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Commentaire d’arrêt : Soc 13 avril 2022 VOXTUR

Par un arrêt en date du 13 avril 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est
prononcée sur la nature d’un contrat liant un chauffeur VTC à une plateforme numérique.

En l’espèce, un chauffeur a conclu un contrat de location de véhicule longue durée


avec la société Voxtur ainsi qu’un contrat d’adhésion au système informatisé de cette société
dénommé « le cab » la société étant en phase de liquidation judiciaire, elle décide de
rompre le contrat. Le chauffeur décide alors d’intenter une action en saisissant la juridiction
prud’homale afin d’obtenir une requalification du contrat d’adhésion en contrat de travail,
ainsi que l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et
pour procédure irrégulière ainsi que diverses indemnités et dommages et intérêts pour
travail dissimulé.

La Cour d’appel de Paris a fait droit à toutes ses demandes, dans un arrêt en date du
29 janvier 2020, et la société liquidatrice va alors former un pourvoi en cassation faisant grief
à l’arrêt attaqué d’avoir qualifier la relation contractuelle comme étant un contrat de travail.

La relation contractuelle entretenue par la société Voxtur, plateforme numérique de


mise en relation, et un travailleur indépendant dans le cadre de son activité de chauffeur
VTC est-elle susceptible de révéler un contrat de travail ?

La Cour de cassation en sa chambre sociale, casse l’arrêt d’appel pour insuffisance de


motifs en considérant que les éléments qui avaient été retenus par la Cour d’appel de Paris
ne démontraient pas l’existence d’un lien de subordination entre l’individu et la société. La
Cour d’appel a donc rendu sa décision en se fondant sur des motifs insuffisants, sans avoir
constaté que la société avait adressé au chauffeur des directives sur les modalités
d’exécution du travail ou qu’elle disposait pouvoir d’en contrôler le respect et d’en
sanctionner l’inobservation.

Il sera intéressant de déterminer le faisceau d’indice déterminant de la requalification du


contrat (I) pour ensuite aborder le critère subsidiaire du service organisé.

I. La requalification du contrat, le critère du lien de subordination.

La requalification du contrat en contrat de travail s’inscrit dans une jurisprudence constante


depuis un certain temps (A), ce qui peu amener à un manque de rigueur dans les décisions
récentes

A. Un faisceau d’indice clair pour une jurisprudence constante.

Le contrat de travail se définit classiquement comme une convention par laquelle une
personne s’engage moyennant rémunération à accomplir une prestation au profit d’une
autre personne physique ou morale sous la subordination de laquelle elle se place.
On observe donc un ensemble de critère à réunir pour qualifier un contrat en contrat de
travail.
Le critère décisif est l’existence d’un lien de subordination juridique. En effet, c’est un critère
essentiel qui permet de distinguer le contrat de travail des autres contrats. La consécration
de la notion de subordination juridique s’observe dans un arrêt en date du 6 juillet 1931, la
1e chambre civil de la Cour de cassation précise alors que « la qualité de salarié implique la
présence d’un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l’emploi ». Ce
critère fut repris par la suite en 1996, dans un arrêt Société général c/ URSAFF de Haute-
Garonne, ici, on rappelle le critère déterminant comme « l’accomplissement d’une
prestation sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des
directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements de son
subordonnée » en précisant que « l’appartenance à un service constitué par l’employeur
n’est qu’un indice du lien de subordination ». Cette formulation est reprise par la Cour dans
son arrêt, ce qui prouve la mise en application de longue date de ce critère pour apprécier
ou non la qualification d’un contrat en contrat de travail ou non.

En l’espèce, la Cour de cassation cherche a savoir, en opérant une vérification complète et


minutieuse, si ce critère de subordination juridique est rempli pour valider ou infirmer la
décision de la Cour d’appel d’avoir requalifier le contrat d’adhésion en contrat de travail.

La Cour de cassation dans cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante, initié dans un
arrêt de référence de l’assemblée plénière en date du 4 mars 1983 (arrêt « Barat ») en
reprenant le considérant de principe exposé par ce dernier en soulignant que « l’existence
d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la
dénomination donnée par elles à leur convention mais des conditions dans lesquelles étaient
exercées leur relation de travail ». De sorte que la requalification en contrat de travail
s’observera par une appréciation « in concreto » et technique du faisceau d’indice.

B. Une décision peu motivée

La chambre sociale de la Cour de cassation, est resté constante depuis 1983 concernant la
requalification d’un contrat en contrat de travail en ajustant au fur et à mesure son faisceau
d’indice et en le précisant pour certaines catégories de travailleurs, notamment pour les
travailleurs indépendants.

