d’un processus de choix éditoriaux à un processus guidé par la
demande au sein duquel le contenu est continuellement modulé et réas-
semblé sur la base de données collectées à propos des utilisateurs et de
leurs pratiques » (Poell et al., 2017). Ainsi selon les diverses acceptions
la plateformisation renvoie « à un mode spécifique d’organisation de la
production ou, beaucoup plus largement, à un dispositif d’intermédiation
en ligne, tantôt à des acteurs industriels (par métonymie), voire à une
stratégie commerciale » (Bullich et Schmidt, 2019). Elle permet de saisir
les logiques sous-jacentes au positionnement éditorial des télévisions
ainsi que les tactiques mises en œuvre pour booster l’audience et par ri-
cochet, la monétisation des contenus natives diffusés via la plateforme
YouTube. L’articulation de ces différentes approches théoriques consti-
tue le fil conducteur de la présente recherche.

1.2. Méthodologie : Analyse des métriques et des contenus

L’étude part de l’historicité de la transition des acteurs traditionnels


de l’audiovisuel vers les plateformes numériques. Elle couvre quatre (4)
pays de la zone subsaharienne (Sénégal, Bénin) et centrale (Cameroun et
République Démocratique du Congo (RDC), de l’Afrique francophone,
lesquels partagent presque la même histoire politique ayant conduit à la
libéralisation de l’espace médiatique (Dioh, 2009 ; Faye, 2009) avec des
variantes au niveau du contexte socio-technique (infrastructures et usages
d’Internet). Le corpus concerne les télévisions les plus suivies dans ces
pays respectifs et inclut aussi bien des télévisions publiques, privées, des
WebTV (digital born) : Sénégal – Radio Télévision du Sénégal (RTS),
Télévision Futur Média (TFM) et DakarActu TV HD ; Bénin – Office de
la Radiotélévision du Bénin (ORTB), Eden TV et Benin Web TV ; Ré-
publique Démocratique du Congo (RDC) - Radiotélévision Nationale
Congolaise (RTNC), Kapash TV et B-One TV ; Cameroun – Cameroon

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Radiotélévision (CRTV), Canal 2 et Sun+TV. À travers des captures
d’écran, les chaînes YouTube des télévisions concernées1 ont été analy-
sées sur la période d’octobre 2019 à décembre 2020. Le but n’est pas de
faire des études de cas approfondies mais de développer un ensemble de
configurations et de contextes afin de mieux saisir la façon dont les télé-
visions africaines ont investi progressivement la plateforme YouTube.
Ainsi, l’étude interroge les métriques et procède à une analyse des
contenus mis en ligne. Trois grilles d’observation ont été mises en place,
l’une orientée sur l’identification (nom de la chaîne, date de création, lieu
d’enregistrement), la deuxième agrège des données quantitatives
(nombre de vidéos, nombre d’abonnés, nombre de vues, et encarts publi-
citaires) et la dernière plus qualitative se focalise sur les contenus (thé-
matiques, formats, durée, et vidéos les plus populaires). Soit, un en-
semble d’indicateurs basés sur les métriques de l’algorithme de YouTube
qui participent à mieux saisir son pouvoir hégémonique sur l’écosystème
des contenus télévisuels.

2. Migration de l’audiovisuel africain vers les plateformes

La transition des acteurs traditionnels de l’audiovisuel vers les plate-


formes pourrait s’appréhender à travers la présence des télévisions au ni-
veau des RSN (Facebook, Twitter et YouTube) et le positionnement se-
lon le statut de la chaîne (privée, publique et WebTV).

2.1. Les TV africaines conquises par YouTube

Les télévisions africaines disposent pratiquement à des degrés va-


riables d’une présence numérique avec des extensions sur différentes pla-
teformes. L’analyse s’est focalisée sur les trois réseaux sociaux de circu-
lation de l’information : Facebook (Instant article), Twitter (outil de mi-
cro publication) et YouTube (dédié aux contenus vidéo).
Au préalable, il semble opportun de préciser que les télévisions pu-
bliques en Afrique ont migré vers Internet au début des années 1996 avec
une présence timide et des sites web statiques (Paré, 2007). Contraire-
ment à la stratégie de la presse écrite orientée sur le « copier-coller », la

1
À noter que notre étude repose exclusivement sur l’analyse des chaînes officielles
des TV étudiées et non celles des chaînes de reprise de leurs contenus WebTV qui
constituent une autre part importante de l’écosystème de la télévision en ligne.

