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Synthèse - Le principe de précaution

Date de fraîcheur : 5 Juin 2019

ESSENTIEL
Olivier Sutterlin

Docteur en droit

Le principe de précaution
Le principe de précaution a fait son apparition au tournant des années 80-90. De tous les principes généraux du droit de l’environnement, il est
sans doute celui qui reflète le mieux l’état d’esprit de l’époque contemporaine, en particulier le sentiment d’inquiétude ou d’insécurité généré par
la prise de conscience des limites de la science et la méfiance à l’égard des acteurs impliqués dans la gestion des risques.
Malgré des formulations équivoques en droit international et en droit français, et l’absence de toute formulation en droit de l’Union européenne,
l’énoncé du principe de précaution peut se résumer ainsi : l'absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l'adoption de mesures
effectives et proportionnées par les autorités publiques afin de prévenir les risques de dommages graves à l'environnement ou à la santé
humaine.
Le principe de précaution vise ainsi l’évaluation et la gestion de risques suspectés (incertains) ; il vient compléter le principe de prévention qui
s’attache lui à contrôler des risques avérés (certains). Cependant, même s’il peut conduire à imposer une interdiction provisoire (moratoire), le
principe de précaution ne se résume pas à un principe d’inaction ou d’abstention tendant à l’éradication totale des risques. Le contexte
d’incertitude scientifique dans lequel il opère appelle bien plutôt la mise en œuvre de processus spécifiques d’évaluation et de décision
combinant rigueur de l’expertise, transparence et responsabilité politique.
Comme d’autres principes, l’expression ramassée et faussement simple du principe de précaution peut donner lieu à un usage incantatoire et
susciter un sentiment de dérive. Depuis la fin des années 90, la doctrine, les institutions politiques et les juridictions se sont heureusement
attachées à préciser les contours de sa mise en œuvre.

I. - Contenu du principe de précaution


V. JCl. Environnement et Développement durable, fasc. 2410
JCl. Environnement et Développement durable, fasc. 2415

A. - Dimension conceptuelle

1. – Risque et danger – Traditionnellement, le risque est défini comme le « péril dans lequel entre l’idée de
hasard » tandis que le danger correspond à une « situation, conjoncture, circonstance qui compromettent la sûreté,
l’existence d’une personne ou d’une chose » (Littré). L’époque contemporaine a conduit à une distinction plus
opératoire de ces deux notions dans le domaine de l’environnement et de la santé. Le danger vise les
caractéristiques intrinsèquement néfastes d’une activité, d’une situation ou d’une chose (par exemple, les
propriétés toxicologiques d’une substance chimique) tandis que le risque renvoie à la probabilité d’occurrence d’un
dommage (par exemple, les conditions d’exposition à une substance chimique). Dans les domaines de
l’environnement et de la santé, le risque est souvent désigné comme la combinaison d’un danger, d’un mode de
transfert et d’une cible ; le risque naît de l'exposition d'une cible à un danger. Que vienne à manquer l’un de ces
trois éléments et le risque doit être considéré comme nul (pour un exemple, V. Circ. n° 6 DRT, 18 avr. 2002 prise
pour l’application du décret n° 2001-1016 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la
santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du Code du travail et modifiant le Code du travail).

2. – Précaution et prévention – En matière d’environnement et de santé, le risque peut être qualifié de différentes
façons et produire une diversité d’effets juridiques qui trouvent pour la plupart leurs fondements dans des principes
de la Charte de l’environnement :
• risque insoupçonnable (risque de développement) : exonération de responsabilité ;
• risque suspecté : principe de précaution ;
• risque avéré : principe de prévention ;
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• risque réalisé : principe de réparation.

Le principe de précaution s’applique exclusivement en cas de risque suspecté. Le risque suspecté est celui pour
lequel il existe des incertitudes scientifiques, qualitatives ou quantitatives, concernant l’une des trois composantes
de la définition du risque (danger, transfert, cible). Au contraire, le risque avéré est celui pour lequel les
connaissances scientifiques et le retour d’expérience permettent de déterminer avec certitude la probabilité
d’occurrence d’un dommage. Parce qu’il opère dans un contexte d’incertitude scientifique, le principe de précaution
appelle la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures de gestion spécifiques,
différentes de celles applicables en présence des risques certains. Le principe de proportionnalité et le souci
d’efficacité qui guident l’action des pouvoirs publics s’opposent d’ailleurs à toute confusion sur les procédures et les
mesures à adopter face à telle ou telle catégorie de risque (V. Conseil national de l’alimentation, Rapport et avis sur
le principe de précaution et la responsabilité dans le domaine de l’alimentation, groupe de travail présidé par M.-O.
Gailing, rapporteur F. Collart-Dutilleul, avis n° 30, adopté le 20 sept. 2001, p. 14).

Comme l’ont souligné les professeurs Viney et Kourilsky, une application judicieuse du principe de précaution
commande également « de ne pas se contenter d’un risque purement imaginaire ne reposant sur aucune base
scientifique. » (G. Viney, Ph. Kourilsky, Le principe de précaution, Rapport au Premier Ministre, 15 oct. 1999, p.
65). Le risque suspecté n’est pas un fantasme ; il doit être au moins plausible.

3. – Évaluation et gestion des risques – L’évaluation des risques a pour objectif d’identifier, de comprendre et de
caractériser, en termes qualitatifs et quantitatifs, chacune des trois composantes de la définition du risque (danger,
transfert, cible). Il s’agit donc de déceler et de décrire les effets défavorables liés à une activité, une situation ou
chose, d’identifier les individus ou les composantes de l’environnement qui sont exposés et d’analyser la façon dont
cette exposition peut se produire. Cette exigence donne lieu à des procédures particulières d’évaluation des
impacts en matière environnementale et sanitaire et fait intervenir une grande diversité d’acteurs publics et privés.
La gestion des risques intervient dans un second temps et désigne l’ensemble des mesures effectivement mises en
œuvre pour prévenir la réalisation d’un dommage ou limiter ses conséquences. Elles peuvent, elles aussi, porter
sur chacune des trois composantes de la définition du risque.
Dans un souci d’indépendance de l’expertise scientifique et d’efficacité politique, l’évaluation et la gestion des
risques devraient être à la charge d’autorités publiques distinctes, la première étape reposant généralement sur des
considérations exclusivement scientifiques tandis que la détermination d’une option de gestion des risques
s’effectue en tenant compte de données socio-économiques. À titre d’exemple, le dispositif français d’établissement
des valeurs limites d’exposition à des agents chimiques en milieu professionnel (VLEP) comporte trois phases
clairement distinctes :
• une phase d’expertise scientifique indépendante, seule phase confiée à l'Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) ;
• une phase d’établissement d’un projet réglementaire de valeur limite contraignante ou indicative par le
ministère chargé du travail ;
• une phase de concertation sociale lors de la présentation du projet réglementaire au sein du Conseil
d’orientation sur les conditions de travail (COCT). L’objectif de cette phase est de discuter de l’effectivité
des valeurs limites et de déterminer d’éventuels délais d’application, en fonction des problèmes de
faisabilité technico-économique.

B. - Dimension éthique et philosophique

4. – Incertitude et liberté – La notion de précaution fait écho à la notion aristotélicienne de prudence (φρόνησις –
phronésis), cette vertu qui fait connaître et pratiquer ce qui convient dans la conduite de la vie. Dans un monde qui
serait absolument transparent à la connaissance scientifique, il n’y aurait aucune place pour l’action humaine. Au
contraire, face à un monde changeant et imprévisible, l’homme doit délibérer en permanence et agir en fonction

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des informations incomplètes dont il dispose. L’indétermination est donc une condition de la liberté (V. P.
Aubenque, La prudence chez Aristote, PUF, 4e éd., 2004) ; cette incertitude peut également générer l’angoisse.
Toutefois, si l’angoisse est une affection propice à une interrogation de l’homme sur son propre destin (V. S.
Kierkegaard, Le concept de l’angoisse : Gallimard, 1969, spéc. p. 99. - M. Heidegger, Etre et temps : Gallimard,
1986, spéc. p. 235), la peur infondée ne devrait pas être le fondement ni le guide de l’éthique moderne, sous peine
d’entraîner de dangereuses dérives idéologiques (V. H. Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la
civilisation technologique : Les éd. du Cerf, 1990, spéc. p. 49, pour qui « il faut davantage prêter l’oreille à la
prophétie de malheur »). Si la protection de l’environnement et de la santé doit être une valeur fondamentale du
XXIe siècle, il semble plus judicieux d’asseoir cette valeur sur un socle démocratique et rationnel, d’en faire l’objet
d’un discours réfléchi et de la préserver des rhétoriques assimilables aux doctrines de salut.
Inscrit dans une logique de développement durable, le principe de précaution se veut justement un principe d’action
et d’anticipation, destiné à accompagner le développement économique, et non pas un principe d’abstention ou
d’interdiction systématique se réclamant d’une heuristique de la peur et remettant en cause nos modes de vie.

5. – L’anthropocène – Le prix Nobel de chimie P. Crutzen emploie le terme « anthropocène » pour désigner une
nouvelle époque géologique, débutant avec la révolution industrielle, dans laquelle l’action de l’homme serait
devenue une force géophysique agissant sur la planète ; l’auteur invite ainsi à redéfinir les rapports entre Nature et
Société (V. P. Crutzen, Geology of Mankind, Nature : Vol. 415, 3rdJanuary 2002, p. 23). Si la proposition fait encore
débat, elle met en évidence les impacts environnementaux massifs que ne manque pas d’entraîner la croissance
démographique mondiale et qui invitent à la circonspection. Comme le souligne un auteur, « les limites de nos
connaissances relatives aux processus qui sont à l’œuvre dans l’environnement et aux causes précises de sa
dégradation devraient nous dicter des politiques marquées par une très grande prudence. » (T. Legrand,
Croissance de la population mondiale et environnement : les enjeux, Cahiers québécois de démographie : vol. 27,
n° 2, 1998, p. 246).

6. – Précaution et prise en compte des générations futures – Selon le préambule de la Charte de


l’environnement, « afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent
ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres
besoins. » Le principe de précaution peut être analysé à l’aune de cette exigence. La responsabilité morale des
générations présentes ne consiste pas dans la planification linéaire des jugements et des préférences à venir. La
Charte affirme au contraire l’autonomie de principe des générations futures pour déterminer leurs propres besoins,
à partir de la transmission d’un capital économique, social et environnemental. La mise en œuvre du principe de
précaution doit s’opérer dans ce souci du long terme. Aussi les procédures d’évaluation et les mesures de gestion
ne doivent-elles pas se limiter aux risques immédiats. Il ne s’agit pas d’empêcher le progrès et le développement
de nouvelles technologies mais d’encadrer celles-ci afin qu’elles n’induisent pas de dommages graves, voire
irréversibles, pour les générations futures (V. O. Godard, Le principe de précaution à l’épreuve des OGM, In A.
Marciano et B. Tourrès (dir.), Regards critiques sur le principe de précaution : le cas des OGM : Paris, Vrin, 2011,
p. 150).

7. – Prudence et sécurité – Afin de répondre au souhait légitime de sécurité régulièrement exprimé par la société
civile, il ne saurait être question de réduire à néant les risques suspectés et d’exiger que soit systématiquement
rapportée la preuve de l’innocuité des activités humaines. La doctrine a déjà largement relevé le caractère illusoire
et néfaste de la tentation du « risque zéro ».

La Commission européenne souligne que : « Les décideurs sont confrontés à un dilemme permanent, celui d'établir
un équilibre entre les libertés et les droits des personnes, des secteurs d'activité et des organisations, d'une part, et
la nécessité de réduire ou éliminer le risque d'effets nuisibles sur l'environnement ou sur la santé, d'autre part.
Trouver l'équilibre adéquat permettant de prendre des décisions proportionnées, non discriminatoires,
transparentes et cohérentes tout en assurant le niveau choisi de protection requiert un processus de prise de
décision structuré, fondé sur des données scientifiques et autres informations objectives détaillées. Les trois

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éléments de l'analyse du risque - évaluation du risque, choix de la stratégie de gestion du risque et communication
du risque - fournissent une telle structure. » (Communication sur le recours au principe de précaution, COM(2000)
1 final, 2 févr. 2000).
Bien loin de verser dans l’immobilisme, la mise en œuvre du principe de précaution doit ainsi faire progresser en
même temps recherche et sécurité. Elle doit viser tout à la fois la réduction des incertitudes scientifiques et la
maîtrise des risques dans un esprit de dialogue constructif entre les experts scientifiques, le monde politique et la
société civile.

II. - Sources du principe de précaution

A. - Genèse du principe de précaution

8. – Le concept ALARA – Certains auteurs considèrent que la démarche ALARA (As Low As Reasonably
Achievable – « Aussi bas que raisonnablement possible »), applicable en matière de radioprotection et centré sur la
source du risque, peut être regardé comme un précurseur du principe de précaution (O. Godard, La question de la
précaution en milieu professionnel : EDP Sciences / INRS, 2006, p. 82). Cette démarche constitue l’expression d’un
doute quant aux effets pour la santé d’une exposition à de faibles doses de radiations ionisantes. La Commission
internationale de protection radiologique (CIPR) a ainsi proposé dès 1955 un cadre au sein duquel ont été
encouragées des pratiques prudentes, « compte tenu des preuves incomplètes sur lesquelles reposent les valeurs
et de la connaissance que certains effets des rayonnements sont irréversibles et peuvent se cumuler. »
(International Commission on Radiological Protection, “Recommendations of the International Commission on
Radiological Protection”, British Journal of Radiology, Supplement n°6, London, 1955). La démarche ALARA est
depuis devenue un standard professionnel.

9. – Le « Vorsorgeprinzip » en droit allemand – L'Allemagne a, la première, développé la notion juridique de


précaution (Vorsorge) à partir de 1971 (Umweltprogramm der Bundesregierung vom 29.9.1971, BT-Drs VI/2710),
en la distinguant de la notion de prévention qui emporte l’exigence d’une protection contre les risques
(Gefahrenabwehr). La précaution est déjà définie comme l’attitude dictée par la prise en compte d’un risque encore
inconnu mais pressenti. Les autorités allemandes l’ont énoncée sous la forme de principe (Vorsorgeprinzip) en
1976 (Umweltbericht ’76 – Fortschreibung des Umweltprogramms der Bundesregierung vom 14.7.1976, BT-Drs.
8/3713). La jurisprudence l'a reconnue de manière formelle (en particulier, BverwGE, 17 févr. 1984, Bd.69, 1985, p.
43) et des lignes directrices ont été adoptées le 3 septembre 1986 (Leitlinien der Bundesgregierung zur
Umweltvorsorge durch Vermeidung und stufenweise Verminderung von Schadstoffen, BT Drs. 10/6028, 19.09.86).
Le principe de précaution a ensuite irrigué l’ensemble de la politique allemande relative à la protection de
l'environnement et de la santé (V. K. Von Moltke, The Vorsorgeprinzip in West German Environmental policy,
Report prepared at the request of the Royal Commission on environmental Pollution (United Kingdom), 1987).

