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Résumé
L’amélioration du climat des affaires passe par la mise en place des règles juridiques
adaptables aux réalités du terrain, mais aussi par une application correcte de ces règles par la
juridiction compétente. La présente étude entend faire un commentaire du Jugement
d’homologation du concordat préventif, sous RFC 004 du 15 Avril 2020, rendu par le
Tribunal de Commerce de Bukavu, en République Démocratique du Congo. Il s’agit de cerner
comment est-ce que la juridiction en question a abordé les questions relatives au non-respect
des délais de la procédure collective, l’appréciation de sa compétence et l’exercice de la
fonction des mandataire judicaires et comment elle les a confrontées aux dispositions légales
y relatives prévues par l’acte uniforme portant organisation, des procédures collectives et
d’apurement du passif.
Summary
Improving the business climate requires the implementation of legal rules adaptable to the
realities on the ground, but also through the correct application of these rules by the
competent court. This study intends to comment on the Judgment of homologation of the
preventive arrangement, under RFC 004 of April 15, 2020, rendered by the Commercial Court
of Bukavu, in the Democratic Republic of Congo. The aim is to identify how the court in
question dealt with the issues relating to failure to comply with the time limits in collective
proceedings, the assessment of its jurisdiction and the exercise of the function of judicial
representatives and how it confronted them with the relevant legal provisions laid down in the
Uniform Act on the organization, collective proceedings and discharge of liabilities.
~3~
SOMMAIRE
INTRODUCTION
INTRODUCTION
Pour une bonne efficacité de cette réforme qui a pour objectif, le redressement des entreprises
viables et la liquidation des entreprises économiquement condamnées en vue de maximiser le
recouvrement des créances impayées, le législateur de l'OHADA a organisé le statut des
mandataires judiciaires en déterminant notamment les conditions d'accès à ce statut et les
modalités de son exercice. L'Acte uniforme renvoie cependant à la loi nationale pour préciser
certains aspects du nouveau régime.4
Dans le jugement rapporté, le Tribunal de commerce de Bukavu s’est prononcé sur les
questions relatives au non-respect de délai de sa saisine, sur sa compétence et sur la qualité de
mandataire judicaire, en donnant une solution qu’il convient d’analyser.
1
Préambule du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des mandataires judiciaires pris en
application de l’Acte uniforme portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif, J.O S,
Avril 2016, p 2
2
Idem, p 3
3
http://www.ohada.org/communiquesannonces/fr/ohada/actualite/3833,compte-rendu-de-la-reunion-du-
conseil-des-ministres-de-lohada.html, consulté le 14Septembre 2022
4
Art 4 et suivant de l’AUPCAP
~5~
Cependant, outre le solde de la créance principale, la créancière lui enjoint de payer 15 417,
18 dollars des pénalités pourtant à son retour de voyage d'affaires à DUBAI, il affirme avoir
été visité par des voleurs non autrement identifiées, lesquels avaient volé toutes ses
marchandises aussitôt arrivées à Bukavu ; il conclut également que ces pénalités sont
exorbitantes, et qu'il est en difficulté d'acquitter toute la créance avec plusieurs poursuites
judiciaires engagées contre lui par la créancière en question.
En réponse à cette requête, une ordonnance du Président nº108/2019 datée du 12 octobre 2019
et portant ouverture d'un règlement préventif fut rendue. Aux termes de cette ordonnance, les
parties susmentionnées furent convoquées à l'audience du 13 mars 2020.
