La Revue Sage-femme 2006 ; 5 : 88-94.

Travail original
Grossesses rapprochées : facteurs de risque
et conséquences périnatales
F. Dedecker, O. Graesslin, P.-F. Ceccaldi, E. Baudelot, F. Montilla,
E. Derniaux, R. Gabriel
Institut Mère-Enfant Alix-de-Champagne, Centre Hospitalier Universitaire, 45, rue Cognacq-Jay,
51092 Reims Cedex.
RÉSUMÉ
But. Étudier les facteurs de risque conduisant aux grossesses rapprochées et en évaluer les conséquences périnatales.
Matériels et méthodes. Étude rétrospective monocentrique de 7 ans (1995-2001) comparant deux groupes de patientes :
un groupe de grossesses rapprochées (délai entre les grossesses inférieur à 6 mois, n = 192) et un groupe témoin (délai
entre les grossesses de 18 à 23 mois, n = 210). Ces patientes ont été comparées selon leurs caractéristiques socio-
démographiques, leurs antécédents gynécologiques et obstétricaux, et pour les caractéristiques périnatales concernant
la 2e grossesse.
Résultats. Les facteurs de risque indépendants de grossesses rapprochées sont : le jeune âge, l’absence de contraception
antérieure, le célibat, l’antécédent de mort fœtale in utero ou d’interruption médicale de grossesse et la gestité élevée.
Les patientes à risques de grossesses rapprochées appartiennent souvent à un milieu social peu favorisé, sont généra-
lement sans profession et sortent souvent contre avis médical. Le court intervalle entre les grossesses est associé à un
risque significativement plus élevé de prématurité (naissances < 37 SA : 19 % dans le groupe grossesses rapprochées
versus 8 % dans le groupe témoin ; OR = 2,8, p < 0,001).
Conclusion. La morbidité périnatale liée aux grossesses rapprochées doit inciter les équipes obstétricales à une prise
en charge spécifique, tant au cours de la grossesse que du post-partum.
Mots-clés : Grossesses rapprochées • Facteurs de risque • Prématurité.

SUMMARY: Short interpregnancy intervals: risk factors and perinatal outcomes.

Objectives. To study risk factors and perinatal outcomes in short interpregnancy intervals.
Materials and methods. Retrospective study, between 1995 and 2001, comparing women with short interpregnancy inter-
vals (<6 months, n=192) and women controls (interpregnancy intervals between 18 and 23 months, n=210). The analysis
included demographical and social factors, maternal medical histories and perinatal outcomes for the 2nd pregnancy.
Results. Risk factors of short interpregnancy intervals were: young age, no anterior contraception, celibacy, medical history
of intrauterine fetal death or medical pregnancy termination and high parity and gestity. The patients at risks of short
interpregnancy intervals often belong to little supported social background, are generally without profession and often
leave against medical opinion. The short interval between pregnancies is associated to a high score of prematurity (19%
vs 8%, OR=2.8, p<0.001).
Conclusion. These data suggest that obstetricians and other care providers need to be alert to these identifiable risk
factors and then direct preventive strategies during and after pregnancy.
Key words: Short interpregnancy intervals • Risk factors • Prematurity.

La grossesse rapprochée est une situation clinique
habituellement associée à plusieurs complications
périnatales telles que la prématurité, le retard de
croissance intra-utérin (RCIU) ou encore la mortalité
périnatale [1-5]. Dans la plupart des études, ces
complications sont majorées lorsque l’intervalle
séparant les grossesses est inférieur ou égal à 6 mois
[1-4, 6-9]. Le plus souvent, la survenue de ce type
de grossesse est expliquée par le jeune âge des
patientes ou par l’existence d’un climat socio-écono-
mique défavorable [9]. Ces éléments, bien que recon-
nus comme péjoratifs, ne représentent qu’une partie
des facteurs de risque des grossesses rapprochées et
ne permettent pas la mise en place d’une prévention
adéquate.
Afin de mieux connaître les facteurs conduisant
aux grossesses rapprochées et d’analyser les consé-

Tirés à part : F. Dedecker, 12, rue Alphonse-Hanin, 51500 Villers-Allerand. E-mail : frederic.dedecker@wanadoo.fr
Reçu le 16 mars 2005. Avis du Comité de Lecture le 23 juin 2005. Définitivement accepté le 18 octobre 2005.
Ce texte est déjà paru sous la référence J Gynecol Obstet Biol Reprod 2006 ; 35 : 28-34.