Le Vorsorgeprinzip, en tant que principe de politique publique, affirme le besoin d’une démarche de planification à
moyen et long terme des mesures de protection de l’environnement. À l’ère de la mondialisation et face à des
enjeux environnementaux complexes, cette démarche était vouée à acquérir une dimension internationale.

B. - Droit international public

10. – Droit international de l’environnement – Jusqu’à sa consécration sous forme de principe en 1992,
plusieurs textes internationaux de valeur juridique inégale témoignent de la mise en œuvre d’une approche de
précaution. Parmi ces textes, il est possible de citer la Charte Mondiale de la Nature adoptée par l'Assemblée
générale des Nations Unies le 28 octobre 1982 (§ 11 b), Le Protocole de Montréal sur les substances qui
appauvrissent la couche d'ozone de 1987 (cons. 2 et 6), la Déclaration ministérielle de la Seconde Conférence
Internationale de la Mer du Nord en 1987 (§ VII et XVI-I), la Conférence internationale sur la protection de la Mer du
Nord de 1990, la déclaration de la Conférence de Bergen sur le développement durable de 1990 (§ 7), la
Résolution de 1991 adoptée dans le cadre de la Convention sur la prévention de la pollution résultant de

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l'immersion des déchets en mer (Rés. LDC 44/14 The application of a precautionary approach in environmental
protection within the framework of the London Dumping Convention).

Ce n'est cependant qu'à l'occasion de la Conférence des Nations unies pour l'environnement et le développement
(CNUED) de Rio de Janeiro de juin 1992 que le principe de précaution été consacré dans l'ordre international. Il
constitue le Principe n° 15 de la Déclaration de Rio et se trouve formulé de la façon suivante : « pour protéger
l'environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités.
En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement. » Cette Déclaration a marqué le point de départ de l'insertion du principe de précaution dans la
presque totalité des traités ayant une portée générale en matière d'environnement (V. M. Boutonnet et A. Guégan,
Historique du principe de précaution, in G. Viney, Ph. Kourilsky, op. cit., 1999, p. 253. - J. Cazala, Le principe de
précaution en droit international : LGDJ/Anthemis, 2006). À titre d'exemple, on citera la convention-cadre sur les
changements climatiques du 9 mai 1992 (art. 3 § 3), la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992
(Préambule), la Convention sur la protection du milieu marin de l'Atlantique Nord-Est du 22 septembre 1992 (art. 2
§ 2).

Bien que les formulations retenues soient assez disparates, certains éléments de définition apparaissent de façon
récurrente en droit international de l’environnement : l'existence d'un risque de dommage grave ou irréversible,
l'absence de certitude scientifique et la mise en œuvre de mesures effectives. Dans un certain nombre de textes et
de lignes directrices où prédomine l’influence de la pensée anglo-saxonne, une exigence de proportionnalité
s’impose aux autorités compétentes et peut motiver la réalisation d’un bilan coûts-avantages ou une analyse coût-
efficacité (V. UK Inter-Departmental Liaison Group on Risk Assessment – ILGRA, the precautionary principle :
policy and application, 2002 ; US Office of Management and Budget - Office of Information and Regulatory Affairs,
Informing Regulatory Decisions: 2003 Report to Congress on the Costs and Benefits of Federal Regulations and
Unfunded Mandates on State, Local, and Tribal Entities ; IUCN–The World Conservation Union, Resource Africa
and TRAFFIC, The Precautionary Principle Project, Guidelines for applying the precautionary principle to
biodiversity conservation and natural resource management, 2005).

11. – Cour internationale de justice – Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a confirmé la valeur
juridique du principe de prévention, elle a pour l'instant évité de prendre position sur le principe de précaution, bien
que les affaires dites des « Essais nucléaires II » et « Gabcikovo-Nagymaros » lui en aient fourni l'occasion (CIJ, 22
sept. 1995, Nouvelle-Zélande c/ France : Rec. CIJ 1995, p. 288 – V. opinions dissidentes du juge Palmer : Rec. CIJ
1995, p. 382 et du juge Weeramantry : Rec. CIJ 1995, p. 317 ; CIJ, 25 sept. 1997, Hongrie c/ Slovaquie : Rec. CIJ
1997, p. 7).
Si la CIJ n’a pas reconnu l’existence d’un principe juridique opposable, les observations formulées dans l’arrêt
Gabcikovo-Nagymaros témoignent de l’importance accordée à une démarche de précaution en matière
environnementale :
« La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la protection de l’environnement, la vigilance et la
prévention s’imposent en raison du caractère souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des
limites inhérentes au mécanisme même de réparation de ce type de dommages.
« Au cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans
le passé, il l’a souvent fait sans tenir compte des effets sur l’environnement. Grâce aux nouvelles perspectives
qu’offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme
inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité – qu’il s’agisse des générations actuelles ou futures –, de
nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments
au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces
exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles
activités, mais aussi lorsqu’ils poursuivent des activités qu’ils ont engagées dans le passé. Le concept de

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développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de
l’environnement. »

12. – Droit international du commerce – En 1994, l’Accord de Marrakech institue l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) et contient en annexe un certain nombre d’accords commerciaux, notamment le texte actualisé
du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui constitue l’accord de référence de l’OMC
pour ce qui concerne le commerce des marchandises) et l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et
phytosanitaires (Accord SPS). Ce dernier obéit à deux objectifs :
• reconnaître le droit souverain des Membres d’assurer le niveau de protection sanitaire qu’ils considèrent
approprié ; et
• faire en sorte que les mesures SPS ne représentent pas des restrictions inutiles, arbitraires,
scientifiquement injustifiables ou déguisées au commerce international.
L’Accord sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC) vise quant à lui les règlements techniques non
couverts par l’Accord SPS.
Par ailleurs, l’Accord de Marrakech prévoit un mécanisme de règlement des différends, ainsi qu’un mécanisme qui
permet d’examiner périodiquement les politiques commerciales des Membres.

13. – Prise en compte d’une approche de précaution par l’OMC – Le principe de précaution n'est pas
mentionné explicitement dans les accords de l’OMC. Pour autant, ceux-ci laissent une place à des considérations
non-commerciales. Ainsi, l’adoption d’une mesure de restriction au commerce international n’est pas forcément
contraire au droit de l’OMC si elle a été adoptée de bonne foi et qu’elle correspond à l’une des dix exceptions
listées à l’article XX du GATT de 1994. Sont notamment visées la protection de la santé et de la vie des personnes
et des animaux ainsi que la préservation des végétaux, d’une part (al. b), et la conservation des ressources
naturelles épuisables d’autre part (al. g). Les Accords OTC (art. 2.2) et SPS (art. 5.5 et 5.7) énoncent des
préoccupations environnementales similaires.
L’article 5.7 de l'Accord SPS autorise l’adoption de mesures restrictives provisoires, moyennant le respect de
plusieurs conditions cumulatives. Il faut que les preuves scientifiques soient insuffisantes pour procéder à une
évaluation scientifique complète des risques, et que les mesures soient élaborées sur la base des
« renseignements pertinents disponibles ». De surcroît, le maintien de ces mesures n’est possible que si le Membre
s’efforce d’obtenir des renseignements additionnels pour procéder à une évaluation scientifique complète, et qu’il
réexamine les mesures dans un délai raisonnable.

Bien qu’il ne soit pas mentionné explicitement, il est possible de considérer que l’article 5.7 de l’Accord SPS met en
œuvre une approche de précaution (V. A. Trouche, Le principe de précaution, entre unité et diversité : étude
comparative des systèmes communautaire et OMC : mémoire Paris I, 2009).

14. – Contrôle des mesures se réclamant d’une approche de précaution – L’application du principe de
précaution en droit international du commerce s’effectue à travers le contrôle des mesures restrictives adoptées par
les États membres (H. Ruiz Fabri, La prise en compte du principe de précaution par l'OMC : Rev. jur. env., n° spéc.
2000, p. 55). Pour l'instant, ni l'article XX du GATT de 1994 ni l’article 2.2 de l’Accord OTC n'ont été examinés sous
l'angle du principe de précaution. En revanche, l’organe de règlement des différends (ORD) s’est déjà prononcé à
plusieurs reprises sur l’application de l’article 5 de l’Accord SPS, en offrant un éclairage intéressant sur l’approche
de précaution :
• affaire dite « de la viande aux hormones » opposant Communautés européennes et États-Unis/Canada
(Rapport de l’Organe d’appel, 16 janv. 1998, WT/DS26 et WT/DS28 ; Rapport du Groupe spécial, 31 mars
2008, WT/DS320) ;
• affaire dite « des importations de saumon » opposant Australie et Canada (Rapport de l’Organe d’appel,
20 oct. 1998, WT/DS18) ;

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• affaire dite « des produits agricoles » opposant Japon et États-Unis (Rapport de l’Organe d’appel, 22 févr.
1999, WT/DS76) ;
• affaire dite « de l’amiante » opposant Communautés européennes et Canada (Rapport de l’Organe
d’appel, 12 Mars 2001, WT/DS135) ;
• affaire dite « des produits biotechnologiques » opposant Communautés européennes et États-Unis
(Rapport du Groupe spécial, 29 sept. 2006, WT/DS291).

Dans toutes ces affaires, les mesures restrictives adoptées par les États membres ont été invalidées. Toutefois,
l’analyse détaillée de ces décisions témoigne d’une application pragmatique du principe de précaution (bien qu’il ne
soit pas reconnu comme tel par l’OMC), très proche de celle dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne
(V. n° 17).

L’ORD rappelle tout d’abord une exigence de méthode : appliquer le principe de précaution, c'est adopter une
démarche scientifique et, en particulier, évaluer le risque suspecté. Dans le cadre de cette évaluation, il convient
notamment d’apporter des éléments sérieux tendant à montrer que ce risque est au moins plausible, et pas
hypothétique. Ensuite, les mesures de gestion du risque doivent être proportionnées, c’est-à-dire adaptées au
risque suspecté et prises en l’absence d’alternatives moins contraignantes ; ces mesures doivent aussi être
provisoires et révisables, en fonction de l’acquisition de nouvelles connaissances scientifiques (V. « Le principe de
précaution : bilan de son application quatre ans après sa constitutionnalisation », compte-rendu de l'audition
publique du 1er octobre 2009 organisée par Claude Birraux, député, et Jean-Claude Etienne (OPECST),
intervention de Christine Noiville). Aussi peut-on considérer que le droit de l’OMC s’oppose aux restrictions
commerciales arbitraires mais ouvre la porte à la prudence lorsqu’elle est un corollaire de la rigueur scientifique.

C. - Droit de l’Union européenne

15. – Les traités – Le principe de précaution a été explicitement inscrit en droit communautaire au sein même du
Traité fondateur à l'occasion de l'adoption du Traité de Maastricht en 1992. Il est aujourd’hui mentionné à l’article
191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui énumère les principes devant fonder la
politique de l’Union dans le domaine de l'environnement. Dans la pratique, le champ d'application du principe est
beaucoup plus large et s'étend également à la politique des consommateurs, à la législation européenne
concernant les aliments, à la santé humaine, animale et végétale.

Assez curieusement, le principe de précaution n’est pas défini dans le TFUE. Sa mise en œuvre est toutefois
encadrée par les textes du droit dérivé, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (V. n° 16 et
17 ) et une Communication générale adoptée par la Commission européenne (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000,
préc.).

Il convient de relever que le principe de précaution est toujours présenté par les institutions européennes comme
participant de la recherche d’un niveau élevé de protection en matière de santé, de protection de l'environnement et
de protection des consommateurs (TFUE, art. 114, 168, 169 et 191).

16. – Le droit dérivé – Plusieurs textes de droit européen dérivé se réfèrent expressément au principe de
précaution et encadrent parfois sa mise en œuvre. Il est possible de citer les directives et règlements suivants :
• directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le
domaine de l'eau ;
• directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement
modifiés dans l'environnement ;
• directive 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits ;

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• règlement (CE) 178/2002 du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions
générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant
des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ;
• règlement (UE) n ° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la
politique commune de la pêche ;
• règlement (CE) n° 2371/2002 du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des
ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (V. également la
Communication de la Commission européenne relative à l’application de l’approche de précaution dans le
cadre de la fixation des totaux admissibles des captures - COM(2000) 803 final, 1er déc. 2000) ;
• directive 2004/37/CE du 29 avril 2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à
l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail ;
• règlement (CE) n° 1907/2006 du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et
l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) ;
• directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets ;
• règlement (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif à la prévention et à la gestion de l'introduction et
de la propagation des espèces exotiques envahissantes.

Cependant, parce qu’il constitue un principe fondateur de la politique environnementale de l’Union européenne, il
n’est pas nécessaire que le principe de précaution soit explicitement mentionné dans les textes de droit dérivé pour
être mis en œuvre. L’Avocat général Cosmas a ainsi indiqué qu’« il serait contraire au principe de précaution de
fixer a priori, de façon limitative, les situations qui réclament l'intervention des pouvoirs publics pour faire face à un
risque pour l'environnement, même si ce risque n'est pas susceptible d'être défini a priori de manière concrète. »
(CJCE, 22 juin 2000, aff. C-318/98, Fornasar et concl. G. Cosmas, 30 sept. 1999, pt 34. - V. également CJUE, 3
déc. 2015, aff. C-82/15 P, PP Nature-Balance Lizenz c/ Commission, pts 19 à 25).

17. – La jurisprudence de la CJUE – Lorsque sa mise en œuvre n’est pas encadrée par un texte de droit dérivé,
une application correcte du principe de précaution présuppose, en premier lieu, l’identification des conséquences
potentiellement négatives pour la santé publique ou l’environnement découlant de l’utilisation d’une substance ou
de l’exercice d’une activité. En second lieu, une évaluation complète du risque doit être menée, à partir des
données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale ;
l’évaluation du risque ne peut pas se fonder sur des considérations purement hypothétiques. Lorsqu’il s’avère
impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature
insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage
réel pour la santé publique ou l’environnement persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de
précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires, objectives et
proportionnées (V. notamment, CJUE, 28 janv. 2010, aff. C-333/08 , Commission c/ France, pts 91-93 et
jurisprudence citée. - CJUE, 29 avr. 2010, aff. C-446/08, Solgar Vitamin’s France . - CJUE, 8 juill. 2010, aff. C-
343/09, Afton).
L’article 34 du TFUE autorise les États-membres à adopter des interdictions ou restrictions d'importation,
d'exportation ou de transit, en les justifiant notamment par des raisons de protection de la santé et de la vie des
personnes et des animaux ou de préservation des végétaux. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent
constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États
membres.