C’est ainsi qu’en date du 15 Avril 2020, le Tribunal de commerce de Bukavu a rendu le
jugement sous RFC 004, homologuant le concordat proposé par le débiteur. Déclarant les
exceptions soulevées par la créancière non fondées, en fondant sa décision d’abord sur l’avis
de la CCJA n°001/2009/EP 15 avril 2009, relatif au non-respect de délai de saisine, en suite
sur l’article 17 de la loi n°002/2001 du 03 Juillet 2001 sur les Tribunaux de Commerce et 3 de
l’AUPCAP par rapport à sa compétence, et enfin, à la coutume locale par rapport à
l’application de l’article 4 et suivant de l’AUPCAP.5
5
Tricom, Bukavu , jugement d’homologation RFC 004 15 avril 2009 quatorzième feuillet et suivant
~6~
Ce jugement nous apparaît mal rendu d’autant plus que sa motivation ne correspond pas
exactement à l’esprit et à la lettre des disposition légales traitées. Ainsi les juges du Tribunal
de Commerce de Bukavu n’ont pas respecté les règles relatives au délai de sa saisine et de sa
compétences (I). Également malgré leur réponse relative au vide juridique relatif à la
règlementation de la fonction des mandataires judicaires en République Démocratique du
Congo, certaines règles liées aux conditions et modalité de l’exercice de ladite fonction, les
ont échappées (II). D’où la pertinence de ces interrogations : quel est le sort d’une
ordonnance entachée d’irrégularité en procédure collective ? les actes posés par le mandataire
judicaire issus de l’ordonnance en question sont-ils opposables aux créanciers ?
Pour bien cerner cette notion, il est nous paraît indéniable de chercher à savoir d’abord, quel
est la nature des délais de la procédure de règlement préventif ? En effet, les délais prévus
dans la procédure de règlement préventif sont de deux ordres. 6 Le premier groupe est
composé de délai dont le non-respect est assorti de sanctions prévues par l'Acte uniforme lui-
même, tandis que le second groupe est constitué de délais dont le non-respect n'est pas assorti
de sanctions spécifiques.7 Il s’agit en effet, des délais absolus ou de rigueur d’une part et des
délais relatifs d’autre part.
A titre illustratif, notons que les délais assortis de sanctions spécifiques en cas de non-respect
sont ceux prévus à :
L’article 6, alinéa 3 aux termes duquel « aucune requête en ouverture d’un règlement
préventif ne peut être présentée par le débiteur :
6
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage - Avis N° 01/2009/EP, Séance du 15 avril 2009.- Recueil de
Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 167.
7
Idm
~7~
L’article 13 qui fait obligation à l'expert désigné de déposer son rapport dans le délai
de Trois mois de la décision d’ouverture du règlement préventif, lequel délai pouvant
être prorogé, à titre exceptionnel, une seule fois pour une durée d’un mois, sur
décision spécialement motivée du président de la juridiction compétente. En cas de
non-respect dudit délai, l'expert peut engager sa responsabilité auprès du débiteur ou
des créanciers ;
L’article 20, alinéa 2 in fine qui enjoint le débiteur de formuler ses observations
relatives au déroulement des opérations dans un délais de quinze (15) jours ;
L’article 23, alinéa 1er,2 et 3 qui retient que les décisions rejetant la demande
d'ouverture du règlement préventif ou mettant fin au règlement préventif par
application de l'article 9-1 ci-dessus, ou rejetant l'homologation du concordat préventif
sont susceptibles d'appel par le débiteur devant la cour d'appel, dans un délai de quinze
(15) jours à compter de leur prononcé. La décision d'ouverture du règlement préventif
est susceptible d'appel de la part des créanciers et du ministère public, formé devant la
cour d'appel, dans un délai de quinze (15) jours à compter de la première publicité
prévue par l’article 37 ci-dessous s'ils estiment que l'entreprise est en cessation des
paiements. La décision homologuant le concordat préventif est susceptible d'appel de
la part des du ministère public et des créanciers, formé devant la cour d'appel, dans un
délai de quinze (15) jours à compter de son prononcé pour le premier et à compter de
la première publicité prévue à l'article 37 ci-dessous pour les suivants.
