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Revue "Repères et Perspectives Economiques"

Vol. 3/N° 2 / 2ème semestre 2019

Structures de production et réduction de la pauvreté : une


vérification empirique pour un échantillon de pays
d’Afrique subsaharienne

Hana Mossaoui et Mohamed Tlili Hamdi

Université de Sfax, Tunisie

Édition électronique
URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=16827

ISSN : 2509-0399
Date de mise en ligne : 01 juillet 2019
Pagination : 22-38

Référence électronique
Mossaoui, H. et Tlili Hamdi, M. «Structures de production et réduction de la
pauvreté : une vérification empirique pour un échantillon de pays d’Afrique
subsaharienne», Revue "Repères et Perspectives Economiques" [En ligne], Vol.3, N° 2 /
2ème semestre 2019, mis en ligne le 01 juillet 2019.
URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=16827
Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

Résumé

L’objet de ce travail est d’examiner empiriquement la relation croissance économique-


pauvreté, tout en tenant compte de la composition sectorielle du PIB. Il s’agit
essentiellement d’étudier l’impact de la structure du PIB sur la réduction de la
pauvreté. La démarche à suivre consiste à prendre en compte quatre secteurs
économique et d’exploiter la technique de GMM pour un échantillon de 18 pays
d’Afrique subsaharienne au cours de la période (2000-2015) afin d'identifier les
secteurs qui ont le potentiel le plus important en matière de réduction de la pauvreté.
Les résultats obtenus sont au nombre de trois : i) le secteur des services possède le
potentiel le plus important en matière de réduction de la pauvreté, ii) le secteur
agricole contribué aussi à la baisse de la pauvreté, mais cette contribution et en baisse,
et iii) le secteur industriel ne contribue pas à la réduction de la pauvreté dans ces pays
subsahariens.
Classification JEL : O10 - O55
Mots clefs : GMM, structure de production, pauvreté, Afrique subsaharienne

Abstract
The purpose of this work is to examine empirically the relationship between economic
growth and poverty, while taking into account the sectoral composition of growth. It’s
essentially to study the impact of the GDP structure on poverty reduction. The
approach to be followed is to take into account four economic sectors and to exploit
the Generalized Method of Moments (GMM) method for a sample of 18 sub-Saharan
African countries during the period (2000-2015) in order to identify the sectors that
have the strongest impact on poverty reduction.
There are three results obtained: i) the service sector has the greatest potential for
reducing poverty; ii) the agricultural sector has also contributed to the reduction of
poverty, but this contribution is declining, and (iii) the industrial sector does not
contribute to poverty reduction in these sub-Saharan countries.
JEL Classification: O10 - O55
Keywords: GMM, production structure, poverty, sub-Saharan Africa

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Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

1. Introduction

En dépit de la dernière crise économique mondiale, la performance économique du


continent africain reste assez appréciable. Plus de 80 % des pays africains ont
enregistré une moyenne de croissance de 5% supérieure à la moyenne mondiale (BAD,
OCDE et PNUD (2014)).
Toutefois, cette croissance demeure très vulnérable aux chocs externes et ne s’est pas
traduite, pour la plupart des pays, par une création significative d’emplois ni par une
réduction de la pauvreté. En effet, cette croissance n’a pas une source diversifiée car
elle est générée dans la majorité des cas soit par l’agriculture et l’exportation des
ressources naturelles soit par le secteur des services. Ainsi, l'indice de diversification1
calculé dans le cadre des perspectives économiques en Afrique (2010) est passé de
10,8 en 1999 à 3,7 en 2008. Dans plusieurs pays, plus que la moitié du PIB est
représentée par un seul secteur (Guinée équatoriale, Angola, Botswana, République
centrafricaine, Kenya, Nigeria). Souvent la contribution des services au PIB est la part
la plus importante, ou dans d’autres cas, c’est celle de l’agriculture. En 2008,
l’agriculture représentait plus de 30% du PIB dans sept pays 2. De même, il existe
plusieurs pays africains dont l'économie est basée principalement sur l’exportation des
produits de base (notamment, le Botswana). Alors que le secteur manufacturier ne
représente qu’une légère part du PIB.
L’Afrique demeure le continent qui a connu les plus faibles avancées industrielles.
L’étude de Hossein et Weiss (1999) a par exemple démontré que 7 pays africains sur
les 16 de son échantillon3 ont connu une désindustrialisation au cours de la période
1975 -1993. Ainsi,, de 2000 à 2015, la contribution des industries manufacturières au
PIB a régressé dans l’Afrique subsaharienne où elle est passée de 14,01% à 10,06%.
La question de l'industrialisation des pays d’Afrique Subsaharienne (ASS) est une
préoccupation au cœur des débats économiques (Altenburg, 2011). Cette
problématique est d'autant plus importante que, la plupart de ces économies repose sur

