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COMMENTAIRE DU JUGEMENT PORTANT HOMOLOGATION DU


CONCORDAT PRÉVENTIF RENDU PAR LE TRIBUNAL DE
COMMERCE DE BUKAVU

Jugement d’homologation sous RFC 004 du 15 Avril 2020

Affaire Monsieur MUKINDJE MULINGA Jean- Marie c/ La Coopérative


primaire d’Epargne et de Crédit de Chai (COOPEC CAHI)

Par

Me. Christian LULEMA NDAGANO

Avocat au Barreau du Sud-Kivu

Doctorant à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO-UUZ)


~2~

Résumé

L’amélioration du climat des affaires passe par la mise en place des règles juridiques
adaptables aux réalités du terrain, mais aussi par une application correcte de ces règles par la
juridiction compétente. La présente étude entend faire un commentaire du Jugement
d’homologation du concordat préventif, sous RFC 004 du 15 Avril 2020, rendu par le
Tribunal de Commerce de Bukavu, en République Démocratique du Congo. Il s’agit de cerner
comment est-ce que la juridiction en question a abordé les questions relatives au non-respect
des délais de la procédure collective, l’appréciation de sa compétence et l’exercice de la
fonction des mandataire judicaires et comment elle les a confrontées aux dispositions légales
y relatives prévues par l’acte uniforme portant organisation, des procédures collectives et
d’apurement du passif.

Summary

Improving the business climate requires the implementation of legal rules adaptable to the
realities on the ground, but also through the correct application of these rules by the
competent court. This study intends to comment on the Judgment of homologation of the
preventive arrangement, under RFC 004 of April 15, 2020, rendered by the Commercial Court
of Bukavu, in the Democratic Republic of Congo. The aim is to identify how the court in
question dealt with the issues relating to failure to comply with the time limits in collective
proceedings, the assessment of its jurisdiction and the exercise of the function of judicial
representatives and how it confronted them with the relevant legal provisions laid down in the
Uniform Act on the organization, collective proceedings and discharge of liabilities.
~3~

SOMMAIRE

INTRODUCTION

I. LES RÈGLES RELATIVES AU DÉLAI DE SAISINE ET DE LA


COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX DE COMMERCE
A. Le non-respect des délais de la procédure de règlement préventif
B. La compétence du Tribunal de commerce en matière de procédures collectives
II. L’EXERCICE DE LA FONCTION DE MANDATAIRE JUDICIAIRE DANS
L’ESPACE OHADA
A. Critère spécifique
B. Les critères généraux
~4~

INTRODUCTION

L’exercice de la fonction de mandataire judiciaire dans l’espace OHADA, est très


préoccupant au regard du rôle que ce dernier joue dans les procédures collectives. Cela
nécessite une connaissance profonde des règles d’administration, de gestion et de direction
des entreprises.1 Et exige à cet effet l’achèvement des études sanctionnées par un diplôme en
droit des affaires et une connaissance profonde de la matière comptable, mais surtout une
grande expérience sanctionnant une longe pratique du monde des entreprises. 2 D’où la
nécessité d’un encadrement efficace de cette profession.

En effet, le Conseil des Ministres de l'OHADA a adopté le 10 septembre 2015, à Grand


Bassam (République de Côte d'Ivoire), le nouvel Acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d'apurement du passif.3

Pour une bonne efficacité de cette réforme qui a pour objectif, le redressement des entreprises
viables et la liquidation des entreprises économiquement condamnées en vue de maximiser le
recouvrement des créances impayées, le législateur de l'OHADA a organisé le statut des
mandataires judiciaires en déterminant notamment les conditions d'accès à ce statut et les
modalités de son exercice. L'Acte uniforme renvoie cependant à la loi nationale pour préciser
certains aspects du nouveau régime.4

Dans le jugement rapporté, le Tribunal de commerce de Bukavu s’est prononcé sur les
questions relatives au non-respect de délai de sa saisine, sur sa compétence et sur la qualité de
mandataire judicaire, en donnant une solution qu’il convient d’analyser.

1
Préambule du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des mandataires judiciaires pris en
application de l’Acte uniforme portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif, J.O S,
Avril 2016, p 2
2
Idem, p 3
3
http://www.ohada.org/communiquesannonces/fr/ohada/actualite/3833,compte-rendu-de-la-reunion-du-
conseil-des-ministres-de-lohada.html, consulté le 14Septembre 2022
4
Art 4 et suivant de l’AUPCAP
~5~

En l’espèce, en date du 26 Février 2016, le débiteur a contracté auprès de la créancière un prêt


de 26 500 dollars payable en une année avec intérêt mensuel de 2,50%. De ce prêt, il est
parvenu à rembourser 10 700 dollars et le montant restant à payer sur la créance principale est
de 10 731, 13 dollars.

Cependant, outre le solde de la créance principale, la créancière lui enjoint de payer 15 417,
18 dollars des pénalités pourtant à son retour de voyage d'affaires à DUBAI, il affirme avoir
été visité par des voleurs non autrement identifiées, lesquels avaient volé toutes ses
marchandises aussitôt arrivées à Bukavu ; il conclut également que ces pénalités sont
exorbitantes, et qu'il est en difficulté d'acquitter toute la créance avec plusieurs poursuites
judiciaires engagées contre lui par la créancière en question.

