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L a m i s e e n p l a c e d ’ u n e n v i r o n n e m e n t f a v o r a b l e

Point de vue et stratégie de l’autorité


concédante en Côte d’Ivoire
L’évolution des infrastructures 1998, pour la quatrième année consé- caines. Ses performances économiques
cutive, le PIB du continent s’est accru depuis la dévaluation du franc CFA, en
en Côte d’Ivoire, essentiellement de plus de 3 % et le revenu par tête 1994, se passent de commentaires :
s’est amélioré. Grâce aux nombreuses une croissance supérieure à 6 % pour
financée par des fonds publics réformes entreprises - maîtrise des la quatrième année consécutive ; une
jusqu’en 1990, a souffert de dépenses publiques, privatisations, réduction importante du déficit public
libéralisation des échanges, politique de 12 % du PIB en 1993 à 1,8 % en
l’existence de nombreux monétaire prudente - l’inflation est 1998 ; un taux d’inflation de 1,3 % en
mieux maîtrisée et les déficits budgé- 1998 contre 5,2 % en 1997 et 32,2 %
monopoles publics, d’une taires ont été réduits de moitié en cinq en 1994, année de la dévaluation du
ans (voir le tableau I ci-dessous). Les franc CFA ; un taux d’investissement
gestion des services généralement marges de manœuvre que se sont ainsi qui a plus que doublé en cinq ans, pas-
affranchie des lois du marché constituées les Etats africains leur per- sant de 7,8 % du PIB en 1993 à 16,6 %
mettent enfin de consacrer des res- en 1998 ; un taux d’investissement
ainsi que de l’insuffisance des sources plus importantes à la lutte privé qui se situe à 69 % des investisse-
contre la pauvreté. ments globaux en 1998 contre 53 % en
ressources de l’Etat. Face à la L’Afrique est la zone du monde qui a le 1993 ; une production industrielle qui
forte croissance de sa population, mieux résisté à la crise asiatique de est passée de 19 % du PIB en 1994 à
1997. Malgré les difficultés que 26 % en 1998 ; des exportations en
le pays a opté pour un change- connaissent un certain nombre de pays hausse moyenne de 15 % par an depuis
et de régions du continent, celui-ci est 1994, contribuant à une balance com-
ment radical de stratégie : le redevenu une destination pour les merciale excédentaire de 8,2 milliards
investisseurs et la communauté interna- de FF en 1998 contre 2 milliards de FF
recours plus systématique à tionale des affaires. Le fait que les en 1993 ; enfin, une forte réduction de
l’investissement privé par le biais Annales des Mines lui fassent une place la pauvreté, 500 000 Ivoiriens étant
dans ce numéro spécial consacré aux passés au-dessus du seuil de pauvreté
de privatisations, d’ouvertures à concessions des services publics à l’ex- entre 1995 et 1998.
portation, en est un témoignage élo- Notre pays, avec une croissance démo-
la concurrence, de concessions quent. graphique parmi les plus élevées au
ou de contrats BOT. monde (+3,3 %) doit nécessairement
atteindre et maintenir des taux de crois-
De profondes réformes sance élevés pour réduire la pauvreté et
par Tidjane Thiam structurelles donner des perspectives (emploi,
Ministre de la Planification et de la opportunités économiques) à une
Programmation du Développement Dans ce nouveau contexte, la Côte population toujours plus nombreuse et
d’Ivoire est résolument installée dans le toujours plus jeune (voir le tableau II ci-

E
n 1991, alors que s’ouvrait la peloton de tête des économies afri- contre).
dernière décennie du siècle et
du millénaire, l’Afrique présen- TABLEAU I
tait l’image d’un continent en proie au Afrique : indicateurs macro-économiques
doute sous l’effet conjugué des désé-
Indicateurs 1980-90 1995 1996 1997 1998
quilibres macro-économiques, des
Croissance du PIB réel 2,8 2,9 5,5 3,4 3,3
conflits armés, des guerres civiles et
d’une croissance démographique mal Inflation (%) 15,9 33,0 25,1 13,7 12
maîtrisée, en face de systèmes d’éduca- Ratio d’investissement 24,0 20,0 18,9 18,7 20
tion et de santé en crise profonde. en % du PIB)
Presque dix ans plus tard, le visage de Solde budgétaire (en % du PIB) -7,1 -3,0 -2,5 -1,8 -2,7
l’Afrique paraît radicalement, et selon
Source extrait du rapport sur le développement en Afrique, BAD.
nous, irréversiblement transformé. En

