Revue Marocaine de l’Évaluation et de la Recherche en Éducation/ N°8.

Décembre 2022
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Comment pratiquer une stratégie de communication à l’école

marocaine selon La pédagogie Freinet

MOHAMMED MENSOURI 1 & AHMED LAMIHI 2

mohammed.mensouri@etu.uae.ac.ma
1,2
Université Abdelmalek Essaadi

Résumé
Freinet a toujours donné de l’importance à l’épanouissement communicationnel de
l’enfant, d’ailleurs, c’est parmi les fondements de sa pédagogie et de sa vision sur les finalités
de l’école et de ce qu’elle devrait être. En se référant à la théorie psycho-pédagogique de ce
pédagogue, une stratégie de communication a été mise au point pour permettre aux apprenants
de l’école marocaine de bien cerner les outils de la communication écrite et orale. Le point de
départ de cette stratégie est la lecture de l’image.

Mots clés : la communication – la lecture d’image – la formation à l’expression.

Abstract
Freinet had always given a great importance to the communicative development of
the child ; it had been considered as an essential fundamental basis of his both pedagogy and
vision of the aim of school. As referring to Freinet’s psycho-pedagogical theory, a
communicative strategy in Moroccan school had been developed to permit learners to master
written and oral communication. Therefor, the starting point of this strategy had been based
on image reading.

Key words : communication – image reading – training of expressing.

Introduction

Le choix pédagogique de Freinet se base essentiellement sur le fait d’accueillir

quotidiennement et faire grandir des paroles qui s’énoncent et énoncent l’être, dans une
démarche globale de communication et de coopération. Pour lui, il s’agit d’un concept très

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important, l’expression, de l’enfant. En effet, ce concept a véritablement une finalité sociale

démocratique. L’expression constitue un droit pour l’enfant. Cette expression va donc être
reconnue et être encouragée.

« Il est un autre genre d’outils, plus subtils certes et plus immatériels, dont nous ne
saurions négliger l’exaltant emploi. Ce sont ceux qui permettent à l’enfant d’entrer en contact
avec ses semblables, d’extérioriser et de formuler ses besoins, de développer et d’approfondir
la conscience qu’il a des relations entre les éléments et leurs manifestations, de dominer
progressivement la nature par le langage qui, après les mains, est le premier et le plus
éminent des outils, par le dessin, l’écriture, l’imprimerie et la lecture » (Freinet, 1994).

Freinet va montrer l’importance de la prise de parole chez l’enfant dans la structure

école. Il ira jusqu’à développer la pratique du débat en classe, lors des temps de conseil de
coopérative. A partir de ce constat, nous allons essayer dans cet article de mettre le point sur
une stratégie méthodologique de la communication, selon les principes et les fondements du
rôle de l’école de Freinet, et aussi selon les principes théoriques de l’apprentissage de ce
dernier.

Ainsi, et pour mettre en évidence l’efficience et l’efficacité de la stratégie de

communication de Freinet, nous allons voir comment tirer profit de l’analyse de l’image du
manuel scolaire pour aboutir à un perfectionnement des compétences communicationnelles
écrites et orales chez l’enfant.

Invoquer la pédagogie Freinet c’est faire implicitement référence à l’existence de

quelques grands traits fondamentaux qui donnent sens aux techniques de la classe. Ces
principes concernent essentiellement les finalités assignées à l’éducation scolaire et les
pratiques enseignement/apprentissage mis en œuvre. Comment peut-on actualiser ce
système ?

Freinet et l’éducation scolaire :

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Freinet a donné une grande importance à l’enfant et à l’école, et c’est pour cela qu’il
a instauré quelques principes concernant les finalités de l’école :

- Une école ouverte sur la vie ; ce principe indique d’un côté un refus et
d’un autre côté une volonté. Un refus de la scolastique, c’est-à-dire du savoir scolaire
renfermé sur de mauvais manuels, de la coupure symbolique et pratique de l’école
avec environnement. Il indique à l’inverse une volonté d’ouverture sur
l’environnement naturel et social de l’école, et la volonté d’approprier activement la
culture scolaire qui travaille sur les questions contemporaines à l’ordre du jour.
- Une éducation du travail ; ce principe met en œuvre les ancrages de
plusieurs dimensions théoriques et pratiques de l’action Freinet. Il croit à l’importance
de la participation des enfants à un vrai travail productif, loin de tout rapport
d’exploitation et d’alinéation ; il est donc question d’une pédagogie populaire.
L’introduction de l’imprimerie à l’école n’est qu’un des aspects des travaux manuels
qualifiés dans les apprentissages des élèves.
- Une école dite populaire ; et c’est l’ambition de créer une école
accueillante pour tous et contre les normes prévalentes (c’est-à-dire contre
l’alignement sur les profils culturels des enfants issus des classes sociales dominantes
et les classes moyennes supérieures, ainsi que sur les attentes sociales de leurs
familles). Il s’agit donc d’une démocratisation de la réussite scolaire, dans sa double
ambition d’acquisition/élaboration des savoirs.