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télévision, en raison du débit relativement lent d’Internet à l’époque, n’a
pas pu mettre en ligne ses contenus vidéos encore moins assurer le
« streaming » ou le « live » de ses programmes. C’est le cas notamment
avec la RTS abritée par Homewiew1 devenue aujourd’hui un portail. La
version actuelle du site web, de la RTS, reste peu fluide, le Replay et les
VOD sont exclus de l’offre de contenus (Seck-Sarr, 2017). Quant à la
RTNC, elle se contente d’une chaîne YouTube où sont mises en ligne les
éditions du journal télévisé et d’autres programmes politiques importants
après leur diffusion sur la chaîne hertzienne. L’option live est récente.
Les sites web ont faiblement évolué avec des taux d’engagement relati-
vement faibles compris entre 1 et 2 pages vues par jour (TFM, RTNC,
RTS, CRTV)2 à l’exception de Canal 2 (5 pages par jour). Aucune don-
née n’est disponible pour la chaîne privée congolaise Kapash TV. Les
deux Web TV privées, Sun TV et B-one, respectivement du Cameroun
et de la RDC ne disposent pas de site web.

Au niveau des RSN, la première chose qui apparaît de manière signi-


fiante concerne les différences de positionnement selon le type de télévi-
sion. Si la chaîne privée sénégalaise TFM fédère la plus grande commu-
nauté d’abonnés sur YouTube (1,3M), Facebook (759 869) et Twitter,
les autres chaînes privées font apparaître des résultats beaucoup plus dis-
parates. Canal 2 (Cameroun) se positionne en deuxième position selon le
nombre d’abonnés sur YouTube (137 000) et Facebook (567 873). Les
Web Tv affichent des statistiques importantes DakarActu TV HD3 et B-
one Congo. Quant aux chaînes publiques, même si elles sont présentes
sur l’ensemble des plateformes, elles sont plus visibles sur Facebook
(RTS, 733 155 abonnés) et sur Twitter (CRTV, 161 700 abonnés). La
répartition des métriques par nombre d’abonnés apparaît donc très iné-
gale au sein du corpus et met en évidence le positionnement confortable
des chaînes privées, et des WebTV sur YouTube, comparées aux télévi-
sions publiques qui comptent des statistiques beaucoup plus faibles sur
la plateforme de vidéos.
Le diagramme ci-dessous fait apparaître les audiences de chaque télé-
vision selon le type de réseau social.

1
http://homeviewsenegal.com/
2
Source alexa.com
3
DakarActu dispose d’un portail dakaractu.com mais dans le cadre de cette étude,
l’analyse se focalise sur la déclinaison WebTV DackarActu TV HD.

100
Figure 1. Nombre d'abonnés par télévision sur Twitter-Facebook-
YouTube (décembre 2020)

Les métriques de YouTube indiquent la TFM1 en tête des audiences


(464 893 386 vues) et mettent en évidence la percée de Canal 2
(26 148 363 vues). Le positionnement confortable des Web- TV se des-
sine aussi DakarActu TV HD (217 419 866 vues), B-one Congo
(29 432 501 vues). Les chaînes publiques côtoient de près ces dernières :
ORTB (26 236 833 vues) et RTS (22 014 282 vues).
Il serait certes intéressant de comparer les statistiques YouTube avec
les parts d’audience sur le canal hertzien. Cependant, il est difficile de
procéder à un croisement de ces indicateurs d’audience d’autant plus que
les variables et les algorithmes utilisés ne sont pas identiques. D’ailleurs
les données sur l’audience des TV africaines sont presque indisponibles,
on n’a « aucune idée du nombre de téléspectateurs qui regardent les
chaînes locales »2. Profitant du passage à la TNT, Médiamétrie en parte-
nariat avec sa filiale sub-saharienne, Omédia procède à des mesures
ponctuelles d’audience. Ainsi concernant la part d’audience (PDA)3,
Africascope 20204, cite en tête des télévisions, au Sénégal la TFM, au
Cameroun, Equinoxe TV, et en RDC, Molière TV. Néanmoins, il ne peut
y avoir de transfert mécanique entre les deux types d’audience. Ainsi,

1
La chaîne YouTube de la TFM a été créée en 2003 bien avant le lancement officiel
des programmes de la fréquence hertzienne en 2011
2
Olivier Zegna-Rata, Jeune Afrique, Mai 2019
3
Elle correspond au pourcentage de l’audience d’une chaîne ou d’une station de radio
(ou d’une émission ou d’une tranche horaire) par rapport à l’audience totale au même
moment
4
Africascope 2020, l’étude média de référence en Afrique Sub-saharienne dans
https://www.kantar.com/fr/inspirations/publicite-medias-et-rp/2021-africascope-
2020 [consulté le 24 juin 2021]

