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La désignation des arbitres ou la détermination des modalités de

constitution du tribunal arbitral


L'article 317 CPC dispose : «A peine de nullité : (...) La clause d'arbitrage doit, soit désigner
le ou les arbitres, soit prévoir les modalités de leur désignation ».

Il y a lieu de souligner à titre liminaire que la désignation des arbitres dans la clause
compromissoire revêt une importance pratique majeure. Elle permet en effet de faire échec
à toute manœuvre dilatoire à laquelle pourrait se livrer une partie mal intentionnée qui
voudrait retarder la procédure d'arbitrage en s'abstenant d'effectuer les formalités qui lui
incombent en vue de constituer le tribunal arbitral, ou en contestant la régularité de la
procédure mise en œuvre à cet effet par la partie adverse, d'où l'intérêt de prévoir, à défaut
de désignation des arbitres, les modalités relatives à la constitution du tribunal arbitral. Il
convient donc de s'attacher en premier lieu à définir les effets que le défaut de désignation
est susceptible de produire, puis de faire état des incidences de la désignation équivoque, et
enfin d'identifier les conditions essentielles propres à la personne que la ou les parties
souhaitent désigner comme arbitre.

 Le défaut de la désignation des arbitres :

Il paraît utile de signaler, d'emblée, qu'en matière d'arbitrage international, le défaut de


désignation des arbitres dans la clause compromissoire ne saurait affecter la validité de
cette dernière. La raison en est que l'article 327-41 CPC n'a pas érigé cette désignation en
obligation, et s'est uniquement contenté d'en accorder la faculté aux parties1.

La clause qui ne précise en rien les modalités de désignation des arbitres, ni directement, ni
par référence à un règlement ou à une institution d'arbitrage, qualifiée de clause blanche»2,
est donc valable en matière internationale.

S'agissant de l'arbitrage interne, la revue des décisions ayant fait l'objet de publication fait
ressortir que les juridictions marocaines sont divisées quant aux effets découlant du défaut
de désignation des arbitres dans la clause compromissoire.

Un courant jurisprudentiel estime ainsi que cette omission conduit à ôter tout effet à ladite
claus3 . A seule fin d'illustrer, nous citerons une ordonnance émanant du Président du
Tribunal de commerce de Rabat4.

Consacrant la règle retenue par la décision précitée, la Cour d'appel de Casablanca a estimé,
à l'occasion d'une espèce où elle devait déterminer les incidences juridiques du défaut de
désignation des arbitres, que « s'il est vrai que le contrat contient en son article 7 une clause

1
Cet article dispose en effet que « la convention d'arbitrage peut, directement ou par référence à un
règlement d'arbitrage, désigner le ou les arbitres ou prévoir les modalités de leur désignation ». V. en
ce sens également, K. ZAHER, art. prés., p. 68 : « La désignation des arbitres par la convention
d'arbitrage est donc une simple faculté en matière d'arbitrage international ».
2
Ph..FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., p. 287.
3
En particulier lorsque nulle précision n'est fournie au sujet des modalités de désignation des
membres du tribunal arbitral.
4
Trib. Com. Rabat ord. Prés., 2 déc. 1998, doss. n° 1/1413/98, rev. Al Ichaa, fi° 19, 1999, p. 247
compromissoire, les noms des arbitres n'ont toutefois pas été spécifiés ; il s'ensuit qu'il n'est
pas admis de se prévaloir de l'existence d'une convention d'arbitrage, cette dernière n'ayant
pas vocation à s'appliquer puisqu'elle ne remplit pas les conditions requises pour sa
validité»5.

La Cour d'appel de Marrakech a, de son côté, pris le parti de tempérer la rigueur de ces
décisions. Ainsi, tout en affirmant que la nullité est encourue en cas de défaut de
désignation des arbitres, elle a subordonné l'application de cette sanction à certaines
conditions afférentes à la nature du contrat au sein duquel est insérée la clause
compromissoire6

Relevons par ailleurs qu'un autre courant jurisprudentiel soutient que le défaut de
désignation des arbitres n'entraîne pas la nullité de la clause compromissoire, et ce quelle
que soit la nature du contrat dans lequel elle est insérée. Ceci ressort d'une lecture a
contrario de certaines décisions rendues avant l'entrée en vigueur de la loi 08-05, qui
avaient considéré que le caractère manuscrit de la clause compromissoire n'était obligatoire
que si ladite clause contenait d'avance la désignation des arbitres, et qu'en l'absence de
cette désignation la rédaction manuelle n'était pas requise, concluant ainsi — de manière
indirecte — à la validité de la clause d'arbitrage qui ne désigne pas le nom des arbitres.
L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Casablanca en date du 25 juin 1983, qui avait retenu
cette solution, ne constituait en vérité que le couronnement d'une jurisprudence qui
remontait à plus de quatre décennies, et ceci tel qu'il ressort d'une décision de la Cour
d'appel de Rabat du 23 avril 19427.