C'est pourquoi, il a sollicité du Président une Ordonnance de suspensions des poursuites


individuelles et lui accorder un délai raisonnable afin qu'il soit en mesure d'apurer le passif vis
à vis de sa créancière.

En réponse à cette requête, une ordonnance du Président nº108/2019 datée du 12 octobre 2019
et portant ouverture d'un règlement préventif fut rendue. Aux termes de cette ordonnance, les
parties susmentionnées furent convoquées à l'audience du 13 mars 2020.

A l'audience sus indiquée, le requérant a confirmé les termes de sa requête. La créancière


quant à elle invoque d’abord la fin de plein droit du règlement préventif pour saisine du
tribunal en violation de l’alinéa 1er de l’article 14 de l’AUPECAP, en suite, l’irrecevabilité de
la requête car introduite en violation de l’article 6-1 de l’AUPCAP, et enfin, l’inopposabilité
du concordat pour violation de l’article 4 et suivant de l’AUPECAP.

C’est ainsi qu’en date du 15 Avril 2020, le Tribunal de commerce de Bukavu a rendu le
jugement sous RFC 004, homologuant le concordat proposé par le débiteur. Déclarant les
exceptions soulevées par la créancière non fondées, en fondant sa décision d’abord sur l’avis
de la CCJA n°001/2009/EP 15 avril 2009, relatif au non-respect de délai de saisine, en suite
sur l’article 17 de la loi n°002/2001 du 03 Juillet 2001 sur les Tribunaux de Commerce et 3 de
l’AUPCAP par rapport à sa compétence, et enfin, à la coutume locale par rapport à
l’application de l’article 4 et suivant de l’AUPCAP.5

5
Tricom, Bukavu , jugement d’homologation RFC 004 15 avril 2009 quatorzième feuillet et suivant
~6~

Ce jugement nous apparaît mal rendu d’autant plus que sa motivation ne correspond pas
exactement à l’esprit et à la lettre des disposition légales traitées. Ainsi les juges du Tribunal
de Commerce de Bukavu n’ont pas respecté les règles relatives au délai de sa saisine et de sa
compétences (I). Également malgré leur réponse relative au vide juridique relatif à la
règlementation de la fonction des mandataires judicaires en République Démocratique du
Congo, certaines règles liées aux conditions et modalité de l’exercice de ladite fonction, les
ont échappées (II). D’où la pertinence de ces interrogations : quel est le sort d’une
ordonnance entachée d’irrégularité en procédure collective ? les actes posés par le mandataire
judicaire issus de l’ordonnance en question sont-ils opposables aux créanciers ?

I. Les règles relatives au délai de saisine et de la compétence des Tribunaux de


commerce

Dans le jugement rapporté, les juges du Tribunal de commerce de Bukavu abordent la


question relative au non-respect des délais de la procédure de règlement préventif (A) et
également celle relative à sa compétence en ce qui concerne la contestation de la qualité du
mandataire judiciaire (B)

A. Le non-respect des délais de la procédure de règlement préventif

Pour bien cerner cette notion, il est nous paraît indéniable de chercher à savoir d’abord, quel
est la nature des délais de la procédure de règlement préventif ? En effet, les délais prévus
dans la procédure de règlement préventif sont de deux ordres. 6 Le premier groupe est
composé de délai dont le non-respect est assorti de sanctions prévues par l'Acte uniforme lui-
même, tandis que le second groupe est constitué de délais dont le non-respect n'est pas assorti
de sanctions spécifiques.7 Il s’agit en effet, des délais absolus ou de rigueur d’une part et des
délais relatifs d’autre part.

A titre illustratif, notons que les délais assortis de sanctions spécifiques en cas de non-respect
sont ceux prévus à :

 L’article 6, alinéa 3 aux termes duquel « aucune requête en ouverture d’un règlement
préventif ne peut être présentée par le débiteur :

6
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage - Avis N° 01/2009/EP, Séance du 15 avril 2009.- Recueil de
Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 167.
7
Idm
~7~

- Si un concordat préventif ou de redressement est encours d’exécution ;


- Avant l’expiration d’un délai de trois (3) ans à compter de l’homologation d’un
précèdent concordat préventif ;
- Avant l’expiration d’un délai de dix-huit mois à compter de la fin d’un règlement
préventif n’ayant pas abouti à un concordat préventif »8 ;