Ces trois principes revêtent un rôle très important lors de l’élaboration de notre
démarche méthodologique concernant la stratégie communicationnelle à partir de la
lecture et l’analyse de l’image.

L’apport des théories psycho-pédagogiques :

Au cœur de la théorie psycho-pédagogique, trois principes fondent les

apprentissages chez Freinet, à savoir, le tâtonnement expérimental, la libre expression, et
la méthode naturelle.

- La loi du tâtonnement expérimental se base sur le constat qu’il y a un

même processus chez les enfants et les adultes. Tout individu, dans un milieu

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favorable, cherche à connaitre par essai, analyse, hypothèse et vérification.

L’apprentissage de de l’enfant est impérativement socialisé : la famille, la société,
la nature… le principe se base également sur l’idée de la non dissociation de
l’affectif et de l’interculturel dans le processus apprentissage (la réussite et le
plaisir sont associés).
- La notion de méthode naturelle complète celle du tâtonnement
expérimental. C’est l’apprentissage de la marche chez le jeune enfant, et plus
encore celui de la parole, qui servent de référent pour préconiser l’apprentissage de
la langue écrite dans la classe Freinet, puis pour penser les autres apprentissages
scolaires. Toutefois, cette méthode naturelle suppose nécessairement l’implication
des partenaires aidants, un appui au tâtonnement expérimental et à la libre
expression.
- La libre expression est essentielle pour manifester le moi social et le
moi affectif, dans un dispositif d’écoute servi par les techniques du texte libre (de
sa lecture aux autres, de sa mise au point, de sa diffusion…)

Selon tous ces principes, la stratégie de communication selon Freinet mise sur un
renforcement du sentiment d’auto-efficacité. Ce sentiment est généré essentiellement par la
notion d’utilité procurée à l’enfant depuis la création des situations où il peut retrouver des
motivations. Dans cette perspective, et après plusieurs observations, nous avons remarqué
l’importance de l’image comme outil de motivation. L’image est donc redimensionnée en un
support visuel qui questionne les élèves, et ces derniers sont supposés trouver des réponses ;
c’est la maîtrise des formes discursives. L’image est un excellent outil d’initiation à la
communication orale et écrite, elle facilite la compréhension et amène l’élève à s’exprimer
avec plaisir.

Le rôle de l’enseignant dans ce dispositif est d’introduire d’abord les techniques et

les outils matériels nécessaires, d’instaurer ensuite une visée quant au devenir des élèves, à
savoir, responsabilisation, sens de la coopération, expression communication, élan de
création, autonomie et acquisition de savoirs émancipateurs. Ce sont donc les « façons de
faire » de l’enseignant pour ces dispositifs instituants. Ainsi, et dans la même perspective,
nous allons nous focaliser sur l’analyse de l’image comme moyen de développement des

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compétences communicationnelles orales et écrites chez l’élève, tout cela sera établi suivant
les principes et les méthodes préconisés par Freinet.

Dépassant le simple rôle décoratif, les images bénéficient d’une grande charge
communicationnelle, ils représentent l’un des contenus les plus engageant. Or, cette
importance est bien mise en valeur dans les manuels scolaires, et ce grâce à son puissant outil
d’ancrage différencié. Pour bien mettre en évidence le rôle primordial de l’analyse de l’image
comme une stratégie communicationnelle, une recherche sur le terrain nous a permis de
constater une méthode qualifiée d’efficace, et ce auprès d’un professeur de l’enseignement
primaire1 ayant à sa charge l’enseignement des élèves de la 5ème année du primaire. Ce
professeur innovant a élaboré une nouvelle méthodologie communicationnelle basée sur la
lecture et l’analyse de l’image. Les images en études sont généralement prises depuis le
manuel scolaire (en rapport chaque fois avec la thématique de l’unité didactique programmée
selon une répartition annuelle officielle). L’exploitation de l’image qui se fait généralement
lors des séances de lecture et de l’expression orale, a permis aux apprenants d’acquérir des
compétences langagières et communicationnelles considérables.