. Il paraît également utile de mentionner une décision de la Cour d'appel de Commerce de


Casablanca, rendue certes après l'adoption de la loi 08-05, mais qui a fait application de
l'ancienne réglementation relative à l'arbitrage, laquelle gouvernait les faits de l'espèce qui
était soumise à la juridiction précitée. Il y a ainsi été décidé que « le moyen tiré de la nullité
de la clause- compromissoire du fait que cette dernière, qui n'est pas manuscrite, violerait
les dispositions de l'article 309 du Code de procédure civile, n'est guère probant car
l'exigence du caractère manuscrit n'est prévue que dans le cas où les arbitres seraient
désignés d'avance par les parties ; il s'ensuit que la rédaction manuelle n'est pas requise
lorsque les parties ne désignent pas les arbitres et ne prévoient pas les modalités de leur
désignation conformément au Code de procédure civile »8.

Le Tribunal de commerce de Marrakech a ainsi eu à connaître d'une espèce où une partie


avait requis la nullité de la clause compromissoire au motif que celle-ci avait omis de
désigner les arbitres. Après avoir relevé que la clause d'arbitrage avait, au contraire, désigné
le maître d'œuvre du projet comme arbitre, la juridiction précitée a estimé que « même en
cas de défaut de désignation, la clause compromissoire n'est pas entachée de nullité car

5
CA Casablanca, 25 avr. 2006, doss. n° 3634/2005/4, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit.,
p.45.
6
CA Marrakech, 10 avr. 2008, doss. n° 3697/1/2007, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op. cit.,
p. 81..
7
CA Rabat, 3 ème ch., 23 avr. 1942, R.A.C.A.R., t. XI, 1941-1942, p. 447
8
CAC Casablanca, 17 mars 2009, doss. n° 1610/2009, rapp. par O. AZOUGGAR et. A. EL. ALAMI, op.
cit., p. 45.
l'ancien article 309 du Code de procédure civile — qui régit le litige du fait que le contrat il
été conclu avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi formant Code de l'arbitrage — ainsi
que l'article 327-5 du Code de procédure civile, permettent d'effectuer cette désignation par
le président sur demande de l'une des parties »9.

Il s'infère par ailleurs de ce jugement que la loi 08-05 n'a guère mis fin à la confusion qui
régnait au sein de la jurisprudence. Bien au contraire, elle a semé encore plus d’ambiguïté
en prévoyant des dispositions contraires, sans souci de cohérence.

Ainsi, après avoir sanctionné de nullité la clause d'arbitrage qui ne désigne pas les sentences
arbitrales et ne prévoit pas les modalités de leur désignation10, la loi précitée, par le biais de
327-5 inséré au sein du Code de procédure civile, a prescrit les formalités à entreprendre en
cas d'inobservation de cette obligation.

101. La conséquence logique susceptible d'être engendrée par la rédaction critiquable que le
législateur a privilégiée, est une éventuelle contradiction au niveau de la jurisprudence
concernant la validité de la clause compromissoire qui ne remplit pas les conditions prévues
par l’article 317 CPC. Certaines juridictions pourraient opter pour l'application de la sanction
par l'article précité, à savoir la nullité, d'autant plus que ce dernier ne prévoit aucune
exception, et que l'article 327-5 CPC ne spécifie aucunement, du moins de manière expresse,
que si les formalités qu'il a prescrites sont accomplies par les parties, la nullité dont fait état
317 CPC n'est plus encourue.

D'autres magistrats pourraient en revanche soutenir que même à défaut de mention


explicite, l'article 327-5 CPC prévoit une dérogation à la règle instituée par l'article 317 CPC,
toute irrégularité à cet égard étant présumée couverte par la conduite à terme des
procédures par l'article 327-5 CPC.