 L’article 13 qui fait obligation à l'expert désigné de déposer son rapport dans le délai
de Trois mois de la décision d’ouverture du règlement préventif, lequel délai pouvant
être prorogé, à titre exceptionnel, une seule fois pour une durée d’un mois, sur
décision spécialement motivée du président de la juridiction compétente. En cas de
non-respect dudit délai, l'expert peut engager sa responsabilité auprès du débiteur ou
des créanciers ;
 L’article 20, alinéa 2 in fine qui enjoint le débiteur de formuler ses observations
relatives au déroulement des opérations dans un délais de quinze (15) jours ;
 L’article 23, alinéa 1er,2 et 3 qui retient que les décisions rejetant la demande
d'ouverture du règlement préventif ou mettant fin au règlement préventif par
application de l'article 9-1 ci-dessus, ou rejetant l'homologation du concordat préventif
sont susceptibles d'appel par le débiteur devant la cour d'appel, dans un délai de quinze
(15) jours à compter de leur prononcé. La décision d'ouverture du règlement préventif
est susceptible d'appel de la part des créanciers et du ministère public, formé devant la
cour d'appel, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la première publicité
prévue par l’article 37 ci-dessous s'ils estiment que l'entreprise est en cessation des
paiements. La décision homologuant le concordat préventif est susceptible d'appel de
la part des du ministère public et des créanciers, formé devant la cour d'appel, dans un
délai de quinze (15) jours à compter de son prononcé pour le premier et à compter de
la première publicité prévue à l'article 37 ci-dessous pour les suivants.
 L’article 23-1, alinéa 1 qui dispose que Les décisions du président de la juridiction
compétente visées à l'article 11 ci-dessus ne peuvent faire l'objet que d'une opposition
devant ladite juridiction dans le délai de huit (08) jours à compter de leur prononcé.9
 L’article 14 au terme du quel « Dès le dépôt du rapport de l'expert, le président de la
juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à une

8
Le non-respect des dispositions de l’article susvisé pourrait constituer une fin de non-recevoir
9
Le non-respect du délai d’opposition visé par l’article 8 de l’APCAP entraine la forclusion à l’égard du
concerné
~8~

audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience
l'expert ainsi que tout créancier qu'il juge utile d'entendre. Le débiteur peut saisir lui-
même la juridiction compétente. Le débiteur et le ou les créanciers sont convoqués,
par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis
de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, trois (03) jours au moins avant la
tenue de l'audience. La juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus
tard dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine. Le règlement préventif
continue de produire ses effets, en particulier concernant la suspension des poursuites
individuelles des créanciers, jusqu'à ce que la juridiction statue. Si celle-ci n'est pas
saisie dans les conditions de l'alinéa 1 er ou si elle ne se prononce pas dans les trente
(30) jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit, les
créanciers recouvrant l'exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine
administration de ses biens ».10

Par contre les délais qui ne sont pas assortis de sanctions spécifiques en cas de non-respect
sont ceux prévus à :

 L’article 8 qui énonce, que l'expert désigné est informé de sa mission sans délai par le
président de la juridiction compétente par lettre au porteur contre récépissé ou par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite ;
 L’article 19, alinéa 1 qui fait obligation à l'expert désigné en application de l'article 8
de rendre compte par écrit de sa mission au Président de la juridiction compétente
dans le délai d'un mois à compter de la décision statuant sur l’homologation du
10
Pour rendre la décision du règlement préventif, le président de la juridiction compétente convoque
principalement le débiteur. Il est toutefois laissé la possibilité au président de convoquer également tout
créancier qu’il juge utile d’entendre. À ce titre le sieur Yzas BAKER TILLY note dans son ouvrage intitulé Guide
des procédures collective que Compte tenu des objectifs visés par la procédure, il nous parait nécessaire
d’entendre entre autres : - le représentant des salariés pour s’assurer que le personnel n’est pas trait comme
des créanciers ordinaires ; -les créanciers dont le maintien des relations avec le débiteur conditionne la
poursuite des activités ( fournisseurs clés d’exploitation, banques ect) ; -les créanciers dont l’importance des
créances peut mettre en péril la bonne exécution du concordat
~9~

concordat préventif ou de la décision mettant fin au règlement préventif par


application de l’article 9-1 ci-dessus ;
 L’article 20, alinéa 2 qui fait obligation au syndic désigné en application de l'article 16
de rendre compte, tous les trois mois, au juge commissaire, du déroulement des
opérations et d'en avertir le débiteur ;
 L’article 20, alinéa 3 qui enjoint au syndic ou aux contrôleurs cessant ses ou leur
fonction de déposer ses comptes au greffe dans un délai de trente (30) jours suivant
ladite cessation ;
 L’article 23, alinéa 4 qui dispose que la juridiction d'appel statue dans un délai de
trente (30) jours à compter de sa saisine ;
 L’article 23, alinéa 6 qui énonce que dans les trois (03) jours de la décision de la
juridiction d'appel, le greffier de cette juridiction en adresse un extrait au greffier de la
juridiction du premier ressort qui procède à la publicité prescrite par l'article 17 ;
 L’article 36 qui fait obligation au greffier de mentionner la décision d'ouverture d’une
procédure collective, sans délai, au registre du commerce et du crédit mobilier ;

En l’espèce, l’article 14 aux termes duquel « Dès le dépôt du rapport de l’expert, le président
de la juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à une
audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience l’expert
ainsi que tout créancier qu’il juge utile d’entendre. . .. Si celle‐ci n’est pas saisie dans les
conditions de l’alinéa 1er ou si elle ne se prononce pas dans les trente jours à compter de
sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit, les créanciers recouvrant
l’exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine administration de ses
biens », a fait l’objet de la présente procédure.11