L’article 23-1, alinéa 1 qui dispose que Les décisions du président de la juridiction
compétente visées à l'article 11 ci-dessus ne peuvent faire l'objet que d'une opposition
devant ladite juridiction dans le délai de huit (08) jours à compter de leur prononcé.9
L’article 14 au terme du quel « Dès le dépôt du rapport de l'expert, le président de la
juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à une
8
Le non-respect des dispositions de l’article susvisé pourrait constituer une fin de non-recevoir
9
Le non-respect du délai d’opposition visé par l’article 8 de l’APCAP entraine la forclusion à l’égard du
concerné
~8~
audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience
l'expert ainsi que tout créancier qu'il juge utile d'entendre. Le débiteur peut saisir lui-
même la juridiction compétente. Le débiteur et le ou les créanciers sont convoqués,
par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis
de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, trois (03) jours au moins avant la
tenue de l'audience. La juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus
tard dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine. Le règlement préventif
continue de produire ses effets, en particulier concernant la suspension des poursuites
individuelles des créanciers, jusqu'à ce que la juridiction statue. Si celle-ci n'est pas
saisie dans les conditions de l'alinéa 1 er ou si elle ne se prononce pas dans les trente
(30) jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit, les
créanciers recouvrant l'exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine
administration de ses biens ».10
Par contre les délais qui ne sont pas assortis de sanctions spécifiques en cas de non-respect
sont ceux prévus à :
L’article 8 qui énonce, que l'expert désigné est informé de sa mission sans délai par le
président de la juridiction compétente par lettre au porteur contre récépissé ou par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite ;
L’article 19, alinéa 1 qui fait obligation à l'expert désigné en application de l'article 8
de rendre compte par écrit de sa mission au Président de la juridiction compétente
dans le délai d'un mois à compter de la décision statuant sur l’homologation du
10
Pour rendre la décision du règlement préventif, le président de la juridiction compétente convoque
principalement le débiteur. Il est toutefois laissé la possibilité au président de convoquer également tout
créancier qu’il juge utile d’entendre. À ce titre le sieur Yzas BAKER TILLY note dans son ouvrage intitulé Guide
des procédures collective que Compte tenu des objectifs visés par la procédure, il nous parait nécessaire
d’entendre entre autres : - le représentant des salariés pour s’assurer que le personnel n’est pas trait comme
des créanciers ordinaires ; -les créanciers dont le maintien des relations avec le débiteur conditionne la
poursuite des activités ( fournisseurs clés d’exploitation, banques ect) ; -les créanciers dont l’importance des
créances peut mettre en péril la bonne exécution du concordat
~9~
En l’espèce, l’article 14 aux termes duquel « Dès le dépôt du rapport de l’expert, le président
de la juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à une
audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience l’expert
ainsi que tout créancier qu’il juge utile d’entendre. . .. Si celle‐ci n’est pas saisie dans les
conditions de l’alinéa 1er ou si elle ne se prononce pas dans les trente jours à compter de
sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein droit, les créanciers recouvrant
l’exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine administration de ses
biens », a fait l’objet de la présente procédure.11
À la lecture minutieuse du jugement commenté, fort est de constater d’emblée que le Tribunal
de commerce de Bukavu a fondé son jugement sur une disposition légale abrogée. En
l’occurrence, l’ancien article 14 al 1 er de l’AUPC de 1998 qui disposait que : « dans les huit
jours du dépôt du rapport, le président saisit la juridiction compétente et convoque le
débiteur à comparaitre devant cette juridiction pour y être entendu en audience non publique.
Il doit également convoquer à cette audience l’expert rapporteur ainsi que tout créancier
qu’il juge utile d’entendre. Le débiteur et éventuellement le ou les créanciers sont convoqués
11
Tricom. Bukavu, jugemengement précité, deuxième feuillet ; inédit
~ 10 ~
par lettre recommandée ou par tout moyen laissant trace écrite, trois jours au moins à
l’avance ».12
Recourir à une disposition légale non en vigueur, serait une entrave à l’un des piliers de
l’amélioration du climat des affaires. À savoir, une l’application correcte des règles juridiques
en vigueur e par la juridiction compétente.