Or, la jurisprudence atteste que la mise en œuvre du principe de précaution a pu donner lieu à des entraves,
rarement justifiées sur le plan juridique, à la libre circulation des marchandises entre les États-membres. C'est
pourquoi certains textes de droit dérivé définissent une base uniforme pour la mise en œuvre du principe de

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précaution. En matière d’environnement et de santé publique, le principe de subsidiarité reste bien sûr applicable et
autorise les États-membres à adopter des mesures d’urgence ou des mesures plus strictes que celles définies par
le droit de l’Union européenne. Selon la jurisprudence, les clauses de sauvegarde constituent une expression
particulière du principe de précaution ; l’article 114 du TFUE permet d’ailleurs à un État-membre d’appliquer une
réglementation dérogeant à une mesure d’harmonisation. Les États-membres doivent cependant respecter les
conditions procédurales définies par le législateur européen afin d’éviter les restrictions arbitraires (V. notamment,
CJCE, 9 sept. 2003, aff. C-236/01, Monsanto e.a, pt 110. - CJUE, 8 sept. 2011, aff. C-58/10 à C68/10, Monsanto
e.a.).

D. - Droit français

18. – De la Loi Barnier au Code de l’environnement – Le principe de précaution a été introduit en droit français
par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement en tant que
principe général devant inspirer la législation relative à la préservation de l'environnement (L. n° 95-101, 2 févr.
1995, dite « Loi Barnier », JO 3 févr. 1995. – sur la genèse du principe de précaution, V. C. Cans, Grande et petite
histoire des principes généraux du droit de l'environnement dans la loi du 2 février 1995 : Rev. jur. env. 1995, p.
193).

Il se trouve désormais énoncé à l’article L. 110-1 II 1° du Code de l’environnement, parmi d’autres principes
généraux du droit de l’environnement, et défini comme le « principe selon lequel l'absence de certitudes, compte
tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures
effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à
un coût économiquement acceptable. »

Selon la formulation retenue, les mesures prises en matière de protection de l’environnement sont inspirées par les
principes mentionnés à l’article L. 110-1 II, « dans le cadre des lois qui en définissent la portée ». Il faut cependant
constater que le principe de précaution est appliqué en France en l’absence de tout encadrement procédural de
nature législative ou réglementaire et que le juge administratif s’y est référé explicitement pour la première fois en
1998 (CE, 25 sept. 1998, Assoc. Greenpeace France : Rec. CE 1998, p. 343 ; JurisData n° 1998-973428). Cet
arrêt a opéré la consécration du principe de précaution comme source de légalité interne. L’exigence d’une
définition normative de la portée de ce principe est donc restée lettre morte.

19. – Du Code l’environnement à la Charte de l’environnement – « Adossée » à la Constitution par la révision


constitutionnelle du 1er mars 2005, aux côtés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et du
préambule de la Constitution de 1946, la Charte de l’environnement a introduit de nouveaux principes, droits et
devoirs en matière environnementale (L. const. n° 2005-205, 1er mars 2005 : JO 2 mars 2005).

Le principe de précaution figure à l’article 5 de la Charte de l’environnement qui dispose que : « lorsque la
réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière
grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, et
dans leur domaine d’attribution, à la mise en œuvre des procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de
mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation d’un dommage. »
De prime abord, il faut relever que cette définition diffère de celle donnée par le Code de l’environnement. En
particulier :
• l’article 5 est d’application directe tandis que, pour tous les autres articles de la Charte, il est précisé que la
loi doit fixer les conditions et limites de leur application ;
• l’article 5 s’adresse aux autorités publiques et tient compte de leurs domaines d’attribution respectifs ;
• l’article 5 impose expressément la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques ;
• au titre de l’article 5, les mesures de gestion des risques doivent être provisoires.

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Le juge national doit mettre en œuvre le principe de précaution au regard de la définition constitutionnelle et de
celle du Code de l’environnement. Force est de constater que les divergences de formulation entre les deux textes
ont été surmontées et n’ont pas encore donné lieu à des divergences d’interprétation flagrantes.

20. – Jurisprudence administrative – Avant toute chose, il convient de rappeler que, comme les textes de droit
dérivé, les arrêts de la CJUE s’imposent à tous les États-membres de l’Union européenne. Aussi faut-il considérer
que les conditions générales de mise en œuvre du principe de précaution dégagées par le juge européen (V. n° 17)
sont valables en France, et que la démarche suivante doit être respectée :
• identification des dangers,
• évaluation complète des risques,
• adoption de mesures de gestion des risques proportionnées.

Le Conseil d’État a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler que, eu égard à sa nature et sa portée, le principe de
précaution, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, garantit l’effectivité du
respect du principe de précaution énoncé à l’article 5 de la Charte de l’environnement (V. CE, 1er août 2013, n°
358103, pts 18 et 22). Le juge administratif peut toutefois être amené à questionner l’effectivité du principe de
précaution en droit dérivé lorsque, suite à une évolution des techniques, les procédures applicables ne permettent
pas de déterminer avec certitude l'existence et l'importance des risques en résultant (V. CE, 3 oct. 2016, n°
388649, pts 20 à 29). À l’instar du juge européen, le juge administratif s’attache à vérifier le respect des trois étapes
susmentionnées, dans le cadre d’un contrôle de légalité (A. Gossement, Le principe de précaution. Essai sur
l’incidence de l’incertitude scientifique sur la décision et la responsabilité publiques : L’Harmattan, 2003).
Premièrement, toute application et toute atteinte alléguée au principe de précaution doivent être assorties de
précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; le principe de précaution n’est pas un slogan (CE, 19 mai
2013, n° 251850, Sté SPM Téléphone . - CE, 17 juill. 2013, n° 347291 : JurisData n° 2013-015663). Ensuite, les
mesures de gestion des risques doivent être prises sur la base d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en
l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains (CE, 30 janv. 2012, n° 344992, Sté Orange
France). Enfin, les mesures de gestion adoptées doivent être conformes au principe de proportionnalité, en ce sens
qu’il ne doit pas exister d’alternative moins contraignante à la mesure retenue (CE, 27 avr. 2011, n° 295235, Solgar
Vitamin’s France : JurisData n° 2011-007109).

Par ailleurs, le juge administratif censure de manière assez systématique les interventions d’autorités non
compétentes (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 326492, Cne Saint-Denis : JurisData n° 2011-023103). D’après la
jurisprudence, lorsque la police spéciale a été exercée, l’autorité de police générale peut édicter des mesures plus
rigoureuses uniquement si des raisons particulières le justifient.

21. – Jurisprudence judiciaire – Dans un arrêt du 3 mars 2010, la Cour de cassation rappelle que si le principe
de précaution s’applique lorsque le risque de pollution n’est pas encore établi, ce risque doit tout de même être
plausible. Les juges ont ainsi décidé que lorsqu’un forage a été exécuté par une entreprise spécialisée, dans les
règles de l’art et le respect des autorisations administratives, et que le risque de pollution d’un captage d’eaux
minérales situé en aval a été formellement exclu par l’expert judiciaire, le principe de précaution ne peut pas trouver
à s’appliquer (Cass. 3e civ., 3 mars 2010, n° 08-19.108 : JurisData n° 2010-001128).

22. – Contrôle de constitutionnalité – Instauré en 1958, le contrôle de constitutionnalité des lois permet de
vérifier la conformité de ces dernières au « bloc de constitutionnalité » dont fait partie la Charte de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de
l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et, depuis la révision constitutionnelle de 1974, soixante députés ou
soixante sénateurs, pour contrôler la constitutionnalité d’une loi entre le moment de son adoption et celui de sa
promulgation.

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Adoptée par le Parlement le 22 mai 2008, la loi relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM) a été
déférée au Conseil constitutionnel le 26 mai par plus de soixante sénateurs et le lendemain par plus de soixante
députés. Les requérants ont notamment invoqué une violation du principe de précaution consacré par l’article 5 de
la Charte de l’environnement. C’est la première fois que le Conseil s’est prononcé sur le principe de précaution
depuis son inscription dans la Charte de l’environnement (comp. Cons. constit., 27 juin 2001, déc. n° 2001-446 DC,
dans laquelle les juges avaient considéré que le principe de précaution ne constituait pas un objectif de valeur
constitutionnelle résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Dans sa
décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, le Conseil a procédé à un double contrôle en s’assurant que le
législateur, d’une part, par les mesures qu’il a adoptées n’a pas méconnu lui-même le principe de précaution et,
d’autre part, que les mesures procédurales qu’il a prises garantissent son respect par les autres autorités
publiques. Le Conseil s’est penché sur les mécanismes d’évaluation et de suivi du risque ; il retient que seuls des
OGM qui, en l’état des connaissances et des techniques, ne présentent pas de danger grave ou irréversible pour
l’environnement peuvent être autorisés, et en déduit que la présence accidentelle d’OGM autorisés dans d’autres
cultures ne peut apparaître comme une violation du principe de précaution (absence de risque de dommage grave
ou irréversible). S’agissant des obligations procédurales, le Conseil a relevé que le législateur a institué un
dispositif complet d’évaluation et de suivi et que les pouvoirs du Haut conseil des biotechnologies sont précisément
définis. La loi est donc bien conforme au principe de précaution.

La loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié a été adoptée par
l’Assemblée nationale le 15 avril 2014 puis, dans les mêmes termes, par le Sénat le 5 mai. Le Conseil
constitutionnel a été saisi de cette loi par plus de soixante sénateurs le 6 mai 2014 et par plus de soixante députés
le 12 mai 2014. Les sénateurs ont notamment invoqué la violation du principe de précaution. Dans sa décision n°
2014-694 DC du 29 mai 2014, le Conseil constitutionnel a retenu la même analyse que dans la décision n° 2013-
346 QPC du 11 octobre 2013 (V. n° 23). Dans cette dernière affaire, le Conseil constitutionnel a pris en
considération le fait que l’interdiction du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour
l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux est une interdiction pérenne. À ce titre,
les dispositions législatives contestées ne sont pas des dispositions prises par le législateur en application du
principe de précaution (V. n° 23 ). Par conséquent, le Conseil constitutionnel a jugé que le grief tiré de la
méconnaissance du principe de précaution était « en tout état de cause inopérant ».

L’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié en France semble avoir anticipé les
dispositions de la directive 2015/412/UE du 11 mars 2015 , qui vient modifier les dispositions de la directive
2001/18/CE, en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d’interdire la culture d’OGM
sur leur territoire (V. n° 29 ).

23. – Exception d’inconstitutionnalité – Depuis le 1er mars 2010, l’exception d’inconstitutionnalité (L. const. n°
2008-724, 23 juill. 2008 : JO 24 juill. 2008, qui a notamment introduit l’article 61-1 de la Constitution. - L. org. n°
2009-1523, 10 déc. 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution) permet à toute personne qui est
partie à un procès de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit. À travers la « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC), il appartient au Conseil constitutionnel,
saisi sur renvoi par le Conseil d'État ou la Cour de cassation de se prononcer et, le cas échéant, d'abroger la
disposition législative.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé pour la première fois en octobre 2013 sur la violation éventuelle du
principe de précaution dans le cadre d'une QPC. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juillet 2013 par le
Conseil d’État (CE, 12 juill. 2013, n° 367893 : JurisData n° 2013-015619) d’une QPC posée par la Société
Schuepbach Energy LLC et portant sur les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire
l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger
les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Dans sa décision n°
2013-346 QPC du 11 octobre 2013, le Conseil constitutionnel a pris en considération le fait que l’interdiction du

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recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines
d’hydrocarbures liquides ou gazeux est une interdiction pérenne. À ce titre, les dispositions législatives contestées
ne sont pas des dispositions prises par le législateur en application du principe de précaution. Par conséquent, le
Conseil constitutionnel a jugé que le grief tiré de la méconnaissance du principe de précaution était « en tout état
de cause inopérant ».
Une telle motivation ne manque pas de surprendre par son caractère lapidaire. Le Conseil souligne toutefois que
« le législateur a entendu prévenir les risques que ce procédé de recherche et d’exploitation des hydrocarbures est
susceptible de faire courir à l’environnement. » D’ailleurs, la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 ne vise pas
spécifiquement le principe de précaution mais le principe d’action préventive et de correction. En somme, en
présence de risques avérés, le principe de prévention autorise la mise en place d’une interdiction pérenne et fait
incidemment obstacle à la mise en œuvre du principe de précaution (qui justifie, lui, des mesures provisoires
uniquement). Faut-il alors considérer que la seule mise en place d’une interdiction pérenne fait obstacle à la mise
en œuvre du principe de précaution ? Le débat reste ouvert.

E. - Champ d’application du principe de précaution

24. – Protection de l’environnement – L'examen des sources textuelles du principe de précaution tend à montrer
que le domaine « réservé » du principe de précaution est l'environnement. Le juge administratif a eu l’occasion de
rappeler que le principe de précaution n’est susceptible de s’appliquer qu’aux possibles dommages de nature à
affecter de manière grave et irréversible l’environnement (V. notammentCE, 26 juill. 2011, n° 342453, SNPL :
JurisData n° 2011-015731). L’environnement reste le champ d’application originel et privilégié du principe.

Aussi, à défaut de critères scientifiques permettant de définir avec certitude les atteintes portées aux ressources
naturelles, de nombreux phénomènes de dégradation des ressources naturelles semblent désormais abordés sous
l’angle du principe de précaution. Le recours aux notions de « potentiel écologique » ou d’« état de conservation
favorable » en témoigne, ainsi que l’importance croissante accordée à la préservation de la diversité biologique. En
l’absence de certitude, il est préférable de préserver la richesse potentielle des ressources naturelles, en tenant
compte des fonctions et services écologiques déjà identifiés, mais également de ceux qui sont ignorés ou ne sont
pas encore utilisés. Ainsi, pour E. Naim-Gesbert, « le principe de précaution tempère le fait que la science tienne
en l’état le droit de l’environnement. Celui-ci, s’il est tributaire de l’état des connaissances scientifiques, ne demeure
pas inactif en cas d’incertitude scientifique, ce qui est conforme à la conception moderne du droit. » (E. Naim-
Gesbert, Les dimensions scientifiques du droit de l’environnement : Bruylant – VUB Press, 1999, p. 570).

25. – Urbanisme – Dans son arrêt Association du Quartier Les Hauts de Choiseul du 19 juillet 2010 (CE, 19 juill.
2010, n° 328687 : JurisData n° 2010-012229), le Conseil d’État a considéré que : « Les dispositions de l’article 5
de la Charte de l’environnement n’appellent pas de dispositions législatives et réglementaires précisant les
modalités de mise en œuvre [du principe de précaution]. Elles s’imposent donc aux pouvoirs publics et aux
autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs - comme, en l’espèce, la législation sur
l’urbanisme. » (Comp. quant à l’inapplicabilité du principe de précaution en matière d’urbanisme dans l’état du droit
antérieur à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement : CE, 20 avr. 2005, n° 248233, Sté Bouygues
Télécom : JurisData n° 2005-068430).

