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Une enquête nutritionnelle a été menée dans cette zone, * Données recueillies
dans le but de mieux adapter les interventions aux réalités
de la zone et de servir de base pour d’autres évaluations. Chaque fois que cela était possible on a relevé la date de
Nous présentons ici les résultats concernant l’état nutrition- naissance de l’enfant sur un document officiel essentiel-
nel des enfants de 6 à 84 mois. lement les extraits de naissances, les fiches d’état civil et
* Pharmacien de Santé Publique - B.P. 1746 - Bamako (MALI)
** INRSP - B.P. 1771 - Bamako (Mali)
les fiches de grossesse. 40 % d’enfants disposent de docu- données ont été faites dans le cadre de l’INRSP, l’analyse
ments à partir desquels l’âge a été relevé. En l’absence de et le traitement en collaboration avec le laboratoire de
documents fiables, on s’est référé à un calendrier lunaire et nutrition tropicale du centre ORSTOM de Montpellier.
agricole pour estimer l’âge de l’enfant en mois.
Les mesures du poids et de la taille ont été effectuées res- 3 - RESULTATS
pectivement avec une balance Salter (modèle BW 250, avec
une précision de 0,1 Kg) et une toise horizontale ou verticale * Résultats globaux
de construction locale, adaptée pour des mesures d’une pré-
cision de 0,1 cm près. La mesure de la taille en position cou- Figure 1
chée n’est retenue que lorsque l’enfant a moins de 85 cm (5). Distribution du poids pour l’âge des enfants
Les indices nutritionnels qui ont été calculés sont la taille
pour l'âge (T-A), le poids pour la taille (P-T), et le poids pour
l’âge (P-A).
Les indices ont été calculés à partir des valeurs de la popu-
lation de référence NCHS/CDC (National Center for health
statistics) à l’aide du logiciel EPINUT. Le principal mode
d’expression présenté ici est le Z-score (4). Comme dans
l’enquête du CONGO (1) les chiffres de prévalence de la
malnutrition sont obtenus en fixant à -2 écarts type (E.T) la
limite de normalité : le retard de croissance est défini par une
T-A inférieure à -2 E.T. en dessous de la moyenne de réfé-
rence. La maigreur pour un P-T inférieur à -2 E.T., et l’insuf-
fisance pondérale pour un P-A inférieur à -2 E.T. de la
moyenne de référence (6-7).
La cl a s s i fi c ation de WAT E R L OW est établie avec deux
indices (Poids - taille et Taille - âge). Les seuils fixés à -2
E.T de la moyenne de référence, permettent de distinguer
l’amaigrissement du retard de croissance stat u ra l e. Cette de 6-84 mois du milieu rural de Koutiala
classification de différentes formes de malnutrition permet de Figure 2
déterminer l’urgence en matière d’intervention en isolant les Distribution de la taille pour l’âge des enfants
cas les plus graves résultant de la coexistence de la mai-greur
et du retard de taille (3, 24).
En outre la sévérité de différentes formes de malnutrition
est appréciée par la proportion d’enfants pour lesquels les
indices nutritionnels ont des valeurs inférieures à -3 ET de
la moyenne de référence (3, 24).
La partie anthropométrie de l’enquête est intégrée à un
questionnaire permettant le recueil d’autres données sur les
modes d’allaitement et d’alimentation de l’enfant et
quelques paramètres économiques relatifs aux ménages.
La maigreur chez les enfants de 5 à 7 ans est significati- les plus fréquentes (figure 4).
vement plus élevée chez les garçons (9,5 %) que les filles * Formes sévères de malnutrition
(0,0 %) avec p <0,05.
Les fo rmes sévères de malnu t rition (indices inféri e u rs à
-3 E.T) touchent 15 % des enfants de 6 à 59 contre 3 % de
Globalement il n’y a pas de différence significative entre les
ceux de 5 à 7 ans pour le retard de croissance et 1,3 % de
2 principales ethnies (bambara et minianka), 7,2 % contre 6,5
ceux de 6 à 59 moismois pour la maigreur. Les cas les plus
% pour la maigreur et 22,4 % contre 27,5 % pour
sévères de différentes formes de malnutrition concernent
l’insuffisance pondérale. Par contre le retard de croissance
essentiellement les enfants de 6 à 59 mois et ceci d’une
est plus élevé chez les enfants de 9 à 59 mois minianka
manière plus marquée pour le retard de taille.
(44,5 %) que chez ceux de l’ethnie bambara (31,6 %).
Chez 3,0 % d’enfants de 6 à 84 mois, les indices anthropo-
* Comparaison avec d’autres études
métriques ont indiqué une maigreur surajoutée à une mal-
nutrition chronique. La prévalence de la maigreur est plus élevée dans les quar-
tiers périphériques de Bamako que dans le milieu rural de
La fi g u re 4 montre que la maigreur est un phénomène Koutiala. Par contre le retard de croissance est environ 2 à 3
p a rt i c u l i è rement important chez les enfants de 12 à 23 fois plus élevé à Koutiala (tableau 3).
mois. Le pic de prévalence est observé chez ceux de 18 à
23 mois suivis des enfants de 12 à 17 mois. Chez les Tableau 3 : Comparaison de la prévalence des
enfants de moins de 12 mois, et chez ceux de 24 mois et malnutritions protéino-énergétiques du milieu rural de
plus, les niveaux de prévalence sont relativement faibles. Koutiala à celle des quartiers périphériques de Bamako
(milieu urbain) chez les enfants de 6 à 59 mois
Figure 4
Evolution des prévalences de MPE selon l’âge Lieu n Poids - Taille Taille - Age
< - 2 ET < - 2 ET
Koutiala 391 7,7 40,3
(4,7 - 10,6) (33,5 - 47,7)
Distric*
Bankoni 466 12,8 19,7
Sebeninkoro 461 10,4 15,9
Niamakoro 473 13,7 18,7
* voir référence 2
DISCUSSION
infections des voies respiratoires et les accès fébriles sont l’ensemble du Mali rapportés par J. Ties BOERMA et al.