12 A n n a l e s d e s M i n e s
Dans un contexte de globalisation des TABLEAU II
Evolution de la population en Côte d’Ivoire
échanges, nous devons nous efforcer de
toujours renforcer la compétitivité de 1960 1975 1988 1998
notre économie. Nous le faisons à tra-
Population 2 540 000 6 709 000 10 815 694 15 360 000
vers des réformes structurelles pro-
fondes qui visent globalement à réduire Taux de croissance - 6,7 % 3,7 % 3,3 %
les coûts des facteurs, à accroître notre Source : Recensements généraux de la population, Institut National de la Statistique
flexibilité et à diversifier notre écono-
mie. Nous nous attachons :
- à maintenir une gestion macro-écono- TABLEAU III
Evolution du réseau d’infrastructures en Côte d’Ivoire
mique saine et stable ;
- à mettre en place un environnement 1960 1998
réglementaire et juridique qui assure la Routes bitumées 700 km 6 000 km
sécurité des droits économiques ;
Réseau routier 25 500 km 81 000 km
- à nous doter d’infrastructures de base
performantes et compétitives, afin d’at- Lignes électriques 364 km de lignes HT/MT 16 625 km de lignes HT/MT
et 319 km de lignes BT et 9 000 km de lignes BT
teindre des taux d’investissement privé
élevés, seuls garants d’une croissance Nombre d’abonnés
saine et durable, notre objectif étant • eau 1 000 383 000
• électricité 13 592 650 000
d’atteindre, avant 2005, un taux d’inves- • localités électrifiées 14 1 407
tissement supérieur à 25 % du PIB, dont • téléphone 180 000
80 % au moins sera d’origine privée. Accès à l’eau potable 15 66
Très tôt, la Côte d’Ivoire a pris (% de la population)
conscience du rôle et de l’importance
des infrastructures comme facteur de
développement. Nous avons ainsi réali- prolongée (1980-1993) marquée par des délais de construction d’infrastruc-
sé des progrès importants dans la plu- une baisse de l’investissement, cette tures, que la gestion et la fourniture de
part des secteurs-clés depuis notre situation ayant entraîné l’apparition de services ;
indépendance (voir le tableau III). nombreux goulots d’étranglement - d’un certain désenchantement par
Cependant, les populations sont encore (l’offre en infrastructures était insuffi- rapport aux performances des sociétés
trop souvent privées d’accès aux ser- sante face à une demande en très forte publiques dans le contexte africain,
vices les plus vitaux : routes, eau, élec- croissance). leurs insuffisances ayant souvent
tricité ou télécommunications. Une seule solution s’imposait : le conduit à des situations de pénurie
L’évolution des infrastructures en Côte recours plus systématique à l’investisse- (électricité, téléphone), extrêmement
d’Ivoire, essentiellement financée par ment privé par le biais de privatisations, dommageables pour les économies
des fonds publics jusqu’en 1990, a en d’ouvertures à la concurrence, de concernées ;
effet souffert de l’existence de nom- concessions ou de contrats BOT. - de l’évolution technologique et des
breux monopoles publics et d’une ges- Plusieurs facteurs et tendances ont changements intervenus dans la régle-
tion des services amené les pou- mentation des marchés qui font que des
En Côte d’Ivoire, des secteurs-clés
généralement voirs publics à activités jadis considérées comme des
de l’économie ont été privatisés :
affranchie des lois opter pour ces monopoles naturels ont perdu ce carac-
du marché, mais
l’eau depuis 1959, l’énergie solutions. Il s’agit tère et sont plus accessibles à de nou-
aussi de pratiques
depuis 1990, le chemin de notamment : velles formes de propriété et de
restrictives à l’em-
fer depuis 1994, l’aéroport - des contraintes prestation. C’est le cas notamment de la
bauche, avec peu
d’Abidjan depuis 1996, les budgétaires qui production d’électricité où les groupes
de systèmes de télécommunications depuis 1997, pèsent sur les turbo-alternateurs à gaz fonctionnent
motivation, ainsi le transport urbain depuis 1998 finances publiques aujourd’hui efficacement à des niveaux
que d’insuffisances de ressources de la et rendent le recours à l’investissement de production moins élevés.
part de l’actionnaire unique qu’était privé indispensable pour développer de
l’Etat, ce qui a entraîné la dégradation nouvelles infrastructures ;
de la qualité des services, une baisse de - de la confiance retrouvée des opéra-
Redéfinir en partenariat
performance et des pertes de compétiti- teurs économiques privés internatio- les rôles des secteurs
vité. naux envers le marché ivoirien, suite à public et privé
En raison de ces difficultés, la Côte la relance économique amorcée en
d’Ivoire a opté pour un changement 1994 ; Le défi de la rénovation et du dévelop-
radical de stratégie pour faire face à la - de l’efficacité reconnue et de la per- pement des infrastructures est tel qu’il
forte croissance de sa population, à formance du secteur privé tant en ce ne saurait être relevé par l’Etat seul. Il
l’urbanisation accélérée et à la crise qui concerne la maîtrise des coûts et nécessite l’instauration d’un partenariat

