Épistémologie des politiques publiques

Dominique Boily, M.Sc. Doctorant USI

dominique.boily@kaizenbudointernational.com

Objectif

Si les politiques publiques, selon le modèle classique, représentent la réponse

de l’État à un problème public (Dye, 1992; Knoepfel, 2015; Pal, 1992), la nature
de ce problème sera capitale dans la compréhension et l’évaluation de l’action
publique. En effet, plusieurs questions se posent. Comment l’État définit-il le
problème à résoudre ? Comment l’a-t-il connu ? Quels sont les facteurs qui
influencent sa compréhension (Sheppard, 2004)?

Ce cours vise à offrir aux étudiants les moyens de penser l’action publique de
manière plus utile et plus complète à partir d’un point de vue original, celui de
l’épistémologie, c’est-à-dire de la façon de connaître les problèmes publics.

En comprenant l’importance des enjeux épistémologiques, l’étudiant sera plus à

même de comprendre le cycle des politiques publiques et de poser un regard
critique sur l’adéquation entre le problème et la réponse de l’État. Ainsi éclairé, il
pourra identifier les écarts potentiels et concevoir des adaptations à la réponse
publique.

Contexte

La théorie classique des politiques publiques présente un modèle relativement

simple où l’État répond à un problème privé, devenu public par le jeu des acteurs
qui l’ont porté jusqu’à l’Agenda gouvernemental. À l’aide d’une panoplie
d'instruments, l’État agit, directement ou indirectement, pour modifier les
comportements des groupes cibles et ainsi apporter une réponse au problème
identifié.

Si le modèle semble satisfaisant à première vue, il a été critiqué par plusieurs

écoles qui ont remis en question sa sur-simplification. Mais un angle d’analyse
supplémentaire, peu voire jamais exploité, permet d’apporter une toute nouvelle
lumière sur la question. Quid du « problème » en tant que tel ? Existe-t-il en
soi ? Si la question peut sembler non pertinente, voire même absurde dans le
cadre de l’épistémologie constructiviste dominante, elle semblera, au contraire,
toute naturelle dans une perspective réaliste. Or, la politique n’est-elle pas l’art
du réel ?

En effet, comment l’État connaît-il les problèmes à solutionner ? Existent-ils de

manières indépendantes de leur articulation publique par le biais des discours
des différents acteurs ? Si, comme l’affirme le courant constructiviste, les
problèmes publics ne sont que des construits, produits du choc des diverses
interprétations et idéologies, comment assurer que les solutions mises en
œuvre1 (instruments de politiques publiques) soient en adéquation avec les
problèmes réels vécus par la population ? A contrario, une vision exclusivement
réaliste des problèmes, ne risquerait-elle pas de faire fi de tout en pan de la
réalité politique, c’est-à-dire des éléments très réels (et au moins partiellement
construits) nourrissant la vie commune de la polis (identitaires, mémoriels,
symboliques).

Cette réflexion trouve son aboutissement dans une réinterprétation originale du

modèle de l’analyse cognitive (par nature constructiviste), des politiques

1
La notion même de mise en œuvre, ironiquement, implique une part de réalité qui peut brusquer certains
modèles constructivistes pauvres en nuances.
publiques inspiré des travaux du politologue français Pierre Muller en
l’interprétant à la lumière de postulats réalistes.

Plan

Dans un premier temps, après avoir fait le point sur les théories classiques en
politiques publiques, et sur l’importance de la notion de problème, nous
expliciterons les théories de la connaissance (le concept d’épistémologie) en
faisant un retour sur les fondements philosophiques des écoles réaliste (Aristote,
St-Thomas) et constructiviste (Kant, Descartes, Hegel, Hume). Ensuite, les
théories classiques et contemporaines de conception et d’analyse, établies dans
une perspective constructiviste, seront présentées et réinterprétées à l’aide d’une
vision réaliste des problèmes publics. Ce faisant, nous analyserons l’adéquation
de l’action publique par rapport aux enjeux contemporains. Une clé originale
d’interprétation hybride sera proposée à la fin du cours, à partir des travaux de
Pierre Muller, pour une nouvelle intelligence, réellement réaliste (sic) de l’action
publique.

Format
Le cours se divise en 7 modules et se déroule en trois temps. D’abord, une
séance d’introduction (module 1), en classe, aura lieu début juin 2021. Les
modules 2 à 6 seront suivis à distance de manière asynchrone. Les étudiants
pourront avancer à leur rythme tout en respectant les limites fixées par le
calendrier (à suivre). Ils devront faire les lectures obligatoires, étudier la réflexion
critique (texte écrit soumis par le maître de conférence pour chaque module) et
visionner les capsules vidéo. En tout temps, ils pourront contacter le maître de
conférence pour discuter de questions plus difficiles ou pour faire état de leur
avancement. Le module 7 se déroulera lors d’une séance en classe (en janvier
2022, date et lieu à confirmer).
Évaluation
Les participants devront réaliser une analyse critique d’un enjeu contemporain de
politique publique. Pour ce faire, ils devront identifier un problème sur lequel
l’État agit, identifier les définitions dudit problème (réaliste puis constructiviste)
puis comparer les actions publiques (instruments de politiques publiques) avec
lesdites définitions pour en évaluer l’adéquation. Ils devront aussi analyser
(analyse cognitive) la vision du monde qui est à l’œuvre dans l’action
gouvernementale ainsi révélée. Finalement, ils devront proposer des
modifications à l’action de l’État pour mieux répondre à une définition
réaliste/hybride du problème public.