1
L’indice de diversification des exportations d’un pays exprime le nombre de produits
exportés et le degré de concentration de la structure des exportations sur quelques produits.
Plus, sa valeur est faible, plus la diversification est forte et inversement.
2
République centrafricaine, Nigéria, Éthiopie, République démocratique du Congo, Malawi,
Ghana, Kenya
3
Il s’agit du Burkina Faso, du Burundi, du Ghana, du Sénégal, du Rwanda, de la Sierra Leone,
et de la Tanzanie.

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Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

des secteurs à faible valeur ajoutée. Les exportations de produits de base ne peuvent
pas procurer aux pays africains une croissance économique forte et durable.
L'industrialisation de l'Afrique permettra donc d'accélérer le passage des pays africains
d'une économie axée sur l'agriculture et l'exportation de matières premières à une
économie moderne, créatrice d'emplois, assurant l'autosuffisance et améliorant les
revenus et les niveaux de vie des populations (CNUCED, 2011). En effet, l’économie
moderne basée sur le secteur industriel et les activités manufacturières implique
généralement une croissance économique forte, rapide et durable (Szirmai, 2009).
L’augmentation des prix de matières premières n’a pas été suffisamment exploitée
pour promouvoir la diversification économique. En effet en 2009, 80% des
exportations des pays d’ASS étaient représentées par les produits de base
notamment par l’huile et les minéraux (Berardi et al ; 2015). L’expérience des pays
africains montre que dans un contexte de faible niveau initial de PIB, de faible
capacité institutionnelle et de faible niveau de développement social la spécialisation
dans l’exportation des produits de base n’est pas favorable à la réduction de la
pauvreté.
La croissance réalisée dans les pays ASS est-elle propice à l’amélioration du niveau de
vie de la population et donc à la réduction de la pauvreté ? Quels sont les secteurs qui
ont le potentiel de réduire la pauvreté ?
L’hypothèse fondamentale de ce travail est que la composition structurelle a une
importance capitale dans le processus de la réduction de la pauvreté. Elle constituerait
un facteur déterminant de la relation croissance-pauvreté.
La suite de ce travail consiste à présenter la revue de la littérature dans la section 2.
Alors que la méthodologie et les résultats de l'étude sont discutés dans la section 3.

2. Revue de la littérature

Il est clair que l'effet de la croissance économique sur la réduction de la pauvreté n’est
pas linéaire. En fait, la plupart des études soulignent l'hétérogénéité dans la relation
pauvreté-croissance. La compréhension des sources de cette divergence est un
domaine évolutif (Bourguignon, 2003, Kakwani, Khandker et Son, 2004, Lucas et
Timmer, 2005 ; Ravallion, 2004). Néanmoins, une minorité d’auteurs se sont focalisés
sur les caractéristiques de la croissance elle-même, comme étant une source

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d'hétérogénéité dans la relation croissance- pauvreté. Autrement dit, ils ont étudié
comment la structure de l'économie et, en particulier, la composition sectorielle de la
croissance affecte sa capacité à réduire la pauvreté.

La littérature économique montre que peu de recherches réalisées traitent l’effet de la