101
parmi les chaînes ayant la plus forte audience hertzienne1 dans les pays
précités, aucune d’entre elles ne figure pas dans le top (3) du nombre de
vues sur YouTube à l’exception de la TFM. Malgré les biais relevés sur
les outils de mesure et les algorithmes en particulier, Jonathan Zepp, res-
ponsable des partenariats de YouTube aux États-Unis, reste convaincu
que les liens entre YouTube et la télévision sont logiques : « les plates-
formes comme la nôtre peuvent être un moyen important pour engager
les téléspectateurs avec les programmes télévisuels » (Mediakwest,
2017)2.
Dans une logique de réciprocité, le cabinet d’étude Nielsen abonde
dans le même sens « plus un programme a de vues sur YouTube, plus
son audience TV est importante […]. L’audience de YouTube augmente
à mesure que l’audience des émissions TV augmente ». Des arguments
suffisants pour que YouTube intègre la mesure Internet Vidéo de Média-
métrie. Toutefois, des chercheurs avisés constatent que les « vues » sur
les sites de partage de vidéos constituent une mesure d’audience problé-
matique puisque pour Google analytics « le chargement d’une page […]
suffit à comptabiliser une vue, tandis que l’institut Médiamétrie impose
une durée de visionnage d’au moins trois secondes après le lancement
d’une vidéo sur ce type de site pour être prise en compte » (Kredens et
Rio, 2015). À ce propos, Sonet (2012) souligne l’absence de mesure ré-
elle de l’audience et de la conversation numériques. La conception de
nouveaux outils de mesure et d’analyse semble nécessaire pour combler
ce vide des analyses en réception de la télévision à l’ère numérique. En
attendant, retenons que le nombre d’utilisateurs des RSN pour aller à la
rencontre des contenus télévisuels ne cesse de croître. Fort de son hégé-
monie, YouTube est aussi en mesure d’exercer son pouvoir sur les mé-
dias en leur imposant des « normes socio-techniques » (Van Dijck, 2013,
19) qui ont vocation à régir la manière dont doivent être conçus et pro-
duits les contenus vidéos.

2.2. YouTubisation des contenus

La plateforme vidéo tente, à travers différentes initiatives, d’imposer


un modèle de production et de distribution de l’information. En effet,

1
Médias : le palmarès des chaînes de télévision les plus regardées en Afrique franco-
phone – Jeune Afrique
2
Mediakwest - YouTube et télévision : pas si ennemis que cela ! consulté le 30 avril
2021

102
comme le soulignent Rebillard et Smyrniaos (2019), l’architecture est
élaborée par les infomédiaires et les entreprises médiatiques n’ont pas
prise sur elle : les premiers sont en position de stratège et les secondes
renvoyées à une position de tacticien, selon la distinction certalienne.
Abondant dans le même sens, Croissant et Touboul (2019) notent, que
les RSN se présentent et se comportent comme des médias à part entière
en construisant l’espace et le temps éditorial, en maîtrisant l’accès aux
audiences, en érigeant les règles et les formats de publication, sans pour
autant produire quoi que ce soit. Sonet renchérit « même lorsque les en-
treprises médiatiques ne vont pas jusqu’à transférer leurs fichiers infor-
matiques aux infomédiaires, elles en viennent tout de même à se couler
dans leur moule éditorial, en passant par tout un éventail allant de la
primoéditorialisation à la méta-éditorialisation (Sonet, 2019).
Revenant sur le cas précis de YouTube, Vincent Bullich évoque trois
stratégies technico-commerciales développées par la plateforme (2015,
p. 29). Les investissements directs dans la production de contenus
s’adressent en priorité aux créateurs indépendants. C’est dans ce cadre
que la « plateforme a décidé de soutenir des YouTubeurs du continent
africain par la création d’un fonds de cent millions de dollars venus ré-
compenser vingt chaînes au contenu créatif et original »1. Enfin, à travers
son Creator Academy, YouTube encadre la production des contenus non
(originellement) professionnels. La plateforme fournit aux créateurs des
spécifications relatives aux formats vidéo et audio qui sont en phase avec
son moule éditorial. Ces consignes s’adressent beaucoup plus aux « ama-
teurs » puisque les diffuseurs ont un héritage vidéo et de vastes archives
vidéo. Effectivement, lorsque l’on s’intéresse de plus près aux contenus
des télévisions étudiées, il apparaît que le stock de vidéos disponible est
relativement conséquent. Les chaînes sénégalaises affichent beaucoup
plus de contenus TFM (43 136), DakarActu TV HD (23 406) suivies par
l’ORTB (22 006). Les formats longs concentrent l’essentiel de l’offre de
contenus, sachant qu’au niveau des vidéos les plus populaires, les formats
courts sont aussi plébiscités. YouTube considère que plus une vidéo est
longue, plus elle a de chance de répondre aux attentes de l'utilisateur et
pousse l’internaute à rester plus longtemps sur la plateforme. Les formats
télévisuels sont a priori longs, mais paradoxalement l’étude montre une
tendance à « charcuter » les productions longues pour proposer aux pu-
blics des séquences courtes du JT, des talk-shows, des magazines, des
sorties médiatiques, etc. Seuls les concerts et des cérémonies officielles