À la lecture minutieuse du jugement commenté, fort est de constater d’emblée que le Tribunal
de commerce de Bukavu a fondé son jugement sur une disposition légale abrogée. En
l’occurrence, l’ancien article 14 al 1 er de l’AUPC de 1998 qui disposait que : « dans les huit
jours du dépôt du rapport, le président saisit la juridiction compétente et convoque le
débiteur à comparaitre devant cette juridiction pour y être entendu en audience non publique.
Il doit également convoquer à cette audience l’expert rapporteur ainsi que tout créancier
qu’il juge utile d’entendre. Le débiteur et éventuellement le ou les créanciers sont convoqués

11
Tricom. Bukavu, jugemengement précité, deuxième feuillet ; inédit
~ 10 ~

par lettre recommandée ou par tout moyen laissant trace écrite, trois jours au moins à
l’avance ».12

Recourir à une disposition légale non en vigueur, serait une entrave à l’un des piliers de
l’amélioration du climat des affaires. À savoir, une l’application correcte des règles juridiques
en vigueur e par la juridiction compétente.

Revenant sur les dispositions légales de l’article 14 de l’AUPCAP en vigueur et qui devrait
être appliquées, il ressort le fait qu’aussitôt que le Président de la juridiction compétente,
reçoit le rapport de l’expert désigné, il convoque sans délai à la fois le débiteur, l’expert et le
créancier les parties à une audience non publique, pour les entendre sur le projet de concordat.
En l’espèce, il y a lieu de noter d’abord que le rapport de l’expert désigné fut déposé en date
du 10 Janvier 2020. les parties fut convoqué en date 05 Février 2020. Cependant la créancière
n’a pas reçu la convocation en question. C’est pourquoi le Tribunal n’a pas été saisi à son
égard à l’audience du 05 Février 2020.13

Ensuite, en lieu et place de la convocation visée à l’article 14 précité, la créancière n’a reçu
plutôt qu’une notification de date d’audience du 03 mars 2020, l’invitant à comparaître à
l’audience publique du 11 mars 2020.14

Et enfin, cette situation a été couvert par le Tribunal de commerce de Bukavu à travers le
vocable la « saisine anticipative ».

À notre avis, dès lors que les dispositions de l’article 14 de l’AUPCAP ne souffre d’aucune
ambigüité, les juges devraient s’y conformer en les appliquant sans ambage.

En mentionnant dans sa motivation que « Dans le cas sous examen, et ce en conformité avec
l'article 14 al.1er précité, après le dépôt de la requête de la débitrice, suivi de l'Ordonnance
n°108/2019 du 12 octobre 2019 du Président du tribunal portant ouverture d'un règlement
préventif à l'égard de Monsieur MUKINDJE MULINGA Jean-Marie, laquelle avait enjoint à
l'Expert ainsi désigné de déposer au Greffe, en double exemplaire, son rapport devant
contenir le concordat préventif proposé par la débitrice ou conclu entre elle et ses créanciers,
dans les trois mois de sa saisine; et du rapport Réf: No 026/GNM/2019 du 10 Janvier 2020
de l'Expert désigné et des convocations à l'égard des parties du 05 février 2020, suivi des
12
Tricom. Bukavu, jugement précité douzième feuillet, inédit
13
Idem, Treizième feuillet,
14
Idem, quatorzième feuillet
~ 11 ~

notifications de dates d'audience du 08 février 2020 pour l'audience du 12 /02/2020: le


Président du tribunal avait déjà saisi anticipativement le tribunal et convoqué les parties
ainsi que l'Expert à comparaître à une audience non publique du 12 février 2020 »15 les
juges du Tribunal de Commerce de Bukavu sont allés à l’encontre des dispositions de l’article
14 de l’AUPCAP cet article est claire et ne souffre d’aucune ambigüité.

Par ailleurs, ce même Tribunal fonde sa décision sur la jurisprudence selon laquelle : « le
non-respect du délai de saisine de la juridiction compétente après le dépôt du rapport et de la
convocation des parties n'est pas assorti des sanctions spécifiques. Les délais prévus sont
laissés à l'appréciation du Juge, il ne peut toutefois les modifier que si des circonstances
impérieuses l'exigent... (CCJA, Avis n°2001/2009/ER 15 avr. 2009, Tricom Bukavu,
Musafiri Ngwasi Jean c/ Trust Merchant Bank TMB, Inédit) ». Là aussi il y a lieu
d’émettre une réserve pour plusieurs raisons.

Si l’on s’en tient à la référence indiquée par le Tribunal, il y a lieu de déduire qu’une demande
aurait été adressée à la CCJA par le Tribunal de Commerce de Bukavu et en réponse à cette
demande la CCJA a donné la solution susmentionnée ci-dessus. Or avant la date de la
décision de la CCJA (15/04/2009) et à la date de décision cette juridiction n’existait pas
encore à Bukavu. Elle n’a été installée que le 24 mai 2014. Alors l’on peut s’interroger à quel
moment la demande en question fut adressé à la CCJA ? la CCJA a-t-elle répondue à la
demande d’une juridiction inexistante ?