© MASSON, Paris, 2006.


quences d’un court délai entre deux grossesses sur la
périnatalité, nous rapportons une étude rétrospective
comparant deux populations : un groupe de femmes
dont les deux dernières grossesses étaient rapprochées
et un groupe de femmes témoins.
MATÉRIELS ET MÉTHODES
Il s’agit d’une étude sur la période de janvier 1995
à décembre 2001, menée dans le service de gynéco-
logie-obstétrique d’un centre hospitalier universitaire.
Cette étude comparative a été réalisée entre deux
groupes de femmes ayant présenté deux grossesses
successives. Le premier groupe, celui des grossesses
rapprochées, est composé de 192 femmes présentant
un délai, entre leur deux dernières grossesses, infé-
rieur ou égal à 6 mois. Le second groupe, celui des
témoins, est composé de 210 femmes ayant accouché
deux fois dans un intervalle de temps supérieur ou
égal à 18 mois et strictement inférieur à 23 mois. Les
délais séparant les deux grossesses successives ont été
déterminés par l’intervalle de temps écoulé entre la
date du premier accouchement et la date de début de
la seconde grossesse. Lorsqu’il s’agissait de grosses-
ses vues tardivement, le début de la seconde grossesse
était déterminé par échographie. Les termes de 1re et
2e grossesse correspondent dans ce travail à deux
grossesses successives, toute gestité et parité confon-
due. Toutes les patientes répondant aux critères ont
été retenues sur la période considérée.
Les critères d’inclusion de ces deux groupes étaient
les grossesses uniques avec enfants nés vivants et les
grossesses s’étant soldées par une mort fœtale in
utero (MFIU) ou par une interruption médicale de
grossesse (IMG) au troisième trimestre. Les femmes
n’ayant pas accouché dans notre centre la première
fois ont été incluses. D’autre part, ont été exclues les
femmes ayant eu, pour la première grossesse, une
interruption volontaire de grossesse (IVG), une fausse
couche précoce ou tardive ou une grossesse multiple
pour la seconde grossesse.
Pour les patientes de chaque groupe, les données
suivantes ont été recueillies : l’âge, la situation socio-
professionnelle, la gestité, la parité, l’utilisation d’une
contraception antérieure à la 1re grossesse, les antécé-
dents gynéco-obstétricaux, la consommation de
tabac, le mode d’allaitement pour la première gros-
sesse (allaitement maternel exclusif ou non), le
moyen contraceptif du post-partum prescrit à la sortie
pour le premier accouchement, l’éventuelle mention
de sortie contre avis médical (SCAM) pour le premier
In J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 35, n° 1, 2006
Travail original • Grossesses rapprochées
accouchement, le nombre de consultations prénatales
total pour la deuxième grossesse et, enfin, le terme et
le poids de naissance de l’enfant pour la deuxième
grossesse. Les femmes célibataires ont été définies
comme celles n’étant pas mariées ou vivant seule et
concernant la contraception du post-partum, seuls la
pilule et le dispositif intra-utérin ont été considérés
comme moyen contraceptif prescrit à la sortie. Pour
certaines de ces variables, les informations figurant
sur les dossiers se sont parfois avérées absentes ou
douteuses et ont donc été exclues. Les effectifs réel-
lement étudiés de ces 2 populations sont notés pour
chaque variable dans les tableaux I et II.
La comparaison des effectifs a été réalisée par le
test du Chi-2, celle des moyennes par le test du t de
Student. Le seuil de significativité a été fixé à 0,05.
Les moyennes des différents groupes ont été compa-
rées à l’aide du test F de Fischer.
Les variables dont l’association avec la survenue
de grossesses rapprochées caractérisée par un degré
de signification p < 0,25 et celles d’intérêt clinique
particulier ont été par la suite testées dans un modèle
de régression logistique descendante « pas à pas » et
les résultats sont exprimés en OR ajustés (analyse
multivariée) (tableau III). Les variables étudiées dans
l’analyse multivariée étaient l’âge inférieur à 21 ans,
la gestité, la parité, l’antécédent d’IVG, l’antécédent
de MFIU ou d’IMG, la prise d’une contraception
antérieure à la première grossesse et la mention
SCAM.
RÉSULTATS (tableaux I, II et III)
Caractéristiques socio-économiques
Les moyennes d’âge sont respectivement de 26 et
29 ans dans le groupe grossesses rapprochées et
dans le groupe témoin (p < 0,001). Si les femmes
sont significativement plus jeunes dans le groupe
grossesses rapprochées, cette différence est égale-
ment notée pour les parturientes de moins de 21 ans.
En effet, la proportion de ces dernières avoisine les
18 % dans le groupe grossesses rapprochées contre
1 % dans le groupe témoin (p < 0,001). D’autre part,
l’analyse du statut familial retrouve 58 % de mères
célibataires dans le groupe grossesses rapprochées
contre 35 % dans l’autre groupe (p < 0,001). On
remarque également une proportion significative-
ment plus importante de mères sans profession dans
le groupe grossesses rapprochées (62 % versus
34 % ; p < 0,001).
89
F. Dedecker et collaborateurs