Cet imbroglio n'est certainement pas théorique. A preuve, même si la jurisprudence


demeure rare à ce propos, les divergences jurisprudentielles ont déjà fait leur apparition,
augurant une situation intolérable d'incertitude, source d'insécurité juridique et,
d'appréhension vis-à-vis de l'institution arbitrale dans son ensemble. En effet, comment de
simples profanes peuvent-ils avoir confiance en une institution dont les contours juridiques
sont confus à un point tel que des professionnels chevronnés, en l'occurrence les magistrats,
sont en totale contradiction avec leurs pairs et ne parviennent pas à adopter une position
unifiée concernant un point qui, a priori, ne recèle pas de complexité, et ne devrait pas
soulever de difficulté particulière ? Qu'en sera-t-il lorsqu'il s'agira de démêler l’écheveau,
souvent inextricable, des contradictions entre des lois différentes, ou entre la 1a loi interne
et une ou des conventions internationales, ou encore lorsque le juge devra s’assurer de
l'existence des règles transnationales mises en œuvre par le tribunal arbitral, puis du bien-
fondé de cette démarche eu égard à la convention des parties et au nécessaire respect des
droits de la défense, etc. ?

9
Trib. com. Marrakech, 28 sept. 2009, doss. n° 943/4/09, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI, op.
p. 53
10
Art. 317 CPC.
Signalons à propos de l'apparente contradiction entre les articles 317 et 327-5 que le
Tribunal de commerce de Marrakech a rendu un jugement dans lequel il a pris le parti
d'appliquer la sanction édictée par l'article 317 CPC11.

Ce jugement est d'autant plus révélateur des contradictions qui risquent de faire rage au
sein de la jurisprudence, que la même juridiction avait rendu, quelques mois auparavant,
une décision qui avait adopté l'approche diamétralement opposée, estimant notamment
que la nullité ne saurait être encourue car l'article 327-5 CPC permet aux parties de suppléer
à 'omission précitée par le biais de la saisine du président du tribunal aux fins de procéder
aux désignations nécessaires.

Une solution médiane serait de considérer que le défaut de désignation des arbitres est
couvert par l'accomplissement des formalités prescrites par l'article 327-5 CPC, mais
seulement à la condition qu'aucune des parties n'excipe de la nullité. Si, au contraire, l'une
d'elles conteste la validité de la clause compromissoire, il conviendra de donner effet à la
règle édictée par l'article 317 CPC et sanctionner la clause compromissoire incomplète.

Toutefois, dans un souci de simplification, et aux fins de se départir de tout formalisme


inutilement restrictif, nous nous prononçons en faveur de la solution à même de favoriser
l'essor de l'arbitrage, à savoir la couverture de l'irrégularité par le recours à l'article 327-5
CPC. Nous enjoignons cependant au législateur de se saisir de cette question, et prévenir
ainsi, par des dispositions claires et cohérentes, l'imbroglio juridique qui risque d'en
découler.

 La désignation équivoque :

La rédaction des stipulations contractuelles n'est pas toujours exempte de critique.


Nombreuses en effet sont les clauses d'arbitrage dont la formulation est loin de présenter
les vertus de précision et de concision, indispensables à la mise en œuvre sereine et efficace
de l'instance arbitrale. Ces déficiences ne consistent pas uniquement dans le défaut de
désignation des arbitres ou de détermination des formalités relatives à cette désignation ; il
demeure possible que les membres du tribunal arbitral soient nommés, mais que la clause
compromissoire soit pathologique, c'est-à-dire qu'elle présente « un vice susceptible de faire
obstacle au déroulement harmonieux de l'arbitrage (..). [Les clauses d'arbitrage] peuvent
désigner l'institution d'arbitrage de manière erronée ou insuffisamment précise. Elles
peuvent prévoir une soumission du litige aux arbitres qui peut sembler facultative, un
mécanisme inopérant de désignation des arbitres en faisant choix d'une institution refusant
cette fonction, ou désigner nommément des individus qui peuvent être décédés au moment
du litige »12.

S'agissant du cas qui nous intéresse tout particulièrement dans le cadre de la présente
étude, à savoir la clause compromissoire contenant une désignation équivoque des arbitres,
la jurisprudence française n'hésite pas à sanctionner ladite clause de nullité. La Cour d’appel
de Paris a ainsi rendu une décision dans laquelle elle a estimé qu' « est nulle la clause

11
Trib. com. Marrakech, 17 juin 2010, doss. n° 420/4/10, rapporté par O. AZOUGGAR et A. EL ALAMI,
op. cit., p. 67.
12
Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN, op. cit., pp. 283-284.
compromissoire qui contient la seule mention d'un tribunal arbitral siégeant à Paris,
mention insuffisante à défaut de précision, soit du nom des arbitres ou d'une institution
arbitrage, soit des modalités de leur désignation »13.