26. – Biodiversité – Dans le préambule de la Convention sur la diversité biologique signée à Rio en 1992, les
Parties contractantes font état de leur préoccupation du fait que la diversité biologique s'appauvrit
considérablement par suite de certaines activités anthropiques et soulignent, dans le même temps, le défaut de
renseignements et de connaissances sur la diversité biologique. Ces deux observations justifient la mise en œuvre
du principe de précaution : « lorsqu'il existe une menace de réduction sensible ou de perte de la diversité
biologique, l'absence de certitudes scientifiques totales ne doit pas être invoquée comme raison pour différer les
mesures qui permettraient d'en éviter le danger ou d'en atténuer les effets. »

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La plupart des discours relayés par les médias en matière de biodiversité présente un ton alarmiste voire
catastrophiste, oscillant entre érosion de la biodiversité et sixième crise d’extinction des espèces, sans que soient
rapportées des données scientifiques fiables et précises étayant ce constat. On devine d’ailleurs immédiatement
les difficultés méthodologiques liées à la mesure d’un phénomène d’ampleur planétaire, à la détermination d’un
taux d’extinction global et à une comparaison entre différentes époques géologiques (R. M. May, How many
species are there on earth ? : Science, 1988, n° 247, p. 1441. - R. M. May, J. H. Lawton, N. E. Stork, in Extinction
Rates, eds Lawton JH, May RM, Oxford Univ Press, Oxford, 1995, p. 1. - A. Balmford, R. E. Green, M. Jenkins,
Measuring the changing state of nature, Trends Ecol Evol, 2003, n° 18, p. 326. - F. HE & S. P. Hubbell, Species–
area relationships always overestimate extinction rates from habitat loss, Nature, 2011, n° 473, p. 368). Les
craintes exprimées sont toutefois étayées par plusieurs constats alarmants, généralement à l’échelle de biorégions.
Dans ce contexte d’incertitude scientifique, les causes de dégradation de la diversité biologique sont quant à elles
bien identifiées : modification des habitats des espèces, surexploitation, pollution, introduction d'espèces exotiques
envahissantes, changements climatiques. Par conséquent, comme le souligne l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE), « ce type de situation suggère l’adoption d’une attitude prudente, c’est-à-dire
la prise de décisions favorisant plutôt la préservation de la diversité biologique que sa perte. » (OCDE, Manuel
d’évaluation de la biodiversité. Guide à l’intention des décideurs : Les Editions de l’OCDE, 2002, p. 76)

À titre d’illustration, d’après la jurisprudence de la CJUE, l’article 6 alinéa 3 de la directive « habitats » (Dir.
92/43/CEE, 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore
sauvages) doit être interprété à la lumière du principe de précaution ; il impose aux autorités publiques ainsi qu’aux
porteurs de projets une évaluation des incidences d’un plan ou d’un projet dès lors que l’absence d’effets
significatifs sur une zone spéciale de conservation n’est pas certaine. En pratique, il faut d’abord examiner si le site
peut être significativement affecté par le plan ou le projet et, ensuite, si le risque d’effets négatifs ne peut pas être
exclu sur la base d’éléments objectifs, procéder à une évaluation complète. En principe, les autorités publiques ne
peuvent accorder une autorisation que si elles sont certaines de l’absence d’effets préjudiciables durables à
l’intégrité de ce site. Des mesures visant à réduire ou à éviter le dommage peuvent être prise en compte dans cette
appréciation. Par ailleurs, en cas d’incertitude scientifique, il est possible d’obtenir de nouvelles données et
connaissances en poursuivant l’évaluation pendant la mise en place du plan ou du projet. Enfin, en application de
l’article 6 al. 4 de la directive « habitats », des plans ou des projets peuvent être acceptés de manière dérogatoire
en dépit d’effets négatifs, lorsqu’il existe des raisons impératives d’intérêt public majeur, qu’il n’y a pas de solutions
alternatives et que toutes les mesures compensatoires nécessaires ont été prises pour assurer que la cohérence
globale de Natura 2000 est protégée (V. CJCE, 7 sept. 2004, aff. C-127/02, Vereniging. - CJUE, 11 avr. 2013, aff.
C258/11, Sweetman).
Rapportée à l’échelle d’un plan ou d’un projet, la mise en œuvre du principe de précaution ne conduit donc pas à
des interdictions systématiques. Il est en revanche important que la mise en place d’un plan ou d’un projet puisse
s’accompagner d’une amélioration des connaissances scientifiques et techniques, via un programme de recherche
ou des mesures de suivi par exemple.

27. – Santé publique – Les autorités publiques, tant européennes que nationales, ainsi d'ailleurs que l'opinion
publique, tendent à conférer une portée générale au principe de précaution. Plusieurs « crises sanitaires » (vache
folle, dioxines, amiante) ont ainsi fait apparaître la nécessité d'appréhender l'objectif de protection de
l'environnement de manière large, afin de s'assurer que l'environnement ne puisse véhiculer des facteurs de
risques pour la santé humaine (V. C. London, Santé et environnement : des approches complémentaires : LPA 8
mars 2001, p. 4). En France, le Conseil d'État a étendu, sans support légal, le principe de précaution dans le
domaine de la santé publique. De la même façon, en droit européen, le principe de précaution a été invoqué par la
Cour de justice et le Tribunal de première instance, dans des domaines relatifs à la santé.

À l’échelle européenne, cette extension est aujourd’hui justifiée par l’article 191 alinéa 1 du TFUE qui dispose que
« la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :

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• « la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement,


• la protection de la santé des personnes,
• l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,
• la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou
planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique. »

Les juges européens ont souligné à plusieurs reprises que « les exigences liées à la protection de la santé publique
doivent se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques. » (CJCE, ord.,
12 juill. 1996, aff. C-180/96 R , Royaume-Uni c/ Commission, pt 93. - CJCE, 17 juill. 1997, aff. C-183/95, Affish , pt
43. - TPICE, ord., 15 sept. 1998, aff. T-136/95 , Infrisa c/ Commission, pt 58. - TPICE, 30 juin 1999, aff. T-13/99,
Pfizer Animal Health SA, pt 171). Dans l’arrêt Artegodan, la CJCE considère que le principe de précaution est « un
principe général du droit communautaire imposant aux autorités compétentes de prendre des mesures appropriées
en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l'environnement, en faisant
prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques. » (TPICE, 26 nov. 2002,
aff. T-74/00, pt 184). Ceci étant, la prépondérance de la protection de la santé publique n’exclut pas une évaluation
circonstanciée des risques et le respect du principe de proportionnalité dans la phase de gestion des risques
(TPICE, 26 nov. 2002, préc., pt 194).

28. – Sécurité alimentaire – Institution créée conjointement par la FAO (Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture) et l'OMS (Organisation mondiale de la santé) en 1962, la Commission du Codex
alimentarius a pour objet d'édicter des normes internationales en matière alimentaire. Faisant le lien entre libre-
échange et sécurité alimentaire, elle a vocation à promouvoir des pratiques commerciales loyales et à protéger la
santé des consommateurs. Organe de normalisation technique, la commission du Codex alimentarius n'émet en
principe que des normes incitatives, sans force obligatoire. Par ailleurs, le principe de précaution ne compte pas
parmi les principes généraux énoncés dans le Codex alimentarius. Nous avons toutefois observé que le droit de
l’OMC s’est ouvert à une approche de précaution et que l’ORD a reconnu sa légitimité en matière de sécurité
alimentaire (V. n° 13 et 14).

En Europe, l'applicabilité du principe de précaution en matière de sécurité alimentaire a été affirmée par la CJUE à
l'occasion des affaires de la « Vache folle » (CJCE, 5 mai 1998, aff. C-180/96, Royaume-Uni c/ Commission. -
CJCE, 5 mai 1998, aff. C-157/96, National Farmers' Union e.a.). Aujourd’hui, le règlement (CE) 178/2002 du 28
janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire précise
dans son article 7 les conditions de mise en œuvre du principe de précaution.

29. – Organismes génétiquement modifiés (OGM) – Afin de tenir compte des techniques particulières qui
aboutissent à la création d’OGM et du fait que leur dissémination peut produire des effets irréversibles sur
l'environnement, la directive 90/220/CEE du 23 avril 1990 a institué une procédure d’évaluation spécifique qui
s’éloigne des méthodes standards applicables aux produits agro-alimentaires ; se fondant sur le « principe de
l'action préventive » (cons. 1), le législateur européen a considéré que « la protection de la santé humaine et de
l'environnement demande qu'une attention particulière soit accordée au contrôle des risques découlant de la
dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement » (cons. 3). Outre la mise en place d’un régime harmonisé
de notification et d’autorisation, tant pour la culture (introduction intentionnelle dans l’environnement) que pour la
mise sur le marché (y compris l’importation) d’OGM, une clause de sauvegarde (art. 16) autorise les États
membres à limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente sur leurs territoires d’un OGM dûment
notifié et autorisé, en cas de risque pour la santé humaine ou l'environnement (O. Godard, Le principe de
précaution et la controverse OGM : Economie publique, n° 21, 2007/2, p. 13).

La directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 a procédé à une refonte du texte de 1990 qui avait été modifié à
plusieurs reprises. Pour la première fois, il est signalé que : « Il a été tenu compte du principe de précaution lors de

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la rédaction de la présente directive et il devra en être tenu compte lors de sa mise en œuvre » (cons. 8, art. 1er,
art. 4 et ann. II). La procédure d’évaluation harmonisée a été maintenue et complétée, ainsi que la clause de
sauvegarde. Par la suite, deux règlements sont venus compléter le cadre réglementaire applicable à la mise sur le
marché des OGM, l'un relatif aux OGM dans l'alimentation humaine et animale (règl. 1829/2003/CE), l'autre ayant
trait à la traçabilité et à l'étiquetage des OGM (règl. 1830/2003/CE). L'Autorité européenne de sécurité des aliments
(EFSA) est chargée de l’évaluation des OGM et de leurs produits dérivés destinés à être mis sur le marché et
utilisés dans la chaîne alimentaire humaine et animale.
La directive 2015/412/UE du 11 mars 2015 est venue modifier la directive 2001/18/CE afin d’étendre les motifs
d’interdiction de mise en culture des OGM sur le territoire respectif des États-membres. Peuvent désormais être
invoqués des motifs liés : a) à des objectifs de politique environnementale ; b) à l'aménagement du territoire ; c) à
l'affectation des sols ; d) aux incidences socio-économiques ; e) à la volonté d'éviter la présence d'OGM dans
d'autres produits ; f) à des objectifs de politique agricole ; g) à l'ordre public. En revanche, les questions relatives à
la mise sur le marché et à l'importation des OGM restent, pour l’instant, réglementées au niveau de l'Union
européenne afin de préserver le Marché intérieur.

Dans une décision du 3 octobre 2016 (n° 388649), le Conseil d’État a transmis à la CJUE une question préjudicielle
afin de s’assurer de l’effectivité du principe de précaution suite à une évolution des techniques de mutagénèse.
L'invalidité éventuelle des dispositions de la directive du 12 mars 2001 résulterait alors de circonstances de fait
intervenues postérieurement à l'adoption de la directive, à savoir l'évolution des techniques, et plus
spécifiquement : l'apparition de nouvelles variétés de plantes obtenues grâce à ces techniques, les incertitudes
scientifiques actuelles sur les incidences de ces techniques et les risques potentiels qui peuvent en résulter pour
l'environnement et la santé humaine et animale.

30. – Santé des travailleurs – Le principe de précaution est mentionné dans la directive 2004/37/CE du 29 avril
2004 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou
mutagènes au travail. Les agents cancérogènes sont classés en plusieurs catégories selon leur degré de risque de
cancérogénicité pour l'homme. Plus qu'un classement en termes de risque, il s'agit en fait d'une appréciation
qualitative de l'incertitude quant au danger de cancérogénicité d'un agent. L’article 36 du règlement CLP (Règl.
(CE) n° 1272/2008, 16 déc. 2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des
mélanges) définit ainsi trois classes de cancérogénicité :
• catégorie 1A : potentiel cancérogène avéré,
• catégorie 1B : potentiel cancérogène supposé,
• catégorie 2 : potentiel cancérogène suspecté.
Le dispositif français d’établissement et de contrôle des valeurs limites d’exposition à des agents chimiques en
milieu professionnel (VLEP) témoigne, lui aussi, d’une approche de précaution. Lors de la phase d’évaluation des
risques, les experts scientifiques appliquent notamment des facteurs de sécurité pour extrapoler à l’homme des
résultats observés sur des animaux de laboratoire. Dans la phase de gestion des risques, l’arrêté du 15 décembre
2009 relatif aux contrôles techniques des VLEP sur les lieux de travail, impose une analyse statistique de
l'ensemble des mesures d'exposition réalisées. Lorsque le résultat d’une mesure met en évidence un dépassement
de 30 % de la VLEP, des actions préventives doivent être adoptées par l’employeur.

31. – Gestion des substances chimiques – Le règlement REACH (PE et Cons. UE, règl. n° 1907/2006, 18 déc.
2006, préc.), entré en vigueur le 1er juin 2007, vise à améliorer les connaissances et la gestion des risques
sanitaires et environnementaux liés à la production et à l’utilisation de substances chimiques (A. Gossement,
L’incidence du projet Reach sur la responsabilité du producteur de produit chimiques : Gaz. Pal. 2005, doctr., p.
3851. - A. Gardères, REACH : The Legal perspective : Hazardous Cargo Bulletin, July 2008, p. 36). À cette fin, il
instaure notamment une procédure d’enregistrement (Titre II) pour toutes les substances chimiques, une procédure
d’autorisation (Titre VII) pour l’usage des substances extrêmement préoccupantes (telles que les substances

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cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques – CMR) et une procédure de restriction (Titre VIII) lorsque la
fabrication ou l’utilisation de substances dangereuses présentent un risque inacceptable pour la santé humaine ou
l’environnement. Contrairement à la réglementation antérieure, la responsabilité et le coût de la gestion des risques
liés aux substances et mélanges chimiques sont supportés en totalité par les entreprises (cons. 8) et non plus par
les autorités publiques (CSES, Interim Evaluation: Functioning of the European chemical market after the
introduction of REACH, 30th March 2012, p. 7).
Le règlement REACH met en œuvre le principe de précaution en imposant des mesures d’évaluation et de gestion
des risques. La procédure d’enregistrement impose à chaque fabricant et importateur d’une substance chimique en
Europe de constituer un dossier rassemblant un grand nombre de données sur la substance concernée
(composition, propriétés physico-chimiques, toxicologiques et éco-toxicologiques, utilisations, mesures de gestion
des risques à mettre en place pour chaque catégorie d’utilisation, etc.). Le règlement REACH prévoit la mise en
place de forums d’échange d’informations sur les substances (FEIS) qui permettent aux fabricants, importateurs et
utilisateurs d’une même substance de préparer collectivement le dossier d’enregistrement. Les dossiers
d’enregistrement sont ensuite évalués par l’Agence européenne des produits chimiques (désignée par l’acronyme
anglais ECHA) et les États membres. La première phase d’enregistrement qui s’est achevée en 2010 a vu le dépôt
de 27600 dossiers couvrant 5500 substances ; la seconde phase qui s’est terminée en 2013 a vu l’enregistrement
de 2923 substances ; la troisième phase s’achèvera en 2018. La procédure d’autorisation interdit la mise sur le
marché des substances extrêmement préoccupantes (désignées par l’acronyme anglais SVHC) sauf à ce que les
utilisateurs disposent d’une autorisation spécifique et temporaire, accordée au vu de la maîtrise des risques, des
possibilités de substitution et d’une analyse socio-économique. La procédure de restriction constitue, quant à elle,
un « filet de sécurité » permettant de restreindre ou d’encadrer l’utilisation de substances dangereuses en présence
d’un risque inacceptable.