La réponse à ces interrogations nous semble difficile d’autant plus que la jurisprudence sus
visée est inédite. En d’autres termes elle est difficilement accessible.

Cependant, une autre jurisprudence de la CCJA, portant le même numéro de référence et la


même date que celle visée par le Tribunal de Commerce de Bukavu est accessible. Il s’agit de
« Cour Commune de Justice et d’Arbitrage - Avis N° 01/2009/EP, Séance du 15 avril
2009.- Recueil de Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 167. ».

Contrairement à celle visée par le Tribunal de Commerce de Bukavu, la mention selon


laquelle « Les délais prévus sont laissés à l'appréciation du Juge, il ne peut toutefois les
modifier que si des circonstances impérieuses l'exigent… » ne figure pas dans celle-ci.

15
Idem, quatorzième feuillet.
~ 12 ~

Par contre, elle renseigne que « Les délais prévus dans la procédure de règlement préventif
sont de deux ordres. Le premier groupe est composé de délai dont le non-respect est assorti
de sanctions prévues par l'Acte uniforme lui-même, tandis que le second groupe est constitué
de délais dont le non-respect n'est pas assorti de sanctions spécifiques ».

Mettant en en relief ce qui précède nous sommes persuadés que les juges du Tribunal de
Commerce de Bukavu n’ont pas fait une bonne appréciation des faits et une saine application
de la loi. Ayant abordé la question relative au non-respect de délai de la procédure collective,
il convient alors d’aborder celle liée à la compétence du Tribunal de commerce.

B. La compétence du Tribunal de commerce en matière de procédures collectives

La compétence du Tribunal de commerce est attribuée par la loi du 03 juillet 2001 portant
création organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce. Le législateur a voulu
être explicite pour éluder toute confusion entre un éventuel conflit de compétences entre les
tribunaux de droit commun (les tribunaux de paix et les Tribunaux de Grande Instance qui se
partagent la compétence pour toutes les infractions de droit commun) et les Tribunaux de
commerce qui sont exclusivement compétents pour toutes les infractions en matière
économique et commerciale.16

En revanche, en ce qui concerne les Tribunaux de commerce, le législateur comme dit ci haut,
a été clair, la compétence de ces tribunaux est déterminée au titre II de la loi du 3 juillet 2003
sur les tribunaux de commerce au travers de l'articles 17. Cet article dispose :

Le Tribunal de Commerce connaît en matière de droit privé :

1. des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants ;

2. des contestations entre associés, pour raisons de société de commerce ;

3. des contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce, en ce compris les
actes relatifs aux sociétés commerciales, aux fonds de commerce, à la concurrence
commerciale et aux opérations de bourse ;
16
D.J. MUANDA NKOLE, le rôle du ministère public congolais dans la répression des infractions relatives aux
sociétés commerciales en droit OHADA, Fascicule n°2, https://www.Ohada.com/documentation/
doctrine/ohadata/ D-12-26.html, consulté le 30 Septembre 2022 à 10h 30.
~ 13 ~

4. des actes mixtes si le défendeur est commerçant ;

5. des litiges complexes comprenant plusieurs défendeurs dont l'un est soit caution, soit
signataire d'un chèque bancaire, d'une lettre de change ou d'un billet à ordre ;

6. des litiges relatifs au contrat de société ;

7. des faillites et concordats judiciaires.

Il connaît, en matière de droit pénal, des infractions à la législation économique et


commerciale, quel que soit le taux de la peine ou la hauteur de l'amende,

L’article 3 alinéa 1 de l’AUPCAP pour sa part précise que, « la conciliation, le règlement


préventif, le redressement judiciaire, et la liquidation des biens relèvent de la juridiction
compétente en matière de procédures collectives ».

De la lecture combinée des dispositions des textes précités, notons que les procédures
collectives relèvent de la compétence des Tribunaux de commerce en RDC. 17

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 3 de l’AUPCA, que cette juridiction « est également


compétente pour connaitre de toutes les contestations nées de la procédure collective, de
celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique ainsi que de celles
concernant la faillite personnelle et les autres sanctions, à l’exception de celles qui sont
exclusivement de la compétence des juridictions administratives, pénales et sociales ». De
cette disposition légale communautaire l’on peut retenir que la compétence du Tribunal de
commerce est large en matière de procédures collectives. Elle ne connait de restriction que
dans le cas précis à savoir « lorsqu’il s’agit des sanctions qui sont exclusivement de la
compétence des juridictions administratives, pénales et sociales ».

Dans le jugement commenté, l’exception relative à l'inopposabilité du concordat préventif à la


créancière pour défaut de qualité de l'expert désigné en violation des articles 4-1 et 4-2 de
l'AUPCAP, et pour irrégularité dans l'établissement du rapport fait en violation des
dispositions des articles 12 e 13 de l’AUPCAP, fut soumise au Tribunal de commerce de
Bukavu par la créancière.