1
YouTube à la conquête de l’Afrique (courrierinternational.com)

103
d’ordre politique telle une prestation de serment ou un défilé militaire
sont publiés dans leur intégralité. Sur la TFM, plus de la moitié du top 10
sont des vidéos longues, la plus regardée est de 2h 21 mn -il s’agit d’un
magazine sur la religion1 ; sur la RTS et l’ORTB, la moitié des vidéos les
plus regardées sont des longs formats (magazine d’1h11mn)2; sur Benin
Web TV les formats longs dominent (20,19 mn sur la politique) 3 ; et
enfin sur la RTNC, c’est le même constat (2h11mn la retransmission en
direct du discours du Président de la République s)4. Les playlists propo-
sent des thématiques en référence à la grille des programmes originelle
de la chaîne hertzienne. Ainsi les JT, les émissions politiques, le sport,
les faits divers, la religion constituent les principaux sujets relatés par les
vidéos publiées. Dans le but de permettre aux télévisions de « partager
[en direct] les programmes et leurs émissions, YouTube a introduit le
format live. Ainsi, on note l’articulation entre les émissions live et l’ani-
mation de plates-formes numériques (Ystreberg, 2009), débouchant sur
une, « porosité croissante entre le monde de l’audiovisuel dit traditionnel
et la « communauté YouTube » (Ipsos, 2018)5.
Les TV deviennent des marques générées par YouTube et dépen-
dantes de cette plateforme de vidéos qui structure l'environnement audio-
visuel numérique. Les chaînes se retrouvent dès lors en dépendance avec
ces mastodontes alors qu’elles ne sont en capacité d’offrir « que » des
contenus audiovisuels (Sonnac et Gabszewicz, 2013). En définitive,
YouTube constitue un média à part entière, puisqu’elle articule une tech-
nique, des contenus, des pratiques et des usages spécifiques. C’est un po-
sitionnement rendu possible entre autres par une surenchère information-
nelle sur les revenus alléchants qui seraient offerts par la plateforme.

1
QUARTIER GENERAL du 24 MAI 2019 - Invité : Serigne Gana Mésséré - PARTIE
2, 2 106 649 vues, 25 mai 2019, 19 K j’aime. https://www.You-
Tube.com/watch?v=U3cA0C-Nw64
2
Den kumpa Avec Ahmed Khalifa Niasse Mardi 06 Août 2019, 1 134 707 vues, 7
août 2019, 5 K j’aime, https://www.YouTube.com/watch?v=8hH9WdjVmxE&t=32s
3
Bénin : Une vidéo privée de Parfaite sur Yayi, Talon et Ajavon suscite la polémique,
94 131 vues, 2 mars 2016, 153 j’aime, https://www.YouTube.com/watch?v=mcgbno-
ZabMQ
4
Discours du Chef de l’État Félix Tshisekedi Tshilombo sur l’état de la nation,
279 057 vues, 1,2 K j’aime, https://www.YouTube.com/watch?v=7MerSOX2cwA
5
https://www.ipsos.com/fr-sn/marche-publicitaire-en-afrique-francophone-perspec-
tives-et-realites

104
3. Le diktat de YouTube sur la publicité
et la monétisation
Lorsque l’on s’intéresse de plus près aux motivations qui ont poussé
les télévisions à investir la plateforme YouTube, trois facteurs sont évo-
qués (Kalogeropoulos et Nielsen (2018) : 1) l’adaptation à une demande
de l’audience, 2) les possibilités de rémunération des vidéos, et 3) les
opportunités offertes par la publicité digitale. L’analyse des logiques so-
cio-économiques se focalise sur les deux derniers critères.