32. – Risques chimiques émergents (1/2) : le cas des nanomatériaux – Les substances à l’état
nanoparticulaire ont des dimensions comprises entre 1 et 100 nanomètres (1 à 100 milliardièmes de mètre). Elles
ont été développées et mises sur le marché pour des propriétés techniques nouvelles, liées à leur taille, leur
structure ou encore leur surface spécifique. Ces matériaux sont susceptibles de lever certains verrous
technologiques dans des domaines variés tels que la santé, l’énergie, l’environnement, les technologies de
l’information et de la communication et les transports. Ils sont également utilisés dans plusieurs produits de
consommation (cosmétiques, peintures, textiles…). Les nanomatériaux apparaissent donc comme un enjeu
économique et sociétal majeur. Cependant, leur développement récent s’accompagne d’une absence de certitudes
concernant les risques éventuels de ces substances pour l’homme et pour l’environnement. Les méthodes
existantes d'évaluation des risques liés aux substances chimiques sont applicables aux nanomatériaux, en
particulier le règlement REACH (V. n° 31), mais les connaissances scientifiques sur ces substances demeurent
lacunaires. Ces incertitudes conduisent à des interrogations sur le niveau de maîtrise de ces risques et sur la mise
en place d’un encadrement réglementaire approprié. Il est donc nécessaire d’accroître la quantité d’informations
permettant l’évaluation et la gestion des risques.
À cette fin, la Commission européenne a adopté une recommandation n° 2011/696/UE du 18 octobre 2011
relative à la définition des nanomatériaux. Sur cette base, une procédure d’évaluation des risques peut être mise en
œuvre.

Au niveau français, un dispositif de déclaration des substances à l’état nanoparticulaire a été institué afin de mieux
connaître la réalité de la production et de l’utilisation de ces substances. Cette obligation de déclaration s’impose
aux personnes qui fabriquent, importent ou distribuent des substances à l'état nanoparticulaire, en l'état ou
contenues dans des mélanges sans y être liées, ou des matériaux destinés à rejeter de telles substances dans des
conditions normales ou raisonnablement prévisibles d'utilisation (C. envir.., art. L. 523-1 à L. 523-8 ; R. 523-12 et
s.).

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33. – Risques chimiques émergents (2/2) : le cas des des perturbateurs endocriniens – Les perturbateurs
endocriniens sont des substances chimiques, d'origine naturelle ou artificielle, qui peuvent interférer avec la
synthèse, le stockage, le transport dans l'organisme, le métabolisme, la fixation, l'action ou l'élimination des
hormones naturelles. Ces substances sont susceptibles de modifier le fonctionnement d'une partie du système
endocrinien, soit en simulant l’effet des hormones naturelles, soit en le bloquant. Les premières études suspectant
ce phénomène datent de la fin des années 1990 et portent sur les modifications du comportement sexuel des
poissons en rivière polluée. Les pertubateurs endocriniens d’origine anthropique comprennent des hormones de
synthèse (utilisées à des fins contraceptives ou médicales) et des produits chimiques utilisés dans l'industrie (par
exemple, dans certains produits d'entretien industriels), dans l'agriculture (par exemple, dans certains pesticides) et
dans des biens de consommation (par exemple, dans certains additifs des plastiques). Cette catégorie comprend
aussi certains sous-produits industriels, comme les dioxines. Les effluents municipaux constituent une source
importante de rejet d’hormones dans le milieu aquatique en raison de l’efficacité limitée des procédés de traitement
des eaux usées pour éliminer complètement ces composés. Les méthodes existantes d'évaluation des risques liés
aux substances chimiques sont applicables aux perturbateurs endocriniens, en particulier le règlement REACH (V.
n° 31). Cependant, l’évaluation de l’exposition aux perturbateurs endocriniens et leur impact sur la santé humaine
fait face à plusieurs difficultés méthodologiques : identification des molécules suspectes, estimation des doses
absorbées, phénomènes d’interaction (effet « cocktail »), absence d’étude épidémiologique, etc.

Au niveau européen, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a rendu en mars 2013 un avis
scientifique visant la définition et l'harmonisation des critères d'identification des perturbateurs endocriniens (EFSA
Journal 2013;11(3):3132). Après avoir été condamnée en décembre 2015 (Trib. UE, 16 déc. 2015, aff. T-521/14 )
par le Tribunal de l'Union européenne pour ne pas avoir respecté l’échéance de décembre 2013 qui lui était
imposée par le règlement « Biocides » (Règl. (UE) n° 528/2012, 22 mai 2012) pour adopter des critères de
définition des perturbateurs endocriniens, la Commission européenne a présenté, le 15 juin 2016, des critères
permettant d’identifier les perturbateurs endocriniens dans le domaine des produits phytopharmaceutiques et
biocides (COM(2016) 350 final). Ces critères sont fondés sur la définition d’un perturbateur endocrinien adoptée par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2002 (World Health Organisation International Program on Chemical
Safety, Global assessment of the state-of-the-science of endocrine disruptors, 2002, WHO/PCS/EDC/02.2). La
Commission européenne a proposé deux textes réglementaires pour appliquer ces critères et identifier les
perturbateurs endocriniens : un acte délégué contenant des critères applicables aux substances chimiques relevant
du champ d'application du règlement sur les produits biocides (C(2016) 3752 projet), et un règlement contenant
des critères applicables aux substances chimiques relevant du règlement sur les produits phytopharmaceutiques
(C(2016) 3751 projet).

Au niveau français, un Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (PNRPE) a été créé en
2005 ; il a vocation à rassembler les acteurs de différentes disciplines (biologie fondamentale, médecine,
(éco)toxicologie, épidémiologie, sciences humaines et sociales…) et à contribuer au développement d’une
communauté de chercheurs sur la thématique de la perturbation endocrinienne. Compte tenu des discussions et
études menées notamment par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l’ANSES sur
les effets de l’exposition au bisphénol A (BPA), le législateur a souhaité intervenir en 2010 et 2012 pour édicter
certaines mesures de protection (L. n° 2010-729, 30 juin 2010 . - L. n° 2012-1442, 24 déc. 2012). Dans sa décision
n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015, le Conseil constitutionnel a invalidé une partie du dispositif d’interdiction
au motif que le législateur a apporté à la liberté d'entreprendre des restrictions qui ne sont pas en lien avec l'objectif
poursuivi. Ainsi, la fabrication et l’exportation de cette substance en France ou depuis la France restent autorisées.
Il en va de même pour les néonicotinoïdes dont seule l’utilisation sera interdite en France à compter du 1er
septembre 2018 (L. n° 2016-1087, 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
- Cons. const., déc. n° 2016-737 DC, 4 août 2016). Par ailleurs, une stratégie nationale sur les perturbateurs
endocriniens a été adoptée en avril 2014 ; elle prévoit notamment d’amplifier la démarche d’évaluation des dangers
et risques de substances susceptibles d’être perturbateurs endocriniens ou utilisées par des populations sensibles,

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via un programme d’expertise confié à l’ANSES et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de
santé (ANSM).

34. – Sécurité des produits – La directive 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des
produits tient compte du principe de précaution. Pour tout produit susceptible d'être dangereux, les États membres
sont en effet autorisés à adopter notamment des interdictions temporaires, « pendant la période nécessaire aux
différents contrôles, vérifications ou évaluations de la sécurité » (art. 8 al. 1 et 2). Dès lors que la directive
n’encadre pas de façon détaillée le recours au principe de précaution, les conditions générales de mise en œuvre
définies par la CJUE sont applicables (V. n° 17 ).

III. - Mise en œuvre du principe de précaution

A. - Facteurs déclenchants

35. – Notion d’incertitude scientifique – L'incertitude scientifique est liée à l'insuffisance des connaissances
scientifiques et techniques et non au caractère éventuellement aléatoire du phénomène considéré. Dans l’esprit
des rédacteurs de la Charte de l’environnement, le principe de précaution ne doit s'appliquer qu'en cas de réelle
incertitude scientifique et non en cas d'incertitude statistique : lorsque l’incertitude porte uniquement sur la date de
survenance du dommage, le principe de prévention prend le relais du principe de précaution.

Par ailleurs, le principe de précaution ne doit pas reposer sur une approche purement hypothétique du risque,
fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées (TPICE, 30 juin 1999, aff. T-13/99 R,
préc., pt 143). La personne qui dénonce un risque devrait apporter un début de preuve permettant de fonder ce
risque sur une hypothèse scientifiquement crédible (G. Viney, Ph. Kourilsky, op. cit., 1999, p. 65).

36. – Un risque de dommage grave ou irréversible – Tous les instruments relatifs au principe de précaution
n’envisagent pas un niveau de dommage en deçà duquel le principe n’aurait pas vocation à s’appliquer. Toutefois,
l’absence de référence à un seuil de gravité du dommage ne permet pas d’étendre l’application du principe au
moindre inconvénient ou à la simple gêne (J. CAZALA, op. cit., 2006, p. 128). L’autorité publique qui met en œuvre
le principe, ou la personne qui réclame sa mise en œuvre ou allègue sa violation, doivent fournir des éléments
suffisamment précis et circonstanciés quant aux effets potentiellement négatifs qu’ils suspectent (nature et ampleur
du dommage). En revanche, la gravité du dommage potentiel n’a pas à être pleinement démontrée, il suffit qu’elle
soit suspectée (V. CJCE, 9 sept. 2003, aff. C236/01, Monsanto e.a., pt 111. - CJCE, 26 mai 2005, aff. C132/03,
Codacons et Federconsumatori, pt 61. - CJCE, 12 janv. 2006, aff. C504/04, Agrarproduktion Staebelow, pt 39).
Les procédures d’évaluation des risques sont généralement lourdes et coûteuses. Dans un souci d’efficacité
économique, il pourrait être suggéré qu’elles ne soient pas déclenchées lorsque le coût du dommage suspecté est
inférieur au coût de leur déploiement, ou tout au moins que le coût de l’évaluation soit proportionné au coût du
dommage.

La détection des « risques émergents » est importante afin de pouvoir mettre en œuvre, s'il y a lieu, le principe de
précaution. La détection des « signaux faibles sanitaires et environnementaux » ainsi qu'une veille scientifique
efficace en sont des conditions indispensables. Sur cette question, il convient de mentionner la loi n° 2013-316 du
16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des
lanceurs d'alerte. Ce texte introduit en droit français un droit d'alerte en matière de santé publique et
d'environnement (C. trav., art. L. 4133-1 à L. 4133-5).

37. – De l’évaluation à la gestion du risque – L’évaluation des risques doit être aussi complète que possible
compte tenu des circonstances particulières du cas d’espèce. Les avis scientifiques formulés doivent être
conformes à une triple exigence d'excellence, de transparence et d'indépendance. L’évaluation des risques
constitue une garantie procédurale importante afin d'éviter la prise de mesures arbitraires (TPICE, 30 juin 1999, aff.
T-13/99 R, préc., pt 172). L’expertise doit être pluridisciplinaire et contradictoire. Par ailleurs, comme le souligne les

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Professeurs Viney et Kouriksy, « une opinion minoritaire appuyée sur une démarche majoritairement reconnue
comme valable doit être retenue. En revanche, une opinion minoritaire fondée sur une démarche non
majoritairement reconnue sera sujette à caution. » (G. Viney, Ph. Kourilsky, op. cit., 1999, p. 30)

D'après la Commission européenne (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000, préc., pt 5.1.2 et ann. III), l'évaluation des
risques devrait comprendre quatre étapes successives, susceptibles, chacune, d'être affectées par les limites des
connaissances :
• identification du danger : déceler les agents divers susceptibles d'avoir des effets défavorables ;
• caractérisation du danger : détermination en termes quantitatifs et/ou qualitatifs de la nature et de la
gravité des effets défavorables ;
• évaluation de l'exposition au risque : évaluation quantitative ou qualitative de la probabilité d'exposition à
l'agent étudié ;
• caractérisation du risque : estimation qualitative et/ou quantitative tenant compte des incertitudes
inhérentes à l'exercice, probabilité, fréquence et gravité des effets défavorables, potentiels ou connus
susceptibles de se produire pour l'environnement et la santé.

La phase de gestion du risque est, quant à elle, éminemment politique puisqu'elle implique la fixation du niveau de
risque acceptable, alors que la phase antérieure d'évaluation du risque relève de l'analyse scientifique (M.-A.
Hermitte, et V. David, Évaluation des risques et principe de précaution : LPA 30 nov. 2000, p. 13). Pour la
détermination de ce risque acceptable, les autorités publiques doivent tenir compte de l’objectif d’un niveau élevé
de protection en matière de santé, de protection de l'environnement et de protection des consommateurs (TFUE,
art. 114, 168, 169 et 191). L’application du principe de précaution peut également justifier que les pouvoirs publics
ne prennent aucune mesure contraignante, dès lors que cette décision est prise au terme d’une évaluation
complète et que la recherche scientifique est poursuivie. Comme le signale la Commission européenne, « la
décision de ne pas agir peut constituer, elle aussi, une réponse. » (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000, préc., pt 5.2.1).

Dans un souci d’indépendance de l’expertise scientifique et d’efficacité politique, l’évaluation et la gestion des
risques devraient être à la charge d’autorités publiques distinctes (L. Lorvellec, L'action des autorités publiques
françaises dans la crise de la vache folle : RD rur. 1997, p. 214). À titre d’exemple, l’autorité en charge de
l’évaluation des risques d’un produit ne devrait pas être chargée de son autorisation de mise sur le marché.