structure de la production sur la réduction de la pauvreté. On peut cependant citer,
Thorbecke et Jung (1996) s’est penché sur l’étude de l'impact de diverses activités de
production sur la pauvreté. L’étude porte sur l’Indonésie et couvre la période des
années 1980. Ils constatent que les secteurs de l'agriculture et des services contribuent
davantage à la réduction de la pauvreté plus que le secteur industriel. Ces résultats sont
confirmés par les travaux de Khan (1999), qui étudié l’impact de la croissance
sectorielle sur la réduction de la pauvreté en Afrique du Sud. Il a trouvé que les
contributions les plus élevées dérivent de la croissance dans l'agriculture.
Notons également que l’étude de Loayza et Raddatz (2010) tend à expliquer
l'hétérogénéité observée dans la relation pauvreté-croissance économique en mettant
l'accent sur deux secteurs. La composition sectorielle de la croissance et l'intensité de
travail associée peut affecter les salaires des travailleurs et donc la réduction de la
pauvreté. Ils ont trouvé que non seulement la taille de la croissance économique mais
aussi sa composition, est importante pour la réduction de la pauvreté. Ainsi, il parait
que le secteur à forte intensité de main-d'œuvre non qualifiée (agriculture, construction
et fabrication) contribue plus à la réduction de la pauvreté.
De manière plus ciblée, Christiaensen et al. (2011) ont apprécié le rôle de l'agriculture
dans la réduction de la pauvreté. Pour un échantillon des pays, ils prouvent que
l’agriculture est significativement efficace dans la réduction de la pauvreté.
L’efficacité est très élevée dans les régions à faible revenu par rapport aux régions à
revenu élevé. Ces résultats rejoignent ceux de Ravallion et Chen (2003) et Kraay
(2006) qui préconisent des investissements dans le secteur de l’agriculture pour
réaliser une croissance «pro-pauvre». Au contraire, Bravo-Ortega et Lederman (2005)
constatent que l’augmentation du PIB tiré par l’agriculture n'est pas très efficace pour
augmenter les revenus du quintile le plus pauvre.
Pour sa part, Thue Hang (2012) examine d’une part l'impact de la croissance globale et
d’autre part sa composition sectorielle sur la réduction de la pauvreté au Vietnam, au

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cours de la période 1998-2008. Cet auteur constate qu'une augmentation de la part du


secteur agricole dans la croissance globale conduira à un taux de pauvreté plus élevé.
Alors que la croissance économique a un impact sur la réduction de la pauvreté. Ces
résultats confortent l’hypothèse selon laquelle la structures de la croissance
économique affecte la pauvreté et ceci indépendamment du rythme de la croissance
économique globale. De plus, ces résultats démontrent qu’avec le processus de
restructuration de l'économie, la part de l'agriculture diminue au détriment de la part de
l'industrie et que ceci aurait un impact positif sur la réduction de la pauvreté.
De même Rose et al (2013) ont étudié l’impact de la croissance des trois secteurs
(agricole, industriel et des services) sur la réduction de la pauvreté. Leur étude est faite
sur le Pakistan durant la période allant de 1981 à 2010. Les résultats sont obtenus par
une analyse de série temporelle (OLS). Ils révèlent que la pauvreté est principalement
affectée par le taux de croissance du secteur industriel. Ces auteurs suggèrent que le
gouvernement devrait faire tous les efforts pour poursuivre la croissance du secteur
industriel à cette étape transitoire de l'économie afin que la pauvreté diminue.
Dans une autre étude, Castles (2014) tente de montrer que la croissance provenant de
l'agriculture est deux fois plus efficace pour réduire la pauvreté que celle provenant du
secteur non agricole.
Tegebu (2014) analyse quant à lui comment la taille et la composition de la croissance
sont corrélées avec la réduction de la pauvreté. Contrairement à la plupart des études
qui se concentrent uniquement sur la pauvreté monétaire, cette étude utilise à la fois la
pauvreté monétaire et la sous-nutrition infantile dans l'analyse (introduisant ainsi la
pauvreté non monétaire). En utilisant des données transversales de l'Afrique
subsaharienne, l'analyse a été faite pour voir l'effet de la croissance sectorielle (la
décomposition en sept secteurs) et l'effet de l'intensité du travail sur la réduction de la
pauvreté. Les résultats indiquent que la taille et la composition de la croissance sont
importantes pour la réduction de la pauvreté monétaire. Cependant, l'effet sur la sous-
nutrition infantile n'est pas concluant.
Une modélisation similaire à celle de Tegebu (2014) a été réalisée par Berardi et
Marzo (2015). Ces auteurs mettent l’accent sur l'élasticité de la pauvreté par rapport à
la croissance du PIB sectoriel et tiennent compte du fait que la croissance économique
peut affecter la pauvreté directement et indirectement par l'intensité sectorielle de la