A o û t 1 9 9 9 13
qui redéfinisse les rôles des secteurs TABLEAU IV
Partenariat public et privé : configuration types
public et privé et renforce la participa-
tion du secteur privé. Fonction Service administratif Concession BOT
Plusieurs options stratégiques, pré- Propriété des actifs Etat Etat Privé
voyant chacune une répartition diffé-
Conception Etat Etat Privé
rente des fonctions de propriété, de
conception, de financement, d’exploi- Financement Etat Etat Privé
tation et d’entretien et aussi des risques Exploitation et entretien Etat Privé Privé
entre les pouvoirs publics et le secteur
privé, sont possibles pour mener à bien
ces réformes et améliorer la prestation d’autant plus d’attrait pour le secteur tivement peu à la concurrence alors
des services et les résultats des secteurs privé que les perspectives de rentabilité que des activités comme l’exploitation
d’infrastructure (voir le tableau IV). dans un pays sont bonnes et que les des services urbains d’autobus, offrent
Dans l’option Service administratif (pro- risques commerciaux et politiques y souvent un bon potentiel d’ouverture à
priété publique et exploitation sont faibles. la concurrence ou au marché. Certains
publique), c’est le plus souvent une enti- Bien que les caractéristiques (besoins, biens ou services d’infrastructure,
té publique (entreprise publique ou cadre institutionnel, etc.) de chaque comme les services téléphoniques, sont
parapublique, organisme public relevant pays aient leur importance, ce sont sur- strictement privés, de par leur mode de
de l’Etat) qui est propriétaire des équipe- tout les particularités du secteur consi- consommation, tandis que d’autres,
ments et responsable de leur exploita- déré qui doivent être la considération notamment une bonne partie des
tion. La prestation des services dominante pour le choix d’une option. routes, ont plutôt une nature de biens
d’infrastructure, dans ce cas, n’est effica- Le niveau d’intervention du privé dans publics au sens de la théorie écono-
ce que lorsque les organismes publics les activités d’un secteur d’infrastructu- mique classique. Les routes rurales
qui en sont responsables obéissent aux re donné est déterminé par les caracté- fournissent un exemple parfait de biens
lois du marché, ne sont pas tributaires de ristiques suivantes : publics, étant donné que leur gestion
l’état des finances publiques et sont sou- - des techniques de production qui ne peut relever que d’un monopole et
mis aux mêmes codes et règlements que conduisent à un monopole naturel ; qu’elles constituent des biens collectifs
les entreprises privées. - le caractère collectif de la consomma- dont il n’est guère possible de recou-
L’option Concession (propriété publique tion des biens ou services produits vrer le coût d’usage.
et exploitation privée) permet au secteur (biens « publics ») ;
public de confier au secteur privé l’ex- - le potentiel de recouvrement des coûts ;
ploitation des équipements d’infrastruc- - la nécessité de respecter des impéra-
Une stratégie ambitieuse
ture (en lui faisant endosser le risque tifs d’équité distributive ; En Côte d’Ivoire, des secteurs-clés de
commercial correspondant) et de le - l’importance des effets induits. l’économie ont été privatisés. C’est le
charger de nouveaux investissements. En fonction de leur positionnement sur cas de l’eau depuis 1959 (concession
L’option BOT, « Build Operate ces cinq dimensions, certaines activités Sodeci), de l’énergie depuis 1990
Transfer », (propriété privée et exploita- sont plus « privatisables » que d’autres. (concession CIE), du chemin de fer
tion privée) convient le mieux aux acti- Par exemple, des activités comportant depuis 1994 (concession Sitarail), de
vités qui se prêtent à la concurrence l’exploitation de vastes réseaux, tels l’aéroport d’Abidjan depuis 1996
comme les télécommunications, l’élec- que les réseaux de transport d’électrici- (concession Aeria), des télécommuni-
tricité ou l’eau. Cette formule présente té et les chemins de fer, se prêtent rela- cations depuis 1997, du transport
urbain depuis 1998 (concession Sotu).
TABLEAU V Ces différentes opérations de partena-
Investissements privés dans les infrastructures en Côte d’Ivoire riat entre public et privé ont permis de
(en millions de US$)
concilier nos objectifs sociaux (accès
Secteur Investissements Indicateurs pour le plus grand nombre aux services
(1995-1998) de performance de base) et certains objectifs d’efficaci-
Electricité 217,2 • tarif de 8,7 cents/kwh en 1998 té économique (compétitivité des prix
contre 9,5 cents en 1995 et productivité). A ce jour, le bilan de
• capacité de production : 1 200 MW
en 1998 contre 835 MW en 1994 ces privatisations est largement positif
selon les évaluations conduites par la
Transport ferrovière 5,7 • trafic marchandises : 596 000 t Banque mondiale elle-même (voir le
en 1997 contre 328 220 t en 1993
tableau V ci-avant).
Transport aérien 14,3 • 1,2 million de passagers en 1998 Parallèlement, un vaste programme de
(11 % de croissance du trafic contre
7 % en 1996) contre 700 000 en 1995 travaux d’infrastructures (les travaux de
l’éléphant d’Afrique) de type BOT à
Télécommunications 171,4 • densité téléphonique : 1,2 en 1998
contre 0,9 en 1996 l’intention des opérateurs privés, a été
initié en 1996 et l’on peut citer, comme