3.1. La mainmise de YouTube sur la publicité vidéo

Il est globalement admis que les recettes publicitaires de la télévision


sont en baisse alors qu’elles continuent à croître sur Internet. La pandé-
mie du coronavirus exacerbe cette tendance1. Bien avant ces évenements,
le déséquilibre du marché publicitaire était perceptible en Afrique « pen-
dant qu’il y a affluence quelque part, il y a sécheresse ailleurs […] Il faille
arrêter la saignée et équilibrer la balance »2. En effet, le marché de la
publicité en Afrique de l’Ouest fait face à des manquements aussi bien
au niveau institutionnel qu’au niveau de la réglementation du secteur sur-
tout lorsqu’il s’agit de la publicité sur Internet. D’après une étude menée
par Adwesearch3, il ressort que la télévision n’est plus le premier support
de communication publicitaire en Afrique. L’étude révèle que les réseaux
sociaux représentent 61 % de part de marché en termes de canal de com-
munication publicitaire, Internet arrive en tête avec 52 %, l’affichage
33 %, suivi de près par la télévision 30 %, la radio 28 % et la presse 27 %
(Ipsos, 2017)4.

1
Au Sénégal, la recette publicitaire enregistrée par le secteur audiovisuel s’élève à 15
milliards dont 5,5 milliards de FCFA (environ 8,35 millions d’euros) au premier se-
mestre 2020 selon l’institut Omedia. Cependant en raison de la pandémie du Corona-
virus, le marché publicitaire TV a enregistré une baisse 9%. Le même constat est va-
lable au Cameroun « le deuxième trimestre est en baisse de 18,2 % par rapport à l’an-
née 2019 ».
2
Souligne le président du Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel
du Bénin https://leconomistebenin.com/2018/05/09/gestion-de-la-publicite-dans-les-
medias-au-beninle-cnpa-reflechit-a-une-regie-publicitaire-de-regulation/
3
Etude menée dans 4 pays à savoir la Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun et la
République démocratique du Congo
4
https://www.ipsos.com/fr-sn/marche-publicitaire-en-afrique-francophone-perspec-
tives-et-realites

105
Par ailleurs, les vidéos d’actualités proposent des rémunérations pu-
blicitaires plus intéressantes et au clic que les bannières publicitaires. Fort
de ces atouts et d’autres facteurs évoqués supra, les télévisions tentent de
saisir les opportunités offertes par la publicité digitale. Elles disposent
presque toutes d’encarts publicitaires intégrés dans leurs vidéos. À ce ni-
veau, il existe deux formules, soit la télévision fait le choix d’inclure des
publicités dans les tranches d’émissions, de programmes ou de séries dis-
ponibles sur YouTube, soit elle laisse libre champ à la plateforme d’inté-
grer des publicités de la régie publicitaire de Google, Adsense. Cette se-
conde forme est plus prégnante et se décline sur divers formats : ban-
deaux en surimpression, messages « pre-roll », coupures publicitaires,
etc. YouTube propose aux annonceurs la possibilité d’afficher ces vidéos
publicitaires avant (pre-roll), pendant (mid-roll) ou après (post-roll) la
vidéo. Les travaux d’Alan Ouakrat, Kevin Mellet et Jean-Samuel Beus-
cart (2010) confirment l’existence de nouveaux formats sur le marché
publicitaire en ligne11. Les revenus publicitaires sont nécessaires à la sur-
vie de YouTube, 5 milliards de dollars en trois mois et 15 milliards de
dollars sur un an (2019), rapporte la plateforme vidéo à sa maison-mère
Alphabet1.
YouTube est une entreprise qui gagne de l’argent en mettant en rela-
tion les annonceurs avec leur public. Ce qui pousse à l’assimiler à une
agence de publicité. De toute façon, la plateforme est affiliée à la régie
publicitaire du moteur de recherche de Google, Adsense. Avec les nou-
velles conditions d’utilisation (2021)2, la plateforme vidéo peut donc in-
sérer des publicités sur toutes « les vidéos de chaînes qui ne participent
pas au Programme Partenaire YouTube […] ces publicités ajoutées par
YouTube « ne donnent droit à aucun paiement ». Or ce sont ces modali-
tés de revenus offerts par ces publicités qui attirent les télévisions. Encore
faudrait-il qu’elles comprennent l’algorithme de YouTube et remplissent
les critères pour être rémunérées3.