La même position est adoptée par la jurisprudence marocaine. En atteste, à titre d’exemple,
l'arrêt émanant de la Cour d'appel de commerce de Casablanca en date du 9 février 200114.

 Les exigences requises pour accéder au statut d’arbitre :

Il convient de signaler d'emblée qu'il est des personnes qui ne peuvent, pour des
considérations d'incompatibilité avec les fonctions qu'elles exercent, être désignées comme
arbores : tel est par exemple le cas des magistrats15 puisque l'article 15 du Dahir du 11
novembre 1974 formant statut de la magistrature dispose qu'en dehors de leurs fonctions,
les juges n'ont pas le droit d'exercer, même à titre occasionnel, une autre activité, qu'elle
soit ou non rémunérée.

Les juridictions marocaines ont eu à connaître d'une affaire les parties avaient convenu de
soumettre tout litige éventuel à l'arbitrage, non pas d'une personne privée, mais d’une
juridiction étatique. Il ne s'agissait point en l'espèce d'une clause attributive de compétence
à un tribunal étatique, mais bien d'une clause compromissoire désignant ce nier comme
tribunal arbitral. La Cour suprême a rendu à cet égard une décision dans laquelle elle a
affirmé, de façon péremptoire, le principe suivant : «Il n'est pas admis de soumettre le
règlement d'un litige par voie d'arbitrage au Tribunal de commerce [de Casablanca], car la
juridiction commerciale n'est pas une institution d'arbitrage, mais fait partie de la justice
étatique »16.

Soulignons par ailleurs que le législateur a posé certaines exigences pour pouvoir accéder au
statut d'arbitre. Aux termes de l'article 320 CPC, une personne morale désignée en tant
qu'arbitre, « ne dispose que du pouvoir d'organiser et d'assurer le bon déroulement de
l'arbitrage ». Seules des personnes physiques, jouissant de leur pleine capacité, sont
autorisées à trancher, en leur qualité d'arbitres, les litiges qui opposeraient des parties.
L'article 321 CPC prescrit pour sa part que « les personnes physiques qui, habituellement ou
par profession, exercent des missions d'arbitre, soit de manière individuelle, soit au sein
d'une personne morale dont l'arbitrage est l'un de ses objets sociaux, doivent en faire la
déclaration auprès du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle elles
résident ou dans le ressort de laquelle se trouve le siège social de la personne morale ».

13
CA Paris, 17 oct. 1991, Société Entreprise Chagnaud c/ Société Arcole, rapp. par S. CREPIN, Les
sentences arbitrales devant le juge français, Pratique de l'exécution et du contrôle judiciaire depuis
les reformes de 1980- 1981, LGDJ, 1995, p. 208.
14
CAC Casablanca, 9 févr. 2001, doss. n° 119/2001/13, rapp. par O. AZOUGGAR et A. EL ALANII, op.
cit. ; p. 67.
15
Soulignons à cet égard que la jurisprudence française consacre la validité de la désignation d'un
juge pour la mission d'arbitre. Les tribunaux marocains ont, d'ailleurs, déjà eu à connaître d'une
espèce où une demande était présentée en vue d'accorder l'exequatur à une sentence arbitrale
rendue par le Président du Tribunal de commerce de Marseille.
16
CS com., 19 mai 2011 rev. Série de la jurisprudence, n° 4, 2013, p. 201.
Le procureur général procédera par la suite à l'inscription de l'intéressé sur la liste des
arbitres près la cour d'appel, et ce après avoir opéré un examen minutieux de la requête, et
vérifié notamment que le requérant qui allègue l'exercice de la mission d'arbitre à titre
habituel a fourni la preuve de la véracité de sa prétention. La note circulaire numéro 12.c.2,
émanant du ministre de la justice, a enjoint au procureur général, lors de la mise en œuvre
des dispositions de l'article 321 CPC, de faire montre de libéralisme dans son appréciation de
la valeur probante des pièces que le requérant lui soumet ; ainsi, tous les moyens de preuve
sont recevables, « notamment les décisions arbitrales produites par le déclarant qui
démontrent qu'il exerce habituellement cette mission»17.

Le procureur général aura également la tâche de s'assurer que le déclarant remplit la


condition posée par l'article 320 CPC, à savoir qu'il n'a «pas fait l'objet d'une condamnation
devenue définitive pour des faits contraires à I 'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs
ou le privant de la capacité d'exercer le commerce ou de l'un de ses droits civils ».