Tableau I Caractéristiques sociodémographiques et antécédents gynéco-obstétricaux.

Demographical characteristics and medical history.

Effectif groupe Groupe grossesses Groupe témoin p

Effectif
Variables grossesses rapprochées
groupe témoin n (%)
rapprochées n (%)
Aspects socio-démographiques
Moyenne d’âge (années) 192 210 25,8 28,9 < 0,001
Âge < 21 ans 192 210 34 (17,7) 2 (0,9) < 0,001
Situation
Socioprofessionnelle
Célibataire 192 210 112 (58,4) 74 (35,3) < 0,001
Sans profession 124 126 77 (62,1) 43 (34,1) < 0,001
Antécédents gynéco-obstétricaux
Gestité moyenne 192 210 3,7 ± 2,2 2,9 ± 1,4 < 0,001
Gestité ≥ 6 192 210 32 (16,7) 11 (5,2) < 0,001
Parité moyenne 192 210 3,1 ± 1,8 2,6 ± 1,1 < 0,001
Parité ≥ 6 192 210 23 (11,9) 6 (2,9) < 0,001
Contraception antérieure 157 186 97 (61,8) 157 (84,4) < 0,001
à la 1re grossesse
Antécédents d’IVG 192 210 33 (17,2) 20 (9,6) 0,02
Antécédents d’IMG 192 210 36 (18,8) 5 (2,4) < 0,001
ou de MFIU

Tableau II Caractéristiques de la première et de la deuxième grossesse.

First and second pregnancies characteristics.

Effectif groupe Groupe grossesses

Effectif Groupe témoin
Variables grossesses rapprochées p
groupe témoin n (%)
rapprochées n (%)

1re grossesse
Tabac avant grossesse 192 210 103 (53,6) 83 (39,5) 0,01
Tabac durant grossesse 192 210 95 (55,5) 66 (36,7) < 0,001
Allaitement artificiel 192 210 110 (57,3) 82 (39) < 0,001
Contraception du post-partum 147 180 61 (41,5) 90 (50) NS
Sortie contre avis médical 172 198 31 (18) 11 (5,6) < 0,001
2e Grossesse
Nombre moyen de CS prénatales 191 209 7,1 ± 1,2 6,9 ± 1,3 NS
Nombre de CS < 7 191 209 43 (53,8) 37 (46,3) NS
Prématurité < 37 SA 191 209 36 (18,8) 16 (7,6) < 0,001
Prématurité < 34 SA 191 209 9 (2,6) 1 (0,5) 0,01
Poids de naissance 191 209 22 (11,5) 15 (7,2) NS
< 2 500 g
RCIU 191 209 9 (4,7) 8 (3,8) NS

90 © MASSON, Paris, 2006.