3.2. Une monétisation insignifiante des TV par YouTube

La rémunération fait partie des facteurs motivant la migration de la


télévision vers YouTube. Cependant, très peu de chaînes de télévision
cherchent à maîtriser les processus de monétisation. Les changements

1
La publicité rapporte 15 milliards de dollars par an à YouTube (ladn.eu)
2
Conditions d'utilisation (YouTube.com)
3
Algorithme YouTube : Le comprendre pour obtenir plus de vues (hootsuite.com)

106
successifs des modalités d’évaluation et des règles de monétisation par la
plateforme YouTube renforcent le flou autour des procédures de rému-
nération. De prime abord, il faut postuler au Programme des partenaires
de YouTube. L’éligibilité passe notamment par la résidence dans un pays
où le programme est disponible, le respect du règlement de la commu-
nauté YouTube, la preuve d’au moins quatre mille heures (4 000) de vi-
sionnage les douze derniers mois et la souscription à la chaîne par au
moins mille (1 000) abonnés1. Après l’adhésion au programme, YouTube
procède à l’évaluation des contenus, en mettant l’accent sur « les conte-
nus les plus représentatifs ». Les évaluateurs mobilisés par YouTube exa-
minent en priorité les éléments suivants : thème principal, vidéos les plus
regardées, vidéos les plus récentes, proportion la plus importante de la
durée de visionnage, et métadonnées (titres, miniatures, descrip-
tions, etc.). Une liste loin d’être exhaustive comme indiqué dans les pro-
cédures d’évaluation. Au regard de ce qui précède, l’étude s’est focalisée
sur les métriques en lien avec le nombre d’abonnés, le nombre de vues,
le taux d’engagement mais aussi sur les vidéos les plus populaires (thé-
matique, format et durée) et le lieu d’enregistrement de la chaîne.
Les résultats montrent que les chaînes de télévision étudiées ont toutes
franchi la barre des 1 000 abonnés. Sur la période d’observation (sep-
tembre – octobre 2020), deux (2) chaînes ont pu enregistrer des milliers
d’abonnés sur le mois : TFM 10 000 nouveaux abonnés, DakarActu TV
HD 23 000. La chaîne YouTube de la RTS n’affiche pas le nombre
d’abonnés. Le nombre de vues (1 000 000) par mois n’est pas assuré par
les toutes les chaînes notamment celles béninoises Eden TV (217 523
vues) et Benin Web TV (73 453 vues), ORTB franchit légèrement la
barre mensuelle avec 1 587 871 vues/mois. Les TV sénégalaises en re-
vanche affichent une croissance mensuelle exponentielle : TFM
7 206 252 vues/ mois, RTS 3 676 171 vues / mois, ce qui laisse envisager
des possibilités de rémunération. Quant aux télévisions camerounaises et
congolaises, les données relevées entre septembre 2020 et mai 2021 affi-
chent une évolution intéressante.
Concernant le taux d’engagement, lequel doit être supérieur à 10 %
(au moins 10 000 vues pour chaque nouvelle vidéo), il s’apprécie à tra-
vers la durée de visionnage. En d’autres termes, « pendant combien de
temps les spectateurs regardent-ils les vidéos ? Combien de vues les vi-

1
Analyse YouTube : comment contrôler facilement les indicateurs pertinents
(hootsuite.com)

107
déos enregistrent-elles ? L’exercice a privilégié les vidéos les plus popu-
laires et celles qui ont enregistré plus d’un million de vues. À ce niveau,
on note des variations selon le nombre de vues et la durée de la vidéo.
Sur la TFM, la vidéo la plus populaire dure 2h51mn et totalise 2.6M de
vues ; DakarActu TV HD 4mn34 -2.2M ; RTS 1h11-1,2M ; ORTB 3,34
mn - 4,1M ; B-One TV Congo 10mn25-1,1M. Les autres chaînes ne dis-
posent pas encore de vidéos ayant atteint le chiffre symbolique d’un mil-
lion de vues. Seul l’outil YouTube Analytics permet de mieux affiner les
statistiques concernant la durée et la moyenne de visionnage d’une
chaîne. Pour l’instant, retenons que les chaînes sénégalaises enregistrent
plus de vues, que les télévisions publiques même si ces dernières offrent
plus de contenus vidéos, elles, comptabilisent moins de vues : c’est le cas
pour l’ORTB et la RTS. À l’inverse, certaines chaînes privées ou Web TV
affichent moins de contenus mais beaucoup plus de vues comme B-one-
Congo et Canal 2. Cependant, la monétisation des millions de vues n’est
pas automatique, d’autres paramètres entrent en ligne de compte tels le
nombre de like (mention « j’aime »), les commentaires, le descriptif de
la vidéo, etc.

Figure 2. Statistiques des chaînes YouTube des télévisions (décembre


2020)

L’exercice laborieux d’évaluation des chaînes étudiées sur la base des


conditions d’utilisation, de l’algorithme de YouTube et des critères
d’évaluation relèvent des obstacles majeurs quant à la monétisation de
certaines chaînes de télévision.