Revenant sur les dispositions légales de l’article 14 de l’AUPCAP en vigueur et qui devrait
être appliquées, il ressort le fait qu’aussitôt que le Président de la juridiction compétente,
reçoit le rapport de l’expert désigné, il convoque sans délai à la fois le débiteur, l’expert et le
créancier les parties à une audience non publique, pour les entendre sur le projet de concordat.
En l’espèce, il y a lieu de noter d’abord que le rapport de l’expert désigné fut déposé en date
du 10 Janvier 2020. les parties fut convoqué en date 05 Février 2020. Cependant la créancière
n’a pas reçu la convocation en question. C’est pourquoi le Tribunal n’a pas été saisi à son
égard à l’audience du 05 Février 2020.13
Ensuite, en lieu et place de la convocation visée à l’article 14 précité, la créancière n’a reçu
plutôt qu’une notification de date d’audience du 03 mars 2020, l’invitant à comparaître à
l’audience publique du 11 mars 2020.14
Et enfin, cette situation a été couvert par le Tribunal de commerce de Bukavu à travers le
vocable la « saisine anticipative ».
À notre avis, dès lors que les dispositions de l’article 14 de l’AUPCAP ne souffre d’aucune
ambigüité, les juges devraient s’y conformer en les appliquant sans ambage.
En mentionnant dans sa motivation que « Dans le cas sous examen, et ce en conformité avec
l'article 14 al.1er précité, après le dépôt de la requête de la débitrice, suivi de l'Ordonnance
n°108/2019 du 12 octobre 2019 du Président du tribunal portant ouverture d'un règlement
préventif à l'égard de Monsieur MUKINDJE MULINGA Jean-Marie, laquelle avait enjoint à
l'Expert ainsi désigné de déposer au Greffe, en double exemplaire, son rapport devant
contenir le concordat préventif proposé par la débitrice ou conclu entre elle et ses créanciers,
dans les trois mois de sa saisine; et du rapport Réf: No 026/GNM/2019 du 10 Janvier 2020
de l'Expert désigné et des convocations à l'égard des parties du 05 février 2020, suivi des
12
Tricom. Bukavu, jugement précité douzième feuillet, inédit
13
Idem, Treizième feuillet,
14
Idem, quatorzième feuillet
~ 11 ~
Par ailleurs, ce même Tribunal fonde sa décision sur la jurisprudence selon laquelle : « le
non-respect du délai de saisine de la juridiction compétente après le dépôt du rapport et de la
convocation des parties n'est pas assorti des sanctions spécifiques. Les délais prévus sont
laissés à l'appréciation du Juge, il ne peut toutefois les modifier que si des circonstances
impérieuses l'exigent... (CCJA, Avis n°2001/2009/ER 15 avr. 2009, Tricom Bukavu,
Musafiri Ngwasi Jean c/ Trust Merchant Bank TMB, Inédit) ». Là aussi il y a lieu
d’émettre une réserve pour plusieurs raisons.
Si l’on s’en tient à la référence indiquée par le Tribunal, il y a lieu de déduire qu’une demande
aurait été adressée à la CCJA par le Tribunal de Commerce de Bukavu et en réponse à cette
demande la CCJA a donné la solution susmentionnée ci-dessus. Or avant la date de la
décision de la CCJA (15/04/2009) et à la date de décision cette juridiction n’existait pas
encore à Bukavu. Elle n’a été installée que le 24 mai 2014. Alors l’on peut s’interroger à quel
moment la demande en question fut adressé à la CCJA ? la CCJA a-t-elle répondue à la
demande d’une juridiction inexistante ?
La réponse à ces interrogations nous semble difficile d’autant plus que la jurisprudence sus
visée est inédite. En d’autres termes elle est difficilement accessible.
15
Idem, quatorzième feuillet.
~ 12 ~
Par contre, elle renseigne que « Les délais prévus dans la procédure de règlement préventif
sont de deux ordres. Le premier groupe est composé de délai dont le non-respect est assorti
de sanctions prévues par l'Acte uniforme lui-même, tandis que le second groupe est constitué
de délais dont le non-respect n'est pas assorti de sanctions spécifiques ».