Observons à titre liminaire que cette disposition a exigé le caractère « définitif » de la


condamnation prononcée à l'encontre du requérant. Lorsque la décision de condamnation
pour les faits énumérés par l'article 320 CPC jouit de la force de la chose jugée, il n'y a pas
lieu à difficulté, en ce sens que la demande doit être rejetée par le procureur général.

Quid si la décision de condamnation n'est pas encore devenue définitive, c'est-à-dire, s'il
s'agit uniquement d'un jugement de première instance condamnant le requérant pour faux
témoignage, corruption, escroquerie ou faux et usage de faux..., ou encore si le jugement de
condamnation a été confirmé par la cour d'appel, mais que l'arrêt de cette dernière a fait
l’objet d'un pourvoi en cassation ? La question se pose donc de savoir si la demande tendant
à obtenir le statut d'arbitre sera accueillie, du fait que la décision de condamnation n'est
point définitive, ou si elle sera rejetée sur la base du caractère sérieux des faits pour lesquels
le requérant est poursuivi, qui ont donné lieu de surcroît à une décision émanant de juges, a
priori spécialisés et compétents, qui ont procédé à un examen méticuleux de tous les
éléments de l’affaire, puis ont conclu à la culpabilité certaine de l'accusé (le requérant), la
certitude étant bien évidemment une condition sine qua non pour prononcer un jugement
de condamnation dans la mesure où le doute profite à l'accusé.

Il est extrêmement malaisé de donner une réponse tranchée à cette question, d'autant plus
que les incidences sur la procédure d'arbitrage peuvent être désastreuses. En si l'on fait
droit à la demande présentée par un requérant ayant fait l'objet de condamnation non
définitive et qu'on lui confie la mission d'arbitrer des litiges, puis que la de condamnation
passe en force de chose jugée pendant que l'instance ou les instances arbitrales sont en
cours, ou pis, alors que des sentences viennent d'être rendues, cela pour effet d'avorter

17
Il paraît utile de souligner que cette note circulaire a précisé que l'exigence de faire une déclaration
au procureur général pour accéder au statut d'arbitre ne doit nullement être interprétée comme la
défense faite aux parties de choisir comme arbitre une personne ne figurant pas sur la liste des
arbitres agréés près la cour d'appel. La note précitée prend ainsi bien soin de rappeler que le choix
des arbitres est gouverné par le principe de l'autonomie de la volonté, et que les formalités édictées
par l'article 321 CPC ne visent qu'a faciliter la mission d'assistance à la constitution du tribunal
arbitral, dévolue au président de la juridiction compétente en vertu des articles 327-4 et 327-5 CPC.
l'arbitrage, dans la mesure où les sentences arbitrales devraient être annulées pour
constitution ou composition irrégulière du tribunal arbitral.

Nous estimons pour notre part que compte tenu de la suspicion légitime qui pèse sur le
requérant, et l'atteinte que cela risque de porter à l'institution d'arbitrage, le statut d'arbitre
devrait être refusé à cette personne.

Toutefois, nous sommes conscients que le procureur général ne dispose pas d'assise
textuelle pour rejeter la demande, la lettre de l'article 320 CPC ne s'opposant pas à ce que
tout individu dont la décision de condamnation n'a pas encore acquis la force de la chose
jugée, obtienne le statut d'arbitre et tranche les litiges qui lui seront soumis.

Nous enjoignons donc au procureur général de faire montre de sagacité, et de déployer


subtilités de raisonnement lui permettant de rejeter la demande si le requérant ne satisfait
pas à la moindre exigence légale, fût-elle infime.

Nous sommes également d'avis qu'il serait possible de pallier cette lacune en adoptant une
interprétation libérale de l'article 320 CPC, et ce en recherchant la véritable intention du
législateur, sans s'arrêter au sens littéral des termes. Cette démarche conduira certainement
à considérer que si les rédacteurs de la loi 08-05 ont exigé le caractère définitif de la
condamnation, cela est principalement dû à la présomption d'innocence qui s'attache au
requérant. Si l'examen de la décision de condamnation fait donc ressortir que le condamné,
qui souhaite accéder au statut d'arbitre, a avoué les faits qui lui sont reprochés et n'a pas
contesté ses aveux en soutenant qu'ils étaient consécutifs à une torture ou à toute autre
forme illégale de pression, exercée par la police judiciaire notamment, la présomption
d'innocence n'aurait plus lieu de jouer dans ce cas, et la requête du condamné, présentée au
procureur général conformément à l'article 321 CPC, devrait être vouée au rejet.

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