Nota: Le travail sera séparé en deux parties:

- Pour le octobre : Choix et justification d’une politique publique et
évaluation préliminaire - 2 pages maximum
- Pour le novembre : Remise de l’analyse critique (excluant les
pages liminaires et la bibliographie).

Les travaux doivent être remis à l’adresse courriel suivante:

dominique.boily@kaizenbudointernational.com
 Structure et contenu détaillé

Module 1 - Introduction

Contenu
Notions et théories classiques. Cycle des politiques publiques. Acteurs et triangle
des acteurs. Importance du problème public.

Lectures obligatoires
Knoepfel et al. (2015). Chapitres 2, 3, 7, 9 et 10.

Lectures suggérées
Dye et al. (1992)
Pal (1992)

Activités pédagogiques
Séance de cours (Date et lieu à confirmer)

Module 2 - Notions d’épistémologie et de

politiques publiques

Contenu
Notions philosophiques de réalisme et de constructivisme. Constructivisme et
sciences sociales. Doxa contemporaine en politiques publiques.
Lectures suggérées
Sheppard (2004)
Neveu (1999)

Activités pédagogique
Capsule vidéo asynchrone
Réflexion critique

Module 3 - Épistémologie des problèmes

publiques : regard critique
Contenu
Critique du constructivisme. Enjeux épistémologiques des problèmes en
politiques publiques.

Lecture obligatoire
Boghossian (2007)

Lecture suggérée
De Koninck (1950)

Activités pédagogiques
Capsule vidéo asynchrone
Réflexion critique

Module 4 - L’épistémologie du problème : mise en

oeuvre et évaluation
Contenu
Problème et conséquences sur l’administration publique. Mise en œuvre et
instruments, rôle du fonctionnaire comme agent de l’État. Évaluation des
politiques publiques.

Lecture obligatoire
Boily (2019)

Lecture suggérée
Boily et Savard (2017)
Barbier (2010)

Activités pédagogiques
Capsule vidéo asynchrone
Réflexion critique

Module 5 - Approche cognitive : l’école française

Contenu
Remise en cause de la vision anglo-saxonne. L’approche cognitive des politiques
publiques.

Lectures obligatoires
Muller (2000)
Surrel (2002)

Activités pédagogiques
Capsule vidéo asynchrone
Réflexion critique
 Module 6 - Pour une réinterprétation réaliste de
l’approche cognitive des politiques publiques.

Contenu
Proposition de réinterprétation de l’approche cognitive des politiques publiques à
la lumière d’une épistémologie réaliste : défis et perspectives pour les sociétés
démocratiques contemporaines

Activités pédagogiques
Capsule vidéo asynchrone
Réflexion critique

Module 7 - Conclusion

Contenu
Retour sur les notions. Débats à partir des travaux des étudiants.

Activités pédagogiques
Séance de cours (Date et lieu à confirmer)
BIbliographie

Barbier, J. C., & Matyjasik, N. (2010). Évaluation des politiques publiques et

quantification en France: des relations ambiguës et contradictoires entre
disciplines. Revue française de socio-économie, (1), 123-140.

Boghossian, P. (2007). Fear of knowledge: Against relativism and constructivism.

Clarendon Press.

Boily, D., & Savard, J. F. (2017). Les fonctionnaires et la fabrique des politiques
publiques: simples figurants ou véritables acteurs?. Politiques et Management
Public, 34(1-2), 167.

Boily, D. (2019). Courage et Innovation - Vers la sortie du Labyrinthe. Conférence

donnée dans le cadre du congrès de l’ACFAS, Gatineau, Québec.

De Koninck, C. (1950). «Sedeo, ergo sum»: Considerations on the Touchstone of

Certitude. Laval théologique et philosophique, 6(2), 343-348.

Dye, T. R., & Dye, T. R. (1992). Understanding public policy. Englewood Cliffs,
NJ: Prentice Hall.

Howlett, M., Ramesh, M., & Perl, A. (2009). Studying public policy: Policy cycles
and policy subsystems (Vol. 3). Oxford: Oxford University Press.

Knoepfel, P., Larrue, C., Varone, F., & Savard, J. F. (2015). Analyse et pilotage
des politiques publiques: France, Suisse, Canada. PUQ.
Muller, P. (2000). L'analyse cognitive des politiques publiques: vers une
sociologie politique de l'action publique. Revue française de science politique,
189-207.

Neveu, E. (1999). L’approche constructiviste des «problèmes publics». Un

aperçu des travaux anglo-saxons. Études de communication. Langages,
information, médiations, (22), 41-58.

Pal, L. A. (1992). Public policy analysis: An introduction. Scarborough: Nelson

Canada.

Sheppard, E. (2004). Problème public. Dictionnaire des politiques publiques.

Paris, Presses de Sciences Po, 347-354.

Surel, Y. (2000). L'intégration européenne vue par l'approche cognitive et

normative des politiques publiques. Revue française de science politique,
235-254.