Le Tribunal de commerce de Bukavu a estimé « que l'expert en question a été désigné par
Ordonnance du Président du tribunal pour lui prêter son ministère et régler préventivement

17
Cfr Art.17 la loi du 03 juillet 2001 portant création organisation et fonctionnement des tribunaux de

commerce et 3 al 1 de l’AUPCAP
~ 14 ~

la situation déficitaire de l'entreprise du débiteur, de ce fait, le tribunal fait observer


qu'attaquer la qualité et le rapport de l'Expert revient à attaquer l'ordonnance ayant désigné
pour cet effet, et l'examen des probables irrégularités de l'Ordonnance ayant désigné Expert
précité dépasse le cadre de la compétence d'attribution circonscrite à l'article 17 de la 961-
002/2001 au 03 juillet 2001 et 3 de l'AUPCAP ».

De cette motivation, il apparaît clairement que le Tribunal de commerce de Bukavu a


manifestement décliné sa compétence. Pourtant, l’alinéa 2 de l’article 3 de l’AUPCAP sur
lequel il fait assoir sa décision, lui donne une compétence large en la matière. Sur ce point
également, la juridiction en question donne une solution contraire à l’esprit et la lettre de
l’article 3 alinéa 2 de l’AUPCAP.

En effet, au sens de la démarche suivie par le Tribunal de Commerce de Bukavu, au-delà du


délai d’appel prévu par l’article 23 de l’AUPCAP contre les ordonnances entachées
d’irrégularités, celles-ci sont valables. Ce qui entrainerait un déni de justice malgré la
compétence large reconnu à la juridiction compétente à connaitre toutes contestations nées de
la procédure.18

Évoluant dans le même angle de raisonnement force est de constater que certaines conditions
relatives à l’exercice de la fonction de mandataires judiciaires, lui ont échappées.

II. L’exercice de la fonction de mandataire judiciaire dans l’espace OHADA

L’exercice de la fonction des mandataires judiciaire dans une procédure collective est
subordonné à l’inscription sur la liste nationale des mandataires judiciaires. 19 Pour être inscrit
à la liste, l’article 4-2 pose un critère spécifique (A) et une série des critères générales (B).

A. Critère spécifique

Le critère spécifique en question est relatif à la qualification. Notamment être expert-


comptable ou être habilité par la législation nationale. Si pour sa part l’article 4 ‐2 de
l’AUPCAP, dispose sans ambages que « Pour être inscrit sur la liste nationale des
mandataires judiciaires d’un État partie, toute personne physique doit remplir les conditions
18
Art. 3 de l’AUPCAP
19
A. FENEON, Des mandataires judiciaires mieux encadrés pour une procédure plus efficace, Droit et
Patrimoine, n° 253 P 65
~ 15 ~

ci‐dessous… : 3° être expert‐comptable ou être habilitée par la législation nationale », cette


disposition légale communautaire, ne rend pas automatiquement ou d’office mandataires
judiciaires, tous les experts comptables, mais fait de cette qualité une des conditions
d’admissibilité auxdites fonctions.

Abordant la question dans le même sens, Yvette Rachel KALIEU ELONGO souligne pour sa
part que « les experts comptables s'ils remplissent les critères sont d'office habilités à exercer
la fonction de mandataire judiciaire, ce qui n'est pas le cas pour les autres professions.
Autrement dit, tous ceux qui ne sont pas experts comptables doivent être préalablement
habilités sans que le texte ne précise ni quelles catégories de professionnels pourraient être
admis, ni quelles sont les conditions de l'habilitation. Tout cela relèvera donc de chaque
législation nationale, ce qui peut laisser percevoir les difficultés de l'harmonisation totale -
pourtant tant souhaitée de la fonction de mandataire judiciaire au sein de l'espace
OHADA ».20

En effet, au Sénégal, en plus des experts inscrits à l’ordre national des experts comptables et
comptables agréés (ONECCA), il est apparu pertinent au législateur, d’agréer à ce statut
certaines catégories d’experts qui étaient précédemment habilités par les juridictions elles-
mêmes.21

Il s’agit des experts inscrits aux sections commerciales, fiscales, maritime-marchandises de


l’ordre national des experts et évaluateurs agrées du Sénégal (ONEEAS).

Par ailleurs, le Règlement n°5/CM/UEMOA du 25 septembre 2014 relatif à l’harmonisation


des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA dispose en article 3 alinéa 4
que, « les avocats peuvent être liquidateurs amiables ou judiciaires, administrateurs
provisoires et syndics ». Les avocats ainsi agrées comme syndic peuvent donc solliciter leur
inscription sur la liste des mandataires judiciaires en cette qualité.

Cette option est prise en compte par le législateur Malien à l’article 9 du décret n°2017-
0265/P-RM du 21 Mars 2017 portant création, organisation et modalités de fonctionnement de
la commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires judiciaire. Cet article
20
Y.R KALIEU ELOGO , op. cit. p. 49
21
Préambule du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des mandataires judiciaires pris en
application de l’Acte uniforme portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif, J.O S ,
Avril 2016
~ 16 ~

dispose que « la liste nationale des mandataires judiciaires comporte : -les experts-
comptables inscrit au tableau de l’ordre national des experts -comptables agrées du Mali ; -
les Avocats. La commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires
judiciaires, peut habiliter tout autre professionnel ».22

Cependant, en ce qui concerne le Burkina Faso, la loi n°035-2016/AN portant statut des
mandataires judiciaires dans les procédures collectives d’apurement du passif pose certaines
incompatibilités, parmi lesquelles la profession d’avocat semble être visée.