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TABLEAU VI

Eau • 1959 : contrat de gestion du réseau de la ville d’Abidjan


• 1973 : contrat d’affermage (gestion, exploitation et entretien) pour le réseau national
• 1987 : concession
• 1998 : contrat d’affermage pour l’assainissement
Electricité • 1990 : contrat d’affermage pour la gestion du réseau national
• 1994 : 1994 : contrat BOT pour la construction de la centrale CIPREL (210 MW)
• 1997 : contrat BOT pour la construction de la centrale d’Azito (420 MW)
Télécommunications • 1996 : agrément de 3 opérateurs privés de téléphonie mobile
• 1997 : concession pour l’exploitation du réseau fixe
Transport • 1994 : concession pour l’exploitation des chemins de fer
• 1996 : concession pour la gestion de l’aéroport d’Abidjan
• 1997 : contrat BOT pour la construction d’un pont à péage
• 1998 : concession pour la desserte par autobus de 2 communes d’Abidjan

opérations déjà mises en œuvre, la investisseurs, banques, opérateurs et du promoteur (par exemple la mise à
construction de la centrale d’Azito et le clients/usagers). disposition d’une certaine capacité). Le
pont à péage Riviéra-Marcory. Ce dernier élément pose le problème du promoteur a la possibilité de transférer
Au fil du temps et des expériences, financement des projets, obstacle certains risques à ses sous-traitants pri-
notre philosophie en matière de majeur dans ce type d’opérations. En vés (par exemple la société d’exploita-
concession des services publics a évo- effet, le financement de nouveaux pro- tion). L’Etat peut souhaiter également
lué : nous sommes progressivement jets d’infrastructure par le secteur privé réduire ce risque en exigeant que le
passés de simples contrats d’affermage nécessite une mobilisation des fonds partenaire technique maintienne une
à de véritables concessions et mainte- gagés sur les recettes et actifs du projet. participation minimale au capital sur la
nant à des BOT, renforçant ainsi la par- Cette approche oblige donc à définir et à durée de la concession.
ticipation du secteur privé (voir le répartir les risques plus clairement que Pour ce qui est du risque de marché
tableau VI ci-dessus). dans le cas des projets publics de type (fluctuation de la demande pour les ser-
traditionnel. La gestion et la répartition vices du concessionnaire), certaines
des risques constituent un aspect-clé de concessions prévoient des mécanismes
Les facteurs-clés du succès ce type d’opérations, dont dépend bien automatiques d’ajustement des prix en
Il se dégage de notre expérience, un souvent leur réalisation effective. fonction de la demande (cas de la
certain nombre de facteurs-clés qui Pour chacun de ces risques, notre concession CIE).
paraissent nécessaires au succès de approche consiste à l’analyser et à l’at- Notre approche est d’éviter autant que
telles opérations. Il s’agit de : tribuer ou le faire gérer par la partie la possible d’avoir à supporter ce risque.
- l’identification de projets rentables et plus apte à le contrôler : promoteur Dans les cas de l’aéroport d’Abidjan et
de qualité ; privé, bailleur de fonds, Etat, entre- du pont à péage par exemple, aucune
- une ferme volonté politique, essentiel- prises sous-traitantes, etc. garantie de trafic n’a été donnée. Nous
le, compte tenu du niveau des investis- Ainsi, nous tentons de réduire le risque recommandons à cet effet des évalua-
sements et de la durée des contrats, de mise en place (rupture des accords tions indépendantes de la demande par
souvent supérieure à 20 ans ; la conti- pendant la période précédant la signa- des tiers (cabinets internationalement
nuité et la crédibilité des politiques ture du contrat) en recourant à des pro- réputés). Pour les contrats d’achat de type
menées permet en effet de conduire ces cédures transparentes d’appel d’offres. « take or pay » (cas de la centrale Ciprel),
transactions à des coûts globalement Ce fut le cas notamment pour la centra- le risque de paiement est pris en charge
moins élevés dans un environnement le thermique d’Azito et le Pont Riviéra - par l’Etat. Il est alors couvert par des
où le comportement de l’Etat est ration- Marcory. comptes de réserve représentant plu-
nel et prévisible ; Quant au risque de construction (non sieurs mois de service de la dette ou des
- un climat propice aux investissements respect du coût, de la qualité ou du garanties d’agences financières de déve-
se traduisant par une volonté bien éta- délai de réalisation), il doit être transfé- loppement (cas de la centrale d’Azito qui
blie de donner un rôle prépondérant à ré au promoteur. Nous lui imposons a bénéficié de la garantie partielle de
l’initiative privée et par la poursuite de généralement des forfaits avec un systè- risques de l’IDA). Notre politique est
réformes structurelles favorisant l’ou- me de pénalité ou de bonus, permettant d’éviter à l’avenir ce type d’engagement
verture de l’économie, ainsi que la un partage des gains de productivité (take or pay), malheureusement inévi-
mise en place de cadres réglementaires éventuels. tables pour les premières opérations.
et institutionnels adaptés ; En ce qui concerne le risque opération- Compte tenu des succès enregistrés par
- une saine gestion macro-économique ; nel (engagements du promoteur sur des la Côte d’Ivoire depuis 1994, les opéra-
- une allocation efficiente de l’en- niveaux de performance donnés), les teurs n’ont plus demandé ce type de
semble des risques liés à ce type d’opé- contrats prévoient expressément des garanties dans le cadre de nos plus
rations entre les différentes parties (Etat, obligations d’exploitation à la charge récentes opérations.