Tableau III Facteurs de risque du groupe grossesses
rapprochées (analyse multivariée).
Risk factos for short interpregnancy intervals
(multivariate analysis).
Odd Intervalle
Variables
ratio de confiance à 95 %
Âge < 21 ans 20,3 [4,5 ; 91]
Absence de contraception 4,2 [2,38 ; 8,2]
antérieure à la 1re grossesse
Célibat 2,3 [1,31 ; 3,97]
Antécédent de MFIU ou d’IMG 10,1 [3,13 ; 32,2]
Gestité ≥ 6 1,3 [1,12 ; 1,49]
n = 192.
Antécédents gynéco-obstétricaux
L’analyse des antécédents obstétricaux révèle une
parité et une gestité plus élevées dans le groupe gros-
sesses rapprochées. En effet, la gestité moyenne des
patientes présentant une grossesse rapprochée est de
3,7 ± 2,2 alors que dans l’autre groupe, la gestité
moyenne est de 2,9 ± 1,4 (p < 0,001). La parité
moyenne du groupe grossesses rapprochées est de
3,1 ± 1,7, contre 2,6 ± 1,1 dans le groupe témoin
(p < 0,001). Les gestités et parités élevées (supérieu-
res ou égales à 6) ont également été étudiées. La ges-
tité élevée est retrouvée chez 32 patientes du groupe
grossesses rapprochées (17 %) et chez 11 patientes du
groupe témoin (5 %) (p < 0,001). De même, la parité
élevée est significativement plus fréquente chez les
femmes présentant des grossesses rapprochées
puisqu’on dénombre 23 patientes (12 %) versus 6
(3 %) dans le groupe témoin (p < 0,001).
D’autre part, la prise d’une contraception avant la
première grossesse, tous moyens contraceptifs confon-
dus, est significativement plus importante dans le
groupe témoin (84 % versus 62 %) (p < 0,001).
On retrouve un antécédent d’IVG chez 33 femmes
(17 %) du groupe grossesses rapprochées contre 20
(10 %) dans le groupe témoin (p = 0,02). Dans ce der-
nier groupe, seules 5 patientes (2 %) présentent un
antécédent d’ITG ou de MFIU au troisième trimestre
de grossesse alors que dans le groupe grossesses rap-
prochées on en dénombre 36 (19 %) (p < 0,001).
Caractéristiques de la 1re grossesse
L’analyse de la 1re grossesse montre que 57 % des
femmes du groupe grossesses rapprochées ont choisi
un allaitement artificiel contre 39 % des patientes du
groupe témoin (p < 0,001). Pour la contraception du
In J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 35, n° 1, 2006
Travail original • Grossesses rapprochées
post-partum, 41,5 % des femmes du groupe grosses-
ses rapprochées ont bénéficié d’une contraception
orale ou d’un dispositif intra-utérin après leur
1er accouchement contre 50 % des femmes du groupe
témoin (NS). Enfin, le taux de SCAM s’est avéré
significativement plus important dans le groupe gros-
sesses rapprochées que dans le groupe témoin (18 %
versus 6 % ; p < 0,001).
En ce qui concerne la consommation de tabac avant
la 1re grossesse, on dénombre 54 % de femmes
fumeuses dans le groupe grossesses rapprochées et
40 % dans le groupe témoin (p = 0,01). De même,
55 % des patientes du groupe grossesses rapprochées
ont fumé durant leur 1re grossesse contre 37 % dans
le groupe témoin (p < 0,001). Ces dernières informa-
tions n’ont qu’une valeur qualitative car la consom-
mation de tabac de ces patientes n’a pas pu être
chiffrée.
Caractéristiques de la 2e grossesse
En ce qui concerne la 2e grossesse, la qualité du
suivi périnatal est identique dans les 2 groupes même
lorsque l’on considère un critère de mauvais suivi tel
qu’un nombre de consultations prénatales inférieur à
7, nombre de consultations obligatoires. D’autre part,
il existe une proportion de prématurité plus élevée
dans le groupe grossesses rapprochées puisqu’on
recense 19 % de naissances avant 37 semaines d’amé-
norrhée (SA) dans ce groupe contre 8 % dans l’autre
groupe (p < 0,001). Si l’on considère les naissances
avant 34 SA, cette différence persiste également
(p = 0,01). Enfin, concernant le poids de naissance et
l’existence d’un RCIU (poids de naissance inférieur
au 10e percentile selon les courbes de Leroy et
Lefort), aucune différence n’a été montrée même si
les petits poids de naissance semblent plus fréquents
dans le groupe grossesses rapprochées.
DISCUSSION
La très grande majorité des auteurs s’accorde sur
le fait que les femmes à risque de grossesses rappro-
chées sont jeunes, célibataires et sans profession, ce
qui concorde avec les résultats de ce travail [2-4, 6,
7, 9-12]. Seuls Kaharuza et al. rapportent l’âge
avancé (après 30 ans) comme facteur de risque de
grossesses rapprochées au Danemark, et l’expliquent
par le début tardif de la première grossesse dû en par-
ticulier à la place occupée par l’activité profession-
nelle dans la vie familiale [13]. En effet, les femmes
91
F. Dedecker et collaborateurs
présentant une grossesse après 30 ans choisiraient,
selon ces auteurs, de raccourcir l’intervalle de temps
entre les grossesses suivantes. Néanmoins, dans notre
étude, la moyenne d’âge est significativement plus
élevée dans le groupe témoin, la proportion des fem-
mes de moins de 21 ans est significativement beau-
coup plus importante dans le groupe grossesses
rapprochées et enfin 27,6 % des femmes ont moins
de 29 ans dans ce dernier groupe alors qu’on en