Ces résultats et ce développement se sont concrétisés en progression de l’année

scolaire. Nous avons en effet constaté un grand changement de comportement et d’aptitude à
communiquer oralement et par écrit. La démarche instaurée par ce professeur a
essentiellement pour but d’amener les élèves de la 5ème année du primaire qui sont à sa charge,
à faire une traduction de l’image en un texte organisé et méthodique, tout en mettant en
exercice leurs compétences langagières orales et écrites. Cette méthodologie est étalée sur 7
étapes qui doivent être suivies minutieusement par l’élève pour atteindre son objectif. Ces
étapes se font comme suit :

1. Déterminer la nature de l’image en étude. L’élève est amené à

reconnaitre chaque type d’image (photographie, peinture, caricature, bande
dessinée…)
2. Faire une comparaison entre l’image en étude et celles déjà étudiées. Il
est supposé détecter les points de convergence et de divergence entre l’image actuelle
en étude et les images déjà étudiées précédemment.

1
Il s’agit du professeur KARIM NEMRI, professeur de l’enseignement primaire à l’école du marché, direction
provinciale de Taza, académie régionale de l’enseignement et de la formation de Fès Meknès.

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3. Observer et analyser les couleurs, leur dégradation et les techniques de

l’utilisation de ces couleurs.
4. Faire une observation linéaire de l’image, tout en essayant d’en faire
une description. Cela sollicite chez l’élève ses compétences d’expression orale et
écrite.
5. Faire ensuite le lien entre l’image et le titre du texte, puisqu’il s’agit
généralement d’une illustration d’un texte du manuel scolaire.
6. Faire une interprétation prédictive et anticipative avant de lire le texte
dont l’image est le support.
7. Essayer de faire une intégration des recherches antérieurs dans la
prédiction.

Pour réussir cette tâche, l’élève est supposé organiser son travail et ses idées au
préalable, par écrit, pour exposer les résultats de ses recherches oralement, devant ses
camarades et débattre ses propos. Cette démarche méthodologique est en parfaite harmonie
avec les principes concernant les finalités de l’école selon Freinet. L’investissement des
images et des thématiques programmés dans le cursus scolaire, font de ce mécanisme (celui
de l’interprétation imagière) une fenêtre ouverte sur l’environnement de l’école et sur
l’actualité de la société. Cela suppose également une éducation au travail, une participation
dynamique des élèves à une production orale et écrite authentique à chaque individu, car les
productions des élèves feront l’objet d’un tri, selon la qualité et la pertinence du travail, pour
qu’enfin en faire une vulgarisation numérique, en utilisant les nouvelles technologies de
l’information et de la communication, comme les réseaux sociaux bien prisés par les jeunes,
en faires des pages et des « murs » spécialisés où ces productions pourraient être diffusées.

Aussi faut-il signaler que cette méthode permet aux élèves de débattre sur les
productions présentées. En effet, les élèves sont tenus de présenter leurs productions devant
leurs camarades en classe, ces productions sont alors sujets à des questionnements et à des
critiques. Chaque élève doit en contrepartie soutenir ses idées et donner des justifications et
des arguments qui soutiennent son produit. Cela va donc en harmonie avec les fondements de
l’apprentissage de Freinet, à savoir, le tâtonnement expérimental et la liberté d’expression,
fortement manifestés par cette démarche méthodologique. Il est à constater que les élèves
ayant suivi cette « formation à l’expression » par la lecture et l’analyse de l’image, ont vu leur
niveau d’expression orale et écrite considérablement amélioré au fil de l’avancement de
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l’année scolaire, leur profil a complètement changé (le volume et la qualité de la production
orale et écrite en sont témoins). Le présent exemple est révélateur :

Figure 1production écrite d’un élève à partir d’une lecture d’image

Conclusion

Enfin, cette stratégie de communication selon la pédagogie Freinet, sollicite une

panoplie de compétences dont l’élève fait usage, ce qui permet d’aboutir à un très bon résultat
final des compétences transversales. Ceci dit, tout élève a le désir de découvrir, d’apprendre,
de communiquer et de s’exprimer librement. La pratique de l’enseignant n’a que favoriser et
laisser place à la manifestation de ces besoins fondamentaux, car il est temps d’éviter les
situations d’apprentissage préétablies et de renverser la situation de sorte que l’élève devienne
actif, acteur et non juste un spectateur du processus d’apprentissage. Ce renversement de
situation est primordial et déterminant pour la réussite des élèves, dans le contexte de
l’approche par compétences.

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Bibliographie
Freinet, C. (1994). Œuvres Pédagogiques. L’école moderne française, p. 32.

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