38. – Acteurs concernés – Si les sources textuelles sont parfois imprécises sur ce point, il ressort clairement de
la jurisprudence européenne et de celle du juge administratif que le principe de précaution s’adresse en premier
lieu aux autorités publiques, et qu’elles doivent le mettre en œuvre en fonction de leurs domaines de compétence
respectifs (V. n° 17 et 20 ). Il semble donc que le principe de précaution ne s’adresse qu’indirectement aux
personnes privées. En effet, les décideurs publics répercutent les obligations liées à la précaution sur les
personnes privées, et c'est dans cette mesure seulement que le principe s'applique à ces dernières (V. P.
Kromarek, Le principe de précaution vu par l'industrie : Dr. env. n° 7-8, 2001, p. 189).
La nécessité d'identifier et d'anticiper les risques de dommage grave pour la santé et l’environnement impose la
mise en place d'un dispositif de veille sanitaire, alimentaire et environnementale. En France, plusieurs agences
administratives sont en charge de cette veille :
• l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) : cet établissement public à caractère
scientifique et technologique a été créé en 1964 et est placé sous la double tutelle du ministère de la Santé
et du ministère de la Recherche. Seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé
humaine, l’INSERM s’est vu confier, en 2008, la responsabilité d’assurer la coordination stratégique,
scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale ;

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• Santé publique France est l'Agence nationale de santé publique : cet établissement public administratif a
été créé par l'ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 et le décret n° 2016-523 du 27 avril 2016. En tant
qu'agence scientifique et d’expertise du champ sanitaire, Santé publique France a en charge :
l'observation épidémiologique et la surveillance de l'état de santé des populations ; la veille sur les risques
sanitaires menaçant les populations ; la promotion de la santé et la réduction des risques pour la santé ; le
développement de la prévention et de l'éducation pour la santé ; la préparation et la réponse aux menaces,
alertes et crises sanitaires ; le lancement de l'alerte sanitaire ;
• l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) : Cet
établissement public administratif a été créé le 1er juillet 2010 par la fusion de l’Agence française de
sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et
du travail (Afsset). Placé sous la tutelle des ministères de la Santé, de l’Agriculture, de l’Environnement, du
Travail et de la Consommation, l’ANSES a une mission d’expertise scientifique et d'évaluation des risques
dans le domaine de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en vue d'éclairer les pouvoirs publics
dans leur politique sanitaire ;
• l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) : créée par la loi du 29
décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé,
a été mise en place le 1er mai 2012 (à la suite de la publication du décret n° 2012-597 du 27 avril 2012),
l’ANSM est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la santé.
L’ANSM est chargée d’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des produits de santé tout au
long de leur cycle de vie.

39. – Caractère proportionné des mesures de gestion du risque – Les mesures de gestion des risques ne se
limitent pas à l’interdiction temporaire de mise sur le marché (qui est d’ailleurs l’une des plus difficiles à justifier au
regard de la liberté de circulation des marchandises) ou à l’interdiction de certaines activités.

La CJUE a eu l’occasion de souligner que le principe de précaution « doit être appliqué en tenant compte du
principe de proportionnalité, lequel exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de
ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause,
étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins
contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés. » (V.
CJUE, 9 juin 2016, aff. C-78/16 et C-79/16, Pesce e.a.). En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de
ces principes, la CJUE a déjà jugé qu’il y a lieu de reconnaître à l’autorité compétente un large pouvoir
d’appréciation lorsqu’elle arrête des mesures de gestion des risques. En effet, ce domaine implique de sa part,
notamment, des choix politiques, ainsi que des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement
inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine peut affecter la légalité d’une telle mesure (V. CJUE, 22 déc 2010,
aff. C-77/09, Gowan Comércio Internacional e Serviços). La CJUE a également rappelé que la validité d’un acte de
l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté et
ne saurait donc dépendre d’appréciations rétrospectives concernant son degré d’efficacité.

Selon la Commission européenne (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000, op. cit., pt 6.3.4), « les mesures basées sur le
principe de précaution ne devraient pas être disproportionnées par rapport au niveau de protection recherché et
vouloir atteindre un niveau de risque zéro qui n’existe que rarement. » Outre l’interdiction de mise sur le marché,
les mesures de réduction du risque peuvent comporter des alternatives moins restrictives pour les échanges qui
permettent d’atteindre un niveau de protection équivalent comme, par exemple, un traitement approprié, une
réduction de l’exposition, un renforcement des contrôles, l’établissement de limites provisoires, des mesures de
traçabilité et d’étiquetage, des recommandations visant des populations à risque, etc. Le principe de
proportionnalité impose aux autorités publiques de procéder à un bilan coûts-avantages et de sélectionner la
mesure la moins contraignante parmi celles disponibles en fonction de la caractérisation des risques. Il est possible

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de considérer que l’exigence d’un « coût économiquement acceptable » des mesures de gestion, posée à l’article
L. 110-1 du Code de l’environnement, participe de cet exercice.

À titre d’illustration, dans l'affaire Association intercommunale Morbihan sous très haute tension e.a., le Conseil
d'État incorpore explicitement le principe de précaution dans le contrôle du bilan (CE, 28 juill. 1999, n° 184268,
Assoc. intercommunale « Morbihan sous haute très haute tension » : Dr. env. n° 72, p. 13, note C. Cans).

Plus récemment, le Conseil d’État a clairement défini les modalités de son contrôle du respect du principe de
précaution par les actes déclaratifs d’utilité publique (CE, ass., 12 avr. 2013, n° 342409 , Association coordination
interrégionale Stop THT e.a. (affaire dite « Contentin-Maine ») : JurisData n° 2013-006762). L’Assemblée du
contentieux a ainsi affirmé qu’une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut jamais
être déclarée d’utilité publique. Pour s’en assurer, l’autorité compétente de l’État, saisie d’une demande tendant à
ce qu’un projet soit déclaré d’utilité publique, doit procéder en trois étapes :
• rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque qui
justifierait, en dépit de son caractère hypothétique en l’état des connaissances scientifiques, l’application
du principe de précaution ;
• dans l’affirmative, veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en œuvre
par les autorités publiques ou sous leur contrôle ;
• vérifier que les mesures de précaution prévues pour prévenir la réalisation du dommage ne sont ni
insuffisantes, ni excessives, en prenant en compte, d’une part, la plausibilité et la gravité du risque, d’autre
part, l’intérêt de l’opération.
En cas de litige, le juge administratif doit d’abord vérifier que la mise en œuvre du principe de précaution est
justifiée, puis s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et enfin vérifier
l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution prévues. Dans l’hypothèse où
ce premier contrôle ne l’a pas conduit à censurer la décision litigieuse, il lui appartient ensuite, lorsqu’il contrôle
l’utilité publique du projet en mettant en balance ses avantages et ses inconvénients, de prendre en compte, au titre
des inconvénients, le risque tel qu’il est géré par les mesures de précaution, les inconvénients d’ordre social
pouvant résulter de ces mesures et le coût financier de celles-ci.

40. – Caractère provisoire des mesures de gestion du risque – Les mesures de gestion des risques prises sur
le fondement du principe de précaution ne doivent pas présenter un caractère pérenne. Elles sont prises à titre
provisoire et doivent pouvoir être révisées en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques. Il est donc
nécessaire d’assurer la poursuite des recherches scientifiques afin de procéder à une évaluation des risques plus
avancée ou plus complète (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000, op. cit., pt 6.3.5). Comme le signalent deux
économistes, « la précaution est d'abord une gestion de l'attente d'information » (Ph. Bontems et G. Rotillon,
L'économie de l'environnement : La Découverte, 2003, p. 109).

Aucun texte ne prévoit de délai spécifique pour la révision des mesures de gestion. Toutefois, en droit du
commerce international, l’article 5.7 de l’accord SPS (V. n° 13 ) dispose que « le Membre qui adopte la mesure doit
s’efforcer d’obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du
risque et doit examiner la mesure SPS dans un délai raisonnable. » L’ORD a déjà eu l'occasion de se prononcer
sur la notion de « délai raisonnable » en considérant que c'est au cas par cas qu'il doit être établi compte tenu des
circonstances propres à chaque espèce, y compris les difficultés d'obtenir les renseignements additionnels
nécessaires.

41. – Principe de précaution et non-régression du droit de l’environnement – Le principe de non-régression


du droit de l’environnement, issu de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages, énonce que « la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et
réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des

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connaissances scientifiques et techniques du moment ». Le Conseil constitutionnel a été saisi les 21 et 22 juillet
2016 par soixante députés et soixante sénateurs qui alléguaient notamment l’incompatibilité du principe de non-
régression du droit de l’environnement avec la liberté de légiférer du parlement et une opposition entre ce nouveau
principe général du droit de l’environnement et le principe de précaution. Dans sa décision n° 2016-737 DC du 4
août 2016, les juges ont eu l’occasion de préciser que le principe contesté s’impose au pouvoir réglementaire
(cons. 10), ne lie pas le législateur (cons. 11) et ne s’oppose pas à ce que le législateur modifie ou abroge des
mesures adoptées provisoirement en application de l'article 5 de la Charte de l'environnement pour mettre en
œuvre le principe de précaution (cons. 13). Cette décision souligne les traits communs dans la mise en œuvre des
deux principes. D’une part, ils poursuivent une finalité commune, à savoir un niveau élevé de protection de
l’environnement. D’autre part, le principe de précaution et le principe de non-régression du droit de l’environnement
autorisent voire requièrent une lecture dynamique, adaptative et évolutive du corpus normatif. Leur mise en œuvre
suppose en effet la mise en place de procédures d’évaluation permettant de s’assurer régulièrement de l’effectivité
et de l’efficacité des normes environnementales aussi bien que des mesures de gestion des risques prises sur le
fondement du principe de précaution. Ni l’un ni l’autre principe ne doit conduire à une lecture fixiste du droit de
l’environnement.

42. – Transparence du processus – La mise en œuvre du principe de précaution impose aux autorités publiques
le respect d’obligations procédurales (nécessité d’une évaluation complète des risques) et une justification détaillée
des mesures de gestion des risques qu’elles adoptent.

Le régime général d’accès aux documents administratifs détenus par les pouvoirs publics s’inscrit dans une logique
de démocratie participative et de transparence décisionnelle (V. notamment : Règl. (CE) n° 1049/2001, 30 mai
2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlements européen, du Conseil et de la Commission. - L. n°
2000-321, 12 avr. 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations). L’accès à
l’information est une condition indispensable à la participation du public au processus décisionnel. Cette exigence
de transparence se décline avec une vigueur particulière en matière environnementale. En France, la Charte
constitutionnelle de l’environnement, adoptée le 1er mars 2005, dispose d’ailleurs que : « Toute personne a le droit,
dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues
par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur
l'environnement. » (V. également : Conv. Aarhus, 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public
au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, art. 1er . - Règl. (CE) n° 1367/2006, 6
sept. 2006 concernant l'application des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information en
matière d'environnement. - Dir. 2003/4/CE, 28 janv. 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière
d'environnement).

Aussi la Commission européenne considère-t-elle que « toutes les parties intéressées devraient participer dans
toute la mesure du possible à l'étude des diverses options qui peuvent être envisagées en matière de gestion du
risque dès que les résultats de l'évaluation scientifique et/ou de l'évaluation du risque sont disponibles, et la
procédure devrait être aussi transparente que possible. » (COM(2000) 1 final, 2 févr. 2000, op. cit., pt 6.2).

43. – Gestion médiatique – L’application du principe de précaution en matière de santé publique peut donner lieu
à de véritables « feuilletons » juridiques qui trouvent une résonnance dans les médias (viande aux hormones,
OGM, antennes-relais…). La possibilité de dommages graves ou irréversibles affectant la société civile présente un
caractère sensationnel qui peut entraîner des dérives de la part de journalistes peu scrupuleux et peu rigoureux
dans la sélection de leurs sources ; ce risque est de plus en plus important dans le contexte global et numérique
actuel. Dans leur rapport de 1999, les professeurs Viney et Kourilsky soulignent le faible nombre de journalistes
scientifiques en France et déplorent l’absence, du côté des médias, d’une Agence de presse scientifique (G. Viney,
Ph. Kourilsky, op. cit., 1999, p. 43). Plusieurs rapports consacrés à la déontologie de l’information exposent des
propositions visant à améliorer la qualité de l’information (J.-M. Charon, Réflexions et propositions sur la
déontologie de l'information : rapport à Mme la ministre de la Culture et de la Communication, 1999. - M. Sirinelli,

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Autorégulation de l'information : Comment incarner la déontologie ?, Remis à Madame Aurélie Filippetti, ministre de
la Culture, 2014). Quoi qu’il advienne de ces recommandations, la mise en œuvre du principe de précaution par les
autorités publiques suppose la gestion d’un rapport social, qui peut s’avérer plus compliquée que la gestion des
risques.

B. - Principe de précaution et droit de la responsabilité

44. – Responsabilité des personnes publiques – Le principe de précaution n'est nulle part posé comme un
principe de responsabilité. Les sources textuelles du principe imposent aux autorités publiques de prendre des
mesures d’évaluation et de gestion des risques, dans un contexte d'incertitude scientifique, afin d’éviter tout
dommage grave à la santé ou l'environnement. Toutefois, « l’incertitude n’exonère pas la responsabilité, elle la
renforce en créant un devoir de prudence » (P. Lascoumes, La précaution, un nouveau standard de jugement :
Esprit, oct. 1997, p. 129). Le manquement de l'Administration peut consister aussi bien en une insuffisance de
précaution qu'en un excès de précaution.
La responsabilité de la puissance publique est en principe une responsabilité pour faute prouvée, sauf cas
particuliers de présomption de faute. Cela signifie qu'il appartient à la personne ayant subi un dommage de
rapporter la preuve d’un défaut, d’une insuffisance ou d’un excès de précaution de la part des autorités publiques.
Par ailleurs, l’État peut voir sa responsabilité engagée pour rupture de l’égalité devant les charges publiques au cas
où il serait justifié d'un préjudice anormal et spécial imputable à l'intervention de ses services.

À deux reprises (affaire du sang contaminé et affaire de l’amiante), la responsabilité de l'État a été engagée pour
manquements fautifs dans un contexte de crise sanitaire. Dans les deux cas, il a été reproché à l'État d'avoir tardé
à utiliser ses pouvoirs de police, afin de prendre les mesures qu'imposait la connaissance d'un risque. Il s'agissait
de manquements à la prévention, et non à la précaution, eu égard au contexte de certitude scientifique qui prévalait
dans les deux espèces (CE, ass., 9 avr. 1993 , M. D. : Rec. CE 1993, p. 110 , concl. H. Legal ; RFDA 1993, p. 583.
- CE, 3 mars 2004, n° 241150, 241151, 241152, 241153 (4 arrêts)). Toutefois, la distinction rétrospective entre
mesures de prévention et mesures de précaution est difficile à tracer, d’autant que ces mesures poursuivent le
même objectif : éviter la réalisation d’un dommage.

45. – Responsabilité des personnes privées – Si le principe de précaution n’est pas un principe d’imputation de
la responsabilité, il n’est pas non plus un principe d’imputation des coûts. Contrairement au principe pollueur-
payeur, le principe de précaution n’a pas vocation à guider l’imputation des coûts associés à l’évaluation et à la
gestion des risques. Le principe pollueur-payeur ne vise d’ailleurs lui-même que l’imputation des coûts associés à
la prévention et à la réparation des dommages.