Il ressort de l’article 10 de la loi précitée que « Outre les incompatibilités prévues par l'Acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, l'exercice
des fonctions de mandataire judiciaire est incompatible avec toute activité de nature à porter
atteinte à son indépendance, en particulier avec :

- tout emploi salarié, sauf chez un autre membre de l'Ordre des experts comptables ou
dans une société d'expertise comptable inscrite à l'Ordre des experts comptables ;
- l'exercice d'un mandat politique ou de tout emploi salarié dans l'administration
publique ;
- l'exercice d'une profession libérale autre que celle d'expert-comptable ;
- l'exercice d'une activité commerciale ».

En reconsidérant l’ensemble de nos analyses et développements centrés sur le critère relatif à


la qualité du mandataire judiciaire, on aboutit au constat relatif au problème d’harmonisation
par rapport à l’inscription de l’Avocat sur la liste nationale des mandataire judicaires dans les
trois ordres juridique précités.

En effet, dans le cas d’espèce, la créancière faisait état de l’absence de la preuve de


l’inscription de l’expert désigné sur la liste nationale des mandataires judiciaires en
République Démocratique du Congo, elle estime également que, « prétendre que la qualité
d'expert-comptable suffit pour être désigné en qualité d'expert au règlement préventif sans
être mandataire judiciaire est une aberration et une violation de l'Acte uniforme et du Traité
OHADA dont les dispositions ont un caractère impératif, il s'en suit dans le cas d'espèce que
sieur, Georges NYAKURA bien qu'expert-comptable n'a pas qualité d'être désigné expert au
règlement préventif aussi longtemps qu'il n'est pas Inscrit à la liste nationale des mandataires

22
Article 9 du décret n°2017-0265/P-RM du 21 Mars 2017 portant création, organisation et modalités de
fonctionnement de la commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires judiciaire
~ 17 ~

judicaires et bien que sa qualité d'expert-comptable est une condition d'admissibilité à cette
fonction, son rapport ne peut en conséquence lui être opposé et les i poursuites individuelles
à son endroit ne pouvaient pas non plus être interrompues puisqu' il a été désigné en
violation des dispositions de l'article 4-3 et 4-4 du même Acte Uniforme précité et appelle par
voie de conséquence le retrait de l'ordonnance y relative »;23

Abordant la question, le Tribunal a relevé que « se référant à l'esprit et à la lettre de ce


article 4 et suivant de l'AUPCAP, le tribunal constate que la règlementation du corps des
mandataires Judiciaires relève de l'appréciation de chaque Etat-parti au Traité QHADA et
Acte Uniforme précité en découlant, la loi congolaise restant silencieuse quant à ce. encore
moins la Jurisprudence; la désignation de l'Expert relève des coutumes locales, mieux des
usages locaux et des pratiques commerciales ainsi que de la souveraine appréciation du
Président du Tribunal qui le désigné par son ordonnance, qui produit une fois de plus plein
effet, faute du recours en appel conformément à l'article 23 de l'AUPCAP, elle requiert
autorité de la chose jugée et doit être tenue pour vraie; le tribunal s'en tient et considère
Expert qu'elle a désigné et le rapport qu'elle a avalisé en tant que tels, cette exception n'est
pas non plus fondée ».24

Qu’analyse, la solution donnée dans le jugement rapporté, risquerait dans une certaine
mesure, entretenir un manque de transparence dans la nomination des experts et syndics.
Facilitants ainsi, les nominations de complaisance. Certes dans l’attente de l’établissement de
la liste nationale des mandataires judiciaires dans les Etats parties ; la désignation de l’expert
relèverait de la coutume locale, des usages locaux, des pratiques commerciales non contraire
aux dispositions de l’article 4-2 de l’AUPCAP. En plus le président du Tribunal est tenu de
désigner un expert au règlement préventif qui satisfait conditions minimales visées par
l’article précité.25

B. Les critères généraux

En plus du critère spécifique l’article 4-2 de l’AUPCA prévoit une série des critères généraux
la première série est relative à la capacité, de probité et de moralité. 26 S'agissant de la capacité,
le mandataire doit avoir le plein exercice de ses droits civils et civiques ce qui exclut par
exemple de ces fonctions le failli non réhabiliter ou le majeur incapable. Le critère de probité
23
Tricom, Bukavu jugement précité, sixième feuillet inédit
24
Tribunal de commerce de Bukavu, jugement d’homologation sous RFC 004 du 15 Avril 2020, quatorzième
feuillet
25
Art. 8AUPCAP
~ 18 ~

signifie que le candidat ne doit pas avoir subi une sanction disciplinaire autre que
l'avertissement ou une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour un crime
de droit commun ou à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non assortie de
sursis, pour un délit contre les biens ou une infraction économique ou financière qui est
incompatible avec l'exercice de la fonction de mandataire. S'agissant de la moralité, le
mandataire doit présenter des garanties suffisantes de sa moralité par exemple, en fournissant
un extrait de casier judiciaire. Il doit présenter aussi des garanties d'indépendance, de
neutralité et d'impartialité.27

Dans le jugement rapporté c’est le critère relatif à la neutralité de l’expert désigné fait défaut
car il est Juge consulaire au Tribunal de commerce de Bukavu. Sous cette casquette, il ne peut
justifier sa qualité d'Expert et de juge consulaire sans que sa neutralité inscrite en lettres d'or
aux articles précités ne soit sujette à caution car ne pouvant être Juge et partie dans une même
cause.