En effet, s’agissant des travailleurs indépendant, l’article L.8221-6 du Code du Travail prévoit
que ces travailleurs bénéficient d’une présomption de non-salariat en vue de leur
indépendance. Cette présomption reste simple et peut être renversé par la preuve d’un lien
de subordination juridique permanent. De sorte que la Chambre sociale de la Cour de
cassation a commencer a reconnaître la présence de contrat de travail s’agissant des
plateformes numériques tout en continuant d’interprété in concreto les éléments du
faisceau d’indice permettant de requalifier le contrat en contrat de travail.

En ce sens, la Cour d’appel est restée dans la ligne de la Chambre sociale en recherchant un
lien de subordination juridique permanent entre la société et le travailleur indépendant.
Cependant, elle n’a pas recherché si la société exerçait concrètement un lien de
subordination juridique permanent avec le travailleur indépendant, en l’espèce la Cour de
cassation soutient que la Cour d’appel a déterminer le lien de subordination juridique par
des « motifs insuffisant » et précise qu’elle n’a pas constatés les éléments de faits pertinents
afin de qualifier ce-dit contrat. Elle s’est contentée de reprendre les indices relevés dans
d’autres décisions de la chambre sociale en se basant sur le fait que la société exploitait une
plateforme numérique pour mettre en relation le travailleur indépendant avec les clients. De
sorte, qu’elle n’a pas vérifier si les conditions retenues par la chambre sociales dans les
arrêts précédents (SOC take it easy, 28 novembre 2018 – Soc Uber 4 mars 2020) s’appliquait
en l’espèce à la plateforme numérique du litige en question.

II. Un service organisé, simple indice d’un lien de subordination.

Le manque de rigueur de la Cour d’appel (A) conduit la Cour de cassation a la rappeler à


l’ordre (B)

A. Une décision acceptable, un fond lacunaire.

La chambre sociale de la Cour de cassation est restée fidèle à sa jurisprudence antérieure en


cassant l’arrêt d’appel et en jugeant que la Cour d’appel n’avait pas donner de base légale à
sa décision.

De sorte que, la Cour d’appel s’est simplement saisie du critère de l’appartenance à un


service organisé unilatéralement par l’employeur. Cependant l’arrêt de 1996 (Soc général c/
URSAFF de Haute-Garonne) consacrant et précisant le critère du lien subordination juridique
avait souligné que l’appartenance à un service organisé constitué par l’employeur n’est
qu’un indice du lien de subordination et qu’il ne peut à lui seul établir le lien de
subordination juridique permanent de l’entreprise avec le travailleur indépendant. De sorte
que, la Cour d’appel aurait du vérifier et établir clairement que le travailleur indépendant
accomplissait une prestation sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des
ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements de
son subordonné.

C’est en effet ce qu’à énoncé la Cour de cassation dans sa réponse du 13 avril 2022, elle
reprend clairement sa jurisprudence antérieure et reste dans sa lignée. Elle redéfinit le lien
de subordination juridique et demande à la Cour d’appel de revoir sa décision car elle n’était
pas suffisamment motivée. Elle ne requalifie pas le contrat en contrat de travail et ne dit pas
que ce contrat d’adhésion ne pourra jamais être requalifié en contrat de travail. Il est plutôt
question ici de motivé suffisamment le critère permettant d’opérer ou non cette
requalification.

B. Un rappel à l’ordre par la Chambre sociale de la Cour de cassation

C’est une seconde chance que donne la Cour de cassation à la Cour d’appel en demandant
de motiver sa décision, elle « remet l’affaire et les parties dans l’état om elles se trouvaient
avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Paris », on pourrais voir cela comme
une remise à zéro de la décision pour permettre à la Cour d’appel de se replonger dans ses
anciennes décision et d’apporter une réponse net et éclairé de ce cas, plutôt que d’appliquer
simplement des décisions vu précédemment pour des faits similaires (s’agissant des
plateformes numériques), mais sans rechercher exactement si les faits sont exactement les
mêmes.
C’est un rappel à l’ordre opérer par la chambre sociale, car elle apparait en adéquation avec
la Cour d’appel dans sa décision final, mais le raisonnement qui l’a conduit a cette décision
n’est pas suffisamment fondée ou motivée. De sorte, qu’elle l’enjoint a reprendre d’une
manière plus explicite le fond de sa décision pour justifier au mieux cette dernière et
continuer en ce sens ses futures décisions.

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