recense 44,3 % dans le groupe témoin (p < 0,001).
La gestité et la parité élevées apparaissent égale-
ment comme des facteurs de risque de grossesses rap-
prochées. Les données de la littérature vont dans ce
sens [7, 10, 12, 13]. Ces constatations peuvent
s’expliquer d’une part, par une fréquence plus faible
de contraception antérieure chez les femmes présen-
tant des grossesses rapprochées, élément également
corrélé à une plus forte proportion de grossesses non
désirées, mais également par une plus grande inci-
dence d’ITG et de MFIU, ce que nous avons observé
dans notre travail. En effet, ces évènements doulou-
reux pour les parents seraient rapidement suivis d’une
nouvelle grossesse afin de pallier à la perte de l’enfant
[11, 14]. Toutefois, Zhu et al. rapportent une associa-
tion significative entre l’antécédent de MFIU et un
long délai entre les grossesses, supérieur à 120 mois,
temps nécessaire aux parents afin de faire le deuil de
l’enfant perdu [9]. Ces deux attitudes radicalement
opposées sont vraisemblablement liées à des différen-
ces culturelles à l’égard du processus de deuil.
Nous ne retrouvons pas de différence significative
quant à la prescription d’une contraception en post-
partum alors qu’il y a une différence significative du
taux de contraception avant la première conception
entre les 2 groupes. Néanmoins, il a été difficile de
recenser la méthode contraceptive lorsqu’elle était
dite « locale » et les patientes étaient alors considé-
rées comme sans contraception. Cependant, bon nom-
bre d’entre-elles allaitaient leur enfant et étaient donc
protégées temporairement par le verrou contraceptif
que constitue l’allaitement. Malgré l’absence de dif-
férence concernant la contraception du post-partum
entre les 2 groupes, la proportion significativement
moins importante de femmes allaitant leur enfant
dans le groupe grossesses rapprochées explique pro-
bablement en partie la survenue des grossesses rap-
prochées. De plus, la prescription d’une contraception
orale dans ce dernier groupe a vraisemblablement été
limitée en raison d’une plus forte consommation taba-
gique. Néanmoins, il est difficile de considérer le
tabac comme facteur de risque de grossesse rappro-
chée. Il n’en demeure pas moins que la proportion de
92
femmes fumeuses pendant et avant la grossesse est
significativement plus importante dans le groupe
grossesses rapprochées, bien qu’une fois encore cette
donnée n’ait qu’une valeur qualitative. D’après cer-
tains auteurs, le tabagisme est corrélé au bas niveau
socio-économique, ce qui nous paraît être l’hypothèse
la plus recevable mais il ne faut pas négliger les
conséquences de ce tabagisme sur la décision de la
méthode contraceptive proposée après l’accouche-
ment [13].
Qu’il s’agisse de grande prématurité ou de préma-
turité modérée, le court intervalle entre les grossesses
est un facteur de risque de prématurité. Fuentes-
Afflick et Hessol ont réalisé une étude chez plus de
289 000 enfants nés de mères hispaniques ou de
mères blanches ayant accouché au moins une fois
d’un enfant vivant, afin d’évaluer l’incidence du délai
entre les grossesses successives sur le taux de préma-
turité [7]. Le plus haut risque de prématurité a alors
été constaté lorsque le délai entre les grossesses était
inférieur à 6 mois alors que le plus faible risque se
situait entre 18 et 23 mois, raison pour laquelle nous
avons choisi cet intervalle de temps dans le groupe
témoin. De même, d’autres ont démontré que le taux
de prématurité doublait lorsque le délai séparant les
grossesses était inférieur à 3 mois [2]. Nous consta-
tons également une plus grande fréquence de préma-
turité dans le groupe grossesses rapprochées même si
la population hospitalière, recrutée par notre service,
peut-être considérée comme à plus haut risque de pré-
maturité qu’un centre de niveau I ou II bien qu’il n’y
ait pas de sélection particulière des consultations pré-
natales que nous organisons. Plusieurs hypothèses ont
été avancées pour expliquer ce constat. Tout d’abord,
sont invoquées les contraintes physiques et psycholo-
giques qu’entraîne la présence d’un nourrisson lors de
la deuxième grossesse. Certains expliquent le taux de
prématurité anormalement élevé lié à la deuxième
grossesse par ce mécanisme [1, 7, 10, 15]. De plus, il
existe une probable carence nutritionnelle maternelle,
conséquence de la première grossesse et d’un éven-
tuel allaitement, influant sur la croissance et le terme
de naissance du second enfant. Plus que la déperdition
protéique habituellement reconnue, ce sont les caren-
ces en fer et acide folique qui joueraient un rôle
majeur dans les complications inhérentes à la
deuxième grossesse [16]. Il a été démontré que de
basses concentrations sériques et intra-érythrocytaires
d’acide folique étaient corrélées à une diminution du
poids fœtal et de la durée de la grossesse [17]. Il en
est de même pour le fer, vraisemblablement par le biais
de l’anémie maternelle. Les stocks de ces substances se
© MASSON, Paris, 2006.