108
La première difficulté provient du premier critère d’éligibilité au Pro-
gramme de partenaires de YouTube, à savoir le lieu de résidence de la
chaîne enregistrée. Sur les 118 pays du programme YouTube1, unique-
ment treize (13) pays africains figurent sur la liste2 et sur notre corpus,
seul le Sénégal est éligible. Pour la Côte d’Ivoire, YouTube propose de
se rapprocher de son partenaire Weblogy Media3, afin d'activer la fonc-
tionnalité de la monétisation et de pouvoir bénéficier ensuite des revenus
issus des publicités intégrées aux vidéos. La conséquence pour certains
pays non éligibles est qu’ils s’enregistrent hors du continent afin d’espé-
rer être rémunérés. Cette tactique ne marche qu’à condition d’indiquer
des coordonnées d’un compte bancaire logé dans le pays choisi et, dans
certains cas, de prouver la résidence dans le pays choisi (paiement des
taxes, etc.). Finalement, seules les deux chaînes sénégalaises semblent
être monétisables. La RTS, n’ayant pas précisé le nombre d’abonnés et
en raison des exigences des finances publiques certainement, ne pourrait
percevoir des revenus en provenance de YouTube. Lesdites chaînes tra-
vailleraient donc gratuitement à renforcer l’audience de YouTube. Soit
des probabilités proches des estimations de Jean-Baptiste Viet, « …en
France sur potentiellement 50 000 chaînes YouTube éligibles au pro-
gramme Partenaire YouTube, […] 4 % des chaînes monétisables »
(2019). Ceci voudrait dire qu’être éligible au programme ne conduit pas
automatiquement à une monétisation. Celle-ci s’effectue à travers le
compte Adsense géré par la régie publicitaire de Google, qui permet un
partage des recettes publicitaires suivant le ratio 45 % pour la firme, 55 %
pour l’internaute, il est associé au compte YouTube du producteur et You-
Tube Analytics procède à une analyse automatisée des performances de
la chaîne. Cependant, il est pour le moment difficile de savoir combien
d’argent la plateforme reverse à ses créateurs – fournisseurs de contenus.
Ainsi, d’après le YouTube calculator4, TFM avec 1 240 000 abonnés et
451 267 929 de vues, aurait un total des gains estimés 958 846 dollars,

1
Disponibilité du Programme Partenaire YouTube - Aide YouTube (google.com)
2
Algérie, Égypte, Libye, Tunisie et Maroc pour l’Afrique du Nord ; Ghana, Sénégal
et Nigeria pour l’Afrique de l’Ouest ; Ouganda, Kenya et Tanzanie pour l’Afrique de
l’Est ; l’Afrique du Sud et le Zimbabwe pour l'Afrique australe. Aucun pays d’Afrique
centrale n’y figure
3
Publi-Reportage - Abidjan.net (weblogy.net)
4
Les similateurs de revenus abondent l’Internet, exemple https://YouTubecalcula-
tor.net/fr/page-daccueil/

109
DakarActu TV HD avec ses 106 000 000 enregistrerait des gains men-
suels estimés à 772 676 dollars1, la RTS Sénégal avec 9245, abonnés et
22 080 175 de vues, comptabiliseraient des revenus publicités d’environ
41 400 dollars, et B-One Congo avec ses 153 000 d’abonnés pour
33 305 691 de vues engrangerait 76 916 dollars
YouTube concède que son propre modèle de rémunération est insuf-
fisant. Cela ne l'a pas empêché de corser ses modalités de monétisation,
avec les nouvelles conditions d’utilisation (juin 2021), les publicités
ajoutées par YouTube « ne donnent droit à aucun paiement ». Concer-
nant la monétisation, Google pousse le bouchon plus loin en indiquant
que « les revenus versés aux créateurs éligibles seront traités comme des
royalties du point de vue fiscal américain ». La plateforme est ainsi dis-
posée à appliquer une retenue à la source, comme l’exige la loi améri-
caine. Les paiements liés au programme partenaire YouTube, les sous-
criptions aux chaînes et les super chats sont concernés. Ces nouvelles
règles d’utilisation donnent une idée du pouvoir acquis par Google grâce
à la position dominante de YouTube comme principal infomédiaire des
contenus vidéo.