Par une série de 29 arrêts en date du 28 février 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté les
pourvois des entreprises à l'encontre desquelles avait été reconnue l'existence de fautes inexcusables pour avoir
exposé leurs salariés à l'amiante sans protection suffisante (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-10.051, 00-11.793, 99-
18.390, 99-18.389, 99-21.255, 99-17.201 et 00-13.172). La Cour a jugé que tout employeur « est tenu envers le
salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles
contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ». Elle a défini la faute
inexcusable comme l'attitude d'un employeur qui « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était
exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ». La Cour de cassation sanctionne
donc elle-aussi un manquement à une obligation de prévention.

La jurisprudence a dégagé une obligation de vigilance qui, en matière environnementale, semble directement
inspirée de l’article 2 de la Charte de l’environnement (« toute personne a le devoir de prendre part à la
préservation et à l’amélioration de l’environnement »). Cette obligation qui vaut, en principe, pour tous les acteurs
publics et privés, a conduit certains juges à retenir comme critère d’imputation de la responsabilité la disponibilité
d’informations témoignant de l’existence d’un risque pour la santé ou l’environnement (Cass. crim., 25 sept. 2012,

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n° 10-82.938 : JurisData n° 2012-021445 ; D. 2012, p. 2564, obs. F. G. Trébulle, p. 2673, point de vue L. Neyret,
p. 2711, note P. Delebecque et p. 2675). En matière de santé et d’environnement, il en résulte une extension de la
notion de faute, celle-ci consistant à ne pas avoir tiré toutes les conséquences de l’information disponible (V.
notamment Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 04-16.179 et 04-16.180) et un rétrécissement consécutif de la notion
d’aléa.

Une autre évolution semble se dessiner aujourd’hui, qui vise à imposer aux acteurs économiques la recherche et la
production d’informations concernant les risques de leurs activités ou de leurs produits (V. n° 42). Ce contexte
complique encore la distinction rétrospective entre mesures de prévention et mesures de précaution. Il est d’ailleurs
possible de s’interroger sur l’intérêt d’une telle distinction lorsqu’elle intervient a posteriori. Dès lors que la
responsabilité est exclusivement fondée sur une carence fautive (recherche ou analyse insuffisante des
informations disponibles), il conviendrait plutôt de s’interroger sur l’articulation des responsabilités entre acteurs
publics et privés partageant une même obligation de vigilance et disposant donc souvent des mêmes informations.
La solution passe peut-être par une collectivisation du risque (V. CE, Rapport public 2005 : Responsabilité et
socialisation du risque).
Enfin, force est de constater que, face au risque incertain de nuisances extrêmement graves imposant une
restriction des activités humaines dans leur ensemble, le droit de la responsabilité cède sa place aux
raisonnements économiques et le marché se fait le vecteur du principe de précaution. La création d’un marché des
quotas d’émission de gaz à effet de serre témoigne de ce phénomène. Le droit de la responsabilité reste en
revanche adapté à la réparation des nuisances résultant d’une faute de précaution individuelle ou collective.

46. – Risque de développement – Aux termes de l’article 1386-9 du Code civil, pour engager la responsabilité
d'un producteur du fait de ses produits défectueux, la victime doit prouver le dommage, le défaut du produit et le
lien de causalité entre ce défaut et le dommage. Toutefois, le producteur peut être exonéré de sa responsabilité s’il
démontre que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit
n'a pas permis de déceler l'existence du défaut (C. civ., art. 1386-11). La CJCE retient que, pour se libérer de sa
responsabilité, « le producteur d’un produit défectueux doit établir que l’état des connaissances techniques et
scientifiques, en ce compris son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit en cause ne
permettait pas de déceler le défaut » (CJCE, 29 mai 1997, aff. C-300/95, Commission c/ Royaume-Uni, pt 29). La
Cour d'appel de Toulouse énonce dans un arrêt du 22 février 2000 que « l'état des connaissances scientifiques et
techniques est celui situé au niveau mondial le plus avancé tel qu'il existait au moment où le produit a été mis en
circulation » (CA Toulouse, 22 févr. 2000, MAPA Professions alimentaires et Guardia c/ Épx Facco, Mme Momi et
a., n° de RG: 1999/01293 : JCP G 2000, II, 10429).
Aux termes de l’article L. 162-23 du Code de l’environnement, le coût des mesures de prévention et de réparation
qui s’impose en cas de dommage environnemental ne peut pas être mis à la charge de l'exploitant à l’origine du
dommage s'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence et que le dommage à
l'environnement résulte d'une émission, d'une activité ou, dans le cadre d'une activité, de tout mode d'utilisation
d'un produit qui n'étaient pas considérés comme susceptibles de causer des dommages à l'environnement au
regard de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment du fait générateur du dommage. Ce
texte n’a encore fait l’objet d’aucune d’application.

47. – Prise en compte du risque indemnisable – En droit de la responsabilité civile, seuls sont réparables les
dommages certains, directs, et personnels. Les tribunaux admettent que le risque d’un préjudice constitue une
atteinte certaine qui ouvre droit à réparation (V. notamment : Cass. 2e civ., 13 mars 1967 : D. 1967, p. 591. -
Cass. 2e civ., 16 juill. 1982 (inédit). - Cass. 3e civ., 29 juin 1983 : JCP G 1983, IV, p. 290 . - Cass. 2e civ., 2 oct.
2008, n° 07-15.968 . - Cass. 2e civ., 25 mars 1991 : Resp. civ. et assur. 1991, comm. 283 . - Cass. 2e civ., 26
sept. 2002, n° 00-18.627 : 015563 ; Bull. civ. 2002, II, n° 198, p. 158 ; D. 2003, p. 1257, note de O. Audic ; RTD
Civ. 2003, p. 100 , obs. P. Jourdain ; Dr. et Patrimoine 2003, n° 3207, obs. F. Chabas ; JCP 2003, I, 154 , obs. G.
Viney ; RDI 2003, p. 157 , note de F. G. Trébulle. - Cass. 2e civ., 10 juin 2004 : Bull. civ. 2004, II, n° 291 ; RDI

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2004, p. 348 , obs. F. G. Trébulle ; RTD civ. 2004, p. 738 , obs. P. Jourdain. - Cass. 2e civ., 24 févr. 2005, n° 04-
10.362 : JurisData n° 2005-027086 ; Bull. civ. 2005, II, n° 50 ; JCP G 2005, II, 10100 , note F. G. Trébulle. -
Cass. 1re civ., 28 nov. 2007, n° 06-19.405 : JurisData n° 2007-041614 ; JCP G 2008, n° 7, obs. Ph. Stoffel-
Munck ; RDI, 2008, p. 191 , note de F. G. Trébulle ; AJDA 2007, p. 2292 ; D. 2008, AJ, p. 23. - Cass. 2e civ., 15
mai 2008, n° 07-13.483 : JurisData n° 2008-043893 ; JCP G 2008, I, 186 , obs. Ph. Stoffel-Munck ; RDI, 2008,
p. 488, note de F. G. Trébulle). La reconnaissance du risque indemnisable appelle plusieurs précisions. Il convient,
en premier lieu, de signaler que les juges ne procèdent pas à une réparation anticipée d’un préjudice futur, puisqu’il
existe un aléa quant à la survenance du préjudice. Ils ne procèdent pas non plus à la réparation d’un préjudice
éventuel (celui qui résulterait de la concrétisation du risque). Il s’agit bien plutôt de réparer l’atteinte certaine qui
réside dans l’existence même d’un risque : vivre sous la menace constante de réalisation d’un préjudice constitue
une atteinte. À cet égard, le risque indemnisable s’entend de celui « portant en lui-même les conditions de sa
réalisation. » (note Ph. Le Tourneau sous Cass. crim., 24 févr. 1970 : JCP G 1970, II, 16456).

Le caractère certain de ce type d’atteinte doit être apprécié de deux façons. En premier lieu, dire d’un risque qu’il «
porte en lui-même les conditions de sa réalisation » ne signifie pas que la concrétisation du risque est inévitable et
que l’atteinte surviendra nécessairement, mais uniquement que sa probabilité de réalisation est vraisemblable ;
c’est parce que le risque de réalisation d’un préjudice est important que ce risque constitue déjà une atteinte
certaine. À l’inverse, l’existence d’un risque éventuel ou non-avéré constitue une atteinte inconsistante qui n’ouvre
pas droit à réparation. En second lieu, le caractère certain de l’atteinte doit être analysé au regard des
conséquences de la concrétisation du risque. Autrement dit, la réalisation du risque doit donner lieu à une atteinte
significative ; le risque que survienne une atteinte insignifiante n’est pas indemnisable (V. O. Sutterlin, L'évaluation
monétaire des nuisances. Éléments de réflexion au carrefour des raisonnements juridiques et économiques en
matière environnementale : LGDJ, 2012, p. 91).

48. – Du principe de précaution au trouble anormal de voisinage : le cas des antennes-relais de téléphonie
mobile – Dans le cadre de toute une série de contentieux relatifs à l’exposition aux champs électromagnétiques
émis par les antennes-relais de téléphonie mobile, c’est la théorie du trouble anormal de voisinage qui a été placée
au cœur de l’argumentation juridique. La Cour d’appel de Versailles a ainsi estimé que l’implantation d’une
antenne-relais est la source d’un trouble anormal de voisinage, non pas en raison du risque sanitaire éventuel que
cette dernière ferait porter à la population mais en raison de la crainte légitime que constitue l’impossibilité de
garantir au voisinage l’absence de risque sanitaire généré par l’antenne-relais (CA Versailles, 4 févr. 2009, n° RG :
08/08775).
En mai 2012, saisi par la Cour de cassation, le Tribunal des conflits a tranché définitivement la question de la limite
de la compétence entre les juges judiciaires et administratifs en matière de contentieux des antennes-relais de
téléphonie mobile, en décidant que :
• le juge administratif est compétent pour connaître de l'action, quel que soit son fondement, aux fins
d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une
station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine
public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant
dans le voisinage ou de provoquer des brouillages (CE, 30 janv. 2012, n° 344992, Sté Orange France. -
CE, 21 oct. 2013, n° 360481, Sté Orange France). À cet égard, le Conseil d’État considère que les
dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement permettent de justifier un refus d'autorisation
d’urbanisme uniquement sur la base d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en l’état des
connaissances scientifiques, des risques, même incertains ;
• le juge judiciaire est compétent, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle au juge administratif
de la compétence duquel relèvent les litiges relatifs à la police spéciale des communications électroniques,
pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des
tiers aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station
radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public, ainsi que des actions aux fins de faire cesser

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les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme
aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux
afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables (T. confl., 14 mai 2012, n° C
3848 : JurisData n° 2012-010166 . - V. également, Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, n° 11-19.259 : Jurisdata
n° 2012-023401 . - Cass. 1re civ., 17 oct. 2012, n° 10-26.854 : JurisData n° 2012-023371).

49. – Approche prospective – Dans une approche résolument prospective du droit de la responsabilité, quelques
auteurs proposent de renouveler la nature de l’action en responsabilité à l’aune du principe de précaution, voire
d’indemniser le risque incertain de dommages graves et irréversibles (C. Thibierge, Libres propos sur l’évolution du
droit de la responsabilité (vers un élargissement de la fonction de la responsabilité civile ?) : RTD civ. 1999, p. 561
. - G. Pignarre, La responsabilité : débat autour d’une polysémie : Resp. civ. et assur. 2001, hors-série, p. 14 . - R.
Encinas de Munagorri, Propos sur le sens de la réparation en droit français de la responsabilité : Revue générale
de droit 2003, p. 216. - C. Thibierge, Avenir de la responsabilité, responsabilité de l’avenir : D. 2004, doctr. p. 577. -
M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile : LGDJ, 2006). Dans cette dernière
hypothèse, la certitude de l’atteinte serait uniquement appréciée au regard des conséquences éventuelles de la
concrétisation du risque. En somme, la concrétisation du risque aurait des conséquences tellement graves que son
éventualité, bien qu’incertaine, constituerait déjà un préjudice. À ce jour, la jurisprudence n’a guère été sensible aux
arguments avancés en faveur de l’indemnisation d’un risque incertain. Si les juges, dans une démarche prudente,
peuvent accueillir le doute raisonnable et recourir à des présomptions, ils ne s’accommodent pas de menaces
indéterminées.
En l'état actuel du droit, une modification substantielle du droit de la responsabilité civile sous l'influence du principe
de précaution n'est pas envisageable. Le principe de précaution s'intègre dans des mécanismes de responsabilité
existants, avec la possibilité de les enrichir, mais sans les transformer.

50. – Exigence d’un lien de causalité – La Cour de cassation a décidé que la Charte de l’environnement et le
principe de précaution ne remettent pas en cause les règles selon lesquelles il appartient à celui qui sollicite
l’indemnisation d’un dommage à l’encontre du titulaire d’une servitude d’établir que ce préjudice est la conséquence
directe et certaine de celle-ci ; cette démonstration, sans exiger une preuve scientifique, peut résulter de
présomptions graves, précises, fiables et concordantes (V. Cass. 3e civ., 18 mai 2011, n° 10-17.645 : Jurisdata
n° 2011-009087).

C. - Principe de précaution et innovation

51. – Articulation entre précaution et innovation – Le principe de précaution ne s’oppose pas à l’innovation, il
en est le corollaire. En effet, « pour toute innovation en développement, il y a de manière systématique
identification des dangers et des caractéristiques que représentent ces innovations, prise en compte ensuite de
l’exposition potentielle de cette solution vis-à-vis de l’agriculteur, du consommateur et de l’environnement,
évaluation des risques enfin par des experts d’agences spécialisées indépendantes nationales ou européennes »
(J.-C. Bocquet, « Le principe de précaution : bilan de son application quatre ans après sa constitutionnalisation »,
compte-rendu de l'audition publique du 1er octobre 2009 organisée par M. Claude Birraux, député, et M. Jean-
Claude Etienne (OPECST), p. 65). Le principe de précaution vise notamment à redoubler l’effort de recherche.
Aussi les règles procédurales qui viennent encadrer sa mise en œuvre peuvent-elles encourager l’innovation.

52. – Donner le « tempo » de l’innovation – Le principe de précaution impose aux autorités publiques de
s’engager activement dans la réduction des incertitudes scientifiques. Par conséquent, les mesures prises doivent
être provisoires et évolutives ; elles doivent être révisables en fonction des avancées de la connaissance
scientifique. La justification, le détail, la durée et le coût des mesures à prendre ainsi que les modalités de
gouvernance devraient être fournis chaque fois que le principe est mis en œuvre par les autorités publiques. Ce
triple besoin de visibilité, de cohérence et de transparence à l’égard du public notamment est essentiel car il est lié
au développement de procédés et de produits innovants par les entreprises. En effet, le développement de

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procédés et de produits innovants est un processus qui oblige les acteurs à se projeter dans un avenir qu’ils
doivent rendre prévisible et dont ils doivent planifier les étapes en termes techniques, organisationnels,
économiques et financiers. Ainsi, en présence d’interdictions absolues et pérennes, la marge de manœuvre laissée
à l’innovation est pratiquement nulle.