renouvellent en effet de façon très lente. Ce n’est pas
le cas du zinc, des vitamines A, B6 ou B12, qui se
renouvelant rapidement, ne semblent pas entraîner
de complications pour les grossesses rapprochées
[18]. Enfin, certaines prostaglandines, initiatrices de
l’accouchement, ont été incriminées. Smith et al. sup-
posent en effet une persistance anormalement élevée
du taux de ces substances, après le premier accouche-
ment, et les considèrent comme facteurs de risque
possibles d’accouchement prématuré [19].
D’autres conséquences périnatales des grossesses
rapprochées sont également reconnues telles que le
RCIU et le petit poids de naissance. Plusieurs équipes
ont rapporté une prévalence élevée pour ces deux
pathologies lorsque l’intervalle entre deux grossesses
était inférieur à 6 mois [1, 3, 4]. Bien que la différence
entre nos deux groupes concernant les petits poids de
naissance ne soit pas significative, fait probablement
dû à la taille de nos effectifs, on constate un nombre
plus élevé de petit poids de naissances dans le groupe
grossesses rapprochées que dans le groupe témoin.
Les petits poids de naissance s’expliquent en partie
par le taux élevé de prématurité et le RCIU par l’état
nutritionnel carentiel maternel [16-19]. Enfin, nous
n’avons observé aucun décès néonatal dans notre
étude, mais certains auteurs rapportent une mortalité
périnatale de près de 4 %, essentiellement liée aux
complications de la prématurité et de l’hypotrophie
[19, 20]. Nos résultats montrent une relation statisti-
quement significative entre prématurité et grossesses
rapprochées ainsi qu’une tendance statistiquement
significative entre RCIU et grossesses rapprochées.
Néanmoins, ne connaissant pas les antécédents de
prématurité ou d’hypotrophie de ces patientes, les dif-
férences que nous observons entre les 2 groupes pour-
raient s’expliquer par d’autres facteurs de risque
présents chez ces femmes. L’absence d’informations
concernant ces données constitue une limite dans
l’interprétation de nos résultats.
CONCLUSION
Les grossesses rapprochées sont des situations cli-
niques fréquentes et qui demeurent préoccupantes de
par la morbidité périnatale qu’elles engendrent [11].
Une bonne connaissance des déterminants de ce type
de grossesse est nécessaire afin de repérer et d’infor-
mer les patientes à risque, car la prise en charge se
doit d’être axée avant tout sur la prévention. L’ins-
tauration d’une contraception en post-partum chez ces
patientes est un élément important surtout lorsque
In J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 35, n° 1, 2006
Travail original • Grossesses rapprochées
l’allaitement est artificiel. L’information sur les
diverses modalités contraceptives disponibles doit
être délivrée de façon exhaustive, notamment en
matière de dispositif intra-utérin [21]. De même,
l’information des couples après IMG ou MFIU est un
élément important de la prévention de ces grossesses
rapprochées même si le désir d’une nouvelle gros-
sesse est intense et légitime. Il ne faudra pas omettre
une supplémentation en micro-nutriments qui pour-
rait probablement réduire la morbidité fœtale et met-
tre en œuvre, en cas de grossesses rapprochées, tous
les moyens de prévention et de traitement de la
menace d’accouchement prématuré.
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