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main-d'œuvre. Comme la composition de la croissance importe au moins autant que


son intensité globale, il est essentiel de déterminer les secteurs qui ont le plus d'impact
sur la réduction de la pauvreté. En utilisant une méthode d’appréciation différente à
celle de la méthode standard, Ivanic et Martin (2017) ont examiné, en utilisant la
modélisation Global Trade Analysis Project (GTAP), les implications de la
productivité dans l'agriculture, l'industrie et les services sur la pauvreté dans 31 pays
en développements. Ils constatent que la productivité agricole a généralement un effet
plus important sur la réduction de la pauvreté que la productivité de l'industrie ou des
services. La seule source de la réduction de la pauvreté résulte donc de l’amélioration
de la productivité agricole.
L’objet de la section suivante est de proposer une vérification empirique portant cette
relation pour un échantillon de pays subsahariens.
3. Analyse empirique pour un échantillon de pays subsahariens
Cette section est dédiée d'une part à préciser les spécifications économétriques et à
détailler la méthodologie mise en œuvre. Elle présente d’autre part les résultats
trouvés.
3.1. Spécifications économétriques et méthodologie
Nous proposons d’étudier la relation existante entre la pauvreté et la structure de
production pour un échantillon de pays subsahariens. Pour atteindre notre objectif,
nous tenons compte des parts des quatre secteurs dans la croissance en Afrique
subsaharienne notamment : le secteur d’agriculture, d’industrie, de services et des
manufactures.4
Pour examiner empiriquement cette relation, nous nous appuyons sur le modèle de
Loayza and Raddatz (2010) tel qu’il a été adapté par plusieurs auteurs comme
Christiaensen et al. (2011) ou Berardi et al. (2015). Le choix de ce modèle est justifié
par le fait qu’il a été largement utilisé par les travaux empiriques récents.

L’équation à estimer est la suivante :

𝑃̃𝑖𝑡 = 𝛃0 + ∑𝑛𝑗 𝛃1 𝐒𝑖𝑗𝑡 Ỹ𝑖𝑗𝑡 + ԑ𝑖𝑡

4
On considère en général que le secteur industriel comprend les industries manufacturières
(indiqué par manufactures) et les industries non manufacturières : extractives et la
construction (noté industrie)

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Avec : i, j et t désignant respectivement les pays, les secteurs et le temps. 𝑃̃ le


taux de croissance annuel de la pauvreté, Ỹ le taux de croissance annuel de la valeur
ajoutée et S la valeur ajoutée (% du PIB). Par la suite Yasa représentera l’agriculture,
Yisi l’industrie, Ysss les services et Ymsm manufactures.
Les variables sont extraites des données annuelles de la base des données de la Banque
mondiale à l’exception des taux de croissance de la pauvreté sont calculés à partir des
indices composites de la pauvreté basé sur des attributs non monétaires issues à partir
EDS et MICS.5
Ce qui est important comme hypothèse à vérifier dans ce modèle ce n’est plus les
signes des coefficients escomptés mais plutôt leur différenciation. Nous nous
attendons à ce qu’ils soient statistiquement différents pour conclure par la suite que la
composition sectorielle de croissance est importante dans la relation croissance-
pauvreté, puis qu’elle détermine la qualité de la croissance économique.

Nous testons cette relation en données de panel pour un échantillon de 18 6 pays


africains couvrant la période (2000-2015).

Concernant la méthode appliquée, nous avons choisi l’approche en panel dynamique,


qui comporte plusieurs avantages. Cette méthode tient compte des dimensions
interindividuelle et temporelle des données. Elle permet aussi de réduire le problème
de colinéarité qui peut exister entre les variables explicatives (Hsiao, 2003). Même en
présence de ce problème, la méthode de GMM conduit à estimer des paramètres
efficaces dans des conditions ou le terme d’erreur it est i.i.d et les variables
indépendantes Xit ne sont pas corrélées avec les réalisations futures des résidus.
Il convient de mentionner que la pertinence de l’estimateur GMM se fonde sur la
confirmation de deux hypothèses à savoir : l’exogénéité des instruments et la non-
corrélation des résidus. Ces deux hypothèses sont vérifiées respectivement à l’aide des
tests de Hansen / Sargan et d’Arellano- Bond. La transformation de l'équation en

5
Enquêtes démographiques et de santé (EDS), enquête à indicateurs multiples (MICS)
6
Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République de Congo, Ethiopie, Guinée, Lesotho,
Malawi, Mozambique, Namibie, Nigéria, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Togo, Ouganda et
Zambie.