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Pour ce qui concerne le risque de chan- sont perceptibles par le consommateur et qui deviennent encore plus impor-
ge (fluctuation monétaire), d’une qu’après plusieurs années. Il apparaît tantes dans un contexte d’ouverture et
manière générale, aucune garantie de donc primordial, dans ce type d’opéra- de privatisation.
change explicite n’est donnée par tions, de mettre en œuvre une politique
l’Etat. L’opérateur privé bénéficie de communication active et permanen-
cependant d’une clause lui donnant te pour faire percevoir au client ou à
Une évolution salutaire
droit à l’équilibre financier de son l’usager, dès le lancement de l’opéra- En Côte d’Ivoire, l’Etat a possédé,
exploitation en cas de changement tion, les bénéfices qu’il peut en tirer et exploité et financé la quasi-totalité de
d’ordre monétaire. promouvoir la prise de participation l’infrastructure, essentiellement parce
Les opérateurs ont deux types de souci des nationaux au capital des sociétés qu’on pensait, jusqu’ici, qu’à cause des
au niveau du risque réglementaire : la concessionnaires. spécificités de ce secteur et de sa
liberté tarifaire et les changements dans Par ailleurs, nous veillons toujours à ce dimension d’intérêt général, il fallait en
la réglementation. En ce qui concerne que, tout en restant rentables pour l’in- confier la gestion à des monopoles
la liberté tarifaire, nous retenons des vestisseur, ces opérations aient des publics.
mécanismes de révision automatique. retombées sociales pour les moins favori- Les pouvoirs publics et donc souvent,
En ce qui concerne la réglementation, sés. Ainsi, dans le secteur de l’électricité, in fine, le contribuable ont ainsi sup-
nous proposons généralement des le prélèvement d’une taxe de 0,8 FCFA porté pendant longtemps la quasi-tota-
clauses de stabilisation garantissant au par kWh vendu a permis d’intensifier lité des dépenses d’infrastructure. Les
concessionnaire la neutralisation de l’électrification rurale depuis 1995. Il en recettes fiscales et les emprunts
tout changement ayant un impact sur est de même dans les secteurs des télé- publics ont été la principale source de
l’équilibre de son contrat. communications et du transport aérien financement de l’infrastructure, l’Etat
avec la mise en place de fonds spéciaux supportant historiquement tous les
alimentés par des redevances des risques liés à ces opérations.
Une expérience concessionnaires et destinés respective- L’ouverture de l’infrastructure à la maî-
jalonnée de difficultés ment au développement de la téléphonie trise d’œuvre et au financement du
et d’obstacles rurale et au financement des aéroports de secteur privé opérée en Côte d’Ivoire
l’intérieur du pays. présente de nombreux avantages :
Malgré des résultats positifs, l’expérien- Pour que l’intervention du secteur l’accès à des ressources nouvelles,
ce ivoirienne a été jalonnée de difficul- privé soit pleinement efficace, il faut l’introduction de modes de prestations
tés et de nombreux obstacles. éviter de substituer à des monopoles plus efficaces, l’allocation prioritaire
Un des problèmes posés par la conces- publics - dont on connaît bien les des ressources publiques ainsi écono-