La stabilité, ou tout au moins la prévisibilité fiscale, légale et règlementaire est essentielle aux processus innovants.
Toutefois, lorsqu’elle s’inscrit dans le prolongement de la mise en œuvre du principe de précaution, l’innovation
opère dans un cadre contraint et restreint. Dans ce contexte, il est d’autant plus essentiel d’assurer de la visibilité et
de la sécurité aux acteurs économiques. Dans un souci d’efficacité et de cohérence, il est donc souhaitable que les
autorités publiques programment ou encouragent des travaux de recherche supplémentaires afin de mieux
caractériser le risque, précisent les échéances de révision des mesures de précaution prises et assurent la publicité
du processus de décision (G. Viney, Ph. Kourilsky, op. cit., 1999, p. 24). Comme le souligne un auteur, « les
incertitudes scientifiques ne peuvent conduire aux incertitudes juridiques. » (K. Favro, Menus propos autour de
l’expertise dans le domaine de l’environnement : Dr. env., n° 142, p. 310)

53. – Mutualiser le financement de l’innovation – L’émergence de procédés et produits innovants peut être
facilitée par le développement de synergies et de partenariats entre acteurs en vue d’une mutualisation des
ressources et des compétences. Le processus d’innovation peut également être accéléré par la mise en place
d’incitations fiscales, d’aides et de subventions. Dans tous les cas, les programmes et les règles de financement
doivent être simples et les processus de décisions doivent être rapides.
Ainsi, lorsque le principe de précaution est mis en œuvre par les autorités publiques, les structures de mutualisation
des coûts et des compétences, qui existent déjà en France, pourraient être sollicitées afin de poursuivre
l’évaluation scientifique pendant la mise en œuvre des mesures de gestion des risques.

54. – Faciliter l’acceptation de l’innovation – La recherche de solutions innovantes doit s’effectuer à partir d’une
détermination claire d’un besoin, qu’il s’agisse des clients ou des consommateurs. L’innovation utile et réussie,
c'est celle qui simplifie les démarches des clients ou des consommateurs et pousse à une adoption rapide et
complète par le marché.

L’articulation entre précaution et innovation semble correspondre à un équilibre entre acceptation du risque et
acceptation du changement. Face à un risque potentiel, il n’est pas forcément judicieux d’imposer un changement
radical de comportement. L'innovation incrémentale permet en effet une amélioration sensible sans bouleverser les
conditions d'usage ni l'état de la technique. L’acceptation de procédés et produits innovants peut être le résultat
d’une démarche d’expérimentation menée en concertation avec les administrés, sur une période prédéfinie. Un
bilan de chaque expérimentation devrait également être réalisé de manière transparente avec l’ensemble des
acteurs concernés. L’expérimentation participe alors pleinement de l’accompagnement du changement (N. Von
Bülow, L’innovation en France : Un système en échec, terra nova, 2012).

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ORIENTATION
JCl. Environnement et Développement durable, Fasc. 2410

Principe de précaution - Droit interne

Émilie Gaillard

Maître de conférences en droit privé, IUT de Caen (département HSE), université de Caen Basse-Normandie
Membre du Centre de recherches en droit privé (UCBN)
Pôle risque qualité et environnement durable (MRSH Caen)
Chercheur associé à l'IODE (UMR CNRS 6262, université de Rennes)
Points-clés :

1. – Le principe de précaution est aujourd'hui devenu le vecteur de nouvelles logiques juridiques dont la
cohérence reste, à ce jour, sujette à critiques et à appréciations contrastées. Encourageant une norme d'action
inédite face à un risque de dommage d'une particulière gravité, il participe d'une dynamique inédite d'anticipation
propre à l'entrée de notre civilisation dans la « société du risque ». Ce faisant, il initie un processus de profondes
transformations dans les rapports du droit et de la politique avec le temps. Il contribue à instituer un principe de
responsabilité envers l'avenir . Principe traduit et partagé par-delà nos frontières, il ne cesse de progresser et de
transformer le champ juridique contemporain. Il est un principe en pleine densification normative qui connaît des
expressions normatives plurielles (V. n° 1 à 24).

2. – Depuis l'adoption de la Charte de l'environnement en 2005, le principe de précaution a intégré le bloc de


constitutionnalité français. Il se présente sous les traits d'une nouvelle norme de référence permettant au Conseil
constitutionnel d'exercer ses diverses missions de contrôles. Le contentieux constitutionnel, notamment en matière
d'organismes génétiquement modifiés et de gaz de schiste , permet d'esquisser progressivement les contours
du principe de précaution. Il génère désormais une obligation de vigilance environnementale qui a valeur
constitutionnelle. Si les autorités publiques sont expressément tenues de respecter le principe de précaution,
diverses voies prospectives peuvent être proposées. Il est nécessaire de rester particulièrement vigilant sur
l'évolution de la jurisprudence à venir du Conseil constitutionnel (V. n° 25 à 46).

3. – Le principe de précaution est inscrit au frontispice des principes généraux du droit français de
l'environnement (C. env., art. L. 110-1 ) qui vient au soutien du principe de précaution à valeur constitutionnelle.
Source de légalité , il nourrit un contentieux administratif particulièrement dense qui permet d'appréhender le
risque dans maints domaines : transfusions sanguines à l'origine de contaminations par le VIH, ESB, produits
chimiques et phytosanitaires, organismes génétiquement modifiés, ondes électromagnétiques, lignes à haute
tension ou encore gaz de schiste. Parfois, le principe de précaution est invoqué « hors de propos », voire dans des
affaires où la relation avec le principe de précaution est difficilement compréhensible (V. n° 47 à 94).

4. – Le régime du principe de précaution en droit administratif peut être identifié au regard des acteurs tenus de le
respecter, des conditions de compétences et d'adoptions de mesures provisoires et proportionnées . La
question du décloisonnement du principe de précaution à valeur constitutionnelle, tant du point de vue des acteurs
que du domaine d'application se pose. Diverses conditions de mises en œuvre peuvent être identifiées : l'exigence
d'un risque suffisamment suspecté, d'un risque grave et/ou irréversible, d'un risque environnemental, voire
sanitaire. Le contrôle opéré par le juge administratif évolue au gré de la jurisprudence. Il tend vers un contrôle
pluriel qui, progressivement s'étoffe et se renforce. Il n'est pas sans soulever la question particulièrement
d'actualité, de l'appréhension des nanotechnologies au regard du principe de précaution (V. n° 95 à 119).

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5. – Le rayonnement du principe de précaution en droit privé ne fait guère de doutes. Des fondements textuels
pluriels permettent de l'invoquer tant directement qu'indirectement, en mettant en œuvre des logiques de
précaution. Le contentieux de la responsabilité civile est saisi à cœur : le principe de précaution y est
régulièrement invoqué dans les domaines sanitaire et environnemental. La jurisprudence reste sujette à hésitations
et le contentieux demeure à l'œuvre. Une obligation de vigilance tend à être reprochée dans le contentieux
indemnitaire . Les logiques de précaution peinent cependant à percer de manière harmonieuse dans le cadre du
contentieux de l'anticipation des risques . Quant au contentieux des antennes-relais , il a donné lieu à
d'étonnantes et contradictoires applications du principe de précaution par l'entremise de la théorie des troubles
anormaux du voisinage (V. n° 120 à 164).

6. – D'autres contentieux de droit privé et pénal sont interrogés à travers le prisme du principe de précaution. Le
contentieux de l'expropriation est le théâtre de questionnements relatifs aux effets indésirables qui pourraient
être liés à l'exposition à des champs électromagnétiques élevés. Malgré des tentatives d'applications du principe de
précaution par les juges du fond, la Cour de cassation exige le maintien d'une approche orthodoxe des règles et
modalités de preuves à l'appui d'une demande en cessation de l'illicite . Ce faisant, elle confirme l'applicabilité de
l'article 5 de la Charte de l'environnement dans le cadre de litiges opposants des particuliers. Le contentieux de la
responsabilité pénale est interrogé de diverses manières. Si la santé publique est un impératif qui peut justifier
une approche de précaution, le principe de précaution ne saurait pour autant fonder un quelconque état de
nécessité écologique. Des ponts conceptuels s'établissent petit à petit entre le principe de précaution et
l'incrimination de mise en danger de la vie d'autrui . Enfin, le droit des assurances connaît pour l'heure une
seule application positive de ce principe (V. n° 165 à 179).

7. – Le régime du principe de précaution en droit privé se construit à petits pas et dans un contexte de grande
diversité d'approches doctrinales . Une certitude se dégage : celle d'une dynamique d'évolution et
d'enrichissement normatifs du principe de précaution en droit privé. Un besoin de clarification doctrinale
s'impose concernant les conditions de mise en œuvre de ce principe. Certains éléments sont désormais
classiques : l'exigence d'un contexte spécifique d'incertitudes scientifiques, risque de dommage grave et/ou
irréversible, exigence de proportionnalité, de recherches et d'adoptions de mesures provisoires. D'autres éléments
apparaissent inter-reliés tels que l'exigence du respect d'une obligation de vigilance , d'une obligation de suivi
et de traçabilité . La causalité de précaution quant à elle s'avère complexe et plurielle (V. n° 178 à 234).

8. – Les sanctions du principe de précaution sont variées en droit privé. Elles révèlent leur possible unité selon
qu'elles opèrent dans un temps d'anticipation des risques de dommages graves et/ou irréversible ou après la
réalisation d'un dommage jusqu'alors considéré comme trop incertain pour justifier une quelconque action
anticipatrice. Elles interrogent et ouvrent autant de pistes prospectives qui méritent d'être proposées (V. n° 235 à
253).

JCl. Environnement et Développement durable, Fasc. 2415

Principe de précaution - Systèmes juridiques internationaux et européens

Émilie Gaillard

Maître de conférences en droit privé, IUT de Caen (Département HSE), Université de Caen-Normandie
Membre de l'Institut Demolombe (EA907)
Pôle risques qualité et environnement durable (MRSH Caen)
Chercheur associé à l'IODE (UMR CNRS 6262, Université de Rennes)
Points-clés :

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1. – Le principe de précaution est apparu à l'échelle internationale , traduisant la fédération de la communauté


des États autour d'une approche renouvelée d'anticipation du risque . Il est une tentative pour faire face à
l'entrée de nos sociétés contemporaines dans la société du risque . Partant du constat d'un besoin de logiques
juridiques nouvelles, le principe de précaution traduit un impératif d'action face à un risque de dommage grave
et/ou irréversible à l'échelle transnationale . Sa progression continuelle et protéiforme en droit international est
également identifiable au sein des systèmes juridiques. Il est un principe en pleine progression normative (V. n° 1
à 14).

2. – En retracer la généalogie depuis la « soft law » jusqu'à sa diffusion au sein des conventions
internationales permet de rendre compte de sa constante dissémination normative (V. n° 15 à 37).

3. – Les juridictions internationales de droit de l'environnement éprouvent, à ce jour encore, quelques difficultés à
intégrer les logiques qui justifient et qui découlent du principe de précaution. Il n'en demeure pas moins en
constante progression devant les prétoires, tant de la Cour internationale de justice que du Tribunal
international du droit de la mer, essentiellement à travers l'expression « d'approches de précaution » (V. n° 38 à
77).

4. – De ces évolutions multiples du principe de précaution en droit international de l'environnement, il est possible
de proposer un spectre de définitions , de conditions d'application et d'effets possibles . Au-delà des
définitions, c'est un principe qui s'inscrit incontestablement dans un processus de densification normative et qui ne
cesse d'enrichir la catégorie des devoirs et obligations en droit international de l'environnement (V. n° 78 à
113).

5. – Le droit international économique, quant à lui, est ouvert aux objectifs de protections environnementales et
sanitaires. Le principe de précaution y fait néanmoins l'objet d'interprétations contrastées et a déjà été soulevé à
plusieurs reprises devant les organes de règlements des conflits de l'OMC (V. n° 114 à 152).

6. – La doctrine de l'OMC, quant à elle, dégage des lignes d'évolutions tendancielles autour du principe de
précaution . Elle s'exprime également de manière prospective en faveur d'une ascension normative du principe de
précaution (V. n° 153 à 169).

7. – Inscrit en droit européen originaire de l'environnement à titre de principe soutenant la politique de l'Union
européenne à viser un niveau de protection élevé de la santé et de l'environnement, le principe de précaution se
diffuse également en droit européen dérivé (V. n° 170 à 188).

8. – En érigeant le principe de précaution au rang de principe général du droit de l'Union européenne , le


Tribunal de première instance des Communautés européennes a décloisonné son champ d'application. Principe
d'action préventive par excellence, il a désormais vocation à s'appliquer dans les domaines de la protection de
l'environnement, de la santé publique ou encore de la consommation. Il devient aisni également matrice
interprétative du droit de l'UE (V. n° 189 à 204).

9. – L'étude des cas d'applications et de non-applications du principe de précaution permet de rendre compte de la
progression jurisprudentielle irrépressible du principe de précaution dans le contentieux de droit de l'UE. Les
domaines d'applications sont extrêmement variés (V. n° 205 à 256).

10. – Le régime juridique du principe de précaution ne cesse de s'affiner et de se clarifier. Des définitions et des
conditions d'applications de plus en plus précises sont dégagées par le juge européen. C'est alors que le principe
de précaution permet l'adoption de mesures préventives, provisoires et nécessairement évolutives. Sa mise
en application suppose également l'adoption de mesures systémiques notamment de traçabilité, de vigilance.
Certaines spécificités de mise en en œuvre du principe de précaution en droit de l'Union européenne concernant

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notamment l'étendue du contrôle du juge ou encore l'articulation avec les principes de droit de l'Union sont à
relever (V. n° 257 à 288).

11. – La doctrine s'empare de l'analyse des implications du principe de précaution en droit de l'UE de manière
hétéroclite. Elle offre néanmoins des analyses à la fois théoriques et pratiques. L'ouverture aux travaux de
recherche menés par l'Agence européenne de l'environnement ou encore par l'Agence européenne pour la sécurité
et la santé au travail s'avère des plus enrichissantes (V. n° 289 à 305).

12. – Au sein du système du Conseil de l'Europe , le principe de précaution fait l'objet d'une diffusion normative
complexe à la fois au sein des textes adoptés par le Comité des ministres et par l'Assemblée parlementaire. Sa
progression, encore timide, devant la Cour européenne des droits de l'homme, augure néanmoins de
l'enclenchement de processus de profondes transformations systémiques du droit des droits de l'homme (V.
n° 306 à 344).

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