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différences, entraine un problème d’autocorrélation au niveau du premier ordre AR (1)


et non du deuxième ordre AR (2).
Alors que les estimateurs en GMM se basent sur la quasi-stationnarité des données, ce
point peut être négligé en pratique. En fait, la construction d’une équation en
différences peut résoudre le problème de non-stationnarité des variables en niveau.
C’est ainsi que la pertinence des tests de stationnarité dans le cadre de l’estimation de
GMM reste limitée. Cependant nous testons la stationnarité des variables avant
d’entamer l'estimation empirique. Nous appliquons pour cela certains tests de
stationnarité. Les tests adoptés sont ceux de Levin, Lin Chu (2002), Im, Pesaran et
Shin (2003) et Hadri-LM (2000).

3.2. Résultats empiriques obtenus

Avant d’avancer et d’interpréter les résultats, nous examinons la validité de quelques


hypothèses préliminaires qui justifient le choix de la méthode GMM notamment les
tests d’hétéroscédasticité et l’autocorrélation et le test de validité des instruments.
L’application des tests de Breush-Pagan et Wald test nous permet de conclure à
l’existence de problèmes d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation.
Toutefois, un test VIF (Variance Inflation Factor) est nécessaire pour tester la
colinéarité des variables. Toutes les valeurs des VIF sont inférieure à 5, aussi bien la
moyenne des VIF est inférieure à 2 (Chatterjee, Hadi et Price, 2000). Il n’y a pas un
problème de multi-colinéarité et toutes les variables doivent être conservées dans notre
analyse.
Ainsi, nous concluons à partir des tests de stationnarité qu’il y a un problème de non-
stationnarité des séries (Ysss et Ymsm). Donc, il suffit de les différencier pour les
rendre stationnaires. (Voir Annexe)

Concernant le choix des instruments, il est un acte clef dans l'approche de GMM.
Théoriquement, ce choix est fourni par plusieurs procédures comme celle avancée par
Chatelain (2007). Cependant, puisque notre échantillon est de taille réduite, nous
limiterons le nombre de variables instrumentales. L’introduction d’un nombre
important d'instruments atténue l’efficacité des tests de sur-identification. Tout
d’abord, il nous a semblé utile de tester la validité des variables retardées comme

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instruments. Dans nos régressions, les statistiques de test de sur-identification de


Sargan et le test d’autocorrélation de second ordre sont conformes aux attentes. En
effet, la statistique de Sargan (p-value= 0.0401) nous permet d’accepter l’hypothèse
nulle de la validité des variables retardées comme instruments. Ainsi le test
d’autocorrélation donne une valeur de résidu négative et significative au premier ordre
mais non significative au second ordre. De ce fait, nous concluons l’absence
d’autocorrélation de second ordre.
A partir de ces résultats, nous pouvons interpréter les paramètres des variables
explicatives.
Tableau 1 : Régression de la variable dépendent (𝑷̃) par la méthode de GMM dynamique
Variables Coefficient Std, Err Z P>|Z|
̃ 𝒕−𝟏
𝑷
L1 0.1228286*** 0.0670277 1.83 0.067
Yasa -0.0002397** 0.0001146 -2.09 0.038
Yisi 0.0021541* 0.0008129 2.65 0.009
Ysss -0.0006168** 0.0002804 -2.20 0.029
Ymsm 0.0033354* 0.0009781 3.41 0.001
Constante -0.9291433 1.3606212 -0.68 0.495
AR(1) -3.5044*
(pvalue) (0.0005)
AR(2) -0.92758
(pvalue) (0.3536)
Sargan test 114.792
(pvalue) 0.0401**
Nbre. d’obs. 252
*significativité de 1% ; ** significativité de 5% ; *** significativité de 10%.

Les résultats d’estimation économétriques du modèle donnent des probabilités qui


montrent la significativité des quatre variables explicatives. Tous les signes sont
conformes à nos attentes.
Il est clair que les coefficients des secteurs diffèrent les uns des autres, et que la
croissance dans certains secteurs réduit plus la pauvreté que celle dans d'autres
secteurs. Cela signifie que la structure du PIB est importante dans l’efficacité de la
relation pauvreté- croissance.
Sur l’horizon de notre étude qui s’étale sur une période allant de 2000 à 2015, le
secteur qui a le potentiel le plus fort en matière de réduction de la pauvreté est celui