Conclusion
À l’issue de notre étude, il apparaît que malgré une présence notable
au niveau de la plateforme, les télévisions affichent des difficultés à tirer
profit de leur présence sur YouTube et à déployer des stratégies pour se
positionner sur le marché prometteur des vidéos d’actualités et publici-
taires. Ayant migré tardivement vers le web, les télévisions se sont en-
gouffrées vers YouTube sans véritables stratégies. Elles subissent le dik-
tat de la plateforme en termes de publicité, de monétisation et de forma-
tage de leurs contenus. Leurs pratiques peu réfléchies mais plutôt tac-
tiques occasionnent une dépendance et limitent les perspectives d’auto-
nomie et de diversification de leurs contenus.
Les données cumulées en nombre de vue, d’abonnés ou encore de vi-
déos montrent une forte présence des TV privées et un bon positionne-
ment des WebTV. Cette percée des chaînes peut être perçue, d’une part
comme un atout dans la mesure où les télévisions ont réussi à se posi-
tionner dans l’écosystème de l’audiovisuel numérique. D’autre part, la

1
https://sellfy.com/YouTube-money-calculator

110
forte présence des TV confirme l’hégémonie de YouTube, puisqu’elles
ne parviennent pas à assurer leur visibilité numérique en dehors de cette
plateforme. Pour autant, à y regarder de près, les TV n’ont a priori aucun
intérêt à se positionner sur cette plateforme de vidéos destinée à l’origine
aux « amateurs ». En effet, les audiences hertziennes et les recettes pu-
blicitaires hors ligne se présentent plus conséquentes pour le moment. De
même, ce sont les professionnels de la télévision qui détiennent les con-
tenus servant à alimenter YouTube, donc la matière première.
YouTube a réussi, à faire des télévisions africaines des fournisseurs
de contenus, parmi tant d’autres, œuvrant à son profit, les données et les
recettes publicitaires étant exclusivement gérées par elle. Ce qui nous
semble déterminant dans la spécification du modèle de YouTube est qu’il
se fonde sur le « transfert d’une partie de l’incertitude de la valorisation
de la production vers les producteurs de contenus qui assument seuls les
investissements et sont rétribués ex post » (Bullich et Guignard, 2014, p.
208). Le modèle idéel consisterait à proposer des marges aux éditeurs
pour pouvoir distribuer leur contenu.
À défaut de pouvoir se départir de la dépendance envers YouTube, les
télévisions devraient envisager de revoir leur positionnement, en assimi-
lant les algorithmes pour tirer le maximum de profit, voire mieux entamer
à l’instar des médias américains et occidentaux des négociations au ni-
veau régional avec Google Afrique en vue d’asseoir des relations de par-
tenariat plus équitables, ou tout simplement déployer une plateforme à
l’échelle africaine prenant en compte l’expression de la diversité cultu-
relle. En effet, les relations entre infomédiaires de l’Internet et entreprises
médiatiques évoluent de manière « à la fois plus intégrative et plus asy-
métrique » (Kalogeropoulos et Nielsen 2018). On observe désormais un
revirement de situation, timide, certes, laissant penser à une conquête des
plateformes par les industries culturelles (Bullich et Schmitt, 2019) voire
une interdépendance entre acteurs. Les négociations entre éditeurs fran-
çais (Rebillard et Smyrniaos, 2019), européens (Ouakrat, 2020) et
Google Actualités en vue de bénéficier d’une contrepartie de la reprise
de leurs contenus en sont une illustration parfaite. Pendant ce temps, les
configurations à l’échelle du continent africain restent marquées, par une
véritable suprématie des GAFAM.
Des entretiens avec les promoteurs des télévisions étudiées auraient
pu permettre de mieux saisir les motivations et les stratégies s’il y a lieu,
qui les ont conduits à investir la plateforme YouTube, les bénéfices et les
frustrations qu’elles en tirent. C’est à ce niveau que se situent les limites
de notre recherche, laquelle s’est focalisée sur l’analyse des métriques et

111
des contenus. D’autant plus que la comptabilisation des audiences par ou
via les algorithmes à elle seule ne permet pas d’appréhender toute la réa-
lité des pratiques numériques des télévisions africaines sur YouTube. In
fine, l’approche de l’économie politique permet de mettre au jour une
nouvelle économie télévisuelle impulsée par les GAFAM et une nouvelle
économie de la publicité dont les effets restructurent l’écosystème audio-
visuel africain.
Dans le prolongement de la réflexion, on pourrait s’intéresser à la stra-
tégie plus globale du groupe Alphabet en Afrique, laquelle vise l’obten-
tion et la valorisation de données. Le principe de la recommandation,
avec un recours systématique à des outils de tracking et de profilage des-
tiné à personnaliser les prestations, à anticiper les attentes de ces consom-
mateurs (Mœglin, 2015, p. 59) conduit à un processus de choix éditoriaux
basés sur les données collectées à propos des utilisateurs et de leurs pra-
tiques » (Poell et al., 2017) qu’il serait important de questionner.

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