sion au secteur privé de travaux d’infra- inconvénients - des monopoles privés misées au financement des infrastruc-
structures est le niveau des finan- peu ou mal régulés ou contrôlés - dont tures à caractère social (éducation,
cements requis et la capacité limitée de les inconvénients peuvent être bien santé, cadre de vie).
nos pays de financer ces projets en rai- pire encore. C’est pourquoi nous Une telle évolution est d’autant plus
son des contraintes prudentielles des menons actuellement une réflexion salutaire que pour tous les pays africains
banques en termes de limite de leur approfondie, avec l’appui de la d’importants investissements nouveaux
risque pays, de leurs risques de marché, Banque mondiale, sur le cadre régle- s’imposent, pour répondre à une
de change ou encore de risque souve- mentaire à mettre en place en matière demande en forte croissance et non
rain. Il nous faudra de plus en plus d’infrastructures. Il nous faut, en effet, satisfaite, en quantité comme en qualité.
accroître la participation du marché absolument accroître la compétition Cette politique résolument tournée
financier national ou régional (recours dans les secteurs concernés et en assu- vers le secteur privé ne doit pas faire
aux banques locales et institutions de rer un contrôle et une régulation effi- oublier que le rôle de l’Etat, s’il chan-
développement régionales, émissions caces, seuls garants d’une protection ge, n’en reste pas moins extrêmement
d’actions et d’obligations, etc.), afin de réelle des intérêts des consommateurs important. L’Etat doit, en effet, mainte-
limiter l’impact de risques tels que le de services publics et du contribuable. nir un environnement stable et propice
risque de change, tout en contribuant Enfin, l’existence au sein du secteur à l’investissement privé, planifier et
au développement du marché financier public de ressources humaines coordonner la mise en œuvre de pro-
africain. capables de mettre en œuvre des pro- jets au travers de processus complexes
Une autre difficulté réside dans la per- jets complexes et de réguler des sec- d’appels d’offres internationaux,
ception qu’a l’opinion publique de ces teurs vitaux pour l’économie, demeure veiller à concilier les objectifs de ren-
opérations. En effet, elle considère sou- une difficulté majeure. Malgré les tabilité des investissements privés et la
vent ces opérations, comme des aban- efforts fournis, nous ne disposons pas fonction « sociale » des infrastruc-
dons de « souveraineté », à travers la encore dans chacun des domaines tures, et enfin assurer un contrôle
cession d’actifs stratégiques à des opé- concernés, d’un nombre suffisant d’ex- effectif er rigoureux de l’activité des
rateurs étrangers. Bien souvent, les perts ivoiriens capables d’assister l’Etat concessionnaires par la mise en place
améliorations, notamment au niveau dans l’ensemble des fonctions de régu- d’organes de régulation dans les sec-
des tarifs et de la qualité de service, ne lation et de contrôle qu’il doit exercer teurs concernés. •

16 A n n a l e s d e s M i n e s

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