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des services. L’élasticité de la pauvreté par apport à la croissance dans ce secteur est la
plus forte (en valeur absolue). Ce coefficient (-0,002) est significatif à 5%. Ce résultat
soutient l’hypothèse assez logique selon laquelle le secteur de services réduit la
pauvreté. Ainsi, le coefficient de la contribution du secteur agricole est négatif est
statistiquement significatif à 5%. Plusieurs études (Castles ; 2014, Ivanic et Martin ;
2017, etc.) ont trouvé ce type de relation, ils montrent cependant que la seule source de
réduction de la pauvreté, résulte dans l’amélioration de la productivité agricole. En
fait, l’effet de ces deux secteurs sur la réduction de la pauvreté s’effectue via deux
voies, une directe par la création d’emploi et une autre indirecte via le canal de la
croissance économique.
Globalement, en Afrique subsaharienne, la contribution de l’agriculture à la réduction
de la pauvreté est en mouvement baissière au profit du secteur des services qui devient
l’activité primordiale. Ce résultat est attendu puisque les activités d’agriculture en
Afrique subsaharienne sont de faible valeur ajoutée. De plus, ces dernières années, les
facteurs de production se sont détournés de l’agriculture vers les services.
Les signes positifs et significatifs de la contribution du secteur industriel et
manufacturier montrent que l’augmentation de la part de ces secteurs dans le PIB
n’entraine pas la diminution de la pauvreté. En fait, la transformation structurelle7
n’est pas une réalité pour plusieurs pays d’ASS (CNUCED ; 2014). Ces conclusions
sont contradictoires à celle de Tybout (2000), Szirmai (2011) et McMillan et al (2014),
qui ont mis en évidence le rôle crucial du secteur manufacturier dans la croissance
économique et dans la réduction de la pauvreté dans les pays en-développement.
Ce type de relation observée en Afrique subsaharienne peut être dû à l’échec qui a eu
lieu dans la transformation structurelle dont le secteur industriel8 est le principal pilier.
Pour les pays d’ASS ce secteur demeure dans un état naissant avec une contribution
faible à la croissance économique. Ces pays jouent un rôle marginal dans le domaine
manufacturier pour les marchés locaux et internationaux.

7
Définis selon le CNUCED (2014) comme le remplacement des activités à faible productivité
par des activités à forte productivité, ainsi que par une diminution de la part de l’agriculture
dans la production et l’emploi, compensée par un accroissement de la part des industries
manufacturières et des services modernes.
8
Le secteur industriel est composé des industries manufacturières, extractives (les mines, les
hydrocarbures, les entreprises qui produisent des services) et de la construction (Bâtiments et
travaux publics), CNUCED (2008)

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Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

Le secteur industriel est inapte à jouer un rôle crucial dans la réduction de la pauvreté
vue leur faible contribution à la création d’emplois. Ainsi, la part du secteur
manufacturier pour l’ensemble des emplois crées, est de l’ordre de 9% (CEA et UA ;
2014).
L'industrialisation des pays d’ASS n’a pas permis d'accélérer le passage d'une
économie fondée sur l'agriculture et l'exportation des matières premières à une
économie moderne, génératrice d'emplois, améliorant les niveaux de vie des
populations (CNUCED, 2011). Il est nécessaire pour les pays africains, de réussir le
changement structurel pour créer les emplois aux jeunes (un nombre important des
nouveaux entrants sur le marché du travail a été estimée entre 7 à 10 millions chaque
année CNUCED ; 2011) et pour réduire de façon significative la pauvreté. Dotée de
plusieurs ressources naturelles, la croissance africaine est basée généralement sur
l’exportation des matières premières ce qui rend volatile cette croissance et plus
sensible à la détérioration des prix mondiaux. Par contre, lorsque elle est basée sur le
secteur secondaire, elle devient moins volatile aux chocs extérieurs d’où la nécessité
d’une transformation économique. L’importance de ce processus réside principalement
dans le fait que les économies transformées, ont généralement une croissance
économique forte, régulière, inclusive et créatrice d’emplois non vulnérables. Ce qui
améliore par conséquent le niveau de vie et réduit la pauvreté.
Concernant la variable retardée, le résultat dégagé confirme l’existence d’une relation
positive et significative à un seuil de 10% entre la variable dépendante et sa valeur
retardée. Le coefficient associé à P̃ retardé est de l’ordre de 0,12. Toute chose restant
égale par ailleurs, une augmentation d’un pourcent de P̃ ̃retardé entraine une
augmentation du taux de croissance de la pauvreté de 12%. Autrement dit, plus le
niveau initial de la pauvreté est élevé, plus sa valeur attendue est élevée.