Mettant en en relief ce qui précède nous sommes persuadés que les juges du Tribunal de
Commerce de Bukavu n’ont pas fait une bonne appréciation des faits et une saine application
de la loi. Ayant abordé la question relative au non-respect de délai de la procédure collective,
il convient alors d’aborder celle liée à la compétence du Tribunal de commerce.
La compétence du Tribunal de commerce est attribuée par la loi du 03 juillet 2001 portant
création organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce. Le législateur a voulu
être explicite pour éluder toute confusion entre un éventuel conflit de compétences entre les
tribunaux de droit commun (les tribunaux de paix et les Tribunaux de Grande Instance qui se
partagent la compétence pour toutes les infractions de droit commun) et les Tribunaux de
commerce qui sont exclusivement compétents pour toutes les infractions en matière
économique et commerciale.16
En revanche, en ce qui concerne les Tribunaux de commerce, le législateur comme dit ci haut,
a été clair, la compétence de ces tribunaux est déterminée au titre II de la loi du 3 juillet 2003
sur les tribunaux de commerce au travers de l'articles 17. Cet article dispose :
3. des contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce, en ce compris les
actes relatifs aux sociétés commerciales, aux fonds de commerce, à la concurrence
commerciale et aux opérations de bourse ;
16
D.J. MUANDA NKOLE, le rôle du ministère public congolais dans la répression des infractions relatives aux
sociétés commerciales en droit OHADA, Fascicule n°2, https://www.Ohada.com/documentation/
doctrine/ohadata/ D-12-26.html, consulté le 30 Septembre 2022 à 10h 30.
~ 13 ~
5. des litiges complexes comprenant plusieurs défendeurs dont l'un est soit caution, soit
signataire d'un chèque bancaire, d'une lettre de change ou d'un billet à ordre ;
De la lecture combinée des dispositions des textes précités, notons que les procédures
collectives relèvent de la compétence des Tribunaux de commerce en RDC. 17
Le Tribunal de commerce de Bukavu a estimé « que l'expert en question a été désigné par
Ordonnance du Président du tribunal pour lui prêter son ministère et régler préventivement
17
Cfr Art.17 la loi du 03 juillet 2001 portant création organisation et fonctionnement des tribunaux de
commerce et 3 al 1 de l’AUPCAP
~ 14 ~
Évoluant dans le même angle de raisonnement force est de constater que certaines conditions
relatives à l’exercice de la fonction de mandataires judiciaires, lui ont échappées.
L’exercice de la fonction des mandataires judiciaire dans une procédure collective est
subordonné à l’inscription sur la liste nationale des mandataires judiciaires. 19 Pour être inscrit
à la liste, l’article 4-2 pose un critère spécifique (A) et une série des critères générales (B).
A. Critère spécifique
Abordant la question dans le même sens, Yvette Rachel KALIEU ELONGO souligne pour sa
part que « les experts comptables s'ils remplissent les critères sont d'office habilités à exercer
la fonction de mandataire judiciaire, ce qui n'est pas le cas pour les autres professions.