fréquents (2-8). (17) chez les enfants de 3 mois à 3 ans montre que le retard
Au delà de 24 mois et avant l’âge d’un an les prévalences de croissance est plus élevé à Koutiala ; par contre la
de la maigreur sont faibles car inférieures à 5 %. maigreur est plus faible que la moyenne nationale avec une
Cette forte prévalence entre 12 et 24 mois de la maigreur, prévalence de sa forme sévère identique (1,3 %).
observée aussi par DIOUF S. et al. (13) peut faire intervenir Cette même tendance est re t rouvée avec les quart i e rs
d’autres conditions telle la diversification et le sevrage. Dans périphériques de Bamako (centre urbain), anciens hameaux
la zone d’étude la proportion des nourrissons entre 6 et 11 de cultures qui se sont rapidement transformés en quartiers
mois qui sont allaités exclusivement est de 44 % (14), donc la spontanés, par suite de la migration de population de la
moitié des enfants manque d’une dive rs i fi c ation indis- campagne vers la capitale.
pensable pour couvrir leurs besoins nutritionnels. Le taux Les taux de prévalence réels pourraient être plus élevés
d’alimentation complétée en temps opportun chez les enfants pour la maigreur et l’insuffisance pondérale, qui sont plus
de 6 à 9 mois est de 33 % (14). Dans ce groupe au contraire influencés par le biais de sélection liée à la mortalité des
l’hygiène alimentaire défectueuse peut contribuer à la dété- enfants (17-19) surtout chez ceux de 12 à 35 mois où le
rioration de l’état de santé en induisant les infections diges- pourcentage de décès est estimé au Mali à 18,1 % (17).
tives et favoriser l’allergie alimentaire (13). La prévalence de re t a rd de croissance dans la zone de
Malgré l’effet positif de l’allaitement maternel sur l’état Koutiala est inférieure à celle du Burundi et de l’Ouganda
nutritionnel des enfants de moins de deux ans (15) et le (17) et supérieure à celle du Ghana, Togo, Zimbabwe et
taux de poursuite de l’allaitement à un an de 91 %, la pro- Congo (17, 3).
portion de ceux qui sont “à risque” est de 27,6 % contre Par contre, nous retrouvons le même niveau de prévalence
13,6 % dans la population de référence. de la maigreur avec la plupart de ces pays.
Les prévalences du retard de croissance et de sa fo rm e Les taux élevés de croissance dans cette zone, pourraient
sévère sont respectivement 2 et 5 fois plus élevées chez les s’expliquer par une ration alimentaire plus déficitaire qui a
enfants de 6 à 59 mois que chez ceux de 60 à 84 mois. Les été déjà décrite dans les villages où l’on pratique la culture
enfants après 5 ans sont moins enclins de souffrir d’une de rente (coton, arachide) comme à Koutiala (8). Il y a une
forme grave de malnutrition. Ceci pourrait s’expliquer par réelle dépendance d’une économie monétarisée (1) dont
une meilleure adaptation de l’enfant à des rations qui ne l’effet sur l’augmentation des dépenses alimentaires n’est
suffiraient pas à satisfaire les besoins d’un âge plus précoce pas prouvé (8).
(16). Ces résultats montrent que la prévalence du retard de
croissance reste élevée chez les enfants de 6 mois à 7 ans et CONCLUSION
d’une manière plus marquée chez ceux de 6 mois à 5 ans. Nos résultats ont mis en évidence l’importance des malnutri-
Des travaux déjà réalisés sur l’ensemble du cercle de tions pro t é i n o - é n e rgétiques dans une région considérée
Koutiala en 1990 pendant la même période (15) ont revélé comme l’une des plus productives du Mali sur le plan agri-
un taux de prévalence du retard de taille identique de 40 % cole et qui fait l’objet de nombreux projets de développe-
chez les enfants de 6 à 59 mois. Ce résultat est très élevé ment. Les prévalences des malnutritions protéino-énergéti-
pour une région à forte activité agricole avec une couver- ques indiquent qu’elles constituent un problème de santé
ture sanitaire acceptable (11). publique malgré les interventions spécifiques déjà menées
Parmi les facteurs socio-économiques étudiés, seule l’appar- pour l’organisation du système de santé. Ces résultats sont
tenance à l’ethnie minianka expose davantage au retard de donc une base et une justification pour la réorganisation et le
croissance par rapport au bambara. Ce résultat pourrait s’ex- renforcement du système de surveillance nutritionnelle déjà
pliquer par une différence de comportement face à l’enfant, fonctionnel.
même si les miniankas sont considérés comme favorisés (1) REMERCIEMENTS
car agriculteurs établis depuis longtemps et sachant utiliser
les ressources naturelles au mieux. En 1979 E. BENEFICE Nous exprimons notre gratitude aux équipes suivantes :
(1) montre que les hommes miniankas ont une situat i o n - Vision Mondiale,
nutritionnelle plus favorable que celles des autres ethnies. - LNT centre ORSTOM de Montpellier, et,
La comparaison des résultats de l’étude avec ceux de - Centre International de l’Enfance, pour leur aimable
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