4. Conclusion

Cette étude consistait somme toute à identifier les secteurs économiques qui ont le
potentiel le plus important de réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne. On a
essayé d’expliquer les résultats mitigés en matière du rôle de la croissance économique
dans la réduction de la pauvreté en Afrique subsaharienne. Il va sans dire que ces pays
se caractérisent par une croissance économique vulnérable aux volatilités des prix des

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matières premières. Une croissance basée sur des secteurs ayant un potentiel faible de
créer des emplois durables. L’Afrique subsaharienne ne maîtrisait pas bien son
environnement d’industrialisation et de son niveau de la transformation structurelle.
Seulement les secteurs d’agriculture et de services contribuent à la réduction de la
pauvreté. Pour renforcer la capacité du secteur d’industrie dans la diminution de la
pauvreté, ces pays devraient réussir la transformation structurelle.
En tirant profit des avantages comparatifs qu’ils possèdent dans les ressources
naturelles (produits de base), les pays d’Afrique subsaharienne peuvent développer
leur secteur industriel et manufacturier. Cette politique entraine le changement de la
structure des économies basées sur l’exportation des produits de base 9 à des économies
fondées sur des secteurs à fort potentiel. Ce qui entraine la création à grande échelle,
d'emplois durables et décents et réduit par conséquent le chômage et la pauvreté. Par
ailleurs, il est nécessaire de ne pas marginaliser les secteurs à faible productivité dont
les pauvres sont fortement attachés.

9
L’exportation exclusive des matières premières est nuisible à l’économie car elle est à faible
valeur ajoutée et avec une grande sensibilité aux prix mondiaux et leur volatiles sur les
marchés.

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Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

Références bibliographiques
BAD, OCDE et PNUD .2014. « Perspectives économiques en Afrique 2014 ».Édition
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36 Revue Repères et Perspectives Economiques, Vol. 3, N°2, Semestre 2, 2019


Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

Annexes
Annexe 1 : Liste des pays de l’échantillon

Pays de l’échantillon
Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République de Congo Ethiopie,
Guinée, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Nigéria, Rwanda,
Sénégal, Tanzanie, Togo, Ouganda, Zambie.

Annexe 2 : Test d'hétéroscédasticité et d'autocorrélation

Test Statistique de Chi2 p-value


Breusch and Pagan 192,679 0,0164**
Wald 11696,3 0,0000*
*significativité de 1% ; ** significativité de 5% ; *** significativité de 10%.

Annexe 3 : Test de colinéarité


Variables VIF (1 /VIF)
Yasa 2,53 0,395308
Ysss 2,48 0,403986
Yisi 1,13 0,001542
Ymsm 1,10 0 ,908355

Moyenne de VIF 1,81

Annexe 4: estimation de GMM

Number of parameters = 6
Number of moments = 6
Initial weight matrix: Identity Number of obs = 252
GMM weight matrix: Robust

-------------------------------------------------------------------------------------------
| Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
-------------------------------------------------------------------------------------------
𝑃̃ |
L1. | .1228286 .0670277 1.83 0.067 -.0085433 .2542005
Yasa | -.0002397 .0001146 -2.09 0.038 -.0004691 -.0001032
yisi | .0021541 .0008129 2.65 0.009 .0005284 .0037798
ysss | -.0006168 .0002804 -2.20 0.029 -.0011775 -.0000561
ymsm | .0033354 .0009781 3.41 0.001 .0013978 .0052731
-------------------------------------------------------------------------------------------
/b01 | -.9291433 1.360621 -0.68 0.495 -3.595911 1.737625
-------------------------------------------------------------------------------------------
Instruments for equation 1: L.𝑃̃ yasa yisi ysss ymsm _cons

Test of overidentifying restriction:

Revue Repères et Perspectives Economiques, Vol.3, N°2, Semestre 2, 2019 37


Structures de production et réduction de la pauvreté : une vérification empirique

Hansen's J chi2(0) = 3.8e-32 (p =1.0000.)


Arellano-Bond test for zero autocorrelation in first-differenced errors
-----------------------------------
|Order | z Prob > z |
|-----------------------------------
| AR(1) | -3.5044 0.0005 |
| AR(2) | -.92758 0.3536 |
-----------------------------------
H0: no autocorrelation

Sargan test of overidentifying restrictions


H0: overidentifying restrictions are valid

chi2(90) = 114.792
Prob > chi2 = 0.0401

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