Autrement dit, tous ceux qui ne sont pas experts comptables doivent être préalablement
habilités sans que le texte ne précise ni quelles catégories de professionnels pourraient être
admis, ni quelles sont les conditions de l'habilitation. Tout cela relèvera donc de chaque
législation nationale, ce qui peut laisser percevoir les difficultés de l'harmonisation totale -
pourtant tant souhaitée de la fonction de mandataire judiciaire au sein de l'espace
OHADA ».20
En effet, au Sénégal, en plus des experts inscrits à l’ordre national des experts comptables et
comptables agréés (ONECCA), il est apparu pertinent au législateur, d’agréer à ce statut
certaines catégories d’experts qui étaient précédemment habilités par les juridictions elles-
mêmes.21
Cette option est prise en compte par le législateur Malien à l’article 9 du décret n°2017-
0265/P-RM du 21 Mars 2017 portant création, organisation et modalités de fonctionnement de
la commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires judiciaire. Cet article
20
Y.R KALIEU ELOGO , op. cit. p. 49
21
Préambule du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des mandataires judiciaires pris en
application de l’Acte uniforme portant organisation des procédure collectives d’apurement du passif, J.O S ,
Avril 2016
~ 16 ~
dispose que « la liste nationale des mandataires judiciaires comporte : -les experts-
comptables inscrit au tableau de l’ordre national des experts -comptables agrées du Mali ; -
les Avocats. La commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires
judiciaires, peut habiliter tout autre professionnel ».22
Cependant, en ce qui concerne le Burkina Faso, la loi n°035-2016/AN portant statut des
mandataires judiciaires dans les procédures collectives d’apurement du passif pose certaines
incompatibilités, parmi lesquelles la profession d’avocat semble être visée.
Il ressort de l’article 10 de la loi précitée que « Outre les incompatibilités prévues par l'Acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, l'exercice
des fonctions de mandataire judiciaire est incompatible avec toute activité de nature à porter
atteinte à son indépendance, en particulier avec :
- tout emploi salarié, sauf chez un autre membre de l'Ordre des experts comptables ou
dans une société d'expertise comptable inscrite à l'Ordre des experts comptables ;
- l'exercice d'un mandat politique ou de tout emploi salarié dans l'administration
publique ;
- l'exercice d'une profession libérale autre que celle d'expert-comptable ;
- l'exercice d'une activité commerciale ».
22
Article 9 du décret n°2017-0265/P-RM du 21 Mars 2017 portant création, organisation et modalités de
fonctionnement de la commission nationale de contrôle et de discipline des mandataires judiciaire
~ 17 ~
judicaires et bien que sa qualité d'expert-comptable est une condition d'admissibilité à cette
fonction, son rapport ne peut en conséquence lui être opposé et les i poursuites individuelles
à son endroit ne pouvaient pas non plus être interrompues puisqu' il a été désigné en
violation des dispositions de l'article 4-3 et 4-4 du même Acte Uniforme précité et appelle par
voie de conséquence le retrait de l'ordonnance y relative »;23
Qu’analyse, la solution donnée dans le jugement rapporté, risquerait dans une certaine
mesure, entretenir un manque de transparence dans la nomination des experts et syndics.
Facilitants ainsi, les nominations de complaisance. Certes dans l’attente de l’établissement de
la liste nationale des mandataires judiciaires dans les Etats parties ; la désignation de l’expert
relèverait de la coutume locale, des usages locaux, des pratiques commerciales non contraire
aux dispositions de l’article 4-2 de l’AUPCAP. En plus le président du Tribunal est tenu de
désigner un expert au règlement préventif qui satisfait conditions minimales visées par
l’article précité.25
En plus du critère spécifique l’article 4-2 de l’AUPCA prévoit une série des critères généraux
la première série est relative à la capacité, de probité et de moralité. 26 S'agissant de la capacité,
le mandataire doit avoir le plein exercice de ses droits civils et civiques ce qui exclut par
exemple de ces fonctions le failli non réhabiliter ou le majeur incapable. Le critère de probité
23
Tricom, Bukavu jugement précité, sixième feuillet inédit
24
Tribunal de commerce de Bukavu, jugement d’homologation sous RFC 004 du 15 Avril 2020, quatorzième
feuillet
25
Art. 8AUPCAP
~ 18 ~
signifie que le candidat ne doit pas avoir subi une sanction disciplinaire autre que
l'avertissement ou une condamnation définitive à une peine privative de liberté pour un crime
de droit commun ou à une peine d'au moins trois mois d'emprisonnement non assortie de
sursis, pour un délit contre les biens ou une infraction économique ou financière qui est
incompatible avec l'exercice de la fonction de mandataire. S'agissant de la moralité, le
mandataire doit présenter des garanties suffisantes de sa moralité par exemple, en fournissant
un extrait de casier judiciaire. Il doit présenter aussi des garanties d'indépendance, de
neutralité et d'impartialité.27
Dans le jugement rapporté c’est le critère relatif à la neutralité de l’expert désigné fait défaut
car il est Juge consulaire au Tribunal de commerce de Bukavu. Sous cette casquette, il ne peut
justifier sa qualité d'Expert et de juge consulaire sans que sa neutralité inscrite en lettres d'or
aux articles précités ne soit sujette à caution car ne pouvant être Juge et partie dans une même
cause.