La deuxième série est liée à la domiciliation fiscale 28 dans l'État où il sollicite son inscription
et être à jour de ses obligations fiscales.

En fin la troisième série des conditions est relative à certaines interdictions. Elles prennent en
compte les liens de parenté ou d'alliance mais aussi les conflits d'intérêts éventuels. Pour cette
raison, ne peuvent être mandataires les parents ou alliés du débiteur ou des créanciers jusqu'au
quatrième degré ainsi que des dirigeants personnes physiques de la personne morale soumise
à une procédure collective, les personnes qui ont eu ou qui ont un différend avec le débiteur
ou un de ses créanciers ou celles qui ont pu percevoir dans les trois mois précédant leur
nomination, une rémunération directement ou indirectement de la part du débiteur ou de l'un
de ses créanciers. L'acte uniforme interdit également l'exercice de toute activité de nature à
porter atteinte à l'indépendance, à la neutralité et à l'impartialité du mandataire. C'est la raison
pour laquelle le mandataire ne peut être ni l'expert-comptable ni l'avocat ni le comptable agréé

26
Les conditions prévues par l'article 4-2 sont des exigences minimales qui peuvent être complétées
éventuellement par la législation nationale de chaque État

27
Y.R KALIEU ELONGO, Op.cit. 49

28
Le domicile fiscal est le lieu où une personne s'acquitte de ses obligations fiscales. En général, c'est le lieu de
résidence pour les personnes physiques, le lieu de l'activité principale ou le centre des intérêts économiques
pour les personnes morales.
~ 19 ~

ni le commissaire aux comptes du débiteur ou d'un de ses créanciers. Sont aussi exclus les
personnes physiques en situation de subordination ou ayant des liens économiques avec le
débiteur ou un de ses créanciers. Ces incompatibilités sont renforcées par l'obligation de
signer une déclaration d'indépendance, de neutralité et d'impartialité et surtout celle de prêter
serment préalablement à l'entrée en fonction.29

Comme souligné précédemment, que l’exercice de la fonction du mandataire judiciaire le


suppose une connaissance profonde des règles d’administration, de gestion et de direction de
ces entités. Cela exige certes des études sanctionnées par un diplôme et une connaissance
profonde de la matière comptable, mais surtout une grande expérience sanctionnant une longe
pratique du monde des entreprises. C’est pourquoi, certaines législations nationales, ont pris
en compte la nécessité d’ajouter aux règles organisant l’inscription sur la liste nationale des
mandataires judiciaires, prévues par l’acte uniforme, d’autres conditions y relatives.

Tel est le cas par exemple au Sénégal, de l’obligation de justifier selon le cas, d’une formation
ou d’une expérience dans la gestion, l’administration et la direction des sociétés adaptées à la
pratique de mandataire judiciaire.30 Également l’obligation de justifier d’une police
d’assurance auprès d’une compagnie d’assurance régulièrement établie au Sénégal.31

Il en est de même pour le Burkina Faso la condition relative l’ancienneté d’au moins trois ans
au tableau de l’ordre.32

CONCLUSION

La fonction de mandataire judiciaire est un sujet très délicat. Elle suscite la question relative à
l’application des règles juridiques liées au mode d’accès à ce statut et aux modalités
d’exercice de ladite fonction par les juridictions de l’espace OHADA. À l’instars du Tribunal
de commerce de Bukavu, la présente contribution a mis en exergue les difficultés

29
Art. a-4 de l’AUPCAP
30
Art.7 alinéa 2 piont 6 du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des
mandataires judiciaires pris en application de l’Acte uniforme portant organisation des
procédure collectives d’apurement du passif, J.O du sénégal.
31
Art.7 alinéa 2 point 7 de décret précité
32
Article 3 point 5 de la loi n°035-2016/AN portant statut des mandataires judiciaires dans
les procédures collectives d’apurement du passif, J.O. du Burkina Faso
~ 20 ~

d’application de l’article 4 de l’AUPCAP. Deux facteurs expliquent ces difficultés : le


premier facteur tire son fondement dans la léthargie de la plupart des états membres de
l’OHADA qui n’ont pas encore légiférer en la matière. En l’absence de texte spécifique en la
matière, la juridiction susmentionnée ci-haut préconise l’application de la coutume locale, les
usages commerciales. Le deuxième facteur s’explique par le manque de maitrise de la matière
qui nécessite une formation continue des acteurs de la gestion des procédures collectives.
Compte tenu de la complexité de la matière, l’implication de tous pourrait contribuer à
l’amélioration du climat des affaires.

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