La deuxième série est liée à la domiciliation fiscale 28 dans l'État où il sollicite son inscription
et être à jour de ses obligations fiscales.
En fin la troisième série des conditions est relative à certaines interdictions. Elles prennent en
compte les liens de parenté ou d'alliance mais aussi les conflits d'intérêts éventuels. Pour cette
raison, ne peuvent être mandataires les parents ou alliés du débiteur ou des créanciers jusqu'au
quatrième degré ainsi que des dirigeants personnes physiques de la personne morale soumise
à une procédure collective, les personnes qui ont eu ou qui ont un différend avec le débiteur
ou un de ses créanciers ou celles qui ont pu percevoir dans les trois mois précédant leur
nomination, une rémunération directement ou indirectement de la part du débiteur ou de l'un
de ses créanciers. L'acte uniforme interdit également l'exercice de toute activité de nature à
porter atteinte à l'indépendance, à la neutralité et à l'impartialité du mandataire. C'est la raison
pour laquelle le mandataire ne peut être ni l'expert-comptable ni l'avocat ni le comptable agréé
26
Les conditions prévues par l'article 4-2 sont des exigences minimales qui peuvent être complétées
éventuellement par la législation nationale de chaque État
27
Y.R KALIEU ELONGO, Op.cit. 49
28
Le domicile fiscal est le lieu où une personne s'acquitte de ses obligations fiscales. En général, c'est le lieu de
résidence pour les personnes physiques, le lieu de l'activité principale ou le centre des intérêts économiques
pour les personnes morales.
~ 19 ~
ni le commissaire aux comptes du débiteur ou d'un de ses créanciers. Sont aussi exclus les
personnes physiques en situation de subordination ou ayant des liens économiques avec le
débiteur ou un de ses créanciers. Ces incompatibilités sont renforcées par l'obligation de
signer une déclaration d'indépendance, de neutralité et d'impartialité et surtout celle de prêter
serment préalablement à l'entrée en fonction.29
Tel est le cas par exemple au Sénégal, de l’obligation de justifier selon le cas, d’une formation
ou d’une expérience dans la gestion, l’administration et la direction des sociétés adaptées à la
pratique de mandataire judiciaire.30 Également l’obligation de justifier d’une police
d’assurance auprès d’une compagnie d’assurance régulièrement établie au Sénégal.31
Il en est de même pour le Burkina Faso la condition relative l’ancienneté d’au moins trois ans
au tableau de l’ordre.32
CONCLUSION
La fonction de mandataire judiciaire est un sujet très délicat. Elle suscite la question relative à
l’application des règles juridiques liées au mode d’accès à ce statut et aux modalités
d’exercice de ladite fonction par les juridictions de l’espace OHADA. À l’instars du Tribunal
de commerce de Bukavu, la présente contribution a mis en exergue les difficultés
29
Art. a-4 de l’AUPCAP
30
Art.7 alinéa 2 piont 6 du décret n°2016-570 du 27 Avril 2016 relatif au statut des
mandataires judiciaires pris en application de l’Acte uniforme portant organisation des
procédure collectives d’apurement du passif, J.O du sénégal.
31
Art.7 alinéa 2 point 7 de décret précité
32
Article 3 point 5 de la loi n°035-2016/AN portant statut des mandataires judiciaires dans
les procédures collectives d’apurement du passif, J.O. du Burkina Faso
~ 20 ~